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Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton de Vaud

No 14

Séance du mardi matin 8 juin 1999

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Présidence de M me Anne-Marie DEPOISIER, présidente

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TABLE DES MATIERES

Communications (Retrait d'objets de l'ordre du jour) ...... 1280 EXPOSÉ DES MOTIFS ET PROJET DE LOI modifiant la loi du 29 novembre 1955 sur le droit de cité vaudois (LDCV) (92) (Suite du 1er débat) ...... 1281 EXPOSE DES MOTIFS ET PROJET DE DECRET accordant un crédit au Conseil d’Etat pour le remplacement du grand orgue de la Cathédrale de (93) (1 er débat) ...... 1290

La séance est ouverte à 10 heures Sont absents : Mmes et MM. Alain Bourqui, René Challande, Edna Chevalley, Roland Dapples, Pierre Duc, Daniel Dumartheray, Claire Garin, André Gasser, Luc Germanier, Eric Golaz, Martial Gottraux, Anne-Catherine Menétrey, Pierre-Etienne Monot, Lise Peters, André Reymond, Philippe Reymond, Jean-Claude Rochat, Jean-Marc Thibaud. (18) 1280 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Dont excusés : Mmes et MM. Alain Bourqui, René Challande, Edna Chevalley, Roland Dapples, Daniel Dumartheray, Claire Garin, Luc Germanier, Martial Gottraux, Anne-Catherine Menétrey, Lise Peters, André Reymond, Philippe Reymond. (12)

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Communications La présidente : — Je vous communique le contenu d’une lettre de Mme Jacqueline Maurer, conseillère d’Etat qui nous écrit ce qui suit : « Madame la présidente, Je me permets, par ces lignes, de vous informer que lors de sa séance du 2 juin 1999, la commission du Grand Conseil s’est prononcée sur une solution permettant de clarifier le financement de la loi sur la promotion économique. La commission a demandé que ce mécanisme de financement, c’est-à-dire un nouveau décret, soit explicité par le biais d’un exposé des motifs complémentaire à la loi sur la promotion économique, raison pour laquelle la loi ainsi que l’exposé des motifs et projet de décret ne pourront être présentés qu’à la session du Grand Conseil de septembre 1999. Je vous remercie de votre compréhension et vous prie d’agréer, Madame la présidente, l’expression de mes sentiments les meilleurs. » La présidente : — Vous aurez remarqué au point 16 un projet de résolution. Or, le conseiller d’Etat concerné, M. Charles-Louis Rochat nous informe que la réponse à l’interpellation du député Tillmanns interviendra la semaine prochaine. Il demande que cette résolution soit traitée juste après la réponse à ladite interpellation. Nous en ferons ainsi. Le point 16 est retiré de l’ordre du jour.

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EXPOSÉ DES MOTIFS ET PROJET DE LOI modifiant la loi du 29 novembre 1955 sur le droit de cité vaudois (LDCV) (92) et RAPPORTS DU CONSEIL D'ETAT sur la motion Dominique Fasel tendant à la suppression des art. 5 ch. 3 et 5bis de la loi sur le droit de cité vaudois (92) et sur le postulat Madeleine Burnier sur le droit de cité vaudois (92) Le débat est repris. Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat. Article premier . — Art. 5 . — M. Laurent Ballif, rapporteur : — Vu qu’il y a en fait trois thèmes dans cet exposé des motifs, je souhaiterais que nous puissions discuter précisément les alinéas. En effet, à ce défaut, nous allons discuter en même temps de l’alinéa 3, qui est abrogé et qui concerne la réponse à M. Fasel, et de l’alinéa 6 qui fait l’objet d’un amendement concernant un autre objet. Je préférerais donc que, si possible, l’on procède par alinéa. Il en sera fait ainsi. Le point 3 est abrogé. Point 6 Mme Eliane Rey : — Le Conseil d’Etat proposait une nouvelle version disant ceci : avoir une situation lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il a la charge ; la commission, à la majorité, a proposé la suppression de ce point 6. Or, j’aimerais vous rappeler à cet égard la teneur des articles 159 et 163 du Code civil dont le premier dit ceci : « Les époux s’obligent mutuellement à assurer la prospérité du mariage d’un commun accord et à pourvoir ensemble à l’entretien et à l’éducation des enfants. » L’article 163 quant à lui disant ceci : « Mari et femme contribuent chacun selon ses facultés à l’entretien convenable de la famille. » Il me semble dès lors que ce qui, dans notre code de base, est demandé aux Suisses peut aussi l’être aux personnes qui souhaitent acquérir notre 1282 Séance du mardi matin 8 juin 1999

nationalité. La première solidarité s’exerce au sein de sa propre famille, c’est la raison pour laquelle je vous propose de ne pas suivre la commission et de modifier comme suit le texte de ce chiffre 6 : « Art. 5 . — Chiffre 6. Subvenir, selon ses facultés, à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il/elle a la charge. » En aucune manière, cette formulation – qui reprend les termes du Code civil – n’écarte les personnes au bénéfice de l’AI, ce qui n’est, bien entendu, pas le but. Néanmoins, elle permet de ne pas prendre en considération des demandes de personnes qui ne font manifestement aucun effort pour s’intégrer au monde socioprofessionnel. Je vous demande d’accepter cet amendement. M. Laurent Ballif, rapporteur : — La commission, lorsqu’elle s’est penchée sur une proposition de suppression de ce point 6, avait une interprétation différente de celle de M me Rey. En effet, nous avons estimé qu’un certain nombre de personnes, en particulier aux études, pour lesquelles la porte avait été ouverte avec l’introduction, il y a une année, de la possibilité d’obtenir la naturalisation en cas de résidence et non d’établissement – soit la modification de l’alinéa 2 de cet article 5 –, se trouveraient dans la situation de ne plus être en état de subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille, comme demandé ici. L’une des raisons pour lesquelles nous avons supprimé cet article est la volonté expressément évoquée dans notre conseil que ceux qui viennent faire des études pendant une assez longue période – entre 15 et 25 ans – qui font une partie de leur carrière scolaire et universitaire ici, que ceux-ci soient en droit de demander la naturalisation puisque, dorénavant, il est possible de l’obtenir par simple résidence en Suisse. Nous voulions éviter que des gens qui bénéficient actuellement de ces avantages s’en trouvent privés par l’introduction de la notion de « subvenir à ses besoins » Par ailleurs, le second raisonnement de la commission est le suivant. Nous avons tenté, au niveau cantonal, de retirer du processus de naturalisation les embûches financières qui s’y trouvaient, en particulier, les montants des finances cantonale et communales ; il serait dès lors malvenu d’introduire une nouvelle restriction financière par le biais de cet alinéa 6. C’est pourquoi je vous invite à suivre la majorité de la commission et à accepter la suppression totale de cet alinéa et non pas son remplacement selon la proposition de Mme Rey. Mme Eliane Rey : — C’est précisément pour contourner la difficulté évoquée par M. le président de la commission que je vous propose une version qui Séance du mardi matin 8 juin 1999 1283

précise bien « selon ses facultés ». Dans mon esprit, il ne s’agit bien entendu en aucun cas, puisqu’on ouvre la possibilité aux étudiants ayant un permis B de déposer une demande de naturalisation, d’écarter, par la présente disposition lesdits étudiants. Mais, comme je l’ai dit, j’estime que ce que l’on demande aux Suisses, on peut aussi le demander aux personnes qui souhaitent acquérir notre nationalité. M. Laurent Ballif, rapporteur : — Je conçois parfaitement la manière dont Mme Rey voit son amendement, mais je ne peux pas me prononcer tant que je n’ai pas un avis de droit qui me dit que les étudiants, soit financés par leurs parents à l’étranger, soit au bénéficie d’une bourse ou autre rente, sont considérés comme répondant à ce critère-là. J’ai besoin d’avoir un avis sans quoi on vote parfaitement dans le blanc. (Rumeurs.) M. Claude Ruey, président du Conseil d’Etat : — J’ai pris connaissance de l’amendement de M me Rey, comme vous, à l’instant. Cet amendement me paraît ne pas « manger de foin », si vous me passez l’expression, en ce sens qu’il va dans la direction de ce que souhaitait la commission et de ce que le Conseil d’Etat avait introduit dans son exposé des motifs et projet de loi, peut-être un peu maladroitement parce que, en effet, cela pouvait laisser place à une interprétation restrictive que nous ne voulons pas et, dès lors, porter préjudice aux requérants – et M me Caffari est intervenue en commission. Il me semble en effet que le texte déposé par M me Rey, à savoir « subvenir selon ses facultés à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il a la charge » ne porte plus préjudice à des personnes au bénéfice de l’aide sociale, de l’AI ou autre. C’est simplement une règle qui correspond à ce que l’on trouve dans le droit fédéral et, à cet égard, il me paraît que l’amendement en tant que tel, encore une fois, ne change la volonté ni de la commission ni du Conseil d’Etat. M. Laurent Ballif, rapporteur : — Excusez-moi, mais le cas principalement évoqué est celui de l’étudiant qui fait sa carrière universitaire en Suisse, qui y reste dix ans et qui a la chance d’être financé par papa maman. Je ne porte pas de jugement moral sur sa situation mais, on est d’accord : il s’est établi pendant dix ans en Suisse, à la fin de ses études, il demande à être naturalisé, il n’a pas de ressources propres puisqu’il est financé par son père ou sa mère, est-ce que cet alinéa lui permet de déposer sa demande ? J’aimerais que l’on réponde à cette question. M. Claude Ruey, président du Conseil d’Etat : — Ce n’est pas seulement le cas de l’étudiant, ce serait le cas de tout enfant. 1284 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Il faudrait ajouter, si M me Rey est d’accord, après les mots avoir une situation « lui permettant » de subvenir, parce que « subvenir » est un terme actif – je crois comprendre que c’est le sens de l’intervention de M me Rey. Et si l’on dit « avoir une situation lui permettant de subvenir à ses besoins », cela règle le cas pour tout le monde. Mais, je n’en tourne pas la main. Mme Eliane Rey : — La proposition de M. le conseiller d’Etat me paraît tout à fait bonne. Par ailleurs, « selon ses facultés », cela signifie selon ses capacités, ses aptitudes, ses possibilités. Un étudiant ne travaille pas et on ne peut pas lui demander de subvenir à ses besoins. (Rumeurs.) Donc, cela me paraît clair, et je vous invite à accepter cet amendement modifié par M. le conseiller d’Etat. La présidente relit l’amendement : « Art. 5 . — Point 6. Avoir une situation lui permettant de subvenir selon ses facultés à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il ou elle a la charge. » L’amendement Eliane Rey est adopté par 54 voix contre 50 et 5 abstention. M. Laurent Ballif, rapporteur : — Je tiens à rappeler que la commission a amendé le texte initial en demandant l’abrogation de ce point 6 et que normalement on devrait opposer maintenant le texte amendé du Conseil d’Etat à l’amendement de la commission. L’amendement de la commission (abrogation) est adopté par 64 voix contre 49 et 1 abstention. Le point 6 est abrogé. Mme Eliane Rey : — Permettez-moi d’intervenir pour la clarté du débat. Nous nous trouvons au terme de ce vote avec une décision d’abrogation du point 6. Or, tout à l’heure nous avons eu un vote nous disant que mon amendement était accepté. Dès lors, ce que je vous demande, madame la présidente, c’est de procéder à un vote très clair, c’est-à-dire d’opposer la version de mon amendement, accepté par le plénum, à la demande d’abrogation de la commission et de le dire en des termes très clairs, ce qui n’a pas été fait. Ainsi, la décision qui l’emportera sera définitive. La présidente : — C’était très clair, madame la députée : j’ai rappelé que votre amendement avait été accepté et qu’il allait ensuite être amendé par la commission pour une abrogation. Mais je demande volontiers un nouveau vote, si vous le voulez. (Brouhaha.) M. Jacques-André Haury : — Il me paraît que la procédure de M me la présidente était correcte. Cela dit, nous sommes dans un premier débat, il Séance du mardi matin 8 juin 1999 1285

vaudra la peine de reprendre la chose au deuxième débat pour plus de clarté, mais il est inutile de reprendre maintenant ce comptage. Mme Eliane Rey : — (Brouhaha.) Ce n’est pas la même chose de soumettre un vote au plénum en demandant qui est pour l’abrogation et qui est contre ou de lui demander qui est pour la suppression telle que proposée par la commission et qui est pour l’amendement de M me Rey qui propose une nouvelle version. J’estime que les votes doivent être soumis au Grand Conseil en des termes clairs. La présidente demande à M me Rey, qui acquiesce, si elle désire la contre- épreuve. Elle précise que si l’assemblée adopte l’amendement de la commission, cela signifiera la suppression de l’amendement de M me la députée Rey, accepté précédemment. La présidente fait voter sur la suppression du point 6 (amendement de la commission). Le point 6 est supprimé par 69 voix contre 52 et 6 abstentions. L’article 5, amendé, est adopté avec quelques avis contraires et abstentions. Les articles 5 bis (avec quelques avis contraires et abstentions), 8 et 8a (sans avis contraire, avec quelques abstentions) sont adoptés. « Art. 16 (de l’empd 92/compl). — Mme Eliane Rey : — A l’heure où l’on propose de supprimer la finance de naturalisation, il me paraît important de regarder de plus près la question des émoluments. Le traitement des dossiers de naturalisation entraîne des charges, de personnel notamment, et l’ouverture aux titulaires des permis B et F va augmenter le nombre des demandes de naturalisation. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir si le Conseil d’Etat prévoit d’augmenter le nombre de personnes affectées à cette tâche. Un émolument a, pour contrepartie, un service rendu. Il se distingue par là de l’impôt qui est prélevé sans condition. Il est bien évident que le montant des émoluments ne doit pas dépasser les charges car il s’agirait alors d’un impôt. Je suis donc d’avis que la quotité de l’émolument doit être en rapport avec le coût de la prestation. J’estime dès lors que les émoluments de naturalisation doivent tenir compte du temps et du travail occasionné pour arriver à une couverture raisonnable des coûts. On sait que ces émoluments varient entre 100 et 690 francs, qu’aux comptes 1998, ils ont atteint un total de 100 000 francs environ; on nous dit par ailleurs qu’il y a entre 600 et 800 demandes par année, ce qui nous donne une moyenne de 125 francs par dossier. Si, d’un autre côté, 1286 Séance du mardi matin 8 juin 1999

l’on regarde les charges entraînées par le travail de naturalisation, on arrive à environ 420 000 francs (1998). Si l’on compare ces émoluments de 100 000 francs (comptes 1998) à une charge de 420 000 francs, on voit que l’on couvre le quart de la charge. J’estime pour ma part que c’est insuffisant et que les émoluments devraient couvrir au moins la moitié des charges. Il est bien évident que cela ne concerne pas les étudiants entre 11 et 25 ans auxquels il faut vraiment laisser les émoluments les plus bas. Ce n’est donc que si le Conseil d’Etat se déclarait prêt à augmenter les émoluments que j’accepterais la suppression de la finance de naturalisation. Nous sommes dans une situation financière difficile et on peut, bien sûr, faire preuve de générosité, mais il y a des limites. En l’occurrence, il me semblerait donc raisonnable d’augmenter quelque peu ces émoluments. M. Laurent Ballif, rapporteur : — M me Rey a raison. Jusqu’à présent, l’insuffisance des émoluments était partiellement couverte par l’existence d’une finance cantonale réelle – même si elle était ensuite affectée à un autre poste. Toutefois, je n’ai pas l’impression que cela doive figurer expressis verbis dans ce document, mais je crois qu’il y a une opération en cours pour revoir l’ensemble des émoluments du canton. Il me paraît effectivement que les frais occasionnés (c’est la définition du mot émoluments) doivent être couverts, mais j’espère en tout cas que cela ne fera pas hésiter certains d’entre vous face à la suppression de la finance car il s’agit, à mon avis, d’une autre problématique. Il suffit véritablement que les frais du canton soient couverts par les montants retenus au titre des émoluments. M. Claude Ruey, président du Conseil d’Etat : — La question des émoluments a été évoquée dans le cadre de la Table ronde et il y a une recommandation qui vise à traiter de manière générale l’ensemble des émoluments prélevés par l’Etat en fonction des règles rappelées par M me Rey. Ce n’est donc pas dans la loi que cela se fixe mais bien dans les règlements et les tarifs adoptés par le Conseil d’Etat et cela entrera dans la problématique générale. L’article 16 est adopté avec quelques avis contraires, sans abstention. Art. 17 . — Mme Michèle Allemand : — J’ai un amendement à vous proposer au troisième alinéa. Il s’agit d’un amendement de cohérence par rapport au premier alinéa. Il est dit au deuxième alinéa que la finance communale ne peut excéder 500 francs pour la naturalisation ordinaire, et, au troisième alinéa, que la Séance du mardi matin 8 juin 1999 1287

