MARDI 28 SEPTEMBRE – 20H Hector Berlioz L’Enfance du Christ Première Partie : Le Songe d’Hérode Deuxième Partie : La Fuite en Égypte entracte Troisième Partie : L’Arrivée à Saïs Ensemble Orchestral de Paris Accentus Maîtrise de Paris * Laurence Equilbey, direction Vesselina Kasarova, mezzo-soprano (Marie) Paul Groves, ténor (Récitant) Matthew Brook, baryton (Joseph) | Mardi 28 septembre 28 | Mardi Laurent Naouri, baryton-basse (Hérode / Le Père de famille) Jean-Louis Georgel, basse (Polydore) Romain Champion, ténor (Centurion) Patrick Marco, chef de chœur * Coproduction Salle Pleyel, Ensemble Orchestral de Paris, dans le cadre de la collaboration artistique d’Accentus avec l’Ensemble Orchestral de Paris. L’Enfance du Christ L’Enfance Ce concert est surtitré. | Fin du concert vers 22h10. Hector Berlioz Berlioz Hector 28/09 ACCENTUS.indd 1 22/09/10 17:16 Hector Berlioz (1803-1869) L’Enfance du Christ, trilogie sacrée op. 25 (H 130) Composition : octobre 1850 à juillet 1854. Texte et musique d’Hector Berlioz. Première exécution intégrale : Paris, salle Herz, 10 décembre 1854, sous la direction du compositeur. Principaux interprètes : Mme Meillet (la Vierge Marie), M. Meillet (saint Joseph), M. Depassio (Hérode), M. Battaille (le Père de famille), M. Jourdan (le récitant). Durée : environ 100 minutes. Riche d’une diversité parfois étonnante, L’Enfance du Christ n’a pas été conçue immédiatement dans sa version complète et définitive. La Fuite en Égypte, deuxième volet d’un vaste triptyque, forme une œuvre dans l’œuvre qui fut d’abord pensée séparément et figura au programme de nombreux concerts en France et à l’étranger. Berlioz a raconté comment lui fut suggérée la toute première page de ce qu’il aimait à qualifier d’« oratoire ». Lors d’une soirée chez le baron de M., le compositeur écrivit un petit andantino pour orgue – immédiatement transformé en chœur à quatre voix –, à la demande de son ami l’architecte Joseph-Louis Duc. Pour tromper la presse et le public, il le signa du nom de Pierre Ducré, « maître de musique de la Sainte Chapelle de Paris au XVIIe siècle ». Complétée sans délai, La Fuite en Égypte date donc d’octobre 1850. L’Adieu des bergers à la Sainte Famille fut chanté pour la première fois le 12 novembre lors d’un concert de la Société philharmonique, jeune et éphémère association parisienne fondée au début de la même année et dont Berlioz assurait la direction musicale. Pour parfaire l’illusion, le compositeur expliqua que cette « musique d’ancêtres » avait été trouvée « dans une armoire murée, en faisant la récente restauration de la Sainte Chapelle ». La presse le félicita pour cette découverte archéologique, laissant parfois entendre qu’elle n’était pas dupe d’une mystification dont l’auteur se réjouissait, ravi de la « petite farce » faite aux « bons gendarmes de la critique française », toujours prompte à l’éreinter. Dans la Revue des Deux Mondes du 1er février 1854, P. Scudo déclarait à propos de La Fuite en Égypte : « Ce morceau, où M. Berlioz a voulu prouver évidemment qu’il n’y a rien de plus facile que de faire de la musique comme l’admiraient nos pères, prouve exactement le contraire. Ce pastiche, où l’on remarque des lambeaux de la Passion de Sébastien Bach, entremêlés de quelques ressouvenirs de Haendel et même de Beethoven, est un échantillon de la manière de M. Berlioz, qui, lorsque le bon Dieu lui envoie par hasard une idée, l’étouffe dans ses mains. » Malheureux compositeur… et médiocre critique ! Dès la fin de 1853, Berlioz envisagea de compléter sa « légende biblique » par L’Arrivée à Saïs qu’il acheva en avril 1854. Composé en dernier lieu, Le Songe d’Hérode devint le premier volet du triptyque définitivement terminé le 25 juillet. Il écrit à Hans von Bülow : L’Enfance du Christ formera « un ensemble de seize morceaux durant en tout une heure et demie avec les entractes. C’est peu assommant, comme vous voyez, en comparaison des Saints assommoirs qui assomment pendant quatre heures. » Restait à faire exécuter l’ouvrage. Berlioz pensa d’abord à l’Allemagne qui avait favorablement accueilli La Fuite 2 28/09 ACCENTUS.indd 2 22/09/10 17:16 MARDI 28 septembre en Égypte. Le projet d’une première parisienne se précisa cependant : « Je m’attends à perdre quelque huit ou neuf cents francs à ce concert. […] Et j’ai la faiblesse aussi de désirer faire entendre cela à quelques centaines de personnes à Paris dont le suffrage, si je l’obtiens, aura prix pour moi, et à quelques douzaines de crapauds dont, en tout cas, cela fera enfler le ventre. » Grâce à une efficace publicité, les répétitions suscitèrent l’enthousiasme et encouragèrent l’optimisme du compositeur à qui l’on prédit un succès monstre malgré l’interprétation désastreuse des enfants de chœur de Saint-Eustache. Le 10 décembre, le concert, placé sous la direction de Berlioz, se déroula à la salle Herz bondée pour l’occasion, pour une longue soirée où L’Enfance du