La sécession d’une commune Eric Charmes To cite this version: Eric Charmes. La sécession d’une commune : Ou comment Verquigneul a quitté Béthune. Etudes foncières, Compagnie d’édition foncière, 2008, pp.11-16. halshs-00327598 HAL Id: halshs-00327598 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00327598 Submitted on 8 Jan 2009 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. C OLLECTIVITÉS La sécession d’une commune – ou comment Verquigneul a quitté Béthune – La France des 36.000 communes et des maires cumulant les mandats, constitue en Europe, une curiosité institutionnelle ; le fait qu’une ville, même de taille modeste, puisse être divisée en six ou sept communes n’a pas d’équivalent. Certaines communes fusionnent parfois, mais basés sur le consentement mutuel, les mariages d’intérêts souvent divergents sont difficiles… et le divorce toujours envisageable. Etude de cas dans le Nord. LOCALES © CHARMES out le monde admet que les ou leurs chances d’accéder à des gneul est d’autant plus intéressante Lotissement récent à Verquigneul communes sont trop nom- mandats électifs locaux1. Les Fran- qu’elle concerne une petite Tbreuses en France (leur popu- çais paraissent également très atta- commune très résidentielle (Verqui- lation moyenne est de l’ordre de chés à l’identité de leur commune et gneul, 2.000 habitants) et une sous- 1.600 habitants). Ce fractionnement à un lien de proximité avec leur préfecture (Béthune, 26.000 habi- est un frein au développement de maire. tants après défusion). La séparation L’auteur : projets d’urbanisme à des échelles Cet article s’appuie sur une étude de ces communes ne résulte pas Eric Charmes métropolitaines. Les communes- de la récente « défusion » de Béthune d’une simple querelle de clocher, Institut français d’urbanisme, centres se heurtent au malthusia- et de Verquigneul pour éclairer les mais d’une vraie divergence d’inté- Université Paris 8 nisme des communes de leur péri- raisons de cet attachement2. Une rêts. D’un côté une commune qui phérie, notamment les communes séparation de communes implique veut préserver son caractère périurbaines qui souhaitent préser- en effet l’élaboration d’argumen- villageois, de l’autre une ville ver leur cadre de vie verdoyant et taires susceptibles de recevoir l’as- dont le maire souhaite faire une aéré. sentiment de la population locale « métropole ». La solution proposée est la (la séparation est soumise à une coopération intercommunale, voire consultation locale), et aussi celui la fusion entre communes. Mais les de l’Etat (la séparation est soumise à 1 J-Y. Nevers, « Metropolitan government in Tou- fet en poste au moment de la séparation des deux résistances politiques sont fortes autorisation préfectorale). Surtout, louse, France : from fragmentation to federalism », communes (René Bidal), les présidents des deux in Barlow, M. and Silva C., « Metropolitan associations qui ont milité pour ou contre la défu- face à tout projet de réduction du une défusion est l’occasion d’un véri- government in Europe », GeoJournal, 58, sion (Géry Duponchel et René Duhaut). Nous nous nombre de communes ou même de table débat public sur l’opportunité Kluwer Academic Publishers, 2008, pp 33-41. sommes également entretenu avec le maire de Ver- limitation de leurs prérogatives. Les de vivre dans deux communes Téléchargeable en version française sur quigneul qui avait décidé de la fusion, parlementaires sont aussi, pour séparées ou dans une seule ; ce qui http://halshs.archives-ouvertes.fr Victor Lemaire. Enfin, nous remercions les contri- 2. Cette étude prend appui sur une enquête réali- buteurs du forum « Les gens du Béthunois » qui beaucoup, des élus locaux et sont met en évidence les raisons de l’at- sée auprès des habitants de Verquigneul (voir plus ont aimablement répondu à nos questions réticents à l’idée de voter des lois tachement à l’appareil communal. bas) et sur des entretiens avec : un journaliste de (http://gensdubethunois.positifforum.com/). qui diminueraient leurs prérogatives La défusion de Béthune et Verqui- La Voix du Nord (Christian Larivière), le sous-pré- études foncières — n° 135, septembre-octobre 2008 11 de Verquigneul, Victor Lemaire, La dernière grande vague d’as- d’après le code officiel géogra- socialiste comme lui. Les coopéra- sociation (ou fusion3) de com- phique de l’INSEE, entre le 1er jan- tions entre les deux communes sont munes remonte aux années qui vier 2000 et le 1er janvier 2007, en outre déjà bien avancées. Les ont suivi le vote de la loi Marcellin seules 21 fusions ont été officiali- deux maires décident de fusionner en 1971. Le succès de cette loi a sées tandis que 17 communes leurs communes. Le mariage est été modeste puisque seulement