finance est réduite à 100 francs. Par souci de cohérence, je vous propose donc le texte suivant : « Art. 17 . — Inchangé jusqu’à révolus, puis la finance ne peut excéder 100 francs. » Ce qui est cohérent pour les communes qui pourront percevoir cette finance de zéro à 100 francs. M. Jean-Paul Dudt : — Par souci de cohérence, effectivement, on ne peut qu’accepter l’amendement présenté par M me la députée Allemand. J’aimerais toutefois préciser qu’il ne s’agit pas des personnes concernées par la naturalisation facilitée – la naturalisation facilitée, c’est pour les gens qui font l’effort de se marier avec un conjoint suisse. (Rires.) Ici, il s’agit de la naturalisation simplifiée pour les jeunes de moins de 25 ans. Dans ce cadre, je dépose d’ores et déjà un amendement qui tend à dispenser de la finance communale les jeunes de moins de 25 ans – dont d’ailleurs le 60% l’est déjà. Je reviendrai plus tard pour défendre cet amendement. « Art. 17 . — Al. 3. L’étranger qui présente sa demande entre 11 et 25 ans révolus est dispensé de finance de naturalisation. » M. Claude Ruey, président du Conseil d’Etat : — La teneur de l’amendement de M me Allemand est donc la suivante : « Pour l’étranger qui présente sa demande entre 11 et 25 ans révolus, la finance ne peut excéder 100 francs. » Lors du débat sur l’entrée en matière, j’avais déjà indiqué qu’il s’agissait d’une erreur technique dans la rédaction de l’exposé des motifs et que je pouvais me rallier entièrement à cet amendement qui correspond tout à fait à l’intention du Conseil d’Etat consistant à limiter à 100 francs maximum la finance communale pour les personnes entre 11 et 25 ans. L’amendement est donc parfaitement pertinent. L’amendement Michèle Allemand est adopté sans avis contraire ni abstention. M. Jean-Paul Dudt : — Dans le régime actuel, certains étrangers à très hauts revenus peuvent payer plusieurs milliers de francs à la commune à laquelle ils demandent la naturalisation alors que la réforme envisagée – que nous soutenons entièrement – tend à abaisser la finance communale à un maximum de 500 francs. Quant aux jeunes de moins de 25 ans, ils sont déjà actuellement 60% environ, me suis-je laissé dire, à bénéficier d’une exonération totale des frais de naturalisation communaux ; ils ne seront donc plus que 40% à payer les 1288 Séance du mardi matin 8 juin 1999

100 francs prévus. J’estime que, dans un système de proportionnalité où l’on passe de plusieurs milliers de francs à 500 francs maximum, on devrait aussi faire un geste envers ces jeunes, que l’on veut quand même pousser à se naturaliser, en les exemptant complètement de ladite finance. Cela ferait baisser de quelques centaines de francs, au plus de 1000 francs, les finances des communes où se trouvent quelques cas de ce genre – au maximum une dizaine. M. Claude Ruey, président du Conseil d’Etat : — Si je comprends bien, M. Dudt veut imposer aux communes la suppression totale de la finance pour les jeunes. L’idée en soi m’est sympathique mais le fait de l’imposer, contrairement à l’accord intervenu avec l’Union des communes vaudoises, ne me paraît pas recevable. Il y a une question de bonne foi et de gentlemen agreement avec l’UCV qui doit nous conduire à ne pas forcer les communes à renoncer à la finance de 100 francs. Je préciserai que Lausanne, Vevey, , Epalinges, Moudon, Le Chenit, Bussigny, , Orbe ne réclament aucune finance, que Cossonay, La Tour- de-Peilz, Montreux la limitent à 100 francs, que Lutry va la proposer à 100 francs. C’est donc plus de 40% de la population de ce canton qui est déjà au bénéfice de cette règle, laquelle va s’installer quasiment toute seule. Il s’agit là de la finances pour les adultes et j’ai l’impression que pour les enfants c’est encore plus large. Par conséquent, je vous invite à ne pas violer les communes et à en rester à la règle que nous vous proposons ainsi qu’au gentlemen agreement passé avec les communes. M. Jean-Paul Dudt : — Vous parlez de violer les communes, monsieur le conseiller d’Etat, mais il ne s’agit pas de cela. En effet, si les communes peuvent se sentir violées, comme vous dites, c’est par rapport à une certaine perte d’argent. Or, l’abaissement de plusieurs milliers de francs à un maximum de 500 francs fera, pour un seul cas, perdre beaucoup plus d’argent aux communes que le geste que je propose et qui est plus que symbolique. Si vous ne l’acceptez pas, je pense qu’il serait mal compris que l’on fasse des cadeaux à des personnes jouissant de très gros revenus et que l’on n’en fasse pas à d’autres qui sont censées ne pas avoir de revenu du tout ! Encore une fois, le geste que je propose ne fera perdre aux communes que quelques centaines de francs et je vous propose d’accepter quand même cet amendement. M. Claude Ruey, président du Conseil d’Etat : — Encore une fois, je comprends l’intention de M. Dudt et elle m’est tout à fait sympathique. Je dis simplement que, s’agissant des 500 francs et des 100 francs, nous avons passé Séance du mardi matin 8 juin 1999 1289

un accord avec l’Union des communes vaudoises que nous avons consultée – et consultée à la baisse, si j’ose employer cette expression –, raison pour laquelle il me paraît que l’on peut laisser aux communes la liberté d’abaisser elles- mêmes de 100 à zéro franc la finance de naturalisation pour les jeunes. Ce serait une intention morale plus qu’une imposition par la loi. L’amendement Jean-Paul Dudt est refusé à une large majorité. L’article 17, amendé, est adopté avec quelques avis contraires et abstentions. Les articles 25 et 28 sont adoptés sans avis contraire ni abstention. L’article 34 est abrogé sans avis contraire ni abstention. L’article 34a est adopté sans avis contraire ni abstention. Art. 44 . — M. Laurent Ballif, rapporteur : — Cet article a donné lieu à un amendement formel dont le but est de clarifier la situation. Lorsqu’un Vaudois domicilié dans un autre canton demande un droit de cité communal et cantonal de ce nouveau canton, il a le droit de faire une demande expresse afin de pouvoir conserver une seule de ses anciennes bourgeoisies vaudoises, alors que la formulation proposée par le Conseil d’Etat laisse dans le vague la question de s’avoir s’il avait le droit de demander de conserver la totalité de ses bourgeoisies vaudoises antérieures. L’amendement de la commission dit donc ceci : « Le Vaudois, domicilié hors du canton, perd son droit de cité vaudois, et par là même sa ou ses bourgeoisies vaudoises, par l’acquisition du droit de cité par naturalisation dans un autre canton, sous réserve d’une déclaration expresse visant à conserver une seule bourgeoisie vaudoise, dans les deux mois qui suivent, auprès de l’autorité compétente. » Il s’agit donc purement d’une clarification. L’amendement de la commission est adopté sans avis contraire ni abstention. L’article 44, amendé, est adopté sans avis contraire, avec 1 abstention. Les articles 45 et 50 sont adoptés sans avis contraire ni abstention. L’article premier du projet, amendé, est adopté. L’article 2 du projet est la formule d’exécution. Le projet de loi est adopté en premier débat. Le deuxième débat interviendra ultérieurement. Le rapport du Conseil d’Etat sur la motion Dominique Fasel et le postulat Madeleine Burnier seront traités en deuxième débat. 1290 Séance du mardi matin 8 juin 1999

EXPOSE DES MOTIFS ET PROJET DE DECRET accordant un crédit au Conseil d’Etat pour le remplacement du grand orgue de la Cathédrale de Lausanne (93)

1. INTRODUCTION La Cathédrale de Lausanne est le monument gothique le plus vaste et le plus admirable de Suisse. Sanctuaire cantonal, elle est non seulement le centre de la vie religieuse du canton de Vaud mais elle joue aussi un rôle de premier plan dans la vie culturelle et musicale et accueille les grandes cérémonies publiques de notre pays. Avec plus de quatre cent mille personnes qui en franchissent le seuil chaque année, elle est le monument le plus visité du canton de Vaud et l’un des monuments les plus visités de Suisse. Cet héritage magnifique doit être mis en valeur. Au cours des dernières décennies, d’importants travaux ont été réalisés afin de préserver cet édifice et de le restaurer. La Tour lanterne, la Rose et ses vitraux du XIIIe siècle, le Portail peint ont fait l’objet d’une restauration attentive. D’autres travaux devraient encore intervenir afin de conserver à la Cathédrale la splendeur qui a fait sa renommée tout au long des siècles, depuis sa consécration solennelle, le 20 octobre 1275, par le Pape Grégoire X en présence de l’empereur Rodolphe de Habsbourg, roi des Romains. Pour assurer son rayonnement religieux et culturel, la Cathédrale doit disposer d’un orgue digne du rôle qu’elle joue et du symbole qu’elle représente dans le pays tout entier. L’orgue actuel est en fin de vie. La Cathédrale doit donc recevoir un grand orgue qui, par sa conception, ses dimensions et ses caractéristiques sera une des réalisations marquantes de notre canton et de notre pays. Cet instrument de musique en tous points exceptionnel devrait donner à la Cathédrale la voix qui lui a parfois manqué à travers les siècles. L’objet du présent EMPD est de solliciter auprès du Grand Conseil un crédit de Fr. 2’330’000.-- destiné au financement partiel des nouvelles orgues de la Cathédrale de Lausanne.

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2. SITUATION INITIALE

2.1 Rappel historique La présence d’un orgue dans la Cathédrale remonte à près de six cents ans, puisque c’est en 1411 que l’on trouve la première mention d’un orgue (sans doute s’agissait-il d’un petit orgue de choeur, un positif) placé à proximité du maître-autel. En juin 1457, l’assemblée capitulaire décida la construction d’un “ orgue neuf ”. Placé en bas de la nef, il accompagnera les services religieux jusqu’à la Réforme. Cet orgue, qui avait connu selon le “ Manual du Chapitre de Lausanne ” plusieurs restaurations, sera fondu en 1537 et il n’en restera que quelques lingots de plomb. Il faudra attendre 1733 pour retrouver la présence d’un orgue dans la Cathédrale de Lausanne. Celui-ci, construit vers 1725 par Samson Scherrer sans doute pour la Cathédrale de Berne qui le refusa, fut installé provisoirement à Lausanne dans l’attente d’un acquéreur. L’orgue était là depuis dix-huit ans lorsqu’il fut décidé de le vendre aux enchères. Aucun acheteur ne se présentant, l’orgue demeura “ entreposé ” à la Cathédrale. Finalement, en 1763, LL.EE. se déclarèrent favorables à l’achat et prirent à leur charge la moitié du prix. La Ville de Lausanne et une souscription complétèrent la somme. Trente ans après son arrivée à la Cathédrale, l’orgue était finalement acheté et payé. Comprenant 33 jeux et 3 claviers, cet instrument présentait le type même de l’orgue classique tel qu’on le rencontrait en Europe au XVIIIe siècle. Cet orgue connut ses heures de gloire, les musiciens célèbres de passage à Lausanne s’y firent entendre, inaugurant ainsi la pratique des “ récitals d’orgue ”. Dès les années 1840, il est question du remplacement de l’orgue Scherrer qui connaît des problèmes et qui sera démonté en 1901 pour être remplacé, en 1903, par un nouvel instrument construit par le facteur d’orgues Théodore Kuhn. Il comprenait 77 jeux, 4 claviers, 4’834 tuyaux. Son financement (soixante mille francs) fut assuré par une souscription. La transmission pneumatique-tubulaire qui caractérisait cet orgue montra assez rapidement ses limites. En décembre 1949, une motion fut déposée au Grand Conseil en faveur de la construction de nouvelles orgues pour la Cathédrale. Elles furent inaugurées le 13 novembre 1955. Pour son financement, le Grand Conseil accorda en 1952 un crédit couvrant la moitié du coût de l’instrument. Le solde fut assuré par une souscription publique, comme en 1763 et en 1903 déjà ! 1292 Séance du mardi matin 8 juin 1999

2.2 L’orgue actuel : un des deux plus grands instruments de musique de Suisse Le grand orgue de la Cathédrale de Lausanne a été construit entre 1953 et 1955 par la manufacture Kuhn de Männedorf/ZH, qui avait déjà réalisé l’orgue de 1903. Il a été considérablement modifié en 1965, car il avait été construit trop en retrait et « sonnait » mal. Ses 99 jeux (87 jeux réels) et ses 6’638 tuyaux, en font le deuxième instrument de Suisse après celui de l’Eglise du Couvent d’Engelberg (134 jeux). Esthétiquement, il correspond à la tendance de l’architecture d’accompagnement des années 1950-1960 : son style est neutre pour ne pas nuire à l’ensemble du monument. Il n’y a pas lieu d’accorder une valeur exceptionnelle à cet instrument. En effet, l’orgue actuel ne constitue pas, historiquement et esthétiquement parlant, une création remarquable des années 1950-1960. En outre, les modifications tentées en 1965 pour améliorer sa sonorité se soldent par des résultats insuffisants qui en font un instrument « bricolé ».

2.3 Utilisation L’utilisation du grand orgue est multiple. Il est en priorité utilisé : – pour les cultes dans le cadre de la Paroisse de la Cathédrale et de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) (notamment culte de consécration); – pour les récitals d’orgue organisés par la Société des Concerts de la Cathédrale (une vingtaine par année); – pour des cérémonies officielles (installation des autorités cantonales, manifestations commémoratives); – pour l’enseignement par l’organiste titulaire dans le cadre du Conservatoire de Lausanne (essentiellement pour les élèves professionnels de degrés diplôme et virtuosité). Il faut souligner que l’orgue de la Cathédrale est, avec l’orgue de l’Eglise St- François, le seul instrument de Lausanne qui permette d’aborder l’ensemble du répertoire symphonique et contemporain. Alors que l’on trouve à Lausanne de très nombreux instruments d’esthétique baroque, de petite ou moyenne dimension, (églises Saint-Paul, St-Laurent, Villamont, Conservatoire), des instruments de plus grande dimension font défaut. Lausanne ne dispose pas non plus de salle de concert avec orgue (comme le Victoria Hall à Genève, la Tonhalle à Zürich, le Casino de Berne ou encore la salle de musique de la Séance du mardi matin 8 juin 1999 1293

Chaux-de-Fonds ; cf. chif. 3.1 ci-dessous). L’orgue de la Cathédrale permet donc aussi d’aborder le répertoire pour orgue et orchestre .

