L’AVENIR DE L’EUROPE EST AU SUD FATHALLAH SIJILMASSI L’AVENIR DE L’EUROPE EST AU SUD PRÉFACE Chacun se rappelle que « l’Union pour la Méditerranée » (l’UpM), lancée avec optimisme et éclat par le président Sarkozy en 2008, s’était heurtée aussitôt à de grandes difficultés tant la désunion était grande entre plusieurs membres de cette Union en formation, au Nord comme au Sud. A tel point qu’elle semblait mort née aux yeux de beaucoup. En réalité l’Union existe, elle est moins en vue mais elle a commencé à travailler sérieusement et son secrétaire général qui, de 2012 à 2018, a été Fathallah Sijilmassi, diplomate marocain de premier plan, nous livre dans cet essai très éclairant les réflexions et les propositions retirées de son expérience. Il démontre de façon argumentée et convaincante qu’il y a toujours autant de raisons, si ce n’est plus, pour les pays riverains de la Méditerranée, de travailler ensemble à des projets communs dans les domaines les plus variés, où les besoins sont criants, et que l’UpM peut labéliser : développement des entreprises et de l’emploi, transport et développement urbain, eau et environ- nement, affaires sociales et civiles, enseignement supérieur et recherche, énergie et action pour le climat. Bien sûr, dans tous ces secteurs, chaque pays agit déjà seul, plus ou moins efficace- ment. Mais la nécessité d’actions communes supplémentaires à un niveau plus large, euro-méditerranéen, est évident. Fathallah Sijilmassi nous apprend qu’au 31 décembre 2017, l’UpM avait labellisé 51 projets pour un total de 5,5 milliards d’euros, dont l’unité de dessalement d’eau de mer, à Gaza, la dépollution du lac de Bizerte et l’université euro-méditerranéenne de Fès. C’est un début encourageant que l’on souhaite voir se développer même si, l’auteur le regrette, l’UpM ne dispose pas de financements propres. Tout cela est d’autant plus méritoire que l’environnement géopolitique est saturé de cadres et mécanismes institutionnels variés tels que la politique européenne de voisinage (la PEV), le dialogue 5 + 5, l’accord d’Agadir, sans oublier, en surplomb, les 7 relations UE/Afrique, UE/Monde arabe, OSCE et Méditerranée, OCDE et la région MENA, l’OTAN et la Méditerranée, etc. actionnés par les puissances anciennes ou nouvelles, régionales ou autres, qui ont leurs politiques et leurs objectifs propres. On ne peut donc qu’admirer la ténacité et la persévérance de Fathallah Sijilmassi et de ses équipes, et de leurs successeurs, pour faire avancer, par le processus UpM, des projets concrets qui favorisent l’emploi et la connaissance en associant la jeunesse et toutes les forces de la société civile à travers des plateformes, réunions et concertations incessantes qui requièrent une patience infinie. Les besoins et les perspectives sont immenses. Mais Fathallah Sijilmassi ne se contente pas dans son texte de rappeler l’intérêt et l’utilité de l’UpM. Il voit plus large- ment et bien au-delà et étend sa réflexion à l’ensemble de la relation entre l’Europe et le « Sud », au sens large, dans toutes ses dimensions stratégique, politique, économique, culturelle, humaine. Et c’est vrai que même si l’Europe a aussi un Ouest (les Etats-Unis), un Est (la Chine) et un Nord (la Russie), et un Sud-Est (le Proche orient), elle doit penser son avenir à long terme avec le Sud. Il y a en particulier un domaine, devenu central, mais qui a été jusqu’ici, selon les mots de Fathallah Sijilmassi, une « occa- sion manquée » : la gestion de la question migratoire, à ne pas confondre avec celle de l’asile. Les objectifs sont évidents et pas seulement entre l’Eu- rope et l’Afrique, mais partout dans le monde, par exemple entre l’Afrique du Sud et le sud de l’Afrique, l’Australie et son environnement, etc. : Redéfinir rigoureusement le droit d’asile pour qu’il ne soit pas détourné comme il l’est trop souvent. Puis le sanctuariser pour qu’il puisse être mis en œuvre en dépit des pressions d’une partie des opinions. Et gérer l’émigration/ immigration légale de façon concertée entre pays de départ, de transit, et d’arrivée (un Schengen remis à plat, comme l’a pro- posé le président Macron). Cette gestion collaborative devrait tenir compte des intérêts communs et partagés, et des besoins économiques des uns et des autres. L’UpM serait un des cadres propices pour une concertation régulière à ce sujet, mais cela 8 dépasse la gestion de l’UpM. Explosif et risqué mais indispen- sable ! Le pire serait de ne rien faire. On voit que les responsables, au nord et au sud, trouveraient beaucoup de profit à se nourrir des réflexions et propositions de Fathallah Sijilmassi. Hubert Védrine Ancien ministre français des affaires étrangères 9 SOMMAIRE Préface Introduction Générale PREMIÈRE PARTIE : La Méditerranée est-elle trop grande ou trop petite pour une coopération régionale efficace ? Introduction Chapitre : Des relations qui évoluent dans l’espace et dans le temps . Un partenariat ancien au bilan mitigé ­ . Des relations qui évoluent aujourd’hui dans un contexte nouveau ­ Chapitre : Où en est l’Union pour la Méditerranée aujourd’hui ? . Les activités de l’UpM au niveau politique : Un engagement à consolider ­ . Les plateformes de dialogue régional . Les projets régionaux structurants ­ Chapitre : Les nombreux formats géographiques et cadres institutionnels pour le partenariat euro- méditerranéen : trop ou pas assez ? . La Politique Européenne de Voisinage (PEV) : entre gestion de crises et stratégie de construction . Les processus sous-régionaux : Dialogue ­+­ et Accord d’Agadir SOMMAIRE . Une vision géographique et stratégique plus grande : L’Afrique et le monde arabe . Les autres cadres de coopération dans la région Chapitre : Les instruments financiers sont-ils suffisants et adaptés pour accompagner un véritable partenariat gagnant-gagnant entre les deux rives de la Méditerranée ? . Une Commission européenne engagée mais… . Les financements des institutions Européennes et Internationales existent mais… Conclusion de la première partie DEUXIÈME PARTIE : Pour un agenda positif en Méditerranée Introduction Chapitre : Associer la jeunesse . Parler AVEC la jeunesse et non De la jeunesse . S’appuyer sur les réseaux existants . Nécessité de changer d’échelle Chapitre : Gagner la bataille de l’emploi . Le chômage des jeunes : un défi commun ­ . Cinq conditions pour une approche innovante . Le développement des entreprises par le commerce et l’investissement SOMMAIRE Chapitre : L’économie de la connaissance . La coopération universitaire : le socle de l’avenir . La recherche et l’innovation : vecteurs de compétitivité . Les think tanks et centre de recherches : réflexions et recommandations Chapitre : Impliquer la société civile . Le renforcement du rôle de la femme . Le rôle des diasporas . La dimension locale et territoriale . Le dialogue interculturel et intercultuel Conclusion Conclusion Générale Glossaire Liste des tableaux Liste des figures Liste des graphes Liste des encadrés Bibliographie Annexe Annexe Annexe Annexe Annexe Annexe INTRODUCTION GÉNÉRALE Plus de 20 ans après le lancement du Processus de Barcelone et 10 ans après le lancement de l’Union pour la Méditerranée , il est légitime de se poser les deux questions suivantes : où en sommes-nous et où allons-nous ? Ces deux interrogations se posent aujourd’hui plus que jamais et en particulier dans un monde et une région qui ont connu de très nom- breuses évolutions structurelles durant les deux dernières décennies. Les relations entre les deux rives de la Méditerranée souffrent d’un véritable paradoxe. D’une part, ces relations sont anciennes, profondément enracinées, avec la ferme conviction de part et d’autre de leur importance stratégique, de leur utilité et même de leur nécessité. D’autre part, ces relations n’arrivent pas à franchir le saut qualitatif tant recherché. Plusieurs décennies, de Sommets, de conférences et d’accords, accompagnés de centaines de milliards d’Euros mobilisés en faveur de cette coopération n’ont toujours pas permis de créer la zone de paix et de stabilité recherchée et si nécessaire, ni de réduire les écarts de développement entre les deux rives de la Méditerranée, ni encore d’atteindre une relation de partenariat digne de ce nom, d’égal à égal, tournée vers la construction d’un avenir commun meilleur. Le partenariat euro-méditerranéen : réalité ou illusion ? La littérature est abondante sur le bilan et les perspectives des relations euro-méditerranéennes. Plusieurs sensibilités existent. Nous pouvons schématiquement les répartir en quatre catégories : les romantiques, les nostalgiques, les résignés et les perfectionnistes. Le Processus de Barcelone (lancé en novembre ­) et l’Union pour la Méditerranée (lancée en juillet ) sont les deux cadres principaux qui ont marqué l’évolution des relations institutionnelles entre l’Union Européenne et les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. Voir Annexes et . 15 Les romantiques parlent volontiers de la Mare Nostrum, du passé glorieux de la Méditerranée autrefois unie (même par la force…). La culture de l’olivier, la gastronomie, le soleil, les vestiges historiques, l’imaginaire collectif, la musique, les arts, tout est là pour illustrer ce qui rapproche les peuples de la Médi- terranée et leur référentiel populaire ! Cela permet de cultiver la mémoire (ou l’illusion ?) d’une culture commune ou tout au moins d’une culture partagée. Les romantiques fondent tous leurs espoirs sur le fait que les vicissitudes du présent ne sont qu’un accident de l’Histoire et que les peuples de la Méditerranée ont vocation naturellement à s’unir dans de nouveaux partenariats prometteurs. Cette vision romantique a certains prolongements politiques en servant de fondement pour soutenir l’idée selon laquelle la coo- pération euro-méditerranéenne ne devait concerner que les pays riverains de la Méditerranée. « Que peut comprendre un scandi- nave aux affaires méditerranéennes ? » affirmeraient volontiers les adeptes de cette vision, tout comme les pays méditerranéens ne pourraient pas se retrouver dans une dynamique autour de la Mer Baltique.
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