s o MM a i r e • Journal littéraire Michel crépu 9 Dantzig, Saint Robert, Saint-Simon Tauriac... • grand entretien pascal laMy 19 L’OMC entre deux mondes et annick steta • France-Japon : une nouvelle histoire louis schweitzer 35 Des valeurs et des intérêts communs Makoto katsuMata 37 La perspective des relations entre le Japon et l’Afrique à l’âge de la mondialisation richard Bliah 45 Les mutations urbaines tsuyoshi tane 52 Entretien et anouck Jourdain L’acier, la nature et l’histoire thierry Moulonguet 59 L’alliance Renault-Nissan sawako takeuchi 67 Entretien et anouck Jourdain « Il faut ouvrir des portes pour sentir le monde » Jean-pierre duBois 73 Des écrivains français à la découverte du Japon corinne Quentin 85 Les relations éditoriales franco- japonaises. Un mouvement de balancier et des formes inversées Michaël Ferrier 93 Entretien et aurélie Julia L’écrivain sismographe 2 AvRIL 2013 caMille Moulonguet 105 Où il est question de passage yoshito ohno 108 Entretien et yusuke koshiMa Kazuo Ohno, le danseur de mondes catherine diverrès 114 Un jour avec Kazuo Ohno xavier de Bayser 117 La laque et le cristal Mineaki saito 119 Entretien et aurélie Julia Sur l’élégance richard collasse 127 Stupeur et tremblements ? christine vendredi-auzanneau 136 La scène artistique japonaise en 2013 édith de la héronnière 142 Susumu Shingu, sculpteur de vent yves gandon 148 Esquisses japonaises. Des presses de l’Asahi aux bannières du sumo • CRITIQUES • livres Frédéric verger 163 Isaac Bashevis Singer olivier cariguel 168 Secrets intimes du Journal de Jacques Lemarchand • Musique Mihaï de Brancovan 173 Weill, Moussorgski, Zemlinsky, Ravel • disques Jean-luc Macia 176 Dutilleux, de magiques « correspondances » • notes de lecture 181 Jean-pierre van deth par Jean-Paul Clément, iphigénie Botouropoulou par Jean-Paul Clément, guillauMe duval par Yves Gounin, Marc graciano par Édith de La Héronnière, JacQues lacarrière par Édith de La Héronnière, violaine gelly et paul gradvohl par Olivier Cariguel, ugo riccarelli par Gérard Albisson. 3 Éditorial Ni plus ni moins orsque Roland Barthes écrivit l’Empire des signes, quelque part au tournant des années soixante-dix, le temps de la fascination lpour le Japon, l’étoile montante technologique qui avait régné sur les sixties était passé. Le livre de Barthes ouvrait une autre porte plus subtile. Barthes n’était pas le premier Français, loin de là, à sentir ces choses. Paul Claudel avant lui, en 1898, puis de nouveau en 1921 (pour y rester jusqu’en 1927), comme ambassadeur, avait parfaitement « reçu » le message. Jean-Pierre Dubois le rappelle ici : en écrivant à Alexis Leger (alias Saint-John Perse) que la « France devait devenir le correspondant du Japon en Europe », Claudel ne se contentait pas de faire briller des clichés faciles, il jouait au contraire d’une étrangeté aux mille facettes, impossible à cerner. La France pouvait devenir le pays « correspondant » pour le seul plaisir. Y a-t-il donc une autre manière d’être avec autrui ? Cette curiosité exem- plaire de deux écrivains français aussi dissemblables nous aura servi de boussole pour la composition de ce numéro spécial. Il paraît deux ans après le désastre de Fukushima. Pour autant, cet anniversaire douloureux ne relève pas, pour ce qui nous concerne, de cette curiosité morbide qui consisterait à admirer l ’extraordinaire « ténacité des Japonais dans l’épreuve du malheur ». On nous a beaucoup servi de ce brouet indigeste. L’idée n’est pas d’en rajouter sur ce point mais bien plutôt de scruter dans les plis, les 5 éditorial angles, la réalité créatrice d’un pays dont l’écrivain Michaël Ferrier rappelle ici l’hybridité foncière. L’auteur insiste sur la capacité d’importation, de transformation et de réappropriation du peuple japonais : point de pathos ici, point de cette fatigue lourde qui donne si souvent l’impression d’être la vérité secrète du Vieux Continent. Le Japon, pourtant étrillé par le sort, échappe au goût mortifère du malheur. Sans nul doute (et l’on s’en voudrait ici de jouer du cliché facile), une certaine aptitude naturelle à l’élégance, à la légèreté pro- fonde, à une intelligence du présent dans ses myriades de possibles n’est-elle pas pour rien au fait que le Japon, quoique frappé de plein fouet, ne paraît nullement dans les cordes. Amateurs d’apocalypse, vous pouvez rentrer chez vous, ce pays n’est pas pour vous. De là, une place importante faite dans ce numéro aux archi- tectes, aux artistes, aussi bien qu’aux industriels. À l’heure où se des- sinent les contours d’un nouveau partenariat économique entre les deux pays, on gagne à rompre avec les préjugés. Non, il n’y a pas un « miracle » japonais dont il suffirait d’extraire la