2.4 Bilan technique : un géant fragile Depuis plusieurs années, les services de l’Etat se sont préoccupés des signes de vieillissement donnés par le grand orgue et de l’importance des travaux d’entretien à envisager. Du fait de la conception adoptée à l’époque (transmission électro-pneumatique, absence de buffet), cet instrument a subi un vieillissement très rapide et ne présente plus actuellement une fiabilité suffisante. Sa tuyauterie est ouverte et donc exposée à la poussière. Le système de traction électro-pneumatique est usé, et la console en mauvais état. Les sommiers sont fissurés, et les coulisses sont à réparer. Il n’y a guère que l’alimentation en air et la ventilation qui soient encore en bon état. Cette usure n’a rien d’exceptionnel. Alors qu’un orgue construit avec une transmission mécanique peut défier les siècles (que l’on pense par exemple à l’orgue de Valère qui date en partie du XIVème siècle), les instruments à traction électro-pneumatique n’ont guère qu’une cinquantaine d’années d’espérance de vie. D’autres instruments d’un âge, d’un style et d’une conception comparables à celui de la Cathédrale de Lausanne ont déjà été remplacés ou abandonnés (Cathédrale de Berne, Collégiale de Neuchâtel par exemple). Ce type de transmission a du reste aujourd’hui été pratiquement abandonné. Compte tenu de sa sensibilité à la poussière due à l’absence de buffet, l’orgue de la Cathédrale devrait faire l’objet d’un relevage (contrôle général) en moyenne tous les dix ans. Dans la perspective du changement d’instrument, et pour économiser les frais d’un tel relevage, l’orgue de la Cathédrale a été révisé pour la dernière fois en 1986. Il ne fait plus depuis lors l’objet que d’un entretien ponctuel, et son état de détérioration ne permet plus de garantir un fonctionnement fiable. En d’autres termes, l’orgue n’est plus jouable avec sécurité (risques de pannes, de fuites, de « notes bloquées » ou « cornements ») en raison de l’usure générale du système de transmission électro-pneumatique et des soupapes.

2.5 Une restauration exclue Seule une rénovation totale des sommiers, de la transmission électro- pneumatique (commande des touches et commande des jeux) et de la console permettrait d’assurer la fiabilité technique de l’instrument. Cela reviendrait à restaurer 60 % de instrument pour plus de 50 % du coût d’un orgue neuf 1294 Séance du mardi matin 8 juin 1999

(ordre de grandeur Fr. 1.5 mio) sans possibilité d’améliorer les autres défauts de l’instrument (emplacement trop en retrait, aspect visuel quelconque, intégration insatisfaisante dans l’édifice). Les mêmes problèmes de transmission recommenceraient du reste à se poser après quelques années.

3. VERS UN NOUVEL ORGUE : DÉMARCHE SUIVIE Un groupe de travail interdépartemental s’est constitué en 1993 afin d’opérer une réflexion globale sur l’avenir de cet instrument. Il s’est donné pour objectif de définir un certain nombre d’options fondamentales telles que : 1. le choix de principe entre la restauration de l’instrument actuel et la réalisation d’un nouvel instrument, 2. l’emplacement de l’instrument, 3. les problèmes d’intégration architecturale, 4. les problèmes d’intégration dans la vie musicale, culturelle et publique, 5. les moyens à mettre en oeuvre. La transformation ou la réalisation d’un nouvel orgue constitue une entreprise complexe, dépendant de facteurs très divers et complémentaires. De nombreuses contraintes - architecturales, esthétiques, acoustiques, climatologiques - interviennent dans le choix de l’option à prendre et doivent être intégrées dans l’analyse de base. C’est donc par une approche multidisciplinaire, dans un esprit ouvert et sans aucun a priori, qu’a été lancée la réflexion sur l’avenir du grand orgue de la Cathédrale.

3.1 Journée de réflexion Le 14 juin 1995, une journée de réflexion a permis de réunir des experts et des spécialistes - tant de l’instrument que de la conservation de monuments historiques -, ainsi que des personnalités du monde musical et culturel. Cette journée a été conçue comme un appel d’idées, une récolte d’avis et d’expériences devant permettre de passer en revue toutes les possibilités et les contraintes, d’établir un catalogue très ouvert des questions déterminantes pour l’avenir du grand orgue, et de prendre les options fondamentales pour la suite du projet. L’unanimité s’est faite sur un certain nombre de points qui ont fait l’objet d’un rapport au Conseil d’Etat. Séance du mardi matin 8 juin 1999 1295

• Remplacement de l’instrument actuel Compte tenu du coût d’une restauration et du fait que les défauts de conception de l’orgue actuel ne seraient pas corrigés dans l’hypothèse d’une restauration, les participants à cette journée de réflexion sont arrivés à la conclusion unanime que seul un nouvel instrument permettrait de résoudre à long terme les problèmes d’entretien posés par l’instrument actuel.

• Emplacement Après avoir passé en revue les autres emplacements possibles (transept nord, triforium), il a été décidé - pour des raisons tant acoustiques qu’architecturales - de garder l’emplacement actuel de l’orgue, en l’améliorant notablement. Dans la Cathédrale de Lausanne, la diffusion du son dans le volume de la nef est excellente (homogénéité phonique). L’orgue actuel a été construit trop en retrait. Le critère à retenir est celui de l’auditeur. Il importe de privilégier le plus possible le son direct.

• Dimensions et style L’orgue de la Cathédrale devra permettre d’aborder des répertoires plus étendus et offrir des possibilités plus larges que les instruments bien typés de la région. La Cathédrale est non seulement un lieu de culte - paroissial et cantonal -, mais aussi un lieu de culture, un monument national chargé d’histoire, la plus grande cathédrale et le principal édifice gothique de Suisse. Lausanne ne disposant pas d’un orgue dans ses salles de concert, la Cathédrale sera aussi le seul “ lieu de concert ” de Lausanne à disposer d’un orgue permettant d’aborder le répertoire pour orgue et orchestre. L’instrument de la Cathédrale devra donc être un instrument symphonique, complété par des apports classiques. Ses dimensions devraient être comparables à celles de l’instrument actuel.

• Délais et réalisation L’objectif visé est de pouvoir inaugurer le nouvel orgue de la Cathédrale dans le cadre des manifestations qui marqueront le bicentenaire de l’entrée du canton de Vaud dans la Confédération, en avril 2003. 1296 Séance du mardi matin 8 juin 1999

En ce qui concerne les délais, trois à quatre ans minimum sont nécessaires à la construction d’un instrument de cette importance, ce qui implique que le Grand Conseil doive se prononcer dans le courant de 1999, afin que l’instrument puisse être commandé cette année encore .

3.2 Désignation de la Commission des orgues Dans sa séance du 25 septembre 1996, le Conseil d’Etat a pris acte du rapport sur le remplacement du grand orgue de la Cathédrale, établi suite à ces premières réflexions. Il a donné son accord de principe pour ce remplacement ainsi que sur le principe de l’organisation d’une souscription publique afin d’assurer le financement partiel du nouvel orgue. Il a chargé une commission de poursuivre les études, de lancer un appel d’offres, d’évaluer les offres reçues, d’organiser la souscription publique et de lui soumettre un rapport final présentant le projet. La composition de la « Commission des orgues », telle qu’elle a été arrêtée par le Conseil d’Etat le 25 septembre 1996 et le 14 mai 1997 est la suivante : – M. Christian Pilloud, DFJ, chef du Service des affaires universitaires (président), – M. Jean-Pierre Dresco, DINF, architecte cantonal, chef du Service des bâtiments (dès le 1er décembre 1998 ancien chef de service), – M. Jean-Christophe Geiser, organiste titulaire de la Cathédrale, – M. Christophe Amsler, architecte mandaté à la Cathédrale, – M. Dominique Creux, juge cantonal, représentant de la Société des concerts de la Cathédrale, – M. Jacques-F. Pradervand, représentant du Conseil de paroisse de la Cathédrale, – M. Jean-Jacques Rapin, directeur du Conservatoire de Lausanne (dès le 1er septembre 1998 ancien directeur), – M. Pierre Henchoz, associé-gérant, Hentsch, Henchoz & Cie, Banquiers Privés, – M. Bernard Krahenbuehl, directeur général adjoint, Banque Cantonale Vaudoise, – Mme Michèle Girardet, DIRE, adjointe au Service de l’intérieur et des cultes (secrétaire).

La Commission s’est en outre assuré le concours de deux experts : M. Heinz Balli, organiste titulaire de la Cathédrale de Berne, et M. Olivier Latry, organiste titulaire de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Séance du mardi matin 8 juin 1999 1297

Un crédit d’études de Fr. 140’000.- a été accordé afin de financer en particulier le concours organisé dans le cadre de l’appel d’offres auprès de facteurs d’orgues (décision de la Commission des finances du 19 novembre 1996). Le 25 septembre 1996, le Conseil d’Etat a accepté le principe d’un financement mixte. La Commission estime que le 50% du prix de l’instrument pourrait être couvert par des fonds de tiers (autres collectivités publiques, mécènes, fondations, entreprises, etc.).

4. TRAVAUX DE LA COMMISSION DES ORGUES Forte de ces différentes décisions gouvernementales, la Commission des orgues a poursuivi ses travaux selon les axes suivants : – lancement de l’appel d’offres, analyse des offres et choix du facteur d’orgues; – création d’une “ Fondation pour les nouvelles orgues de la Cathédrale de Lausanne ”, liée à la mise sur pied de la récolte de fonds; – définition d’une stratégie de communication et choix d’une agence spécialisée.

4.1 Cahier des charges La Commission a commencé par définir le cahier des charges à l’intention des facteurs d’orgue. Sur le plan musical , un certain nombre d’options fondamentales ont été prises, notamment : – une composition (choix des registres) de référence a été établie; – l’orgue devra être à transmission mécanique, ce qui permettra de garantir sa longévité; – une deuxième console mobile (ensemble des claviers, du pédalier et des registres), placée dans la nef, pourra être déplacée selon les besoins, ce qui permettra de jouer le grand orgue avec un chœur, un orchestre, ou pour un service religieux spécial imposant certaines contraintes en matière d’accompagnement (culte de consécration par exemple); – le buffet, contemporain, sera dessiné par un architecte-designer, choisi par la commission. 1298 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Sur le plan architectural , un gabarit de référence a également été défini, afin d’imposer dès le départ un certain nombre de contraintes pour l’étude de l’emplacement de l’instrument. Le but du concours était avant tout de disposer de plusieurs études sur la manière de disposer l’instrument dans l’espace prédéfini.

4.2 Appel d’offres Le nombre des facteurs d’orgue susceptibles de construire un instrument de cette importance est très restreint. En particulier, il n’existe pas en Suisse romande de manufacture d’orgues ayant une expérience suffisante, ni même la taille suffisante pour réaliser un tel projet. La Commission, d’entente avec les experts, a choisi dans un premier temps les cinq facteurs d’orgue de renommée mondiale qui lui paraissaient les plus qualifiés pour présenter un projet : – deux manufactures suisses : Goll (Lucerne) et Kuhn (Zürich) – une manufacture autrichienne (Rieger) – une manufacture allemande (Woehl) – une manufacture américaine (Fisk) Peu de temps après le lancement du concours en décembre 1997, la manufacture suisse Goll s’est retirée du concours suite au décès de son directeur, et compte tenu d’une restructuration de l’entreprise qui ne lui permettait pas de présenter un projet d’aussi grande dimension. Afin de disposer d’un nombre de projets suffisants, la Commission a alors invité le facteur d’orgues français Kern à déposer un projet. Une candidature spontanée d’un facteur d’orgues allemand (Klais) a été admise par la Commission, ce qui lui a finalement permis de disposer de six projets. Tous les projets ont été présentés à la Commission par les différents facteurs les 16 et 17 juin 1998 à Lausanne.

4.3 Evaluation des projets Le premier critère retenu pour l’évaluation des projets a été celui de l’utilisation de l’espace disponible. Sur la base de ce critère, deux facteurs ont été d’emblée éliminés (Rieger et Kern). Dans une seconde phase d’évaluation, une partie des membres de la Commission a effectué un voyage d’études de deux jours en Allemagne pour voir, écouter et jouer les instruments les plus récents de Klais (Cathédrale de Cologne et Université de Bochum), Kuhn (Cathédrale de Minden) et Woehl (Eglise de Cuxhaven). Woehl, qui proposait du reste un orgue de 137 jeux pour la Cathédrale de Lausanne, fut écarté ; compte tenu des faiblesses décelées sur le plan mécanique, il ne présentait pas Séance du mardi matin 8 juin 1999 1299

de garanties suffisantes pour la réalisation de l’instrument de la Cathédrale. De très sérieuses réserves furent en outre émises à l’encontre de Klais, sur le plan du son. Bien que Klais ait alors proposé une coopération avec un facteur d’orgues français, Bertrand Cattiaux, la Commission finit par écarter le projet de Klais ; il lui a paru trop risqué de faire dépendre la réussite du projet de la collaboration d’un deuxième facteur d’orgue. Seuls Kuhn et Fisk restaient donc en lice. Une délégation de la Commission a pu écouter aux USA deux orgues récents de la manufacture Fisk (Meyerson Symphony Hall de Dallas et Rice University de Houston).

4.4 Choix final Sur la base des projets déposés et des expériences faites lors de visites en Allemagne et aux Etats Unis d’Amérique, la Commission a porté son choix à l’unanimité sur le projet de Fisk vers lequel allaient également les préférences des experts. Si sur le plan de la transmission mécanique, les deux facteurs peuvent être placés au même niveau, le projet de Fisk est en revanche supérieur à celui de Kuhn sur les points suivants : – supériorité sur le plan du son; – meilleure connaissance des différentes caractéristiques stylistiques que l’orgue devra posséder. Dans les milieux organistiques, Fisk est actuellement considéré comme l’un des meilleurs facteurs d’orgues du monde sur ce plan; – meilleure utilisation de l’espace, projet plus « aéré »; – diversité dans le patrimoine organistique lausannois, vaudois, suisse et européen ; il s’agirait du premier instrument de Fisk en Europe, alors que Kuhn, actuellement le plus grand facteur d’orgues suisse, a déjà construit l’instrument de l’Eglise Saint-François à Lausanne et qu’il construit actuellement le nouveau grand orgue de la Cathédrale de Berne; – possibilité d’une collaboration avec la Manufacture d’orgues de Lausanne (M. Mingot). Cette petite manufacture (quatre personnes) se verra confier une partie des travaux de construction de l’instrument (10% à 20%). – Les premiers contacts entre Fisk et Mingot permettent d’envisager cette collaboration; un projet de contrat entre ces deux facteurs d’orgues est en cours de préparation; – enfin, les organisateurs du concours d’orgue international de Dallas (orgue Fisk du Meyerson Symphony Hall) ontdéjà fait savoir qu’ils seraient 1300 Séance du mardi matin 8 juin 1999

heureux de pouvoir organiser l’éliminatoire européen de leur concours sur l’orgue Fisk de la Cathédrale de Lausanne. Il est important, dans ce contexte, de souligner que Fisk ne construit pas des orgues « américains ». Bien au contraire, il connaît mieux que la plupart des facteurs européens les caractéristiques stylistiques des différents orgues européens. Aux Etats-Unis, il est en complète opposition par rapport à la facture d’orgue américaine traditionnelle, ce qui explique justement son succès. L’instrument Fisk de la Cathédrale n’aura donc aucune des caractéristiques de la facture d’orgue américaine, mais sera au contraire un instrument qui réussira une forme de synthèse et de mise en parallèle de différents styles européens.

4.5 Rapport final au Conseil d’Etat En décembre 1998, la Commission des orgues a présenté à une Délégation du Conseil d’Etat, composée des Chefs du Département des institutions et des relations extérieures, du Département des infrastructures et du Département des finances, son rapport final sur le remplacement de l’orgue, sur le choix du facteur d’orgues chargé de réaliser le nouvel instrument et sur le mode de financement des nouvelles orgues. La Délégation du Conseil d’Etat a donné son accord de principe à ces différentes propositions. La Commission a été mandatée pour finaliser son rapport et préparer le projet d’EMPD.

