Le Portique Revue de philosophie et de sciences humaines 32 | 2014 Sciences sociales et marxisme Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/leportique/2709 DOI : 10.4000/leportique.2709 ISSN : 1777-5280 Éditeur Association "Les Amis du Portique" Édition imprimée Date de publication : 1 mars 2014 ISSN : 1283-8594 Référence électronique Le Portique, 32 | 2014, « Sciences sociales et marxisme » [En ligne], mis en ligne le 05 février 2016, consulté le 02 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/leportique/2709 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/leportique.2709 Ce document a été généré automatiquement le 2 avril 2021. Tous droits réservés 1 SOMMAIRE Sciences sociales et marxisme Présentation Noël Barbe Le social chez Marx Hervé Touboul La linguistique française à la lumière du marxisme Jean-François Bert Les tumultueuses relations des économistes français avec le marxisme : une mise en perspective historique Thierry Pouch De quelques formes de présence du marxisme en anthropologie Noël Barbe Le marxisme sous le prisme des « avant-gardes » artistiques Éric Brun Marx, un spectre qui ne hante plus les Science and Technology Studies ? Jérôme Lamy et Arnaud Saint-Martin Marxisme et mémoire. De la téléologie à la mélancolie Enzo Traverso Marges et controverses Toutes les frontières sont des conventions qui attendent d’être transcendées Le cinéma Wachowski, le trans-humanisme et la rencontre Denis Viennet Recensions Essai sur le rien de Yann Courtel Jean-Paul Resweber Prêcher dans la vallée de Roland Sublon Jean-Paul Resweber Le Portique, 32 | 2014 2 Sciences sociales et marxisme Le Portique, 32 | 2014 3 Présentation Noël Barbe 1 Ce numéro de la revue Le Portique est l’aboutissement de plusieurs années de séminaires consacrés à la question des usages du marxisme en anthropologie et dans les sciences sociales en France, principalement, mais non exclusivement, après la seconde guerre mondiale. Animé par Jean-Louis Fabiani, Noël Barbe et Jean-François Bert, ce séminaire tenu à l’EHESS entre 2010 et 2012, avait pour but de faire retour sur la vigueur des propositions marxistes et les débats qu’elles ont suscités, malgré l’usure, depuis une trentaine d’années, des grands paradigmes, le reflux des études marxistes et plus généralement des perceptions holistes du monde. 2 Ce numéro entend contribuer à un examen, désormais possible, en historien et en sociologue, de ce moment complexe de la vie intellectuelle en France. 3 Être marxiste suppose un rapport aux textes de Marx et Engels. Ces rapports sont multiples ou plutôt Marx l’est, pratiquement dans les façons dont il est usé, théoriquement dans les lectures explicites faites de son œuvre. La fameuse coupure opérée par Louis Althusser entre les œuvres de jeunesse et le corpus scientifique1 a pu produire des relectures, la référence au « jeune Marx » peut être revendiquée, l’opposant parfois au marxisme. Dans la situation même où le marxisme est mobilisé et revendiqué pour instruire le social, la consistance de cette notion chez Marx lui-même peut être questionnée, entre l’économique et le politique. D’autres auteurs parfois apparaissent aussi, tels Trotski ou Staline. Ce dernier, dans une critique de la glaciation théorique introduite par sa théorie des cinq stades d’une histoire humaine finie. 4 Il n’y a pas un marxisme en sciences sociales mais des marxismes dans les manières de mobiliser les textes et de faire corpus, dans les lectures qui en sont faites, dans la constitution et les usages effectués des ressources théoriques pour expliquer les mondes sociaux, dans les controverses, parfois violentes, portant justement sur de « bons usages ». 5 La référence à la théorie marxiste dans une perspective savante a comme particularité le plus souvent un positionnement explicite dans l’espace politique, connecté ou non à la fameuse onzième thèse sur Feuerbach. Ceci configure bien évidemment des espaces de réflexion, de circulation de textes et de sociabilité, mais aussi contribue aux Le Portique, 32 | 2014 4 oppositions internes au marxisme, leurs acteurs réduisant parfois celles-ci à cela. Mais cela autorise aussi une insertion de la réflexion théorique dans des horizons pratiques et politiques, la décolonisation par exemple pour les anthropologues. Cela suppose donc une politique du temps. Alors l’histoire politique, au sens des évènements qui adviennent, n’est pas sans effet sur les usages mêmes de ressources théoriques empruntés à Marx. Ainsi de l’histoire marxiste et de la chute du Mur de Berlin, de son rapport au moment « présentiste » et mémoriel, d’une certaine dépolitisation dans un « retour à Marx », ou encore de la détestation du marxisme comme science, faisant un détour par le marxisme politique. 