Vu du canapé The Paradine case Le procès Paradine, Alfred Hitchcock, usa, 1948, 114 mn Hitchcock mineur, ce qui veut seulement dire qu’il n’est pas génial. La faute en revient au producteur Selznick qui, à son habitude – voir Leslie Howard dans Gone with the wind (p. 476) – impose des distributions aberrantes : dans l’op- position entre Gregory Peck et Louis Jourdan, le premier aurait dû être plus aristocratique, sans accent américain (genre Ray Milland), l’autre plus peuple (genre Joseph Cotten). Charles Laughton est, quant à lui, parfait dans son rôle de juge pendeur, une espèce de vieux cochon affriolé par l’épouse de Gregory Peck (Ann Todd, très bien elle aussi). Notorious (p. 982) est le seul Hitchcock/Selznick à être génial. Mais c’est l’exception qui confirme la règle : Selznick avait dû vendre, clefs en main, le projet à la rko, ce qui l’a empêché de remplacer Cary Grant par Joseph Cotten. La scène d’incarcération annonce celle de The wrong man (p. 1282) : c’est une protestation contre le fait de disposer de la liberté d’autrui, même celle d’une criminelle (Alida Valli). C’est dans ce type de détail que s’exprime le catholicisme de Hitchcock – mieux que dans I confess (p. 1229) plombé par le flash-back central. Une chambre en ville Jacques Demy, France, 1982, 88 mn Avec les mêmes partis pris que Les parapluies de Cherbourg (p. 129), le ton doux-amer ayant laissé place au tragique. Michel Legrand n’est pas au rendez- vous, mais la musique de Michel Colombier sait être touchante, notamment dans les scènes de groupe – piquets de grève, etc. On reconnaît le passage de la Pommeraye, cher à Demy ; Michel Piccoli y vend des téléviseurs, affublé d’un de ces horribles “colliers”, la barbe du pauvre qui sévissait dans ma jeunesse chez les instituteurs. Il retrouve dans ce film, après Les demoiselles de Rochefort (p. 633), Danielle Darrieux, extraordinaire baronne alcoolique ; ce personnage relie le couple d’amants formé par Dominique Sanda, sa fille, et Richard Berry, son locataire. Sorti en même temps que le blockbuster L’as des as, le film a pâti d’une mal- adroite polémique. En opposant le gros public des belmonderies à celui, raffiné, qui va voir des films un peu chiants, c’est le baiser de la mort qu’on lui donnait. 1 Remorques Jean Grémillon, France, 1940, 85 mn D’après un roman breton de Roger Vercel. Henri Poupon et Charles Blavette, acteurs de Pagnol, jouent dans le film, mais Blavette garde son accent. Sans corriger le tir au moyen d’un sobriquet genre “le Marseillais” : il s’appelle Tanguy ! Défaut similaire dans un autre film de Grémillon, L’amour d’une femme (p. 1103). Massimo Girotti y joue un ingénieur italien de passage en Bretagne. Il aurait été normal de le faire parler français avec un accent italien. On a préféré le doubler, ce qui sonne aussi faux que l’accent méridional de Blavette. Retrouvailles Gabin/Morgan après Le quai des brumes (p. 10). Composition émouvante de Madeleine Renaud, actrice récurrente de Grémillon. Blanche Fury Jusqu’à ce que mort s’ensuive, Marc Allégret, Grande-Bretagne, 1948, 94 mn Film en Technicolor, supérieur à la moyenne des films de son auteur. On remarque au générique l’inévitable Natalie Kalmus, experte couleur imposée par contrat par son ex-époux, inventeur du procédé. Mme Kalmus ne semble avoir été bonne qu’à toucher des royalties. En 1950, la législation change et personne ne requiert plus ses services de “color consultant”. Les acteurs sont excellents, en particulier Stewart Granger, né pour porter le costume (Scaramouche, p. 525, Beau Brummell, 1954, l’ambigu Fox de Moon- fleet, p. 38) dans le rôle de Philip Thorn. Et, dans le rôle de Laurence Fury, Michael Gough dont on se rappelle surtout la composition dans Crimes au musée des horreurs (p. 393). Dans cette histoire d’héritage, il n’y a que des coupables : le spoliateur Lau- rence Fuy et le spolié Philip Thorn devenu assassin, ainsi que Blanche Fury (Valerie Hobson) qui a fermé les yeux sur le meurtre de son époux. Tout ce monde paye de sa vie, ainsi que la fille du spoliateur, seule innocente du film. Après toutes ces morts, ne reste qu’un nouveau-né, réconciliation post mortem du spoliateur et du spolié. Un peu comme dans la Tétralogie de Wagner, on retourne au statu quo ante. Au cinéma, les poneys ne semblent servir qu’à tuer les enfants : voir Gone with the wind (p. 476) et Barry Lyndon (p. 403). La flor de mi secreto La fleur de mon secret, Pedro Almodóvar, Espagne, 1995, 105 mn Cinéaste des femmes, ici autour de Marisa Paredes. Le film est un vrai plaisir, mais laisse un peu sur sa faim. Dans le genre film de femmes, Volver (2006) sera nettement plus réussi. 