5. FONDATION POUR LES NOUVELLES ORGUES DE LA CATHÉ- DRALE DE LAUSANNE. Le 23 décembre 1998 a été constituée la « Fondation pour les nouvelles orgues de la Cathédrale de Lausanne ». Cette Fondation a pour but de contribuer au financement de ces nouvelles orgues. Elle permettra d’offrir aux donateurs la déductibilité fiscale de leurs dons. Les membres fondateurs en sont l’Etat de Vaud, la Ville de Lausanne, la Paroisse de la Cathédrale, la Société des concerts de la Cathédrale, la Banque Cantonale Vaudoise et Hentsch, Henchoz & Cie, Banquiers Privés. Séance du mardi matin 8 juin 1999 1301

6. PROMOTION DES NOUVELLES ORGUES Compte tenu de l’importance des fonds publics et des fonds privés investis dans ce projet, ainsi que de la nécessité d’associer largement la population du Canton, les collectivités publiques, les utilisateurs et les visiteurs de la Cathédrale, il est apparu indispensable de s’adjoindre l’aide de professionnels. Soucieuse de pouvoir bénéficier de l’appui et des conseils de spécialistes en matière de communication, la Commission des orgues a lancé en janvier 1998 un concours d’idées pour l’établissement d’une stratégie de communication et l’élaboration d’un « logo » permettant d’identifier cette opération importante. Une délégation de la Commission des orgues a été reçue en février 1998 par le Comité de l’Union des communes vaudoises afin de lui présenter ce projet qui intéresse le Canton tout entier (un article a paru dans « Trait d’union » no 131 de septembre 1998). Au nombre des manifestations prévues pour soutenir la promotion en faveur des nouvelles orgues, il est prévu d’organiser un concert à la Cathédrale, en automne 2001, réunissant les artistes de renom international qui ont élu domicile dans le canton de Vaud. Des contacts sont déjà en cours avec ces artistes. Enfin, la Commission des orgues souhaite publier un ouvrage de référence sur « La musique à la Cathédrale » dont la parution devrait coïncider avec l’inauguration du nouvel instrument en 2003. Cet ouvrage présentera les nouvelles grandes orgues et l’historique des instruments précédents, et retracera l’histoire de la musique à la Cathédrale depuis le Moyen-Age, avec une attention particulière à l’activité de la Société des Concerts de la Cathédrale. Le coût de cette publication sera partiellement supporté par le fonds pour la promotion culturelle de la Cathédrale de Lausanne. Cette publication pourrait être offerte aux donateurs qui soutiendront le projet de nouvelles orgues. 1302 Séance du mardi matin 8 juin 1999

7. RÉCOLTE DE FONDS ET COMITÉ DE SOUTIEN

7.1 Démarches auprès des donateurs potentiels Dans le courant du printemps 1999, la Fondation pour les nouvelles orgues de la Cathédrale prend des contacts, avec l’appui du Conseil d’Etat, auprès de donateurs potentiels importants afin de les informer de ce projet et de leur permettre de prévoir à leur budget un soutien financier. La récolte de fonds élargie auprès de la population du Canton, des entreprises, des collectivités publiques sera organisée dès fin 2001.

7.2 Comité d’honneur La Fondation pour les nouvelles orgues est convaincue de la nécessité de disposer d’un comité d’honneur afin de l’épauler en particulier pour la récolte de fonds. A cet effet, elle fera appel à des personnalités du monde politique, des milieux culturels et économiques.

8. COÛT DE L’INSTRUMENT Le coût de remplacement du grand orgue peut se chiffrer de la manière suivante : • Instrument Fr. 3’700’000.-- • Buffet Fr. 500’000.-- • Frais d’organisation Fr. 90’000.-- • Crédit d’études préalables Fr. 140’000.-- Total Fr. 4’430’000.--

• Travaux d’infrastructure (pris en charge par le budget de fonctionnement DINF, entretien restauration Cathédrale) Fr. 410’000.--

Fr. 4’840’000.-- Séance du mardi matin 8 juin 1999 1303

9. FINANCEMENT Le financement proposé se répartit de la manière suivante : • Frais du maître de l’ouvrage à la charge de l’Etat de Vaud Fr. 230’000.-- • Participation de l’Etat de Vaud pour l’instrument Fr. 2’100’000.-- • Apport de la Fondation (récolte de fonds) Fr. 2’100’000.--

Total Fr. 4’430’000.--

• Budget de fonctionnement DINF - travaux d’infrastructure Fr. 410’000.--

Total général Fr. 4’840’000.--

Dans la participation de l’Etat de Vaud, est comprise la régularisation du crédit d’études de Fr. 140’000.-- accordé par la Commission des finances le 19 novembre 1996.

Le montant du décret s’élève donc à Fr. 2’330’000.--

Ce projet figure au plan d’investissement 2000-2002 de l’Etat de Vaud.

10. CONSÉQUENCES DU PROJET DE DÉCRET PROPOSÉ

10.1 Conséquences sur l’effectif du personnel Pas de conséquence. 1304 Séance du mardi matin 8 juin 1999

10.2 Conséquences sur le budget ordinaire a) Amortissement annuel L’investissement réalisé sera amorti en vingt ans, entraînant ainsi un amortissement annuel de Fr. 116’500.-- . b) Charge d’intérêts La charge annuelle moyenne d’intérêts pour l’investissement réalisé, calculée au taux moyen de 5 %, se monte à Fr. 64’100.-- .

10.3 Conséquences pour l’environnement Pas de conséquence

10.4 Conséquences pour les communes La qualité et les dimensions du nouvel orgue lui assureront un rayonnement culturel international dont bénéficieront la région lausannoise et le Canton. Séance du mardi matin 8 juin 1999 1305

PROJET DE DECRET accordant un crédit pour le remplacement du grand orgue de la Cathédrale de Lausanne LE GRAND CONSEIL DU CANTON DE VAUD vu le projet de décret présenté par le Conseil d’Etat décrète

Article premier. – Un crédit de Fr. 2’330’000.-- est accordé au Conseil d’Etat pour le financement du grand orgue de la Cathédrale de Lausanne Art. 2. – Ce montant sera prélevé sur le compte « Dépenses d’investissement » et amorti en vingt ans. Art. 3. – Le Conseil d’Etat est chargé de l’exécution du présent décret. Il en publiera le texte conformément à l’article 27, chiffre 2, de la Constitution cantonale et en fixera, par voie d’arrêté, la date d’entrée en vigueur.

Donné, etc.

Ainsi délibéré et adopté, en séance du Conseil d’Etat, à Lausanne, le 31 mars 1999

Le président : Le chancelier :

Cl. Ruey V. Grandjean 1306 Séance du mardi matin 8 juin 1999

DEPENSES D'INVESTISSEMENT

1. Solde à amortir au 31.12.1999 a) Solde au 31.12.1999 selon budget 2 243 553 800 b) Crédits votés en 1999 c) Demandes en cours 157 097 200 d) Présent crédit 2 330 000

2 402 981 000

2. Charges d'amortissement pour le budget 2000 a) Amortissements adaptés du budget 1999 197 209 400 b) Amortissements relatifs aux décrets votés en novembre et décembre 1998, mais non amortissables en 1999 2 543 800 c) Amortissements votés en 1999 d) Demandes en cours 7 886 800 e) Présent crédit 116 500

Amortissements 2000 207 756 500 Séance du mardi matin 8 juin 1999 1307

Rapport de la commission

La commission chargée d’étudier l’objet cité en titre s’est réunie le 19 mai à 7 h 30 à la salle Capitulaire, place de la Cathédrale 15, dans la composition suivante : Mmes et MM. Michel Borboën (remplaçant Daniel Dumartheray), Bertrand Clot (remplacçant Roland Dapples), Jean-Louis Cornuz, Olivier Français, Micheline Félix, Michèle Gay Vallotton, Marcel Glur, Ginette Loup, Serge Melly, Maurice Meylan, Pierre-Etienne Monot, Philippe Reymond et Roselyne Vanat confirmée comme premier membre nommé, dans sa tâche de présidente- rapporteure. Assistent à nos travaux : MM. Jean-François Bastian, secrétaire général du DIRE (qui remplace M. le président du Conseil d’Etat Claude Ruey, retenu par une séance de la Table Ronde), Christian Pilloud, chef du Service des affaires universitaires (DFJ) président de la Commission des Orgues (CO), Christophe Amsler, architecte mandaté à la Cathédrale, Jean-Christophe Geiser, organiste titulaire à la Cathédrale, et Mme Denise Bersier, secrétaire au DFJ, qui a tenu avec beaucoup de précision le procès-verbal de cette séance. A toutes ces personnes vont nos plus vifs remerciements pour leur précieuse collaboration. Nous tenons également à remercier le service de M. Pilloud qui a remis une abondante documentation à chacun des participants.

Préambule : En ouverture de séance, M. Bastian présente chaque membre de la délégation départementale, puis la présidente invite la commission à se déplacer à la Cathédrale pour une visite des lieux.

Visite des lieux : M. Pilloud brosse rapidement l’historique de la Cathédrale et des orgues qui ont fait de ce monument exceptionnel un lieu culturel et touristique. L’orgue actuel n’a jamais répondu à ce que l’on attendait de lui. L’absence d’un buffet l’a exposé à la poussière, le manque d’humidité a fissuré le sommier, certaines touches du clavier restent silencieuses ou bloquées sur le son choisi. Le système de traction électro-pneumatique, prôné dans les années 50, n’est ni concluant, ni durable ! Alors que la transmission mécanique peut durer des siècles (ex. : orgue de Valère/VS). Enfin, cet orgue ne présente aucune valeur historique. 1308 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Ensuite M. Amsler nous fait un bref exposé sur le joyau d’architecture gothique que représente la Cathédrale de Lausanne et nous rappelle que les bâtisseurs de cathédrales n’avaient pas prévu d’emplacement pour les orgues, qui sont apparues deux siècles plus tard. L’emplacement actuel du grand orgue n’est pas bon, car trop haut et trop en retrait. Le suivant devra être placé plus bas. Des experts se sont penchés sur le délicat problème de l’acoustique : pour que le son arrive pur et direct jusqu'à l’oreille de l’auditeur, l’emplacement, la forme de l’instrument et la disposition des tuyaux doivent être confiés aux meilleurs spécialistes. De grands progrès dans l’étude de la température ambiante ont permis de trouver un compromis qui convienne à la fois aux vitraux, qui résistent mieux à l’air sec, et aux orgues, qui ont besoin d’un grand taux d’humidité. Ensuite, M. Geiser a emmené la commission sur la galerie qui conduit à l’instrument à examiner. Même si beaucoup de poussière s’est déposée sur les hauteurs de l’édifice, la commission a été saisie et impressionnée par la beauté et la perspective de la Cathédrale vue de là-haut. Nous avons eu droit à une visite recto-verso du vénérable instrument, à une description détaillée de ses différentes parties et de leur rôle à jouer. Pour finir, M. Geiser s’est mis aux claviers et nous a dévoilé les forces et les faiblesses de son instrument, nous démontrant, si besoin était, que l’orgue est un instrument magique, son jeu est subtil, difficile, infiniment varié et... fascinant ! Cet instrument offre encore de très bonnes possibilités de jeux, mais ne peut plus cacher de sérieux signes de faiblesse !

Discussion générale Si quelques commissaires n’étaient pas du tout convaincus de la nécessité de changer les orgues de la cathédrale, leur avis s’était nettement modifié après la visite et la démonstration musicale. Voici résumé l’essentiel des questions et des réponses qui se sont échangées : • Serait-il pensable de supprimer les orgues de la Cathédrale pour lui rendre sa beauté originelle ? Cette suppression n’a jamais été envisagée... • Etant donné le nombre d’orgues répartis dans la ville de Lausanne, n’impose-t-on pas un suréquipement ? Séance du mardi matin 8 juin 1999 1309

Bien que Lausanne soit riche en orgues, chaque instrument, baroque ou symphonique, a sa spécificité et le seul orgue de concert est à la Cathédrale. Lausanne fait un effort tout particulier pour offrir, au public comme aux musiciens, une palette variée d’instruments, avec une volonté de diversification, sachant pertinemment qu’un seul orgue ne peut satisfaire à toutes les exigences des partitions. La recherche de l’originalité est un facteur déterminant dans le choix d’un nouvel instrument. • Un orgue plus modeste ne serait-il pas suffisant ? Un petit instrument de 25 jeux, par exemple, permet de jouer les œuvres de Bach seulement, et rien d’autre ! • L’Etat est-il en mesure de supporter une telle dépense ? A l’époque du stress et de la vie trépidante des pays dits civilisés, la musique et son écoute sont une excellente thérapie ! Tout au long de ses travaux, la CO s’est préoccupée des problèmes financiers, et, c’est bien parce qu’elle est consciente de l’importance de l’investissement, qu’elle a jugé souhaitable de poursuivre la tradition d’un financement mixte (public et privé). Lors de l’achat de l’orgue actuel, nos prédécesseurs, qui se sont sûrement posé les mêmes questions que nous, ont été piégés et trahis par une technique qui se voulait révolutionnaire — la transmission électro- pneumatique — à laquelle on croyait à l’époque, mais qui, malheureu- sement, n’a pas donné satisfaction. Neuchâtel, Berne et Bâle, comme Lausanne, en ont fait la triste expérience et c’est toute une génération d’orgues qui a été sacrifiée ! • Ne pourrait-on pas remettre en état l’orgue actuel ? L’idée de le réparer a également été abordée : le coût de réfection est estimé aux 2/3 du prix d’un orgue neuf et l’on n’aurait rien à attendre des mécènes. En réalité, cela reviendrait plus cher ! • Pourquoi faire appel à une entreprise américaine alors qu’il y en a de très performantes en Suisse ou en Europe ? L’idée de faire appel à une entreprise américaine a choqué plus d’un commissaire et c’est là que se cache l’enjeu de toute l’affaire ! La différence de prix entre les projets Fisk et Kuhn est tout à fait minime. Dans sa réflexion et son appréciation, la CO n’a pas tenu compte du fait que la maison Kuhn a déjà construit les deux derniers orgues de la Cathédrale. Pour 1310 Séance du mardi matin 8 juin 1999

un coût identique et un même système de transmission mécanique, qui permet d’espérer un à deux siècles de longévité, la préférence s’est portée sur Fisk. La CO a également tenu compte de la possibilité de faire sous-traiter une partie du projet par le facteur d’orgues lausannois Mingot. Il est bon de rappeler qu’en 1993 un groupe de travail interdépartemental, issu du Service des bâtiments et du Service des affaires universitaires et des cultes, a défini un certain nombre d’options fondamentales sur l’avenir du grand orgue de la Cathédrale et que le 14 juin 1995 une journée de réflexion a permis de réunir experts et spécialistes de grand renom pour se déterminer sur l’option à choisir. Toutes les personnes qui ont participé à cette rencontre l’on fait à titre bénévole et on a cherché à ouvrir la réflexion le plus largement possible. De même, chaque membre de la CO actuelle travaille bénévolement, représentant un groupe intéressé à un titre ou un autre au projet, proche du monde musical, de la Cathédrale, des milieux culturels ou économiques. Si tous les facteurs d’orgue contactés ont fait preuve d’un grand professionnalisme, celui déployé par Fisk est exceptionnel et a une longueur d’avance sur les autres, par le fait que ce facteur d’orgues soigne par-dessus tout la recherche du son le plus beau. Comment parvient-on à cette perfor- mance ? D’une part, des spécialistes de la maison Fisk sont présents, en Europe ou ailleurs, chaque fois qu’un orgue est démonté, afin de l’ausculter, d’étudier sa conception, d’en tirer un enseignement et de conserver ses performances. D’autre part, le projet Fisk s’inscrit dans la longueur de la Cathédrale, pour gagner en légèreté et en fluidité alors que le projet Kuhn, de conception transversale, se développe perpendiculairement à la perspective et dans une moins bonne utilisation de l’espace. Enfin, à prix quasiment égal, le projet Kuhn, s’il est de très bonne facture reste trop conventionnel et sans originalité. La maison Fisk offre une meilleure connaissance des caractéristiques stylistiques que l’orgue doit posséder et se profile, dans les milieux concernés, comme le meilleur facteur d’orgues du monde ! C’est pour toutes ces raisons que la CO, unanime, a porté son choix sur l’entreprise Fisk. • Quelles sont les parties récupérables de l’orgue en service ? Quelques très bons tuyaux pourront être récupérés et réutilisés sur le nouvel orgue. Le reste de l’instrument devrait être réparé. Ce choix dépendra de M. Mingot. • A combien s’élèvent les honoraires de l’architecte et où figurent-ils ? Concernant le suivi des travaux, les honoraires sont compris dans le budget global de fonctionnement du DINF pour un montant de Fr. 410'000.—. Séance du mardi matin 8 juin 1999 1311

• Ce projet n’est-il pas démesuré et pourquoi avoir fait appel à des organistes étrangers dans la CO ? Quelle différence ressent-on entre un concert organisé à Saint-François et un autre à la Cathédrale ? La CO a voulu profiter de l’expérience des meilleurs spécialistes et ouvrir largement sa réflexion. L’orgue de St-François, avec 75 jeux, profite à 350 auditeurs, alors qu’à la Cathédrale, il y a 1'300 places assises et l’espace peut contenir jusqu'à 3'000 personnes en position verticale. L’ampleur des 99 jeux d’effet pour 87 jeux réels de l’instrument de la Cathédrale suscite forcément d’autres émotions, dans un cadre prestigieux ; second instrument de Suisse pour sa grandeur, après celui d’Engelberg, il présente 135 jeux. Le nouvel instrument choisi sera un instrument symphonique, complété par des apports classiques, dont les dimensions sont égales à l’instrument actuel. • Quel sera le coût d’entretien de l’instrument projeté ? Si, actuellement, l’entretien de l’orgue (le relevage) a lieu tous les dix ans, avec le projet Fisk, cette opération se déroulera tous les 25 ans, à cause de la présence d’un buffet, qui protège l’orgue contre la poussière. Le coût sera déterminé à l’usage. • Comment fonctionne la Fondation et de quels fonds peut-elle déjà disposer ? Le 23 décembre 1998 a été constituée une Fondation pour les nouvelles orgues de la Cathédrale de Lausanne. Elle a pour but de financer la moitié du coût des nouvelles orgues. Elle permet d’offrir aux donateurs la déductibilité fiscale de leurs dons, dont le Conseil d’Etat fixera le cadre. Les membres fondateurs rassemblent l’Etat de Vaud, pour une participation de Fr. 10'000.—, alors que celle-ci s’élève à Fr. 5'000.— pour la Ville de Lausanne, la paroisse de la Cathédrale et la Société des Concerts de la Cathédrale. La BCV et quelques banquiers privés complètent cette liste. • A-t-on respecté la nouvelle loi sur les marchés publics ? Cette loi a été respectée, puisqu’il y a eu un concours, et que toutes les personnes intéressées ont pu participer à cette épreuve. D’autre part, le dessin du buffet fera également l’objet d’un concours. 1312 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Aux différentes questions techniques qui ont été posées concernant la soufflerie, l’acoustique, l’emplacement de l’instrument, nous constatons que la CO a fait confiance aux spécialistes délégués pour ça, alors que pour le choix de la transmission, elle a décidé, expérience à l’appui, d’en revenir au système mécanique.

