Shoah 1 Shoah [1] (« catastrophe » ,שואה : Le terme Shoah (hébreu désigne l'extermination par l'Allemagne nazie des trois quarts des Juifs de l'Europe occupée[2] , soit les deux tiers de la population juive européenne totale et environ 40 % des Juifs du monde, pendant la Seconde Guerre mondiale ; ce qui représente entre cinq et six millions de victimes selon les estimations des historiens[3] . Ce génocide des Juifs constituait pour les nazis « la Solution finale à la question juive » (die Endlösung der Judenfrage). Le terme français d’Holocauste est également utilisé et l’a précédé. Le terme « judéocide » est également utilisé par certains pour qualifier la Destruction du ghetto de Varsovie, avril 1943. Shoah. L'extermination des Juifs, cible principale des nazis, fut perpétrée par la faim dans les ghettos de Pologne et d'URSS occupées, par les fusillades massives des unités mobiles de tuerie des Einsatzgruppen sur le front de l'Est (la « Shoah par balles »), au moyen de l'extermination par le travail forcé dans les camps de concentration, dans les « camions à gaz », et dans les chambres à gaz des camps d'extermination. L'horreur de ce « crime de masse »[4] a conduit, après-guerre, à l'élaboration des notions juridiques de « crime contre l'humanité »[5] et de « génocide »[6] , utilisé postérieurement dans d'autres contextes (génocide arménien, génocide des Tutsi, etc.). Une très grave lacune du droit international humanitaire a également été complétée avec l'adoption des Conventions de Genève de 1949, qui protègent la population civile en temps de guerre[7] . L'extermination des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale se distingue par son caractère industriel, bureaucratique et systématique qui la rend unique dans l'histoire de l'humanité[8] . Paroxysme d'un antisémitisme européen à la très longue histoire, ce génocide a voulu éliminer radicalement la totalité d'une population qui ne représentait aucune menace militaire ou politique pour les bourreaux. Les femmes, les bébés ou les vieillards furent tout aussi systématiquement traqués et voués à la mort de masse que les hommes adultes. En particulier, 1500000 enfants furent victimes de l'anéantissement[9] . L'extermination physique des Juifs fut aussi précédée ou accompagnée de leur spoliation systématique (aryanisation) et de la destruction d'une part considérable de leur patrimoine culturel ou religieux. Perpétré sur l’ordre d’Adolf Hitler, le crime a principalement été mis en œuvre par la SS et le RSHA dirigés par Heinrich Himmler, ainsi que par une partie de la Wehrmacht, et par de nombreux experts et bureaucrates du IIIe Reich. Il a aussi bénéficié de complicités individuelles et collectives dans toute l’Europe, notamment au sein des mouvements collaborationnistes d’inspiration fasciste ou nazie, et de la part de gouvernements ou d’administrations ayant fait le choix de la collaboration d'État. Les passivités ou les indifférences de beaucoup ont aussi indirectement aidé à son accomplissement. Parallèlement, de nombreux anonymes désintéressés, parfois honorés de la distinction de « Juste parmi les nations », se sont dévoués pour sauver des persécutés. Le Troisième Reich a aussi exterminé en masse les handicapés mentaux (leur gazage massif lors de l’aktion T4 a précédé et préfiguré celui des Juifs d'Europe), les Tziganes (Porajmos), les homosexuels et les populations slaves notamment polonaises et soviétiques, mais seul le massacre des Juifs a été conduit avec acharnement jusqu'aux derniers instants du Reich. La Shoah constitue l'un des événements les plus marquants et les plus étudiés de l'histoire contemporaine. Son impact moral, culturel et religieux a été immense et universel, surtout depuis sa redécouverte à partir des années Shoah 2 1960-1970. À côté de l'investigation historique, la littérature de la Shoah offre quelques pistes aux nombreuses interrogations posées à la conscience humaine par la nature et l'horreur exceptionnelles du génocide. La Shoah comme terme d'un processus Dans La Destruction des Juifs d'Europe, Raul Hilberg analyse la Shoah comme un processus, dont les étapes sont la définition des Juifs, leur expropriation, leur concentration, et enfin leur destruction[10] . La première étape[11] est codifiée par les lois dites de Nuremberg, en 1935, qui elles-mêmes venaient après une série de mesures discriminatoires prises dès l'avènement d'Hitler et des nazis le 30 janvier 1933. Les Juifs y sont définis par la législation nazie selon la religion de leurs Apposition d'affiche indiquant le boycott des magasins juifs en 1933 ascendants et leur propre confession. Toute personne ayant trois ou quatre grands-parents juifs est considérée comme juive. Une personne ayant deux grands-parents juifs est considérée également comme juive si elle est elle-même de religion israélite, ou si elle est mariée à une personne de cette confession. Si tel n'est pas le cas, ou si la personne n'a qu'un seul grand-parent juif, elle est rangée dans une catégorie spécifique, les Mischlinge[12] . La définition des Mischlinge est arrêtée en 1935. À partir de là, ils restent soumis aux mesures