2 Capitaine Conan Bertrand Tavernier, France, 1996, 132 mn On a bien oublié Roger Vercel, romancier de la mer (Remorques, p.2, Jean Villemeur) qui obtint le Goncourt 1934 pour ce roman guerrier. L’interprétation, magistrale, est dominée par Philippe Torreton qui joue un français ordinaire, magnifié par une guerre qui révèle sa nature de tueur. La boucherie terminée, il retourne en Bretagne où il s’éteint entre le café et la mercerie de sa femme. Le film montre une improbable Fréhel, qui ne ressemble guère au monstre que l’on voit au cinéma à partir de Cœur de lilas (1932). Le personnage d’Erlane – engagé trouillard – fait penser à Montherlant qui avait réussi à se faire réformer pour “hypertrophie cardiaque” – ce qui ne l’empê- cha pas, après guerre, de pratiquer des sports violents. Comme il voulait cepen- dant “la faire”, il se fit pistonner dans un service de l’arrière, où il reçut, contre toute attente, quelques éclats d’obus d’une batterie allemande qui ignorait sans doute les bonne manières. Aniki Bóbó Manoel de Oliveira, Portugal, 1942, 68 mn Magnifiques images de Porto – son pont “Eiffel”. Le film utilise un format étrange et assez casse-gueule, l’histoire d’adultes jouée par des enfants. Ainsi, Bugsy Malone (1976), film de gangsters, est-il un ratage absolu : passée la surprise initiale, on n’arrive pas à accrocher à cette histoire où les balles de mitraillette sont devenues des bonbons, etc. Il y a ici un véritable méfait : le vol d’une poupée, et une véritable tragédie, l’enfant qui fait une chute accidentelle attribuée à son rival amoureux. Un senti- ment d’irréalité l’emporte, car les adultes sont absents. La seule exception est le marchand bienveillant, qui ne cherche en aucune façon à se venger. On ne sait trop s’il faut sourire ou s’émouvoir, mais cela finit par marcher. Dans les films japonais des années 1930 (Ozu, Naruse), le thème de l’enfant accidenté, souvent renversé par une voiture, est courant. Il sert de catalyseur social : comment payer les soins, alors que le père n’a pas de travail ? Un carnet de bal Julien Duvivier, France, 1937, 130 mn “Ils ont tous trahi leur jeunesse”. À la recherche de ses anciens soupirants, une jeune veuve (Marie Bell) ne trouve que désillusions. Superbe distribution pour ce film à sketches dont le plus impressionnant utilise des cadrages obliques : près du pont transbordeur de Marseille, un médecin borgne aux sens propre et figuré (Pierre Blanchar), finit par tuer sa compagne, une virago jouée par Sylvie. Le jeune Robert Lynen devait être arrêté par la Gestapo et assassiné quelque part en Allemagne. Musique de Maurice Jaubert, La valse grise. 3 A matter of life and death Une question de vie et de mort, Michael Powell, Grande-Bretagne, 1946, 104 mn Film de propagande exaltant l’amitié anglo-américaine, qui évite cependant les pièges de l’exercice. Le Paradis en noir, la Terre en couleurs, comme plus tard dans Der Himmel über Berlin (1987). C’est, d’ailleurs, le second film en couleurs de Powell après Colonel Blimp (p. 1019) – voire le troisième si l’on compte la co- réalisation The thief of Bagdad (p. 169). Images étonnantes comme cet escalier mécanique qui monte au Ciel. On reconnaît, dans de petits rôles : Katherine Byron que l’on retrouvera dans Le narcisse noir (p. 1232) et Richard Attenborough, encore chevelu. The letter La lettre, William Wyler, usa, 1940, 95 mn Bette Davis opposée à Herbert Marshall comme dans La vipère (p. 175). L’acteur avait perdu une jambe pendant la Grande Guerre, mais on ne s’en aperçoit guère. Il semble n’avoir jamais joué d’unijambiste – de peur, sans doute, de perdre son image d’homme “normal” auprès du public – pas même dans un film de pirates comme La flibustière des Antilles (1951). Gale Sondergaard, remarquable, campe une Asiatique cupide, calculatrice et cruelle à souhait. Sa carrière devait tourner court quelques années plus tard : mariée à Herbert Biberman, l’un des Dix de Hollywood, elle fut blacklistée. The wolf man Le loup-garou, George Waggner, usa, 1941, 70 mn Le point fort du film est la photo : superbes scènes nocturnes. L’interprétation laisse à désirer : Lon Chaney Jr. ne fait pas oublier son père – ceci dit, un acteur empoté est assez à sa place dans cette histoire de monstre-malgré-lui. Seule Ouspenskaïa, en gitane, tire son épingle du jeu ; Bela Lugosi ne serait pas mal non plus s’il ne mourrait pas au début du film. Scénario de Curt, frère de Robert Siodmak, spécialiste de la greffe de cerveau (Black friday, p. 1033). Panique Julien Duvivier, France, 1946, 98 mn La noirceur bien connue de Duvivier donne à la fin de cette histoire, qui adapte Les fiançailles de M.
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