J EAN-CHRISTOPHE S ERVANT “Which way Nigeria?” CHARIA, ARGENT, MORALE ET AUTOCENSURE : MENACES SUR LA MUSIQUE “WHICH WAY NIGERIA?” Charia, argent, morale et autocensure : menaces sur la musique par JEAN-CHRISTOPHE SERVANT Rapport publié par Freemuse Editeur en chef : Marie Korpe ISSN 1601-2127 Mise en page : Sigrún Gudbrandsdóttir Couverture : Ali Bature Imprimé au Danemark 2003 par HandyPrint © Freemuse 2003 Les opinions émises dans ce rapport ne sont pas forcément les opinions de Freemuse. Rapport No 04/2003 Freemuse Wilders Plads 8 H · 1403 Copenhagen K. · Denmark tel : +45 32 69 89 20 · fax : +45 32 69 89 01 e-mail : [email protected] web : www.freemuse.org PUBLICATIONS ANTÉRIEURES DE FREEMUSE : 1st World Conference on Music and Censorship (2001, ISBN: 87-988163-0-6) “Can you stop the birds singing?” – The Censorship of Music in Afghanistan, by John Baily (2001, ISSN: 1601-2127) “A Little Bit Special” – Censorship and the Gypsy Musicians of Romania, by Garth Cartwright (2001, ISSN: 1601-2127) Playing With Fire – Fear and Self-Censorship in Zimbabwean Music, by Banning Eyre (2001, ISSN: 1601-2127) TABLE DES MATIÈRES PRÉFACE 4 4.6 Religion contre musique : PRÉFACE 7 autocensure, pression, et RÉSUMÉ 9 censure sur Lagos 59 AU SUJET DE L’AUTEUR 9 INTRODUCTION 10 5. FEMI KUTI : CARTE 15 l’affaire Bang Bang Bang 5.1 Biographie 62 1. LES ANNÉES DEMOCRAZY : 5.1.1 La NBC contre Femi Kuti 66 1999-2002 17 6. GANGSTA-RAP/MAKOSSA : 2. INFORMATIONS GÉNÉRALES la morale contre les SUR LE NIGERIA « musiques du diable » 72 2.1 Religion 19 2.2 Politique 21 7. CHARIAPHRENIA : 2.3 Justice 22 harcèlement, censure et 2.4 Liberté d’expression 24 violence au Nord-Nigeria 77 2.5 Droits des femmes 27 7.1 La musique du Nord 79 3. LA MUSIQUE NIGÉRIANE 8. LES HISBAS CONTRE LES 3.1 Introduction 29 MUSICIENS HAOUSSA : 3.2 De la palmwine à la juju : l’Affaire Alhaji Sirajo Mai Asharalle 1920-1960 30 (Etat de Katsina) 81 3.3 Du Highlife à la guerre civile : 1960-1971 33 9. SANI DAN INDO, HALADJI WABA 3.4 L’Age D’or : 1972-1976 34 YARIM ASHARALLE (ETAT DE KANO) 85 3.5 Les années 80 : la fin des Majors 37 3.6 Les années 90 : Fuji style 39 10. THE KANO CENSORSHIP BOARD : 3.7 2002 : du galala à l’afro hip-hop 41 une protection pour les musiciens haoussa ? 89 4. PAS D’ARGENT, PAS DE CHANSON : comment le capitalisme nigérian affecte 11 . SABON GARI : la liberté d’expression à Lagos la peur de l’inconnue 93 4.1 Introduction 45 4.2 Laissez-faire économique et pots de vin 46 12. CONCLUSIONS ET 4.3 Piratage : la guerre silencieuse 50 RECOMMANDATIONS 95 4.4 Peur et insécurité : la musique en état de siège 52 13 . BIBLIOGRAPHIE 98 4.5 Le dilemme de l’éloge : entre la mort économique et l’esclavage mental 55 14. REMERCIEMENTS 99 Préface Comme le dit le dicton : ” Celui qui paie les violons choisit la musique ” De nombreux musiciens nigérians approuveraient aujourd'hui ce dicton alors qu’ils se battent pour une survie économique et professionnelle. De plus, NTBB (Not To Be Broadcasted = A ne pas diffuser), payola, ainsi que les lois islamiques de la charia sont une atteinte à la liberté d'expression musicale au Nigeria. Autrefois, le Nigeria était le cœur palpitant de la musique africaine. Le fameux FESTAC (Festival de la Culture Africaine) s'y tint en 1977 et des milliers de musiciens du monde entier s’y réunirent pour profiter de la musique et pour organiser une coopération au-delà des frontières. Le Nigeria est encore considéré comme un centre important et vivant de la musique populaire africaine avec ses grands artistes tels que feu Fela Kuti, Femi Kuti, King Sunny Ade, Lagbaja! et Tony Allen, pour ne nommer que quelques-uns. Le légendaire Fela Kuti a été emprisonné un bon nombre de fois, au temps où il était une personne puissante et influente aussi bien musicalement que politiquement, et où il utilisait sa position pour critiquer ceux au pouvoir (le gouvernement) par sa musique puissante. Ce quatrième rapport de Freemuse ”WHICH WAY NIGERIA?” - CHARIA, ARGENT, MORALE ET AUTOCENSURE : MENACES SUR LA MUSIQUE, examine les différents aspects et raisons qui empêchent les musiciens de s’exprimer librement au cours de leurs représentations, leurs enregistrements, leurs retransmissions et de vivre décemment de leur profession. Comme la politique, l’argent et la religion vont de pair, nous devons comprendre la complexité du problème. Dans le nord du pays, l’interprétation à la lettre des lois de la charia a récemment condamné à mort trois femmes pour cause d’adultère. Ce fut largement suivi par les médias internationaux au cours de l’année dernière, tout comme les meurtres tragiques survenus au cours des préparatifs de l’élection de Miss Monde. 