
Revue historique des armées 271 | 2013 Les armées coloniales Le rôle de la flottille du Niger dans la conquête du Soudan français, 1884-1895 The role of the Nigerian fleet in the conquest of French Sudan, 1884-1895 Dominique Guillemin Traducteur : Robert A. Doughty Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rha/7727 ISSN : 1965-0779 Éditeur Service historique de la Défense Édition imprimée Date de publication : 3 juillet 2013 Pagination : 60-71 ISSN : 0035-3299 Référence électronique Dominique Guillemin, « Le rôle de la flottille du Niger dans la conquête du Soudan français, 1884-1895 », Revue historique des armées [En ligne], 271 | 2013, mis en ligne le 23 juillet 2013, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rha/7727 Ce document a été généré automatiquement le 30 avril 2019. © Revue historique des armées Le rôle de la flottille du Niger dans la conquête du Soudan français, 1884-1895 1 Le rôle de la flottille du Niger dans la conquête du Soudan français, 1884-1895 The role of the Nigerian fleet in the conquest of French Sudan, 1884-1895 Dominique Guillemin Traduction : Robert A. Doughty 1 Longtemps limitée à un impérialisme informel fondé sur l’influence militaire et commerciale à partir de territoires limités, la colonisation de l’Afrique sub-saharienne s’accélère à partir des années 1880, prenant la forme du scramble for Africa, la « course au clocher » des principales puissances européennes pour le partage du continent. D’une présence diffuse à partir de comptoirs essaimés le long des côtes, on passe alors à l’occupation systématique de l’hinterland. D’un point de vue militaire, ce nouvel impérialisme continental donne naturellement plus d’importance aux troupes terrestres spécialisées dans les opérations ultramarines ce qui les conduit, en France par exemple, à s’autonomiser peu à peu de la Marine dont elles sont issues1. Mais les marins ne cessent pas pour autant d’apporter un savoir-faire précieux sur les fronts pionniers de la colonisation. Car en l’absence de toute infrastructure de transport, et face à la résistance naturelle présentée par les espaces africains, les fleuves constituent des voies de pénétration privilégiées sur lesquels les officiers de marine peuvent assouvir leurs vocations multiples d’explorateurs, d’ingénieurs, de diplomates et de conquérants. Déjà dotée d’une station permanente à Saint-Louis du Sénégal, la Marine accompagne donc l’expansion française dans les régions les plus enclavées de l’Afrique occidentale jusqu’à participer à l’un des derniers grand rêve de la conquête coloniale : la prise de la mythique cité de Tombouctou2. Revue historique des armées, 271 | 2013 Le rôle de la flottille du Niger dans la conquête du Soudan français, 1884-1895 2 Les bassins des fleuves Sénégal et Niger, espaces privilégiés de l’expansion coloniale française en Afrique occidentale 2 Gouverneur du Sénégal de 1854 à 1861 puis de 1863 à 1865, le général Louis Faidherbe comprend immédiatement le profit qu’il peut tirer des opérations fluviales pour pacifier l’arrière-pays de la colonie. Appliquant le « plan de 1854 » ordonné par le ministre de la Marine et des Colonies, Théodore Ducot, proche des milieux d’affaire bordelais, il étend l’influence française en suivant le cours du fleuve Sénégal, qu’il ponctue de places fortifiées en liaison avec la côte grâce à une flottille d’avisos fluviaux à vapeur3. Construits en bois, propulsés par hélice ou par roue et armés de pièces de canons, ces petits bâtiments de 150 à 350 tonnes de déplacement, assurent la logistique des postes tout en contribuant à leur sécurité. Ainsi, le 18 juillet 1857, ils dégagent in extremis le fort de Médine4 assiégé depuis le mois d’avril par les troupes d’El Hadj Omar, fondateur de l’empire Toucouleur, qui mène le djihad contre la présence française. La même année, la création par Faidherbe du premier régiment de tirailleurs sénégalais, embryon d’une armée coloniale, permet à la conquête d’alimenter la conquête, en une seconde étape qui vise le cœur même du « continent noir » : le Soudan5. 3 L’importance du réseau hydrographique dans les conceptions du général Faidherbe apparaît clairement dans le plan de conquête du Soudan qu’il publie en juin 1863 : « Rallier le Sénégal à l’Algérie à travers au moins quatre cents lieues de désert, c’est chose impossible, quelle que soit la route que l’on suive, ou qui du moins n’aurait pas de conséquences sérieuses par suite des frais énormes du transport à dos de chameaux. Pour s’emparer du commerce si important du Soudan et particulièrement du coton (Géorgie longue soie), qui, au dire des voyageurs, s’y trouve en si grande abondance, et à vil prix6, il faut s’emparer du haut Niger en établissant une ligne de postes pour le rallier au Sénégal entre Médine et Bamakou [Bamako] »7. Il s’agit donc de prendre le contrôle le bassin du haut Niger à partir de celui du haut Sénégal, avec entre les deux une « rupture de charge » d’environ trois cent cinquante kilomètres entre Médine et Bamako. 