Isabelle Eberhardt Devinèrent Que Sous La Capuche Blanche Du Grand Burnous Se Dissimulait Une Jeune Femme, Il Est Certain Qu’Ils Ne Le Laissèrent Point Voir

Isabelle Eberhardt Devinèrent Que Sous La Capuche Blanche Du Grand Burnous Se Dissimulait Une Jeune Femme, Il Est Certain Qu’Ils Ne Le Laissèrent Point Voir

goo.gl/BBpbi goo.gl/BBpbi Patricia Bourcillier F P Isabelle Eberhardtune femme en route vers l’islam Patricia Bourcillier Si les compagnons de hasard d’Isabelle Eberhardt devinèrent que sous la capuche blanche du grand burnous se dissimulait une jeune femme, il est certain qu’ils ne le laissèrent point voir. Isabelle C’est sa volonté de cheminer dans la voie de l’islam qui avait retenu en premier lieu Eberhardt leur attention, bien plus que son Isabelle Eberhardt une femme en route vers l’islam vers route en femme une Eberhardt Isabelle une femme en route vers l’islam travestissement ou ses assuétudes. Si bien qu’en 1900 l’insolite vagabonde avait trouvé moyen d’être aliée à la confrérie des Kadriyas, dont l’univers mystique laissait voir que la foi islamique permettait au désir de subsister dans Patricia Bourcillier l’inni, comme l’Amour. ISBN 978-3-924774-69-1 F P F 9 783924 774691 F P « Nous sommes tous juifs de naissance parce que nous venons au monde pour Dieu. Nous sommes tous chrétiens par pénitence parce que nous avons tous des péchés à racheter. Nous sommes tous musulmans par espérance parce que chacun de nous rêve à un paradis caché. Si je suis laïque, c’est parce que je suis fatigué d’être un enfant face à Dieu. » (Slimane Benaïssa, L’avenir oublié) Patricia Bourcillier Isabelle Eberhardt Une femme en route vers l’islam Flying Publisher 4 | Correspondance : [email protected] Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Illustration de couverture : Kaya Theiss Design : Attilio Baghino, www.baghino.com © 2012 by Flying Publisher & Kamps ISBN : 978-3-924774-69-1 Un grand merci à Jacky Fautré pour son amicale lecture du manuscrit. | 5 Prologue « Le goût du déguisement, c’est le besoin d’échapper à soi-même et de devenir un autre, de se faire passer pour un autre, de se croire un autre... tout en n’y croyant d’ailleurs pas. » (Roger Caillois) Voyager avec Isabelle Eberhardt c’est en tout temps être prêt à se mettre en route ; c’est rêver de partir « sans plan fixe », armé « du bâton et de la besace symboliques1 » avec l’idée du nomadisme, du cheminement, comme passage de la pensée elle-même. Aussi écrit-elle : « Un droit que bien peu d’intellectuels se soucient de revendiquer, c’est le droit à l’errance, au vagabondage. Et pourtant, le vagabondage, c’est l’affranchissement et la vie le long des routes, c’est la liberté2. » Pour cette heimatlos (apatride en allemand), l’identité est à faire, à refaire en permanence et le geste autobiographique y contribue. L’acte de l’écriture la porte tout naturellement au voyage, au mouvement. Car écrire, pour elle, ce n’est jamais accomplir mais toujours tendre vers... c’est être en route vers l’inconnu, s’avancer dans son devenir « autre »... On est à la mi-temps du XIXème siècle. Face à un monde en pleine mutation, avec l’évènement du capitalisme et de l’industrialisation, les « Désenchantés » de tous les rêves de progrès comme Pierre Loti réagissent par « la fuite du présent méprisable et mesquin3. » La partance loin des régions familières, le projet littéraire, le fol espoir de trouver le bonheur, ces trois motifs se superposent pour les mener vers un ailleurs paré des attraits du romantisme et de 5 6 | l’exotisme. Toute l’œuvre d’Isabelle Eberhardt nous fait part de cette quête qui ne connaît pas de terme, vouée à l’inachèvement : être ailleurs, toujours ailleurs, « là-bas », « ignoré, étranger et chez soi partout4 ». Et qui la portera, entre 1899 et 1903, à arpenter la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, « accoutrée comme un jeune indigène du Tell avec une chéchia à gland, une veste et un pantalon français, un chapelet arabe5 », et à aller au-delà du connu vers « le chemin droit », à savoir vers l’islam, « la grande religion nomade » (Bruce Chatwin) à laquelle elle s’est convertie. | 7 Table des Matières L’appel de l’ailleurs 15 Voyage en Sardaigne 43 Cheminement dans le sentier de l’islam 59 En route vers l’impossible 95 La vie à El Oued 115 Al-Sâlik (Le Voyageur) 153 Les enfants du pays de Cham 177 Condamnation des impies 191 Retour à la source maternelle 203 Expérience mystique 215 Mourir d’aimer 235 Repères bibliographiques 257 8 | Repères Cartographiques | 9 Chronologie des événements 1838 Nathalie-Charlotte-Dorothée, fille naturelle d’une demoiselle Eberhardt de Liesen, voit le jour à Saint- Pétersbourg (Russie). Reconnue par un Russe, Nicolas Korff, qui a épousé sa mère, elle prend son nom. 1860 Nathalie est mariée à Paul Carlovitch de Moerder, un officier de l’armée du tsar de quarante et un ans son aîné, luthérien de confession, allemand d’origine. Il leur naît quatre enfants (Olga, Nicolas, Natalia et Wladimir). 