Faculteit Letteren en Wijsbegeerte Academiejaar 2007-2008 L'idée de la tolérance dans les Essais de Michel de Montaigne. Elke Van Landeghem Promotor: Dr. Alexander Roose Verhandeling voorgelegd aan de Faculteit Letteren en Wijsbegeerte tot het behalen van de graad van licentiaat in de Taal- en Letterkunde: Romaanse Talen TABLE DES MATIÈRES Avant-Propos 3 Chapitre I: Vers une première retraite: Le constat d'échec de la vie active et l'opposition à la sociabilité pervertie. 14 1. Un paradoxe initial. 14 2. Le choix de la retraite face à la prédestination naturelle de l'homme à la sociabilité. 14 2.1. Les sources inspiratrices du désir de quiétude. 16 2.2. Les conditions de retraite de la vie sociale axée sur l'Autre. 19 3. Le paradoxe de l'impossible amitié avec les contemporains. 21 3.1. Au-delà de l'ambition: L'urgence d'une «arriere boutique» permanente et «toute sienne». 21 3.2. La condition problématique de vivre «par la relation à autruy» face à l'amitié. 25 4. La sagesse dérobée: La méfiance généralisée vis-à-vis de ses contemporains. 28 4.1. L'accusation des magistrats et le masque du mensonge coupable. 29 4.2. L'accusation du peuple et le masque de l'indifférence. 33 Chapitre II: Vers une deuxième retraite: La question du renouveau de la sociabilité de l'essayiste à partir du choix positif d'un art de vivre «pour soy». 37 1. La vie oisive parmi les lettres. 37 2. La continuation de la «vie hors de soi de l'insensé» dans le refuge campagnard. 38 2.1. De vieilles passions entraînées dans la nouvelle occupation de «la mesnagerie». 38 2.2. La suppression des affections naturelles: «Desprenons nous de toutes les liaisons qui nous ata- chent à autruy». 41 3. La «vraie solitude»: «La plus grande chose du monde, c'est de sçavoir estre à soy». 49 3.1. La préméditation consciencieuse du projet positif de la vie «pour soy». 49 3.2. Un art de vivre «pour soy» «non penible»: Une déclaration d'intention au sein de la douce oisiveté. 50 3.2.1. Un art de vivre «pour soy» «non penible». 50 3.2.2. La détermination des règles de conduite d'un art de vivre «pour soy» «non penible». 52 3.2.3. Une déclaration d'intention: Du souci de soi au souci d'autrui? 54 3.3. Un art de vivre «pour soy» «ny ennuyeu[x]»: La conduite de la Pensée à travers «l'estude des lettres». 58 3.3.1. Un art de vivre «pour soy» «ny ennuyeu[x]». 58 3.3.2. «Le langage d'Épicure sous la tente de Zénon». 62 3.3.2.1 L'allocentrisme stoïcien du refus de la vie active axée sur Autrui. 62 3.3.2.2 L'allocentrisme stoïcien de la contemplation subjective du bonheur privé. 67 3.3.2.3 L'allocentrisme de l'art de vivre «pour soy» de l'essayiste. 70 1 3.3.3. La détermination des pratiques d'un art de vivre «pour soy» «ny ennuyeu[x]». 71 3.3.3.1 L'attitude du sage à l'égard du monde: La prise de conscience ontologique de Soi. 74 A. La dilatation métaphysique du Moi dans la Nature cosmique: Le relativisme moral envers les acquis culturels de la civilisation. 75 B. La prise de conscience de soi-même comme élément de la Nature vivante: Le relativisme ontologique envers les acquis culturels de la civilisation. 93 C. Le principe existentiel de «naturam sequi» face à l'accoutumance: Le relativisme épistémologique envers les acquis culturels de la civilisation. 114 3.3.3.2 La modification de soi: La bonne conduite de la Volonté rationalisée. 119 3.3.4. Les pratiques de soi: Du gouvernement de soi au gouvernement d'autrui? 134 3.4. Le constat d'échec de la vie théorique et le lent mûrissement du projet de contemplation de soi. 143 Chapitre III: Vers une troisième retraite: La question de l'amitié avec soi-même à partir de l'écriture de l'autoportrait. 148 1. Le piège de l'oisiveté et le constat d'échec du contrôle de soi. 148 2. La conceptualisation du projet autobiographique. 150 3. L'écriture de soi d'un mélancolique: Un acte allocentrique? 161 3.1. «Et puis, pour qui escrivez vous?» 161 3.2. Le rapport de l'essayiste avec lui-même. 165 3.2.1. Le fait implique une série de jugements: L'indépendance dans le jugement. 167 3.2.2. Le jugement aboutit à un fait: L'indépendance exprimée dans le fait. 170 3.2.3. La dialectique du jugement et du fait: Vers une expression du Moi au-delà de l'auto- portrait. 173 3.3. Le rapport de l'essayiste avec le lecteur. 