UDC 904:625.745.62"672"(497.11) DOI: 10.2298/STA0656367P 367 VLADIMIR P. PETROVI] Institut d’Etudes Balkaniques de l’Académie Serbe des Sciences et des Arts, Belgrade UNE NOUVELLE BORNE MILLIAIRE DÉCOUVERTE SUR LA VOIE ROMAINE NAISSUS–LISSUS Sommaire. – Cet article a pour objet d’étude la voie romaine Naissus–Lissus, la station d’Ad Fines (Kur{umlija), le compendium (raccourci) dont fait état une inscription de Viminacium et une borne milliaire découverte récemment, entre autre matériel, sur le site d’Aquae Bas. (Kur{umlijska Banja). Il analyse les découvertes archéologiques et épigraphiques, et discute le tracé de cette voie de communication de l’antiquité romaine. Mots-clés. – Voie romaine Naissus–Lissus, Ad Fines (Kur{umlija), Aquae Bas. (Kur{umlijska Banja), compendium, nouvelle borne milliaire. a construction d’un réseau de voies de com- la région autour de Naissus, et plus largement la partie munication terrestres compte sans aucun doute centrale des Balkans, au littoral adriatique. Cet itinéraire L parmi les réalisations les plus marquantes des routier majeur de l’antiquité romaine indique en effet bâtisseurs romains. Visant à faciliter le mouvement des les stations suivantes : Naisso XIV Ad Herculem VI hommes et des marchandises, les voies romaines Hammeo XX Ad Fines XX Vindenis XIX Viciano XXV apparaissent selon un plan préconçu, s’adaptant autant Theranda XXX Gabuleo XVII Creveni XXX Ad Pica- que possible au relief et empruntant souvent le tracé de ria XXX Lissum. D’après la Table, la distance entre voies de communication déjà en usage à l’époque Naissus et Lissus était de 211 milles (c’est-à-dire envi- préromaine. C’est d’abord pour assurer le déplacement ron 315 km). D’un point de vue administratif, cette rapide des troupes et de la logistique à l’époque des importante route romaine traversait la Dardanie, grandes conquêtes que la voirie romaine se développe. région faisant partie de la Mésie (Supérieure), pour Une fois la domination de Rome établie sur les territo- s’avancer en direction des zones méridionales de la ires conquis, le caractère économique et marchand des province de Dalmatie et des ports adriatiques d’Apol- routes s’affirme avec le temps ; leur rôle dans l’organi- lonia et de Dyrrachium, sur le territoire de l’actuelle sation du cursus publicus, le système postal de Albanie. C’était là le chemin le plus court, et ce pour l’Empire1, est également significatif. Précisons dès une intense circulation dans les deux sens, entre, d’une maintenant que l’objectif de cet article est d’éclairer, part, la capitale de l’Empire et, d’autre part, les sous plusieurs aspects, la question complexe de la voie Balkans centraux et le bassin du Danube. Il était en romaine Naissus–Lissus (Ni{–Lje{) et de la station d’Ad effet très facile de gagner, depuis Rome, le port de Fines (Kur{umlija). En ce sens, une borne milliaire récemment découverte aux environs de Kur{umlijska 1 Le service postal de l’Empire romain fut créé à l’époque Banja (Aquae Bas.) vient nous apporter des éléments d’Auguste. Comme le signale Suétone (Suet., August. XLIX, 3), complémentaires sur le tracé et l’importance de la voie dans chaque province, des jeunes gens étaient postés à intervalles Naissus–Lissus. Notre approche méthodologique re- rapprochés le long des routes principales, les viae publicae, qui se posera donc sur l’analyse d’un matériau scientifique transmettaient les messages l’un à l’autre. Pour un examen varié, qui va des données itinéraires et épigraphiques approfondi du fonctionnement de la poste impériale romaine, voir Vasi} et Milo{evi} 2000, 129–133. aux résultats précieux des fouilles archéologiques. 2 [krivani} 1975, 52–53. Comme en témoigne la Table de Peutinger (Tabula 3 ^er{kov 1969, 43–49; Joci} 1982, 71–78; Fidanovski Peutingeriana)2, la voie romaine Naissus–Lissus3 reliait 1998, 296–300. STARINAR LVI /2006. 368 VLADIMIR P. PETROVI] Brundisium d’où hommes et chargements rejoignaient Simultanément, cette apparition de nouveaux centres par bateau les ports adriatiques d’Apollonia4 et de urbains autour des gisements déjà connus ou des zones Dyrrachium5. Des routes terrestres (dont un tronçon de d’extraction nouvellement établies fait qu’au cours des la célèbre Via Egnatia6) menaient ensuite, via Lissus et IIe et IIIe siècles après J.-C., la voie de communication, Naissus, à Viminacium7 au nord, c’est-à-dire au limes perd son caractère essentiellement militaire du Ier danubien. Il importe ici de souligner que la voie Naissus- siècle après J.