4 Ce plan d’ensemble reçoit immédiatement un début de réalisation à l’initiative du lieutenant de vaisseau Eugène Mage qui, en février de la même année, soumet au ministre de la Marine et des Colonies un projet visant à « explorer le Niger, remonter ce fleuve ; savoir enfin d’une manière positive et pratique le mystère du Soudan et disputer à l’Angleterre les produits de l’intérieur de l’Afrique, vers lequel sa politique envahissante marche à grands pas, soit par des explorations, soit par le commerce, soit par l’occupation militaire »8. Dans l’esprit de l’officier, il s’agit d’une reconnaissance qui doit établir l’utilité économique et stratégique du Soudan avant d’en entreprendre la conquête. Dans son ordre de mission du 7 août 1863, Faidherbe y adjoindra le repérage de la future ligne de postes entre le haut Sénégal et haut Niger : « Le but serait d’arriver, lorsque le gouvernement de l’Empereur jugera à propos d’en donner l’ordre, à créer une ligne de postes distants d’une trentaine de lieues entre Médine et Bamakou, ou tout autre point voisin sur le haut Niger qui paraîtrait plus convenable pour y créer un point commercial sur ce fleuve. Le premier de ces postes en partant de Médine serait Bafoulabé (…) Il serait probablement nécessaire de créer trois intermédiaires entre Bafoulabé et Bamakou »9. Le 7 octobre, des instructions complémentaires précisent encore : « Pour chaque point de cette ligne où vous croiriez qu’un poste pourrait être établi, donnez-moi : une levée topographique des lieux, des renseignements sur les matériaux de construction, bois, pierres, terres à briques, Revue historique des armées, 271 | 2013 Le rôle de la flottille du Niger dans la conquête du Soudan français, 1884-1895 3 pierres à chaux ou à plâtre, qui se trouvent sur la place ou à des distances que vous déterminerez ; sur les productions naturelles susceptibles de fournir un aliment au commerce, sur la densité de la population du lieu même et des provinces voisines, sur la nature et l’importance des relations commerciales dont ce lieu pourrait devenir le centre »10. Sur le plan diplomatique, le général fait précéder l’expédition Mage d’une lettre avertissant El Hadj Omar de ne pas inquiéter sa sûreté, et des renseignements sont pris sur l’accueil favorable qu’elle pourrait recevoir à Ségou, ville du moyen Niger gouvernée par son fils, Ahmadou Tall11. 5 Accompagné du médecin de marine Quintin, le lieutenant de vaisseau Mage quitte Médine le 25 novembre 1863, avec pour seule escorte une dizaine de porteurs autochtones. Repérant l’emplacement des futurs postes français, à Bafoulabé et à Kita, l’expédition rejoint le Niger à hauteur de Nyamina, puis poursuit son voyage en pirogues jusqu’à Ségou qu’elle atteint le 28 février 1864. Mais la situation sur place a changé après la disparition mystérieuse d’El Hadj Omar. Ahmadou Tall souhaite maintenant limiter ses contacts avec la France et retient ses « hôtes » pendant deux années. Finalement rendus à leur liberté, le 6 mars 1866, Mage et Quintin rallient Médine le 28 mai. Cette longue expédition n’eut donc pas de conséquences politiques, mais elle ramène néanmoins une somme considérable d’informations ethnographiques et géographiques permettant de mieux cerner l’état politique et social du Soudan ainsi que la topographie du pays entre Sénégal et Niger12. Disparu en 1869 au large de Brest, le lieutenant de vaisseau Mage a suscité des vocations et tracé le plan d’action des officiers qui prendront sa relève : « Si la France veut intervenir d’une manière efficace dans la politique du Soudan, il n’y a, suivant moi, qu’un moyen sérieux, c’est de remonter le Niger avec des bâtiments, soit qu’on parvienne à leur faire franchir le rapide de Boussa, soit qu’on les construise au-dessus de ce barrage. Ma conviction est que l’opération est possible »13. 6 Possible, sans nul doute, mais pas dans l’immédiat. Car après la guerre de 1870, vient le « temps du recueillement » qui met l’idée coloniale en sommeil. Elle revient cependant portée avec une vigueur accrue par les hommes nouveaux des premiers cabinets républicains et une jeune génération d’officiers supérieurs. Ainsi, dès 1879, deux ministres, celui des Travaux publics, Charles de Freycinet, et celui de la Marine, l’amiral Jean-Bernard Jauréguiberry, présentent des projets concurrents de chemins de fer en Afrique de l’Ouest. Le premier est une ligne transsaharienne depuis l’Algérie jusqu’à Tombouctou ; le second une voie reliant Saint-Louis du Sénégal à Bamako.
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