Vendredi 9 janvier 2015 ­ 71e année ­ No 21766 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert Beuve­Méry LE 11-SEPTEMBRE FRANÇAIS ENQUÊTE ÉMOTION CARICATURES DÉBATS RÉCIT 100 000 personnes LA TRAQUE DEUIL NATIONAL ET L’HOMMAGE BHL, VILLEPIN : « ILS ONT TUÉ ont participé à des manifestations (ici à DES DEUX FRÈRES RASSEMBLEMENTS DES DESSINATEURS RÉSISTER À L’ESPRIT “CHARLIE HEBDO” » Toulouse, mercredi). ULRICH LEBEUF/MYOP DJIHADISTES SPONTANÉS DU MONDE ENTIER DE GUERRE POUR « LE MONDE » LE REGARD DE PLANTU sassiné lâchement des journalis­ teurs » qui osaient moquer leur tes, des dessinateurs, des em­ Prophète. L’équipe de Charlie ployés ainsi que des policiers Hebdo n’avait pas reculé, pas LIBRES, chargés de leur protection. cédé, pas cillé. Chaque semaine, Douze morts, exécutés au fusil armée de ses seuls crayons, elle DEBOUT, d’assaut, pour la plupart dans les continuait son combat pour la li­ ENSEMBLE locaux mêmes de ce journal libre berté de penser et de s’exprimer. et indépendant. Certains ne cachaient pas leur par gilles van kote Et, au milieu du carnage, victi­ peur, mais tous la surmontaient. mes de cette infamie, des collè­ Soldats de la liberté, de notre li­ gues, des camarades : Cabu, berté, ils en sont morts. Morts Charb, Honoré, Tignous, Wo­ pour des dessins. motion, sidération, mais linski, ainsi que l’économiste A travers eux, c’est bien la li­ aussi révolte et détermi­ Bernard Maris. Depuis des an­ berté d’expression – celle de la E nation : les mots peinent nées, des décennies, ils résis­ presse comme celle de tous les à exprimer l’ampleur de l’onde taient par la caricature, l’hu­ citoyens – qui était la cible des de choc qui traverse la France, au mour et l’insolence à tous les fa­ assassins. C’est cette liberté d’in­ lendemain de l’attaque terroriste natismes, pourfendaient les former et de s’informer, de dé­ perpétrée contre Charlie Hebdo. intégrismes, dénonçaient les im­ battre et de critiquer, de com­ Un choc qui nous renvoie, toutes bécillités, brocardaient les insti­ prendre et de convaincre, cette proportions gardées, à celui tutions. indépendance d’esprit, cette né­ éprouvé le 11 septembre 2001 par Depuis dix ans, ils étaient me­ cessaire et vitale audace de la li­ la planète entière. nacés et le savaient : des fous de berté que les tueurs ont voulu En plein jour, en plein Paris, de Dieu islamistes poursuivaient de écraser sous leurs balles. sang­froid, des fanatiques ont as­ leur haine ces « blasphéma­ → LIRE SUITE PAGE 26 Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA 0123 2 | l’attentat contre « charlie hebdo » VENDREDI 9 JANVIER 2015 Récit La traque d’une fratrie de djihadistes Au lendemain de l’attentat qui a fait douze morts à « Charlie Hebdo », les enquêteurs recherchent les principaux suspects, deux frères de 32 et 34 ans. L’un d’eux avait été condamné en 2008 dans le cadre d’une filière djihadiste avec l’Irak. Les services de renseignements le surveillaient encore en 2010 est une carte d’identité leur trace à Reims et dans sa région, notam- qui a mis les enquêteurs ment à Charleville-Mézières (Ardennes). sur la piste de Saïd et Ché- Ils ne trouvent aucun des deux hommes, rif Kouachi, les deux qui sont de nationalité française, mais leur auteurs présumés de l’at- présence avérée et récente dans un apparte- taque meurtrière qui a ment du quartier de la Croix-Rouge, à Reims, C’coûté la vie, mercredi 7 janvier, à douze per- donne lieu à une longue perquisition et une sonnes et blessé onze autres dans les locaux analyse minutieuse du logement par la police de Charlie Hebdo, à Paris. Oubliée, selon une scientifique. Des proches susceptibles de li- source policière, par Chérif Kouachi dans la vrer des éléments sur la traque des fugitifs première voiture qui leur a permis de prendre sont placés en garde à vue dans la soirée du la fuite, elle a permis à la police de dresser leur mercredi 7 janvier. portrait et d’espérer les intercepter. Au milieu de la nuit, un proche de la compa- Les informations détenues notamment par gne de Chérif Kouachi, dont le nom circulait les agents de la Direction de la sécurité inté- sur réseaux sociaux, se livre au commissariat rieure (DGSI) permettent, dans l’après-midi, de Charleville-Mézières afin d’écarter, expli- d’identifier les différents points de chute de que-t-il aux policiers, les soupçons qui