-C. pour jouer désormais un rôle éco- –Lissus permettait aussi de relier la vallée du Danube nomique majeur15. L’éloignement de certaines régions et la Dardanie (en Mésie (Supérieure)) avec la provin- riches en ressources naturelles par rapport à la voie ce de Macédoine, la mer Égée et Thessalonica, grâce à d’origine impose à son tour la création de tout un sa jonction avec la route Naissus–Scupi8. réseau de routes secondaires pour permettre au mieux Une inscription de l’époque d’Hadrien, trouvée aux le transport des minerais et des autres matières pre- alentours de Viminacium, est venue compléter ce que mières. Ainsi, grâce à l’abondance des minerais et l’on sait de la voie romaine Naissus–Lissus et de son suite à l’essor de l’exploitation minière, l’ensemble de articulation avec le tracé Naissus–Scupi. Son texte fait ce réseau était dans une large mesure emprunté par de état d’une Via Nova9 qui mène de Viminacium à Scupi10 précieux chargements de métaux acheminés vers et Thessalonica en passant par Naissus, et à laquelle se d’autres parties de l’Empire. À cet égard, la présence rattache un compendium (raccourci) dont le rôle pourrait avoir été, d’une part, de permettre à l’armée de faire 4 mouvement le plus rapidement possible entre la côte TIR, K–34, Naissus, 16. 5 TIR, K–34, Naissus, 50. adriatique et la frontière sur le Danube, et d’autre part, 6 TIR, K–34, Naissus, 51; Fasolo 2003. d’assurer dans des conditions optimales le transport 7 TIR, L–34, Aquincum, 119; Mirkovi} 1986, 21–59. des métaux jusqu’à la capitale. Selon toute vraisem- 8 D’après la Tabula Peutingeriana, à Hammeum (Prokuplje) blance, cette Via Nova aurait été la route Viminacium- sur l’axe Naissus–Lissus, la route bifurquait vers le sud, en direction –Naissus–Scupi, tandis que le compendium aurait été de Scupi. Pour A. Mócsy, l’embranchement se trouvait bien à la le segment de la voie Naissus–Lissus qui, passé la sta- station de Hammeum (Mócsy 1970, 18 sq.). M. Mirkovi} prolonge le tracé commun des voies Naissus–Lissus et Naissus–Scupi jusqu’à tion de Vicianum, se séparait, au sud d’Ulpiana, vers la station de Vicianum, non loin de la ville d’Ulpiana, près d’Ugljari Lissus, c’est-à-dire bifurquait vers la mer Adriatique11. ou de ^aglavica aux environs de Pri{tina (Mirkovi} 1960, 249 sqq.). La construction de la voie de communication 9 Imp. Caes¿ar ¤ Divi Tr¡aiani Parthici f.¿ di¡vi Nervae¿¤¡n¿epos Naissus–Lissus, dont les itinéraires antiques font état, Tr¡aianus Hadrianus Aug. pont. max.¿¤¡trib. pot. ± 4 c¿os. III p. ¡p.¿ ¤5 ¡per ––– leg. Aug. pr. pr. ?viam¿ novam qua¡e coe (?)¿ ¤ ¡pta a divo remonte à une époque très ancienne, peut-être même patre suo Traia¿no compen¡dio¿¤¡facto per m.p. –––¿ a Ma¡rgo er aux premières décennies du I siècle après J.-C. flumine¿ in Dardania¡m¿¤¡direxit? et munivit? ita ut vehicula?¿ Cependant, tout porte à croire que la route romaine commeare ¤¡possint –––¿ fe¡cit¿, Mirkovi} 1986, 85–86, n° 50. Il suivait le tracé d’une voie préromaine antérieure, de existe plusieurs interprétations possibles de la 7e ligne de l’inscrip- tion, la plus vraisemblable étant : a Ma¡re Hadriano (Hadriaco vel sorte qu’au lendemain de la conquête romaine il n’est sim.¿ (Du{ani} 1996, 48, note 61). Le compendium reliait donc la mer question que d’une continuation de la circulation sur Adriatique (Mare Hadriacum), plutôt que la rivière Morava (Mar- cet axe12. Ce renforcement précoce du réseau routier à gus), avec la Dardanie (?). l’époque romaine s’explique par la grande importance 10 Des milliaires de l’époque d’Hadrien attestent que la Via stratégique des routes. De nombreuses légions ont Nova arrivait jusqu’à Scupi, cf. Dragojevi}-Josifovska 1982, 155, n° 195; 157, n° 199 et Speidel 1984, 339 sq. emprunté la voie Naissus–Lissus au temps où Rome 11 Voir supra note 8. La voie Naissus–Lissus était certainement affermissait son autorité dans les Balkans centraux et à nettement plus courte que le tracé de la Via Egnatia, par laquelle on l’heure où l’Empire établissait sa frontière sur les rives pouvait rejoindre Scupi via Lychnidus et Thessalonica, se reporter du Danube. Le fait que des villes importantes, comme à la carte TIR, K–34, Naissus. 12 Municipium Dardanorum13 et Ulpiana, à l’ouest de la Les échanges, en Dardanie préromaine, se faisaient essen- tiellement par la vallée du Drim, jusqu’aux colonies grecques sur Dardanie (en Mésie (Supérieure)), se trouvent à l’écart les rives de l’Adriatique (Apollonia, Dyrrachium), et à l’est par les de son itinéraire témoigne, lui aussi, de l’ancienneté de vallées du Vardar et de la Strumica, en direction de la Macédoine, la route. En l’occurrence, ces villes ont à l’évidence été cf. Tasi} 1998, 214 et Joci} 2004, 37. édifiées, après la construction de l’axe principal de cir- 13 TIR, K–34, Naissus, 89; ^er{kov 1965; ^er{kov 1969.
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