Cité-Chanson

Cité-Chanson

cite de la musique cité-chanson du vendredi 22 au dimanche 24 mars 1996 notes de programme cité-chanson cité de la musique François Gautier, président Brigitte Marger, directeur général "Ecoutez la chanson bien douce qui ne chante que pour vous plaire... " On avait un peu de mal ces dernières années à suivre l'injonction du poète : la chanson s'était faite massivement dansante mais inaccessible si on ne parlait pas sa langue vernaculaire (l'anglais), et, péché mortel, infredonnable. Et puis insensiblement, le courant vient de s'inverser. C'est que la chanson, il n'y a pas plus mauvaise graine : chassez-la des ondes, elle remet ses pas dans ceux de Carco et de Mac Orlan pour refleurir dans la rue et dans les bars. Ouvrez l'œil dans les cités : les rappeurs s'échangent les dictionnaires de rimes et débattent de poétique. Quant au jazz, il reprend plaisir à mettre des mots sur les sons, et les rockers découvrent qu'en France il existe "un blues à trois temps, le musette" (B.Vian). Etonné et ravi, le public encourage ces nouveaux convertis, l'acoustique gagne sur l'électricité, les bacs des dis­ quaires se garnissent de toute la chanson du siècle. Les quotas aidant, on peut dire que la chanson en France a retrouvé la mémoire et les voies de son identité ; non pour se replier sur elle-même, mais dans une dynamique qui la fera encore mieux dialoguer avec ces belles étrangères que sont les musiques du monde. Les artistes programmés à la cité de la musique cette saison sont tous, chacun à leur manière, porteurs de ce souffle nouveau. Et afin qu'ils y respirent tout à leur aise, plus qu'une simple date de récital, nous leur avons proposé un espace de liberté, propice à l'invention, à l'aventure. On y retrouvera donc des comédiens chanteurs qui remonteront le fil des débuts de la chanson qui souingue ! (titre du spectacle), avec le metteur en scène Laurent Pelly pour guide. La soirée Mauvaise graine présentera de la chanson réaliste qui hésite à se dire poétique, mais qui l'est diablement dans l'énergie du rock : elle est représentée par les Têtes Raides, la Tordue, deux groupes parisiens ; Casse-Pipe et Miossec, eux sont bretons (ils aiment le dire). Anne-Marie Tinot Fip est partenaire du cycle cité-chanson notes de programme | I vendredi 22 mars - I7h30 / parvis de la cité de la musique musiques de rue Bobun Brass Band fanfare de 25 musiciens Les Rustines Martine Demaret, chant Louise de la Celle, accordéon cité-chanson Bobun Brass Band Cette fanfare de rue compose un mélange unique entre le big band de jazz, la fanfare funky, et la formation afro-cubaine. Une libre asso­ ciation d'incendiaires n'ayant qu'une idée en tête : "illuminer nos rues de leurs reflets cuivrés et réchauffer nos chaumières aux sons chauds de leurs percussions". Il faut préciser que la puissance de feu n'exclut pas la finesse des arrangements. Les Rustines Le répertoire des belles romances de Paris ne se chante plus seulement dans les mariages et les maisons de retraite : une nouvelle généra­ tion de chanteurs et de comédiens s'en est emparée. Et en effet on ne se lasse pas d'A Paris dans chaque faubourg ou de la Complainte de la Butte. Quand les Rustines y ajoutent leur touche personnelle, le Paris populaire de ces chansons prend une autre dimension, celle de la tendresse et de l'émotion. Pour ajouter à notre bonheur, elles ont ressorti quelques raretés comme La Môme Catch-cach ou Le Petit bal perdu de Bourvil. A reprendre en chœur sans modération. notes de programme | 3 vendredi 22 mars - 20h / salle des concerts mauvaise graine à la Villette Miossec Christophe Miossec, chant Guillaume Jouan, guitare, trompette - Christophe Le Bris, bassiste Olivier Melano, violon, guitare Casse-Pipe Louis-Pierre Guinard, chant Tonio Marinesco, batterie - Philippe Onfray, accordéon Christophe Menguy, basse - Gil Riot, guitare, banjo, chœur Têtes Raides Christian Olivier, chant Grégoire Simon, saxophone - Scott Taylor, trompette Jean-Luc Millot, batterie - Serge Begout, guitare Pascal Olivier, basse - Dominique Brunier, violoncelle La Tordue Benoît Morel, percussions, bandonéon, chant Eric Philippon, grosse caisse, planche, contrebasse, guitare, banjo, chant Pierre Payan, guitare, tuba, accordéon, chant, timbales, casseroles, scie, piano Le concert est enregistré par France Musique Joël Simon, régie générale Jean-Marc Letang, régie plateau Marc Gomez, régie lumières Didier Panier, régie son cité-chanson mauvaise graine à la Villette Les quatre groupes présentés ce soir à la cité de la musique sont sûrement très différents les uns des autres mais ils ont quelque chose en commun, sans savoir forcément quoi. La