nouvelles apparaissaient. Les cas officialisé fin 1990. Avec cette un millier d’associations ont été de création originale de com- fusion, Béthune gagne 1.600 habi- recensées dans les années 1970 munes sont rares : les communes tants et d’importantes emprises fon- pour 2.000 communes concer- nouvelles sont le plus souvent des cières pour un futur technopôle uni- nées. Depuis, le nombre des com- communes rétablies dans leur versitaire. munes s’est stabilisé, les créations existence antérieure, après une Jacques Mellick rééditera l’opéra- compensant peu ou prou les asso- période plus ou moins longue de tion en 1994 avec la commune de ciations4. Comme les associations, fusion. On parle alors de défusion. Beuvry, elle aussi voisine de la zone les créations sont peu fréquentes : Futura alors en plein développe- ment. Béthune gagne encore près de 9.000 habitants, de quoi Comme toute étude de cas, les limites et manque d’espaces pour distancer Bruay-la-Buissière. Cette résultats sont difficiles à générali- mener à bien les projets de son seconde fusion, Béthune - Beuvry ser ; cependant quelques éléments maire, notamment pour assurer sa repose là encore sur l’entente entre sont édifiants. Il est ainsi intéressant reconversion, suite à l’effondrement les deux maires, deux personnalités de relever l’importance prise par la de ses activités minières. La ville est d’envergure nationale du parti question fiscale dans les débats. ainsi contrainte de coopérer avec la socialiste. Autre facteur détermi- Adversaire et défenseurs de la défu- commune voisine de Verquigneul nant, la volonté de Beuvry de s’unir sion ont tous mis au centre de leurs pour développer un parc d’activité, à une commune forte pour surmon- argumentaires le poids de la fisca- le « Technoparc Futura ». Elle ter les difficultés nées des ferme- lité locale. Dans la discussion sur les manque également de foncier pour tures des mines de houille. égoïsmes communaux et les effets développer des centres de forma- L’association entre Beuvry et fiscaux de la fragmentation com- tion universitaire afin de faire de ce Béthune n’a pourtant pas duré munale, ce cas apparaît donc parti- nouveau parc un technopôle. puisque Beuvry a été « rétablie » dès culièrement instructif. Parallèlement, Béthune est mena- la fin 1997, trois ans seulement La ville est à cée dans sa prééminence démogra- après la « fusion association ». Cet Les ambitions de Béthune phique au sein de son arrondisse- échec révèle l’écart entre une l’étroit dans et de son maire ment par Bruay-en-Artois. volonté politique de coopération, ses limites et Historiquement, Béthune était le appuyée sur des ententes entre manque d’espaces L’association de Béthune et de centre administratif et politique du élus, et la volonté des habitants. Le pour mener à bien Verquigneul remontait à 1990 et les secteur, mais dans la seconde moi- maire de Beuvry avait, en effet, pris deux communes sont redevenues tié du XIXème siècle, à la faveur du sa décision sans vraiment s’assurer les projets de indépendantes le 1er janvier 2008. développement de mines de de l’appui de la population, laquelle son maire C’est donc après 17 années d’asso- houille, Bruay-en-Artois a vu sa a rapidement manifesté son mécon- ciation qu’elles ont décidé de population augmenter très rapide- tentement. Dès 1995, une première reprendre leur autonomie ; plus pré- ment, et rattraper celle de Béthune. pétition est lancée pour demander cisément, Verquigneul a décidé de Or, dans les années 1980, Bruay-en- la défusion et les élections munici- reprendre son avenir en main en se Artois accomplit une démarche pales qui ont lieu la même année séparant de Béthune qui a tenté de importante pour son développe- désignent pour « maire délégué » un s’y opposer. ment : elle fusionne avec une petite partisan de cette défusion. La Pour comprendre ce qui s’est commune voisine, Labuissière et défense de l’identité communale est passé, il faut revenir à la fusion. Les devient Bruay-la-Buissière. La fusion au centre de cette remise en cause sources disponibles mettent toutes association est officialisée en 1987 de la fusion. Les Beuvrygeois ont en avant les projets de Jacques Mel- et tient toujours. Une grande zone d’autant plus eu le sentiment d’une lick, maire de 1977 à 2008, avec commerciale, baptisée « la Porte perte d’identité que, contrairement une interruption de 5 ans entre Nord », a ainsi été développée sur à Bruay-en-Artois, qui a changé de 1996 et 2002. Au moment de la Labuissière, zone qui est aujour- nom en même temps qu’elle fusion- fusion, il est une étoile montante du d’hui l’une des plus importantes du nait avec Labuissière, Béthune a parti socialiste.
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