La naissance de la culture épigraphique latine en Africa · Par ATTILIO MASTINO·· ET RAIMONDO ZUCCA 1. Avant de commencer cet exposé, nous investigations archéologiques et épigra­ voudrions apporter les plus vives saluta­ phiques, contribuant ainsi au développe­ tions de l'Université de Sassari à tous ment de la recherche historique sur la nos collègues marocains ainsi que nos Mauretania Tingitana dans ses rapports remerciements pour l'accueil et l'hospi­ avec Rome. Parmi eux, nous voudrions talité qu'ils nous réservent durant ces surtout mentionner nos éminents collè­ . Jours-cl. gues Ahmed Siraj de l'Université de Nous voudrions également rappeler Mohammedia et Aomar Akerraz de les travaux du XVe Congrès international l'INSAP, sans pour cela oublier Halima sur l'Ain'ca Romana, centré sur le thème Ghazi Ben Maïs sa, Mohamed Majdoub, « Aux confins de l'Empire: contacts, Mohammed Makdoun, Hassan Limane, échanges, conflits» (fozeur, Tunisie). A la Mohamed Habibi, Ali Ouahidi, Abdelaziz réalisation de cette initiative participe acti­ el-Khayari, Mohamed Behel, Abdelhadi vement un grand nombre de collègues, Taz~ auxquels sont venus s'ajouter récem­ ** Universita degli archéologues, historiens et épigraphistes ment Sidi Mohammed Alaioud, Bekkache studi di, Sassari de l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine de Rabat • Cet article est la version revue et corrigée Oa mise à dirigé par Joudia Hassar Ben Slimane (pré­ jour, qui consiste en quelques rectifications et intégra­ cédemment assistée par Abdelaziz Touri) tions, ne concerne que la partie africaine) de l'article de R. ZUCCA, « Inscriptiones latinae liberae rei publi­ ainsi que plusieurs universités marocaines. cae Mricae, Sardinae et Corsicae », in L'Africa Romana, Les séminaires de Sassari, qui ont suscité XI, Cartagine 1994, p. 1425-1450 (cf. AB 1996, 1671). Bien que conçu de façon unitaire, ce texte comprend l'intérêt de la communauté scientifique cinq paragraphes: les paragraphes 1, 2 et 5 ont été rédi­ internationale, ont permis de créer un gés par Attilio Mastino ; les paragraphes 3 et 4, ainsi que le catalogue en appendice, ont été rédigés par réseau de rapports, de relations et d'ami­ Raimondo Zucca. Les auteurs remercient vivement tiés qui est, selon nous, le résultat le plus tous ceux qui sont intervenus au débat lors de la pré­ sentation de cette communication, à Casablanca, à la extraordinaire de cette expérience que les Fondation du Roi Abdul-Aziz Al Saoud pour les deux rives de la Méditerranée ont vécue et Etudes Islamiques et les Sciences Humaines (19 avril partagée. 2002) et, en particulier, les professeurs Maurice Snzycer, Jehan Desanges, Christine Hamdoune, Cette collaboration, dont les premiers Ginette Di Vita Evrard pour leurs stimulantes obser­ pas remontent au début des années 1980, vations. Le catalogue en appendice ne regroupe que les inscriptions républicaines authentiques, la date limite a vu la participation active de nombreux de la recherche étant l'année 31 av. ).-C., en accord collègues marocains qui se sont engagés à avec S. P ANCIERA, «Inscriptiones latinae liberae rei publicae », in Epigrafta, Actes du Colloque international présenter, lors des Congrès internationaux d'épigraphie latine en mémoire de Attilio Degrassi, Roma sur l'./ifrica Romana, les résultats de leurs 1991, p. 241. 191 Badia, Abdelaziz Bel-Faida, Rachid la connaissance archéologique de la région, Bouzidi, Aboulkacem Chebri, Abdel­ à partir d'une révision critique des sources kader Chergui, Abderrazak el Asri, Rah­ antiques, médiévales et modernes, à travers moune el-Houcine, Brahim el I<.adiri­ l'exploration du territoire et la constitution Boutchich, Habib el-Malik, EI-Arby En­ d'une banque de données utile à la com­ N achioui, Malika Ezzahidi, Hicham munauté scientifique et aux autorités com­ Hassini, Abdelfattah Ichkhakh, Mohamed pétentes en matière d'élaboration de plans I<'biri Alaoui, Cheddad Abdel-Mohcin, de développement. Abdelwahed Oumlil, Amine Younsi. La première campagne, à laquelle ont Nous profitons de l'occasion qui nous participé Ahmed Siraj, Cinzia Vismara, est offerte aujourd'hui pour leur exprimer Mohammed I<'biri Alaoui, Caterina Coletti notre plus grande gratitude pour la pré­ et Liliana Guspini, s'est déroulée en octo­ cieuse collaboration qu'ils nous assurent bre 2000 et elle a consisté essentiellement et nous souhaitons que les prochains en une prise de contact initiale avec le ter­ congrès de l'Africa Romana puissent se ritoire, visant à définir une stratégie de la dérouler au Maroc et dans quatre ans en recherche. Les chercheurs ont donc procé­ Sardaigne. Nous espérons, en outre, que dé à une exploration préalable de la cette expérience commune maroco-ita­ bande côtière comprise entre Badîs et la tienne pourra s'étendre dans le domaine Moulouya. A la seconde campagne, qui s'est des recherches sur le territoire et dans celui déroulée en septembre 2001, ont pris part des enquêtes archéologiques commencées également les professeurs Mohammed il y a