Jean-Paul Varrin Buraliste Facteur Retraité

Jean-Paul Varrin Buraliste Facteur Retraité

No 125, septembre 2015 8 candidats aux cantonales 7 La relève du Granit Man 17 Poules et lapins font leur show 19 Les aînés musent au musée 23 Le SHC en souffle 30 26 L’essentiel Wallisellen, saga d’une Tribune 29 Aux bonheurs du château 21 La fête qui pète le feu 24 Editorial Depuis le 13 août, 7 363 946 400 humains vivent «à crédit». Dès 1992 et le Sommet de la Ter- re de Rio, l’ONG Global Footprint Network calcule tous les ans le jour où l’empreinte écologique de l’hu- manité dépasse la «biocapacité» de la planète, c’est-à-dire le «jour du dépassement» à partir duquel les humains ont consommé l’ensemble des ressources que la nature peut produire en un an. Encore excédentaire en 1961 avec un quart de ses réserves non consommées, la Terre est devenu Jean-Paul et Liliane Varrin. Photo jlm déficitaire au début des années 1970. Cette «dette écologique» ne • Portrait cesse de s’accroître. Au milieu des La Poste: le grand chambardement années 1990, c’était en novembre; en 2000, le 1er octobre. Il faudrait cette année une planète et demie Jean-Paul Varrin pour produire les ressources éco- logiques renouvelables nécessaires Buraliste facteur retraité à l’humanité… et il faudra en 2050 l’équivalent de trois planètes! Il y a dix-sept ans(1), Jean-Paul Varrin avait été interviewé En tant que consommateur, sans sur l’évolution de son métier de postier. Faisons prétendre devenir un écologiste for- cené, un vert obtus ou un végétalien le point aujourd’hui avec notre concitoyen de Charmoille intégriste, on se doit de privilégier le récemment retraité. Une réalité en demi-teinte. développement des énergies renou- velables, l’adoption de régimes ali- La grande mutation mentaires moins riches en viande, A l’époque, Jean-Paul Varrin s’inquiétait: l’arrivée de la concurrence, d’in- et la sélection de produits en s’assu- rant qu’ils proviennent de sources ternet et des systèmes multimédias, les objectifs de privatisation et de renta- gérées durablement (et si possible bilité des PTT seraient-ils compatibles avec leur mission de service public? locales). Et en finir avec l’économie Ses préventions d’alors se sont renforcées aujourd’hui, bien qu’après coup il du «produire et jeter». /pe/ admette le caractère inéluctable d’une mutation. «De toute façon, le cadre était contraignant. La Poste était déficitaire, > 125.indd1 11.09.201519:18:51 o La Baroche Le rendez-vous des villages – N 125 – septembre 2015 tés d’affaires, telles que PostFinance, Car Postal, Post Mail (les lettres) Post Logistique (les colis), Réseau postal et vente (le guichet). Ces différentes unités sont indépendantes financiè- rement, se facturent leurs presta- tions l’une l’autre et sont chargées de faire du bénéfice. Côté commercial, La Poste, mise en concurrence dans ses activités, a été obligée de se di- versifier. Elle s’est mise à vendre des produits n’ayant aucun lien avec son domaine aux dépens des kiosques et autres magasins. C’est ça, la libérali- sation du marché.» La photo du dernier jour au bureau. Photo La Poste Les syndicats pris dans l’ascenseur renflouée à grand peine par la Le morcellement «A l’origine, plusieurs syndicats, branche Télégraphes et Télépho- des prestations dont le plus important, l’Union PTT, nes. Cette situation ne pouvait pas «Auparavant, la Poste avait le mo- défendaient les employés. Avec la durer. Dans la logique de l’autofinan- nopole des colis. Tout cela a disparu transformation de l’entreprise, il n’en cement, le peuple suisse avait voté en après le vote populaire de 1998(2). Le reste que deux: Syndicom et Trans- 1998 la suppression des PTT, qui se peuple souverain s’est prononcé sans fert. La multiplication des secteurs sont alors divisées en deux branches: mesurer les conséquences de cette postaux a rendu leur travail plus La Poste et Swisscom. Les gens ne se privatisation. La grande régie fédéra- difficile. Il faut négocier secteur par sont pas rendu compte de toutes les le a fractionné ses prestations en uni- secteur. De son côté, La Poste a été implications que cela supposait.» Accélération fulgurante Parcours de Jean-Paul Varrin «Le discours des dirigeants de la 1969 - 1970: Apprentissage à Neuchâtel Poste était alors: «il faut changer car 1971 (8 mois): Delémont les habitudes des clients changent.» 