Édition spéciale DÉCOUVREZ UN AUTRE FOOTBALL réé en 2008, Lucarne Opposée est né d’un désir devenu son principal objectif : donner l’envie de découvrir d’autres footballs, susciter la curiosité. Depuis plus de dix ans, la Crédaction de Lucarne Opposée, composée d’une vingtaine de correspondants basés aux quatre coins du globe, défend ainsi son football en utilisant deux leviers : celui du suivi des compétitions, afin de permettre de savoir ce qu’il se passe dans ces régions du monde, et celui de la culture foot, afin de permettre de comprendre ces footballs et leur impact sur les sociétés locales. En novembre 2017, Lucarne Opposée a décidé de franchir un nouveau cap en lançant son propre magazine. Entièrement autofinancé, entièrement autoédité et autoproduit, il entre dans cette volonté de faire découvrir d’autres footballs en permettant à ses lecteurs de découvrir de nombreuses histoires. Neuf numéros ont depuis été produits, ce numéro spécial n’est qu’une portion de ceux-ci, un avant-goût. Dans cette édition spéciale, vous trouverez quelques exemples d’articles publiés dans nos magazines, afin que vous puissiez le découvrir mais aussi et surtout découvrir diverses histoires de nos footballs. Si vous voulez soutenir notre travail, rendez-vous à cette adresse : https://www. kisskissbankbank.com/fr/projects/lucarne-opposee-plongez-dans-l-autre-football Si vous souhaitez vous procurer nos magazines, rendez-vous à cette adresse : http:// lucarne-opposee.fr/index.php/hikashop-menu-for-products-listing Nicolas Cougot Rédacteur en chef 01 Julio Filippini : « La démocratie est beaucoup plus importante que le football » Héros du match face au Nacional, le premier de sa carrière professi- onnelle, Julio Filippini est resté célèbre pour sa dédicace à son frère et aux prisonniers de Libertad à la fin du match. Rencontre. our parler de cette année 1976 avec m'entraîner. J'étudiais donc les sciences Julio Filippini, le fameux buteur contre économiques et je jouais au football. Je suis PNacional, il faut revenir dans l'Uruguay aujourd'hui comptable et le football je l'ai de 2017. Et qu'il est dur d'imaginer ce que malheureusement arrêté très rapidement. pouvait être cet Uruguay, dans ce pays Comment avez-vous vécu le coup d'état de redevenu paisible. Pour aller à sa rencontre, 1973 ? il faut quitter Montevideo par l'avenue d'Italie, passer devant ce monument qu'est En 73, j'étudiais au lycée militaire. Mon le Centenario, dépasser l'aéroport ultra- frère l'avait fait aussi car mon père, moderne de Carrasco avant de prendre la d'origine paraguayenne, avait été militaire route de Pando, qui mène, si on la prend plus au Paraguay. Mais mon frère, militant longtemps, vers le nouveau stade de Peñarol. Tupamaro (NDLR : guérilla d'extrême Señor Filippini est désormais responsable du gauche uruguayenne) a été fait prisonnier développement économique du département début 1976 et évidemment la perte de de Canelones, au Nord de Montevideo, la démocratie a été un moment difficile. et il dispose donc d'un bureau dans une zone industrielle. Nous sommes allés à sa Votre frère était prisonnier pour autre chose rencontre pour évoquer ce titre de 1976. que d'être membre d'un groupe politique ? Non, à ce moment, les Tupamaros n'étaient pas un groupe politique à proprement parler, En quelle année avez-vous commencé au c'était des révolutionnaires. Certaines Defensor ? personnes disent des terroristes, mais ce n'est pas le cas. Il y a une différence entre En 1974, en jouant en quinta, qui est ici des gens qui attaquent sans se soucier l'année des 16-17 ans. Avant de passer en des tiers, et eux, qui étaient un groupe quarta, la réserve, puis de jouer professionnel. armé mais qui cherchaient juste une place À ce moment, quel était votre objectif, être dans une démocratie qui, dans l'absolu, joueur professionnel ou poursuivre vos ne laissait pas de place à la gauche. Son études ? groupe est tombé en 1976, même si lui ne participait pas à la lutte armée, il travaillait Les deux en même-temps. Mon père dans la partie administrative, financière m'a toujours poussé à travailler et à 4 Julio Filippini aujourd’hui fonctionnaire en charge du développement économique du département de Canelones 5 de l'organisation. Il a quand même été fait club à des supporters, les deux grands prisonnier et il n'est sorti qu'en 1983. traditionnels sont toujours supérieurs en nombre. Ce jour-là, la presse était en En 1976, vous commencez donc en conflit avec les clubs et il n'y a donc pas réserve. eu de photographe qui couvrait le match, Oui, j'étais joueur de l'équipe réserve, ni de photos