
Les Contemplations Livres IV-V Du même auteur dans la même collection L’ A RT D’ÊTRE GRAND-PÈRE. LES BURGRAVES. LES CHANSONS DES RUES ET DES BOIS. LES CHÂTIMENTS (édition avec dossier). CLAUDE GUEUX (édition avec dossier). LES CONTEMPLATIONS. LES CONTEMPLATIONS, LIVRES I-IV (édition avec dossier). CROMWELL. LE DERNIER JOUR D’UN CONDAMNÉ (édition avec dossier, précédée d’une interview de Laurent Mauvignier). LES FEUILLES D’AUTOMNE.LES CHANTS DU CRÉPUSCULE. HERNANI (édition avec dossier). L’ HOMME QUI RIT (2 vol.). HUGO JOURNALISTE. LA LÉGENDE DES SIÈCLES (2 vol.). LUCRÈCE BORGIA (édition avec dossier). LES MISÉRABLES (3 vol.). NOTRE-DAME DE PARIS (édition illustrée avec dossier). ODES ET BALLADES.LES ORIENTALES. PRÉFACE DE CROMWELL (édition avec dossier). QUATREVINGT-TREIZE (édition avec dossier). RUY BLAS (édition avec dossier). THÉÂTRE I : Amy Robsart. Marion de Lorme. Hernani. Le roi s’amuse. THÉÂTRE II : Lucrèce Borgia. Ruy Blas. Marie Tudor. Angelo, tyran de Padoue. LES TRAVAILLEURS DE LA MER (précédé d’une interview de Patrick Grainville). WILLIAM SHAKESPEARE (édition avec dossier). HUGO Les Contemplations Livres IV-V • PRÉSENTATION NOTES d’Esther Pinon DOSSIER CHRONOLOGIE BIBLIOGRAPHIE de Sylvain Ledda GF Flammarion No d’édition : L.01EHPN001006.N001 Dépôt légal : juin 2020 © Flammarion, Paris, 2020. ISBN : 978-2-0815-1084-5 Présentation En 1877, Victor Hugo place en tête de la « Nouvelle Série » de La Légende des siècles « La Vision d’où est sorti ce livre », poème composé en 1859 mais qu’il date d’avril 1857. Il en fait ainsi symboliquement sa première pièce de vers écrite après Les Contemplations, parues en avril 1856, et inscrit La Légende des siècles dans la continuité des « Mémoires d’une âme 1 ». Le recueil lyrique et le recueil épique ont en partage l’ambition de saisir l’his- toire (les Mémoires, les siècles) et de la transcender par l’intime et l’universel (l’âme, la légende). De fait, la « Vision » est encore une contemplation, dont les pre- miers vers portent le souvenir du livre passé autant que le programme du livre à venir : J’eus un rêve : le mur des siècles m’apparut. C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, 1. Désignation générique et métaphysique que Hugo propose dans la préface des Contemplations (voir p. 204-206) : « Qu’est- ce que les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait appeler, si le mot n’avait quelque prétention, les Mémoires d’une âme.» 8 Les Contemplations Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, […] Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire 1[.] Bien que leurs proportions soient moindres que celles des trois séries de La Légende des siècles, les six livres des Contemplations constituent eux aussi un « édifice ayant un bruit de multitude », et parcourent toute la gamme de l’univers sonore, de l’inaudible à l’assour- dissant : « Cela commence par un sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l’abîme 2. » Comment traduire en un langage intelli- gible, c’est-à-dire articulé et unifié, le chaos de mur- mures et de cris de la « multitude » ? C’est tout l’enjeu de la contemplation, regard intérieur, plongée aux tré- fonds de soi d’où doit émerger la poésie, parole de tous pour tous. LA VIE D’OÙ EST SORTI CE LIVRE Il est peu d’œuvres poétiques qui se réfèrent plus ouvertement que Les Contemplations à leur contexte his- torique et biographique 3. Cet ancrage dans le passé récent et le présent de l’auteur est particulièrement sensible dans les livres IV et V qui, ponctués de noms 1. La Légende des siècles, t. I, Flammarion, « GF », 2014, p. 65. 2. Préface des Contemplations, voir p. 205. 3. On consultera avec profit la biographie de référence de Hugo : Jean-Marc Hovasse, Victor Hugo,t.I.Avant l’exil. 1802-1851 et t. II. Pendant l’exil I. 1851-1864, Fayard, 2002-2008. Présentation 9 de lieux et de personnes, de dédicaces et de dates commémoratives, peuvent se lire comme un album familial et amical 1, renfermant les souvenirs d’un pan de vie. Au regard de leur genèse, et en dépit de ce que cette catégorie peut avoir de suspect, Les Contemplations sont d’abord une œuvre de circonstance : ce sont les circons- tances, politiques et intimes, qui en dictent l’écriture. À deux reprises, Hugo subit l’épreuve du silence imposé. Le 4 septembre 1843, alors qu’il est en voyage dans les Pyré- nées en compagnie de sa maîtresse, Juliette Drouet, sa fille Léopoldine se noie dans la Seine lors d’une promenade en canot avec son mari. Outre qu’il doit affronter le caractère indicible du deuil et de sa propre culpabilité, il a perdu l’interlocutrice privilégiée qu’était l’aînée de ses enfants, 2 initiatrice symbolique de la création . Huit ans plus tard, le 2 décembre 1851, le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte le prive du droit à la parole publique qui était le sien depuis son élection à l’Assemblée constituante en 1848 et à l’Assemblée législative l’année suivante. [...] 