Entrée en matière A ce stade de la réflexion, la présidente a soumis au vote la question suivante : Les membres de la commission qui sont favorables au renouvellement des orgues de la cathédrale sont invités à lever la main. C’est par 12 oui et 1 abstention que la commission a donné son accord.

Examen de l’exposé des motifs et projet de décret Pour des raisons professionnelles, un commissaire doit se retirer.

Chapitre 2.4 Il n’y a pas de garantie écrite sur la longévité de l’orgue, mais on peut se rassurer par le fait que le système de transmission mécanique a fait ses preuves depuis des siècles et que Fisk accorde une garantie de 5 ans sur la bonne marche de l’instrument. Par comparaison et pour information, IBM a offert le système de transmission électronique, lors de la restauration de l’orgue de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Après 7 ans d’insuccès, ce système ne donne toujours pas satisfaction !

Chapitre 2.5 Un devis d’expertise, établi avec sérieux par un expert fédéral et un facteur d’orgues, précise qu’il serait trop cher de réparer l’instrument défaillant.

Chapitre 3 Ce projet a été initié par les Services de l’Etat, après qu’ils aient été approchés par la paroisse et la Société des Concerts, qui s’inquiétaient des signes de faiblesse de l’orgue. La console mobile de l’instrument sera maintenue. Séance du mardi matin 8 juin 1999 1313

Chapitre 4.3 M. Geiser nous informe qu’il a joué sur quatre instruments conçus par Fisk et qu’à chaque fois, il a été frappé par la qualité de leurs sons, dont la palette est remarquable. Cela provient essentiellement des recherches incessantes effectuées en Europe sur des instruments anciens.

Chapitre 4.4 M. Pilloud prend l’engagement que l’entretien courant de l’instrument sera confié à la manufacture Mingot.

Chapitre 5 La Ville de Lausanne, comme les communes vaudoises, seront approchées pour une participation volontaire au financement de ce projet. Des concerts seront également organisés pour récolter des fonds en automne 2001. Des musiciens, de renommée internationale, domiciliés dans le canton, seront approchés, en vue d’une création à réaliser pour l’inauguration, agendée au 14 avril 2003, jour du bicentenaire du canton de Vaud.

Chapitre 6 Afin que l’inauguration soit à la hauteur des événements à fêter, un commissaire souhaite qu’un projet précis prenne forme. Concernant le coût de l’instrument, un commissaire s’inquiète de la fluctuation du dollar et du choix d’une entreprise américaine. Ce problème a été étudié par la CO et une simulation de l’opération financière de paiement a été établie (ce document figure en fin de ce rapport ainsi que celui qui contient les évaluations des projets). Le coût du transport de l’instrument est devisé à Fr. 45'000.—. De l’ancien orgue démonté, il est prévu de conserver 75 tuyaux dont 15 pourraient être réinstallés sur l’instrument neuf pour autant qu’esthétiquement et techniquement, cela soit réalisable. Ce sera le rôle de la maison Mingot de le définir. D’autres parties, dont la console, pourraient peut-être rejoindre le musée de l’orgue, à Roche (VD). 1314 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Chapitres 8 et 9 Le coût de l’instrument a été chiffré à Fr. 3'700'000.—, celui du buffet à Fr. 500'000.—, les frais d’organisation à Fr. 90'000.— et le crédit d’études préalables à Fr. 140'000.—. Ces deux derniers postes sont réunis et figurent au chapitre 9 dans les frais du maître de l’ouvrage, à charge de l’Etat de Vaud, pour un montant de Fr. 230'000.—. La participation de l’Etat de Vaud est de Fr. 2'100'000.— et correspond à l’apport de la Fondation de Fr. 2'100'000.— également. Les travaux d’infrastructure sont estimés à Fr. 410'000.— et sont supportés par le DINF.

Chapitre 10 L’installation de ce nouvel orgue, unique au monde, aura un impact important sur le rayonnement culturel de Lausanne et du canton de Vaud. Une commissaire souhaite qu’à l’avenir, la fréquence des concerts soit développée et qu’elle contribue à épanouir « la santé musicale » de Lausanne. Il y va du prestige et du renom de la ville et du canton, qui doivent se servir de cette opportunité pour compléter l’étiquette culturelle et touristique vaudoise.

Projet de décret Arrivée au terme de ses travaux, la commission se prononce par un vote final sur les articles du décret. Article premier : accepté par 11 oui et 1 abstention (la commission ne compte plus que 12 membres). Article 2 : accepté par 11 oui et 1 abstention. Avant de lever la séance, à 11 heures, la présidente adresse des remerciements à tous les participants pour la qualité et la sérénité des débats sur un sujet captivant. Elle souhaite qu’avec le même enthousiasme, le Grand Conseil accepte ce décret et offre, par l’acquisition de ce nouvel instrument, un ajout prestigieux au vénérable édifice et des moments de grâce bienvenue à la population mélomane de notre pays.

Trélex, le 23 mai 1999 La rapporteure : (Signé) Roselyne Vanat

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Annexes : 1. Simulation de l’opération financière 2. Evaluation des projets

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Mme Roselyne Vanat, rapporteur : — Lorsque la commission s’est réunie pour étudier le projet de décret, elle était loin d’être unanime sur l’idée de remplacer les orgues de la Cathédrale et, surtout, de confier cette tâche à une entreprise américaine ! Cependant, après la visite des lieux, l’approche et l’écoute de l’orgue, ainsi que l’appréciation des commentaires des représentants de l’Etat, l’opinion de la commission a changé et c’est à l’unanimité moins une abstention que l’entrée en matière a été votée. Si la commande d’un nouvel orgue à une entreprise américaine a choqué plus d’un commissaire, ils ont dû se rendre à l’évidence et admettre que la Commission des orgues, composée de professionnels et d’experts, de spécialistes des orgues et des cathédrales qui ont conclu ce programme, avait fait le bon choix. En effet, l’entreprise américaine Fisk, qui a été retenue, construit des orgues semblables à ceux des entreprises suisses ou européennes pour un prix quasiment égal mais dont la sonorité est absolument exceptionnelle et supérieure à ce qui se fait chez nous. Sachant que ce nouvel orgue de conception mécanique est appelé à durer et que la Cathédrale de Lausanne, joyau de l’art gothique, est digne d’enchâsser dans ses murs un bel instrument qui offrira des heures privilégiées à la population mélomane de notre canton et de notre pays, votre commission, par 11 oui et une abstention (un commissaire étant absent lors du vote final) a accepté le projet de décret. Consciente que cet achat représente une étiquette touristique et culturelle exceptionnelle pour Lausanne et pour le canton, je vous invite à suivre les conclusions de la commission. La discussion sur l’entrée en matière est ouverte. M. Maurice Meylan : — Je fais partie de ceux qui vous recommandent d’accepter ce projet. Je l’ai fait du bout des lèvres en commission, et je le ferai du bout des doigts dans cette salle ! J’aimerais remarquer tout d’abord que notre Conseil d’Etat n’a pas beaucoup de chance lorsqu’il fait de l’histoire ! Il nous dit à plusieurs reprises, dans son rappel historique, que le premier orgue important placé dans la Cathédrale était prévu primitivement pour la Cathédrale de Berne. Or, j’aimerais rappeler au Conseil d’Etat – et à ceux que cela pourrait intéresser – qu’il n’y a jamais eu de Cathédrale à Berne, jamais d’évêque, et qu’il y a juste une excellente et belle collégiale St-Vincent. Et lorsque la Cathédrale de Lausanne était consacrée par le pape et l’empereur, la Ville de Berne dépendait, concernant l’organisation de l’église, de la paroisse de Könitz. D’autre part, tout démontre, lorsqu’on prend connaissance des nombreux documents qui nous ont été présentés, que la Cathédrale n’est pas faite pour recevoir un orgue. Il est très difficile de placer Séance du mardi matin 8 juin 1999 1319

un instrument de ce type dans ce « grand vase », comme on disait autrefois. Un certain nombre de propositions ont été présentées – que nous aurions certainement écartées ; on nous dit que l’on aurait pu mettre l’orgue sur les côtés, que sais-je... –, la solution retenue est sans doute la meilleure. Elle ne fait que reprendre d’ailleurs ce que les députés et, surtout, les experts de 1950 avaient préconisé – encore qu’ils soient allés un peu loin dans leur volonté de ne pas trop apparaître dans la Cathédrale, ce qui a justifié des modifications quelques années plus tard. Il est plaisant de lire l’exposé des motifs de 1952 – sauf erreur – et de le comparer à celui qui nous est présenté aujourd’hui ! Les arguments sont identiques. On expliquait alors à nos prédécesseurs que l’on ne peut plus jouer sur l’orgue en question, on disait qu’il ne permet pas d’interpréter tout le répertoire moderne mais voilà : un miracle se produit, on a trouvé la solution idéale : un procédé moderne à base d’électricité. Aujourd’hui, on nous dit que tout cela ne vaut pas grand-chose – c’est peut-être vrai et c’est peut-être dans la nature profonde de l’homme que, tous les cinquante ans, il convienne de tout changer complètement. Dès lors, quelques questions se posent, auxquelles le Conseil d’Etat nous répondra sans doute, quant à l’emplacement de l’orgue, quant à la vision que nous aurons encore ou que nous n’aurons plus sur le vitrail de Poncet qui jouait un très grand rôle en 1952 – en effet, à cette époque, le Grand Conseil paraissait vouloir à tout prix maintenir une vue sur cette œuvre d’art – et on se laisse là ainsi peu à peu convaincre que la solution proposée est la meilleure. A propos d’orgue, je ne peux pas m’empêcher de penser que la Ville de Lausanne est remarquablement équipée en la matière et qu’on suit au désir de ceux-ci ou de ceux-là. L’expert d’aujourd’hui, c’est le titulaire qui aura besoin demain de l’appui des autres... alors, ici, vous avez un orgue pour le baroque, là pour le classique espagnol, ailleurs pour la Renaissance ou le bas-gothique... que sais-je ! J’ai le fâcheux sentiment que nous sommes menés par le bout du nez. On se trouve dans cette situation que nous avons si souvent critiquée des professeurs de médecine qui avaient droit, autrefois, avant le temps des vaches maigres, à la satisfaction d’un peu tous leurs désirs. Quant au choix de l’instrument américain, c’est presque une question de politique étrangère (rires) ...on pourrait penser qu’il y aura suffisamment d’orgues détruits ici ou là pour lui laisser du travail, à cette maison Fisk ! Mais, on nous explique que c’est la meilleure et que la maison Kuhn est à la musique d’orgue ce que le français fédéral est à la langue de Racine. (Rires.) D’autre part, tout est réglé. Des privés ont pris les choses en main, il ne nous reste plus qu’à nous réjouir et voter le crédit qui vous est offert, plaudite cives ! 1320 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Personnellement, ce que je regrette également – et ce sera ma conclusion tout en vous invitant fermement à voter cet objet –, c’est que l’on n’ait pas présenté ce projet dans le cadre de ce qui nous attend pour 2003. On nous dit qu’il faut être prêt pour 2003, que, si le Canton de Vaud existe encore, il y aura des manifestations, etc. ; on nous dit, lorsqu’il s’agit d’un musée des beaux-arts à transférer à l’ancien Crédit foncier, que cela pourrait être une belle œuvre pour 2003 – en tout cas les promoteurs de cette entreprise le disent, ce qui me paraît d’ailleurs tout à fait valable. Moi, j’aurais voulu que tout cela soit un peu cadré, mais, enfin, dans ce pays, on aime les psaumes, on aime la musique et on vote ce crédit ! (Eclat de rire.) Mme Eliane Rey : — Avant de procéder à l’achat d’un nouvel instrument, il serait bon de se poser quelques questions. L’orgue dont on se débarrasse est-il vraiment dépassé ? L’orgue que l’on nous propose est-il effectivement plus approprié ? N’y aurait-il pas une solution plus judicieuse ? A propos de l’orgue actuel. Construit dans les années 50, l’orgue Kuhn de la Cathédrale de Lausanne compte un peu moins de 90 jeux répartis sur quatre claviers et pédaliers. Placé originellement, par respect pour le monument, sur la deuxième galerie sise au-dessus du narthex, il est déplacé à l’endroit actuel quelques années plus tard pour des raisons acoustiques essentiellement. Si l’instrument présente aujourd’hui, principalement au niveau de sa mécanique, des signes d’essoufflement, faut-il pour autant l’éliminer sans envisager plutôt une restauration ? Première remarque : il manque un rapport fourni par d’autres experts qui statuent sur l’instrument actuel. L’unanimité de la Commission des orgues s’est faite pour ainsi dire sans contradicteur. Pourtant, d’autres organistes experts interrogés à ce sujet se prononcent, eux, en faveur du maintien – on a toujours le conseil, à l’image de ses conseillers. Aussi, face aux enjeux de cette affaire, demander une autre expertise est plus que légitime. A notre sens, le concept de l’orgue actuel a pourtant une valeur historique réelle dans la mesure où il reflète un grand principe de son époque, à savoir l’illusion qu’il est possible de regrouper dans un seul instrument, tout le matériel sonore nécessaire à l’interprétation de la musique d’orgue de toutes les époques, de tous les genres et de tous pays. Comme corollaire à ce principe, il est donc aussi parfaitement adapté à l’interprétation d’une large frange de littérature musicale contemporaine qui reposait sur un concept d’instruments tel celui que nous connaissons à Lausanne. Dans son concept esthétique, sonore et visuel, l’orgue de la Cathédrale de Lausanne est représentatif de son époque et mérite un sort différent de celui du rebut. L’une de ses qualités est aussi son intégration très réussie et son immense respect de l’architecture. Le dessin de la façade est l’œuvre de l’architecte Claude Jacottet dont les compétences et le Séance du mardi matin 8 juin 1999 1321