4 La musique et les représentations musicales ont été fortement touchées, réduites et censurées par les groupes islamiques et les gouvernements locaux. En juin 2002, le gouvernement local de l’Etat de Jigawa a banni le tambour et les chants, et dans l’Etat de Kano, un bureau de censure fut créé, non pas pour censurer la musique, mais bizarrement, pour la contrôler et pour protéger les musiciens locaux en péril. Comme Femi Kuti l’explique dans ce rapport : ” Un orchestre comme le mien ne peut pas jouer dans le nord du pays. Les danceurs se feraient lapider. Je serais poursuivi. ” La censure sur la musique a été instaurée par les états, les religions, les systèmes éducatifs, les familles, les détaillants et les groupes de pression – et, dans la plupart des cas, ils violent les conventions internationales des droits de l’homme. Néanmoins, très peu de recherches ont été faites et peu de documents rassemblés sur le sujet de la censure en musique. Pourquoi est-il important de rassembler de la documentation et de discuter de la censure en musique dans un monde où les guerres, la faim et les effets négatifs de la globalisation économique semblent être bien plus prioritaires ? Depuis des milliers d’années, la musique a été une des expressions culturelles les plus essentielles. La musique a été une partie importante de toutes les cultures dans la vie de tous les jours, lors des célébrations, des cérémonies, pour le plaisir, et a servi de nourriture à l’âme. Afin d’aborder le phénomène omniprésent de la censure en musique et d’enquêter sur le manque d’intérêt de ces violations de libertés d’expression, la 1ère Conférence Mondiale sur la Censure en Musique a été organisée à Copenhague, au Danemark, en 1998. A l'issue de cette conférence, FREEMUSE – (Freedom of Musical Expression = Liberté d'Expression Musicale) - le Forum Mondial de la Musique et de la Censure fut créé avec son secrétariat en l’an 2000. Freemuse reçoit des fonds du Ministère danois des Affaires étrangères et de l’Agence suédoise de Coopération internationale au Développement. Ce rapport : ”WHICH WAY NIGERIA?” - CHARIA, ARGENT, MORALE ET AUTOCENSURE : MENACES SUR LA MUSIQUE,a été rédigé par Jean-Christophe Servant, qui s’est rendu pour la première fois au Nigeria en 1998, une année après la mort de Fela Kuti. Depuis, il y est retourné cinq fois. En mai 2002, Freemuse a demandé à Jean- Christophe de se rendre à nouveau au Nigeria, pour y enquêter sur les cas de 5 censure et rassembler la documentation relative à ces cas, ainsi que de décrire la situation actuelle dans le pays. Ce rapport est publié en anglais et en français. Je voudrais exprimer ma reconnaissance à M. Daniel Brown pour l’examen de ce rapport et sa traduction en anglais, à Mme Isabelle Thoreson et à M. Adebayou Olukoshi pour leur aide dans ce rapport. Marie Korpe Directrice générale de Freemuse Copenhague, 17 février 2003 6 Préface J'ai découvert le Nigeria en automne 1998. Fela Anikulapo Kuti était décédé depuis plus d'un an. Après quinze ans de dictature militaire, le pays s'apprêtait à renouer avec la démocratie. Depuis, j'ai séjourné par cinq fois dans cette République. Nation exceptionnelle, tant par sa population (122 millions d'habitants) que par ses entrelacs ethno-religieux (250 ethnies), cette fédération de 36 états ne pouvait évidemment pas être ici abordée dans toutes ses problématiques. En fin de rapport, une bibliographie est proposée à tous ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur l'histoire du géant africain. Reste que s'il y a bien un pays dont la Grande Histoire est intimement liée à celle, plus petite, de la musique, c'est bien celui-ci. Les hauts et les bas de l'industrie de la musique - de l'expansion qu'elle vécut durant l'âge d'or du boom pétrolier, jusqu'aux travers qu'elle endure depuis la fin des années 70 - sont ainsi une parfaite métaphore du gouffre économique dans lequel a chuté la 6ème puissance pétrolière mondiale. Les entraves à la libre expression que rencontrent les musiciens nigérians, pris aujourd'hui entre l'enclume des dieux et le marteau de l'argent, le dogme de la religion et le diktat du capitalisme sauvage, sont particulièrement emblématiques des nouvelles lignes de fractures qui menacent le devenir d'un pays qu'on considérait, il fut un temps, comme la locomotive de l'Afrique. Aujourd'hui, ce qui fut la première puissance musicale du continent africain, ressemble à un tanker naviguant à vue dans une mer déchaînée. En trois ans et demi de régime Obasanjo, les émeutes ethno-confessionnelles, majoritairement instrumentalisées par les anciens et nouveaux tenants du pouvoir sur fond de désespoir économique, ont causé la mort de 10.000 Nigérians.
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