© CONSEIL INTERNATIONAL DE LA LANGUE FRANÇAISE - 1986 ISBN : 2-85319-164-8 Collection « Fleuve et Flamme » (série monolingue) Contes de la savane* Contes des lagunes et des savanes (Côte d'Ivoire) Contes du Sahel* Contes du Zaïre Contes de la forêt* Contes de Tolé (Centrafrique) Contes du Cameroun Contes et légendes soninké (Mali, Sénégal, Mauritanie) Contes créoles de l'Océan Indien Contes zarma du Niger Contes de Madagascar Contes peuls de Bâba Zandou (Cameroun) N'ouvre pas à l'ogre (Zaïre) Contes du Rwanda L'enfant rusé et autres contes bambara (Mali, Sénégal oriental) Contes d'Algérie Contes du Burkina Contes haoussa Hors collection : Contes andalous Contes et nouvelles (Tunisie) (série bilingue) Contes du pays des rivières* Wanto... et l'origine des choses* Chansons et proverbes lingala* Contes et récits du Tchad* Les aventures de Petit Jean (Océan Indien) Lièvre, Grand Diable et autres* Contes et légendes soninké* Contes malgaches* En suivant le calebassier (Niger) Contes créoles d'Haïti Contes comoriens Contes de Djibouti Mes mensonges du soir (Côte d'Ivoire) Contes créoles de Guinée Bissau Femmes et monstres 1 et 2 (Madagascar) Contes maghrébins Contes ruandais Proverbes et contes mossi (Burkina) Histoires canaques (Nouvelle Calédonie) Contes akan du Ghana Bâba Zandou raconte (Cameroun) Contes montagnais (Québec) Contes luba et kongo du Zaïre Fablier de São Tomé Contes berbères du Grand Atlas Contes et récits peuls du Fouta Djalon Contes bambara (Mali, Sénégal oriental) Légendes tahitiennes Proverbes malinké Contes et légendes du pays Lao Les titres suivis d'un astérisque ne sont plus disponibles Conseil international de la langue française 103, rue de Lille, 75007 Paris Association internationale reconnue d'utilité publique (décret du 29/12/1972), le CONSEIL INTERNATIONAL DE LA LANGUE FRANÇAISE regroupe des représentants des pays d'expression française des différentes régions du monde et intervient notamment dans le domaine des sciences et des techniques. Il a pour tâche : • d'enrichir la langue française, • de favoriser son rayonnement, • d'organiser sa communication avec les autres langues, • de promouvoir le dialogue des cultures. L'action du CILF s'exprime, pour une grande part, à travers ses PUBLICATIONS : RE VUES ― de terminologie LA BANQUE DES MOTS ― de linguistique LE FRANÇAIS MODERNE OUVRAGES *DICTIONNAIRES, de 30 titres parus, offrant : • une terminologie de références aux pays d'expression française, • des outils de traduction. Quelques titres, parmi les plus récents : - Vocabulaire de la micrographie - Vocabulaire d'astronomie - Vocabulaire technique du tabac - Dictionnaire de termes nouveaux des sciences et des techniques. *MANUELS DE FORMATION en agronomie tropicale et en mécani- que, 40 titres Collection « TECHNIQUES VIVANTES » *CONTES des pays d'Afrique, de l'Océan Indien, des Caraïbes, destinés : • en langue française, à un large public, • en textes bilingues, plus particulièrement aux écoles pour l'alphabé- tisation en langue maternelle. Collection « FLEUVE ET FLAMME ». Jean-Pierre LUCCIONI nouvelles CIAMANNACCE Illustrations de Viviane MICHEL Couverture de José-Marie BEL CONSEIL INTERNATIONAL DE LA LANGUE FRANÇAISE 103 rue de Lille - 75007 Paris Du même auteur: Contes à dormir debout. 1960. Paris, ed. José Millas-Martin La Corse, terre de légendes .1962.Bastia. ed. U Muntese Contes et Légendes Corses. 1965 Rabat, imprimerie de la Tour François Boniean.romancier de l'amour .1972. Casablanca. Maroc -Demain François Boniean ou l'Unité spirituelle .(en préparation Loess-Association, Saint-Martin -de-Cormières, 12290 Pont -de-Salars) AVANT PROPOS Mon père, venu en droite ligne de sa Corse natale, débarqua au Maroc en 1919 . Il y venait tenter sa chance et la chance, sous un ciel aussi bleu, ne pouvait que lui sourire. Tant lui plut le pays qu'il s'y fixa. Définitivement. Moi, j'y suis né. Mon enfance fut rythmée par les allées et venues -rituelles- entre cette terre d'adoption et celle de nos ancêtres. Des rives de l'Atlantique à celles de la Méditerranée, de l'Ile de Beauté au continent de la Passion ( 1 ). quel périple, pour un providentialiste !... J'ai raconté, ailleurs, comment et pourquoi je fis, autrefois , une ample moisson de récits folkloriques (2) : c'est l'érudit Carulu Giovoni Da Bozi (3) qui guida mes premiers pas dans cette quête pieuse mais c'est à Petru Ciavatti, Directeur du MUNTESE, que je dus la joie de voir paraître mes contes dans les colonnes de cette revue (4). Il ne nous fut malheureusement pas possible de les publier sous forme de recueil et je dus attendre la généreuse initiative d'Antoine Veuvet, Président de l' Union Générale des Corses de Rabat-Salé, pour que ces contes paraissent, enfin, à l'imprimerie de la Tour (5). Les années ont passé. J'ai