Septentrion. Jaargang 3 bron Septentrion. Jaargang 3. Stichting Ons Erfdeel, Rekkem 1974 Zie voor verantwoording: http://www.dbnl.org/tekst/_sep001197401_01/colofon.php © 2011 dbnl i.s.m. 5 [Nummer 1] la politique néerlandaise de la tradition aux doutes j.j. vis Né en 1933 à Wormerveer (province de la Hollande septentrionale). Suivit le cours de journalistique à l'Institut des sciences de communication de l'Université d'Amsterdam et du Droit néerlandais à l'Ecole supérieure d'économie de Rotterdam. Exerça plusieurs fonctions en tant que journaliste du Haagsche Courant, de l'Algemeen Dagblad, du Gemeenschappelijke Persdienst à La Haye, et du Nieuwe Rotterdamsche Courant-Handelsblad. Conseiller de presse auprès de l'ambassade des Etats-Unis à La Haye. Depuis 1973, il donne le cours de droit constitutionnel à l'Université de l'Etat de Groningue. Collaborateur permanent du NRC-Handelsblad. Depuis 1963, il publia de nombreux articles sur la politique intérieure néerlandaise dans plusieurs journaux et revues. Adresse: 't Wit 6, Eext (Drente), Pays-Bas. Le delta des grands fleuves du nord-ouest de l'Europe, où se situe depuis cent cinquante ans le royaume des Pays-Bas, a subi à travers les siècles de fortes influences étrangères. De même que les grands cours d'eau et la mer du Nord ont été déterminants pour le paysage et le climat, les habitants du plat pays ont toujours eu affaire à des Septentrion. Jaargang 3 idées et des événements qui se développaient au-delà de leurs frontières mais qui se répercutaient jusque dans le delta. Les Pays-Bas furent souvent un point de rencontre et une frontière. Les empereurs romains occupèrent la moitié du pays. La partie méridionale subit des influences gallo-romaines très fortes tandis que la partie septentrionale garda son caractère germanique et ne fut christianisé que beaucoup plus tard. Il en alla de même pour la Réforme: le calvinisme s'enracina surtout au nord des grands fleuves. Pendant deux siècles, les dirigeants calvinistes considérèrent le sud catholique comme une province arriérée. Il a fallu attendre la longue occupation française pour que le pays acquît son unité actuelle. Toutefois, les différences historiques subsistent encore jusqu'à nos jours et les moments importants de l'histoire politique des cent cinquante dernières années témoignent d'une relation remarquable avec ce qui se passe à l'étranger. Les Pays-Bas ne devinrent une unité que très tard. Au dix-septième siècle, on y passa du particularisme féodal à celui des riches villes commerciales. Les Pays-Bas conquirent des colonies sans jamais devenir une force impérialiste, car jamais personne n'a voulu fonder un empire et le commerce d'outre-mer était bien plus bénéfique. Lorsque la démocratie parlementaire se développa au siècle der- Septentrion. Jaargang 3 6 nier, se manifestèrent successivement des familles politiques différentes dont quelques-unes remontaient à un passé assez lointain. Leur caractère fermé ne fut ébranlé qu'après la seconde guerre mondiale. Les frontières se font plus vagues et tendent à disparaître peu à peu. Ce phénomène qu'accompagna la transformation rapide d'un pays commercial agraire en un pays industrialisé moderne et très peuplé se trouve à l'origine d'une crise politique fondamentale et de longue durée dont on n'aperçoit pas encore la fin. Le début de la démocratie parlementaire aux Pays-Bas se situe en 1848, l'année de la révolution. La monarchie autocratique y perdit beaucoup de son prestige. Le pouvoir politique fut transféré du roi à un petit groupe de bourgeois aisés, à la bourgeoisie libérale. Sous la direction de leur chef de file Johan Rudolf Thorbecke, ils dotèrent le pays des structures administratives qui, dans les grandes lignes, sont restées inchangées jusqu'à nos jours. Les libéraux de 1848 et des années suivantes ne manifestèrent pas des caractéristiques de classe bien prononcées. Leur attitude se définit le plus facilement de façon négative: ils n'étaient pas ouvertement anticléricaux ni manifestement capitalistes. Les Pays-Bas possédaient à peine quelque industrie importante. Autant les matières premières que le know how leur faisaient défaut. La monarchie éclairée de Guillaume ler, le premier et unique roi du royaume des Pays-Bas englobant la Belgique et les Pays-Bas, s'était surtout consacrée à la promotion de l'industrialisation de la Belgique, tout en laissant les provinces du nord telles qu'elles étaient, c'est-à-dire un pays agraire aux intérêts commerciaux considérables. Il en résulta que pendant plusieurs décennies, les Pays-Bas n'ont pas connu les masses prolétaires caractéristiques des pays industrialisés. En fait, en comparaison avec la Belgique et l'Angleterre, ils n'ont jamais connu de prolétariat. La conception du monde de cette première génération de libéraux se caractérisait surtout par l'idée de la séparation absolue entre l'Etat et l'Eglise. Pas d'immixtion des autorités publiques dans les affaires ecclésiastiques, telle fut leur devise. Les conséquences de cette attitude furent doubles. Pour les catholiques fut créée la possibilité d'instaurer une hiérarchie