Belgeo Revue belge de géographie

2 | 2019 La région, vous dîtes? Le kaléidoscope régional de l’Union européenne

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/belgeo/28463 DOI : 10.4000/belgeo.28463 ISSN : 2294-9135

Éditeur : National Committee of Geography of Belgium, Société Royale Belge de Géographie

Référence électronique Belgeo, 2 | 2019, « La région, vous dîtes? Le kaléidoscope régional de l’Union européenne » [En ligne], mis en ligne le 30 juin 2019, consulté le 15 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ belgeo/28463 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belgeo.28463

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SOMMAIRE

Editorial : La région, vous dîtes ? Le kaléidoscope régional de l’Union européenne Thomas Perrin et François-Olivier Seys

Regional diplomacy: a piece in the neo-medieval puzzle? Manuel Duran

Des régions territoriales aux régions fonctionnelles, une proposition de classification des régions de l’Union Européenne François-Olivier Seys

Trappes de développement et influence de la Politique de Cohésion de l’Union européenne : une exploration géospatiale Sébastien Bourdin

Regionalisation in Poland: background, features and public perception. A first appraisal Elżbieta Opiłowska

Les jeux d’échelle dans la communication politique des présidents des régions italiennes de l’Émilie-Romagne et du Latium. Une approche par la statistique textuelle Dorian Bernadou

Transfert des fonds européens et affirmation du pouvoir régional. L’exemple des investissements territoriaux intégrés (ITI) en Île-de-France Brice Lamenie

Les eurorégions dans la presse en ligne : procédés discursifs d’attribution de reconnaissance sociale Marie-Hélène Hermand

La « région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur » : contrer la périphérie étatique par la centralité métropolitaine Pauline Pupier

Les ambiguïtés de l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, à travers ses représentations régionales Bénédicte Grosjean

City-regional policies in the planning systems of Finland and Austria: National initiatives and European opportunities Eva Purkarthofer et Alois Humer

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Editorial : La région, vous dîtes ? Le kaléidoscope régional de l’Union européenne Region you said ? The regional kaleidoscope of the European Union

Thomas Perrin et François-Olivier Seys

La région : une notion inhérente au corpus scientifique de la géographie, bientôt partagée avec de nombreuses sciences sociales

1 Le concept de région est un des plus discutés de la géographie depuis le début du XXe siècle1. Le terme même de région est globalement polysémique avec des définitions variables, selon les auteurs et dans le temps. Sans vouloir être exhaustif, on peut rapidement noter quelques grandes étapes.

2 La région est une notion fondatrice de la géographie moderne et de son affirmation dans le paradigme positiviste. Par exemple, dès 1903, le Tableau de la Géographie de la France2 est organisé régionalement. Dans cet ouvrage, Vidal de la Blache décrit successivement les régions françaises après les avoir délimitées. La délimitation a été pensée selon un double concept : la région naturelle et le genre de vie. Les régions naturelles présentent une unité physique, c’est-à-dire des reliefs, des sols et des conditions climatiques relativement homogènes que les hommes ont réussi, par leur genre de vie, à mettre en valeur en s’adaptant à cette réalité physique.

3 Cette conception à tendance déterministe de la géographie fut progressivement remise en question pendant tout le XXe siècle, bien que la région restât un concept de base avec de nouvelles formes. On commence à parler de région économique, de région politique, de région d’aménagement.

4 De même, bien qu’elle soit progressivement minorée au profit du concept de territoire à partir des années 1970, la région est restée un concept fondamental mais néanmoins

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intrinsèquement polysémique, si bien que chaque auteur a besoin d’en préciser le sens dès qu’il l’aborde. Dans le Dictionnaire de la géographie de l’espace et des sociétés de 2003, dirigé par Jacques Lévy et Michel Lussault, Guy di Méo, dans l’entrée « région », résume le concept de la manière suivante : « la région est une des notions essentielles, mais aussi les plus polysémiques, voire floues de la géographie » C’est à la fois toute la pertinence et le paradoxe de la notion de région.

5 Pour les autres disciplines des sciences humaines et sociales, la question régionale est moins centrale dans la réflexion épistémologique mais elle est également présente. C’est le cas en économie, avec le développement de la science dite « régionale » à partir des années 1950, qui envisage la région comme un espace dessiné par les flux et les interactions entre agents économiques. Ces dynamiques conditionnent l’organisation spatiale des populations et des activités. En sciences politiques, la question régionale fait l’objet d’un questionnement relativement récent, induit par le développement de la région en tant qu’entité politique et territoriale. En Europe, les régions sont devenues progressivement des entités politiques et territoriales depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les précurseurs sont des États fédéraux : l’Allemagne et l’Autriche. Respectivement, dès 1949 et 1955, ces États se sont dotés de régions ayant des limites territoriales claires, gérées par des conseils élus et ayant des compétences précises − incluant un pouvoir législatif cadré − qu’elles leur soient propres ou partagées avec la Fédération. Les autres États de la CEE, puis de l’UE, ont progressivement embrayé le pas avec des modèles différents. C’est le cas, par exemple, de la France qui s’est dotée, dans les années 70, de régions administratives pour mettre en place des services déconcentrés de l’État sur la base de regroupements de départements. Ces régions ont ensuite servi de base spatiale à des entités politiques et territoriales, auxquelles les lois successives de décentralisation ont délégué des compétences depuis 1982.

