LA MORALISME FEMINISTE DE GEORGE SAND A B S T R ACT L'objet du présent mémoire est d'examiner la "pensée contes­ tataire" qui a fait juger scandaleux par l'Eglise et ses contemporains, les romans que G. Sand a publiés de 1837 à 1849. Son féminisme et son socialisme paraissaient fort dangereux à l'époque. L'étaient-ils vraiment? Le socialisme de l'auteu~ est inexistant: le Chapitre l montre qu'elle n'a pas appliqué le concept de classes sociales à son analyse de la société : elle n'y voit que des individus. Quant au féminisme, il prend d'abord la forme d'une révolte contre l'institution du mariage dont elle a été victime. Mais les réformes qu'elle propose n'ont rien de juridique : un grand amour partagé suffit à résoudre le problème, ainsi que le montre le Chapitre II. Les deux chapitres suivants analysent le rôle que G. Sand entend voir jouer à la femme dans la société : elle la voit douée d'une nature plus raffinée que celle du sexe fort, et lui réserve l'éducation des enfants, la pratique de la charité, la formation morale. Est-ce une position révolutionnaire? Certes non. C'est du Rousseau romantique Toutefois, la foi de G. Sand dans la perfectibilité de l'homme et le combat qu'elle mène pour le progrès des lumières par l'instruction universelle sont en opposition avec la philosophie bourgeoise de la société louisphi1ip­ parde. Par sa générosité de coeur, son idéal de fraternité chrétienne, et la confiance qu'elle place en son propre sexe, G. Sand fait avancer, même si ses romans sont litté­ rairement médiocres, l'idéal démocratique. Diane Hodgson-Verdon Master of Arts French Department LE MORALIS!,E FEIr1IinST~ DE GEORGE SAND DANS SON O~VRE ROMANESQUE ENTRE 1837 ET 1849 Diane Hilary Hodgson-Verdon Thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research, McGill University, in partial fuliilment of the degree of lriaster of Arts. :leœrt::ent of ?re::c!l !~rch 1971 La..~~ a.~è. Li te~ t".u-e 1. TABLE DES rUTIERES l NTRODUCTI ON •••••••••••••••••••••••••••••• 2 CHAPITRE l • . • , • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 15 CHAPITRE II ••••••••••••••••••••••••••••••• 42 CHAPITRE III •••••••••••••••••••••••••••••• CHAPITRE IV ••••••••••••••••••••••••••••••• CONCLUSION •••••••••.•••••••••••••••••••••• 122 BIBLIOGRAPHIE ••••••••••••••••••••••••••••• 133 INTRODUCTION 3. ~évoltée contre son milieu, contestant par la plume et par l'action, Geor~e Sand redevient d'actualité. Cette thè- se a comme but de réexaminer une partie de l'oeuvre roma- nesque sandienne afin d'en dégager les éléments socialis- tes et féministes. George Sand était-elle vraiment révo- lutionnaire? L'ima~e la plus répandue d'Aurore Dudevant par- venue jusqu'à nos jours la représente comme femme émancipée, vivant en marge de la société louis-philipparde, et n'ac- ceptant pas ses normes. Cette description s'applique-t-elle à George 3and ou est-ce plutôt une légende qui s'est créée autour de cette femme si énigmatique? La vie mouvementée de cette femme de lettres semble soutenir ce mythe. Née le 1er ~uillet 1805 à Paris, Aurore Dupin a une double ascendance, noble et roturière. Son père, iyiaurice Dupin, de famille noble, est le fils d'Aurore de Saxe et Claude Dupin de Francueil. L'arrière-grand-père de George Sand était donc Maurice de Saxe, fils naturel du roi de Polo~ne, Auguste II, et d'Aurore de Koenigsmark, futur r.laréchal de France. Gr, si mon père était l'arrière-petit­ fils d'Auguste II, roi de Pologne, .•• , il n'en est pas moins vrai que je tiens au peuple par le sang, d'une manière tout aussi intime et directe. l.:a mère était une oauvre enfant du vialx pavé de Paris; son père, Antoine Delaborde, était ~itre uaulmier et maître oiseleur . 1) ~eorge Sand attribue donc en partie son amour pour le peuple à l'hérédité. ~n 1808, la mort accidentelle de j,'.aurice Dupin J 4. obli~e Aurore à résider chez sa grand-mère paternelle, à Hohant. A partir de 1817, Aurore est envoyée au Couvent des Augustines anglaises, rue des Fossés-Saint-Jacques, à Paris, où elle subit une crise de mysticisme dont elle gar­ dera la réminiscence toute sa vie. Sortie, elle s'éprend de Casimir Dudevant, qu'elle épouse en 1822. Son premier enfant, liiaurice, naît l'année suivante. Les joies de la maternité effacent pendant quelques temps l'ennui con.iugal. George Sand prend son rôle de mère au sérieux et elle porte toute son attention à ses enfants. Son rôle de mère passe même avant sa carrière littér~ire et ses nombreuses aventu­ res amoureuses. Cette attitude maternelle ne sera pas sans influence sur son oeuvre. Bientôt déçue par le mariage, Aurore Dudevant cherche des compensations ailleurs. Elle fait la connaissance d'Aurélien de 3èze pendant un voyage dans les Pyrénées. D'après sa