Bulletin des Chercheurs de la Wallonie, XLV,2006, 87–107 Les travaux miniers de Heggen à Baelen (province de Liège, Belgique) Francis Polrot R Cet article décrit des travaux de recherche et d’exploitation de gisements métallifères sur le territoire du hameau de Heggen (Baelen). Ce sont les anciennes mines dites « Heggen » et « Pingeren » du Duché de Limbourg, épuisées dès e e le siècle, de petites exploitations de minerai de fer (minières), datant principalement du siècle, et des travaux de recherche en sulfures du même siècle. Nous situons ces travaux et tentons de décrypter les traces qu’ils ont parfois pu laisser dans le paysage actuel. M- : travaux miniers, sulfures, minerai de fer, Belgique. A This paper describes old mining works in Heggen and Pingeren (used up to the 16th century), light iron opencast mine and researches on sulphides (19th century). We place those works and try to decode the traces left in the landscape. Keywords: old mining works, sulphides, iron ore, Belgium. o 1. Introduction – au 1/40 000, n 123, Henri-Chapelle (Forir, 1837). Toponymie de Baelen. Village : Heggen ; lieux- Atlas du karst wallon (Debroyer et al., 1996) : dits : Pingeren et Chapelle Saint-Maur. o Carte Vieille-Montagne, 1894 : Dramm, Peatzke, 43/1-30 : Doline n 1 de Heggen ou puits Goor Rotsch, Les Haus, Heggelsbrück, Four à ancienne minière métallifère (en fait c’est un ancien four à chaux) ; Chaux, Langeweg, KolchoVen, Bauscheid, o Pengeren, point Pengeren. 43/1-31 : Doline n 2 de Heggen,ancienne minière métallifère. Plan Popp : Heggen, Peuts-Hof, Dromm, Flaas- berg, Ornes Weide, Roherd, Coullenweide, Coordonnées Lambert : Langvereg, Pingeren et 2 fours à chaux. Heggen : Anciens textes : Pangeren, Pyngeren, Flaasberg, X = 262,870 ; Y = 149,270 ; altitude = 280 m. Roetfelt. Pengeren : X Franquoy (1869) : prairie Dresse. 262,070 262,300 ; au 148,950 Y 149,100 ; Carte Ferraris (1771–1778) : H Heggen, Car- 283 m altitude 287 m. rière et four à chaux. Pingeren : Cadastre actuel : Onnesweide, Heuskenweide, X = 262,520 ; Y = 149,300 ; altitude = 292 m. Coullenweide, Roherd, Isserenberg, Peutz Drieschken, KalekoVend, Les Haas, Lang- vereg, Heggen, Peutz Hof, Dirgaert, Grote Weide, Pingeren, Rotsch. Cartes topographiques : o – au 1/10 000, n 43/1, Henri-Chapelle ; o – au 1/20 000, n 43/1, Henri-Chapelle ; o – au 1/25 000, n 43/1-2, Henri-Chapelle–Raeren. Cartes géologiques : – au 1/25 000, (Laloux et al., 2000) Gemmenich-Botzelaar, 35/5-6 ; Henri-Chapelle-Raeren 43/1-2 ; Petergensfeld-Lammersdorf, 43/3-4 ; F. 1. – Situation 88 Francis P Le 20 octobre 1434, Philippe le Bon concède tandis que la situation de Pangeren reste plus les mines de Heggen et de Pangeren, près de floue. La mine de Pangeren est dite occuper Baelen. Ces deux mines s’ouvrent dans des deux propriétés « dans le ban de Baelen » (Yans, terrains distincts. Heggen est assez bien délimité 1938). F. 2. – Géomorphologie minière et toponymie de Heggen L H B 89 1.1. Heggen allant de Limbourg à Aix ». L’emplacement est La mine occupe un terrain carré de quatre- repéré sur la nouvelle carte géologique de Laloux vingt verges* de côté ; cela représente une surface et al. (2000) [fig. 3b], le centre du quadrilatère comprise entre 13 et 16 hectares. On connaˆıt, devant se trouver vers le point (2) de la figure 2. avec une assez bonne précision, sa situation Les terrains qui nous intéressent sont consti- « au-dessus [de Heggen et attenant au] chemin tués de calcaire et de dolomie du Dinantien o F. 3. – Extraits de cartes : a. carte géologique n 123 (Forir, 1897) ; b. carte géologique Laloux et al. (2000) ; c. carte géologique Timmerhans (1905) ; d. carte Vieille-Montagne 1864 ; e. carte Vieille-Montagne 1862 ; f. carte Vieille-Montagne 1894 ; g. carte Vieille-Montagne 1884 ; h. carte I.C.M. 1932 ; i. croquis Yans (1938). 90 Francis P et de shales et de grès du Houiller. Un des l’I.G.N. mais est appelée « Pengeren » sur la carte amas minéralisés se trouvait certainement au Vieille-Montagne de 1894. Le mot est, de plus, croisement du contact O-S-O/E-N-E, entre les souligné, comme sont soulignés tous les sites terrains détritiques et les terrains carbonatés, miniers de la même carte (fig. 3f). avec une faille transversale N-S, liée à la faille de Dejonghe et al. (1993) donnent la situa- Welkenraedt (Dejonghe et al., 1993). Les miné- tion géologique : « contact tectonique entre ralisations sulfurées étaient surmontées par des le Namurien détritique et le Dinantien cal- oxydes, notamment de fer (la limonite des mi- caire », c’est-à-dire via une faille longitudinale neurs qui constituait l’essentiel du minerai de fer O-S-O/E-N-E ; cela correspond bien au premier régional). Heggen est d’ailleurs principalement e site et moins au deuxième, qui est plutôt situé connu pour