épiscopale, ce qui devint à la fois la base pour l'émancipation ultérieure de la partie catholique romaine du peuple néerlandais. Du côté protestant, la réaction fut différente. Le protestantisme renaissant, et notamment le mouvement du ‘Réveil’, ne s'orientait plus vers ce que l'on pourrait appeler la ‘confessionnalisation’ de l'Etat, mais il chercha sa force dans l'isolement. Ainsi, la séparation formelle de l'Etat et de l'Eglise ressortit finalement une conséquence identique pour les principaux groupements confessionnels. On mit surtout l'accent sur l'identité de son propre groupe. Cela se manifesterait surtout dans le secteur de l'enseignement. A côté de l'enseignement neutre sur le plan religieux organisé par l'Etat, tant les catholiques que les protestants voulaient des écoles spéciales où prévaudrait leur propre conception philosophique de la vie. Pour réaliser cet objectif, ils durent s'organiser politiquement. Le premier parti politique selon les critères modernes fut un groupement calviniste. En 1878, le pasteur Abraham Kuyper fonda l'Anti-Revolutionaire Partij (le Parti Septentrion. Jaargang 3 7 antirévolutionnaire). Celui-ci se considère comme l'héritier direct des calvinistes du dix-septième siècle et se caractérise par son aspect dogmatique et austère. Le parti prit position contre une gestion libérale de l'Etat. La préposition ‘anti’ était dirigée contre les principes et les idées de la Révolution française. Les extensions successives du droit de vote amenèrent une clientèle électorale toujours plus importante. Le parti recruta et recrute encore ses électeurs parmi les classes moyennes des petits bourgeois, des agriculteurs et des artisans. En dépit de certains aspects antipapistes, il aboutit à une entente avec les catholiques qui, eux aussi, ‘se fondent sur la même racine de la foi’, comme l'exprima Kuyper. L'Etat libéral, voilà l'ennemi commun qui atténue les divergences de vue. A la fin du dix-neuvième siècle, l'organisation politique des catholiques était bien moins solide. A la suite d'une minorisation séculaire, ils ne disposaient pas d'une organisation qui pût les appuyer électoralement. De plus, le système électoral en vigueur à l'époque, à savoir le système des districts électoraux, fit en sorte que la grande concentration des électeurs catholiques au sud des grands fleuves fut sous-représenté dans les deux Chambres. Dans le bloc de la ‘coalition chrétienne’, le parti protestant dirige et adopte une attitude particulièrement antithétique à l'égard des libéraux moins bien organisés. La lutte se concentre sur ce que l'on appellerait ultérieurement l'émancipation des groupes catholique et calviniste de la population. Plusieurs stades intermédiaires préparent enfin le moment de la pacification. La modification de la Constitution de 1917 instaura l'égalité complète en matière juridique et financière de l'enseignement public et de l'enseignement confessionnel. Les libéraux et les confessionnels se mirent d'accord sur ce qui les divisait le plus. Dorénavant, la collaboration au niveau gouvernemental serait possible. L'année 1917 connaît un autre événement politique de première importance, à savoir l'instauration du suffrage universel. Surtout les sociaux-démocrates peuvent l'inscrire à leur compte. Etant donné l'absence d'un prolétariat industriel important, ils ne deviennent un parti valable dans l'arène politique que juste avant 1900. Mais au cours des premières années du vingtième siècle, leur influence s'accroît très vite. Après des dissensions internes brèves mais intenses, ils optent pour le révisionnisme allemand. Leur objectif: réaliser le suffrage universel pour aboutir par la voie parlementaire à un important programma de législation sociale. Pourtant, la vague révolutionnaire de 1918 les rend incertains. Aux Pays-Bas comme dans l'Allemagne voisine, la monarchie serait-elle également écartée? Certains socialistes doivent y avoir songé. La révolution n'a pas sérieusement menacé les Pays-Bas, mais les socialistes s'étaient rendus suspects aux yeux des partis bourgeois. Leur pacifisme prononcé et leur attitude antimonarchique latente les éloignerait durant des années encore de toute participation à un gouvernement de coalition. La pacification de 1917 entre libéraux et confessionnels et l'instauration du suffrage universel alla de pair avec une modification du système électoral. Le système des districts électoraux fut abandonné pour celui de la représentation proportionnelle, qui est toujours en vigueur aux Septentrion. Jaargang 3 8 Pays-Bas. Il s'agissait là du dernier cri en matière de démocratie dans la plupart des pays de l'Europe occidentale au lendemain de la première guerre mondiale. Tout spécialement aux Pays-Bas, ce système entraîna des modifications importantes. Dans le pays fort divisé politiquement, il rendit quasiment impossible toute formation de majorités gouvernementales cohérentes et il accentua la division. Le système proportionnel mit fin à l'influence des comités électoraux locaux et contribua à établir le pouvoir des partis nationaux.
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