correspondance, cette amitié fut entièrement pla­ tonique. Tel ne semble pas être le cas de celle qu'elle par­ tagea avec Stéphane Ajasson de Grandsagne, qu'elle rencon­ tre en 1827. Désormais, Aurore Dudevant connaîtra une longue suite d'amants, ·Jules Sandeau, r.:érimée, Alfred de ~usset, le Docteur Pagello, Michel de ~ourges ••• Ce der­ nier l'aide à engager une procédure en séparation avec son mari, laquelle est prononcée le 1er août 18;6. intre 1837 et 1847, ~eorge Sand mène une vie relative­ ment calme et littérairement féconde. ;,~aitresse de rrédéric 5. Chopin, elle le soutient et le soigne maternellement pendant neuf ans. L'année 1847 marque un tournant dans la vie de George Sand. La rupture définitive avec Chopin (juillet 1847) et la révolution manquée de 1848 la déçoivent. Elle se tourne de plus en plus vers la retraite tranquille à Nohant où elle continue à écrire des romans champêtres et des pièces de théâtre. A cause de sa grande générosité pour les pau- vres, on la surnomme "la Bonne Dame de Nohant". Elle passe les dernières années de sa vie à Nohant, entourée de ses petits-enfants qui feront la joie de leur grand-mère, qui meurt à Nohant le 8 juin 1876. Ce rapide survol nous a permis de signaler les événe- ments les plus importants de la vie de George Sand. Pour une biographie plus détaillée, nous renvoyons le lecteur à l'étude d'André Maurois 1 Lélia ou la vie de ~eorge Sand (Parisl Hachette, 1952). Cette vie mouvementée fut accompagnée d'une production littéraire abondante. Dès 18)1, George Sand publie son premier roman, Rose et Blanche. en collaboration avec .Tules 3andeau. A partir de cette date, George Sand vit de sa plume. Pendant quarante-cinq ans elle ne cesse d'écrire. L'étendue de son oeuvre littéraire ne nous permet pas d'ana- lyser tous ses écrits: L'édition des Oeuvres comnlètes com­ prenà 109 volumes, publiés sans ~o­ maison, d'abord chez ~etzel-:ecou (1853-1855) en ce qui concerne les 21 premiers volumes, puis chez ~:ichel Lévy (aUjourd'hui Calmann-~é~:) (le56-(2) 1897), pour les 88 volumes suivan~s. 6. I-ious avons choisi pour notre étude une douzaine d'années que nous avons estimées particulièrement intéressante~ du point de vue des idées. De 1837 à 1849, George Sand s'in­ téresse aux doctrines socialistes. Ses opinions se reflè­ tent dans ses romans et, vers 1845, ses croyances socialis­ tes y occupent une très large place. La séparation d'Aurore Dudevant, le 1er août 1836, marque un tournant dans ses écrits aussi bien que dans sa vie. Avant cette date, George Sand condamne le mariage à cause de la position inférieure que la femme y occupe. Ses romans plaident pour les droits de la femme dans le mariage, et ses réflexions semblent dues à son expérience conjugale personnelle. r.:ais ;.~uprat, publié en août 1837, montre qu'un changement s'est opéré dans l'orientation de sa pensée. Se tournant vers les questions sociales, elle est moins vindicative. Elle vise maintenant à construire et non à détruire. Cette tendance se montre de plus en plus, au fur et à mesure qu'elle subit l'influence de ses diverses connaissances. C'est qu'en effet, aux environs de 1836, ~eorge Sand commence à fréquenter des intellectuels d'allégeances di­ verses. C'est l'époque où elle se lie d'amitié avec l'abbé }'élici té de Lamennais. ~lle fait aussi la connaissance des chefs du parti républicain: ;::arie ::;arnier-Pagès, Larbès, Carnot, Ledru-Rollin, etc. bientôt, ~lle considère les 7. républicains comme ses amis, ses maîtres, ses frères." (3) ~lle s'intéresse aussi aux doctrines socialistes de Pierre Leroux, et fait de lui son idole en introduisant ses idées dans ses romans pendant dix ans. Il est important de souligner que Lamennais, les ré­ publicains et les socialistes apportent à ~eorge Sand au­ tant d'inspirations diverses et même, quelquefois, contra- dictoires. EClectique, elle puise ici et là les idées qui viennent à l'appui de ses intuitions, tout en y ajoutant une saveur personnelle. En ce qui concerne toutœ ces in- fluences "progressistes" qui ont agi sur la pensée san- dienne, il est malheureusement impossible de séparer l'ap­ port personnel de la masse des emprunts. Elle était répu­ blicaine sous Louis-Philippe, comme tous les gens de gauche, mais elle était en même temps séduite par la générosité nébuleuse des socialistes. plais ce ne fut jamais une so­ cialiste désirant une révolution. C'est une évolutionniste, qui cherche encore l'Age d'Cr dans le perfectionnement des individus. Les romans publiés entre 1837 et 1849 ~t ~ombreux et présentent plus ou moins d'intérêt littéraire. :'ous en avons choisi un certain nombre qui sont particulièrement intéressants pour les idées qu'ils contie~~ent.
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