révolution culturelle entretien Royal au bar ! des royalistes de gauche ? oui, ça existe ! et Bertrand Renouvin a longtemps été leur figure de proue. En 1974, il est candidat à l’élection présidentielle où il obtiendra 0,17 % des voix. Ensuite, il soutiendra Mitterrand, puis Chevènement avant de s’enticher récemment de Nicolas Dupont-Aignan. Mais qui est donc ce dahu politique, gaulliste souverainiste, ami de la famille d’Orléans, ancien membre du Conseil économique et social, et rédacteur en chef du bimensuel Royaliste ? Entretien. par césar armand ous êtes né au Val-de-Grâce sous occupation allemande car votre mère était internée à la prison de Fresnes, et votre père, avocat royaliste, est mort en déportation. Vous êtes né royaliste, en fait. Effectivement, mon père est resté royaliste dans la Ré- sitance et se définissait comme monarchiste socialiste, mais ma mère ne l’était pas. Elle était strictement gaulliste, plutôt à droite. Les héritages, c’est compliqué dans ce cas-là, mais je peux dire maintenant, après un détour par l’Action française dans ma jeunesse, que je suis royaliste et gaulliste. Quand on a créé la Nouvelle Action royaliste, on a rencontré très rapidement les représentants du gaullisme de gauche comme Philippe de Saint Robert qui était lui-même proche du comte de Paris. Il y a eu, dans notre rapport au gaullisme, un rapport essentiel avec les gaullistes de gauche. Nous avons toujours eu beaucoup d’amis dans ce mouvement. Après la victoire de Giscard d’Estaing, les relations se sont concrétisées dans une réflexion en commun autour de la revue L’Appel que dirigeait Olivier Germain-Thomas et à portraits lucas grisinelli laquelle contribuait déjà Régis Debray. 127 128 Charles Charles révolution culturelle bertranD renoUvin « D’abord, on nous a surnommés “les gauchistes du roi”. Puis, quand on a soutenu Mitterrand, c’est devenu “les royalistes de gauche”. Je n’ai jamais compris d’où cela venait. Une fois qu’on aura défini la gauche, on pourra peut-être dire si nous sommes ou pas des royalistes de gauche… » Vous êtes docteur en sciences politiques et Quel était le profil des maires qui vous avaient titulaire d’un DEA de philo. Quel était votre sujet de donné leur paraphe ? tag de la campagne présidentielle thèse ? C’était des maires libéraux de petites communes car de 1974. à droite, affiche pour L’Action française et la question sociale. Une thèse que les vrais maires royalistes étaient généralement liés la campagne présidentielle de 1981 époque il y avait beaucoup d’attentats à la bombe. Avant, j’ai soutenue en 1972 à l’université d’Aix-en-Provence, à l’Action française et ne voulaient pas signer pour les bagarres entre services d’ordre se réglaient dans la après avoir fait Sciences Po Paris. C’est important dans quelqu’un qu’ils considéraient comme un traître. Pour rue ; après, c’était à l’explosif ! Cela préoccupait tout le mon histoire puisque c’est le moment où j’ai compris eux, j’étais un dissident. Les maires, qui voulaient bien partir de 1981, c’est le Conseil constitutionnel qui envoie monde... qu’il fallait rompre avec l’Action française et abandonner que de nouveaux mouvements politiques s’expriment, des formulaires aux maires. Ils sont seuls devant leur Au fait, royaliste de gauche, qu’est-ce que ça la référence à Charles Maurras. Un long processus qui signaient aussi bien pour Arlette Laguiller que pour moi. feuille, et même s’ils vous promettent de signer, souvent signifie ? s’est conclu en 1977 par le changement du titre de notre En France, un certain nombre d’élus estiment que des ils se disent : « Je vais avoir des ennuis... Que va-t-on Je ne sais pas ce que cela veut dire. On nous a collé cette journal en Royaliste. Un an plus tard, notre mouvement tendances minoritaires doivent se présenter à l’élection raconter dans ma commune ? » Dernière chose : les grands étiquette. D’abord, on nous a surnommés « les gauchistes est devenu la Nouvelle action royaliste (NAR). Naturel- présidentielle et signent systématiquement pour un partis exigent de leurs élus qu’ils ne paraphent pas pour du roi ». Puis, quand on a soutenu Mitterrand, c’est lement, je n’ai pas été le seul à œuvrer à cette évacuation petit candidat. les petits candidats, dans la mesure où ils viendraient devenu « les royalistes de gauche ». Je n’ai jamais compris du maurrassisme. Nous en avons beaucoup discuté au En 1981, avez-vous retenté le coup ? perturber l’élection. En revanche, quand il faut affaiblir d’où cela venait. Une fois qu’on aura défini la gauche, on sein de la NAR et des gens en sont partis car ils voulaient Oui, mais nous avons échoué à avoir ce qui était devenu le camp adverse, ça se fait