n°8 BIMESTRIEL GRATUIT DÉCEMBRE 2012 Le tour de la question La Sélec Théorie du brouillard En famille Contes pour réchauffer l’hiver À ÉCOUTER, À REGAR DER Poliça p. 9 //// Zâr p. 11 //// Le cloud rap À L’AGENDA Apocalypse Now p. 13 //// Le printem p. 34 //// Le N ps arabe p. 15 oël des mômes p. 35 //// Blind test 2 p. 36 /// Salon d’écoute John Cage p. 38 Vous reprendrez bien un Détours sur iPad et Android peu de flou ? Une formule interactive qui propose, en plus des textes, extraits audio, playlists et vidéos. Brouillard, nuées, brumes, bruines, smog, vapeurs, fumées… Des phénomènes qui ont l’art de brouiller nos repères : entre rêve et réalité, entre vrai et faux, entre imaginaire et concret. RÉDACTEURS Emina Alicˇkovic´, Michaël Avenia, Ils renvoient à l’incertitude, au doute, à l’imperceptible, à Bertrand Backeland, Sébastien Biset, l’inconnu avec tout ce que ces ressentis peuvent contenir de Alain Bolle, Isabelle Delaby, Philippe Delvosalle, Anne-Sophie De Sutter, craintes ou de promesses. Marie de Wautier, Guillaume Duthoit, Leur pouvoir d’évocation a toujours été puissant, sans doute Andrée Förster, Anne Genette, Bruno Hilgers, Yannick Hustache, Sylvain à toutes les époques, mais ce qu’ils symbolisaient, ce qu’ils Isaac, Jacques Ledune, Olivier représentaient a évolué avec le temps : tantôt le brouillard Léo, Antoine Meersseman, David Mennessier, Philippe Meunier, Robert amplifiait une connotation négative, tantôt il contribuait à Micin, Daniel Mousquet, Thierry la sublimation. Les musiques, le cinéma, les arts plastiques Moutoy, Jean Nicolas, Marc Roesems, s’en sont à chaque fois emparés, un peu comme des chambres Daniel Schepmans, Patrick Thinsy, édito Françoise Vanden Wouwer, d’échos, pour amplifier, mettre en avant ou utiliser toutes les • Michel Verbeek diverses représentations qui y étaient liées. 1 CONCEPTION GRAPHIQUE Pendant les mois de décembre et de janvier, la Médiathèque Marie-Hélène Grégoire va se frotter au brouillard, à ce que les musiques et les films Louise Laurent (couverture) principalement en disent. Au travers de nos publications MISE EN PAGE (plusieurs rubriques dans Détours et La Sélec), de rendez- Nathalie Hermelin vous dans nos médiathèques et ailleurs, de mises en évidence, PHOTOGRAPHIES cette rencontre avec un phénomène auquel nous prêtons Lara Gasparotto généralement peu d’attention dans sa dimension artistique RELECTURE orientera sans doute notre regard, notre oreille, vers des œuvres Constantin Papageorgiadis moins connues ou donnera une dimension nouvelle à d’autres COORDINATION que nous connaissons bien. Isabelle Delaby Isabelle Delaby ÉDITEUR RESPONSABLE Claude Janssens [email protected] 6 Place de l’Amitié 1160 Auderghem CONTACT [email protected] ISSN 2034-581X tours dé Archipel Voyage dans 22 la brume L’ARTISTE DU DÉTOURS N° 8 Née en 1989, Lara Gasparotto vit et travaille à Liège, Bruxelles. Diplômée en 2010 de la section photo de l’ESA Éducatif à votre service Saint-Luc (Liège), elle peint, dessine et photographie (quasi exclusivement Comprendre à présent). Elle est actuellement 26 représentée par la galerie Stieglitz 19 l’histoire grâce (Anvers). En mars 2012 ont eu lieu ses deux premières expos solo, chez au cinéma Stieglitz 19 à Anvers et aux Brasseurs, à Liège, dans le cadre de la Biennale internationale de la photographie. Son premier livre, paru aux éditions Yellow now, a pour titre Sleepwalk sommaire Brouillard des signes • http://laragasparotto.tumblr.com/ 2 Rencontre avec L’inspiration pour la couverture : 28 Salvatore Immordino « La thématique sur le brouillard m’a inspiré l’utilisation de cette image, car son atmosphère est mystérieuse, énigmatique. En effet l’image ouvre la porte à des champs d’interpréta- tions. Il s’en dégage un flou de sens, une échappée sensuelle, un désir de liberté. Au milieu de ce paysage désertique, cette jeune fille semble en suspension, comme le sont les fines Rubriques gouttelettes agglomérées dans l’air formant le brouillard. » Le tour de la question • 3 À écouter, à regarder • 7 David Dehard • 18 La Sélec • 20 La revue du web • 21 Archipel • 22 En famille • 24 L’éducatif à votre service • 26 L’agenda des activités • 27 La Médiathèque au quotidien • 40 tours dé La théorie du brouillard BRUMES, FLOUS ET NÉBULEUSES AU SEIN DE NOS CULTURES le tour de la question QUAND LA TEMPÉRATURE DU SOL EST INFÉRIEURE À CELLE DE COUCHES SUPÉ- RIEURES DE L’AIR, L’HUMIDITÉ AMBIANTE SE SAISIT DE LA MOINDRE PARTICULE FLOTTANTE POUR FOrmER UN BROUILLARD DE GOUTTELETTES D’EAU. COmmE 3 TOUS LES PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES, LE BROUILLARD A TRAVAILLÉ LES IMAGINAIRES DE TOUTES LES ÉPOQUES. Comme le brouillard est le parent pauvre du c’est dans cette même terre qu’on enterre les nuage, qui lui a le bon goût de flirter avec le cadavres. Il en devient la