1988 : dans la roue d'ALAIN PROST JOHNNY RIVES 1988 : dans la roue d'ALAIN PROST CALMANN-LÉVY ISBN 2-7021-1755-4 @ CALMANN-LÉVY 1988 Imprimé en France AVANT-PROPOS Une trajectoire exceptionnelle Jusqu'en 1980, malgré la passion et la volonté de Jean Behra, Maurice Trintignant, Jo Schlesser, Jean-Pierre Beltoise, Johnny Servoz-Gavin, François Cevert, Henri Pescarolo, Jean-Pierre Jarier, Patrick Depailler, Jacques Laffite, Jean-Pierre Jabouille, René Arnoux, Patrick Tam- bay et Didier Pironi, le palmarès des pilotes français en championnat du monde de FI était modeste. Alors vint Alain Prost. A l'issue de son premier Grand Prix, en Argentine, il se classa sixième, marquant son tout premier point au cham- pionnat. Personne n'imaginait l'exceptionnelle carrière qui l'attendait. Il n'était pas le premier à provenir des formules de promotion auréolé d'une brillante réputation. Clark et Stewart, avant lui, avaient confirmé en Grand Prix de flatteurs débuts. La recette n'était pas infaillible : le talent de Niki Lauda ne s'était épanoui qu'en Formule 1 après des débuts besogneux. A l'inverse, de brillants espoirs comme Peter Arundell, ou Roy Pike, n'avaient pu confirmer leurs promesses. Prost avait payé de sa personne son billet d'entrée en Formule 1. L'équipe McLaren n'appartenait pas encore à Ron Dennis. Elle cherchait un pilote pour conduire sa deuxième voiture au Grand Prix des États-Unis 1979, sur le circuit des Watkins Glen. Prost brûlait d'impatience de débuter en Fl. A la surprise générale, il avait refusé de jouer les remplaçants au pied levé. Mais, habile diplomate, il y avait mis la manière. Il n'avait qu'une relative confiance en cette équipe. Plutôt que d'effectuer une tentative publique aux répercus- sions incertaines, Prost avait suggéré à Teddy Mayer, directeur de McLaren : « Pourquoi ne pas juger mes capacités lors d'une séance d'essai privée ? » Ainsi évitait-il le piège d'une contre-performance tout en donnant de lui l'image flatteuse d'un garçon réfléchi. Teddy Mayer fut étonné par un tel sang-froid. L'essai eut lieu. Avec succès. Mais pas de la manière qu'imaginait l'ambitieux candidat. Il dut affronter un adversaire jeune et ambitieux comme lui : l'Américain Kevin Cogan. Toutefois, la confrontation se présentait à son avantage : sur le circuit Paul-Ricard, entre Marseille et Toulon. Un terrain qu'il connaissait parfaitement depuis quatre ans, après y avoir gagné la finale du Pilote Elf, et disputé avec succès nombre d'épreuves de promotion. Cogan n'y avait jamais mis les pieds. Prost lui tourna littéralement autour, enlevant sans surprise la place de pilote de Grand Prix auprès du vétéran John Watson. Il avait eu une autre opportunité de débuter en Fl à la fin de 1979. Celle-là, il ne l'aurait pas différée comme il l'avait fait pour McLaren. A l'issue de la première séance d'essai du Grand Prix du Canada, Lauda avait pris la soudaine décision d'interrompre sa carrière. Prost, qui venait d'être couronné champion d'Europe en Formule 3, avait effectué le déplacement pour établir des contacts. Protégé d'Elf, il fut proposé à Bernie Ecclestone, patron de Brabham, pour remplacer Lauda auprès du jeune Piquet. Mais Ecclestone avait déjà un accord avec l'Argentin Zunino, essayeur et remplaçant officiel dans son équipe. C'est ainsi qu'à la course suivante, Prost, demeuré libre, entama ses pourpar- lers avec McLaren... Depuis longtemps, il était impatient de débuter chez les « grands ». Au cours de son adolescence, il avait fait une brillante carrière en karting, et cela l'avait amené à se mesurer à Cheever, De Angelis et Patrese, qu'il devait retrouver à l'échelon suprême. A vingt ans, il avait tenté sa chance au Pilote Elf. C'était en 1975. L'école de pilotage Winfield proposait des stages d'apprentissage sur deux circuits : Magny-Cours (Nièvre) et Paul-Ricard (Var). Les lauréats gagnaient une monoplace de Formule Renault et un budget pour débuter en course. Originaire de Saint-Chamond, dans la Loire, accomplis- sant son service militaire en Allemagne, Prost choisit l'école la plus éloignée de ses bases : celle du Paul-Ricard. A vingt ans, il était déjà lucide, réaliste, cartésien : « Je voulais gagner, expliqua-t-il plus tard. Il fallait éliminer les paramètres annexes, notamment les caprices météorologi- ques. » La pluie est moins fréquente dans le Var que dans la Nièvre... Après avoir brillamment remporté sa finale, Prost effec- tua des débuts triomphaux en 1976, gagnant douze des treize courses du championnat. Du jamais vu. Plus impres- sionnante peut-être, fut son apparition à l'échelon supé- rieur — la Formule Renault « Europe ». Sur le difficile circuit de Dijon, il fallut un ennui mécanique pour l'empê- cher de battre Didier Pironi qui dominait ce championnat. Prost se sentait prêt pour les combats les plus difficiles. Les plus prestigieux. Mais il dut faire preuve d'une longue patience : Elf, qui le couvait, souhaitait le garder dans le giron de Renault. En 1977 il fut champion de Formule Renault « Europe », puis dut