The Alan Bown

The Alan Bown

<p><strong>DU MÊME AUTEUR </strong></p><p><strong>THE SEX PISTOLS</strong>, Albin Michel, <em>1996 </em><strong>OASIS</strong>, Venice, <em>1998 </em><strong>DAVID BOWIE</strong>, Librio, <em>1999 </em><strong>IGGY POP</strong>, Librio, <em>2002 </em></p><p><em>A N ikol a A cin, alway s o n m y m ind </em></p><p><strong>Un livre édité par Hervé Desinge Coordination : Annie&nbsp;Pastor </strong></p><p><strong>© 2009,&nbsp;Éditions Hoëbeke, Paris </strong></p><p><a href="/goto?url=http://www.hoebeke.fr" target="_blank"><strong>www.hoebeke.fr </strong></a></p><p><strong>Dépôt légal : mai 2009 ISBN : 9782-84230-351-8 </strong></p><p><strong>Imprimé en Italie </strong></p><p><strong>NICOLAS </strong><br><strong>UNGEMUTH </strong></p><p><strong>#</strong></p><p><strong>Préface </strong></p><p><em>pa r A ndrew Loo g O ldham </em></p><p>apparence profonde et préoccupée par son temps,il n’en était rien : elle était plus préoccupée par l’argent.L’histoire et en particulier ces périodes dominées par le multimédia tout-puissant nous montrent que (désolé John etYoko) la guerre est loin d’être finie et que nous étions des ahuris enfumés pour croire que nos égarements lysergiques pourraient donner une <em>chance à la paix</em>.Dylan est demeuré au-dessus de la mêlée ;les Stones ont tenté quelques coups décents comme“Street Fighting Man”;les Beatles ont vécu et sont morts en studio ;lesWho ont signé“Tommy”et sont allés à Broadway et les autres...Ah,les autres...La brigade des branleurs américains débauchés qui s’étaient défoncés au point de ne pas pouvoir assurer ce deuxième round primordial et toute cette merde en jeans et dollars...Crosby,Stills,Nash et le reste,ce pseudo-vertige tumultueux de l’ordinaire pour foules embrumées dans les stades.Leurs chansons...Merci pour les souvenirs... <br>LES SIXTIES,ou d’ailleurs la fin des années 1940 et les années 1950 qui les ont inspirées,sont loin d’être achevées.Elles continuent de miner,déterminer et servir de modèle visuel et sonore à presque tout ce qui vaut la peine d’être salué par nos yeux,oreilles,cœur, troisième œil et cerveau aujourd’hui.Et tout est dans la musique. </p><p>Le cinéma,au fond,est mort pour diverses raisons. Premièrement,nous sommes tous des stars.Deuxièmement, la musique,lorsqu’elle nous parle,s’exprime plus fort et plus sincèrement que ce cinéma contrôlé par des comités de direction et la technologie.Et troisièmement,ces règles ont précipité Hollywood,Bollywood et même notre charmant et vivifiant Froggywood vers la technopoubelle et l’emprise de studios produisant des noms de marques plus adaptés à du parfum,des lunettes noires ou des publicités pour bagages de luxe qu’à une manne à fantasmes.La musique n’a pas succombé à la mainmise sournoise du monde de l’entreprise,ni au malaise du cybershop, car on peut jouer autant de solos de guitare imaginaires qu’on veut dans la salle de réunion des grands chefs,mais on ne pourra jamais rivaliser,ni tuer le live. <br>C’est la deuxième partie des sixties,la période 1963-1967 qui reste le vrai joyau de la couronne.On n’a rien fait de meilleur,elle demeure le cœur charpenté de la bête d’aujourd’hui et de demain.Sa structure et son éthique survivent.Ces sixties deuxième période ont été un jeu de hasard.Nous avons pris des drogues au lieu de les laisser nous prendre.Nous ne nous sommes pas fait étrangler par le room service, les pontes de l’industrie et les notes de frais et le plus beau dans l’affaire,c’est que tout cela pouvait disparaître en un instant. Les écrits étaient d’une frivolité optimiste,mais inspirés par le savoirfaire de nos idoles.Sans aucun doute,la plupart des séances d’écriture de John et Paul et de Mick et Keith ont commencé sur un clin d’œil