UNIVERSITE DE LIMOGES ECOLE DOCTORALE n° 525 Lettres, Pensée, Arts et Histoire Équipe de recherche Espace Humains et Interactions Culturelles (EHIC) t Thèse a r o pour obtenir le grade de t c o DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE LIMOGES d e Discipline : Littérature comparée d présentée et soutenue par e s è Daniele TUAN h T le 6 février 2016 Est ? Est ?? Est ??? Récits de voyage dans les anciens pays d’Europe de l'Est (1989 - ) Thèse dirigée par Bertrand WESTPHAL JURY : Président du Jury : Mme Odile Gannier, professeur à l'Université Nice Sophia Antipolis Rapporteurs : Mme Odile Gannier, professeur à l'Université Nice Sophia Antipolis Mme Anna Zoppellari, professeur à l'Università degli Studi di Trieste Examinateurs : M. Till Kuhnle, professeur à l'Université de Limoges M. Bertrand Westphal, professeur à l'Université de Limoges Ai buoni compagni di viaggio TUAN Daniele | Thèse de doctorat : Littérature comparée | Université de Limoges | Février 2016 2 Remerciements Je tiens tout d'abord à remercier la région Limousin pour m'avoir fait bénéficier d'une bourse de thèse et Bertrand Westphal pour ses conseils et pour avoir accepté de m'accompagner tout au long de ce parcours. Je tiens aussi à remercier tout particulièrement pour leur lecture attentive et leurs conseils Myriam Soria et Nadine Pestourie et plus largement mes parents, mon frère et mes amis d'Italie et de France qui m'ont encouragé et soutenu. Mes remerciements vont enfin et surtout à Béatrice Léoment. TUAN Daniele | Thèse de doctorat : Littérature comparée | Université de Limoges | Février 2016 3 Droits d’auteurs Cette création est mise à disposition selon le Contrat : « Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de modification 3.0 France » disponible en ligne : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/ TUAN Daniele | Thèse de doctorat : Littérature comparée | Université de Limoges | Février 2016 4 Sommaire Introduction...............................................................................................................................6 Partie I Espace de voyages, espace d'écritures.....................................................................20 Chapitre 1 Les frontières du récit de voyage........................................................................21 Chapitre 2 Récit de voyage et fiction....................................................................................36 Chapitre 3 Le récit de voyage au XXIe siècle......................................................................52 Chapitre 4 Le récit de voyage : mode d'emploi....................................................................63 Partie II Espace de stéréotypes, espace de frontières..........................................................84 Chapitre 1 Nouvelles frontières pour une nouvelle Europe..................................................85 Chapitre 2 À la recherche de la frontière orientale.............................................................103 Chapitre 3 D'une utopie à l'autre.........................................................................................120 Partie III Un espace dystopique, entre déterritorialisation et reterritorialisation.........133 Chapitre 1 Le paysage post-communiste............................................................................134 Chapitre 2 Le temps du capitalisme....................................................................................153 Chapitre 3 La mémoire du communisme entre oubli et nationalisme................................177 Partie IV L'Europe exotique, d'un espace dichotomique à un espace pluriel.................210 Chapitre 1Histoires secrètes................................................................................................211 Chapitre 2 L'Europe polyrythmique....................................................................................237 Chapitre 3 Forêts ! Forêts !! Forêts !!! L'espace in(dé)fini.................................................262 Conclusion..............................................................................................................................275 Bibliographie.........................................................................................................................280 Notes bio-bibliographiques...................................................................................................293 Cartes.....................................................................................................................................298 TUAN Daniele | Thèse de doctorat : Littérature comparée | Université de Limoges | Février 2016 5 Introduction La légende narre qu'en 1111 l’évêque Joannes Deuc, qui devait se rendre à Rome à l'occasion du sacre d'Henri V, envoya en éclaireur son domestique