sem- deux hommes. Une homonymie conduit blent peser sur lui. Né en juillet 1996, il n’était, d’abord les enquêteurs dans un appartement jeudi matin, pas considéré comme un suspect de Pantin (Seine-Saint-Denis). Ils se rendent ayant participé à l’attaque. De source poli- ensuite à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), une cière, on indiquait même, jeudi, au Monde, ville où Chérif Kouachi s’est marié et a vécu. qu’« aucune charge » ne pesait sur lui et qu’il Enfin, les forces de police tentent de retrouver ne s’agissait, pour l’heure, « dans son cas, que de simples vérifications. » Saïd et Chérif Koua- chi, qualifiés, par les autorités, « d’armés et dangereux », étaient toujours en fuite, jeudi LES DATES matin. Estimant qu’ils pouvaient bénéficier La Mecque en 2008. Chérif Kouachi l’avait la pêche, je calculais même pas que je pouvais d’un « réseau de soutien », et craignant « qu’ils LE CADET A FAIT épousé le 1er mars 2008, avec, pour seul té- mourir ». puissent, de nouveau, se livrer à un acte san- PARTIE D’UN moin, son frère Saïd. Il est sa seule famille de- A la mosquée, il rencontre le futur chef de la 20 MAI 1978 glant », la préfecture de police de Paris a dif- puis le décès de ses parents. Relu à l’aune des filière irakienne, Farid Benyettou. A peine fusé dans la nuit un appel à témoins. GROUPE QU’ON événements d’aujourd’hui, le procès des But- plus âgé que lui, le jeune homme se vante Des Palestiniens ouvrent le feu tes Chaumont montre comment en dix ans, d’une connaissance approfondie de l’islam et à Orly : 8 morts, 23 blessés. UNE FRATRIE SUSPECTE POURRAIT des jeunes du 19e arrondissement de Paris, joue les prédicateurs à la sortie de la prière. Saïd et Chérif Kouachi forment une cellule CONSIDÉRER âgés à l’époque d’une vingtaine d’années, Avec lui, les jeunes gens suivent des cours de 3 OCTOBRE 1980 « familiale » dont on ne connaît pour l’ins- sont passés de la volonté de se battre en Irak à religion, à leur domicile et dans un foyer du tant pas les éventuelles ramifications. Ce qui COMME UN DES celle de mener des attaques terroristes sur le quartier. Certains s’y rendent presque tous les Bombe à la synagogue de la rue est certain, c’est qu’avant d’être soupçonné sol français. jours et coupent, peu à peu, les ponts avec Copernic à Paris : 4 morts et une d’être l’un des auteurs des assassinats de « PIONNIERS » Chérif Kouachi a connu une partie de ses leurs familles. Leur mode de vie change radi- vingtaine de blessés. Charlie Hebdo, Chérif, le cadet, a appartenu à DU DJIHAD complices au collège. A l’époque, il est consi- calement. Ils arrêtent de fumer, cessent les un groupe que l’on pourrait aujourd’hui con- déré comme le plus violent et le plus impulsif trafics, visionnent des vidéos sur le djihad. 1982 sidérer comme l’un des « pionniers » du dji- À L’ÉTRANGER de tous. Ses camarades lui attribuent déjà des Les images de l’intervention américaine et had à l’étranger. De nationalité française, né projets d’attentats terroristes contre des com- britannique, en mars 2003, en Irak, les fasci- 29 mars Attentat contre le train dans le 10e arrondissement de Paris, Chérif, merces juifs à Paris. Avec ses copains, il com- nent. « C’est tout ce que j’ai vu à la télé, les tor- Le Capitole : 5 morts et 77 blessés. qui se faisait appeler « Abou Issen », a été con- met des larcins dans le quartier des Buttes- tures de la prison d’Abou Ghraib, tout ça, qui 9 août Jet de grenades dans le damné, le 14 mai 2008, à trois ans de prison Chaumont, dans le 19e : vols, drogue, petits m’a motivé », raconte, lors du procès de 2008, restaurant Goldenberg, à Paris : dont 18 mois avec sursis dans le dossier dit de trafics. Son attrait pour le « djihad » apparaît l’un des proches de Chérif Kouachi. 6 morts et 22 blessés. la filière « des Buttes-Chaumont », qui en- en 2003, lorsqu’il commence à fréquenter la S’ils se radicalisent en moins d’une année et voyait des candidats au djihad en Irak entre mosquée Adda’wa, à Stalingrad. Cheveux mi- cherchent à gagner l’Irak, Chérif Kouachi et 1983 2004 et 2006. Entendu en 2010, sa compagne, longs, carrure athlétique, mâchoire carrée, ses camarades apparaissent à la barre comme animatrice en crèche, avait revendiqué le port Chérif Kouachi admet à la barre, en 2008, un petit groupe amateur.
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