Emir Kusturica Construction Médiatique Et Réception D'un Artiste

Emir Kusturica Construction Médiatique Et Réception D'un Artiste

Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Master Histoire et audiovisuel CRH/Isor Mémoire de Master 2 Emir Kusturica Construction médiatique et réception d’un artiste des Balkans dans les médias français (1981-2012) Andrea Perugini Octobre 2014 Sous la direction de Mr Sebastien Le Pajolec et Mme Myriam Tsikounas Emir Kusturica : Construction médiatique et réception d'un artiste des Balkans dans les médias français (1981-2012) Remerciements Je tenais avant toute chose a remercier Sebastien Le Pajolec pour ses conseils, son expérience et son soutien, Quentin Dusser et Emir Bouzouita pour leur amitié, et Sanja Arsenic qui, la premiere, m'a fait découvrir l'œuvre et l'univers de ce cinéaste. Aussi ne puis-je oublier les bienfaits de la présence de Noemi Naudi pour son énergie et sa bonne humeur tres communicative. Un grand merci également a tous les documentalistes, archivistes et techniciens de l'Inatheque, de la Cinématheque française et du Chat Noir pour leur aide précieuse. Sommaire : – Avant-propos : 1 – Introduction : 3 – Premiere Partie : Le temps de la reconnaissance : 18 – Deuxieme Partie : Le temps de la polémique : 72 – Troisieme Partie : Le temps des identités : 105 – Conclusion : 145 – Bibliographie : 151 – Annexes : 161 – Table des matieres : 191 Avant-propos « Je suis Slave. Dans mes contradictions, dans ma volonte de voir le monde en noir et blanc, dans mon humour, dans mes brusques changements d'humeur, mais aussi dans ma comprehension de l'histoire. Je suis ne a la frontiere extremement penible entre l'Est et l'Ouest, et je garde en memoire les battements de cœur de mes parents » Emir Kusturica Je ne sais par ou commencer pour aborder les motivations qui m'ont poussé a mener cette étude. Je me rappelle avoir été envouté par la scene finale duTemps des Gitans orchestrée autour d'Ederlezi, hymne d'un peuple, bande originale de la souffrance d'une terre. Je me rappelle de cet onirisme, d'un cinéma qui ne se contentait pas d'un genre, et donc, de lui-meme, mais de ce que la vie pouvait offrir sur la durée : des joies, des larmes, du tragique et du comique entremelés par ce tempérament balkanique ou l'exubérance des émotions est une culture en soi. Ayant moi-meme vécu la-bas, je demeure sensible a cette vision qui peut nous etre proposée dans le cinéma de Kusturica. Par ailleurs, l'œuvre de cet artiste s'est vue bouleversée a un moment ou l'histoire était en marche, sa terre natale étant devenue le théatre de guerres fratricides sous l'étendard hypocrite de vieilles velléités et d'intérets meurtriers. Si Emir Kusturica se demande dans son autobiographie « Ou suis-je dans cette histoire ? », notre démarche commence par un questionnement identique. Entre l'histoire des Balkans, celle des médias, celle du cinéma, celle des nombreux contextes médiatiques et des constructionset imaginaires qu'ils ont pu engendrer, ou est Emir Kusturica dans ces Histoires ? Ce mémoire entend dresser un éventail complet des réflexions et des concepts relatifsaux nombreuses questions qui se posent lorsqu'il s'agit d'étudier la réception et la construction médiatique d'un artiste. Aussi, il s'agit d'apprécier le cadre des nombreux contextes de médiatisation, différents mais inextricables par la force des choses, par la force de l'histoire. Du reste, nous entendons établir des bases méthodologiques garantes de la rigueur d'une étude jamais réalisée auparavant sur cet artiste. Des lors, nous pourrons, par l'analyse des nombreuses sources qui sont a notre disposition, comprendre l'importance et la réception des œuvres d'un cinéaste quia marqué le cinéma, sa région, ainsi qu'un moment trouble de l'histoire de l'Europe de la fin du XXe siecle et du début de XXIe. 1 INTRODUCTION 2 Une stature imposante, une chevelure abondante et grasse, un cigare fin au bout des levres : tout cinéphile reconnaItra Emir Kusturica sur un cliché. Il en va de meme pour ses films : la présence des gitans, du folklore balkanique (stéréotypé ?), du kitsch, une symbolique des animaux et des hommages rendus aux grands noms du cinéma (tels que Jean Vigo ou Fellini). La «patte» Kusturica est reconnaissable et s'est installée durablement sur les écrans. Il est, des lors, naturel d'admettre une certaine particularité a ce personnage, a son cinéma. Nous pouvons sans risque aborder l'intéret d'une étude le concernant par le biais de cette particularité visible. Pourtant, un objet d'étude, aussi singulier soit-il, n'est souvent qu'une passerelle vers un monde de représentations complexes aux ramifications profondes. De quoi Emir Kusturica est-il réellement le prétexte ? Une œuvre est un processus Étant un artiste actif et reconnu depuis le début des années 1980, il est avant tout prétexte a un regard sur ses œuvres. Si ces dernieres font déja l'objet d'une étude a part entiere dans les écoles de cinéma, notre étude porte moins sur son art que sur la façon dont il a été reçu. Ce