Page 1 sur 58 Analyse du système éducatif à partir de ses résultats et de son contexte «Débat sur l’éducation» Daouda Dougoumalé CISSÉ Moriké Ousmane TRAORÉ École Normale Supérieure - DNESRS BP. 241, Bamako, MALI [email protected] [email protected] Plan Introduction 2 Un contexte de financement extérieur sujet à des injonctions inopportunes 3 La question du redoublement 5 Qui va encore nous apprendre à bâtir une société sans redoublement ? 8 Questions soulevées par l'analyse des résultats 8 Que faut-il faire pour ne pas réussir au DEF ? 9 Qui sont donc ces faibles qui constituent la majorité des admis ? 16 Que dire de la scolarité ? 20 D’où viennent-ils ? 21 Contribution des académies 24 Contribution à la production de faible au niveau national 25 Contribution à la production de bons au niveau national 33 Quelle est la crédibilité des académies ? 44 Quelles conséquences immédiates peuvent avoir ces résultats ? 48 Tripatouillage, fétichisme de l’âge ou orientation ? 48 En guise de conclusion 51 Références 58 Introduction Le contexte de l’éducation a juridiquement changé après 1991 suite à la chute du régime militaire arrivé en 1968 qui avait également changé les dispositions d’alors, dont l’une des plus fondamentales (philosophiques) est la décolonisation des esprits, probablement assimilée à tort, à une préoccupation strictement socialiste. Avec des institutions de type démocratique (exécutif, législatif …) une nouvelle loi d’ « orientation sur l’éducation » est votée le 28 décembre 1999 par l’assemblée nationale et qui de ce fait, abroge la loi n° 94-010 du 24 mars 1994 qui avait pourtant la même ambition, celle de réorganiser le système éducatif. Celle-ci fut la plus éphémère des lois d’organisation de l’éducation au Mali. Quelle urgence de « renouvellement » ou de « refondation » a pu justifier une loi quinquennale (de fait) d’éducation ? Il ne paraît pas inutile de poser la question car le domaine de l’éducation s’accommoderait bien difficilement d’une réorganisation de fond en comble chaque cinq an. Alors que l'on se pose cette question, déjà, la toute dernière loi qui ne s'occupe pas explicitement de décolonisation d'esprit, pas plus que les autres en tout cas, semble être à bout de souffle et plus d'un s'interroge à son sujet. Le système a connu beaucoup de concertations d'envergure nationale par le passé et de nombreuses retouches internes ; mais celles-ci n'ont pas permis de nous passer d'un autre forum récemment. Sans prétendre à l'exhaustivité, on peut citer diverses « innovations pédagogiques » telles que la pédagogie par objectifs, la pédagogie convergente, le programme de formation et d’information en environnement, l’éducation pour la santé, l’éducation à la vie familiale et en matière de population, l’éducation par l’hygiène, l’éducation à la citoyenneté, l’éducation à la culture de la paix et des droits de l’homme qui ont constitué des stratégies pour améliorer la qualité de l’éducation. L'expertise nationale paraît assez claire dans ses conclusions pourtant. Les résultats de plusieurs recherches et études font entrevoir en effet, selon Diallo, Fomba, Kéita, et Touré (2003) «des besoins énormes en formation et encadrement des enseignants, matériels didactiques, et rehaussement de niveau des élèves en français, langue majeure d’enseignement pour l’éducation ». Que cherche-t-on à savoir ou à faire de plus ? Des responsables politiques aux parents, chacun semble préoccupé par le comment sortir d’une impasse ; mais laquelle ? Alors que certains aimeraient expliquer les résultats scolaires obtenus par les apprenants, les débouchés possibles ... d'autres s'interrogent quant au coût du système éducatif, son instabilité relative, ou même sa nature tout simplement. Une vision globale du système, capable d'expliquer tout ce qui s'y passe semble faire défaut. La tâche d'y parvenir n'est aucunement aisée bien que nécessaire. Une façon de procéder pourrait être d'examiner les résultats et tenter d'expliquer ceux-ci par les éléments de contexte qui semblent les couvrir au mieux de la logique la plus importante sur laquelle le système se fonde. Elle correspondrait à une forme d'explication scientifique consistant à placer le fait à expliquer dans un ensemble d'autres faits qui le font apparaître comme nécessaire. Ainsi, allons-nous tenter ici de vérifier si la performance du système éducatif correspond logiquement au contexte qui le caractérise lui-même. Pour cela, il s'agira précisément d'examiner les résultats d'un examen, le diplôme d'études fondamentales (DEF) qui est un examen de grande référence au Mali, et de voir s'ils se laissent expliquer par le contexte actuel qui définit toutes les activités qui s'y produisent. En d'autres termes nous visons à montrer que les résultats que nous obtenons sont inévitables étant donné le contexte qui les produit. Le bac 2008 