théorie pour l’appli- quer maladroitement ailleurs. Mais il y a sûrement un pays en plein exercice de son intelligence, à la fois pragmatique et attaché à une continuité plus que millénaire. Si un tel numéro peut avoir au sens, au-delà de la mise en scène artificielle d’un prétendu lien singulier entre nos deux pays, c’est justement dans la curiosité libre. Le lien privilégié entre la France et le Japon a ses lettres de noblesse, elles sont rappelées ici, jusque dans les réalisations les plus récentes (comme l’aventure Renault-Nissan retracée ici par Thierry Moulonguet). Mais le plus précieux est dans un amour de curiosité que nous avons envie de porter sur un pays qui nous émeut comme peu d’autres. Il n’y a pas de justification particulière à cela, sinon peut-être un merveilleux désir de voyage. Un simple désir de partance est à l’origine de ce numéro. Ni plus ni moins. Qui dit mieux ? Bonne lecture, M.C. La Revue des Deux Mondes tient à exprimer particulièrement sa gratitude à Mme Sawako Takeuchi, directrice de la Maison de la culture du Japon à Paris, et à Mme Noriko Carpentier-Tominaga, directrice du Comité d’échanges franco-japonais, pour la réalisation de ce numéro. 6 journal littéraire • michel crépu Dantzig, Saint robert, Saint-Simon Tauriac... journal littéraire Dantzig, Saint robert, Saint-Simon tauriac... n michel crépu n undi José Cabanis, Saint-Simon ambassadeur ou Le siècle des Lumières. lPublié en août 1987, ce texte était en réalité un « ouvrage hors commerce offert par votre libraire à tout souscripteur des Mémoires de Saint-Simon publiées dans la “Bibliothèque de la Pléiade” ». On peut s’étonner, plus de vingt ans après, que la maison Gallimard n’ait jamais songé à faire un vrai livre de ce pur chef-d’œuvre. Les souscripteurs avaient bien de la chance : aujourd’hui, il faut se contenter d’un agenda Pléiade, voire d’un « album », c’est peu en comparaison de ce merveilleux ouvrage richement illustré. C’est aussi qu’il y eut entre Cabanis et Saint-Simon une entente d’outre- tombe dont on n’a pas même l’idée de nos jours, où il faut expliquer sans cesse qui est qui. On avait vraiment de la chance en 1987. Beaucoup de lecteurs de José Cabanis sont venus à lui par Saint-Simon, son Saint-Simon l’admirable dont je ne me suis jamais séparé, du premier moment jusqu’à ce jour de mars 2013 où j’écris ces lignes. Saint-Simon, comme Chateaubriand, aurait pu être ambassadeur à Rome, il le fut à Madrid. Nous aurions eu droit à une ambassade romaine bien différente de celle de René, « trop occupé de ses songes », comme dit Cabanis. « Cette Italie, le rêve de mes 9 journal littéraire Dantzig, Saint robert, Saint-Simon tauriac... jours », disait Chateaubriand. Mais Saint-Simon n’était pas un rêveur, observe l’auteur de Charles X, roi ultra, que tout amateur de cette période inépuisable devrait connaître par cœur. « Rome est pour Saint-Simon “le premier théâtre de l’univers”, “patrie commune des nations catholiques”, mais surtout “pays des nouvelles, des affaires et des curiosités”. » Sur cette scène, ajoute Cabanis, « paraissent d’innombrables personnages, les uns venus de toutes les capitales de l’Europe, les autres y jouant un rôle permanent, quoique menacé par les sourdes menées de l’ambition et de l’envie. Ce qui se passe à Rome, dit Saint-Simon, voilà qui doit donner “de l’attention à ceux qui sont sur le théâtre et de l’amusement au parterre, parce que tout y amuse et qu’on a que cela à faire”. » Le bel emploi, ici, note Cabanis, « que celui d’ambassadeur, qui a pour fonction de regarder et écouter tout, pour qui aime cela ». Il ne s’en est pas privé, continuant de se « renseigner » sur Rome bien après qu’il ait quitté la ville sainte. Ce catholique gallican, si à cheval sur des histoires de tabouret, a vu circuler autour de lui cette incroyable faune des princes de l’Église dont la version actuelle, réunie en conclave, donne une pâle idée. On a les conclaves de son temps. À celui qui tend l’oreille, il peut entendre, le soir, des notes de Mozart s’échapper des fenêtres de Castel Gandolfo, tout n’est pas perdu. Mais Castel Gandolfo n’eût guère intéressé Saint-Simon, alors que Rome figurait à ses yeux un analogue de Versailles. On ne s’étonne pas que sa plume si acérée trouve à Saint-Pierre de quoi s’abreuver, non sans relever au passage les rares cas de « saintes gens ». Ainsi du cardinal Davia, « très respectable » quoique malheu- reusement « goutteux, sourd et presque aveugle ». Pour le reste, le commun, ce ne sont qu’intrigues, complots, assassinats : « On a vu, écrit Saint-Simon, des papes faire tuer, noyer, emprisonner des cardinaux, plutôt que de leur ôter le chapeau.
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