Isopoda: Asellota: Aselloidea, Gnathostenetroidoidea, Stenetrioidea

Isopoda: Asellota: Aselloidea, Gnathostenetroidoidea, Stenetrioidea

ISOPODA: ASELLOTA: ASELLOIDEA, GNATHOSTENETROIDOIDEA, STENETRIOIDEA J.-P. HENRY*, J. J. LEWIS** & G. MAGNIEZ* Les Asellota regroupent des lignées très différentes d'Isopo- Les Stenetriidae (fig. 11) et les Gnathostenetroididae (fig des, les unes vivant en milieu marin, les autres en eau douce. 10) sont deux petits groupes essentiellement marins, mais de Les unes et les autres ont souvent été étudiées par des zoolo­ récentes prospections ont amené la découverte d'un repré­ gistes différents, ce qui n'a pas toujours facilité l'établisse­ sentant de chacun dans les eaux souterraines (respective­ ment d'une systématique cohérente. Si l'on considère les ment dans l'interstitiel littoral de Curaçao et dans les eaux deux ensembles majeurs: les Janiroidea, essentiellement karstiques de l'île San Salvador, Bahamas). Ils fournissent marins et les Aselloidea, totalement dulçaquicoles, il semble un exemple d'apport direct de la faune marine à la faune que leurs thèmes évolutifs principaux soient radicalement stygobie. Les Protojaniridae, actuellement groupés avec les différents. Chez les Janiroïdes, la tendance à l'incorporation Gnathostenetroididae dans les Gnathostenetroidoidea pos­ progressive au pléotelson de tous les segments antérieurs du sèdent seulement le pléonite 1 libre (fig. 14). C'est un petit pléon prédomine; elle ne laisse finalement subsister aucun groupe caractéristique des eaux douces souterraines du pléonite libre chez les plus évolués. Mais cette évolution va domaine gondwanien: Afrique du Sud, Ceylan (Sket, 1982). de pair avec une conservation de l'ambivalence des pléopo- Les Aselloïdes forment l'ensemble de loin le plus riche en des 1 et 2 (coexistence des rôles operculaire et sexuel), qui les espèces stygobies et se répartissent en: a fixés dans un état peu différencié. Chez les Aselloïdes, la 1. Atlantasellidae: groupe monospécifique représentant un structure du pléon est restée fixée dans un état où les deux nouveau type aselloïdien à faciès sphéromatoïde, récem­ premiers somites abdominaux demeurent indépendants. ment découvert dans une grotte anchihaline des Bermudes Ces pléonites 1 et 2 restent même aussi développés que ceux (fig. 12). Ils sont vraisemblablement d'origine marine des Cirolanides chez les Stenasellidae (figs. 6, 7) ou les récente. Atlantasellidae (fig. 18). En revanche, les pléopodes 1 et 2 ont subi des modifications de plus en plus poussées, perfec­ 2. Stenasellidae: groupe très ancien des eaux souterraines tionnant leur fonction sexuelle, mais leur faisant perdre continentales périmésogéennes, montrant des caractères toute fonction operculaire. Cette fonction est alors reportée primitifs: antenne munie d'une squama (exopodite rudimen- sur les exopodites des pléopodes 3. Ainsi, chacune de ces taire), maxillipède développant un oostégite fonctionnel deux grandes lignées montre la juxtaposition de caractères chez les femelles ovigères, pléonites 1 et 2 libres conservant archaïques et de caractères hautement spécialisés, ce qui leur développement maximal (fig. 7). Les Isopodes dont rend problématique l'étude phylogénique de l'ensemble. l'aspect se rapproche le plus de celui des Sténasellides sont La superfamille desjaniroidea compte au moins une ving­ les Microcerberidea Lang, 1961, qui mériteraient le nom de taine de familles, surtout marines et seules les familles des Microsténasellides. Toutefois, les Sténasellides sont des for­ Microparasellidae Karaman, 1934 et des Janiridae G. O. mes beaucoup plus robustes (la plus petite espèce mesure 4-5 Sars, 1897 contiennent des espèces stygobies. Les Janiroïdes mm, la plus grande dépasse 25 mm). Les Sténasellides sont sont répertoriés par N. Coineau dans un autre chapitre du tous anophtalmes, dépourvus de pigmentation tégumen- présent ouvrage et nous étudions essentiellement ici les taire, mais souvent munis de pigments hémolymphatiques Asellotes stygobies possédant deux pléonites libres (somites qui les. colorent en rose ou rouge. Les formes les plus pig" abdominaux 1 et 2) en avant du pléotelson. Ils correspon­ mentées sont inféodées aux eaux à température élevée, pau­ dent aux trois superfamilles: vres en oxygène ou aux eaux thermales; c'est dire que la — Aselloidea fonction de ces pigments semble respiratoire. Dans le — Gnathostenetroidoidea (= Parastenetroidea Amar, 1957) tableau, nous indiquerons pour chaque espèce la taille — Stenetrioidea maximale connue, en millimètres, et la teinte (R = rouge, Rr = rose intense, r = rose, B = blanc ou blanchâtre) lorsquilles sont connues. 