6 Rémanence, présence ou formes de présence, spectre, absence et éviction, introduction, usages, mémoire, implantation, relecture… autant de termes employés par les auteurs des textes qui composent ce volume. Il s’agit là de s’attacher à une lecture minutieuse de l’établissement, ou non, de Marx dans les sciences sociales en France, du moins certains de leurs espaces disciplinaires : linguistique, anthropologie, économie, histoire, Sciences Studies. Ces lectures peuvent en suivre les instruments (revues, espaces de discussion ou de vulgarisation), s’intéresser aux facteurs socio-économiques de l’entrée et de la sortie de l’espace académique, caractériser les saisies de Marx ou encore les figures prises par le marxisme. Elles peuvent se heurter à la difficulté d’établir des chronologies précises des flux et reflux du marxisme, la surmontant parfois. Mais l’attention est aussi portée sur certaines avant-gardes artistiques, avec le cas de Guy Debord, introduisant ainsi la question, mais pas seulement, de l’effet de position produit en se réclamant du/d’un marxisme. Question qui dépasse ce seul cas. NOTES 1. Louis ALTHUSSER, Pour Marx, Paris, Maspero, 1965. AUTEUR NOËL BARBE Noël Barbe est chercheur au IIAC (CNRS-EHESS-min. Culture) où ses travaux portent sur l’anthropologie du geste artistique, de la politisation de l’action patrimoniale et l’histoire des savoirs anthropologiques. Conseiller pour l’ethnologie à la direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, il a conduit et dirigé de nombreuses recherches-actions. Il assure la direction scientifique de l’ethnopôle « Courbet » où il co-dirige la collection « Cahiers de l’ethnopôle » aux éditions Sekoya. Il enseigne à l’Université de Strasbourg et a assuré le commissariat de plusieurs expositions. Dernières publications : Courbet, peinture et politique (avec Le Portique, 32 | 2014 5 Hervé Touboul), Besançon, 2013 ; « Isac Chiva, ethnologie et politique patrimoniale », Terrain, n° 60, 2013, p. 148-163. Dernière exposition : Lip 73… çà peut toujours servir, Besançon, 2013. Le Portique, 32 | 2014 6 Le social chez Marx The social in Marx Das Soziale bei Marx Hervé Touboul 1 L’on ne sait jamais bien où ranger Marx : philosophe ; économiste, sociologue ? Il figure, au moins en France, dans les auteurs à étudier, dans les classes terminales, en philosophie. Il n’est sans doute, aujourd’hui, que peu étudié dans les facultés d’économie, même si un magazine assez « grand public » le rangeait il y a peu dans les « 30 génies » de l’économie1. Hier encore on le recevait pour l’un des « pères » de la sociologie ; bon nombre d’étudiants, en France toujours, ont découvert Marx dans le livre d’Aron : Les Étapes de la pensée sociologique, où il figure avec quelques grands Autres, à titre de fondateur sinon d’une science nouvelle, tout au moins d’un nouveau savoir. Ce savoir, la sociologie, se donne, au moins à un premier regard, comme un savoir du « social ». Sans doute ce « social » peut être vu, par les savoirs sociologiques, de plusieurs manières, mais qui l’explique peut être dit « sociologue », et la sociologie est son étude. 2 L’on peut remarquer, en guise de commencement, que le mot sociologie ne se trouve pas dans Marx : on peut être étonné de trouver le mot dans la traduction française de L’Idéologie allemande où il est parlé, à un endroit, de Sancho qui jette « un coup d’œil furtif sur la sociologie »2, mais vérification faite, il s’agit dans l’édition allemande de la « zoologie », peut-être ce lapsus de traduction est-il significatif ? Bien sûr, cette absence ne saurait empêcher de compter Marx et Engels parmi les précurseurs de la sociologie mais peut-être est-elle un indice, elle aussi, d’un problème ? 3 Il est vrai que, toujours dans L’Idéologie allemande, nos deux auteurs font allusion plus loin à « la science sociologique (Gesellschaftswissenschaft) allemande »3 mais il s’agit alors d’une citation d’adversaires qui sont ou se veulent les défenseurs de cette science, et le passage est plein d’ironie à leur endroit. Dans une lettre bien plus tard Marx parlera de la « science sociale » française avec beaucoup de moquerie, visant les affiliés de Proudhon et probablement aussi ceux de Saint-Simon4. 4 Cela ne veut pas dire que Marx, et Engels, ne parlent pas du « social », et qu’ils n’usent pas du mot, mais toute cette ironie peut introduire, comme le lapsus et comme Le Portique, 32 | 2014 7 l’absence, à l’idée que cette notion de « social » chez Marx est délicate, et cela malgré la célèbre phrase : « l’être social détermine la conscience ». Le sens de cette phrase n’est pas, en effet, si évident que cela, et marquons de suite qu’il désigne plus le fait d’un être individuel en tant qu’il est social, que la participation à une identité collective, fût-elle de classe ! Marquons encore pourquoi cela sera délicat que de cerner le social – en disant là encore les choses à l’avance – chez Marx : parce qu’il est pris entre l’économique et le politique, il est comme un curseur qui se déplace de l’un à l’autre, au point qu’il a tendance à apparaître et à disparaître, sans jamais qu’il soit sûr qu’il ait une véritable effectivité.
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