Les Polynésiens Et Les Essais Nucléaires

Les Polynésiens Et Les Essais Nucléaires

Assemblée de la Polynésie francaise Les polynésiens et les essais nucléaires Indépendance nationale et dépendance polynésienne CESCEN Commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires Délibération N°2005-072/APF du 15 juillet 2005, JOPF du 28 juillet 2005 Remerciements La Commission d’enquête tient à remercier celles et ceux dont les contributions ont permis l’élaboration et la rédaction de ce rapport : - Monsieur Oscar Manutahi Temaru, Président du Gouvernement, - Monsieur Antony Geros, Président de l’Assemblée de Polynésie Française, - les personnes auditionnées, - les maires, équipes municipales et populations de Mangareva, Tureia et Hao, - les membres des associations Moruroa e tatou et Aven, - le service des archives du Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les conflits, - les scientifiques et chercheurs qui nous ont conseillés et notamment Madame Mary Byrd Davis, Monsieur Raymond Séné et Monsieur Pierre-Marie Badot, - le service de documentation de la Présidence, - la cellule Opérations Aériennes de la Présidence, - le personnel du bureau de la Commission permanente, - le service de la documentation de l’Assemblée de la Polynésie française, - le service informatique de l’Assemblée de la Polynésie française, - le service de reprographie et logistique de l’Assemblée. Monsieur Bruno Barrillot, directeur de recherche au Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les Conflits et auteur de plusieurs ouvrages sur les questions nucléaires militaires, a été désigné expert de la Commission d’enquête. Il a coordonné les travaux de la Commission et est le principal rédacteur du rapport. © Assemblée de la Polynésie française, 2006. Présentation par Madame Unutea HIRSHON, Représentante à l’Assemblée de Polynésie française, Présidente de la Commission permanente, Présidente de la Commission d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires. Dès sa première réunion, la Commission s’est fixée pour méthode de se sin- gulariser des différents débats effectués sur le sujet par une écoute élargie des différents témoins de l’époque concernée. Dans cet objectif, selon une typologie clairement définie, sept questionnai- res distincts ont été adressés à 53 personnes représentatives de la société poli- tique, civile, économique et religieuse du pays. 36 personnes, soit 68 pour cent de celles qui ont été contactées, ont accepté de témoigner, apportant ainsi un éclairage nouveau et explicite sur des faits historiques jusque-là restés dans l’ombre, par exemple la menace du Général de Gaulle d’instaurer à Tahiti un gouvernement militaire faute d’un compromis amiable avec les élus. La Commission s’est également déplacée à Mangareva, Tureia et Hao pour être à l’écoute des populations ; Mme le Maire de Mangareva a salué dans son discours d’accueil ce premier déplacement d’une Commission d’élus polyné- siens. Durant ces déplacements, la Commission a été émue face au besoin de s’ex- primer, à l’inquiétude pour l’avenir et à l’exigence, pour le moins légitime, de connaître la vérité manifestés par les habitants qui ont tout simplement été ignorés depuis que leurs îles ou atolls ne s’inscrivaient plus dans les besoins des expérimentations nucléaires. La Commission a également été choquée de constater, de visu, le non-respect des engagements pris par l’État , entre autres compensations, de pourvoir aux infrastructures et équipements publics des îles et atolls utilisés pour les besoins des expérimentations, le lecteur pouvant prendre toute la mesure de ces aspects dans les chapitres consacrés à Mangareva,Tureia et Hao. Incompréhension et révolte aussi, d’avoir constaté qu’à Mangareva l’abri anti- radiations tardivement construit pour la population (1968) après toute une série de tirs aujourd’hui reconnus comme polluants (depuis 1966) consiste en un simple hangar agricole à toiture en tôles ondulées, alors qu’à quelques kilomè- tres seulement, celui réservé aux militaires est en béton armé avec des murs d’un mètre d’épaisseur recouverts de blindage. 3 CESCEN Enfin, quarante ans après les premiers tirs atmosphériques, si les premières analyses de la mission exploratoire de la CRIIRAD ne révèlent pas d’anoma- lies actuelles dans les prélèvements effectués sur place — c’est heureux pour les populations — les mêmes analyses confirment par contre l’existence de retom- bées nucléaires passées. A ce propos, la Commission pointe du doigt le comportement du Ministère de la défense se refusant à fournir les mesures des retombées effectuées à l’épo- que des tirs atmosphériques, seuls en mesure d’objectivement clarifier la situa- tion. De même, le laboratoire du LESE, localement chargé par l’IRSN de l’analyse de prélèvements réguliers d’échantillons pour mesurer la radioactivité ambiante, lui aussi a refusé de répondre au questionnaire qui lui avait été adressé par la Commission d’enquête. A eux seuls, ces deux refus de coopération avec la Commission ne peu- vent