6 Au début des années 1990, l’ensemble des États de la CEE ont des régions même si leurs organisations spatiales, leurs réalités territoriales et leurs niveaux de compétence sont très variables. Cependant, un double phénomène va induire une transformation de la question régionale, qui s’inscrit dans un mouvement qualifié de néo-régionalisme. Ce double phénomène est à la fois la création de l’Union européenne et la chute du communisme en Europe centrale et orientale. La création de l’Union européenne a rendu obligatoire la définition d’entités territoriales destinées à gérer les fonds structurels, suivant en cela les évolutions économiques globales qui font de l’échelle régionale, ni trop vaste ni trop locale, l’échelle de référence d’une compétitivité économique basée sur le double phénomène d’agglomération – des activités, des compétences, des talents – et de connexion aux flux et marchés globaux. Chaque État membre a donc dû définir des entités territoriales de différents niveaux, dont une de niveau régional. L’Union européenne n’ayant pas de compétences directes dans l’organisation territoriale des États membres, elle laisse une grande liberté aux États pour définir leurs unités territoriales. On a donc un résultat ambivalent, avec à la fois la généralisation d’un découpage européen des territoires, représenté à travers les unités de la Nomenclature des unités territoriales statistiques européennes (NUTS), mais une grande variabilité des réalités qu’ils recouvrent. Au centre et à l’est de l’Europe par exemple, les années 1990 ont été celle d’une rupture fondamentale, où il a fallu repenser complètement la forme et l’organisation politique des États. La perspective européenne, les négociations d’adhésion puis l’intégration à l’UE ont généralisé les NUTS et indirectement les régions mais, comme à l’ouest, avec une grande variabilité.

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Une notion infiniment variable mais néanmoins stabilisée

7 Dans les années 2010, on peut observer une quasi généralisation et la stabilisation de la notion de région mais avec une très grande variabilité de situation. Si on se tient à la définition la plus générale de la région comme entité territoriale de niveau immédiatement inférieur à celui de l’État, des régions existent dans presque la totalité des États de l’Union européenne3. On y trouve des entités de représentation infra- nationales et supra-communales, mais avec des tailles et des niveaux de compétence variables. C’est cette échelle méso qui fait région.

8 Chaque État membre a fait des choix différents mais l’intensité du fait régional présente deux constantes. C’est plutôt le fait des grands États de l’UE et il est plus prégnant à l’ouest du continent que dans les pays postcommunistes d’Europe centrale et orientale. On a donc différents modèles, non disjonctifs entre eux et d’une telle variabilité que l’exhaustivité est difficile à atteindre d’un point de vue analytique.

9 Les États fédéraux sont trois : l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique. Un seul point commun entre les trois : les régions sont dotées de compétences législatives partagées ou exclusives avec l’échelon fédéral. Par contre, la répartition des compétences entre le niveau fédéral et le niveau régional sont différentes et même la forme de la région est différente. L’Allemagne et l’Autriche n’ont qu’une entité de premier niveau infranational, les Länder ou Bundesländer, quand la Belgique est une double fédération de Régions et de Communautés.

10 Deux États sont en voie de fédéralisation imparfaite, différente et mouvante : l’Espagne et l’Italie. Depuis les années 1970, les compétences octroyées aux régions y ont été accrues mais de manière différenciée sur le territoire. L’Italie compte cinq régions autonomes ayant la possibilité d’amender les lois nationales. De plus, parmi ces cinq régions, une a un statut unique puisqu’elle est devenue de fait l’union lâche de deux provinces autonomes : le Trentino-Südtirol qui regroupe les provinces de Bozen/ Bolzano et de Trento. En Espagne, le modèle des comunidades autónomas (communautés autonomes) s’est progressivement mis en place depuis le retour de la démocratie mais avec un modèle original selon chaque région. La question fiscale en est un exemple : la communauté autonome du Pays Basque perçoit les impôts de ses habitants quand la Catalogne ne le fait pas. Dans chacun de ces deux systèmes, la réalité régionale est mouvante car la question de la répartition des compétences entre l’État central et les régions est au centre du débat politique et des modifications mineures sont mises en place régulièrement, en particulier à chaque alternance politique nationale.

11 Deux États ont mis en place une fédéralisation sur une partie de leur territoire : Le Royaume-Uni et le Portugal. De fait, ce sont des États fédéraux partiels : à Madère et aux Açores ; en Ecosse, au pays de Galles et en Irlande du Nord depuis les actes de dévolution. Ce sont également des États sans région sur le reste de leur territoire. Un référendum a rejeté la création de régions au Portugal continental en 1998, quand les agences régionales qui avaient été mises en place en Angleterre ont été supprimées en 2011.

