
LeMonde Job: WMQ1610--0001-0 WAS LMQ1610-1 Op.: XX Rev.: 15-10-99 T.: 11:18 S.: 111,06-Cmp.:15,11, Base : LMQPAG 42Fap: 100 No: 1592 Lcp: 700 CMYK LE MONDE RUGBY Samedi 16 octobre LA CHRONIQUE DE FRANCIS MARMANDE LES TEMPS FORTS b 1 FRANCE Déjà dans le doute à la veille de Haka, kawa rencontrer les Fidji, samedi 16 octobre à Toulouse, dans un match décisif pour l’accession et tawake directe aux quarts de finale, les WAISALE SEREVI est le plus Français comptent un blessé de inspiré des Fidjiens, qui pratiquent plus : le demi de mêlée Pierre tous un rugby inspiré. Brad John- Mignoni, victime d’une stone, ancien pilier de Nouvelle- élongation. pages II et III Zélande, les entraîne : un pilier, pour leur apprendre la rigueur. b 2 SAMOA C’est vrai que la rigueur, les Fid- Les joueurs jiens n’en débordent pas. Ils ont polynésiens tout le reste, plus des vertus dont emmenés par nul autre n’est pourvu, mais pas la Stephen Bachop rigueur. La rigueur, tout le monde (photo) ont créé en a. D’ailleurs, ça s’apprend. la sensation de ce premier tour Dans le monde du rugby, la plu- FRANÇOIS GUILLOT/AFP part des êtres jouent au rugby ; en dominant le pays de Galles certains jouent à se faire peur ; à Cardiff (38-31). page V d’autres à se donner des pignes ; a Les doutes les Fidjiens, eux, jouent à jouer b 3 HISTORIQUE pour jouer. Ils sont acrobates, fu- Le 18 juin 1995, au Cap, nambules, jongleurs, matéria- en demi-finales de la Coupe listes, dialecteux, poètes théorico- du monde disputée en Afrique pratiques ; ils rient sans cesse ou du Sud, le géant néo-zélandais alors se recueillent, pratiquent la Jonah Lomu renversait méditation comme un Montois à lui seul l’équipe d’Angleterre coupe du saucisson, lévitent en et inventait ce jour-là le rugby permanence sur une trinité très du XXIe siècle. page VII sainte : exercice spirituel, mépris de la propriété, talent prodigieux b 4 BERNARD LUBAT pour l’allégresse. Plus le kawa. Batteur de Stan Getz, chanteur Bref, on les aime de suite. aux Double-Six, pianiste, Quand ils jouent, ils swinguent, accordéoniste, meneur de troupe, se font des moqueries, gigotent les poète, activiste... le créateur bras comme des cerfs-volants, re- du festival Uzeste musical muent des oreilles, cachent à vo- chante pour Le Monde la musique lonté leur pif à la barbe de l’ad- qu’il préfère : le rugby. page VIII versaire, éclatent d’un grand rire qui défait l’ennemi, se précipitent dans l’axe pour, au dernier instant – pfuit ! – disparaître ; se volati- DOUTE lisent et se rematérialisent sous les Lors de leurs deux premiers poteaux, passent la ligne des 22 en matches, contre le Canada marchant sur les mains, avalent le et la Namibie, les Tricolores ballon et puis le restituent ; ne n’ont rassuré du XV de France songent qu’à courir et, quand ils ni leurs supporteurs courent, ils songent ; aiment par- ni l’encadrement dessus tout l’esquive dans le jeu, du XV de France et, sous le jeu, l’esprit. Ils changent (de gauche à droite) : le moment historique en instant Jean-Claude Skrela, éternel. Et, parmi eux, il y a Wai- Pierre Villepreux et Jo Maso. GABRIEL BOUYS/AFP sale Serevi ! Waisale Serevi est un génie pur. C’est le seul joueur de rugby qu’on ait vu plaquer sans toucher un poil de l’adversaire. Il n’a pas besoin de toucher, l’action avorte d’elle- même. Serevi fait ses tours de ma- gie, pour des raisons qu’il serait long d’expliquer, à Mont-de-Mar- France, la peur au centre san. Son jeu exulte de douceur et de joie. Quand il tape (toutes ses VILIAME SATALA et Waisake lètes que pour leur goût de l’impro- fin elles tiennent à peu près toutes rière – autre question de tempo. pas de nature à rassurer. Ils étaient balles passent entre les barres), Sotutu ne sont pas très connus en visation. L’un des frères Rauluni – le choc. Un arrière rassurant, œil Une telle harmonie s’obtient avec chez eux, à Cardiff, dans leur stade c’est comme sans frapper, et puis France, pour le moment du moins. tous deux demis de mêlée, c’est fa- d’arpenteur, jambes d’étalon, peine. Leslie et Tait, les centres tout nouveau, tout beau. Ils allaient il disparaît, ce qui est un art pré- Ce sont pourtant des hommes re- cile – récupère prestement la balle doigts de couturière, il en existe écossais, y sont à peu près parve- écraser les Samoans... Pas du tout. cieux dans le monde actuel. marquables, particulièrement après une touche ou une mêlée. Il quelques-uns, le Sud-Africain nus, tout comme Herbert et