Christ côtoyait un trio de Mendelssohn et le finale de la Symphonie n° 104 de Haydn. Parmi de nombreuses personnalités du monde artistique, le public comptait Heine, Vigny, Verdi et Cosima Liszt. L’auteur fut très satisfait de ses interprètes, en particulier des époux Meillet, « excellent couple sacré », de Charles Amable Battaille et de Depassio qui donnait « toute sa rudesse […] à la physionomie d’Hérode ». La trilogie commençait une longue carrière au cours de laquelle elle allait acquérir la célébrité, tant en France qu’à l’étranger. En décembre 1854, Berlioz pouvait affirmer : « Pour le moment, je gagne onze cents francs, pas davantage, mais tous mes frais, sans exception, sont payés et un succès foudroyant est obtenu, et quel coup porté !… et quel retentissement en Allemagne !… » La critique ne ménagea pas ses louanges, reconnaissant autant de mérites au style intimiste de La Fuite en Égypte qu’au caractère plus violent du Songe d’Hérode. L’Arrivée à Saïs fut parfois jugée légèrement inférieure du point de vue vocal. On félicita surtout Berlioz d’avoir abandonné les proportions gigantesques de ses ouvrages précédents pour en venir à la « miniature ». « Il a fait petit, mais il a fait beau, et c’est dans les arts la véritable grandeur », résumait Le Pays. En effet, la presse française, très attachée à une sorte de vocalité latine, n’avait pas toujours apprécié la complexité de la polyphonie orchestrale berliozienne à l’égard de laquelle elle entretenait une hostilité reportée plus tard sur Wagner. Cette fois, l’archaïsme du langage tint lieu de nouveauté et l’on se réjouit d’un retour à la tradition dans l’esprit classique de l’imitation des maîtres. Restaient les irréductibles qui ne voyaient dans le nouvel ouvrage qu’un « incroyable fouillis de sons et de bruits discordants » et, finalement, une musique « puérile et insensée ». « Cet enchevêtrement de rythmes, affirmait le Figaro, amène une confusion inévitable au lieu de produire de piquantes oppositions : lignes harmoniques, couleur, timbres, tout s’y estompe dans une nuit noire et un affreux gâchis. » Le compositeur lui-même reconnaissait quelques mérites à son nouvel ouvrage, en particulier à l’air de l’insomnie d’Hérode, coloré par la modalité de sa mélodie. Ce recours à la modalité restait original à une époque où les recherches historiques et paléographiques sur le chant liturgique médiéval débutaient à peine. Mais Berlioz savait aussi exprimer sa réserve à l’égard d’une œuvre moins représentative de sa personnalité et qu’il jugeait inférieure aux pages maîtresses de Roméo et Juliette par exemple. Dramatique, L’Enfance du Christ l’est assurément, au moins dans certains de ses numéros. Cependant, la trilogie ne saurait s’accommoder d’un excès d’effets théâtraux qui nuiraient 3 28/09 ACCENTUS.indd 3 22/09/10 17:16 à la douceur générale de l’œuvre. Elle ne requiert pas davantage le gigantisme orchestral d’autres fresques religieuses comme la Grande Messe des morts (1837) ou le Te Deum (1855). À l’occasion d’une exécution de l’ouvrage à la salle Herz le 25 janvier 1856, le compositeur s’estimait satisfait d’un « merveilleux petit orchestre » pour accompagner « un chœur de cinquante-quatre voix », effectif déjà évalué approximativement par la presse l’année précédente (cinquante instrumentistes et quarante chanteurs). Reliés par des récitatifs confiés à un récitant, les différents épisodes offrent une palette de couleurs richement diversifiée. Essentiellement instrumentale, la marche nocturne initiale présente un vaste crescendo-decrescendo orchestral, signé sans ambiguïté par l’auteur du Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration modernes. L’air d’Hérode, introduit par un récitatif dramatique, développe un lyrisme qui rend parfaitement l’angoisse insupportable d’un roi devinant la menace qui pèse sur son pouvoir. L’incertitude modalité-tonalité exprime le doute du monarque avant que les devins juifs ne se livrent à des évolutions cabalistiques sur un rythme asymétrique à 7/4, tandis que les ondulations des cordes soutiennent le chromatisme des bois. Le chant lugubre des devins suggère au roi l’épouvantable massacre des Saints Innocents. Hérode et le chœur se déchaînent alors dans un allegro agitato enragé dont la violence est encore amplifiée par la fanfare. Le duo de Marie et Joseph, personnages doux et sensibles, peints comme des figurines de vitrail, crée un contraste saisissant par ses mélopées naïves. Le chœur des anges appelle à sauver Jésus dans des hosannas vocalisés. La Fuite en Égypte, qui exprime la réserve et la discrétion de la Sainte Famille, montre un Berlioz inattendu : la fluidité mélodique donne matière à une polyphonie limpide, dépourvue de toute complexité orchestrale. Berlioz introduit le troisième volet de son oratorio par la narration du récitant, sobrement soutenue par les cordes et les bois.
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