être interprétés autrement que comme l’aveu de la volonté de l’État de continuer, quarante ans après, à dissimuler des preuves accablantes pour lui dans la recherche de la vérité ainsi que la réparation des préju- dices lui incombant. Après six mois d’enquête, la Commission a découvert l’ampleur insoupçonnée des conséquences sanitaires, économiques, sociales, éco- logiques de trente ans d’essais nucléaires sur la Polynésie française. Lors de son passage à Tahiti en 2002, M. Jacques Chirac, Président de la République, évoquait « la dette nucléaire de la France à l’égard de la Polynésie ». Au regard de ses conclusions et recommandations, la Commission s’interroge sur la pertinence aussi bien économique que financière des négociations État -Pays ayant abouti à la mise en place du Fond Global de Développement Économique (FGDE). En effet, ce fond improprement appelé aussi « rente du nucléaire » alors qu’il est avant tout compensatoire des conséquences liées aux essais, devrait faire l’objet d’une actualisation prenant en considération les différents aspects mis en évidence par les travaux de la Commission, ceci dans une démarche autant pragmatique que constructive entre l’État et le Pays. 4 Les polynésiens et les essais nucléaires Un silence bien trop long. Trente-neuf ans. C’est le temps qu’il aura fallu attendre après le premier tir aérien atomique du 2 juillet 1966, pour que l’État concède aux Représentants de l’Assemblée de Polynésie française le droit de créer une Commission d’enquête habilitée à se pencher sur les conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales des expérimentations nucléaires en Polynésie française. Droit pour autant tout aussi relatif que précaire. En effet, la commission tout juste constituée, l’État s’est empressé d’intro- duire un recours en suspension-annulation à l’encontre de celle-ci, l’un des objectifs de ces procédures étant fort probablement de ne pas avoir à répon- dre aux différentes sollicitations de la Commission d’enquête. Trente-neuf ans. C’est également 127 mois de saison des pluies, durant lesquels des milliers de mètres cubes d’eau ont fait ruisseler vers les lagons et diluer dans les profon- deurs de la terre les nucléides et radio éléments, effaçant ainsi un peu plus cha- que année le témoignage scientifique des retombées. Ceci, même si le travail de reconstitution effectué par le laboratoire d’analyse de la CRIIRAD à partir de documents militaires classifiés secret défense estime qu’après le tir du 2 juillet 1966, les Gambier ont été exposés à un niveau de radiation 1700 fois supérieur à celui enregistré par les capteurs de la centrale nucléaire de Bugey (environs de Lyon) après le passage du nuage de Tchernobyl en mai 1986. Trente-neuf ans. Autant d’années passées rendant plus flou dans la mémoire des hommes les détails qui font les témoignages de l’histoire, ou encore, ont emporté dans un silence éternel les acteurs d’une époque que les limites de la liberté d’expression du moment n’ont fait qu’ignorer. Objectivité et transparence Très loin des déclamations de l’opposition ayant, sous des prétextes falla- cieux, refusé de se joindre aux travaux, la Commission, bien au contraire, s’est fixée pour règle transparence, objectivité, et apolitisme. Préoccupation dont le lecteur pourra juger par lui-même, après qu’il aura pris connaissance du rapport de la Commission ainsi que de ses recommandations. 5 CESCEN Faire des choix Le temps réglementaire imparti à la Commission pour rendre ses conclu- sions étant de 6 mois, il était absolument impossible qu’un travail d’enquête exhaustif puisse être mené dans ce laps de temps sur 30 années d’expérimen- tations nucléaires et les 193 tirs atomiques effectués en Polynésie française. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée de Polynésie a pris la décision de focaliser les travaux de cette première Commission sur la période de l’installa- tion du Centre d’Expérimentation du Pacifique (CEP) et des 46 tirs atmosphé- riques dont 5 d’entre eux ont été officiellement reconnus polluants par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA). Cela ne signifie pas pour autant que la Commission considère les essais sou- terrains comme exempts de dangers présents et futurs. Il appartiendra aux institutions de la Polynésie française de fixer le cadre d’une nouvelle Commission d’enquête ad hoc, qui souhaitons-le, ne se trouvera pas confrontée à la difficulté majeure qui nous a été opposée par l’État , savoir, le refus de se rendre sur les sites de Moruroa et Fangataufa, alors même qu’il était demandé que ce déplacement soit effectué en présence des experts du CEA et des armées. L’obstruction de l’État La Commission comprend mal le total mutisme de l’État, sa collaboration, même minimaliste (ce qui n’a pas été le cas) aurait pu être le moyen de renouer avec les élus polynésiens, ainsi qu’avec la population, un dialogue perdu ou manqué sur le sujet pour passer d’un climat de défiance à celui de confiance.

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