aux Everly Brothers,à Chuck Berry ou Buddy Holly.Nous avons réussi dans un monde où le public nous avait choisis,où l’industrie souhaitait qu’on disparaisse afin de retourner àYves Montand et Matt Munro.Après le règne du hippie en jeans de la troisième période,les Sex Pistols n’ont pas attaqué le monde mais l’industrie musicale et ont oublié de charger leurs flingues avec des chansons. <br>La division des années 1960 suscite un peu plus la confusion. Il y a au moins trois phases.La première commence au milieu des années 1950 et dure jusqu’en 1963.Quoique fondamentalement super ringarde à bien des égards,elle ratisse large.Elle englobe tout le monde d’Elvis à Brel,de Little Richard à Chet Baker, de Peter Sellers à Fats Domino,de Dylan à Françoise Hardy, de Lenny Bruce à Leonard Cohen et d’Eddie Cochran à Chabrol. Et le tout,en prime,a eu le bonheur d’être en noir et blanc. </p><p>La deuxième phase,qui a existé de 1963 à 1967,parlait plus fort et faisait la fête au lieu de se plaindre.Les Beatles,Stones,Kinks,Who et Dylan,encore lui (il reste le seul artiste à succès dont l’œuvre et l’opinion sont pertinentes à chaque décennie,en grande partie grâce à la façon dont il vit avec et sur la route).La troisième période,de 1967 à 1972,gueulait encore plus fort mais,bien que fondamentale et en <br>Cet ouvrage est un éloge de la pop immortelle, celle qu’on a faite lorsqu’on s’en sentait capable. Je suis fier de vous le présenter... </p><p><strong>BOGOTA, COLOMBIE, juillet 2008&nbsp;(ces mots sont dédiés à notre ami Nikola Acin) </strong></p><p><strong>Introduction </strong></p><p><em>par Nicola s U ngemuth </em></p><p>C’est toujours une histoire de passeur...Quelqu’un donne les clés qui ouvrent la porte.Il suffit d’avoir la chance de le trouver. </p><p>On découvreTamla Motown,Stax,lesAction,les Creation,la scène Mod ou northern soul avec PaulWeller. <br>Les Flamin’ Groovies,les Standells et le ChocolateWatchband avec Dominique Laboubée... <br>Tommy Johnson,Willie Brown,Barbecue Bob et le Delta blues avec Jeffrey Lee Pierce. <br>John Coltrane,Herbie Nichols,Thelonious Monk et le jazz modal avecTomVerlaine et encore Jeffrey Lee Pierce. <br>HankWilliams,Waylon Jennings et Bob Dylan avec Chuck Prophet et Dan Stuart. <br>Les anthologies Harry Smith avec Bob Dylan. <br>Bascom Lunsford,celui de“IWish IWasA Mole InThe Ground”,avec Harry Smith. </p><p>Si on est curieux,ce qui est plus amusant, on remonte le fleuve, jusqu’à sa source,en </p><p>Et puis, finalement, avec les Jam, tellement référencés, aussitôt après j’ai découvert l’Histoire. Et la vie a changé. Elle est devenue plus grande puisqu’il y avait plus de choix. Soudain une compilation des Kinks avait autant d’importance que le nouvel album des Specials. Ilnedevaitplus jamaisy avoir, </p><p>dans matête,dedistinctionentre <em>l a n ouveauté</em>, </p><p>ceconceptdestinéàalimenter uneindustrie encarburantetluifournir sonnécessaire chiffred’affaires annuel,et <em>l’ancien</em>,sachant que toute véritable œuvre d’art,contrairement à l’électroménager,est faite pour durer : un disque n’est pas un aspirateur. </p><p>prenant son temps. </p><p>Et puis un jour, sans même s’en rendre compte, on se retrouve, ému, devant les tombeaux de Schütz, Buxtehude, Bach, voire Pérotin et HildegardVon Bingen, là où le chemin s’arrête. Et on se dit que le voyage a été sublime. Que nous avons eu, nous aussi, nos propres années de pèlerinage, pour citer Liszt... Tout cela, c’est la même chose. Bonne musique, mauvaise musique. Musique viscérale, musique insignifiante. Musique sacrée, musique profane. Musique pure, musique diluée. </p><p>En fin de compte,écouté un matin de 2008,“MysteryTrain”, </p><p>capté en 1954 dans le minuscule — je le sais, j’y&nbsp;suis allé — studio Sun de Memphis, est plus définitivement moderne que le single de Madonna enregistré il y a un an. C’est le secret :quand c’est bon, ça dure. Il n’y a plus de datation sensée, plus de carbone 14. Il n’y a plus de nostalgie. Il n’y a plus de temps qui passe. Il n’y a plus de réaction ou de progressisme. Il y a le disque, et plus précisément la chanson. Ce qui nous intéresse... <br>Musique jetable, musique éternelle. En scrutant la pochette de“Time Is On My Side” — les Stones sur les Champs-Elysées presque vides de voitures, l’air défiant et quasi obscènes — lorsque j’avais huit ans, j’y voyais déjà quelque chose d’éternel, quand ce disque avait en réalité été enregistré avant ma naissance. En écoutant les Pistols vingt-quatre mois plus tard, j’entendais sans le savoir, plus lesWho, les Small Faces et les Creation que leVelvet Underground ou les Stooges. En aucun cas, malgré toutes leurs fracassantes déclarations, les Sex Pistols n’étaient issus d’une génération spontanée <em>sans racines </em>et faisant table rase </p><p>du passé (<em>“No Elvis, Beatles o r T he Rolling Stones </em></p><p><em>in 1977”</em>, chantaient les Clash. Cette bonne blague. Un an plus tard, ils tournaient avec Bo Diddley...). <br>On trouvera ici, dans ce livre, quelques gagnants et beaucoup de perdants. Une somme de ratés ! Ce sont, à quelques rares exceptions près, les oubliés de l’histoire :responsables d’une, deux, trois grandes chansons. </p><p><strong>008 </strong></p><p>En quelques clics, certains, affamés, se sont tout pris d’un coup. Ce festin pour les goinfres ! Quelques centaines de giga-octets dans l’iPod. Des milliers de morceaux. Des raretés en veux-tu en voilà... Deux ou trois nuits pour s’enfiler ce que nous avions mis une vie à traquer. Et c’est heureux :aux quatre coins de la France, des jeunes de quinze ans qui montaient des groupes de rock and roll, qui lisaient Rock&amp;Folk et qui s’apprêtaient à jouer au Gibus, ont découvert tout ça, ces machins vieux de quarante ans, et ils se sont dit qu’en fin de compte, ça leur parlait nettement plus que Radiohead... </p><p>Quelques 45 tours,&nbsp;un bref tango avec la gloire et puis hop ! c’était déjà fini pour eux. </p><p>On les pensait oubliés, jusqu’au jour où, atteignant son âge d’or, paradoxalement juste avant de disparaître, l’industrie de la réédition en CD a ressorti ses vieilles malles pleines de métaux précieux d’une manière dont on n’aurait même pas rêvé à l’époque du sacro-saint vinyle.WeThe People. Birds.Artwoods, Eyes.Tout est ressorti. Même ce qui n’était pas sorti <em>à l’époque </em>! Tout, d’un coup, est devenu disponible... En 1980, quand on était jeune Mod, il fallait se contenter de quelques compilations desWho, des Small Faces et de deux ou trois anthologies Motown. Si quelques <em>faces </em>jouaient les ténors en citant, par exemple, les Birds, personne n’en avait jamais vu le moindre disque, introuvable de toute manière. Personne n’avait non plus jamais entendu ne serait-ce qu’une seule fois le“Bert’sApple Crumble”deThe Quick, désormais classique archi usé des soirées mod. Mais là, à partir de la fin des années 1990, ça a été le grand déballage. Et en version <em>deluxe </em>s’il vous plaît. Des intégrales, des bonus, des remasterisations, des pochettes somptueuses, des labels spécialisés </p><p>Dans les salles pleines de sueur et de bière tiède résonnaient soudain les accords déflagrateurs de“Gimme Some Lovin’ ”. </p><p>Partout on se faisait les dents sur“Strychnine”, “MakingTime”et“You Burn Me UpAnd Down”. Un soir, Manœuvre m’envoie un SMS : </p><p><em>“Minuit, Gibus, 48°C à l’ombre. Les XXX </em>(dont j’ai oublié le nom) <em>te dédien t ‘ Don’t Look Back’ </em></p><p><em>des Remains.” </em>Quelques semaines plus