1971 - 1981: Bâle, un an de transbordement (charger/décharger les Nous, les buralistes postiers, nous trains en gare de Bâle); distribution et un peu de guichet (Lucerne, Wan- étions vent debout contre la diminu- gen, Winterthur, cours de répétition) tion de qualité de prestation qu’allait 1981 - 1991: Delémont, dont il connaissait toutes les circonscriptions entraîner ce bouleversement. En fait, de distribution, il y fait aussi de l’expédition et du timbrage philatélique. cette évolution était si rapide qu’après 1991 - 2001: Charmoille (avec son épouse Liliane), buraliste facteur, coup, dans la logique des directeurs, où il succède à Pierre Simonin. Charmoille a été l’un des premiers petits je dois leur donner raison… C’était bureaux du Jura à fermer. pour le Géant jaune une question de 2001 - 2015: Miécourt, buraliste facteur (jusqu’au 31 mai). survie. Ils avaient une vision que nous Son épouse Liliane poursuit actuellement ses tournées de distribution. n’avions pas. Nous ne disposions pas de toutes les infos. La stratégie éco- Au cours de sa carrière, Jean Paul Varrin aura connu deux distributions nomique de La Poste a bien réussi, du courrier par jour, la transition du tri manuel au tri mécanisé et l’uti- je l’avoue. Elle a passé en quinze ans lisation généralisée de véhicules motorisés, la comptabilisation effective d’un déficit annuel de 500 millions du temps de travail grâce au scanner et enfin la mise sur pied d’équipes à un bénéfice de 800 millions. Mais de distribution. cette mutation s’est effectuée au dé- Au guichet, l’ancien usager est devenu un client à qui la poste vend des triment du personnel et quelque part prestations et des produits. aussi au détriment des clients.» 125.indd2 11.09.201519:18:51 o La Baroche Le rendez-vous des villages – N 125 – septembre 2015 très habile, nommant à des postes le capital confiance envers la Poste a de cadres les responsables syndicaux beaucoup diminué.» Ô poste, ne nous les plus efficaces. Cette stratégie a quitte pas affaibli les syndicats tout en renfor- Prémonitoire, non? Jean-Paul Varrin dit se sentir çant les dirigeants de l’entreprise. La Jean Meixenberger(3), directeur des peu à l’aise avec les jugements tendance du chacun pour soi n’est postes de Neuchâtel, s’exprimait tranchés au couteau. En toutes pas non plus favorable à la défense ainsi lors de l’inauguration de l’offi- circonstances, son tempérament des intérêts du personnel.» ce de Fregiécourt-Pleujouse en 1982: conciliant le porte à relever le «Pour le public, la présence d’une moindre aspect positif des cho- Un contre la montre poste, dans un village, est d’une évi- ses. Il déteste la controverse et les «Tout le monde est apte à distribuer dence telle que le public serait faci- condamnations en bloc. C’est un dans quatre circonscriptions. Mais lement enclin à ignorer le fonction- homme qui a coutume de peser les impératifs de rentabilité des di- nement des rouages postaux et les longuement le pour et le contre, rigeants de la Poste cherchant à faire la part des cho- sont allés plus loin. On navigue de village ses, avouant peiner souvent à se Ils ont voulu déper- en village, on ne forger une opinion. La réflexion, sonnaliser la relation il est vrai, demande du temps. facteur/client. Le fac- connaît plus les gens Pourtant, en observateur de l’in- teur a maintenant son térieur attentif et lucide, Jean- temps de travail enre- Paul Varrin doit bien se rendre gistré sur un scanner. à l’évidence: en fermant ses bu- C’est organisé en «teams», en grou- problèmes que pose l’écoulement du reaux, La Poste tend à abandon- pes de distribution. On navigue de trafic postal. Pour le public, la pré- ner son service de proximité. En village en village et on ne connaît sence de la poste est aussi naturelle tant que citoyen, en tant qu’hom- plus les gens. Fini l’heureux temps que l’oxygène dans l’air. Ce n’est que me, il le déplore. /jlm/ où le passage du facteur en tournée quand il vient à manquer que l’on rythmait la journée des usagers, où prend vraiment conscience que cet l’on pouvait encore se permettre de oxygène est indispensable à la vie.» tailler une petite bavette. Il faut dé- trophique. Voilà un réseau sacrifié sormais atteindre des objectifs. Vite Les petits offices sur l’autel de la sacro-sainte efficacité et bien. C’est une course contre la à la trappe et du gain de temps conformes aux montre. L’une des conséquences dé- «D’un point de vue social, la suppres- attentes de la hiérarchie. Les clients sastreuses de cette stratégie, c’est que sion des offices de poste a été catas- en ont d’autres, d’attentes: notam- ment un service de proximité et de l’écoute dans la discrétion. La barre de rentabilité est mise tel- lement haut qu’il ne restera bientôt plus en Ajoie que les offices de Por- rentruy, Courgenay, Boncourt et Alle, peut-être Chevenez, pour des- servir la Haute Ajoie… De son côté, l’autorité communale n’a rien à dire. Le discours des logis- ticiens de La Poste, c’est: «Vous vou- lez un bureau de poste? Il faut payer.» Le Canton lui non plus n’y peut rien.

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