regard, que l'on peut appeler « réception », doit etre compris dans toute sa complexité. En effet, une œuvre ne contient pas en elle-meme les qualités intrinseques justifiant sa diffusion et sa reconnaissance. Elle se définit avant tout dans la relation qu'elle entretient avec « avec un collectif humain donne 1». Ce collectif humain est constitué de l'artiste, bien sur, mais également de nombreux agents et acteurs sociaux faisant d'une œuvre, non pas seulement un processus créatif, mais un processus social2. Derriere une œuvre se cachent des industries culturelles qui s'averent, surtout dans le cadre du cinéma, indispensables a la production puisqu'elles détiennent les capitaux nécessairesau financement des projets. La simple désignation « d'industrie » implique des contraintes d'ordre économique et financier qu'il est indispensable, pour le chercheur, de cerner et d'en établir les conséquences sur la nature de l'œuvre produite. Aussi, les œuvres d'un artiste doivent, selon le contexte de la discipline artistique, s'attacher a certains modeles, rassurant sur le potentiel de déclaration et la solvabilité d'une production culturelle. Du reste, il est possible d'apprécier le degré d'impact des contraintes ou « directives3 » des industries culturelles sur les volontés initiales du réalisateur. De cette maniere, nous pouvons de façon méthodologique appréhender l'œuvre comme une interaction et un jeu de pouvoir entre plusieurs acteurs sociaux (dans ce cas, entre le créateur et l'instance qui la finance). 1 ESQUENAZI Jean-Pierre : Sociologie des œuvres. De la production a l'interpretation (page 5) 2 Ibid « Premiere conclusion : l'oeuvre comme processus social » (page 27) 3 Ibid (page 56) . Elles sont un cadre ou l'artiste peut exercer sa créativité dans les frontieres acceptables de l'institution 3 À la production s'ajoute l'étape de distribution qui « déclare » l'œuvre dans l'espace public. L'objet culturel devient effectivement « œuvre » lorsqu'il est diffusé et sujet au regard, a l'évaluation et a l'interprétation. Par conséquent, nous admettons que la distribution contient ses propres stratégies et ses logiques internes de fonctionnement pour que l'objet culturel qu'elle est censée diffuser soit candidat a la réception. Il est donc intéressant d'apprécier dans quelle mesure les instances de distribution mettent en place des stratégies pour préfigurer une certaine réception voulue. Ainsi, nous avons un autre agent social dans ce « collectif humain » puisqu'il agirait sur les modalités de réception4 de l'œuvre. Tous ces mécanismes, faisant de l'œuvre un processus social, influent directement sur la réception. Cette réception est, bien sur, assurée par le public, consommateur du produit culturel. Mais entre l'œuvre et le public se glisse un acteur interprétatif assurant et préfigurant le relais : les médias. Pour toute œuvre destinée a etre diffusée et déclarée dans l'espace public précede toutun processus ou cette derniere sera sujette a l'évaluation, la critique, la promotion (cachée ou avouée), le débat... En somme, les instances médiatiques remplissent le role de médiateur et d'évaluateurde l'objet culturel. Leur role est capital dans le processus de circulation puisqu'ils sont généralement les garants des deux composantes préfigurant le succes public d'une œuvre : la reconnaissance et la légitimation. La reconnaissance se résumerait au simple fait de reconnaItre et d'afficher le produit culturel comme œuvre. La légitimation5 quant a elle, est un processus qualitatif et critique pouvant préfigurer (ou non) le succes commercial. Elle peut s'exprimer via une large palette évaluative ainsi que par le biais de procédés de scénarisation ancrant l'œuvre dans un contexte de représentations,de codes et d'imaginaires préexistant. La figure de l'artiste : une construction mediatique Bien entendu, toute réception critique d'une œuvre se fait rarement sans la réception critique de celui qui en a la paternité, son créateur. Ainsi, il est possible d'admettre que tout artiste dont les productions sont relayées de maniere constante a travers les médias pendant une longue période est potentiellement sujet a un processus de construction médiatique évoluant parallelement avec sa carriere6. En un sens, l'artiste devient un personnage qui peut éclipser son œuvre ou en tout cas en 4 Par réception nous entendons tous processus évaluatifs et interprétatifs qui font suite a la « déclaration » de cette derniere dans le champ public. 5 Voir a cet égard PEQUIGNOT Bruno, Sociologie des arts : domaines et approches, et son chapitre sur la légitimation d'une œuvre ou d'un artiste (p. 71-75.) 6 MOULIN Raymonde, L’Artiste, l’institution et le marche, Paris, Flammarion, 1992, Champs/Flammarion, 1997. Dans cet ouvrage l'auteure amorce une contextualisation des carrieres artistiques. En somme, elle replace la carriere de l'artiste dans une interaction avec les facteurs esthétiques, économiques et institutionnels qui déterminent la-dite contextualisation.

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