trois ans par Cinzia Vismara (récem­ Mahjdoub, Beniamino Toro et Michele ment mutée à l'Université de Cassino), Di Filippo et les étudiants et doctorants Emanuele Papi, Ahmed Siraj et Aomar Fatima Bouchmal, Adil Bouhya, Gianluca Akerraz. De Rosa, I<hadija El I<hadiri, Fabienne La recherche dans le Rif, qui a débuté Landou et Halima N aji. Les investigations en 2000, se déroule dans le cadre de l'ac­ effectuées à cette occasion ont permis cord de coopération inter-universitaire d'explorer les sites côtiers et le proche passé entre les Universités de Mohammedia arrière-pays de la bande comprise entre et de Cassino et en application des conven­ Tarhzout, à l'ouest, et l'embouchure de tions en vigueur entre les Université de l'oued Salah, à l'est (cartes 1 : 50.000: Beni Cassino et Mohammedia et l'Institut Boufrah, Rouadi, Al-Hoceima, Boudinar). National des Sciences de l'Archéologie et La campagne 2002 permet d'explorer du Patrimoine. la portion de territoire comprise entre Cette recherche, financée jusqu'à pré­ les embouchures de l'oued Salah et de la sent par les ministères italiens de Moulouya et de prospecter plus en détail l'Education nationale, de l'Université et de l'aire destinée à la construction de la route la Recherche (fonds co financés, dans le côtière (<< rocade »), en partie fmancée par cadre d'une recherche coordonnée par la Direction Générale pour la Coopération A. Mastino), des Affaires Etrangères et par au Développement du ministère italien l'Université de Cassino, a comme objectif des Affaires Etrangères. Parmi les premiers résultats obtenus, Après avoir mentionné la grande nous signalerons, outre la connaissance migration des Hébreux de l'Egypte vers la archéologique des zones explorées et l'af­ Terre promise, d'abord sous la conduite de finement des méthodologies à appliquer Moïse et, après sa mort, sous celle de Josué, de façon fonctionnelle à un contexte géo­ fils de N oun, Procope rappelle l'exode des morphologique et archéologique particu­ peuples sémitiques de la Palestine vers lièrement complexe, la découverte d'un l'Egypte, dans un premier temps, puis vers établissement phénicien, très probable­ la Ubye: ment un emporium, situé à l'embouchure de «Les nouveaux venus l'occupèrent totale­ l'oued Amekrane. ment jusqu'aux colonnes d'Hercule et y fon­ dèrent un grand nombre de villes; leurs des­ 2. La culture épigraphique latine en cendants y sont restés et parlent encore aujourd'hui la langue des Phéniciens. Ils cons­ Africa, c'est-à-dire au Maghreb, de la Tri­ truisirent même un fort en Numidie, là où se politaine aux côtes adantiques du Maroc, dresse la ville de Tigjsis. Aux alentours de la est née à des époques différentes entre grande source, on peut voir deux stèles en pier­ l'orient et l'occident maghrébins, au fur re blanche qui portent, gravée en caractères et à mesure de la constitution des provin­ phéniciens et dans la langue des Phéniciens, une inscription qui signifie: "Nous sommes ciae africaines, depuis la création de la ceux qui ont fui le brigand Josué, fils de toute première provincia Africa, en 146 av. Noun". »1 J.-C., jusqu'à l'établissement, sous le Les chercheurs ont proposé différen­ règne de Claude, des provinces de la tes interprétations du texte de Procope, Mauretania Caesariensis et de la Mauretania balançant entre une négation totale de Tingitana. l'authenticité de l'évènement (St. Gsell) il Au préalable, faut dire toutefois que le et une acceptation sujette à divers déco­ phénomène constitutif de la culture épigra­ dages. Ces derniers vont de l'ethnos phé­ phique latine en Afrique, notamment dans nicien (Cl. Lepelley) à celui des Phoinikes les zones les plus orientales, est le résultat comprenant un grand nombre de peuples d'un rapport dialectique fondamental entre levantins parmi lesquels les Cariens les codes d'écriture utilisés en Afrique au (G. Pugliese Carratelli, A. Di Vita) 2, en moment des premières expériences épigra­ passant par l'ethnos numide ou encore liby­ phiques latines et les ateliers de gravure sur que. Il est important toutefois de souli­ pierre auxquels nous devons les textes rédi­ gner l'attention que Procope a accordée à gés dans les différents systèmes d'écriture. ce double document épigraphique, dont Un passage célèbre du Bellum il a décrit le support (la stèle), le matériau Vandalicum de Procope témoigne, dans la (la pierre blanche), la position géogra­ vision de l'écrivain byzantin, influencée phique (près de la grande source de la probablement par la production littéraire ville de Tigisis, l'actuelle Aïn-el-Bordj, perdue des rois numides, de l'acquisition située à 50 km au sud-est de Constantine), très ancienne d'une culture alphabétique, l'aspect paléographique (les caractères en l'occurrence sémitique, par les popula­ phéniciens), les caractéristiques linguis­ tions de la Ubye. tiques (la langue des Phéniciens) et enfin 193 le déchiffrement Qa traduction du texte ciens de l'aire ibérique du Morro de en grec).
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