tard, j’allais moi-même ambiancer le Gibus à grandes giclées d’Artwoods, Sorrows, Creation et dans l’exhumation trente-six carats. De nouveaux coffrets <em>Nuggets</em>, encore mieux que l’album fondateur du même nom, sont tombés dans les bacs... Le message, rapidement, est passé, et souvent sur Internet. northern soul. J’observais, derrière la vitre, une foule adolescente dont la beauté,l’élégance, le narcissisme et l’énergie semblaient sortir directement des trottoirs de Soho il y a quarante ans. </p><p><strong>009 </strong></p><p>Un futur jeune écrivain et un chanteur chic bientôt très médiatisé passaient en cabine : </p><p><em>“Merci pour tout, c’est grâce à vous qu’on a découvert Chris Clark et les Remains...” </em></p><p>J’avais été, un court instant, passeur moi aussi. Et c’était la plus grande satisfaction de ma vie de très modeste journaliste, <br>Fleshtones, Fuzztones, Chesterfield Kings, Prisoners, Milkshakes, Godfathers et soiréesAcid Rendez-Vous à Paris. Puis les Jesus &amp; Mary Chain. Puis Jon Spencer. Puis lesWhite Stripes et enfin, Shades, Naast, etc., qui, sans tomber dans le revivalisme, ont su capter l’essence de leur noblesse dans cette forme de musique tellement pure. En 1999, pour Rock&amp;Folk, j’avais proposé à Manœuvre une rubrique garage plus critique que journaliste, d’ailleurs... </p><p>Garage, mod, freakbeat, </p><p>(Garageland) puis une autre consacrée aux groupes anglais et intitulée Swinging London, suite à l’apparition des Strokes et desWhite Stripes. Jusque-là, j’avais toujours considéré que tout le monde connaissait forcément ces groupes. C’était impensable qu’il en soit autrement. Et puis je voyais, dans les pages du journal, des histoires de concerts improvisés dans des bars à Paris. Les jeunes avaient la classe et semblaient être avides de découvertes soniques. </p><p>british beat, popsyke... </p><p>Peu importe le label, le barbarisme invariablement renouvelé, c’est la même chose. Une esthétique. Une élégance. Une fulgurance. Un éclair zébrant les enceintes, un orage magnétique à domicile. Mince, il faut l’entendre pour le croire :pousser“Psycho”des Sonics dans la platine, par exemple.Tout tremble, tout s’effondre. Soudain, c’est la vie ! Et lorsque arrive“How Does It FeelTo Feel”des Creation, c’est l’épiphanie, la génuflexion et bonsoir. </p><p>Je me suis dit :<em>C’est l’heure. Feu !.</em>.. </p><p>Le truc n’en finit plus de séduire. </p><p>C’est bien la preuve qu’on tient là quelque chose de très spécial. Déjà, même pas dix ans après </p><p>Et puis un jour, à l’occasion de la sortie française de sa merveilleuse autobiographie, </p><p>j’ai interviewé longuementAndrew. Andrew Loog Oldham. L’homme qui incarne le Swinging London et les sixties à lui tout seul. Celui que Malcolm McLaren a tenté, en vain, d’égaler, quand il arrivait à peine à l’imiter. Celui qui conseillait aux jeunes de détrousser les aveugles et de leur le big bang fondateur, ça avait germé à nouveau. Dès 1973.YvesAdrien se mettait à chanter le rock électrique et citait les Shadows Of Knight. Bowie reprenait les PrettyThings et les Sorrows sur ses“Pin Ups”. Lenny Kaye, futur Patti Smith Band, sortait son <em>Nuggets </em>fondateur sans lequel les Clash et les Buzzcocks n’auraient probablement pas existé. Puis encore plus tard, Purple Hearts,TV Personalities, </p><p><strong>010 </strong></p><p>taper sur la tête pour se payer“December’s Children”des Stones, qu’il, comment dire, gérait. Embellissait. Il était encore plus magnifique face à moi que je ne l’avais imaginé. avions low cost...Ils ont même,ces vaillants soldats,des causes à défendre : réchauffement de la planète,plein emploi, sacs en papier maïs,fruits de saison... Retraite à quatre-vingt-dix ans ! Ils se frottent les mains,ils vivent intensément ! <br>Vif argent. Lumineux. Hilarant. Ce soir-là, j’ai passé des disques à la soirée privée en son honneur dans un club en bas de l’avenue Marceau. Cet honneur ! Il paraît que Polanski a dansé.Andrew lui-même aurait esquissé quelques pas entre deux Perrier. </p><p>Les époques défilent mais </p><p>ne se valent pas.