ses minières de fer du siècle, sur une faille transverse. le plomb ayant été exploité et quasi épuisé dès e Remarquons que les deux propriétés, dites le Moyen Âge. Les mineurs du siècle ont, « mine Pangeren », peuvent correspondre aux bien sûr, espéré retrouver, ici, les minéralisations deux emplacements, Pingeren et Pengeren, dont sulfurées rencontrées le long de la faille, plus les contours sont bien flous mais qui se touchent au nord, à Bruyère, à Saint-Paul et, plus près, à à la route de Heggen à Honthem. Heggelsbrück (Polrot, 1998a). La description de Franquoy (1869) place le minerai de fer dans du Houiller, cerné de 1.3. Les minières de fer carbonates (massif « HOU » au centre de la figure 2). On peut se trouver dans une situation De nombreuses recherches de limonite ont comparable à celle de Grünhaut (Polrot, 2001) donné lieu à des exploitations plus ou moins où des terrains du Houiller se sont eVondrés importantes, en de nombreux endroits de Heg- dans des paléokarsts (calcaires) minéralisés. gen. Nous verrons que leur situation exacte reste Cela expliquerait le « bassin de calcaire » de presque toujours floue. 700 m sur 60 m, décrit par Franquoy (1869), et le peu de profondeur des minéralisations. Les recherches qu’eVectua la S.A. de la Vieille- Montagne, à Heggen, se situaient, certainement, 2. Histoire des mines concédées sur le flanc nord du synclinal de Rabotrath- 2.1. Sous l’ancien régime Hauset. Les données les plus anciennes ont été recueillies par Yans (1938) et Pauquet (1988) ; 1.2. Pangeren nous nous basons sur leurs publications pour ce paragraphe. Pangeren est composé de deux propriétés Les données sont très fragmentaires voire « dans le ban de Baelen », dont la superficie nulles avant 1430 ; mais, à cette date, l’exploita- est un peu inférieure à celle de Heggen. Deux tion était suYsamment importante pour que le lieux-dits peuvent convenir pour situer cette duc de Bourgogne, Philippe le Bon, s’y intéresse. mine. Le 20 octobre 1434, il concède les mines de D’abord, le « Pingeren » de la carte topogra- Heggen et de Pangeren à Henri de Welchenhau- phique actuelle, qui est aussi le nom de la ferme sen seigneur foncier de Meuschemen, lieu-dit la plus proche sur la carte Vieille-Montagne de voisin dépendant aussi du ban de Baelen. Le 1894. Un peu plus au sud, remarquons le sym- contrat autorise que l’exploitation devienne une bole des « pioches croisées » (fig. 3f). La carte entreprise familiale ; elle n’est donc pas limitée Vieille-Montagne de 1864 donne des « sondages dans le temps comme c’était le cas pour les point Pengeren », au nord de la ferme Pingeren, concessions antérieures mais passe aux héritiers et le chemin qui la longe, à l’est, s’appelle et aux associés. Pengerengatz (fig. 3g). Yans (1938) fait figurer, Ces mines n’apportent pas tout le bénéfice lui aussi,sur son croquis,le site de Pingeren entre qu’on en attendait ; elles rapportent donc très Heggen et Honthem (fig. 3i). peu, sinon rien, au duc. Celui-ci est sensé La deuxième possibilité se situe entre la mine prélever la dˆıme en métal fondu et se réserver, de Heggelsbrück et Heggen, côté ouest de la en plus, une part variant entre 1⁄4 et 1⁄9, autant route. Cette zone est anonyme sur les cartes de en ce qui concerne les pertes que les bénéfices L H B 91 de l’entreprise. Mais une clause spéciale du mot « mont » est bien une mauvaise traduction contrat enlève au duc tout bénéfice au début de en français du Berg (bergh) germanique qui l’exploitation et c’est justement pendant cette signifie ici « mine ». période que la mine produit la seule quantité Le duc, qui semble avoir conservé le bénéfice connue de minerai. de la prescription trentenaire, concède la mine Le duc est considéré, de fait, comme par- à la famille Vaes von dem Panhuys (van den chonnier*1. Sa participation dans la gestion de Panhuyse). Mais, en 1503, aucune dˆıme n’est la mine semble avoir été, au début, facultative perçue ; il n’y a donc pas ou peu de production. mais les mineurs la rendent obligatoire pour Entre 1518 et 1554, époque pendant laquelle qu’il participe aussi aux pertes. Ainsi, le receveur Érasme Schetz est fermier des calamines, les relève que Henri de Welchenhausen refuse, en travaux dans la mine de Heggen sont suspendus 1437, de payer, prétendant que la participation pour cause d’abondance des eaux. Ce qui ducale aux frais a dépassé le montant de la dˆıme signifie que des travaux ont été menés avant additionné du quart des bénéfices auquel le duc des travaux de remise en condition des galeries, a droit. On retrouve cette façon de faire, accep- très vite envahies par les eaux chaque fois tée, semble-t-il, par le receveur, notamment en que les travaux ralentissaient lors de crises 1438.
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