Ce fichier numérique correspond au livre Aragon, Elsa Triolet et les cultures étrangères, Presses Universitaires Franc-Comtoises, Coll. « Annales littéraires », 2000, 225 p. Il figure ici dans une version pré-print avec un contenu identique à la version publiée. En raison d’un décalage dans la pagination, il convient de se référer à cette dernière pour toute citation. Collection Annales Littéraires Aragon, Elsa Triolet et les cultures étrangères Actes du Colloque de Glasgow, avril 1992 Sous la direction de Andrew Macanulty Presses Universitaire Franc-Comtoises Aragon, Elsa Triolet et les cultures étrangères Collection Annales Littéraires, 682 Linguistique et Sémiotiques vol. 34 30 rue Mégevand – 25030 Besançon Cedex © Collection Annales Littéraires 2000 Diffusé par les Belles Lettres 95 bd Raspail– 75006 Paris ISBN 2.913322.04.2 ISSN 0768-4479 Collection Annales Littéraires Aragon, Elsa Triolet et les cultures étrangères Actes du Colloque de Glasgow, avril 1992 Sous la direction de Andrew Macanulty Publication coordonnée par le Grelis (Groupe de recherches en linguistique, informatique et sémiotiques), Université de Franche-Comté Les œuvres d'Aragon et d'Elsa Triolet sont intimement liées à plusieurs cultures étrangères. Les romans de la jeune femme russe devenue l'écrivain français Elsa Triolet puisent aux sources des grands classiques russes, Gorki au Maïakoski et, au moment de la seconde guerre mondiale, sont influencées par des émissions de la BBC. Aragon, obsédé par l'Espagne et son romancero à partir de 1936 fut un traducteur qui théorisa le rapport traduction/écriture. La réception de son œuvre dans l'Angleterre de la seconde guerre mondiale ou dans le Japon de l'Après-guerre connut des péripéties dues à l'hostilité de surréalistes exilés ou à son engagement politique. Dans les années quarante, l'humanisme de l'écrivain se fortifia d'un internationalisme prenant en compte le rôle des résistants de la MOI. L'ensemble des textes d'Aragon accorde une place essentielle à la langue et à la littérature russe, notamment à Pouchkine, et ses derniers romans révèlent l'impor- tance décisive de l'intertexte shakespearien. Collection Annales Littéraires Linguistique et Sémiotiques n° 34 pufc Coordination : Corinne Grenouillet Les citations, in-texte ou hors-texte, viennent en italique ; les caractères romains y marquent les soulignés du texte d'origine ; les passages en PETITES CAPITALES sont soulignés par l'auteur de l'article. Pour chaque œuvre citée, une note à la première occurrence précise l'édition de référence. Sauf indication contraire, le lieu d'édition est Paris. ORC : Œuvres romanesques croisées d'Elsa TRIOLET et ARAGON, 42 volumes, Robert Laffont, 1964-1974. L'OP 1 : ARAGON, L'Œuvre poétique, 15 volumes, Livre Club Diderot, 1974-1981. L'OP 2 : ARAGON, L'Œuvre poétique, 7 volumes, Messidor, 1989. RCAET 1, 2, 3, 4, 5 : volumes des Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet, Annales Littéraires de l'Université de Besançon (n° 364, 1988 ; n° 399, 1989 ; n° 440, 1991 ; n° 472, 1992 ; n° 535, 1994). FTA : Fonds Elsa Triolet/Aragon, Paris. Aragon, Elsa Triolet et les cultures étrangères, 2000, 7-8 AVANT-PROPOS Andrew MACANULTY C’est lors de la formation du Groupe Britannique de Recherche sur Aragon et Elsa Triolet en mai 1989 à Glasgow, que Michel Apel-Muller a proposé l’idée de ce colloque qui s’est finalement réalisé au mois d’avril 1992 dans cette plus grande ville d’Écosse. Ce colloque est le fruit d’une chaleureuse collaboration entre le Groupe Britannique et le Groupe de Recherche du CNRS sur nos deux auteurs, collaboration qui reflète le très grand intérêt qu’Aragon a toujours témoigné à l’égard de la culture anglaise. C’est Maryse Vassevière, dans sa communication sur l’intertexte shakespearien dans les œuvres de la dernière période, qui souligne ce rapport. À John Bennett de montrer la réception faite en Angleterre aux écrits d’Aragon pendant la deuxième guerre mondiale, réception compliquée par l’hostilité de certains surréalistes exilés envers l’ancien camarade de Breton. Allant dans l’autre sens, James Steel découvre par contre dans des émissions de la BBC des influences sur certains textes d’Aragon et d’Elsa Triolet de la même époque. Si Aragon puisait des sources dans la culture d’outre-Manche, il exprime dans le titre de son article de 1936 « Ne rêvez plus qu’à l’Espagne » son obsession de ce pays de l’autre côté des Pyrénées. Olivier Barbarant et Pere Solà i Solé (chacun sous un angle différent) retrouvent les traces du magnifique héritage espagnol dans la création du poète. 