<sup style="top: 0.0003em;">C’est terrible de </sup></p><p>l’admettre,et c’est sans doute la raison pour laquelle peu de gens,en fin de compte,acceptent de s’y résigner. Pourtant,n’importe quel historien, <br>Je n’ai rien vu, trop occupé à choisir les pépites piochées dans la manne Immediate, son label mythique. Le plus beau label indépendant de l’histoire du rock. C’est ma fierté personnelle. En vingt ans de journalisme... Interviewer Iggy, Kurt Cobain, Lou Reed, John Cale, Gainsbourg, Keith Richards ? Rien à foutre ! L’ennui mortel... J’ai donné, avec tous ceux-là. Donnez-moi un quart d’heure avecAndrew et je suis un homme heureux. Lui passer des disques en public ? Encore mieux. même en herbe,le sait parfaitement. On s’éclatait un peu plus durant l’antiquité qu’au bas MoyenAge. On faisait plus de musique sous Louis XIV que chez Dagobert... On a fait plus de bons films dans les années 70 que dans les années 80. On a joué du meilleur jazz dans les années 50 que dans les années 90. C’est un fait. Ce n’est pas bien grave, d’ailleurs, il faut seulement le savoir, être prévenu : il y a des périodes d’avancées brutales, de grands coups de reins vigoureux, et d’autres où tout le monde ronfle pendant quelques décennies, parfois même quelques siècles ! Moi, je regarde une photo d’Andrew Oldham en 1966 et je comprends tout, subito. </p><p>Et ce n’est pas une obsession, toute cette histoire de rock </p><p>soixante... <sup style="top: 0.0007em;">Il y en a encore qui doutent, </sup></p><p>qui posent la question :c’est quoi ce truc avec les sixties, cette fascination ? Ils pensent, les simples d’esprit, qu’ils vivent une époque formidable. LeVélib pour tous, l’espérance de vie jusqu’à cent trente ans ! La pizza à la roquette ! Le commerce <em>équitable </em>(l’idée même est amusante). Le téléchargement et les </p><p><strong>011 </strong></p><p>Je comprends l’adéquation parfaite entre un lieu, un </p><p>LesAnglais ont débuté les hostilités. Brutaux à l’origine, obsédés par l’Amérique noire, puis sophistiqués, dandys, vaudevillesques, incroyablement blancs et britanniques, pour ne pas dire élisabéthains. </p><p>homme et une époque<sup style="top: 0.0007em;">(pour </sup></p><p>le destin, c’est encore autre chose)... J’y vois de la fantaisie et de la légèreté. J’y vois la beauté d’une épopée naissante à qui tout semble promis. J’y vois l’émergence du principe de jeunesse, avant que le principe ne se transforme en dictature. J’y vois, allez, le vrai début du vingtième siècle.Avant, ce n’était que guerres et après-guerres, avec quelques bals costumés entre les deux. Même les avant-gardes des années vingt étaient, dans le fond, les conséquences ultimes des grands mouvements tectoniques artistiques de la fin du dix-neuvième. Breton brandissant Lautréamont etAloysius Bertrand, Picasso et Klee citant Odilon Redon, Cocteau vénérant Félicien Rops, Le Corbusier tétant Marx du soir au matin, etc. <br>LesAméricains, en retard, ont repris en main vers 1966 ce que faisaient lesAnglais en 1963 et l’ont poussé à son paroxysme. C’est le rock garage :une déformation desWho, desYardbirds, des PrettyThings, des Stones et desThem vus par les ploucs d’une Amérique encore incroyablement arriérée. Au même moment, alors qu’en Floride, auTexas ou en Californie, c’est un déluge de fuzz et de Farfisa, les Brits étaient passés au clavecin et au violoncelle, et délaissaient le blues et