179 Conclusion 180 Bibliographie 186 2 AVANT-PROPOS «Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant?» (Voltaire, Dictionnaire Philosophique Portatif, entrée 'Fanatisme', 1764) Anticipant de près de deux siècles l'épineuse interrogation de Voltaire que voici, Mi- chel de Montaigne articule dans l'essai Des Boyteux la profonde affliction qu'il ressent de- vant la violence dogmatique de son propre temps en soulignant que, d'après lui, «c'est met- tre ses conjectures à bien haut pris que d'en faire cuire un homme tout vif» (III, 11, 1032, B)1. Cette observation sommaire de l'essayiste dépasse le simple trait de crayon descriptif de l'autoportrait dévoilant une nature sensible, pour rendre compte d'une attitude réfléchie de modération et d'humanisme en matière politique. En raison de ces qualités, la critique littéraire tend à accueillir les Essais comme une large préface aux traités de tolérance et de pacifisme des Lumières, dessinée avec audace sur la toile de fond de recrudescences des antagonismes religieux de la France du XVIième siècle. Cependant, ces seuls traits de modération idéologique et d'improbation des procédés de répression violente ne sauraient suffire au sein du discours de la pensée contemporaine sur la tolérance qu'à condition de s'étendre au niveau concret de la disposition active d'ou- verture d'esprit du sujet vers la particularité culturelle, considérée comme enrichissante, d'autrui. L'acception moderne du terme, qui reconnaît ses origines dans le cosmopolitisme européen naissant des années cinquante, contraste en effet désagréablement avec les con- notations globalement péjoratives qui se rattachaient au XVIième siècle à cette notion sous influence de l'urgence morale avec laquelle cette attitude avait été introduite dans le dis- cours politique de l'époque. Fondé sur le sens étymologique du verbe latin tollere qui dési- gnait originairement l'aptitude de l'individu à supporter jusqu'à une certaine limite un ma- laise physique2, l'usage renaissantiste du terme observe ainsi essentiellement l'attitude bienveillante en politique consistant à accepter de manière provisoire la dualité religieuse issue de la Réforme en vue de la restitution d'une paix civile durable au sein de la patrie. 1 Michel de MONTAIGNE, Les Essais, Éditions Pierre Villey-Saulnier, Paris, Quadrige/Presses Universitai- res de France, 2004. Les références indiquent successivement le livre (chiffre romain), le chapitre, la ou les page(s) ainsi que la strate textuelle concernée: A (1580 ou 1582), B (1588) et C (Exemplaire de Bordeaux). 2 Voir Claude-Gilbert DUBOIS, «Tolérance», in: Philippe DESAN (éd.), Dictionnaire de Michel de Montai- gne, Paris, Honoré Champion, 2004, pp. 981-982. 3 À l'occasion des États Généraux à Orléans du treize décembre 1560, le Chancelier de France Michel de L'Hospital (1505-1573)3 avait en effet prêché la tolérance civile comme remède plus efficace que les armes à l'unification définitive du pays en proie à de graves crises idéologiques. Pourtant, si le Chancelier s'était montré prêt à croire que les hérétiques étaient susceptibles de revêtir bien et dûment leur rôle politique de citoyen au sein de la communauté civile en dehors de toute considération de leur opinion religieuse, il n'en es- timait pas moins, suivant la conception générale de l'époque, que la coexistence harmo- nieuse de deux confessions dans un même royaume était par définition irréalisable4. Mal- gré les initiatives courageuses du Chancelier à anéantir le rêve du Cardinal de Guise qui voulait établir en France à la manière de l'Espagne la «très sainte Inquisition», Michel de L'Hospital ne semble de cette façon pas avoir persisté dans la voie du relativisme générali- sé qu'il avait déclenché dans la politique nationale de son époque en instaurant l'impunité judiciaire dans le cas de la seule dissidence religieuse. Ainsi, quant à la tolérance culturelle, il semble que les convictions de la Réforme s'avéraient trop divergentes des vérités tradi- tionnellement reconnues du christianisme dans l'opinion publique pour que l'on puisse ré- duire les discordances à «des variations du code sémantique [...] introduit[es] [...] en fonc- tion d'un ordre symbolique»5. Tout en soulignant la rareté de ce genre de réflexions au XVIième siècle, les spécialis- tes signalent pourtant l'existence précoce à la Renaissance d'une «tolérance proprement religieuse de la diversité confessionnelle» laquelle obéissait principalement «à trois sortes de mobiles» intellectuels d'après Arlette Jouanne, à savoir la «conscience de la faillibilité humaine, [le] respect des opinions d'autrui, [et la] conviction qu'il existe plusieurs chemins pour connaître et adorer Dieu»6. Afin de mieux pouvoir délimiter le champ de notre en- quête sur la tolérance socioculturelle de Montaigne selon l'acception moderne de la notion, il convient ainsi de retracer d'emblée dans quelle mesure la clémence politique que montre 3 Théodore SEITTE, en réminiscence des nobles tentatives de Michel de L'Hospital d'apaiser les troubles internes, attribue au célèbre Chancelier de France le surnom d'«apôtre de la tolérance au seizième siècle».
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