de discriminations concernant les non-aryens, mais échappent en principe aux mesures ultérieures, comme le processus de destruction, qui ne concerneront que les seuls Juifs[13] . À partir de l'automne 1941, les Le boycott des magasins juifs en 1933 Juifs d'Allemagne doivent porter une étoile jaune, signe rendu également obligatoire en 1942 à travers les territoires européens occupés, où les nazis ont d'emblée fait recenser et discriminer la population juive. Le 28 juillet 1942, alors que l'extermination bat son plein, Himmler interdit à ses experts de continuer à chercher la définition du Juif - afin de ne pas lier les mains aux tortionnaires[14] . En règle générale, les lois de Nuremberg sont rapidement introduites telles quelles par ordonnance allemande dans la plupart des pays vaincus et occupés (Belgique, Pays-Bas, Grèce, etc.). Mais plusieurs pays européens avaient adopté d'eux-mêmes leur propre législation antisémite dès l'avant-guerre, notamment l'Italie fasciste de Mussolini en 1938, la Hongrie de l'amiral Horty, la Roumanie du maréchal Ion Antonescu, la Slovaquie de Mgr Tiso. En France, le gouvernement de Vichy du maréchal Pétain, issu de la défaite de juin 1940, a mis en place un statut discriminatoire des Juifs dés octobre 1940[15] . Toutes ces dispositions n'ont aucun objectif homicide par elles-mêmes, mais elles prédisposent les gouvernants à collaborer aux futures Boycott officiel des magasins juifs par les SA, déportations. Et en isolant et en fragilisant les Juifs nationaux et Berlin, printemps 1933. étrangers, elles les rendent vulnérables lorsque surviendra la tentative nazie d'extermination. Shoah 3 L'expropriation prend la forme de très fortes incitations sur les Juifs à vendre les grandes entreprises qu'ils possèdent (aryanisation), puis, à partir de 1938, de ventes légalement forcées. La concentration des Juifs du Reich dans des immeubles réservés commence à partir d'avril 1939[16] . Cette phase d'expropriation est également mise en œuvre avec des variantes dues aux circonstances locales dans l'ensemble des pays d'Europe sous domination nazie[17] . La dernière étape, l'extermination physique, se dessine entre 1938 et 1941. Autodafé le 11 mai 1933 Avant-guerre, le but est d'abord de chasser les Juifs par une persécution sans cesse plus radicale. La liste des métiers interdits s'allonge sans fin, celle des brimades et des interdictions aussi : toute vie normale leur est rendue impossible, afin de les contraindre à l'émigration hors du Reich. Mais beaucoup refusent de quitter leur pays, et à partir de 1938, la volonté nazie d'expansion territoriale met cette politique dans une impasse : à chaque agrandissement, le Reich absorbe plus de Juifs qu'il n'en sort de ses frontières[18] . C'est le cas lorsqu'il annexe l'Autriche en mars 1938 (l'Anschluss est Humiliation publique d'un notable Juif à Munich accompagnée d'un déchaînement immédiat de brutalités contre les en 1933 Juifs, agressés, battus, dépouillés ou humiliés jusqu'en pleine rue), puis lors du rattachement des Sudètes (octobre 1938) et de l'entrée des troupes allemandes à Prague le 15 mars 1939. La conquête de la Pologne, en septembre 1939, fait à elle seule tomber plus de trois millions de Juifs sous la coupe des nazis. Le 1er septembre 1939, Hitler autorise personnellement l'aktion T4, qui entraîne l'extermination par gazage de plus de 150000 handicapés mentaux allemands en deux ans, dans des « centres d'euthanasie » prévus à cet effet. Les forces nazies fusillent en outre systématiquement les malades incurables qu'elles trouvent en Pologne et en URSS occupées. La continuité entre cette politique d'eugénisme criminelle et la Shoah est très importante : nombre de spécialistes de l'euthanasie sont ensuite réaffectés au gazage massif des Juifs, qui survient à son tour à partir de fin 1941. L'élimination physique des Juifs a commencé à partir de la nuit de Cristal du 9 novembre 1938, pogrom planifié d'en-haut qui fait 91 morts à travers toute l'Allemagne et entraîne l'arrestation de 30000 Juifs conduits en camp de concentration, la dévastation de centaines de magasins et la destruction de dizaines de synagogues. Le 30 janvier 1939, pour le sixième anniversaire de sa prise du pouvoir, dans un discours tonitruant devant le Reichstag, Hitler « prophét[is]e » qu'au cas où les Juifs « Timbre de la RFA commémorant la nuit de Cristal (9 novembre provoqueraient » une nouvelle guerre mondiale, la 1938). conséquence en serait « l'extermination des Juifs d'Europe ». Or c'est à l'accomplissement de cette « prophétie » que lui-même comme Goebbels et de nombreux responsables nazis feront de nombreuses références au cours de la guerre. En particulier, lorsque la guerre devient mondiale en décembre 1941 avec l'agression japonaise à Pearl Harbor et la déclaration de guerre du Reich aux États-Unis, Hitler et son entourage se persuadent qu'il faut « punir » les Juifs, Shoah 4 jugés responsables de la guerre que l'Axe a elle-même provoquée, et donc vus comme coupables des pertes allemandes au front ou des bombardements sur les villes.
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