Wake up Mes Bons Amis! La Représentation De La Nation Dans L’Œuvre Cinématographique De Pierre Perrault, 1961-1971

Wake up Mes Bons Amis! La Représentation De La Nation Dans L’Œuvre Cinématographique De Pierre Perrault, 1961-1971

Wake up mes bons amis! La représentation de la nation dans l’œuvre cinématographique de Pierre Perrault, 1961-1971. Mémoire Mathieu Bureau Meunier Maîtrise en histoire Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada © Mathieu Bureau Meunier, 2015 Résumé Ce mémoire traite de l’un des courants idéologiques dominants de la Révolution tranquille au Québec, le néonationalisme. Dans les pages qui suivent, nous analyserons ce courant à travers le regard de l’un de ses protagonistes, le cinéaste Pierre Perrault. Nous voulons savoir de quelle façon celui-ci se représente la nation et comment il interprète les changements sociopolitiques des années 1960 et 1970. Pour ce faire, nous nous attarderons sur ses cinq premiers longs métrages, réalisés et commercialisés entre 1961 et 1971. Ces films nous renseignent sur la façon dont Perrault perçoit la nation québécoise. Selon le cinéaste, cette dernière doit être indépendante du Canada. Toutefois, pour que la nation puisse être souveraine, les Québécois doivent être en mesure de se nommer, puis de prendre conscience de ce qui nuit à leur épanouissement pour finalement s’émanciper par la prise de possession de leur territoire physique, culturel et politique. III Table des matières Résumé.......................................................................................................................... III Introduction .................................................................................................................... 1 Mise en contexte .................................................................................................................... 1 État de la question ................................................................................................................. 5 Problématique ...................................................................................................................... 12 Méthodologie ........................................................................................................................ 12 Hypothèse ............................................................................................................................. 14 Plan de rédaction .................................................................................................................. 15 Dénomination du Pays .................................................................................................. 17 Être capable de se nommer .................................................................................................. 17 Importance du langage ......................................................................................................... 24 Ancrer la nation dans sa mémoire ........................................................................................ 30 Ancrer la nation dans un projet collectif .............................................................................. 36 Prise de conscience ....................................................................................................... 41 Affirmation de la distinction nationale ................................................................................. 41 Changement de règne ........................................................................................................... 46 Prise de conscience du problème économique ...................................................................... 53 Prise de conscience du problème sociopolitique ................................................................... 58 Échec du fédéralisme canadien ............................................................................................ 65 Élaboration du Pays ..................................................................................................... 71 Mise en place du projet d'indépendance .............................................................................. 71 Prise de possession du territoire ........................................................................................... 78 Développement de l’État pour l’émancipation politique du Québec .................................... 84 Conclusion .................................................................................................................... 91 Bibliographie ................................................................................................................ 97 Annexe ........................................................................................................................ 