afin que celui-ci repère les tavernes offrant les meilleurs vins, car il fallait bien se désaltérer. La tâche du serviteur, que l'on imagine fort ingrate, consistait à inscrire sur la porte des auberges le mot « est » suivi d'un point d'exclamation si le cru en question était de bonne qualité, suivi d'un deuxième « est » avec deux points d'exclamation si le nectar était excellent. Or, lorsque l'homme de confiance eut goûté le vin de la localité de Montefiascone, dans le Latium, il ne put s’empêcher d'ajouter un troisième « est » suivi de trois point d'exclamation : « est ! est !! est !!! ». En bon connaisseur des goûts de son maître il contenta l’évêque qui, après avoir accompli son devoir auprès du Saint Siège, s'installa à Montefiascone où sa passion ne tarda pas à le conduire auprès du Seigneur, comme l'indique l'épitaphe gravée sur sa tombe. Il eut toutefois le temps de demander qu'à chaque anniversaire de sa mort sa tombe fût arrosée de ce vin1. Aujourd'hui, les voyageurs partent encore à la recherche de l'« est », mais celui-ci a désormais un tout autre sens. En effet, depuis que le latin n'est plus la langue des cours européennes, le mot en question ne sert plus à localiser les bons nectars. Il n'est même plus la locution verbale « il y a ». Il se résume à un terme géographique indiquant celui des quatre points cardinaux qui est au soleil levant. Toutefois, en Europe, pendant presque un demi- siècle, le terme « est » n'a pas indiqué seulement un point géographique, mais aussi la partie du continent qui, après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, entra dans la sphère de contrôle soviétique. Comme le laissait entendre Winston Churchill dans son célèbre discours prononcé le 5 mars 1946, à l'université de Fulton dans le Missouri, en présence du chef de l'exécutif américain – un discours que l'on considère aujourd'hui comme le point de départ officiel de la guerre froide : 1 La tombe se trouve dans l'église de San Flaviano, à Montefiascone, et porte l'inscription suivante : EST EST EST PR(OP)T(ER) NI(MI)V(M) EST HIC IO(ANNES) DEVC D(OMINUS) MEVS MORTVS ES(T), (C'est ici que, pour [avoir bu] trop d'Est, mourut mon maître Jean Deuc). Cf. Claus Riessener, « Viaggiatori tedeschi a Montefiascone e l'origine della leggenda dell'Est, est, est », Biblioteca e società, IV, n° 3-4 (1982), pp. 1-14. Depuis 1966, « Est ! Est !! Est !!! » est une appellation d'origine contrôlée. TUAN Daniele | Thèse de doctorat : Littérature comparée | Université de Limoges | Février 2016 6 De Stettin [Szczecin] sur la Baltique jusqu'à Trieste sur l'Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. Derrière ce rideau se trouvent toutes les capitales des anciens États d'Europe centrale et orientale. Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia, toutes ces célèbres villes et leurs populations résident dans ce que je dois appeler la sphère soviétique, et sont toutes sujettes, sous une forme ou une autre, non seulement à l'influence soviétique, mais à un contrôle intense qui, dans de nombreux cas, est croissant, émanant de Moscou. Seule Athènes – la Grèce et ses gloires immortelles – est libre de décider de son avenir par des élections sous la surveillance britannique, américaine et française2. Si Churchill parle encore d'Europe centrale et d'Europe orientale, depuis ce discours et jusqu'en 1989, on parlera plutôt d'une Europe de l'Est communiste et d'une Europe de l'Ouest capitaliste. La chute du mur de Berlin, l'effondrement du système communiste et la fin de la guerre froide ont soulevé nombre de discussions et de débats sur leurs conséquences à la fois sur le plan mondial et européen. Pour certains, il s'agit de la fin de l'histoire et de la consécration du libéralisme3. Pour d'autres, c'est en revanche le commencement d'une nouvelle forme d'antagonisme non plus idéologique, mais civilisationnel4. En même temps, la chute du mur a remis au centre de la scène européenne un espace longtemps resté à l'écart, prisonnier des clichés de roman d'espionnage ou bien d'une propagande partagée entre anticommunistes et pro-communistes. Des questions se posent alors sur ce qu'est l’Europe, son sens, ses limites et même sa dénomination, car, comme l'observe le géographe Michel Foucher, « l'ancienne Europe dite ''de l'Est'' est redevenue, dans les représentations courantes, l'''Europe centrale et orientale''. Cette modification sémantique signale un changement géopolitique de cette partie mal définie de l’Europe, le quatrième depuis le début du siècle5 ». Parmi les nombreux travaux consacrés à l’Europe de l'Est par des historiens, des géographes, des économistes, des sociologues, des anthropologues, etc., on recense aussi un certain nombre de textes classés sous l'étiquette « récits de voyage ». C'est justement
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