de l'équipe dans laquelle j'ai pour ma troisième année au sein de joué (Rires). Defensor, comme professionnel. Et cette Les quinze premières minutes ? année, au quatrième match de la saison contre Nacional, l'attaquant gauche Pichu La première mi-temps a été dominée par Rodríguez est blessé et on m'appelle donc Defensor, nous avons marqué deux buts, pour jouer. le premier un penalty sur moi, converti par notre neuf, Pedro Álvarez. Peu après sur Titulaire pour votre premier match ? une autre action, je ne me souviens plus de Titulaire, débutant à 19 ans. la minute… Que s’est-il passé dans votre tête à ce La quinzième… moment ? Donc à la quinzième, sur une balle centrée C'était débuter contre un grand, dans le par Rodriguez, un centre rasant de la droite. stade Centenario, où j'avais été toute ma Le neuf la manque, mais les défenseurs vie à voir les matchs de Nacional et Peñarol, l'ont suivi. Le ballon vient sur mon pied j'étais supporter de Nacional à l'époque. droit alors que je suis gaucher, mais j'arrive Donc être dans l'équipe… La nuit d'avant, à marquer, 2 à 0. À ce moment-là, débuter je n'ai pas eu peur mais j'étais nerveux à mon premier match, titulaire, obtenir un l’idée d'essayer d'être bon, de rendre une penalty, marquer... C'est quelque chose copie propre et de ne pas échouer. d'important, avec les cris des supporters... Ces moments-là... Et vous jouiez contre un Nacional puissant à cette époque ? Vient la mi-temps Oui, oui, les deux grands étaient très Nous avons continué à jouer, j'ai failli puissants, jamais une équipe dite « petite », marquer, mais Nacional finit par égaliser c'est à dire le reste des équipes, n'avait été sur deux buts de leur numéro neuf, Perreti, championne à cette époque. le match se termine 2 – 2, un point pour nous, un point qui nous aidera à devenir Quelle était votre sensation en rentrant sur champions puisque nous serons titrés un le terrain, avec les supporters de Nacional point devant Peñarol. d'un côté, les quelques supporters du Defensor de l'autre ? Un mot sur l'entraîneur, Ricardo De Leòn. Évidemment les supporters du Nacional Une personne qui entraînait déjà l'équipe étaient beaucoup plus nombreux, contre dans la stabilité depuis une longue durée, un Defensor qui n'avait pas beaucoup de 4 ans. Aujourd'hui les équipes changent. public, et encore aujourd'hui, même si le Toutes les dix minutes un joueur est vendu, 6 alors que dans son cas, rester quatre ans, au football, mais quand vous n'en avez avec les mêmes personnes, avec le même pas la possibilité, vous devez travailler à groupe, voyager, faire des tournées au bien défendre, à marquer un but mais en Venezuela, dans les Caraïbes, à jouer, à vivre défendant bien sur l'adversaire. Surtout ensemble, a beaucoup aidé à renforcer ce quand vous n'êtes pas un joueur aussi groupe. Et après tout cela, il a pu compter habile, même s'il y avait des bons joueurs, sur ses joueurs et sur quelques nouveaux mais pas des top-joueurs. C'était une qu'il souhaitait. C'était une personne très équipe de travailleurs, c'est ce qui a marqué silencieuse, très concrète. Son histoire... Il le Defensor de cette époque. était communiste mais n'en parlait pas, pas Et les joueurs faisaient ces efforts ? non plus à nous les joueurs. À cette époque, il aurait dû être sélectionneur de l'Uruguay Oui, il transmettait ce message que nous mais de par ses opinions il a été ignoré, mis pouvions, en étant organisés, en faisant ce de côté. Une personne très simple mais au qu'il nous disait de faire, arriver à quelque grand cœur. Des gens disaient à l'époque chose. C'est comme ça que nous l'avons qu'il pratiquait un football de destruction. fait, match après match. Lui nous disait toujours qu'il faut marquer Vous finissez le match contre Nacional en la balle et non pas le joueur, parce que ce étant remplacé à la 75ème par Cubilla, un n'est pas le joueur qui détermine le but, autre grand joueur. mais la balle qui entre (dans le but). Si nous conservons la balle en dehors de Oui, mais il ne l'était déjà plus trop à cette position, l'adversaire ne marque pas. l'époque, Cubilla arrivait dans l'équipe cette Ça peut paraître stupide, mais il nous disait année-là et il n'arrivait pas très en forme. que si l'adversaire n'a pas le ballon, il ne Il entrait des demi-heures, des quinzaines peut pas marquer. de minutes. C'était déjà important pour moi que je sois sorti après 75 minutes et non à Un peu comme a pu le faire Barcelone ? la 60ème par exemple.
Details
-
File Typepdf
-
Upload Time-
-
Content LanguagesEnglish
-
Upload UserAnonymous/Not logged-in
-
File Pages117 Page
-
File Size-