Magazine Francophone De Roumanie SOCIETE ECONOMIE CULTURE

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REGARDMagazine francophone de Roumanie Jusqu’à IAşI SOCIETE Beaux petits cerveaux ECONOMIE ELI-NP : projet fou CULTURE Regard 59 / 15 mars - mai 2013 10 lei Regard Rencontre avec Bogdan Iancu Regard 59 15 mars - 15 mai 2013 SOMMAIRE REGARDMagazine francophone de Roumanie Jusqu’à AILLEURS IAşI Quitter un pays où l’on a passé des années ou voir ses amis en partir sont toujours des moments dou- loureux pour un expatrié. Parfois, on vient à peine de faire connaissance, le courant passe mais le siège de son entreprise à Paris, Londres ou Madrid coupe court à ce début de complicité. Il faut partir. Et, SOCIETE ailleurs, refaire sa vie. Quand il s’agit du même conti- Beaux petits cerveaux nent, on arrivera à se revoir, le temps d’un week-end. ECONOMIE ELI-NP : projet fou Mais lorsqu’un océan sépare... Le départ approche, CULTURE une fête pour dire au revoir s’impose. Elle sera Regard 59 / 15 mars - mai 2013 10 lei Regard Rencontre avec Bogdan Iancu joyeuse et triste à la fois, on établit déjà une date ap- proximative pour les retrouvailles. Pour celui qui part, toutes ces choses à faire empêchent de sombrer dans ISSN 1843 - 7567 la nostalgie, mais pas complètement. Pour celui qui Illustration de couverture : Sorina Vasilescu et Lucian Muntean (photo) reste, c’est parfois plus dur : il, elle me manquera… Devrais-je moi aussi m’en aller ? Question récurrente, surtout quand on vit à l’étranger depuis longtemps. RENCONTRE Puis le quotidien reprend le dessus, jusqu’au nouveau départ. Le mien ou le sien. Car toujours, l’ailleurs Filip-Lucian Iorga 4 appelle l’ailleurs. Curieusement, retourner dans son pays natal est la dernière option. Vivre à l’étranger aurait donc quelque chose de plus palpitant, où que SOCIETE l’on soit, même en Roumanie, ce qui ne cesse d’être totalement incompréhensible pour les autochtones. Pour ses filles 8 Car vivre à l’étranger permet de se fondre dans le dé- Entretien avec Ioan Stanomir 12 cor, les codes de comportement ne sont pas les mê- Beaux petits cerveaux 16 mes, on s’autorise plus facilement à être soi-même. Puis les années passent et le pays étranger l’est de moins en moins. On comprend mieux son entourage A LA UNE et ses codes. L’envie d’aller voir ailleurs pointe de nouveau son nez – peut-être moins en Roumanie par- Jusqu’à Iaşi 20 ce que tout est moins codifié. Partir afin de redevenir soi-même, perdu, parfois isolé, mais soi-même. Pour ne rien comprendre, se laisser porter par les premiè- ECONOMIE res rencontres, un quotidien tout sauf quotidien. Se sentir un peu déconnecté, alors qu’on nous demande 2013, un pas en avant ? 44 de l’être en permanence. Ces nouveaux individus Sol tout seul 48 d’un pays encore inconnu posent un tas de questions, ELI-NP : projet fou 54 c’est agréable les questions, de parler de soi. Les pays passent, et on se demande où l’on atterrira, enfin. On a déjà une petite idée, mais qui sait. Evidemment, CULTURE chacun a son histoire, sa vie de famille, son contrat de travail, mais l’envie que le voyage continue semble Rencontre avec Bogdan Iancu 58 inaltérable. Même si le corps et l’esprit sont sans Au service du français 60 doute davantage mis à contribution qu’en restant Portrait de Medi Dinu Wechsler 65 toute sa vie dans le Loiret, ou ostréiculteur à Bouzi- gues – mon rêve inassouvi. Quoique… Les aventures au coin de la rue peuvent être immenses. Et celles CHRONIQUES d’un grand voyageur ennuyeuses au possible. Avoir des amis fidèles empêche précisément cette sorte de Nicolas Don 11 chute, ils sont des repères, nous rappellent qui l’on Isabelle Wesselingh 15 est. Où qu’ils soient, il faut savoir les garder. Michael Schroeder 56 Matei Martin 66 Luca Niculescu 70 Laurent Couderc 3 Le rendez-vous fut pris à l’Ins- titut d’investigation des crimes du communisme, rue Alecu Russo à Bucarest, non loin de l’Institut français. Filip-Lucian Iorga y est le directeur du département Mémoire de l’exil roumain. Ce jeune historien, issu d’une vieille famille de la région de Ialomiţa (sud-est de la Roumanie), a connu les hon- neurs très tôt en recevant, à peine âgé de 25 ans, la Médaille du roi Michel pour la loyauté. Il poursuit aujourd’hui une car- rière brillante d’historien. Il a d’ailleurs récemment donné une conférence à la Sorbonne sur son domaine de prédilec- tion : l’aristocratie roumaine et l’imaginaire généalogique. RENCONTRE Filip-Lucian Iorga a 30 ans et déjà un parcours étonnamment riche d’historien et d’homme de lettres. Parfait francophone, il a notamment étudié à l’université Paris IV-Sorbonne, avant de devenir docteur en histoire à 28 ans. A son actif, plusieurs ouvrages, dont