Document generated on 09/23/2021 10:18 a.m. Séquences La revue de cinéma Vues d’ensemble Number 240, November–December 2005 URI: https://id.erudit.org/iderudit/47860ac See table of contents Publisher(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital) Explore this journal Cite this review (2005). Review of [Vues d’ensemble]. Séquences, (240), 53–58. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 2005 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ VUES D'ENSEMBLE I LES FILMS AN UNFINISHED LIFE BROKEN FLOWERS ien de nouveau ici pour deux acteurs à la feuille de route e Down By Law à Ghost Dog en passant par Mystery Train R vertigineuse: Robert Redford (The Horse Whisperer) D et Dead Man, le cinéma de Jim Jarmusch regorge reprend ses aises sur une ferme, près de ses animaux et de d'excentricité, d'ironie et de complaisance. On y retrouve la nature; Morgan Freeman (The Shawshank Redemption, également une certaine mélancolie. Mélancolie d'ailleurs très Million Dollar Baby) joue une fois de plus les guides spirituels présente dans Broken Flowers, son dixième long métrage, film d'un héros prisonnier de son passé. La rédemption prend sur la paternité, la détresse masculine et les mésententes de donc un sentier archi-connu de Hollywood. Mais on laissera couple, qu'il dédie, soit dit en passant, à la mémoire du une chance à ce récit tout de même habilement conçu (on cinéaste français Jean Eustache (La Maman et la Putain). attend au moins ça d'un film en postproduction depuis Cette œuvre minimaliste raconte l'histoire de Don Johnston (pas 2003), quelques éléments suscitant l'intérêt. l'acteur, mais «Johnson avec un "t" •• répète-t-il inlassablement), un Don Juan impassible et égocentrique qui reçoit une mystérieuse Robert Redford, l'acteur, est un conservateur et un lettre anonyme le jour où sa dernière conquête le quitte. Cette environnementaliste convaincu, chose utile à savoir si on lettre proviendrait d'une de ses anciennes amantes qui l'informe veut mettre le film en perspective. Le récit exploite deux qu'il aurait un fils de dix-neuf ans et que celui-ci pourrait tenter notions chères à la droite républicaine: la responsabilité de le joindre. Son meilleur ami, Winston, détective amateur, le individuelle et le sens de la famille. Mais il y a ceci de bon : pousse à enquêter sur cette affaire afin de retrouver la mère il semble naturel à Einar (Robert Redford) de s'occuper de présumée. Don s'embarque ainsi dans un périple à la son ami et ancien employé Mitch (Morgan Freeman), estropié recherche d'indices et rencontre quatre de ses anciennes amours. définitivement par un ours. Einar prodigue lui-même les soins requis avec douceur et compassion. Son sens de la À partir de cette prémisse originale, le film se transforme en famille le pousse par ailleurs à chercher à connaître davantage road movie, prétexte à des situations cocasses et des rencontres sa petite-fille, Griff (Becca Gardner), malgré un différend colorées entre Don et quelques flammes de sa vie, des qu'il entretient avec la mère de celle-ci, sa bru (Jennifer Lopez). personnages typés à souhait qui représentent les différentes classes de la société américaine. Tel un leitmotiv, l'excellente La complicité qui se développe entre eux, grâce à un jeu musique du jazzman éthiopien Mulatu Astatke sert de catalyseur d'acteur brillant de part et d'autre, est peut-être ce qu'il y a et de lien entre les situations. Ce n'est qu'à son retour chez lui de meilleur dans ce film qui offre peu de surprises. que Don tente de réévaluer sa vie, alors qu'il croit apercevoir L'espace maintenant: le ranch et ses environs montagneux le fils annoncé. La fin ouverte laisse place à toute ambiguïté, sont magnifiquement montrés en plans aériens, même si caractéristique récurrente chez Jarmusch. parfois l'image prend les allures d'une carte postale; le village Par son approche alambiquée et son scénario linéaire, Broken correspond assez bien, pour sa part, à la mythologie du bled Flowers demeure toutefois le long métrage le plus classique du américain. On peut tout de même déplorer que la perfor­ réalisateur. Son plus accessible aussi. Et son plus drôle. Grâce mance des acteurs de soutien ne soit pas à la hauteur; notamment à Bill Murray, irrésistible dans ce rôle d'un homme Jennifer Lopez et Josh Lucas (le shérif du village) ont plus nonchalant confronté à sa vie, et aux merveilleuses Sharon Stone, l'air de citadins égarés que de réels habitants de l'arrière-pays. Frances Conroy, Jessica Lange et Tilda Swinton qui interprètent tour à tour et avec un malin plaisir les amours passées. Philippe Jean Poirier Pierre Ranger • UNE VIE INACHEVÉE — États-Unis 2005, 107 minutes — Real.: Lasse • FLEURS BRISÉES — États-Unis 2005, 105 minutes — Real.: Jim Hallstrôm — Scén.: Mark Spragg, Virginia Korus Spragg — Int.: Robert Jarmusch — Scén. : Jim Jarmusch — Int. : Bill Murray, Jeffrey Wright, Sharon Redford, Morgan Freeman, Jennifer Lopez, Damian Lewis, Becca Gardner, Stone, Frances Conroy, Jessica Lange, Tilda Swinton, Julie Delpy, Chloë Josh Lucas — Dist.: Alliance. Sevigny — Dist.: Alliance. SÉQUENCES 240 > NOVEMBRE - DÉCEMBRE 2005 LES FILMS I VUES D'ENSEMBLE THE CONSTANT GARDENER CORPSE BRIDE he Constant Gardener est un film nécessaire. Évoquant par elle une sculpture de Giacometti, les personnages de Corpse T plusieurs aspects son percutant Cidade de Deus, Fernando T Bride déambulent d'un pas frêle dans l'univers glauque d'un Meirelles vise juste et frappe fort. Le cinéaste brésilien a le mérite petit village du 19e siècle, se cherchant les uns les autres remarquable d'avoir réalisé un thriller prenant, aux personnages pour trouver ou bien l'amour, ou bien le gage d'une fortune. complexes et à l'intrigue sociopolitique controversée (le pouvoir Rendre le romantique inquiétant et la mort amusante sont des grandissant de l'industrie pharmaceutique examiné par le prisme glissements fréquents dans l'œuvre de Tim Burton et cette de l'énorme problématique « santé •> du continent africain), mais coréalisation avec le jeune animateur (depuis peu réalisateur) dont la forme est à des lieues des conventions du genre. Le Mike Johnson ne fait pas figure d'exception. A priori, ce qui premier tiers du film en témoigne •. une Européenne blanche se charme et obnubile est d'ordre esthétique et technique. En promène à travers les allées jonchée de détritus d'un bidonville cette ère de «technologisation » exponentielle, l'animation kenyen, au cœur d'une marée d'Africains plus noirs que la nuit. image par image demeure, sans équivoque, d'une grande Elle se sent chez elle parmi eux et ils sont heureux de la croiser, efficacité. Le résultat plastique est agréable, on ne peut mais sa présence là n'en n'est pas moins étrangère. Pourtant, qu'être séduit par l'éclairage stylisé qui vient se refléter sur jamais Meirelles ne se permet jamais de juger ses personnages, la superbe texture des figures aux lignes caricaturales. ni la situation qu'il décrit. Entre quelques apartés musicaux se trame une narration fluide, Au contraire, il se contente de laisser tout l'odieux de son sujet mais peu inventive. Heureusement, l'esthétique alambiquée émerger de lui-même, simplement et radicalement : en expo­ étoffe le récit, car les émotions et les motivations manquent de sant les faits sobrement avec réalisme (le plan panoramique poids. Pour l'essentiel, on a affaire à une psychologie de surface. qui passe, sans coupure, du terrain de golf occidental parfai­ Et bien qu'on n'hésite pas à démembrer les protagonistes, les tement gazonné aux montagnes de déchets bordant le bidon­ blagues burlesques et colorées — parfois redondantes et ville, est aussi économe qu'éloquent); en offrant l'avant-scène à enfantines — freinent l'exploitation de « l'inquiétante étrangeté » des gens qui n'ont jamais voix au chapitre (le jeune Kioko à laquelle les amateurs de The Nightmare Before Christmas qui survit malgré la misère); et en laissant ses personnages auraient pu s'attendre. L'influence avouée de pionniers tels Jan s'exprimer par eux-mêmes, certains avec une passion provo­ Svankmajer et Ray Harryhausen est évidente, mais le film flirte cante comme Tessa (excellente Rachel Weisz), d'autres avec trop prudemment avec l'horreur afin de miser sur le conte un snobisme caractéristique comme le diplomate verreux Sandy pour tous. Woodrow (Danny Huston, parfait de détachement), d'autres encore avec une sincérité innocente qui se révèle être l'unique L'incursion dans cette nécropole sera un motif pour voir la mort lueur d'espoir au milieu de la corruption (magnifique et réser­ comme une finalité heureuse et colorée, puis la vie comme un vé Ralph Fiennes, d'une détermination insoupçonnée). état evanescent et monotone. C'est le monde à l'envers, puisqu'au pays des allongés l'amitié, la solidarité et le plaisir The Constant Gardener est un film-paradoxe: un r/iril/ertout trament le quotidien, alors que chez les êtres de chair et de sang en nuances qui s'intéresse aux terribles contrastes de notre la trahison, l'avarice et l'individualisme guident les ambitions. société actuelle, où pauvreté, détresse, déchéance et mépris Le fantastique morbide est l'occasion d'une critique sur extrêmes côtoient richesse, opulence et, miraculeusement notre société qui rejette la mort au profit du faux-semblant parfois, abandon et générosité sans borne.
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