Adolphe Joseph Reinach Noé Sangariou: Étude sur le déluge en Phrygie et le syncrétisme judéo-phrygien, Paris : A. Durlacher, 1913, 95 p. Ce document fait partie des collections numériques des Archives Paul Perdrizet, le projet de recherche et de valorisation des archives scientifiques de ce savant conservées à l’Université de Lorraine. Il est diffusé sous la licence libre « Licence Ouverte / Open Licence ». http://perdrizet.hiscant.univ-lorraine.fr NOÉ SANGARIOTJ tTUDE SUR LE D~LUGE EN PHRYGIE ET LE SYNCRÉTISME JUDÉO·PHRYGIEN PAR Adolphe REINACH PARIS LIBRAIRIE A. DURLACHER 83 bis, RUE LAFAYETTE i9!3 NOÉ SANGARIOTJ tTUDE SUR LE D~LUGE EN PHRYGIE ET LE SYNCRÉTISME JUDÉO·PHRYGIEN PAR Adolphe REINACH PARIS LIBRAIRIE A. DURLACHER 83 bis, RUE LAFAYETTE i9!3 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 NOÉ SAN<;ARIOU ÉTUDE SUR LE DÉLUGE EN PHRYGIE ET LE SYNCHÉTISME JUDÉO-PHRYGIEN VERSAILLES. - IMP. CERF, !)9, RUE DUPLESSIS. NOÉ SANGARIOU ~TUDE SUR LE D~LUGE EN PHRYGIE ET LE SYNCRÉTISME JUD~O·PHRYGIEN PAR Adolphe REINACH PARIS LIBRAIRIE A. DURLACHER 83 bis, RUE LAFAYETTE 1913 NOÉ SANGARIOU ÉTUDE SOR LE DÉLUGE EN PHRYGIE ET LE SYNCRÉTISME JUDÉO-PHRYGIEN L'idée du présent mémoit·e est due à une découverte qui en explique le tit l'e. Le nom de Noé Sangariou, lu sur une épitaphe trouvée clans les fouilles de Tllasos, m'a aussitôt suggéré que, si l'on pouvait prouver que Noé fut un des noms portés par l'hypostase de la Grande Déesse J:?lu·ygienne connue généralement sons le nom de Nana, fille elu Sangarios, le fleuve de Cybèle, on pourrait clé­ duire de ce fait, pour la localisation à Apamée en Phrygie de l'Mche de Noé, une explication meilleure que celles qui ont été jus­ qu'ici proposées. 2 NOÉ SANGARJOU Des recherches ultérieures m'ont permis de réunit· une abon­ dante série de faits qui ne justifient pas seulement cette hypothèse. On verra que le syncrétisme judéo-grec a créé un personnage de Noé1·ia, où se confondent la Sibylle judéo-chaldéenne, fille de Noé, et la Sibylle phrygienne, en qui s'incame, dans le cortège de la Magna Mater phrygienne, le génie des eaux prophétiques ; bien plus, jusqu'en ses moindt·es détails, s'est éclairée celte localisation de la montagne de l'arche à Apamée Kibôtos, qui était restée pleine de mystère. Apamée n'est pas seulement devenue la ville de l'Arche parce qu'on pouvait voir dans Ribdtos le nom grec de l'Arche, mais parce que la ville s'était appelée jadis Nôrikon et qu'elle avait eu une légende diluvienne dont le héros pouvait être assimilé à Noé. Les faits rassemblés se sont laissés ordonner en quatre cha­ pitres dont on peut résumer ainsi la teneur: I. Existence d'une divinité phrygienne des eaux, correspondant à la Naïs grecque, et dont le nom se pr~sente sous une série de variantes: Na-Nana-Naé-Noé. Fille de Nannakos­ Annakos, héros du déluge phrygien, qui sera confondu avec Hénoch-Noah, elle deviendra, dans la légende judéo­ phrygienne, Noéra, fille de Noé. IL L'arc.he de Noé à Apamée : les monnaies, les textes. La légende doit s'être fOI'mée dès la fio du m• siècle avant J.-C.; on la peut suivre jusqu'au milieu du m• siècle après J.-C. III. Les vestiges d'une légende phrygienne du déluge et les rap­ ports primitifs des Phrygiens avec l'Arménie et avec la Syl'ie. Comment la montage de l'arche - Ararat ou Baris­ a été transférée en Phrygie, au-dessus d'Apamée. IV. Juifs et judaïsants en Phrygie. La Sibyll e et la fill e de Noé.. Comment s'est opérée la fusion entre la tradition phrygienne et la tradition biblique du déluge. 1 Une épitaphe, recueillie en 1911 dans la néct·opole de Thasos, pot·te, en caractères du rue ou du n• siècle avant nott·e ère : NOT-I ~Arr APIOY rTNH 1 . Noé, f emme de Sangm·ios. Ces deux noms sufûsentà nous reporter en plein monde pht·ygien , dans le cycle du culte de Cybèle Pour eu ex:pliquef' la présence à Thasos, on n 'est pas réduit à rappeler le L Petite stèle de marbre. H. 0.33. L. 0.2i. Ep. 0,055. Elle 'scra reJJroduitc en cul de lampe. NOÈ SANGARIOU 3 voisinage de Samothrace, dont les cultes présentent tant d'analo­ gies avec les culles phrygiens. Les recherches poursuivies en i9i i à Thasos ont mis hors de doute l'existence d'un temple de la Mégalé-Méter, appelée sans doute plutôt MqocÀ'T} 8ëoç, ou ~ 8ëoç tout court. On possédait déjà la dédicace qu'une femme peintre lui