12 L’organisation régionale des États décentralisés est également un modèle partagé. A l’échelle régionale cohabitent l’organisation spatiale des services déconcentrés de l’État

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et des collectivités territoriales gérées par un conseil élu, ayant des compétences variables mais limitées. C’est, par exemple, le cas au Danemark, en Grèce ou en Pologne. Ce modèle est certainement le plus hétéroclite et le plus mouvant. Certaines compétences sont souvent dévolues aux régions comme le développement économique et l’aménagement du territoire, d’autres le sont parfois comme le transport et d’autres plus rarement comme l’éducation. De plus, il y a un mouvement constant et contradictoire selon les États. Certains États membres, comme la Finlande et la Suède au nord de l’Europe ont réduit le spectre de compétences dévolues aux régions quand d’autres font le chemin inverse : c’est le cas de la France qui présente une originalité supplémentaire. Elle a deux niveaux de dévolution intermédiaire entre l’État et les communes : les régions et les départements. Leurs compétences sont différentes mais peuvent être imbriquées : le département pilote la politique sociale quand les régions sont compétentes sur le développement économique. Les deux collectivités sont compétentes sur l’éducation ; le département gère les collèges et la région les lycées. Une imbrication des compétences qui fait régulièrement l’objet d’un débat sur la simplification et la clarification des compétences décentralisées.

13 Dans les États ayant recouvré la démocratie récemment, la région semble faire peur. C’est le cas, par exemple, de la Bulgarie, la Hongrie ou la Roumanie. Ce dernier pays en est un bon exemple. Il a hérité, de la période communiste, de départements, nommés Judete4 en roumain. Ils servent toujours d’unités territoriales pour les services déconcentrés de l’État et ont été dotés de conseils élus. Depuis le début des années 1990, il existe un débat politique sur la création de régions qui n’aboutit pas, car une partie de la classe politique et de l’opinion publique a peur de la mise en place d’un scenario comparable à celui observé en Espagne, où les régions sont très autonomes vis-à-vis de Madrid, jusqu’à la tentation de l’indépendance. La Roumanie n’est unifiée que depuis le lendemain de la Première Guerre Mondiale. Par exemple, la Transylvanie, qui a longtemps été hongroise, présente des caractéristiques ethniques, linguistiques et identitaires originales. Elle pourrait utiliser une autonomie régionale, qui lui serait accordée, pour défier Bucarest. Cette crainte, peut-être non fondée, a bloqué la plupart des tentatives de régionalisation, si bien que la Roumanie a défini, juste avant d’entrer dans l’Union européenne, des régions de planification, nommées « régions de développement » (Regiuni de Dezvoltare). Ce sont simplement des NUTS 1 qui ont été formées, par regroupement de Judete, pour gérer les fonds structurels. Ce ne sont pas des régions au sens strict mais des régions que l’on pourrait qualifier de techniques.

14 La région reste donc plurielle en Europe. Bien que le fait régional soit globalement généralisé, les formes de régionalisation offrent un réel kaléidoscope car l’Union européenne a plutôt eu un effet d’accroissement de la variabilité des modèles régionaux.

Les régions et l’Europe : je t’aime, moi non plus ?

15 L’Union européenne a un rôle important dans le développement de la notion de région et elle a en a plutôt renforcé le caractère polysémique. Par la création de la politique de cohésion, souvent appelées politique régionale, l’UE a fait de la question régionale une politique fondamentale, mais sans donner de cadre contraignant à la notion de région, ce qui amène une confusion supplémentaire. En réalité, le but principal de la politique régionale de l’Union européenne est de réduire les disparités de développement

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économique et social entre les territoires des États membres. Ce n’est pas une politique régionale au sens strict, puisque elle ne donne pas d’indications quant à la nature des unités territoriales sur lesquelles la politique régionale s’appuie. Elle incite simplement à définir des unités territoriales emboîtées et ne fixe que des seuils statistiques d’effectifs de population entre les NUTS 1, 2 et 3.

16 De plus, il est remarquable que, sans définir ce qu’est une région, l’UE leur donne une certaine reconnaissance politique par leur présence au Comité européen des régions. Cette instance, créé en 1994, est certes consultative, mais elle joue un rôle important dans la définition des politiques communautaires qui comportent une dimension territoriale. Les collectivités territoriales l’ont compris quand on voit le nombre d’entre elles qui ont un bureau de représentation à Bruxelles pour y promouvoir leurs intérêts. De même, le Comité européen des régions porte mal son nom car chaque État membre y désigne ses représentants et qu’ils sont issus de collectivités territoriales très variables : non seulement des régions, mais aussi des collectivités, correspondant, dans les États membres, à l’équivalent français des départements, des communautés de communes et des communes.

17 De fait, les États membres ont gardé l’essentiel des compétences. Ils sont maîtres de la régionalisation, du degré d’autonomie régionale et de l’organisation régionale du territoire. Sur cette question, l’UE est impuissante et ne parvient pas à avoir un rôle politique, car aucun traité ne l’autorise à l’avoir. Elle affirme une position de neutralité qui a probablement eu un effet sur le résultat du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse en 2014. Elle a été un spectateur muet de la crise catalane enclenchée en octobre 2017. Or c’est une lecture politique et non les traités qui disent que toute région nouvellement indépendante devrait recommencer l’intégralité du processus d’adhésion et que cela prendrait plusieurs années. Ces régions satisfont déjà actuellement à l’intégralité des chapitres de l’acquis communautaire et donc qu’est-ce-qui les empêcherait d’entrer très rapidement dans l’UE au lendemain de leur indépendance ? Par exemple, qu’est-ce-qui empêcherait la Catalogne indépendante de garder l’Euro comme monnaie alors que la Monténégro l’a de facto sans être membre de l’UE ni de l’Eurozone ?