cité de la musique a pro­ voqué leur réunion pour qu'ils le découvrent. Les dix-huit musiciens et chanteurs des Têtes Raides, La Tordue, Casse-Pipe, Miossec, se sont donc retrouvés à plusieurs reprises pour répéter pendant l'hiver à Paris et en Bretagne. On découvrira à la fois le résultat de cette ren­ contre et une partie du répertoire de chacun des groupes. Têtes Raides - La Tordue La guinguette a rouvert ses volets. Aujourd'hui. Dehors, la banlieue a remplacé les faubourgs, et le périph' tourne à la place de la zone. La guinguette a rouvert ses volets. Aujourd'hui. Dehors il y a des par­ kings à la place des terrains vagues, et la fracture sociale à la place de la misère. Mais l'accordéon envoie ses petits refrains, et le passé danse. Et on danse avec lui. Il y a là de la beauté. La java est bleue comme un paquet de gitanes, et la valse est brune sous la lune en néons. Le petit bal n'est plus perdu. Il est pile au carrefour, tremblé comme un mirage mais prêt à étinceler, là, près du dernier bar à ne pas être fermé, à côté de la fête foraine, pas loin du canal. Juste à côté du mur couvert de tags et des ombres de la nuit. Debout dans l'air du temps. Pollué. Brillant de pubs clignotantes. L'air du temps. Où miroitent les histoires anciennes, et où se cristal­ lisent les désirs d'avenir. Et qui se rappelle les horizons et les chansons d'avant. Ah, s'il y a de la nostalgie à l'enseigne des Têtes Raides et de La Tordue, ce n'est pas précisément celle de Radio-Bleue, mais bien celle qui renvoie au mal du pays. Le pays dont on est l'héritier, le pays intérieur qu'on n'en finit pas de s'approprier. C'est de la nostalgie sans tristesse, conquérante et gaillarde. De la nostalgie au futur. Qui fait naître du neuf en chahutant les rengaines d'hier. Qui câline les petits refrains familiers et les bouscule, les bascule en douceur, pour leur faire chanter des imprécations valsantes où brille la lame de rasoir des punks, qui a remplacé le couteau des voyoux d'antan. Les Têtes notes de programme | 5 cité-chanson Raides et La Tordue ouvrent une scène merveilleusement neuve. Ils ne sont pas tout à fait les seuls à avoir fait divorcer l'accordéon et les cartes vermeil. L'épatant Gérard Blanchard avait, il y a longtemps déjà, trafiqué les perles de cristal en ceinture cloutée. Arno le Belge a fait longtemps sonner un accordéon bien déjanté sur une batterie implacable. Entre autres. L'accordéon musette s'est depuis une dizaine d'années refait une sacrée jeunesse de rocky. Avec les Têtes Raides, avec La Tordue, c'est une nouvelle étape dans l'affirmation d'une identité rock à la française, comme Léonard Cohen a pu au Canada faire sonner ses prières sexy en tordant l'ensemble de ses musiques, comme l'Italie a su créer une chanson où se mêlent toutes les influences musicales du pays, fragments jazzy, canzonetta, airs populaires et arrangements savants, et voix, chez Lucio Dalla, chez Franco Battiato, irréductiblement, splendidement italienne... Ici, avec ces deux groupes à l'évidence "soul brothers", le trio de La Tordue et la belle équipe des Têtes Raides, semblablement, loin de l'in­ ventaire des ressources du patrimoine et loin de l'allégeance à une forme unique, se frottent et se mêlent des chants de marins biseau­ tés, des refrains rue de Lappe, des petites gigues qui s'aiguisent, la musique est riche de ses passés, s'offre des allures de fanfare, d'or­ phéon, ou d'orchestre de chambre, vicieusement bricolé, on se per­ met tout, en direct et en artisans, sans synthés, et l'électricité est dans les nerfs. Tout physique, charnel, présent. La rue s'illumine et bouleverse, avec la Tordue, la scène s'incendie, avec les Têtes Raides. Mine de rien, c'est assez arrogant. Et passablement risqué. Parce qu'il n'y a rien alors pour se raccrocher. Pour se dissimuler. La musique est somptueusement toute nue, et d'autant plus qu'elle joue, qu'elle cite, qu'elle déjoue, qu'on passe d'un soupçon de Marc Orlan à un clin d'oeil à Francis Lemarque, des ritournelles limpides aux rythmes caraïbes, de l'insurrection à la déclaration d'amour, et que ça tourbillonne, et que les voix refusent avec vigueur toute ten­ tation "crooneuse". Graves, roides, brutes de décoffrage. Avec une énergie pressante. Elles disent des petits mots insolemment bancals. Le violoncelle rêve. Pour nous "consolater". La scie musicale est sous tension. La voix propose une cérémonie. Et blague. On danse, oui, mais sur quel pied ? La guinguette est de guingois. Elle s'agrandit en vieux dancing dédoré et fluo, en théâtre où se trémousse la jubi­ lation de vivre, frondeuse, nerveuse et ironique.

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