1871 Nathalie fuit la Russie avec Alexandre Nicolaiévitch Trophimovski, le précepteur de ses enfants, pope défroqué, lui-même marié et père de famille, arménien d’origine. Elle emmène ses trois derniers ; l’aînée, Olga- Pawlowa-Elisabeth, reste en Russie. 10 décembre – Naissance à Genève du cinquième enfant de Moerder, Augustin. 1873 27 avril – Mort du général de Moerder. Trophimovski devient le tuteur des enfants de Nathalie de Moerder. Rentière, celle-ci lui confie la gestion de sa fortune. L’année même, ils achètent une villa avec jardin dans la commune de Meyrin, près de Vernier, aux abords de Genève, qu’ils appelleront La Villa Neuve. 1877 17 février – Naissance d’Isabelle-Wilhelmine-Marie Eberhardt, fille naturelle de Nathalie, qui a gardé le patronyme de feu son époux. 1883 Le fils aîné de Nathalie de Moerder, Nicolas, s’engage dans la Légion étrangère. Plus tard il désertera par peur de se voir entraîné dans la conquête du Tonkin et se réfugiera en Russie. 10 | 1887 Natalia de Moerder, la seconde fille de Nathalie, s’enfuit à son tour avec son amant. 1894 Arrestation d’Alfred Dreyfus, un officier juif de l’armée française. Le capitaine est reconnu coupable pour « haute trahison » (au profit de l’Allemagne) par le premier conseil de guerre de Paris. 1895 Augustin de Moerder s’engage, comme son frère, dans la Légion. Il est incorporé à Sidi Bel Abbès, en Algérie. Octobre – La nouvelle d’Isabelle, Vision du Moghreb, paraît dans la Nouvelle Revue Moderne sous le pseudonyme de Nicolas Podolinsky. 1896 4 février – Augustin est réformé (« faiblesse constitutionnelle ») et doit être rapatrié à Annecy où il a été recruté. 23 février – Retour à la Villa Neuve dans un état lamentable. 19 octobre – Isabelle entame une correspondance avec le cheikh dit Abou Naddara (« l’homme aux lunettes bleues »), un vieil érudit égyptien, partisan d’un panislamisme socio-économico-politique, qui vit en exil à Paris. De jeunes juifs, pour la plupart de Pologne et de Russie, commencent à émigrer en Palestine. 1897 14 janvier – Augustin se réengage dans la Légion. Printemps – Ali Abdul Wahab, fils aîné du gouverneur de Mahdia en Tunisie, vingt-et-un ans, adresse sa première lettre à Isabelle, dont il a remarqué la photographie sur le bureau de son hôte et ami Abou Naddara. A partir de mai – Séjour d’Isabelle et de sa mère à Bône (Annaba) sur la côte algérienne, alors que l’Algérie connaît une vague d’antisémitisme sans précédent. La « crise antijuive » culmine à Oran avec de terribles émeutes et s’accompagne de persécutions. A Alger, les émeutiers demandent l’abrogation du décret Crémieux (1871) qui a fait des juifs algériens des citoyens français d’origine juive. Mi-juillet – Première visite d’Ali Abdul Wahab à Bône. La | 11 seconde aura lieu en octobre. 28 novembre – Mort de Nathalie de Moerder à l’âge de cinquante-neuf ans. Elle est inhumée selon le rite musulman dans le cimetière de Bône, sous le nom de Fatima Manoubia. Début décembre – Retour d’Isabelle à La Villa Neuve. 1898 13 janvier – Emile Zola publie « J’Accuse ! » dans L’Aurore. Le procès et la condamnation de Zola déclenchent la politisation de « l’affaire Dreyfus ». Mars – Augustin, démobilisé, rejoint Ali Abdul Wahab à Tunis. La revue parisienne L’Athénée publie Silhouettes d’Afrique – Les oulémas – où Isabelle raconte son adhésion à l’islam sous les traits de « Si Mahmoud el Mouskouby, le Moscovite... ». 13 avril – Suicide de Wladimir de Moerder, consécutif aux persécutions de son frère Nicolas. Juillet – Projet de mariage sans lendemain d’Isabelle avec Ahmed Rechid, militant du mouvement « Jeunes-Turcs » à Genève, diplomate turc, nommé ensuite à La Haye. 2 novembre – Retour d’Augustin à la Villa Neuve. Isabelle travaille la matière d’un roman, Rakhil, au moment de la campagne de révision de l’affaire Dreyfus et des émeutes antijuives conduites par Max Régis en Algérie. Elle l’abandonne et le reprend seulement en 1900. 1899 15 mai – Mort d’Alexandre Trophimovski à La Villa Neuve. 12 juin – Marseille : Départ d’Isabelle avec Augustin pour Tunis. 14 juin – Arrivée à Tunis où ils retrouvent Ali Abdul Wahab. 25 juin – Retour d’Augustin à Marseille. 8 juillet – Départ d’Isabelle de Tunis pour Batna. 3 août – Premier séjour à El Oued dans le Sud-Est algérien. 29 aout – Isabelle retrouve Augustin sur le tombeau de leur mère, à Bône. 2 septembre – Retour à Tunis. 12 | Septembre/octobre – Voyage d’un mois dans le Sahel tunisien, en compagnie de Si Elarhby. Novembre – Séjour à Marseille, puis à Paris. Rupture avec Ali Abdul Wahab. 29 décembre – Départ de Marseille pour Gênes, puis de Gênes pour Livourne. 1900 1er janvier – Arrivée à Cagliari, en Sardaigne. De février à juillet – Allers et retours entre Paris et Genève.

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