Horan, Leurs centres ont lâché des ballons, Et le kawa ? Le kawa, les Fidjiens quand ils jouent au rugby. Ils y la passe promptement à Nicky Montgomery, l’Ecossais (d’adop- les Australiens. Et donc, naturelle- leurs demis risqué des passes ap- le boivent après. C’est tout un jouent de façon facétieuse, avec Little, demi d’ouverture du genre tion) Metcalfe, le Néo-Zélandais ment, Satala et Sotutu, les Fidjiens proximatives. Les Samoans, qui mystère, une racine broyée. On une prédilection pour l’imprévisible précis et flegmatique, qui la passe Wilson, le Gallois (d’adoption en- qui filent entre les mailles. Dans ce n’ont commis aucune de ces fautes, n’a jamais goûté, mais ça fait en- et l’irréalisable. Par exemple, ils aussitôt à Satala ou à Sotutu. A core) Howarth, et tous se sou- cas, l’efficacité est garantie. L’in- les ont battus, bien battus, avec du a Victoire surprise vie. Celui qui prépare la mixture prennent le ballon d’une main – ils partir de cet instant, tout peut arri- viennent des très grands et de verse n’est pas moins vrai, en style et de l’acharnement. Le match dans un bol en noix de coco, le ont les mains qu’il faut pour cela – ver, la percée, le crochet extérieur Blanco. Mais une vraiment bonne bonne logique. s’est gagné et perdu au centre. premier à en boire, n’est pas le et traversent les lignes adverses, ou intérieur, la passe croisée, la vol- paire de centres, c’est aussi rare, Les Anglais devraient méditer là- premier venu. Ils chantent. Tous passant entre des défenseurs frap- leyée, la sautée, la double sautée aussi précieux qu’une bonne paire GROSSE FRAYEUR dessus. Eux aussi sont en manque les Fidjiens jouent de la guitare. Ils pés de stupeur. Après les Nami- avec récupération en l’air d’une de demis, comme en forment Et l’inverse, ce pourrait être la de centres. Phil de Glanville mal en sont d’une civilisation extrême. Et biens, les Canadiens ont connu main. Ils feraient un saut périlleux Armstrong et Townsend en Ecosse, France. La plus neutre des objecti- point, Guscott le remplace. Mais il le tawake ? C’est leur rite guerrier, cette situation : changés en pieux, en même temps, on n’en serait pas Howley et Jenkins au pays de vités contraint à observer qu’elle a trente-quatre ans et ses pla- sans vouloir tuer personne. C’est ils ont vu Satala et Sotutu faire en surpris outre mesure. Galles, Gregan et Larkham en Aus- n’a pas une vraie paire de centres ni quages sont rarement décisifs. un cri, un défi, une danse, qui se s’étirant, virevoltant et souriant, du tralie. du reste une vraie paire de demis, C’est ennuyeux, parce que, vendre- donne juste avant le match. slalom entre eux. GÉNÉROSITÉ ET ÉGOÏSME Il faut, pour l’obtenir, deux très depuis que Carbonneau et Castai- di, Guscott devra s’opposer aux ini- Comme le haka. Le haka ? Le rite Satala et Sotutu sont fidjiens de Rien de tout cela ne serait trop bons joueurs, évidemment. Mais il gnède sont blessés. Au centre, tiatives de Taumalolo, Vunipola, Fi- d’avant-match des All Blacks. naissance et centres de vocation. grave si Satala et Sotutu ne faut encore qu’ils sachent et aiment contre le Canada et la Namibie, il y nau et compagnie, Tonguiens au Le brave et sévère Johnstone a Satala est le plus grand (1,90 m) et jouaient contre les Français, samedi jouer ensemble, avec alternance de avait Dourthe et Glas, ce dernier naturel ardent – des types dans le peur des artisteries de Serevi. Pour le plus lourd (90 kilos). Sotutu est 16 octobre à Toulouse, et si les mat- générosité et d’égoïsme, de super- peu convaincant. Cette fois, contre genre de Satala et Sotutu. Aux uns le match de Toulouse, il ne l’a pas plus petit (1,82 m) et pèse 87 kilos. ches, de plus en plus, ne se ga- be et de dévouement. Avec des Satala et Sotutu, il y aura Dourthe et aux autres, il faudra vaincre pour sélectionné. C’est la dernière Ils sont donc à peu près dans la gnaient au centre, comme les élec- combinaisons dont ils savent seuls et Ntamack. Dourthe plaque admi- ne pas disparaître et avoir le plaisir chance de l’équipe de France. Qui norme à la mode, légèrement en tions. Une ligne d’avants solides, le tempo et la clé ; avec des inven- rablement bien. Il est du genre tei- de rencontrer ensuite le vaincu de regrette de n’avoir pas son petit dessous si on les compare aux organisés, bons plaqueurs, ça se tions de dernière seconde qui ne gneux. Ntamack peut gagner un France-Fidji.
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