Évolution et renouvellement de la « région européenne »

18 Le cadre européen a par contre rendu possible l’émergence de nombreuses nouvelles échelles. Historiquement, ce sont les eurorégions5, des organisations territoriales de coopération transfrontalière dont la première a été créée en 1958 : l’Euregio, qui regroupe 130 communes sur la frontière entre l’Allemagne et les Pays-Bas et dont le siège est à Gronau en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. On dénombre plus d’une centaine d’organisations de ce type en Europe, sans cadre juridique entièrement normalisé6. Cette absence de cadre juridique en a fait un modèle très variable que ce soit sur leur taille ou leur nature. Le seul point commun des eurorégions est de regrouper des collectivités territoriales d’au moins deux États membres et de s’inscrire bien souvent dans une continuité territoriale même si elle peut parfois être complexe dans le cadre des eurorégions insulaires.

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19 L’Union européenne leur a donné la possibilité d’acquérir une personnalité juridique en 2006 en créant le statut de Groupement européen de coopération territoriale (GECT) que toutes les eurorégions n’ont pas forcément choisi. C’est le cas par exemple, de l’eurorégion des Carpates qui, bien qu’active, n’est pas un GECT. De même, les eurorégions sont rarement des groupements de régions mais plus souvent des groupements de communes transfrontalières. Cette forme juridique peut également être utilisée par d’autres structures de coopération européenne. L’association des universités de la vallée du Rhin autour de , Eucor-Le Campus Européen, est juridiquement un GECT Il existe des réseaux dans différents secteurs, qui regroupent des organismes pas obligatoirement transfrontaliers, et qui portent le statut de GECT.

Source : Mission opérationnelle transfrontalière, http://www.espaces-transfrontaliers.org/ressources/ cartes/maps/show/les-gect-crees-en-europe/

20 Articulé partiellement avec les eurorégions et les GECT, les programmes Interreg de l’Union européenne ont, notamment en proposant des co-financements, fait émerger des régions transfrontalières, en particulier dans son sous-programme A (échelle transfrontalière), mais aussi, dans une moindre mesure, pour le B (échelle transnationale, plus vaste)7. Certaines sont assez intégrées à plusieurs niveaux, si bien qu’elles commencent à être envisagées comme des espaces vécus, structurés par des interactions fonctionnelles telles que les navettages de travailleurs, les flux socio- économiques ou les accords de coopération politiques. C’est le cas emblématique de la Grande-Région/Großregion qui, bien qu’elle ait succédé à l’eurorégion Saar-Lor-Lux avec des limites différentes, est très active et montre de très nombreuses réalisations. De plus, la Grande Région a adopté le statut de GECT pour être autorité de gestion du programme Interreg qui concerne les territoires qui la composent.

21 La question des régions transfrontalières est remarquable et elle a permis également de faire émerger un autre concept à plus petite échelle : les macro-régions et stratégies macro-régionales de l’Union européenne8. Ce dispositif, sans nature juridique et sans soutien financier additionnel de l’Union européenne en dehors des financements pré-

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existants, s’inscrit sur des espaces relativement vastes qui correspondent, peu ou prou, à l’échelle dite « transnationale » des programmes Interreg B. La plupart des macro- régions regroupent des régions de plusieurs pays européens autour de défis partagés. Les deux premières ont été formalisées autour du développement économique, des transports et du développement durable ; ce sont celles de la mer Baltique et du Danube. Depuis, des stratégies macro-régionales ont été mises en place pour l’espace de la mer Adriatique-Ionienne et pour l’espace alpin et de futurs dispositifs pour d’autres macro-régions sont en discussion.

Source : Atelier universitaire Jean Monnet-Eurégio, laboratoire TVES, Université de Lille

22 En dehors du cadre européen mais dans l’Union européenne, de nouveaux concepts émergent actuellement dans des cadres nationaux ou locaux. On ne peut pas être exhaustif mais on peut citer au moins la question des régions métropolitaines auxquelles on donne des réponses différentes selon les États membres9, bien qu’elles furent pensées dans un but unique : celui d’être des supports de l’attractivité et de la compétitivité socio-économiques. Ce sont, par exemple, les métropoles en France, les Metropolregionen en Allemagne, les città metropolitane en Italie. Il existe également des projets locaux autour de grandes villes ou de régions-capitales : le Grand Paris, la discussion sur la fusion entre Berlin et le Brandenburg, la création du Grand Helsinski, (Helsingin seutu en finnois), le projet d’extension de la région de Bratislava (Bratislavský kraj) sur la région voisine de Trnava (Trnavský kraj) qui est fonctionnellement incluse dans son aire urbaine.