figure éthérée de la ciel, il n’a jamais bénéficié de la même gloire. mort ou des états fantomatiques. C’est la figure Avec le ciel, les nuages et le vent, il a profon- du naufrage pour les âmes qui ne peuvent ni dément marqué la psyché humaine. C’est une s’élever vers les cieux, ni s’enfoncer dans les valeur universelle à part entière, pleine de limbes. Alors que les nuages sont et reste- sens. Même si le brouillard est un phénomène ront toujours ces grands navires blancs que la ponctuel, il n’en demeure pas moins le gardien sublime providence exalte dans la contempla- d’une puissance magique, à la fois discrète et tion et dans l’espérance du paradis. Au cours récurrente. Bien qu’il tienne une place diffuse des siècles, cette représentation morbide va dans nos pensées, il se niche dans le creux de évoluer. Elle va devenir plus subtile. Avec ses nos rêves les plus intimes. lentes circonvolutions que le vent éparpille, le Il semble surgir des respirations de la terre et brouillard va inspirer les poètes sur l’idée que .............................................................................................. .............................................................................................. .............................................................................................. Une saison en médiathèque .............................................................................................. tours dé .............................................................................................. .............................................................................................. .............................................................................................. .............................................................................................. .............................................................................................. .............................................................................................. .............................................................................................. .............................................................................................. J.M.W. Turner : The Burning of the Houses of Parliament l’on a de soi et sur le temps qui passe. Il va sou- fin du XIXe siècle voit l’émergence de courants dainement sortir des cosmogonies et des mytho- artistiques qui tenteront d’une manière ou d’une logies antiques pour entrer dans la lumière. Le autre de le dompter. L’impressionnisme lui premier coup de butoir sera porté par le mou- offre ses plus beaux traits, le pointillisme le vement romantique avec ses états d’âme et déclinera autrement et d’autres styles aussi. le tour de la question • son désir d’explorer l’esthétique autant que Sous les ardeurs naissantes ou déclinantes du 4 la nature sauvage. Dorénavant, il ne confron- soleil, smog et brouillard vont se saisir des tera plus seulement l’homme aux mystères formes pour mieux les dissoudre. Ils ne laisse- qui le submergent, le brouillard deviendra ront de cette consistante géométrie que l’expres- lui-même un symbole de la figure humaine. sion d’une énergie, doublée d’une impression La sensation et le sentiment vont devenir les particulièrement sensitive et suggestive pour nouveaux motifs de cet artifice évanescent. l’esprit. C’est une évolution conceptuelle qui est Et ce n’est pas rien de le dire ! Le romantisme, en marche : l’abstraction. Cette émulation ira de qui est en rupture avec le classicisme de son proche en proche et de plus en plus vite, pour se époque, va initier les premiers soubresauts de dégager dans une véritable vaporisation de cou- ce qui deviendra un vaste tremblement de la rants artistiques dont les contours seront moins conscience artistique dont les effets se feront nets et plus vaporeux. Le brouillard ira jusqu’à sentir bien au-delà du XIXe siècle. prendre pied dans la mécanique urbaine pour s’engager dans des performances industrielles Le brouillard c’est encore le smog des villes qui feront débat. industrieuses, les panaches de la puissance L’art du XXe siècle va développer de nouvelles vapeur et les brumes matinales qui inspirent de manières de concevoir la pensée culturelle et plus en plus le paysage artistique. Ils finiront son objet. Mais en ce tout début de siècle, c’est par dissoudre la matière, par diffuser les struc- surtout une attraction foraine qui attire l’at- tures dans des halos colorés qui suggèrent plus tention. Elle possède une force de suggestion qu’ils ne dévoilent. Le brouillard qui fit profil qui ne tardera pas à s’imposer et à dominer bas devant les nuages prend sa revanche. La tous les esprits : le cinéma. Dans l’immédiat, le tours dé .............................................................................................