103 V Introduction « On sait ben que c’était dur. […] Le matin le cook passait y’était à peu près 3h30; wake up mes bons amis! Ça, ça voulait dire debout1 ». Grand-Louis Harvey En ces termes, Louis Harvey, cultivateur de l’Île aux Coudres et protagoniste du film Un pays sans bon sens, relate devant la caméra l’époque où il travaillait comme bûcheron. Cependant, ces mêmes mots prennent une signification complètement différente une fois repris par Pierre Perrault. Ils deviennent l’annonce d’un projet de société2. Mise en contexte Dans les années 1950, une nouvelle classe moyenne issue du milieu professionnel émerge au Québec. Plusieurs intellectuels, voulant être entendus, se regroupent autour de certaines institutions telles Le Devoir ou l'Institut d'histoire de l'Université de Montréal. Dans une société de consommation de masse qui se développe de plus en plus à partir de la Seconde Guerre mondiale, ces penseurs constatent que les Canadiens français sont discriminés et entravés. Les grandes entreprises, tout comme la fonction publique fédérale, sont contrôlées en grande partie par des dirigeants anglophones qui laissent peu de place aux francophones au sein de leur administration3. Devant ce constat, cette nouvelle 1 Pierre Perrault, Un pays sans bon sens, Montréal, Office national du film, 1970, 1 :14 :08 – 1 :15 :56. 2 « Dans ses films, la parole ne vaut pas seulement pour ce qu’elle dit ou dénote (le vernaculaire), ni pour sa valeur de témoignage : elle devient une matière de l’expression à part entière que l’on peut transformer, s’approprier, et qui peut guider le sens du film et en induire le montage : la parole comme élément central d’une poétique cinématographique [sic]. » Gwenn Sheppler, « Du recueillement à la parole en acte : poétique de Pierre Perrault », Nouvelles vues. Revue sur les pratiques et les théories du cinéma au Québec, 14, hiver 2012-2013, http://www.nouvellesvues.ulaval.ca/no-14-hiver-2012-13-nouvelle-vague-et-cinema-direct- rencontres-france-quebec/articles/du-recueillement-a-la-parole-en-acte-poetique-de-pierre-perrault-par- gwenn-scheppler, consultée le 19 septembre 2013. 3 Lucia Ferretti, « La ''Grande noirceur'', mère de la Révolution tranquille? », Guy Berthiaume et Claude Corbo dir. La Révolution tranquille en héritage, Montréal, Boréal, 2011, p. 40-41. génération d'intellectuels propose une conception différente du politique et une autre façon de se représenter la nation. Le discours mis de l'avant par ces derniers est fortement teinté de nationalisme, mais apparait diamétralement opposé aux idées conservatrices des partisans de Duplessis. Qualifié de néonationalisme, ce courant, qui va gagner en popularité durant les années 1950, s’oppose à l'idéalisme, à l'apolitisme, au cléricalisme et au provincialisme de l'idéologie traditionnelle4. Ses adeptes proposent de se « repositionner, dans un contexte voué à la modernité industrielle et urbaine, face aux institutions existantes telles l'Église, la bourgeoisie anglophone et le gouvernement fédéral. Dans la même logique, un repositionnement face au gouvernement provincial lui-même est également nécessaire [sic]5 ». La promotion d'un État provincial centralisateur et interventionniste est mise de l'avant à travers certaines institutions comme la revue Cité libre ou l'Office national du film (ONF). Selon ces intellectuels, le Québec doit occuper pleinement ses champs de compétence et défendre les intérêts de la majorité francophone. Il s’agit de défendre « […] les droits linguistiques et culturels des Canadiens français, l'autonomie provinciale en même temps que la cause des travailleurs, le pluralisme et l'ouverture au monde6 ». Toutefois, ces idées demeurent l'affaire d'une élite restreinte. Il faudra attendre la décennie suivante avec l'arrivée des libéraux de Jean Lesage au pouvoir pour qu'elles rejoignent l'ensemble de la société7. À partir des élections de juin 1960, une élite dirigeante francophone implante les valeurs associées au néonationalisme au cœur de l'appareil gouvernemental provincial8. Durant cette période connue sous l'appellation de Révolution tranquille, « l'État québécois [poursuit] en même temps un objectif de modernisation accélérée sur le modèle de l'État-providence et un objectif très net de promotion nationale 4 Louis Balthazar, Bilan du nationalisme au Québec, Montréal, Édition de l’Hexagone, 1986, p. 86. 5 Michel Lamy, La Révolution tranquille et le nationalisme politique : analyse du contenu des discours de Jean Lesage durant le premier mandat du gouvernement libéral (1960-1962), Mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, 1994, p. 20. 6 Louis Balthazar, op. cit., p. 86. 7 Ibid., p. 88. 8 Michel Lamy, op. cit., p. 21. 2 des Québécois francophones9 ». Selon l'historien Bill Marshall, cette période correspond à l'entrée des Québécois dans la modernité avec de profonds bouleversements dans les sphères politique et sociale10. Bien qu'il n'y ait pas de consensus sur les impacts sociaux de la Révolution tranquille ou même sa chronologie11, les historiens

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