Présentation des articles du numéro

23 Nous avons intitulé ce numéro de Belgeo « La région, vous dîtes ? Le Kaléidoscope régional de l’Union européenne » car, comme le montre la présentation partielle ci-

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dessus, le terme région reste polysémique et il recouvre une réalité plurielle dans l’Union européenne, et ce malgré une dynamique concomitante de stabilisation et de normalisation du phénomène. Les 10 articles de ce numéro de Belgeo, inspirés pour majeure partie du projet européen EURÉGIO10, montrent bien, par leurs thématiques et leurs approches, la variabilité de la réalité régionale en Europe. Ils montrent également que l’intérêt pour la région en tant qu’objet de recherche concerne de nombreuses disciplines. Les auteurs sont historiens, géographes, sociologues, linguistes, économistes. De même, nous avons essayé d’avoir des auteurs issus de différents États membres ou s’intéressant à des espaces dans l’ensemble de l’UE avec une réelle articulation scalaire que cette présentation des articles reprend. Nous avons à la fois des articles s’intéressant : • au fait régional dans l’ensemble de l’Union européenne ; • à des exemples régionaux dans un seul État membre ; • aux formes transfrontalières et métropolitaines de la réalité régionale.

24 Les trois premiers articles nous présentent le fait régional dans l’ensemble de l’Union européenne. Le premier article, celui de Manuel Duran, nous apporte un éclairage intéressant et original sur la diplomatie régionale. Alors que l’on pourrait penser que l’émergence de la diplomatie régionale est un phénomène récent, en particulier dans l’Union européenne, cette pratique existait déjà au Moyen Âge, certes sous une forme différente liée à la forme même de souveraineté territoriale qui prévalait à cette période. Il est aujourd’hui intéressant de remettre en perspective la situation médiévale avec l’évolution de l’organisation politico-territoriale dans le cadre de la construction européenne et des dynamiques de mondialisation. Dans ces évolutions, l’échelle « méso » de la région trouve une résonance particulière. François-Olivier Seys quant à lui met en perspective différentes questions complexes liées au fait régional : le lien NUTS/Région, la manière dont les limites spatiales des régions ont été tracées et le degré d’autorité régionale sur l’intégralité de l’UE. A l’issue de cet exercice il propose une classification des modèles de régions. Sébastien Bourdin nous fait un diagnostic du degré d’efficacité des politiques de cohésion. En utilisant, une méthode d’analyse spatiale bivariée, les BiLISA, il montre que l’efficacité des politiques de cohésion est différenciée en fonction des degrés de concentration spatiale. Il serait donc nécessaire, pour la prochaine période de programmation, de territorialiser davantage ces politiques afin de les rendre plus efficaces.

25 Les trois articles suivants traitent d’exemples dans un seul État membre. Elżbieta Opiłowska nous fait une présentation de la réforme territoriale en Pologne, qui a constitué une rupture historique avec la Pologne unitaire de l’ancien régime. Les régions polonaises, les voïvodies (Wojewódźwa), qui ont comme compétence principale le développement économique et la gestion des fonds structurels, sont devenues assez rapidement des espaces perçus pas les citoyens. L’analyse des représentations citoyennes montre que, dans l’ensemble, ces derniers ont une perception positive de l’efficacité des collectivités territoriales, que ce soient les communes ou les régions, bien qu’il soit difficile de dresser des généralités fermes à partir des données disponibles. Dorian Bernadou approche la question de la place de la région par une analyse textuelle. Il a travaillé sur un corpus de 8 discours d’intronisation des présidents des régions Emilie-Romagne et Latium en Italie. Il constate que la référence à l’Union européenne est une constante forte, quand celle à l’État italien n’est pas systématique et même parfois absente. Cela montre que, pour les présidents de région,

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la relation importante est celle à l’Europe et notamment leur capacité à attirer les fonds européens. L’approche de Brice Lamenie est différente mais le sujet est proche. Il s’intéresse à la mise en œuvre des fonds structurels en Île-de-France, dont la gestion a été confiée aux conseils régionaux depuis 2014. Il montre que le changement de paradigme a été difficile à mettre en place dans cette région particulière car siège du gouvernement national.

26 Les quatre derniers articles s’intéressent aux formes régionales récentes, que l’Union européenne a contribué à faire émerger, c’est-à-dire aux régions transfrontalières et/ ou métropolitaines. Marie-Hèlène Hermand nous propose une analyse originale de la propension des eurorégions à gagner de la lisibilité dans les discours de presse. Elle nous montre que, dans le temps, l’occurrence eurorégion est de plus en plus présente et que cela s’est accéléré à partir de la création des GECT. Pauline Pupier a réalisé un travail fouillé sur la région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur, comprenant une relecture scalaire des concepts de centre et de périphérie. La définition de cette entité transfrontalière a déterminé une nouvelle forme de centralité, dans un espace considéré comme périphérique par rapport aux centralités nationales, Paris en France puis Berlin en Allemagne, mais aussi régionales, Stuttgart dans le Bade-Wurtemberg. Bénédicte Grosjean aborde un espace comparable : l’Eurométropole Lille-Kortrijk- Tournai qui a été le premier GECT. Elle l’aborde sur l’angle des représentations que les collectivités territoriales qui la composent en ont. Dans ces représentations, la dimension tri-régionale est mise systématiquement en avant, alors que la réalité du territoire est différente, en particulier à cause du poids relatif très important de la Métropole européenne de Lille dans l’ensemble. Le dernier article compare les politiques menées aux niveaux européen et national, en Finlande et en Autriche, pour soutenir les régions urbaines fonctionnelles et la coopération intercommunale. Eva Purkarthofer et Alois Humer nous montrent que les interventions européennes et nationales peuvent être complémentaires, mais peuvent également se contredire selon les cas étudiés.