sacrifier une saison (1978) pour la mise au point d'un moteur Renault de Formule 3. Avec lequel il fut champion d'Europe en 1979. Il était plus que temps, pour lui, d'accéder à la Fl. 1980 marqua donc ses débuts dans le cercle étroit des Grands Prix. Des débuts âpres, ponctués de quatre acci- dents dus à des défaillances mécaniques. C'est en cela qu'il avait payé de sa personne son entrée chez les grands. Il avait immédiatement touché du doigt les aléas de son métier. Il ne fut pas long à en tirer la leçon : quoique lié à McLaren, il convainquit Elf et Renault de racheter son contrat pour 1981. C'est ainsi qu'il entra dans l'équipe Renault Fl. Il devait y connaître le succès et l'échec. Succès : trois victoires en 1981, deux en 1982, et quatre en 1983. Échec : le titre de champion du monde, à sa portée pourtant, lui échappa. Son mariage avec l'équipe française fut tumultueux. Son attitude controversée. On lui prêtait autant de qualités de pilote que de défauts au plan humain : maladroit, amer, écorché, insatisfait. Ce qui ne l'empêchait pas de s'être affirmé doué, bagarreur, solide, opiniâtre, honnête, réfléchi, prudent. Sans doute Prost était-il trop jeune pour imposer son ascendant sur les responsables de l'équipe française. Ses remarques étaient pertinentes, mais rarement suivies d'ef- fet. Elles devinrent au fil des mois plus fréquentes, plus vives. Et finalement insupportables. Que de regrets, avec le recul, pour les dirigeants de Renault-Sport ! Sa plus belle période en Fl, l'équipe française la connut avec Prost. Pour avoir mésestimé les compétences de ce pilote exceptionnel, la grande entreprise gâcha son plus bel atout. Son équipe de Grand Prix ne survécut que deux ans au départ de ce collaborateur hors du commun. Les circonstances ramenèrent Prost chez McLaren en 1984. Là, ses qualités éclipsèrent totalement ses défauts. Cette équipe n'avait plus aucun rapport avec celle qu'il avait connue, quatre ans plus tôt. Ron Dennis l'avait restructurée de fond en comble. Sur le plan technique, elle s'appuyait sur un technicien de valeur, l'ingénieur John Barnard. Revenu en compétition après deux années sabba- tiques, Niki Lauda avait retrouvé la plénitude de son talent. Un accord passé avec les firmes Techniques d'Avant-Garde (TAG) et Porsche devait aboutir à la fourniture d'un moteur turbo qui connut trois années irrésistibles. Dans ce groupe étoffé, Prost ne pouvait pas manquer l'opportunité de concrétiser son talent. En 1984, lui et Lauda signèrent douze victoires en seize Grands Prix. Le titre allait à l'Autrichien. Pour un demi point d'avance. Or Alain ne fut pas considéré comme le perdant, à l'instar des années précédentes : il avait signé sept victoires, égalant le record du prestigieux Clark. Placé d'entrée sur une voie royale, il s'adjugeait logique- ment le titre mondial en 1985. Historique. Il était le premier Français à y parvenir. Plus valorisant fut le couronnement suivant : en 1986 malgré un moteur TAG- Porsche moins fringant que le Honda des Williams, il s'imposait encore. Il avait subtilement joué de la rivalité entre Piquet et Mansell. En 1987, les Honda étaient devenus imbattables. Mais Prost tira suffisamment parti de son TAG-Porsche vieillis- sant pour battre un record prestigieux : celui du nombre total de victoires, détenu depuis 1973 par Jackie Stewart. Clark, Lauda, Stewart : le modeste enfant de Saint- Chamond au nez cassé, qui faisait le coup de poing pour asseoir son autorité à l'époque du karting, flirtait désormais avec les plus grands noms de l'histoire de la course. Jusqu'à celui de Fangio. En 1988, en acceptant le recrutement d'Ayrton Senna dans l'équipe McLaren pourvue désormais de moteurs Honda, il fit entrer le loup dans la bergerie. Le jeune Brésilien, étalant un brio stupéfiant, lui souffla le titre. Pourtant, en dépit de ce virtuose adversaire, Prost avait encore enrichi son palmarès, augmenté son prestige. Jamais un pilote de Grand Prix n'avait accompli une saison aussi pleine. Pour la première fois de l'histoire de la Fl, le total de cent points au championnat avait été dépassé. Digne dans la défaite, il inspira un respect que Renault n'avait pas su faire épanouir. Il était devenu dans le cercle étroit des Grands Prix une vedette du même calibre que Juan-Manuel Fangio. Une star. Question : où, chez ce garçon batailleur et volontaire, se cachent les clés du talent ? Dans une clairvoyance faisant de lui un incomparable stratège ? Dans une puissance mentale lui permettant de se concentrer exclusivement sur des objectifs précis ? Ou tout simplement dans l'art de tenir un volant, de solliciter l'accélérateur et les freins d'une monoplace, de frôler les limites, de s'y maintenir tout près comme le funambule sur son fil, sans jamais les dépasser? Tico Martini, constructeur des premières voitures de course d'Alain Prost, fournit l'analyse suivante : « Son plus gros atout est de savoir effacer par son pilotage certains défauts mécaniques de ses voitures.
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