savoir-faire ont été unanimement appréciés dans les milieux de la conservation des monuments historiques. Oui, il est vrai que des travaux doivent être entrepris pour maintenir cet instrument parfaitement jouable. Le prix de cette intervention est, certes, relativement élevé mais, malgré tout, de 3,3 millions de francs inférieurs à la solution d’un instrument neuf. En économisant cette somme, on sauverait un témoin du passé qui a une valeur attestée objectivement par des organistes de renom international. De plus, la restauration pourrait sans peine être entreprise par des firmes suisses qui sont parfaitement compétentes pour réaliser ce travail. C’est là aussi, à mes yeux, un élément à prendre en considération. Savez-vous d’ailleurs, à cet égard, que si la construction des nouvelles grandes orgues lausannoises était confiée à l’entreprise suisse Kuhn, cela représenterait 25 postes de travail durant une année ? A propos du nouvel orgue, contrairement aux deux emplacements occupés par l’orgue actuel, le projet Fisk n’a plus aucune retenue quant à son impact dans l’édifice. Il masquera et nécessitera peut-être même, selon les informations dont je dispose, le démontage de la balustrade de la tribune inférieure dont certains éléments remontent à 1505. Je vous invite à cette occasion à lire le livre « La Cathédrale de Lausanne » et le passage écrit par M. Marcel Grandjean qui dit ceci : « Le parapet de la tribune inférieure avoue franchement son époque par son décor de fenestrages flamboyants aveugles et par son épigraphie qui en fait l’œuvre d’Aymon de Montfalcon qui l’a signé de ses armes. » Là où nos prédécesseurs ont su faire preuve de la plus grande retenue et d’un grand respect pour l’édifice, notre génération a l’arrogance de s’approprier des lieux dans la conviction que le soi-disant chef d’œuvre du début du troisième millénaire peut masquer des éléments que des générations ont su conserver jalousement. Le projet sur lequel nous devons voter est en ce sens iconoclaste et ne mérite pas d’être retenu en l’état. Le nouvel orgue va modifier l’aspect visuel de toute la partie ouest de la Cathédrale. Son impact sera fort, excessif, avec des tuyaux qui couvriront l’ensemble du mur juste au- dessus de la voûte. La Cathédrale de Lausanne n’est, en fait, pas apte à accueillir un instrument de la taille de celui retenu. Des experts, aussi respectables que ceux approchés par la Commission des orgues, affirment avec conviction que l’orgue actuel est déjà trop grand pour l’édifice lausannois. Ajouter encore vingt jeux, c’est de la démesure. Pour réussir un nouvel instrument, il ne suffit pas de choisir le meilleur facteur d’orgues et d’opter pour le plus grand nombre de jeux. Les meilleurs instruments sont toujours ceux qui sont bien intégrés à l’édifice et dont la taille est en rapport avec les espaces disponibles pour qu’il sonne bien. La difficulté qu’il y a eu pour bien faire sonner l’instrument actuel devrait faire réfléchir. Croire qu’un instrument 1322 Séance du mardi matin 8 juin 1999

neuf, réalisé par Fisk et placé en bordure de tribune, sonnera forcément mieux, est un leurre. Autre question : le nouvel orgue est-il bien conçu ? Sur ce point aussi, cet instrument, dans son concept même, n’est plus vraiment d’actualité Les travaux musicologiques de ces dernières années ont montré que l’orgue à tout jouer est une utopie. Aussi, l’instrument proposé, plus grand encore que l’actuel, ne permettra d’interpréter, avec la rigueur musicale qui caractérise notre temps, qu’une très maigre portion du répertoire, celle qui demande des orgues gigantesques, (répertoire symphonique essentiellement). Le reste pourra être interprété, certes, mais ne sera qu’un pâle reflet de l’intention originelle de la composition. En ce sens, le nouvel orgue ne répond guère aux critères musicaux actuels. Pour paraphraser la réponse donnée à la commission, un orgue de 110 jeux ne permet de bien jouer que les œuvres symphoniques et rien d’autre. On parle encore des tares rédhibitoires de l’instrument actuel. Mais personne n’a parlé des tares rédhibitoires du nouvel instrument ; il faut pourtant les évoquer. Placer plus de cent registres dans la nef relativement étroite de la Cathédrale de Lausanne ne permettra pas de réaliser un plan sonore bien disposé, mais nécessitera de placer ces jeux à des altitudes et à des profondeurs variées. La proximité des bouches de chauffage à air chaud au pied de la tribune conduira à faire subir au nouvel orgue des écarts de température supérieurs à ceux subis par l’orgue actuel. Or, l’accord d’un orgue est très sensible à la température ; une variation de quelques degrés produit déjà des battements que même le profane entend. Le nouvel instrument, si l’on veut pouvoir le jouer intégralement en période froide, exigera encore des modifications importantes de chauffage de l’édifice. Selon l’ancien architecte de l’Etat, cette modification nécessiterait environ 2 millions et poserait des problèmes statiques et archéologiques. Sans cette modification, pourtant, le nouvel orgue souffrira donc de tares pires que celles de l’instrument actuel. On ne taira pas non plus que Fisk ne donne qu’une garantie de cinq ans alors que tous les facteurs d’orgues suisses garantissent leurs instruments durant dix ans. En regard du paysage « organistique » régional et local, dans une perspective de richesse et de diversité, il est nécessaire d’englober dans notre réflexion les instruments existant en Suisse romande et à Lausanne en particulier. Conserver l’orgue actuel de la Cathédrale de Lausanne est une tâche qui a, à coup sûr, plus de sens qu’en construire un neuf dans un concept semblable. En effet, si, en 1955, on avait la conviction de faire juste, le concept de 1999 ne fait de loin pas l’unanimité. Selon les informations en ma possession, on ne construit plus aujourd’hui d’instruments de valeur comptant plus de 70 à 80 jeux. Dans les Séance du mardi matin 8 juin 1999 1323

grands édifices, la tendance consiste à réaliser plusieurs instruments typés de taille plus modeste. A Lausanne, on dispose déjà d’un instrument symphonique à l’église St-François. On en connaît les qualités mais aussi les faiblesses liées en particulier à sa grandeur. Construire un supermammouth à la Cathédrale serait dommageable à l’édifice sans enrichir réellement le paysage « organistique ». Ce qui manque, en revanche, et spécialement à la Cathédrale, c’est un instrument intermédiaire entre le grand orgue de 90 jeux et le petit de 13 jeux, soit un orgue de trois claviers et de 30 à 40 jeux. Si l’on veut investir et motiver les mécènes, c’est là qu’il faut agir – à moins qu’ils ne souhaitent se faire un nom qu’à condition de figurer au Guiness Book ; les records sont cependant rarement synonymes de raison ! Ainsi, en restaurant l’instrument actuel et en construisant un troisième instrument neuf et original dont on pourrait confier l’entière réalisation à un de nos excellents facteurs d’orgues suisses, voire lausannois – je pense à Mingot – , on atteindrait plusieurs cibles du même coup : on économiserait au bas mot 2 millions de francs sur la facture finale, on enrichirait le paysage organistique de la région, on offrirait plus de possibilités musicales à la Cathédrale, on préserverait la tribune du XVI e siècle, on sauvegarderait un orgue caractéristique des années cinquante tout en évitant de lourdes et onéreuses dépenses ultérieures liées aux nécessaires modifications du chauffage de la Cathédrale. J’en arrive à la conclusion. (Ahhh...) Comme le relève l’exposé des motifs, la Cathédrale de Lausanne est le monument gothique le plus vaste et le plus admirable de Suisse. Cet héritage nous oblige tant pour nous-mêmes que vis-à- vis des générations futures, pour nous, Vaudoises et Vaudois, mais aussi pour tous les admirateurs de ce sanctuaire, qu’ils viennent de Suisse ou du monde entier. Nous nous devons de respecter l’excellent travail de conservation réalisé jusqu’ici, travail qui a su préserver, restaurer, soigner, réparer ce monument exceptionnel. Il est donc hors de question de laisser dénaturer ces espaces par un instrument disproportionné qui perturberait objectivement et durablement l’harmonie architecturale si jalousement préservée des siècles durant. Pour toutes ces raisons et tant que des réponses satisfaisantes n’auront pas été données aux questions posées, je vous inviterai à refuser ce crédit. Merci de votre attention ! M. Jean-Louis Cornuz : — Je m’efforcerai d’être plus bref que ma préopinante et plus convaincant ! Il me viendrait à l’idée de présenter une motion de raser la Cathédrale et de planter des pommes de terre à la place. Je suis le commissaire qui s’est abstenu et j’avoue que j’aurais voté contre ce projet – je ne l’ai pas fait par égard pour M me Vanaz qui a présidé cette 1324 Séance du mardi matin 8 juin 1999

commission avec beaucoup de savoir-faire. Cela dit, il faut que je donne mes principales raisons. Tout d’abord le coût. C’est tout de même une somme de plus de 2 millions qui nous est demandée. J’ai cru comprendre que M. le conseiller d’Etat Favre et certains députés nous disaient que notre situation financière est mauvaise ; ne serait-ce pas là une dépense que l’on pourrait renvoyer à plus tard, au moment où nos finances seront meilleures ? En effet, nous avions parmi nous le très sympathique et doué organiste de la Cathédrale ; il a joué pour nous une pièce de Bach et il m’est paru – mais je ne suis pas un connaisseur – que c’était très bon et que l’orgue actuel est encore parfaitement utilisable pendant quelque temps. La seconde raison – la préopinante l’a relevée – est que l’on s’adresse à une maison américaine. On nous dit – mais je ne suis absolument pas compétent pour contester la chose – que c’est celle qui fait ce qu’il y a de mieux ; et alors, il y a cette volonté d’être les premiers en Europe « on aura les meilleures orgues de toute l’Europe, c’est une question de prestige, ce sera fantastique, cela va attirer un grand nombre de touristes » ...je n’en suis pas sûr ! Malgré tout, nous avons des fabricants d’orgue à Zurich et même à Lausanne ; c’est à ceux-là qu’il faut s’adresser. Il y va de places de travail. Si nous recourons à la solution américaine, l’on prive de travail un certain nombre de gens d’ici. Au contraire, renvoyer la rénovation à plus tard, est une mesure d’économie qui a l’immense avantage, sur beaucoup d’autres qui nous ont été proposées, de ne pas provoquer de chômage, de licenciements, etc. Troisième point. Il y a déjà eu des réparations voici quelques années et les experts, en qui j’ai toute confiance, nous ont expliqué que nous avions commis un certain nombre d’erreurs. J’aimerais être sûr que ces erreurs, on ne va pas s’apercevoir dans quelques années qu’on en a fait d’autres et qu’en conséquence il faudra recommencer et à nouveau engager des frais pour réparer l’orgue ou pour le changer. Pour ces trois raisons principalement et pour cette quatrième, peut-être, qu’il s’agit de sommes à payer en dollars et que les experts partent de l’idée que le dollar est stable – ce qu’il n’est pas –, qu’il ne risque pas de monter, dans quel cas les coûts à payer seraient passablement majorés. Je pense aussi aux réparations qui seront nécessaires. Il est vrai, je dois l’avouer, qu’elles seront confiées à une maison suisse en sous-traitance. Malgré tout, il faudra probablement faire venir des pièces d’Amérique ; les trajets sont longs, ils sont coûteux, et cela complique énormément. Sur ce point, permettez-moi de sortir un peu du sujet : j’ai des fiches proposées par la maison Rencontre, qui représentent des animaux ; elles doivent être mises dans un classeur et ont trois trous à cet effet. Je suis allé chez Krieg où l’on m’a dit ne pas avoir ce genre de Séance du mardi matin 8 juin 1999 1325

classeur, n’avoir que des classeurs pour deux ou quatre trous, que ce que j’avais là était américain et qu’il faudrait faire venir le classeur d’Amérique !... Voilà un autre genre de matière où l’on choisit quelque chose parce que c’est supposé être meilleur, cela vient d’Amérique, mais il faut faire venir le classeur d’Amérique, on ne le trouve pas chez nous. Pour toutes ces raisons, je vous recommande de refuser ce qui vous est proposé. C’est coûteux, cela n’avantage pas les travailleurs suisses et, de plus, c’est, me semble-t-il, aléatoire. M. Serge Melly :— Parce que je me suis moi-même posé ces questions, je conçois fort bien que l’on ait pu imaginer, comme l’a fait M. le député Meylan, supprimer purement et simplement les orgues de la Cathédrale en désossant ce tas de vieux tuyaux pour redonner au vénérable bâtiment sa pureté originelle des XIII e et XIV e siècles. Je comprends fort bien que l’on ait pu imaginer plutôt la restauration de l’orgue arguant qu’il était encore jeune – 45 ans, c’est jeune pour des orgues. Cela même si une réparation ne ferait que repousser le problème du système pneumatique, n’améliorerait pas l’emplacement et éloignerait complètement les mécènes. Je comprends enfin que l’on ait pu vouloir privilégier une manufacture suisse et, ainsi, maintenir des postes de travail en Suisse, comme plusieurs commissaires le pensaient tout d’abord, au risque alors de n’avoir pas le meilleur instrument actuel et de perdre les retombées économiques que ne manqueront pas de provoquer des orgues uniques à Lausanne tout comme les châteaux de Louis II, chers à M. le député Cornuz, ont créé un tourisme florissant. Mais que l’on vienne attaquer ce projet par la bande en voulant sauver un bout de barrière sans valeur historique, voilà qui prouve bien que les opposants à ce projet n’ont plus beaucoup d’arguments ! Je connaissais l’orgue de Barbarie, le Schwytzörgli et le piano américain, nous aurons peut-être l’« orgue américain », ne tirez donc pas sur l’organiste, laissez plutôt ces belles américaines, ces orgues rutilantes, être l’objet de nos amours musicales et la source de nos délices auditives. Je vous invite à accepter le projet. M. Bertrand Clot : — J’aimerais répondre à M me Rey qui parlait de démesure... permettez-moi de remarquer que c’est peut-être la durée de son intervention qui était démesurée. M me Rey a demandé, entre autres, si une étude sérieuse avait été faite concernant la réparation de l’orgue actuel, c’est une des questions que j’ai soulevée en commission. J’ai demandé, en effet, si le prix d’une restauration représentant 50% à 60% du prix du nouvel orgue avait fait l’objet d’une étude sérieuse. Il m’a été répondu qu’une expertise très sérieuse, par un expert fédéral et un facteur d’orgues avait été faite et un devis établi. Cependant, si une réfection peut représenter 40 à 50% d’économies, soit un montant substantiel, il faut aussi tenir compte du fait 1326 Séance du mardi matin 8 juin 1999

que l’orgue actuel est mal placé. Il l’était déjà lors de son installation, il a été déplacé une fois, mais ce n’est pas la panacée et, malheureusement, toute réparation que l’on envisagera n’apportera rien au niveau de la sonorité qui est déficiente en raison de l’emplacement précisément. J’étais parmi les commissaires absolument réticents mais force m’est de reconnaître, après avoir constaté sur place, participé à la commission, que mon opinion a changé et que la meilleure solution, malgré tout, me paraît être le remplacement de l’orgue actuel. Malheureusement, cela n’ira pas sans mal au niveau financier, mais je crois qu’on n’y coupera pas. Je vous remercie d’accepter ce projet. M. Olivier Forel : — Je précise tout d’abord que je ne suis pas organiste. Cela dit, j’ai juste une petite question : on crée une Commission des orgues – et je ne mets pas du tout en cause la bonne foi de ses dix membres –, mais elle ne compte qu’un seul organiste, le titulaire de la Cathédrale. C’est donc un peu comme si l’on faisait une commission, le Conseil d’Etat in corpore, par exemple, pour demander le remplacement de la voiture d’un des conseillers d’Etat. Evidemment, ils ne vont pas choisir une Renault 5, cela paraît assez logique ! Je m’étonne donc un peu. On nous dit simplement qu’on s’est assuré le concours de deux experts de la Cathédrale de Berne – qui donc n’en est pas une – et de celle de Paris ; on ne sait pas non plus sur quels orgues jouent ces deux experts. Dès lors, j’aimerais bien un complément d’enquête avant de dire oui au remplacement de ces grandes orgues. M. Alain Grangier : — Je ne placerai le débat qu’au seul niveau économique étant incompétent pour le placer au niveau musical, mes « lieux de musique » étant le Montreux Jazz Festival et Paléo ! En préambule, j’avoue ma surprise du peu de cas qui a été fait de l’économie dans l’étude de ce dossier – il s’agit tout de même de 2 millions d’argent public. Je ne mets absolument pas en doute la qualité de l’orgue, je m’étonne simplement, comme le député Forel, de la façon dont il y eu collusion, dirais- je, entre les experts et les personnes qui ont le pouvoir décisionnel. Je ne puis accepter en effet que l’on passe commande aux Etats-Unis. Nous nous trouvons aujourd’hui en pleine guerre d’hégémonie économique et, sans faire d’anti- américanisme primaire ni même d’européanisme, voire de protectionnisme suisse, il en va non seulement de places de travail mais de la perte d’une aura, de la perte de la connaissance puisque l’on admet que l’orgue actuel est de très bonne facture mais qu’on lui reproche d’être trop conventionnel et sans originalité – ce qui était certainement le cas pour tout ce qui était fait en électronique dans les années cinquante. Je suis certain que la majorité de ceux Séance du mardi matin 8 juin 1999 1327