27 Ce volume de Belgeo entend ainsi proposer une vision actualisée et variée sur les régions et la régionalisation en Europe, afin de nourrir la discussion et d’envisager de nouvelles perspectives de recherche, dans le droit fil des collaborations développées sur cette thématique au sein du laboratoire TVES à l’Université de Lille.

NOTES

1. CLAVAL P. (2006), Géographie régionale. De la région au territoire, Paris, Armand Colin; PAASI A., HARRISON J. & JONES M. (eds.) (2018), Handbook on the Geographies of Regions and Territories, Cheltenham, Edward Elgar. 2. VIDAL de LA BLACHE P. (1903), Tableau de la géographie de la France, réédition de 1994, Livre de poche, 324 p. 3. PERRIN T. (dir.) (2017), « Thema : L’Europe des régions, quel retour ? », Pôles Sud, 1. 4. Judet au singulier, Judete au pluriel.

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5. PERRIN T. (2010), « Eurorégions, eurorégionalisme et construction de l'Europe "aux frontières" », in DENÉCHÈRE Y., VINCENT M.-B. (dir.), Vivre et construire l'Europe à l'échelle territoriale de 1945 à nos jours, Bruxelles, PIE - Peter Lang, pp. 175-190. 6. DURÀ A., CAMONITA F., BERZI M. & NOFERINI A. (2018), Euroregions, Excellence and Innovation across EU borders. A Catalogue of Good Practices, Barcelona, Department of Geography, UAB. 7. https://ec.europa.eu/regional_policy/fr/policy/cooperation/european-territorial/. 8. PERRIN T. (2019, à paraître), “Cultural dimension of macro-regions. A prospective reflection”, in ABELS G., BATTKE J. (eds.), Regional Governance in the EU: Regions and the Future of Europe, Chetenham, Edward Elgar Publishing. 9. ZIMMERMANN K. (dir.) (2017), Special Issue, Metropolitan Governance in Europe, Raumforschung und Raumordnung - Spatial Research and Planning, 75, 3. 10. Projet « EURÉGIO-Régions et régionalisme dans l’Union européenne », projet Jean Monnet piloté par l’Université de Lille et co-financé par le programme Erasmus + de l’Union européenne : http://euregio.univ-lille1.fr/fr.

AUTEURS

THOMAS PERRIN

Univ. Lille, Univ. Littoral Côte d’Opale, EA 4477 - TVES - Territoires Villes Environnement & Société, F-59000 Lille, France, [email protected]

FRANÇOIS-OLIVIER SEYS

Univ. Lille, Univ. Littoral Côte d’Opale, EA 4477 - TVES - Territoires Villes Environnement & Société, F-59000 Lille, France, [email protected]

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Regional diplomacy: a piece in the neo-medieval puzzle? La diplomatie régionale : une pièce du puzzle néomédiéval ?

Manuel Duran

Introduction

1 Until recently, diplomacy has been regarded as the exclusive domain of the State. Recent evolutions in diplomatic theory and practice however repudiate this State- centric exclusivity. By conceiving diplomacy as “the mechanism of representation, communication and negotiation through which States and other international actors (own italics) conduct their business” (Melissen, 1999) rather than “the official channels of communication employed by the members of a system of States (own italics) (Berridge, Keens-Soper et al., 2001)”, a new and more dynamic picture of diplomacy emerges. Looking back at past diplomatic practices might shed new light on contemporary diplomacy. Looking through the lens of neo-medievalism can prove to be a fruitful way of looking back.

2 The neo-medieval paradigm claims that we are entering a new global setting that in certain aspects resembles that of the Middle Ages. Neo-medievalism has a significant added value in that it introduces an historical component in the current debate about the metamorphosis of the world. However, one important element seems under- researched in the literature on neo-medievalism: an analysis and comparison of the diplomatic relations between the various polities that form the constituent units of both the medieval and neo-medieval international system. When we see beyond the State-centric concept of diplomacy (Hoffmann, 2003, p. 541), a number of tendencies in today’s diplomacy come to the fore showing a striking resemblance with medieval diplomacy, and regions play a paramount role in this process.

3 Globalisation led to fundamental changes in sovereignty, statehood and the territorial character of the State. These changes have resulted in a shift from the modern so- called Westphalian State-system to a new postmodern international system (Cooper,

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1996). This new international environment has been described in such different ways as “global governance” (Neuman, 2008), “new medievalism” or even “empire” (Negri, Hardt, 2000).

4 A number of scholars have been using the concept of neo-medievalism to map recent developments in international relations (Kratochwil, 2011). Especially in the 1990s and the first decade of our current millennium, new medievalism has been presented as a framework to analyze the simultaneous processes of fragmentation and integration, associated with globalisation. States are at the same time integrating into larger units (the European Union is the classic example) and disintegrating into smaller ones, such as regional or local entities. Although not so much en vogue anymore, the neo-medieval paradigm has a significant added value in that it introduces an historical component in the current debate about the metamorphosis of the world.