beaucoup. pourra peut-être dire si nous sommes ou pas des roya- rester fidèles à l’héritage de l’Action française. En 1974, entre-temps les 500 signatures nécessaires. Ce qui était Votre femme est présente dans un reportage dédié listes de gauche… le virage est pris, mais il n’aboutira vraiment qu’en 1978. bien plus compliqué. Nous avons à nouveau rencontré à votre campagne. Elle a été de tous vos combats ? Vous avez aussi été surnommé « le mao-maurassien »... En 1974, vous décidez d’être candidat à l’élection ces petits maires. J’ai beaucoup circulé en France avec Pas du tout ! En 1974, on ne se rendait pas encore compte C’était il y a quarante ans. C’était une invention des présidentielle. Pourquoi ? mes camarades, mais souvent, ces maires me disaient : du pouvoir des médias. On savait que la télévision avait médias de l’époque. C’était drôle : les maoïstes étaient à la Tout simplement parce que nous en avions la possibilité. « Désolé, on a déjà signé pour Arlette », parce que chez un impact très fort en politique car il n’y avait que trois mode, on était encore maurrassiens, mais on n’a jamais, La quête des 100 signatures a été facile. Nous en avons Lutte ouvrière, ils étaient mieux organisés. C’était chaînes et tout le monde regardait le 20 heures, et ça vraiment jamais, eu la moindre sympathie pour Mao même obtenu 170, je crois. Cette campagne nous per- des supers militants avec une discipline de fer et bien c’était formidable. On ne voyait pas que cela pouvait être Zedong, ni pour la Révolution culturelle. Ça n’a stricte- mettait de nous faire connaître dans l’opinion publique souvent, ils nous passaient devant et récoltaient les embêtant pour la famille. Alors oui, j’ai laissé interviewer ment aucun sens de nous qualifier ainsi. comme le nouveau mouvement royaliste. Une difficulté signatures d’élus qui n’avaient pourtant rien à voir avec ma femme et photographier ma fille de 3 ans mais après- En 1978, vous vous présentez aux législatives à subsistait néanmoins. On avait prévenu le comte de le trotskisme. Alors, ces mêmes maires nous disaient : coup, je me suis aperçu qu’il ne fallait pas faire ça et je Nantes, en 1986 à Angers, puis plus rien. L’accueil sur Paris – qu’on ne connaissait pas encore –, lequel nous « C’est pas grave, je vais aussi signer pour vous. » On leur n’ai plus jamais recommencé. Par ailleurs, nous avions eu le terrain était difficile ? avait demandé de ne pas faire une campagne royaliste. répondait : « Désolé, il n’y a qu’une signature possible... ! » des attentats à notre bureau de la rue des Petits-Champs. C’est plutôt une question d’argent : ça coûtait cher, ces Nous lui avons obéi, ce qui pour moi était une difficulté Il y avait des contraintes supplémentaires. La première, La police nous avait conseillés de déménager car elle ne campagnes électorales. Et nous étions très pauvres ! dans la mesure où tout écart, toute parole malheureuse, c’est la publicité des signatures : pour les maires des pouvait pas assurer notre protection. Il n’était alors plus Nous ne pouvions plus continuer à ce rythme. La pouvaient entraîner un sévère communiqué de sa part. petites communes, cela devenait compliqué. Deuxième r question de montrer quoi que ce soit, ni l’appartement, ni dernière campagne électorale de la NAR, c’était en 1993 Nous risquions le désaveu. difficulté : en 1974, on présentait un papier libre alors qu’à © D les proches. C’était dangereux ! On l’a oublié, mais à cette en Vendée contre Philippe de Villiers. On a présenté 129 130 Charles Charles révolution culturelle bertranD renoUvin « La dernière campagne électorale de la nar, c’était en 1993 en vendée contre Philippe de villiers. on a présenté un candidat, le seul de nos dirigeants qui avait une particule. La population nous tournait le dos et faisait la gueule à nos jeunes qui tractaient dans la rue car on attaquait Monsieur le Comte ! » un candidat, le seul de nos dirigeants qui avait une Les riverains n’aimaient pas ce genre de plaisanteries particule. Je crois d’ailleurs qu’il n’était même pas noble… surtout quand on avait des paroles désagréables pour de Enfin, je n’ai jamais vraiment compris s’il l’était ou pas. Villiers. On a finalement fait un score misérable, mais on En tout cas, Luc de Goustine, c’est son nom, a accepté et s’est bien amusés ! Ci-dessus, avec Jean-Pierre Chevènement au colloque il a même écrit un livre assez dur contre de Villiers qui Vous soutenez Mitterrand en 1981 et êtes membre «nouvelle citoyenneté» le 12 novembre 1983. à droite, affiche s’appelle Coup de gueule contre un valet de pique à l’usage de son comité de soutien en 1988.
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