qui se rendront à la Cathédrale pour écouter l’organiste auront une oreille que j’espère supérieure à la mienne mais qui sera toujours inférieure à celle de l’organiste ; dès lors, que les orgues soient américaines ou suisses, ils n’entendront aucune différence. Seule une élite sera capable de la faire. En conséquence de quoi, du moment que l’on investit 2 millions de deniers publics – si c’était des privés, ils pourraient faire ce qu’ils veulent – dans cette affaire, je trouve inacceptable de ne pas tenir compte de ce facteur économique. Je voterai donc non à ce projet et je vous recommande d’en faire de même. M. Philippe Martinet : — Les émotions musicales les plus fortes que j’ai connues, c’était à la Cathédrale. Je ne vais donc pas attaquer l’idée d’avoir un instrument de grande qualité dans « notre dame », point de vue partagé par le groupe des Verts qui s’est longuement penché sur ce projet. Cependant, au cours de cette étude, nous nous sommes sérieusement demandé, pour à peu près la moitié du groupe, si l’on n’était pas passé d’un projet de mélomane à un projet mégalomane ! Peut-être est-ce aussi le fait d’avoir entendu la commission se dire « fascinée », (dixit rapport de la commission) ce qui n’est pas forcément la meilleure façon d’aborder un projet qui, tout de même, engage des millions. Forts aussi d’une expérience, il y a quelques années, avec les orgues de St-François où quelques-uns nous rappelaient qu’il avait fallu réfréner quelque peu les initiateurs du projet, nous avons un certain nombre de questions qui poussent certains d’entre nous, à ce stade de l’entrée en matière, à s’abstenir – je répète que ce n’est pas l’entier du groupe. Nous avons en effet le sentiment que la commission a opté pour le meilleur instrument possible et, donc, pour la Rolls, comme l’a dit notre collègue Forel. On ne peut pas critiquer ce choix, de plus le groupe des Verts ne remet pas en question l’opportunité d’améliorer la situation et la clause du besoin nous semble remplie. Toutefois, l’idée évoquée par M me Rey d’une expertise un peu plus complète de ce côté-là ne semble pas totalement inopportune. Techniquement, on a également l’impression que le problème principal de ce volume immense que représente la Cathédrale – c’est le deuxième derrière Einsiedeln – reste assez insoluble et que, de toute manière, quoi que l’on fasse, on aura de la peine à couvrir tous les types du répertoire musical, tous les types de besoins, avec un seul orgue. Par contre, ce que l’on sait, c’est qu’en choisissant un outil aussi monumental, on a écarté d’entrée de jeu des facteurs d’orgues tels Feldsberg dans les Grisons, Chézard St-Martin à Neuchâtel ou Grimisuaz en Valais. Une organiste de niveau professionnel me disait qu’à Metz, en , on a réussi avec un orgue beaucoup plus petit mais mieux placé, à emplir l’espace sonore. Nous avons donc quelques doutes en raison de tous ces aspects. Cette même organiste, qui a des compétences pour juger des 1328 Séance du mardi matin 8 juin 1999

questions d’interprétation et de répertoire que je n’ai pas, avait le sentiment qu’il y a une sorte de surenchère : vous avez quatre claviers, il vous en faut cinq, vous avez 110 jeux, il vous en faut 130, etc., alors même que l’essentiel du répertoire peut être interprété avec 45 à 50 jeux. Nous faisons un parallèle avec le débat précédent sur Avenches. Nous avons voté un crédit important pour doter Avenches d’un musée valable en nous disant que, s’il y a un domaine, en période de difficultés économiques, s’il y a un endroit où il faut investir sur le plan historique, c’est à Avenches. Maintenant, s’il y avait un domaine, ou si l’on devait faire quelques choix économiques en matière culturelle, est-ce que ce doit être sur cet orgue-là ? Et pour quelle politique culturelle vue dans son ensemble ? Il paraît établi – permettez une comparaison sportive – que l’on ne peut pas avoir une équipe de ligue A dans tous les sports. Alors, est-ce que, en matière culturelle, c’est bien là que nous devons mettre nos deniers ? Nous voyons assez mal comment ce projet-là s’insère par rapport à l’ensemble des besoins et des atouts que l’on veut valoriser, même si l’on sait que Lausanne est depuis longtemps un phare en matière d’orgues. Enfin, nous avons quelques doutes par rapport au montage financier qui implique des contributions privées pour 50%. Nous avons le sentiment, dans la chronologie, qu’une fois que l’Etat aura fait quelques avances, joué les banquiers, même si la Fondation n’arrivait pas à réunir les fonds, nous serons tellement avancés que nous nous trouverons obligés de mettre le complément avec des fonds publics. De ce côté-là, nous avons également besoin d’être rassurés. A ce stade, que cette intervention ne soit pas interprétée comme une opposition au renouvellement de l’orgue. Nous observons, avec un petit clin d’œil pour les avatars de l’électronique, que, comme le disait le philosophe Bergson : « un monde gagné par la technique est un monde perdu pour la liberté ». A propos de l’informatisation ou de l’électronique de ces orgues, nous attendons de voir et nous attendons des compléments d’information de la part du Conseil d’Etat avant de nous prononcer. Mme Micheline Félix : — Cela devient une habitude dans notre parti : dès que quelqu’un a exprimé un avis, quelqu’un d’autre vient exprimer un avis contraire pour bien vous montrer la multitude de nos réflexions et la richesse de notre pensée ! (Rires.) J’ai la plus grande estime et la plus grande sympathie pour le parti libéral mais je dois avouer qu’il est en train de perdre son âme à force de mercantilisme et d’esprit comptable. Lorsqu’on parle de la Cathédrale et d’un orgue, on ne vient Séance du mardi matin 8 juin 1999 1329

pas faire des comptes d’apothicaire ; nous sommes dans une autre dimension, dans une dimension artistique, spirituelle, et j’espérais qu’un tel parti pouvait se hausser au-dessus de la feuille comptable et du carnet du lait. En ce qui concerne la Cathédrale, il faut dire ceci : nous sommes dans une période de primauté de l’image sur le son. Je m’explique : nous vivons une civilisation de communication visuelle qui fait que lorsque nous cherchons à développer un élément qui se voit, tout le monde est d’accord alors que le son lui-même est toujours prétérité – il ne l’a pas toujours été, mais il l’est maintenant. Lorsqu’il s’est agi de réparer les vitraux et la rose de la Cathédrale, personne ne s’y est opposé ; de même lorsqu’il s’agit de réparer les tours, vous pouvez d’ailleurs le voir, cette Cathédrale est en permanence et très bien restaurée et personne ne s’y oppose. Mais dès qu’il s’agit du son, on aimerait cacher l’orgue, on aimerait qu’il soit plus petit, on l’a d’ailleurs placé dans un espace restreint où il n’a pas de résonance, on aimerait bien qu’il ne dépasse pas, on vient nous dire qu’on va enlever une petite barrière et que c’est un crime... alors que si vous pensez à l’importance musicale d’un orgue dans une église ! La Cathédrale entière est un instrument de musique, elle sert de caisse de résonance à l’orgue et, donc, celui-ci doit apparaître et, cette barrière, en l’occurrence – et M. le conseiller d’Etat vous le dira certainement – sera démontée ; elle n’a pas de valeur historique, c’est un rajout du début du siècle et on peut fort bien s’en passer. Alors, mesdames et messieurs, je vous en prie, hier, vous avez voté un crédit supérieur à celui-là pour la correction de la route Vuiteboeuf-Ste-Croix, et vous l’avez fait sans état d’âme ; même nous, écologistes, qui regardons votre engouement pour les voitures avec beaucoup d’esprit critique mais de tolérance aussi, eh bien, même nous, nous l’avons voté, ce crédit. Et vous allez contester un tel montant pour la Cathédrale alors que vous le donnez pour réparer des contours... Je vous en prie, mesdames et messieurs, restons civilisés. (Brouhaha.) M. Philippe Vuillemin : — M me Félix nous parle d’argent. J’en ai conclu que lorsqu’elle est à la Cathédrale, elle est tellement saisie par la spiritualité des lieux qu’elle en oublie de donner son obole à la collecte et elle a bien raison ! (Rires.) Elle a regretté que l’on vote pour des contours entre Vuiteboeuf et Ste- Croix ; il y en a qui sont contents de retarder le plus longtemps possible la « plantée » dans le contour qui les mènera à l’église mais sûrement pour la dernière fois, avec un orgue qui jouera par le biais d’un CD ! Dieu soit loué, à la Cathédrale de Lausanne, on ne peut pas y aller pour son enterrement sauf si l’on est une personnalité et on prend son CD à Montoie et on ne bénéficie pas des orgues. (Rires.) 1330 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Si j’interviens, c’est pour dire que, oui, je suis un libéral qui, à côté de l’argent, qui compte, quand même, dit que cet instrument lui va très bien, qu’en l’écoutant il s’élève vers le Seigneur, comme d’autres, qu’il ne voit pas franchement ce qu’un orgue nouveau lui apporterait. Il avoue qu’il n’a peut- être pas le tympan aussi performant que ceux qui ont l’oreille parfaite et il se dit que, lorsqu’il voit comment le chauffage est placé et que, comme on n’a jamais maîtrisé un chauffage quelconque dans une église quelconque construite à l’époque où le chauffage n’existait pas, il est totalement sûr qu’il faudra revenir avec un crédit complémentaire quelconque pour améliorer les choses. Cela dit, il vient à la tribune, votre serviteur, pour faire une remarque qui le dérange un peu tout en étant conscient que la personne en question n’en est probablement pas responsable. C’est ainsi que j’aimerais que M me la présidente m’explique pourquoi l’organiste est assis sur une chaise des chefs de service ? Est-ce qu’on peut s’imaginer qu’un jour, quand on parlera du social, par exemple, il y ait aussi des gens venus de l’extérieur qui s’assoient là et qui, le cas échéant, pourraient donner des indications au conseiller d’Etat Rochat sur le dernier ABS d’une chaise roulante qui permet de se déplacer commodément dans une ville comme Lausanne ? J’aurais personnellement souhaité que l’organiste s’assît là-haut (M. Vuillemin montre la tribune.) Je ne lui en veux pas mais, au nom de la procédure, je demande que ne soient dorénavant assis à ces deux chaises que les gens de l’Administration cantonale qui sont là pour être les soigneurs des conseillers d’Etat et rien d’autre. (Rires et brouhaha.) M. Olivier Français : — J’ose espérer que la musique adoucira les mœurs, en tout cas dans le cadre de notre vote et je vous soumets une réflexion car je suis tout de même un peu troublé par les propos de certains, notamment lorsqu’on parle de choix entre les Américains et les Helvètes. J’ose espérer que, dans le choix des mandataires, vous prenez autant de soin et que vous pensez aussi à leur emploi – et je pense à tous les mandataires – quand vous faites ces choix et peut-être aussi cette clause restrictive. En cela, vous êtes en complète opposition avec les sondages qui disent que les Romands sont européens. Il faudra qu’une fois on clarifie la chose et que l’on arrête de faire cet éternel débat de savoir où nous en sommes. Alors, si une partie de notre conseil se doit de rapporter, je le conçois tout à fait, je suis étonné de la part de l’autre personne de faire ce type de remarque. Les réticences sur cet orgue, je peux vous dire que, en tant que commissaire, je les ai eues et que j’ai posé passablement de questions. La première est de savoir s’il faut un orgue et ce qu’il faut en faire. Faut-il un orgue ? La commission a répondu à l’unanimité. Que faut-il en faire ? Cette question n’a pas été débattue et, c’est clair, cela pose un gros problème. En tout cas, ce que Séance du mardi matin 8 juin 1999 1331

l’on en a ressenti au sein de la commission, c’est que l’on voulait en faire une salle de concert. Et cela me paraît important : veut-on ou pas faire une salle de concert dans cette Cathédrale et est-ce le lieu pour cela ? Je pense que, cela, c’est la question à laquelle le Conseil d’Etat pourrait nous répondre ; elle nous permettrait en tout cas de faire un choix. Ce qui est sûr, c’est qu’avec l’orgue actuel, on ne peut pas faire un concert ; c’est impossible, cela nous a été démontré en commission. Alors, il faudra être bien clair au moment de notre vote, à savoir que si nous désirons faire de la Cathédrale de Lausanne une salle de concert, dans ce cas-là, mesdames et messieurs, vous devez voter ces 2 millions. Maintenant, pour le choix : si vous devez prendre un orgue américain ou pas. Là, vous remettez en cause toute une procédure de choix d’experts ; alors, vous, députés, dans ce cas-là, devenez experts et vous éviterez de nous faire perdre notre temps. Tout à l’heure, nous avons eu un grand discours de Mme Rey, dont j’ai été très surpris parce qu’elle pose toutes les questions que nous avons posées en commission, toutes, et auxquelles il a été donné réponse. Nous devons mieux travailler pour être un peu plus brefs dans le temps que nous sommes en train de perdre, d’autant plus qu’il est bientôt midi. Mais, bien sûr, je vais encore continuer parce que je n’ai pas parlé du son mais je vais en parler parce que, la Cathédrale de Lausanne, c’est un problème. On a parlé de l’humidité, c’est un problème, eh bien, oui, quand les cathédrales ont été construites, on a voulu mettre de la musique et, depuis, on a fait des progrès au niveau de l’humidité et on peut résoudre ce problème. Par contre, il y a un problème technique au niveau de la position de l’orgue et il est vrai que le gouvernement prend un risque parce qu’il ne peut pas nous garantir un son, madame Félix, ce n’est pas possible – et je peux vous dire que j’en sais quelque chose, c’est très difficile. Par contre, il prend un risque et personnellement je suis près à l’accepter parce que toutes les questions que j’ai posées en commission, bien qu’au départ, j’étais contre l’achat de cet orgue, m’ont convaincu. Aussi, mesdames et messieurs, si vous êtes convaincus que nous devons faire une salle de concert de cette Cathédrale, je vous demande d’accepter le préavis. M. Olivier Forel : — Je vais essayer de faire très court, mais M. Français m’interpelle sur un sujet fondamental, celui de l’acoustique de la Cathédrale. Transformer une cathédrale en salle de concert, cela, ça coûte – et M. Français peut faire une offre demain matin –, cela coûte beaucoup plus de 2,5 millions ; il faut bien être conscient de cette spécificité qu’une cathédrale n’est pas faite pour des concerts. 1332 Séance du mardi matin 8 juin 1999