5 As of late diplomatic studies literature held a primarily State-centric view. According to the traditional canon diplomacy only came fully into being in the sixteenth and seventeenth centuries with the appearance of foreign ministries, permanent embassies, diplomatic texts and a set of diplomatic norms and rules (Mattingly, 1955). Pre-modern (medieval) diplomacy was depictured as infrequent, slow and undeveloped. Prima facie, comparing medieval and present diplomacy would thus enfeeble the historical analogy of the neo-medieval paradigm. However, when we consider diplomacy to be an activity instead of an organisation a new picture emerges. Diplomacy as an activity is a collection of social practices, roles, norms and rules. Its aim is to mediate between processes of universalism and particularism. When we see beyond the State-centric concept of diplomacy and focus on the contrary on the diplomatic activities of other actors in the international arena, a number of tendencies in today’s diplomacy come to the fore that show a striking resemblance with medieval diplomacy.

6 This article will canvass the current international diplomatic environment, characterized by simultaneous and mutually influencing traditional and new actors and modes of diplomatic practice and thinking. It will then focus on the advent of new diplomatic actors that gainsay the primacy of the nation-State, particularly (European) regions. Third, the neo-medieval paradigm will be sketched. It will be argued that to better analyse what is often referred to as the post-Westphalian international order, it might be adjuvant to consider the pre-Westphalian, medieval international system. Medieval and contemporary diplomacy will then be compared. The article argues that contemporary diplomacy resembles medieval diplomacy, and that regions play a paramount role in this respect.

Diplomacy in a changing world, changing diplomacies?

7 After the end of the Cold War and as a result of the accelerated globalization, many authors argued that territoriality had ended as an organizing political principle. Ideas about the end of history (Fukuyama, 1992) and a borderless world (Ceglowski, 1998) went hand in hand with those of the waning importance of or even the final end of the State. There was talk of a post-territorial world (Van Staden, Vollaard, 2002), in which increasing regional integration (the EU, but also NAFTA, MERCOSUR, ASEAN, etc.), the primacy of the market and liberal democracy were a teleological endpoint of history. In this new post-territorial world, the State would at most have a supportive and

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facilitating role, and thus be reduced to a “market-State” (Bobbitt, 2003). Diplomacy also seemed on its way out. Diplomacy, after all, was (and is) following one of its most generic definitions, the art and practice of negotiating, communicating and representing between sovereign States.

8 Some authors, such as Paul Sharp and Joe Clark (1997) even talked about the end of diplomacy, while Rik Coolsaet (1999) spoke about a new “post-territorial” diplomatic arrangement of international relations.

9 A number of events have put territoriality back on the forefront since the beginning of the new millennium: the 9/11 attacks and subsequent wars in Afghanistan and Iraq, the Arab Spring and the civil wars in Libya and Syria, the migration crisis in the European Union and its (domestic) political consequences, the economic-financial crisis and the growing gap between the Southern and Northern EU Member States, the growing Russian assertiveness at its Western border, and so on. Territoriality, the way in which man defines and organizes space, was never really gone, as were various processes of territorialization, the processes through which man exercises political power, wins or loses space. The popular American author and public intellectual Robert Kaplan (2012) held – rightfully so – a challenging view on "the revenge of geography”, an unmistakable warning for modern man, who thought he had eliminated the boundaries of space and time through a system of limitless economic globalization, political homogenization and accelerated digitization. However, only territoriality turned out to have become more complex and multi-layered. The State had not withered away, as some authors had suggested only a decade before. It even had (re)gained strength, especially in the military and security domain. At the same time, in addition to States, other actors of territoriality had arisen: NGOs and international organizations, sub- national and local authorities, but also multinational corporations and individuals, even transnational or ideological-religious communities. They all fought for part of the political power that could be divided after the Cold War and the so-called post- territorial intermezzo of the 1990s. The new world order resembled a hybrid mixture of pre-modern, modern and post-modern overlapping power centres. This observation led several authors to define our world as “new-Medieval”.

10 As in the Middle Ages, power in Europe was divided over several overlapping political centres: then it was counties and duchies, cities and towns, embryonic nation States like England and Hungary, but also the Holy Roman Empire of the German Nation or the prince bishopric of Liège. Now they are States, supranational entities such as the EU, but also increasingly sub-entities, such as regions, urban governments, and even terrorist organizations, such as Islamic State.

11 Geography, territoriality and territorialization also brought diplomacy back to the forefront. But it also turned out to have got a different outlook and dynamics. The before-mentioned multitude of diplomatic actors (States, regions, cities, etc.) also practiced a multitude of diplomatic forms in an equally complex diplomatic setting: in addition to traditional bilateral and multilateral diplomacy, public diplomacy, digital diplomacy, economic, commercial or mega-diplomacy (Khanna, 2011) also emerged.

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Figure 1. The territorial patchwork that was the Holy Roman Empire A.D. 1000.

Source: Creative Commons

The emergence of regional diplomacy

12 Regions are one of these new diplomatic actors. Their emergence as territorially bounded political agents coincided with global dynamics of regional integration, such as the EU, but also ASEAN, MERCOSUR, NAFTA, etc. This “new regionalism” led in an increasing number of countries to simultaneous processes of political decentralization and intergovernmental regional cooperation, thereby corroding the exclusivity of State-only political power (Keating, 1998). Regions and other sub-national entities are granted considerable competences, including in the international domain. One important tool in the hands of these actors are their external relations and diplomatic activities, of which they make ample use so as to further expand their influence, be it domestic or global. This has been a truly global phenomenon, with regions, provinces, cities and other local authorities from every continent “going abroad” (Tavares, 2016). The sub-State and the supra-State political level encounter one another in ever closer cross-border, transnational and inter-regional collaboration programs and projects, such as those of the European Territorial Policies ( Cornago, 2010), or in the interregional cooperation within the Union of South American Nations (UNASUR) (Riggirozzi, 2012), and numerous other examples in all other continents.