ne sera pas examiné car il ne peut pas mériter qu’on s’y attache tant soit peu car de toute évidence, il n’entre pas dans les dispositions de la loi du 28 décembre 1999 ce qui fait que ses résultats ne seraient pas informatifs. Mais avant, l’évocation de quelques éléments de contexte est un préalable qui permettra de comprendre les questions soulevées par les résultats de l’examen, et ceux de l’orientation qui s’en suit. Il se pourrait toutefois que le grand sérieux mis à saisir les données sur lesquelles cette analyse se fonde ne garantisse pas pour autant un travail sans coquilles. Mais celles-ci ne sont aucunement suffisantes à renverser les tendances dégagées et commentées. Un contexte de financement extérieur sujet à des injonctions inopportunes L’éducation en Afrique ne paraît pas décidée par les africains comme l’atteste l’insurrection du ministre malien de l’éducation rapportée par Goloko (2006) que nous résumons ici. Pendant les travaux de la biennale de l'association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) en mars 2006 à Libreville, notamment ceux du panel sur le redoublement on a entendu le Professeur Mamadou Lamine Traoré s'insurger contre la politique de contractualisation et certaines mesures administratives - qu'il juge - pas toujours opportunes pour l'Afrique. Il tient les partenaires pour responsables de ce qui arrive à l'école . «Vous savez ce qui s'est passé ; mais les ajustements structurels, on ne le dit pas suffisamment ont détruit l'école africaine. Moi je le dis aux partenaires pour qu'ils fassent leur mea culpa ». Ceux qui ne savent rien de l'école malienne (les partenaires grâces aux exigences de l'ajustement structurel), sont arrivés à remplacer de facto, les enseignants chevronnés par des contractuels qui n'ont aucun profil pédagogique, et procèdent par la suite à des études « bidouillées » qui ignorent ce contexte ainsi créé, et aboutissent « à des conclusions qui me semblent dangereuses pour notre système ». Il est encore plus explicite sur la question actuelle du redoublement. « Le redoublement est un phénomène négatif si on parle comme eux par exemple, le redoublement est un indicateur qui prouve que le système est coûteux, qu'il y a trop de redoublements mais c'est un phénomène qu'on ne peut pas résoudre simplement par des mesures administratives en disant qu'il faut faire passer tout le monde. Il faut améliorer les conditions d'études des gens, le ratio maîtres- élèves ». Le Professeur démontre que l'école est plutôt sous la coupe du raisonnement administratif alors que son essence ne devrait être que pédagogique. Au lieu de faire passer inconditionnellement toute une classe de 160 élèves tenue par un seul maître, comme le recommande le raisonnement administratif, le pédagogue se souciera de chercher les moyens pour diviser cette classe en deux, puis trois ... afin que tous les élèves puissent bénéficier de la capacité individuelle d'encadrement du maître qui garantirait plus sûrement un bon niveau de formation. Les partenaires sont attachés à leurs modèles malgré tout et citent même le Mali en exemple. «Paradoxalement eux pensent que la contractualisation au Mali est un exemple de réussite.» Mais les études semblent pré formatées au point de ne pouvoir s'accommoder de la moindre remarque car selon le Professeur, « ils ont fait une étude que j'ai commandée et la CONFEMEN avant de la publier m'a soumis une préface que j'ai corrigée ils n'ont jamais voulu la publier en me disant qu'ils ne peuvent pas le faire et je leur ai dit que dans ce cas le gouvernement du Mali ne reconnaissait pas leurs études. Et c'est clair pour eux tous, je ne ferai pas d'actes criminels contre l'école malienne, je préférerai partir. » Le Professeur pense enfin qu'il est temps que les pays africains sachent dire non car les partenaires voudraient les détourner des problèmes essentiels. Il est impossible d’épuiser la richesse de la réaction du Professeur. Prenons en ce qui paraît suffire à nos propos. Il transparaît de l’insurrection du défunt Professeur Traoré que l’éducation au Mali et en Afrique est administrée par des injonctions administratives venant des partenaires qui la financent. Mais l’objectif paraît bien bizarre. La manœuvre ne paraît pas aussi innocente que ça. Il semble qu’il s’agisse de handicaper le système non seulement par le haut en dénaturant le personnel enseignant, mais aussi par le bas en anéantissant la qualité des élèves. Il est possible d’analyser une telle manœuvre sous plusieurs angles. Peu de maliens savent que l’école est dirigée de l’extérieur. Plus d’un enseignant s’est éloigné déjà des instances de délibération lorsqu’il fallait forcément faire passer en classe supérieure 85% des élèves. Aujourd’hui il s’agit de tourner le dos au redoublement purement et simplement.
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