8 Andrew Macanalty Que la Russie soit une influence profonde sur l’œuvre d’Aragon n’étonne pas, et Léon Robel nous révèle l’apport considérable de Pouchkine, de Maïakovski, de Lermontov, de Pasternak et de bien d’autres représentants du pays d’Elsa à son art. Les premières œuvres d’Elsa Triolet doivent être lues en rapport avec les grands auteurs classiques russes mais aussi avec ceux qu’elle connaissait personnel- lement, tels que Gorki et Maïakovski. Marianne Delranc-Gaudric montre comment Elsa trouve son chemin vers l’écriture en français et comment elle garde l’accent de ses origines. Aragon comme internationaliste était très conscient de la contribution à la lutte antifasciste faite par des résistants étrangers en France contre les Nazis. Alistair Blyth et William Kidd examinent la présentation du « Groupe Manouchian » à travers « L’affiche rouge ». Pour montrer que le message d’Aragon ne connaît pas de bornes, Sankichi Inada retrace les péripéties de l’influence du poète sur les milieux culturels du Japon d’après guerre en relation avec les circonstances historiques et politiques de cette époque. Sur un plan plus général , Noël Martine considère l’attitude d’Aragon envers la traduction et essaie d’en dégager les fonctions dans sa poétique ; Michael Kelly explore le rôle de l’humanisme dans les écrits d’Aragon dans les années quarante. Le texte de la communication d’Ales Pohorsky sur la fortune d’Aragon et d’Elsa Triolet dans la culture tchèque ne nous est pas parvenu. En ce qui concerne l’organisation du colloque, nous voudrions remercier spécialement Mike Wetherill, président du Groupe Bri- tannique, William Craw, Angus Kennedy et Noël Peacock. Nous devons également exprimer notre vive reconnaissance à l’Université de Glasgow, à la British Academy et au Carnegie Trust for the Universities of Scotland de leur aide généreuse. Aragon, Elsa Triolet et les cultures étrangères, 2000, 9-24 QUELQUES REPÈRES DANS LE ROMANCERO ESPAGNOL D'ARAGON Olivier BARBARANT Splendide monstre, Le Fou d’Elsa, monument poétique aussi envoû- tant pour le lecteur qu’effrayant pour le critique, fait d’un pays « à la fois 1 2 mythique et bien réel » une métaphore majeure, le « rivage » – pour reprendre les termes d’Aragon – où vient se fondre et se redéfinir la tota- lité d’une expérience historique, affective et créatrice. À l’orée des En- tretiens avec Francis Crémieux, contemporains de la sortie du livre, Aragon parle à propos de l’Andalousie, « d’une sorte de fascination » qui 3 lui « viendrait d’assez loin », et il était en effet peu probable que le seul contexte de la rédaction – parmi lequel la guerre d’Algérie, que le texte combat à sa façon – ou une subite passion aient pu fournir soudain un espace à ce point investi d’enjeux qu’il pût rassembler toutes les données 4 d’un véritable « testament philosophique ». S’il est hors de question de réduire la leçon du Fou d’Elsa à sa seule préhistoire dans la biographie et dans l’imaginaire de l’écrivain, si par ailleurs l’assimilation trop directe à l’Histoire de l’Espagne de la société de la convivencia anda- louse n’est pas sans faire problème5, reste que la prédilection pour 1. Entretiens avec Francis Crémieux, Gallimard, 1964, p. 11. 2. Ibid. 3. Ibid., p. 12. 4. Ibid. 5. Après une période de rejet – d’ailleurs dénoncé par Aragon – hors de l’historio- graphie officielle, qui ne voyait l’Espagne que dans le mythe épique de la Reconquête, la reconnaissance de la dette culturelle envers l’Islam – et envers le 10 Olivier Barbarant Grenade avait en 1963 de quoi surprendre, et qu’il ne faudrait pas aujourd’hui s’éloigner à la hâte d’un nécessaire étonnement. Sous les possibilités offertes d’une figuration allégorique, le paysage de prédilec- tion d’un écrivain semble d’abord fait de rencontres, d'identifications, de confusions – délibérées ou non – de certains “clichés” et de ce que l’expérience concrète peut apprendre, tissant les images, les héritages, les représentations culturelles, la biographie et l’invention : dans ce plan imaginaire de ce qu’Henri Matisse, roman appelle la Grande Songerie, peu importe alors que l’Andalousie ne soit pas toute l’Espagne, ou que la fidélité historique s’accompagne d’une broderie de fables qui forment un autre degré de vérité. Dans une œuvre aussi attentive aux jeux de miroirs et d’échos que celle d’Aragon, il importe en revanche, de comprendre pourquoi et comment se nattent les songes. L’image de l’Espagne au fil de l’œuvre et de la vie aide-t-elle à expliquer le vaste emblème d’une impossible Andalousie ? À suivre la piste d’un “Personnage nommé l’Espagne”, il nous sem- ble par ailleurs pouvoir éclairer, à travers un exemple, le jeu incessant de reprises et de déplacements qui traverse l’œuvre aragonienne, et s’affirme en définitive comme l’une des caractéristiques de sa composition. Chaque lecteur a en effet à l’esprit une série de leitmotive, où les lieux sont particulièrement importants, qui font de Venise ou de Paris – parmi bien d’autres villes – à partir de séquences réitérées, de véritables espaces symboliques qui atteignent rapidement la force du mythe, sans pour autant se déréaliser.
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