Deuxième point, sans vouloir en rajouter, mais je n’ai rien vu à ce sujet dans l’exposé des motifs. Vous savez qu’il y a une convention européenne qui dit que le la est à 440 Hertz. J’ai vu qu’il y avait un transport de 45 000 francs pour faire venir l’orgue proposé d’Amérique. J’ose espérer que cela ne va pas tripler, c’est-à-dire, venir en Amérique, où l’on va constater qu’il y a 2 Hertz de différence avec la construction – et cela, ce n’est pas seulement l’image du tuyau, cela implique que dans la construction même de l’orgue il faut en tenir compte en anticipant que celui-ci va être plus bas –, puis que les tuyaux arrivent eu Europe et doivent repartir en Amérique pour être retaillés et revenir. Je me demande si je ne vais pas en arriver à demander l’application de l’article 114, soit déposer une motion d’ordre pour faire avancer les choses et surtout qu’il soit répondu à de nombreuses questions qui, pour moi, n’ont pas encore reçu de réponse satisfaisante. Et finalement, j’en arrive là, je demande par motion d’ordre le renvoi du projet au Conseil d’Etat pour complément d’information. La discussion sur la motion d’ordre est ouverte. Mme Roselyne Vanat, rapporteur : — Avant de nous décider sur cette motion d’ordre, j’aimerais répondre aux différentes questions posées et, pour celles auxquelles je ne serai pas capable de le faire, je pense que M. Ruey a aussi un certain nombre de réponses à apporter. Alors, veuillez peut-être, monsieur Forel, attendre que ces réponses aient été données pour déposer votre motion d’ordre. (La présidente acquiesce à cette manière de procéder.) Tout d’abord, j’aimerais vous dire que je ne me suis pas inscrite pour faire partie de cette commission ; c’est le hasard qui a voulu que je sois désignée par le Bureau et, comme vous avez pu le voir en lisant mon rapport – ce que j’espère vous êtes nombreux à avoir fait –, une grande partie des réponses aux questions posées ici s’y trouvent. Les questions et les réponses ont été soigneusement sélectionnées et il me semble que j’ai répondu pertinemment à un bon nombre des questions que vous vous posez. Quant à M me Rey, j’aimerais lui dire que je regrette infiniment qu’elle ne se soit pas inscrite pour faire partie de cette commission – elle a des compétences beaucoup plus valables que les miennes – à laquelle, pour ma part, j’ai pris énormément de plaisir à participer, comme d’ailleurs à la discussion qui vient d’avoir lieu. Cela dit, je réponds tout à d’abord à M me Rey concernant son reproche au sujet des experts consultés qu’elle estime ne pas avoir été assez nombreux. Or, dans le livre qu’elle a eu entre les mains, nous avons le nom de trois experts fédéraux : MM. Rudolf Bruhin de Bâle, André Meier de Lucerne, Bernard Zumthor de Genève ainsi que quelques experts cantonaux vaudois, à savoir MM. Eric Tesser conservateur cantonal, Denis Weidmann archéologue Séance du mardi matin 8 juin 1999 1333

cantonal, Christophe Amsler architecte mandaté à la Cathédrale, Dominique Chuard ingénieur mandaté pour la Cathédrale, M. le professeur Peter Kurmann historien d’art de l’Université de Fribourg, M. Patrick Devanthé architecte, et M. le professeur Mario Rossi acousticien à l’EPFL. Et toutes personnes de haute compétence, me semble-t-il, se sont ralliées aux décisions de la commission pour le choix de l’orgue Fisk. Concernant la balustrade, la réponse a été donnée, à savoir que le soin qu’apportent les archéologues et les spécialistes des monuments historiques et des vieilles pierres fait que si la balustrade – que l’on va démonter et non pas détruire – représente une valeur historique, elle sera réinstallée dans la Cathédrale parce qu’elle représente une portion de cet énorme édifice et qu’il y aura bien une place d’où elle sera visible ; cela d’autant plus que la tribune supérieure qu’occupe l’orgue actuel, sera, avec le choix d’un autre orgue, rendue au public et pourra vraisemblablement recevoir la balustrade en question. J’aimerais aussi préciser que la Commission des orgues, comme tous les experts mandatés – et c’est très important – ont fonctionné à titre bénévole. Concernant les orgues de Berne, de Bâle et de Neuchâtel, qui ont le même système de transmission, ils doivent aussi être démontés parce que ledit système n’est pas valable. Les chiffres du coût de la rénovation ont été donnés, ils s’élèveraient à 60% du prix de l’instrument, aux deux tiers du prix d’un instrument neuf et sans améliorer les défauts dus à l’emplacement ; de plus, les mêmes problèmes réapparaîtront après cinquante ans. Par ailleurs, on ne peut pas faire appel à des mécènes pour des réparations. Pour information supplémentaire, j’ajoute que le prix d’un jeu d’orgue est estimé à 30 000 francs, donc une centaine de jeux sont de l’ordre de 3 millions et je crois que le prix de ces différents projets est quasiment égal. En tout cas, à prix quasiment égal entre le projet Kuhn et le projet Fisk, la commission a penché pour le choix de l’orgue américain du fait que le son de cet instrument est particulièrement exceptionnel. Si la construction de l’orgue du facteur Kuhn est tout a fait conventionnelle et correspond à ce qui est fait chez Fisk, c’est la sonorisation qui, chez ce dernier, est absolument exceptionnelle – et, cela, l’organiste qui a eu le privilège d’aller tester plusieurs orgues de Fisk nous l’a confirmé. Et il me paraît que, lorsqu’on change un instrument, il faut tenir compte de ses qualités. Quant au diagnostic concernant l’orgue actuel, vos commissaires se sont rendus à l’intérieur de la Cathédrale, ils sont montés sur la tribune où se trouve l’instrument et l’ont examiné de dos et de face. Ils ont pu constater dès lors que l’instrument présente des signes de vieillissement : la transmission électrique et l’absence de buffet, donc une tuyauterie exposée à la poussière ce qui est grave 1334 Séance du mardi matin 8 juin 1999

et imparable ; le système de traction usé ainsi que la console et on a pu voir – M. Geiser nous en a fait la démonstration – que des touches restent bloquées ou dégagent des sifflements. Or, lors d’un concert ou même simplement de l’accompagnement des psaumes à l’occasion d’un service religieux, des défauts de cette importance sont très désagréables. Et ce qui nous a bien fait rire, c’est de voir les sommiers fissurés qui sont, excusez-moi cette vaudoiserie, « rafistoqués » avec des bouts de mouchoirs en papier ! Il me semble qu’un édifice tel celui de la Cathédrale de Lausanne mérite mieux que cela. J’en ai terminé pour une partie des réponses et je laisse la parole à M. Ruey pour compléter ce qui resterait en suspens. M. Claude Ruey, président du Conseil d’Etat : — On me dit que s’il y a de bonnes réponses, il n’y aura pas de motion d’ordre... très bien ! Je répondrai tout d’abord à mon ami Philippe Vuillemin, qui devrait pourtant me connaître, que je ne sais pas tout. Et c’est la raison pour laquelle effectivement l’architecte du projet et l’organiste sont là, pour pouvoir me donner les renseignements techniques concernant les questions que, légitimement, le Grand Conseil peut se poser. Et, c’est un scoop pour certains, les conseillers d’Etat ne savent pas tout, mesdames et messieurs ! Cela dit, j’ai hérité de ce dossier en reprenant le Département des institutions et des relations extérieures avec la délégation qui s’en occupe, à savoir MM. Biéler et Favre. Nous avons eu l’occasion de nous pencher sur cet objet et les questions que vous vous posez, je les considère comme parfaitement légitimes, mais nous nous les sommes posées aussi de manière tout à fait rationnelle, nous avons essayé d’y répondre, et nous le faisons positivement. C’est pourquoi il me paraît que ce débat ne mérite ni cet excès d’honneur ni cet excès d’indignité. C’est un choix sérieux que nous devons faire sans céder à des fantasmes ou à des propos qui me semblent avoir dépassé la pensée de ceux qui les ont prononcés, à défaut de les avoir écrits. Tout d’abord la question de savoir s’il faut un orgue maintenant, c’est effectivement la question de base. Ensuite, si l’on accepte d’entrer en matière sur ce point, quel orgue, et faut-il accepter qu’il vienne d’Amérique, ou plus exactement de l’Europe américaine, c’est-à-dire de Boston, plutôt que de Suisse ? Encore une fois, ce sont des questions que nous nous sommes posées et qui sont légitimes. Je vais essayer d’y répondre mais je rappellerai premièrement à M me Rey que tout ce qui est excessif est insignifiant. Et c’est à elle que je faisais allusion tout à l’heure, j’ai l’impression en effet qu’un aigri quelconque lui a préparé un mauvais texte, de loin pas convaincant précisément parce que les questions posées et le ton qu’elle y a mis me semblaient être dirigés – je ne sais pas contre qui parce que je ne suis pas à la genèse du Séance du mardi matin 8 juin 1999 1335

dossier. En effet, je vous rappelle que les premières études ont eu lieu en 1993, qu’il y a eu, comme on l’explique dans l’exposé des motifs, des journées de réflexion en 1995 et que, à cette époque-là, des experts ont été consultés – je n’aime pas que l’on attaque les experts, j’aime que l’on attaque les opinions, les faits, mais que l’on mette en cause l’honnêteté des gens, je ne l’admets pas volontiers et c’est pour cela que je réagis car je crois que chacun y a mis son cœur et son intelligence de la manière la plus impartiale possible. Et lorsqu’on vient nous dire que ce sont des gens qui, pour défendre leurs propres intérêts, pour prévoir leur prochain orgue – de Barbarie, peut-être – ailleurs, ont pesé en faveur du projet, je considère que ce n’est pas un débat à la hauteur de ce que l’on attend dans une telle assemblée. Relisez, mesdames et messieurs, la page 7 de l’exposé des motifs et vous verrez que l’organiste des orgues de Notre- Dame à Paris faisait partie des experts – je ne pense pas qu’il avait un intérêt particulier à être favorable à telle ou telle solution ; il y avait le titulaire des orgues du Munster de Berne – et non pas de sa Cathédrale, monsieur Meylan –, qui n’était pas non plus, je pense, intéressé par la solution qui sera adoptée ici à Lausanne ; et il y avait aussi, en plus, qui ne sont pas membres de la commission mais qui sont venus à des séances de travail, des experts fédéraux qui ont confirmé, lors de discussions très en profondeur, les choix qui ont été faits. J’en viens à quelques détails. Concernant le nombre de jeux, il faut savoir ce que nous voulons : nous sommes ici dans la Cathédrale de Lausanne ; on n’est pas dans une petite église, dans une préfecture ou une sous-préfecture de province, on est à Lausanne, la capitale du Pays de Vaud, dans son monument le plus visité et l’un des plus visités de Suisse, la Cathédrale, dont le rayonnement non seulement est national mais international et le nombre de jeux a été calculé de manière juste. Les bouches de chauffage. Bien sûr, si l’on n’est pas averti, on peut se poser des questions, c’est parfaitement légitime. Mais j’ai là les schémas qui ont été faits pour ces bouches de chauffage. Les experts imbéciles dont j’ai cru entendre parler tout à l’heure, sont tellement imbéciles qu’ils se sont posé la question de ces bouches de chauffage ; ils se la posent dans tous les monuments de cette taille et de cette importance. Tous les concurrents sollicités pour présenter une offre avaient dans leur dossier le problème de l’impulsion de l’air chaud, de la stratification sur la hauteur, du panache d’air chaud, etc. et la protection des sommiers de l’orgue est prévue dans les projets des différents auteurs, candidats et concurrents pour ce projet et aussi, bien sûr, pour l’orgue qui a été retenu. Ce point est pris en compte, alors que l’on ne vienne pas faire du bla-bla là-dessus. 1336 Séance du mardi matin 8 juin 1999

La balustrade. Le Conseil d’Etat lui-même en avait parlé. La suppression envisagée concerne le garde-fou de la tribune intérieure ; la balustrade de la galerie supérieure est conservée. Les raisons de la dépose – il ne s’agit pas d’une suppression – ne sont acoustiques qu’indirectement ; le démontage sera soigneux, partiel, réversible, avec conservation des éléments déposés. Quant à la datation de cette fameuse balustrade, il est vrai qu’en lisant superficiellement M. Marcel Grandjean, on voit qu’elle est ancienne mais l’étude de M. Grandjean confirme ce qu’on peut lire dans les protocoles de la commission technique de l’époque, à savoir qu’elle a été largement retaillée entre 1902 et 1903. M. Stoeckli, archéologue, y repère d’ailleurs les poinçons marquant traditionnellement les chantiers de cette époque. La balustrade, retaillée largement, n’incorpore, du début du XVI e siècle, que trois fragments : deux dais latéraux et le garde-fou du balconnet central. Ce sont les trois seuls éléments du XVI e siècle, or aucun d’entre eux ne sera déposé ; c’était d’ailleurs une des exigences du cahier des charges remis aux facteurs d’orgues lors du concours de 1998. Le problème de la balustrade me paraît ainsi réglé : ce qui est enlevé, c’est la partie kitsch de 1902. S’agissant maintenant de la question de passer commande à des Américains, là aussi le Conseil d’Etat s’est posé la question. Nous avons désigné une commission d’experts ; non seulement cela, nous avons fait appel à des experts de l’extérieur et nous avions fait appel à d’autres experts extérieurs en plus. Or, il se trouve que lorsqu’on fait appel à des experts, c’est pour qu’ils nous éclairent, ce n’est pas pour venir dire que ce sont des malhonnêtes ou des menteurs ; tout expert peut se tromper, bien entendu, mais le Conseil d’Etat encore plus, chacun le sait, en tout cas dans cette salle ! Dès lors, le Conseil d’Etat a considéré qu’il pouvait faire confiance aux experts et la commission elle-même a été convaincue qu’il « n’y avait pas photo » malheureusement entre Fisk qui construit un orgue, non pas américain mais européen, fabriqué à Boston et le concurrent helvétique. Et pourquoi dis-je un orgue européen ? parce que ce sont des normes européennes qui sont utilisées pour cet orgue, construit à Boston mais avec l’appui de la firme Mingot à Lausanne, puisqu’il y a une sous-traitance possible avec celle-ci qui, à elle seule n’aurait pas pu construire un orgue – et pour l’autre, on le sait, « y a pas photo ». Dès lors, la question que nous nous sommes posée est la suivante : devons-nous jouer les provinciaux et renoncer à choisir le meilleur, à un prix comparable, ou devons- nous au contraire jouer l’ouverture ? M. le député Francey a répondu, nous avons raison de jouer l’ouverture parce que, précisément, nous jouons ici en catégorie supérieure, nous jouons à Lausanne, la capitale du Pays de Vaud. A ce sujet et dans ce sens-là, je réponds aux Verts dont je comprends d’autant mieux la question que nous nous la sommes aussi posée : il s’agit de ne pas Séance du mardi matin 8 juin 1999 1337

briser un élan, de jouer dans une catégorie musicale qui est celle de notre canton. Le Canton de Vaud a une tradition musicale qui date d’Ernest Ansermet et même d’avant lui, que chacun connaît, qui est un de ses atouts internationaux – j’étais dans cette salle il n’y a pas si longtemps pour la remise du prix Schiller à M. le directeur sortant du Conservatoire de Lausanne, les experts internationaux qui étaient présents, les musicologues qui étaient là, confirmaient ce rôle phare du Canton de Vaud dans ce domaine. Et il est normal que, dans une catégorie où nous sommes les meilleurs, nous essayions de tout faire pour y rester. Cette tradition musicale n’est pas rien, elle fait partie de nos atouts non seulement culturels mais économiques, il ne faut pas l’oublier. Et j’en viens à cette partie économique. Aujourd’hui, je peux vous le dire, nous avons un système de financement qui est non seulement public mais aussi privé. Et aujourd’hui, je dis qu’il ne faut pas briser un élan. Pourquoi ? Parce que la recherche de sponsors fait que la récolte de fonds bat son plein et que quatre fondations, une multinationale vaudoise, une grande banque suisse, une compagnie d’assurance, nous ont déjà fait des promesses de dons pour 1,5 à 2 millions, alors que nous visons 2,1 millions. L’élan est lancé et si, aujourd’hui, nous le brisons, cet argent serait perdu pour le plus grand mal de Lausanne, pour le plus grand mal du canton, de la musique, et pour le plus grand mal de la vie spirituelle à la Cathédrale. C’est la raison pour laquelle je vous prie de refuser toute motion d’ordre et d’entrer en matière sur le projet qui vous est soumis. La motion d’ordre, soutenue que par 17 membres, n’est pas acceptée. Le débat est interrompu ______La séance est levée à 12 heures. ______