Les dossiers pédagogiques du Service éducatif des Archives départementales de l’Aude N ° 8 - Octobre 2006 1907 LA RÉVOLTE DES VIGNERONS DU MIDI Service éducatif des Archives départementales de l’Aude 41, avenue Claude Bernard - 11855 Carcassonne Cedex 9 Tél. 04 68 11 31 54 Permanence de François Icher : chaque mardi de 14 h. à 17 h. Contact : franç[email protected] SOMMAIRE • Pour en savoir plus • Commémorer 1907 • Chronologie de l'année 1907 • 1907 en questions • Document 1 : Quelques chiffres pour comprendre la crise • Document 2 : “Qui nous sommes ?”, extrait du Tocsin, numéro du 21 avril 1907 • Document 3 : Le chant des gueux, chanson sur l’air du Chant du départ, paroles de Hervé Riderni, 1907 • Document 4 : Rapport mensuel du préfet de l’Aude au ministre de l'Intérieur, 30 mai 1907 (extraits) • Document 5 : Manifestation de Béziers : vue des manifestants avant le départ au Champ de Mars, 12 mai 1907 • Document 6 : Pancarte de Villegailhenc • Document 7 : Carte postale éditée pour appeler à la manifestation du 9 juin 1907 à Montpellier • Document 8 : La mutinerie du 17e régiment d'infanterie de ligne : les mutins à Béziers crosses en l'air, 21 juin 1907 • Document 9 : Discours de Marcelin Albert à Montpellier, 9 juin 1907 • Document 10 : Discours d’Ernest Ferroul à Perpignan, 16 juin 1907 • Document 11 : Marcelin Albert, portrait et notice biographique • Document 12 : Ernest Ferroul, portrait et notice biographique POUR EN SAVOIR PLUS Pech (Monique et Rémy), Sagnes (Jean), 1907 en Languedoc et en Roussillon, Montpellier, Espace Sud éditions, 1997. Ouvrage de référence écrit par des historiens spécialistes de la question. Les causes et les consé- quences de la crise, son analyse politique, sociale et économique, une abondante iconographie, des tableaux et des statistiques, une étude historiographique font de cet ouvrage le compagnon indispensable à toute démarche pédagogique s’inscrivant dans la commémoration de 1907. Valentin (Jean), La révolution viticole dans l’Aude, 1789-1907, Carcassonne, CDDP de l’Aude, 1977. Publiée en deux fascicules, cette étude est l’une des plus complètes menées à ce jour sur la crise viticole dans l’Aude. L'ouvrage présente un intérêt pédagogique d'autant plus grand qu'il combi- ne fort intelligemment présentation historique et publication de documents originaux. Le Tocsin 2007 Lettre de La Mission audoise pour la célébration de 1907, éditée par le Conseil général de l’Aude et site Internet du Conseil général de l'Aude http://www.aude.fr/ Données historiques, chronologie et documents commentés, renseignements pratiques sur les manifestations culturelles prévues. COMMÉMORER 1907 Au moment où l’Aude s’apprête à commémorer la révolte des vignerons du Midi, il nous a paru indispensable de proposer un outil pédagogique susceptible d’accompagner les enseignants et leurs élèves dans leur démarche visant à découvrir et comprendre cette crise qui secoue le monde viticole du Midi de la France durant la première décennie du vingtième siècle et atteint son paroxysme en 1907. Commémorer un évènement ne signifie pas pour autant approuver la totalité des faits et des gestes de ceux qui, à un moment donné de l’histoire, ont pris part à un mouvement souvent com- plexe à saisir dans ses orientations, ses motivations et ses enjeux. L'objectif premier est de rendre lisibles et compréhensibles des évènements importants qui ont durablement et profondément mar- qué l’histoire et la mémoire sinon de notre nation, du moins de notre région. Dans le Midi, région de monoculture viticole, les premières années du XX e siècle sont mar- quées par une grave crise de mévente du vin. Au printemps 1907, devant l'impuissance des pou- voirs publics à juguler la crise, sont organisés dans les principales villes du Midi languedocien d’importants rassemblements populaires : les viticulteurs crient leur misère et revendiquent des mesures législatives contre les fraudeurs présentés comme les principaux responsables de cette crise ; ils réclament notamment la taxation du sucre d’origine betteravière qu'ils accusent de tous les maux. Marcelin Albert, vigneron d’Argeliers et dirigeant emblématique du mouvement, réussit rapi- dement à fédérer les principaux responsables viticoles tout en s’attirant la sympathie et l’adhésion de la grande majorité des habitants de la région qui, pour la plupart, sont encore occitanophones ou catalanophones. Ces rassemblements disciplinés et pacifistes se déroulent sous la bannière tri- colore, les manifestants - dans leur grande majorité - se réclamant de la Nation tout en l’appelant à l’aide. Les revendications de dignité et de justice sont formulées dans des textes bien diffusés et portées par des foules de plus en plus nombreuses. Dimanche après dimanche, toutes classes sociales, toutes opinions confondues, se retrouvent pour manifester leur mécontentement et leur misère autour de slogans exigeant une juste solidarité envers ceux qui souffrent. En 1907 le gouvernement est dirigé par le