joint à ces contes des récits qui accordent une plus grande place à la vie quotidiennee et à une relative modernité. Bien que nourris de souvenirs (et l'on sait que la mémoire n'est que pure alchimie), ces récits ne reflètent pas fidèlement ce que l'on a coutume d'appeler la "réalité". Certes, j'y ai puisé à pleines mains mais la matière qu'elle m'a fournie, je l'ai soumise aux corrections qu'exigent les lois de la Vérité littéraire. Il s'agit -ici- de création, c'est-à- dire de transmutation. Ecrire, c'est choisir. J'ai choisi d'évoquer l'image poétique d'une Corse traditionnelle, non seulement parce que le poème est plus beau mais parce qu'il est plus vrai ! Dépouillée de l'accessoire, rendue plus signifiante, cette réalité poétique a valeur de Symbole. Libre à chacun d'y trouver le sens qui lui convient. (1). C'est en ces termes que François Bonjean, romancier de l'Islam, désignait l'Afrique. (2). (4). La Corse terre de légendes, "U Muntese chi soffia in ogni paese", Mensuel du dialecte et des traditions corses, Bastia, 1962. (3). Carulu Giovoni Da Bozi, qui fut Président de la Société Historique d'Ajaccio et de l'Association Musa Corsa traduisit les Bucoliques de Virgile en vers dialectaux et publia , entre autres, des études sur la Corse druidique, sur les Sarrasins, et sur les Grecs en Corse. Son ouvrage consacré aux légendes de la Vallée du Taravo fait toujours autorité. (5). Contes et légendes corses, Imprimerie de la Tour, Rabat. 1965. Un jour d'entre les jours qui forment la trame inusable du temps, on voit surgir dans les flots bleus de la Mer Méditerranée, une île merveilleuse, plus belle que toutes les îles connues... Elle a la forme étrange d'un coeur blessé qui porterait encore le poignard enfoncé et des traces de sang pour marquer l'éternelle et stupide vengeance... Et chacun se plaît à faire revivre la cruelle histoire de la tendre Sica dont le coeur a refleuri en une île étincelante de clarté... On appela cette île : " Cor-Sico", en souvenir, pour l'éternité, du " Coeur de Sico Angèle Finelli ( la Corse et ses légendes : Core di Sica] Au coeur de la Corse -en plein coeur de ce Coeur- je sais un village au nom de chatte en colère: Ciamannacce, "paèse bèllu" (le beau village). Etymologiquement, pour comprendre ce nom, il faudrait, paraît-il, remonter à l'expression suivante: "C'è a mànacce". Ce qui signifie : "Là, se trouve la mauvaise main, la main du malheur". (Et je songe, malgré moi, à ces Mains de Gloire que les sorciers du Moyen-Age utilisaient à des fins occultes). Dès lors, Ciamannacce voudrait dire: Pays du mauvais sort... A l'entrée de mon village - comme de tous les villages corses, d'ailleurs- se dresse , sur une hauteur, une grande croix de pierre. Elle domine la vallée et toutes les maisons aux toits de tuiles rouges qui se serrent autour du clocher de l'église. Banale, cette église , en apparence, avec sa place rituelle sur laquelle flânent, palabrent, fument les mêmes vieux interchangeables. Et pourtant, elle possède son histoire. Une curieuse histoire que grand-mère me conta, un soir, à la veillée... L'EGLISE DE CIAMANNACCE En ce temps-là - en 1760, très exactement - les gens vivaient par clans. Deux puissantes familles, les Miloni et les Cuttoni maintenaient sous leur coupe presque tout le canton. Une certaine rivalité, en conséquence, les opposait. Pourtant, cette rivalité n'avait jamais pris un caractère officiel. Elle existait mais sous-jacente, inavouée. Un jour, un jeune homme de la famille Cuttoni tomba follement amoureux de l'épouse d'un Miloni. Il lui fit part de ses désirs mais elle repoussa vertueusement toutes ses avances. Blessé dans son orgueil plus que dans son amour, l'irascible jeune homme décida de flétrir la réputation de cette femme. Il voulut faire croire à tous les habitants de Ciamannacce qu'elle n'était pas demeurée insensible à ses propositions. (Il faut dire,tout d'abord,que le mari de cette dernière s'absentait très souvent pour visiter les propriétés qu'il avait au bord de la mer). Le jeune homme, donc, avait juré de se venger et, un soir, alors que le mari avait quitté le village, il alla, sous le coup de minuit, déposer ses bottes de cuir sur le seuil de la porte de celle qu'il convoitait. Il les laissa toute la nuit. Je me suis engagé. J'ai embrassé ma mère. Mon père. La Tante, du bout de son pouce déformé, traça le signe de la croix sur mon front. Je ne devais plus la revoir. A mon retour -quatre ans plus tard- ma mère n'était plus qu'une vieille au foyer. Sa seule consolation devait être le petit-fils, qu'un jour, je lui donnai... LE PAS. La Nuit coulait sur le paysage. A mesure qu'elle le submergeait, l'angoisse montait en nous. Quelques secondes encore, et c'était un Marbre Noir.
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