1. Voir Florence Naugrette, « L’album », Actes du colloque sur Les Contemplations des 4-5 novembre 2016 (dir. C. Millet, Fl. Naugrette et H. Scepi), mis en ligne en novembre 2016, http://groupugo. div.jussieu.fr/Groupugo/Colloques%20agreg/ Les%20Contemplations/Textes/Naugrette_Album.htm. 2. Voir par exemple « Ô souvenirs ! printemps ! aurore !… » (IV, IX) : « Le soir, comme elle était l’aînée,/ Elle me disait : ‘‘Père, viens !// Nous allons t’apporter ta chaise,/ Conte-nous une histoire, dis !’’ — », p. 73. Les Contemplations Livres IV-V « AUJOURD’HUI » (1843-1855) Livre quatrième PAUCA MEÆ 1 1. Sur la signification de ce titre, voir la Présentation, p. 23. I Pure Innocence ! Vertu sainte ! Ô les deux sommets d’ici-bas ! Où croissent, sans ombre et sans crainte, Les deux palmes des deux combats ! 5 Palme du combat Ignorance ! Palme du combat Vérité ! L’âme, à travers sa transparence, Voit trembler leur double clarté. Innocence ! Vertu ! sublimes 10 Même pour l’œil mort du méchant ! On voit dans l’azur ces deux cimes, L’une au levant, l’autre au couchant. Elles guident la nef qui sombre ; L’une est phare, et l’autre est flambeau ; 15 L’une a le berceau dans son ombre ; L’autre en son ombre a le tombeau. C’est sous la terre infortunée Que commence, obscure à nos yeux, La ligne de la destinée ; 20 Elles l’achèvent dans les cieux. 52 Livre quatrième. Pauca meæ Elles montrent, malgré les voiles Et l’ombre du fatal milieu, Nos âmes touchant les étoiles Et la candeur 1 mêlée au bleu. 25 Elles éclairent les problèmes ; Elles disent le lendemain ; Elles sont les blancheurs suprêmes De tout le sombre gouffre humain. L’archange effleure de son aile 30 Ce faîte où Jéhovah s’assied ; Et sur cette neige éternelle On voit l’empreinte d’un seul pied. Cette trace qui nous enseigne, Ce pied blanc, ce pied fait de jour, 35 Ce pied rose, hélas ! car il saigne, Ce pied nu, c’est le tien, amour ! Janvier 1843 2. 1. Innocence pure, mais aussi, au sens étymologique, blancheur. 2. Sur les dates choisies par Hugo pour figurer dans le recueil et la datation réelle des poèmes d’après le manuscrit, voir la Présen- tation, p. 17-19, et le tableau en Annexe, p. 265-268. Ici, la date fictive situe le poème peu avant le mariage de Léopoldine, qu’il préfigure. II. 15 février 1843 53 II 15 FÉVRIER 1843 1 Aime celui qui t’aime, et sois heureuse en lui. — Adieu ! — Sois son trésor, ô toi qui fus le nôtre ! Va, mon enfant béni, d’une famille à l’autre. Emporte le bonheur et laisse-nous l’ennui ! 5 Ici, l’on te retient ; là-bas, on te désire. Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double devoir. Donne-nous un regret, donne-leur un espoir, Sors avec une larme ! entre avec un sourire ! Dans l’église, 15 février 1843. 1. Date du mariage de Léopoldine Hugo et Charles Vacquerie, en l’église Saint-Paul, à Paris. 54 Livre quatrième. Pauca meæ 4 SEPTEMBRE 1843 1 ………………………………………………………… 1. Date de la mort de Léopoldine, noyée dans la Seine, à Ville- quier, avec son mari. III. Trois ans après 55 III TROIS ANS APRÈS Il est temps que je me repose ; Je suis terrassé par le sort. Ne me parlez pas d’autre chose Que des ténèbres où l’on dort ! 5 Que veut-on que je recommence ? Je ne demande désormais À la création immense Qu’un peu de silence et de paix ! Pourquoi m’appelez-vous encore ? 10 J’ai fait ma tâche et mon devoir. Qui travaillait avant l’aurore, Peut s’en aller avant le soir. À vingt ans, deuil et solitude ! Mes yeux, baissés vers le gazon, 15 Perdirent la douce habitude De voir ma mère à la maison 1. Elle nous quitta pour la tombe ; Et vous savez bien qu’aujourd’hui 1. Sophie Trébuchet, mère de Victor Hugo, est morte le 27 juin 1821. L’auteur avait alors dix-neuf ans. 56 Livre quatrième. Pauca meæ Je cherche, en cette nuit qui tombe, 20 Un autre ange qui s’est enfui ! Vous savez que je désespère, Que ma force en vain se défend, Et que je souffre comme père, Moi qui souffris tant comme enfant ! 25 Mon œuvre n’est pas terminée, Dites-vous. Comme Adam banni 1, Je regarde ma destinée Et je vois bien que j’ai fini.
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