radical Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de l'Intérieur. Ce dernier perçoit très vite ce mouvement avec méfiance : les manifes- tants sont en effet soutenus par les cercles royalistes et la presse réactionnaire et les élus audois, dans leur grande majorité radicaux, sont d'abord réticents à donner leur adhésion au mouvement. L'appui apporté aux manifestants par Ernest Ferroul, maire de Narbonne et figure importante du parti socialiste, le ralliement d'un grand nombre d'élus radicaux à la cause des vignerons incitent toutefois le président du Conseil à adopter une attitude prudente et attentiste au début de ces mou- vements revendicatifs et pacifistes. Mais la démission de nombreuses municipalités et l’appel à la grève de l’impôt marquent un durcissement du mouvement. Le gouvernement fait arrêter les prin- cipaux leaders viticoles à Narbonne le 19 juin, ce qui provoque des émeutes, durement réprimées (six civils trouvent la mort au cours des affrontements avec l'armée). À Agde, le 17 e régiment d'in- fanterie de ligne se révolte et marche sur Béziers. Les démonstrations de force, les provocations, la mutinerie militaire soudent autour de Clemenceau une majorité politique désireuse de mettre un terme à cette crise qui risque de dégénérer et de déstabiliser le pouvoir en place. Face à la gravité de la situation, gouvernement, parlementaires et responsables viticoles éclairés cherchent une solution de sortie de crise. Le 23 juin l’entrevue à Paris avec Clemenceau discrédite Marcelin Albert peu habitué aux subtilités politiques et aux instrumentalisations média- tiques (il emprunte cent francs au président du Conseil pour payer son voyage de retour). Le 29 juin 1907, la loi réprimant les fraudes sur le vin est enfin votée. Le gouvernement s’engage à ne pas traduire devant la justice les leaders viticoles ; ces derniers sont libérés en août et travaillent à structurer un syndicalisme viticole naissant. Quant aux mutins du 17 e régiment d’infanterie, ils sont sanctionnés par l’accomplissement de plusieurs mois supplémentaires de service militaire. L’ensemble de ces évènements composent le socle fondateur de ce que certains n’ont pas hési- té à nommer « la révolte des gueux ». A l’enseignant de les replacer dans leur contexte historique en prenant soin de dépassionner l’étude. Avec les plus grands, il tentera également de souligner trois éléments majeurs issus d’une analyse plus fine de la crise de 1907. - le mouvement de 1907 est incontestablement un des premiers grands mouvements de défense régionale ; il débouche sur la création d’une organisation syndicale visant à regrouper les différents acteurs du monde viticole d’un espace déterminé : la Confédération Générale des Vignerons (C.G.V.) ; - 1907 marque également une étape importante dans l’intervention de l’État pour régu- ler l’économie de marché au moyen de la loi ; - le mouvement illustre enfin l’échec d’une conception de l’Etat quant au maintien de l’ordre par le recours à une armée de conscrits peu préparée à ce rôle et de surcroît à recrutement régional. À ce titre la mutinerie du 17 e régiment est très significative des limites de la réponse militaire. En rappelant à ses élèves le souvenir de ces évènements exceptionnels, l’enseignant n’oubliera pas la place actuelle de la viticulture sinon dans notre région, du moins dans notre département. À l’heure où les vignerons de 2007 traversent une crise économique et identitaire sévère, le souvenir de leurs prédécesseurs de 1907 résonne avec un écho très particulier. Au-delà du cercle restreint des viticulteurs, tout Audois découvrira l’actualité de cette histoire vieille d’un siècle. En revisitant le passé, avec le privilège du recul, la quotidienne- té du présent reçoit alors un éclairage nouveau : ici réside également un des élé- ments pédagogiques de cette commémoration. François Icher Professeur chargé du Service éducatif aux Archives départementales de l’Aude L’ANNÉE 1907 CHRONOLOGIE DES PRINCIPAUX ÉVÈNEMENTS Janvier Interpellation du gouvernement par les députés du Midi et débat sur les fraudes à la Chambre des députés. Création d’une commission parlementaire d’enquê- te sur la situation de la viticulture. 18 février Télégramme envoyé à Clemenceau par Marcelin Albert, demandant l'abroga- tion de la loi du 28 janvier 1903 sur les sucres. 11 mars La commission parlementaire d’enquête reçoit à Narbonne une délégation de 87 viticulteurs d’Argeliers menés par Marcelin Albert. 24 mars Réunion organisée à Sallèles-d'Aude (300 personnes), à l'initiative du "bureau de défense viticole" qui s'est formé à Argeliers. 31 mars Meeting de Bize (600 personnes). 7 avril Meeting d’Ouveillan (1 000 personnes). 14 avril Meeting de Coursan (5 000 à 10 000 personnes). 21 avril Meeting de Capestang (5 000 à 15 000 personnes). Publication du premier numéro du Tocsin, journal fondé par le Comité d’Argeliers. 28 avril Meeting de Lézignan (20 000 personnes). 5 mai Meeting de Narbonne (80 000 personnes).
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