fait du tableau où elle l'a représentée 1; un bas-relief où la Mère des Dieux trône entre des lions a été trouvé muni d'une· inscription qui 2 permet de croire qu'il supportait une autre image peinte de la déesse • D'ailleurs, il suffirait de rappeler la parenté originelle entre Thraces et Phrygiens que l'antiquité avait déjà reconnue, que l'onomastique rend de plus en plus évidente et que les progrès de nos connaissances dans les domaines de l'histoire et de la religion confirment chaque jour. Le nom de Sangarios, comme nom d'homme, se retrouve en face de Thasos, dans le Pangée, dès le 1v• siècle 3. Il rentre dans une série qu'il n'est pas seul à représen­ ter : les noms de cours d'eau, généralement divinisés, qui deviennent noms d' bommes. La forme la plus répandue de cette variété de noms théophores est celle dont Hermoddros ou Skamandroddros sont des exemples bien connus ; parfois le nom propr·e n'est que l'adjectif tiré du nom du cours d'eau, comme Skamandrios ou Hermias ; parfois, enfin, l'homme prend simplement le nom du cours d'eau divin : c'est ainsi que l'on trouve, à Thasos et sur la côte en face où se jette le Mestos, Mestos, Mesté ou Mestouzelmos ". Noé rentre aussi dans cette catégorie des noms de cours d'eau divinisés. Énumérant les affluents méridionaux de l'lstros, Hérodote nomme, comme rivières traversant le pays des Thraces Krobyzes, "AOpuç xal No'Tlç xal 'Ap-rocv'Ylç 5 • Le premier de ces noms se retrouve à Thasos dans celui du médecin Athryïlatès, ami de Plutarque, tandis que le troisième est aussi celui d'un fleuve de Bithynie; il est d'au­ tant moins singulier de retrouver le second à Thasos et en Phrygie. i. 1 G, XII, 8, 378. 2. Il sera publié incessamment par Ch. Picard dans les Monuments Piat, ainsi qu'un de ces petits naoi de pierre où la Mère des Dieux est assise, voilée, qui étaient l'ex­ voto accoutumé dans ses sanctuaires. 3 . Cf. l'épitaphe de 'Excmxf't} :Eccyya.p[ov, citée par Perdrizet, Cultes et My Lites du Pangee (1 910}, p. 86. On sait que les Grecs ont donné le nom d'Hécate à une divinité thraco-phrygienne qui portail un wand flambeau dans chaque main, Bendis en Thrace, Nemésis en Carie, etc. Dans le Montanisme, h é ré ~ie pénétrée de rites phrygiens, un p-rand rôle était joué par· sept vierges vêtues de blanc portant des torches : Hélcataié, comme Noé, appartient donc au cycle de la Magna Mate1· phrygienne. 1., Cf. IG, Xl!, 8, 471, 621, 630, etc. 5. Hér., IV, 49. Procédant en sens contraire, Pline énumère, lU, !.49: Utus, Asamus, Ieterus. L'Iele1·us ou Ielros était évidemment identique à J'Athrys, Iantra ·mod•!rne, J'A1·tanès à J' Utus (Vit moderne) ; donc l'A.samus-Noès est l'Osem. 4 NOÉ SANGARIOU Cependant, cette association de Noé et d'un Sangarios ne saurait passer pour une rencontre fortuite, d'autant plus que le nom de Noé peut se donner à des cours d'eau. Valerius Flaccus pal'le encore 1 du dos glacé du Noa • Le Noès-Noa doit être évidemment rap­ proché du Noaros, fleuve danubien qui a donné son nom au Norique : on verra que Nô1·ikon est un ancien nom d'Apamée Ki­ bôtos. Puisque, l'existence d'un culte de la Mère des Dieux est attestée à Thasos, ne doit-on pas voir en Noé le nom d'une de ses . prêtresses, nom qui, comme celui de son époux, serait emprunté au cycle des personnages divins figurant dans la légende de la divinité principale ? Il suffit de rappelet· ces grands prêtres de Pessinon te qui s'appellent Atlis ou Baltakès, ceux d'Olbia en Cilicie, oü 1111 Aias a lterne avec un Teukros. Nous sommes donc amenés à rechercher quell es sont les fi gures divines de la légende phrygienne dont Noé e l Sangarios ont pu emprunter le nom. Le rôlequ'y joue le grand neuve de la Phrygie est bi en connu. Arrosant Pessinonte, le Sangarios ne pouvait manquer d'être introduit dans la légende de Cybèle. On en fit un roi, père de Nanas qui conçoit Attis du fmit du grenadier né du sang d'Agdislis. Après avoir enfermé sa fille, Sangarios fait exposer son pe ti L-flls. Dans 2 celte tradition, conservée par Alexa11dre Polybistor , le nom de ·sangarios paraît avoir é té expliqué par le thème de l'exposition sur un fleuve d'un Attis-Sangas et il suffit de rappeler Moïse sauvé des eaux pout· qu'on admette que ce thème légendaire grec n'a pas Jù sembler étrange aux Juifs.
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