le rock and roll des pionniers, après s’être entichés de la soul... En attendant que le psychédélisme n’arrive, que la technique et les drogues contemplatives prennent le pas et que le sérieux s’installe pour longtemps. C’est alors, sans doute, qu’on a rangé la pop, frivole, honteuse puisque légère, d’un côté, et le rock avec un grand R, fréquentable, quasi Mao, limite universitaire, d’un autre. </p><p>Dès 1963, avec les Beatles, c’est un monde nouveau. <sup style="top: 0.0003em;">Neuf. </sup></p><p>Notre Renaissance à nous :soudain, la lumière entre dans le tableau. Une fête perpétuellement recommencée, un cache-cache effectué à pas de géant et en motifs pop art :que s’est-il passé, au juste, entre“Love Me Do”et“A Day InThe Life”, entre“Surfin’ USA”et“God Only Knows”, entre“Come On”et“RubyTuesday”, durant ces six petites années, 1962-1968, où tout a changé ? Personne ne le sait, personne ne se l’explique. C’est la beauté du truc :on n’y comprend rien. <br>Une nouvelle ère allait s’installer durablement jusqu’à ce que le glam puis les punks, en un sens les vrais descendants et héritiers des Mods de 1964, ne décident de tout bousculer. L’espace de quelques mois, seulement. </p><p><strong>012 </strong></p><p></p><ul style="display: flex;"><li style="flex:1">C’est le printemps à Paris, </li><li style="flex:1">Je ferme les yeux. Je vois </li></ul><p>Andrew Oldham,Terence Stamp, Michael Caine, Terence Donovan et David </p><p>Bailey.<sup style="top: 0.0013em;">Et les <em>dolly birds</em>, Jean et </sup></p><p>Chrissie Shrimpton, Marianne Faithfull, Anita Pallenberg,Twiggy, Sandie Shaw. Toutes resplendissantes et tellement </p><p>modernes. <em>John Stephen’s </em>et <em>His Clothes </em></p><p>à Carnaby Street. Lorsque c’était l’artère jugulaire du monde et pas encore la vitrine vulgaire et décrépie d’une navrante mondialisation imposant partout ses même enseignes uniformes. </p><p>Je vois <em>The Scene</em>, le <em>Flamingo</em>, le <em>Cromwellian</em>, le <em>T w iste d W heel </em>à Manchester. </p><p>Avoir vingt ans, non pas dans lesAurès mais à Chelsea, en 1966.Voilà un programme. Pour homme et pour femme. Au lieu de quoi, on a les jeux Olympiques à Pékin, Paris-Plage et Danny Boon. Certains s’en satisfont ;à vrai dire, il n’y a pas vraiment le choix. </p><p>comme dans la chanson. </p><p>Entre les commémorations diverses et variées de Mai 68, j’écoute“Get Off My Cloud”au casque, très fort, à la terrasse d’un café de </p><p>Saint-Germain-des-Prés :<em>“I live in an apartment on the ninety-ninth floor of my block...”, </em>etc. </p><p>Le <em>“Hey !” </em>introductif. La caisse claire en roulé-boulé incessant. Instantanément, la chair de poule, les yeux humides. Pour la millième fois. En face de moi, l’antique drugstore est remplacé par un magasin sans charme. Je me souviens de l’ancien, dédale d’un autre temps.Tellement amusant dans sa fausse élégance moderne instantanément ringarde. J’imagine celui de King’s Road. Je l’ai vu, celui cité dans“You Can’tAlways GetWhatYouWant”:c’est un triste MacDonald’s maintenant... Quelques mois auparavant, à Londres toujours tellement plus vive que Paris, je passais devant Cheyne Walk et Edith Grove. Puis Sheperd’s Bush, ex-territoire <em>modernist </em>par excellence, mais où était donc ce Goldhawk mythique où sont nés lesWho ? Que de fêtes ici, que de rêves... Tiens, ici se tenait le Marquee originel. Et là, sur Oxford Street, le vaillant 100 Club est encore debout. Combien de générations de Mods a-t-il vu passer puisqu’il y a peu encore s’y organisaient régulièrement des <em>allnighters </em>northern soul mémorables ramenant beaucoup de beau monde, <br>Cela n’empêche pas de rêver. C’est important d’avoir de quoi rêver. En écoutant quelques disques,c’est encore le moyen le plus fort,le plus rapide </p><p>et le moins cher...