'Biologie Animale et Générale, Université de Dijon, 6, Bd. Ga­ La famille est entièrement stygobie et colonise les eaux briel, 21100 Dijon, France. "Department of Biology, University of Louisville, Belknap Cam­ souterraines les plus variées: eaux karstiques libres, eaux pus, Louisville, Kentucky, 40292, USA. interstitielles des nappes éluviales ou alluviales, sous- ISOPODA: ASELLOTA: ASELLOIDEA, GNATHOSTENETROIDOIDEA, STENETRIOIDEA 435 ' nulernent des rivières, eaux thermales et même nappes trent essentiellement dans deux aires principales très éloi­ "tières oligohalines. Ainsi, certaines espèces sont des fouis- gnées. La première est le pourtour de la Méditerranée et de urs très actifs, creusant des complexes de galeries ramifiées la mer Noire, avec deux régions particulièrement privilé­ , s ieS dépôts argileux meubles. Les formes interstitielles giées: la péninsule ibérique et la péninsule balkanique. nt plus longilignes que les troglobies. Contrairement aux Cette aire est caractérisée par le grand genre Proasellusel des utres Aselloïdes, plutôt végétariens et limivores, beaucoup genres endémiques annexes: Synasellus, Bragasellus pour la • Sténaselles se montrent capables de prédation (Copépo- péninsule ibérique, Gallasellus pour l'ouest de la France, des Aselles, larves d'Insectes, jeunes Amphipodes). Les cas Stygasellus pour les Carpathes. La seconde grande aire est de cohabitation Sténaselle-Sténaselle ou Sténaselle-Aselle l'Extrême-Orient boréal avec l'archipel japonais en particu­ ne doivent donc pas être interprétés comme les cohabita­ lier. Là, les stygobies font partie du grand genre Asellus sensu tions Aselle-Aselle. Dans certains biotopes, il faut peut-être stricto (sous-genres Asellus et Phreatoasellus) et des genres envisager l'existence de compétition Amphipode-Sténa- annexes Nipponasellus et Uenasellus. Dans cette aire à domi­ selle. Les récentes découvertes d'espèces tropicales et subtro­ nante volcanique, les stygobies sont surtout des espèces picales (région mexicaine, Afrique occidentale et orientale, interstitielles, capturées dans les puits et la répartition est Cambodge et Bornéo) démontrent que la famille se compose influencée par l'insularité (le genre Nipponasellus est caracté­ de plusieurs lignées bien distinctes auxquelles il convient ristique de l'île principale Honshu = Nippon), alors que d'attribuer une valeur générique. Dans cette optique, nous dans l'aire méditerranéenne, riche en formations géologi­ pensons qu'il faut restituer sa validité au genre Protelsonia ques calcaires, il se trouve bien davantage de stygobies kars­ créé par Méhely en 1924 pour les "Stenasellus" balkaniques tiques. Les préférences écologiques des espèces semblent apparentés à Protelsonia hungarica et qui sont morphologique­ largement influencer leur répartition géographique. Les ment bien différents des Stenasellus sensu stricto. La réparti­ espèces vivant uniquement en eau libre (milieu karstique), tion actuellement connue de la famille apparaît comme net­ qui sont par ailleurs souvent de taille importante, c'est-à- tement périmésogéenne et leur présence transatlantique est dire peu différente de celle des espèces épigées apparentées, l'indice de leur grande ancienneté d'installation dans les sont fréquemment très endémiques, présentes seulement nappes souterraines nord-tropicales. dans un massif calcaire donné (l'exemple typique est celui de 3. Asellidae: groupe holarctique d'origine boréale; ils la zone pyrénéo-cantabre). C'est aussi le cas général pour les montrent des caractères plus modernes que ceux des Stena- stygobies vivant hors de l'aire périglaciaire quaternaire: sellidae, ce qui interdit d'envisager une parenté immédiate Europe méridionale, Afrique du Nord, Proche-Orient. Les entre les deux familles: antenne privée de squama, oostégite espèces de l'aire Nord-alpine et périglaciaire, dans la zone maxillipédien réduit à un "Wasserstrudelapparat", pléoni- des grands bassins hydrographiques européens montrent au tes 1 et 2 réduits à la fois en longueur et en largeur et formant contraire des aires beaucoup plus vastes, liées à des aptitudes un pédoncule entre péréion et pléotelson (comparer les figs écologiques plus larges: vie en eau libre dans le milieu karsti­ 2 et 6), organe copulateur (endopodite des pléopodes 2 O") que et vie en milieu interstitiel dans les nappes phréatiques devenu secondairement uniarticulé, mais très perfectionné. des vallées et le sous-écoulement des rivières épigées. Le cas Leur taille est plus variable que celle des Sténaselles: quel­ typique est celui de Proasellus cauaticus, qui vit depuis le Pays ques 2 mm pour les espèces mésopsammiques, plus de 20 de Galles et l'Angleterre, la Rhénanie, jusqu'au Languedoc mm pour les formes cavernicoles ou stygopséphales (les plus et à la Provence. On peut affirmer qu'une telle espèce a pro­ grands O" d'Asellus (Phreatoasellus) kawamurai de Japon attein­ fité d'une situation très favorable au Postglaciaire immédiat, draient 30 mm). Contrairement aux Sténaselles qui sont des pour étendre

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