deux sortis en février : Strămoşi pe alese. Călătorie în imaginarul genealogic al boierimii române (Ancêtres au choix. Voyage dans l’imaginaire généalogique des boyards roumains), publié aux éditions Humanitas, et Le tempérament œcuménique (éditions Baudelaire), suite d’entretiens avec Jean Delumeau, Neagu Djuvara, Jacques Le Goff, Jordi Savall, entre autres. Filip-Lucian Iorga parle ici de sa passion pour la généalogie, pour l’histoire de son pays, et analyse avec sensibilité et justesse le présent de la société roumaine. A la lumière du passé. « IL FAUDRAIT RESTAURER LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE » Regard : Expliquez-moi le thème de j’ai par la suite beaucoup travaillé. Pour aristocrates des pays européens avaient votre dernier livre, Ancêtres aux choix. revenir au livre, ce qui m’a intéressé déjà établi et officialisé leur généalogie Voyage dans l’imaginaire généalogique des n’est pas tant la généalogie proprement depuis quatre ou cinq siècles. J’essaie boyards roumains... dite, mais son imaginaire, ce qu’elle crée d’expliquer aussi comment la généalo- dans l’esprit des gens. gie permet de mieux comprendre d’où Filip-Lucian Iorga : Mon intérêt pour l’on vient, et par là de mieux vivre le la généalogie a commencé très tôt, à C’est-à-dire ? présent, de mieux se situer, de clarifier partir de l’histoire de ma famille que me son identité. racontaient mes grands-parents. Dès Dans ma thèse doctorale, qui est à la l’école primaire, je me rappelle noter base de ce livre, j’essaie d’expliquer la A la fin du 19ème siècle précisément, sur un petit cahier ce qu’ils disaient lors mythologie qui entoure la généalogie, les relations entre les boyards rou- des réunions de famille, après le repas. ce que certaines familles créent, imagi- mains et certains membres de l’aristo- A 17 ans, j’ai même gagné un concours nent, inventent à partir de leur histoire. cratie française étaient alors étroites... grâce à ce que m’avait rapporté mon Et qui par la suite devient réalité. Ces grand-père, Mircea Stănescu ; j’avais familles ont en quelque sorte amélioré Assurément. On allait à Paris pour étu- tout écrit et structuré comme un livre leur arbre généalogique en y incluant dier et se lier d’amitié avec les nobles d’histoire. Puis je me suis logiquement des origines romaines, par exemple. français, parfois même s’arroger un titre inscrit à la faculté d’histoire de Bucarest, On a fait de même partout en Europe. de noblesse, comte, baron, en ajoutant même si mon entourage me demandait Ce qui est remarquable, c’est qu’en la particule « de » à son nom de famille. ce que j’allais bien pouvoir faire après donnant vie à une noblesse roumaine « Bălianu », par exemple, devenait « de ce type d’études. Mais je ne me suis pas très ancienne, les boyards d’ici (les Balliano », alors que très peu de Rou- laissé décourager. L’histoire est selon aristocrates, ndlr) ont aidé à l’unifica- mains ont été effectivement anoblis par moi une discipline qui permet notam- tion du pays. D’une certaine façon, le un pays étranger. Plus généralement, ment de bien structurer ses idées. A la sentiment national s’est alors mieux en Roumanie beaucoup de boyards faculté, j’ai eu la chance de rencontrer structuré. Cela s’est fait sur le tard, au parlaient en français entre eux, ce qui le professeur Lucian Boia, avec lequel 19ème siècle, alors que la plupart des a d’ailleurs modifié notre langue, l’a 5 RENCONTRE enrichie de mots français. Sans parler de essaie aujourd’hui de promouvoir notre Comment la société roumaine reste-t- l’architecture, de l’ensemble de notre image à travers nos campagnes, certains elle traumatisée par son passé commu- système administratif, etc. Au-delà de de nos produits agricoles, mais cela niste ? l’imagination de nos ancêtres pour se ne semble pas vraiment prendre. Par donner un nom, cette envie de ressem- ailleurs, dans le cas de la Roumanie, une La plupart des points négatifs dont bler à l’aristocratie occidentale a été monarchie constitutionnelle permettrait nous nous plaignons aujourd’hui sont la positive en ce sens qu’elle a modernisé sans doute de tirer un trait définitif sur conséquence directe de cette période. la Roumanie sous plusieurs aspects. ce passé communiste qui continue de Après l’abdication forcée du roi Michel C’est un des arguments de mon livre. nous hanter. Quand une élite veut ressembler à celle d’un pays plus avancé, cela a des effets Ce changement est-il sur l’ensemble de la société. possible dans un futur relativement proche ? La famille royale est très Un monarque présente dans l’esprit constitutionnel serait notam- des Roumains, médiati- « quement aussi.

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