<em>Ready</em>, <em>steady</em>, <em>go</em>... </p><p>de Bobbie Gillespie à Noel Gallagher ? Et même le festival punk en 1976... </p><p>Le week-end commence ici. </p><p><strong>013 </strong></p><p><strong>THEACTION </strong></p><p><strong>Les plus délicats de la classe Mod </strong></p><p>Les mods, les premiers en tout cas, n’écoutaient pas de Blancs, et encore moins desAnglais, à quelques exceptions près... Georgie Fame, qui pastichait le jazz post-bop, était adulé, et Chris Farlowe, qui avait une <br>De la pure <em>blue eyed soul</em>. En reprenant, et de quelle belle manière, des perles comme“I’ll Keep On Holding On”, “Harlem Shuffle”,“Since I Lost My Baby”,“In My Lonely Room”,“Just Once In My Life”,“I LoveYou (Yeah !)” (des Impressions),“Land OfThousand Dances”ou“Wasn’t It You”, lesAction mettaient le pied dans le mille de la culture moderniste, d’où ils venaient. Favoris du circuit mod, de Brighton à Manchester, ces hommes allaient même se faire produire par, on se tient bien, George Martin en personne. Le saint homme a mis en boîte une petite vingtaine de titres grandioses pour lesAction, qui sont aujourd’hui considérés comme le Graal total du trip mod originel, et à juste titre. Ces merveilles totales allient le son (Rickenbacker claire), le look (écharpes et hispsters parfaits) et l’attitude voix démentielle, passait pour un authentique <em>soul brother</em>... Maintenant, pour les groupes... LesWho transformés en mods de toutes pièces par leurs managers, les Small Faces adulés par les jeunes filles de neuf ans, non, non, non. C’était impensable... Et même si, en 1966 ou 1967, le vrai mouvement mod était totalement fini — l’âge d’or était en 1964 — les poches de résistance s’étaient trouvé le groupe parfait... Un vrai mod n’aurait jamais écouté de pop comme lesWho la pratiquaient alors, encore moins avec toute cette vilaine distortion. Les Small Faces, qui avaient bien débuté, fichaient subitement </p><ul style="display: flex;"><li style="flex:1">la honte en reprenant des titres de Mort Shuman. </li><li style="flex:1">(refus total de la saturation). En 1968, malgré plusieurs singles </li></ul><p>grandioses produits par George Martin pour EMI, mais sans aucun album, lesAction faisaient leurs adieux pour accomplir différents projets plutôt marqués par le trip West Coast américain... avant de se reformer à la fin des années 90 suite aux demandes à répétition de leur fan n° 1... Phil Collins. Oui, Phil Collins est un ancien mod, fanatique du batteur desAction, Roger Powell. C’est même lui qui a financé un DVD montrant cette réunion un peu triste. Comme quoi, même les anciens mods peuvent devenir de parfaits abrutis. <br>Un seul groupe avait le mérite absolu :TheAction. La classe totale.Weller, qui avait rédigé les notes de pochette de la première réédition vinyle du groupe, l’avait bien dit : </p>

View Full Text

Details

  • File Type
    pdf
  • Upload Time
    -
  • Content Languages
    English
  • Upload User
    Anonymous/Not logged-in
  • File Pages
    17 Page
  • File Size
    -

Download

Channel Download Status
Express Download Enable

Copyright

We respect the copyrights and intellectual property rights of all users. All uploaded documents are either original works of the uploader or authorized works of the rightful owners.

  • Not to be reproduced or distributed without explicit permission.
  • Not used for commercial purposes outside of approved use cases.
  • Not used to infringe on the rights of the original creators.
  • If you believe any content infringes your copyright, please contact us immediately.

Support

For help with questions, suggestions, or problems, please contact us