13 There has been a proliferation of academic and policy relevant literature on the topic of sub-national and regional diplomacy, often labelled paradiplomacy1. Most literature on regional diplomacy focuses on the judicial delimitations of regional diplomacy, on the foreign policy instruments, or on the division of power between the central State and the regional entity. It would lead us too far to delve into the vast richness of this

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paradiplomacy-literature, but one of the most interesting analyses was made by Belgian scholar David Criekemans (2010) who developed an analytical matrix to evaluate the myriad of diplomatic instruments and variations in the organizational structure of diplomacy and foreign policy within different sub-State entities. This analytical model has not only advanced our knowledge of the concrete elaboration and development of paradiplomacy but has also given rise to a more historical conceptualization of paradiplomacy as an evolving practiced concept of political reality, subject to constant and contingent change. Criekemans distinguishes three phases or waves in the development of sub-State diplomacy. “The first wave manifested itself from the 1980s onwards: a growing number of non-central governments tried to attract foreign direct investment through own initiatives [...] or to use culture and identity as a lever to place oneself on the international map. The second wave in the 1990s was characterized by the creation, within the sub-State entities of certain (European) countries, of a judicially grounded set of instruments for their own (parallel as well as complementary) diplomatic activities […]. The current third wave is characterized by steps towards a ‘verticalization’ of the organizational structure of the administration or department of external/foreign affairs, a strategic reorientation of the geopolitical and functional priorities, and attempts to integrate the external instruments of a sub-State foreign policy into a well-performing whole” (Criekemans, Duran & Melissen, 2009).

14 Henry Kissinger (1994) once poignantly said that the “actual range of diplomatic innovations is heavily circumscribed by history, domestic institutions and geography”. Attention towards the interaction between these three variables is frequently lacking in the study of international relations. To overcome this omission, I propose to take a closer look at the so-called neo-medieval paradigm.

Figure 2. The territorial patchwork that are the contemporary European régions.

Source: Assembly of the European Regions

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A new framework to evaluate diplomatic changes? Neo-medievalism

15 As the term indicates neo-medievalism States we have now entered or are entering a new global epoch which resembles certain traits of the European Middle Ages. Proponents of neo-medievalism put forward that the beginning of the 16th century was the watershed between the medieval and modern eras. They claim we are again at the beginning or in the midst of a similar watershed, a transition to a new postmodern (or neo-medieval) era. These theorists state that looking back to medieval Europe may help us to understand the rough outlines of an emerging postmodern global setting. It allows us to think about other possible modes of political and economic organization (Friedrichs, 2001).

16 The concept of a new Middle Ages was first developed by Hedley Bull (1977). In his classic book The Anarchical Society, Bull draws a hypothetical picture of the dawn of a new Middle Ages, characterised by an increasing regional integration of States, the internal disintegration of a number of States, the restoration of private international violence, the growing importance of transnational organizations, and the technological unification of the world. The world has changed since the publication of The Anarchical Society in 1977 and we can safely say that the five criteria Bull cited can be found in the present international system (Ferguson, Mansbach, 2008, p. 373). It is not surprising then that a number of scholars took up the thread of Bull’s work and further elaborated on and deepened the conceptualization of neo-medievalism and this from a number of vantage points, ranging from literary criticism2, philosophy3 to social as well as political sciences. In an attempt to describe and explain the sequence of events that was rapidly altering the face of the world -the end of the bipolar world of the Cold War after the events of 1989, the subsequent dissolution of the Soviet Union and Yugoslavia, the increasing number of “failed States” in the South, the perceived (at least by some) of a growing “clash of civilizations” - they decided to look back. These authors presented the new Middle Ages in a number of ways. The new Middle Ages can be a purely aesthetic phenomenon, a spiritual-cultural given or a new framework to analyse international relations, as a complex system of overlapping authorities and loyalties which are in turn overarched by several universal claims.

17 Within IR-theory, we can distinguish between two takes on neo-medievalism. Some (neo-)realist scholars use it to describe the frightening dark side of modern globalization. The Middle Ages are drawn here as the Dark Ages, a time when arbitrariness, political and social violence, and harsh conditions of living were the norm. Needless to say, that this depiction of the Middle Ages is too one-dimensional or even downright wrong. The dichotomy between modern order and medieval disorder does not stand the test of history. Medieval times on the one hand were also characterized by a strong tendency of ecclesiastical and secular universalism, while on the other hand modern times have witnessed some of the most horrifying examples of international violence and disorder.

18 The other approach to neo-medievalism ponders on the before mentioned “glocalization” dynamics. New medievalism in this respect is a framework to analyze the simultaneous processes of fragmentation and integration. One of the best analyses of neo-medievalism comes from Jörg Friedrichs (2007). He presents the new Middle Ages as a complex system of overlapping authorities and loyalties, comparable to the

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situation before the Peace of Westphalia, which heralded the modern State system. Medieval territory differed fundamentally from modern territorial concepts in that the feudal world should be seen “as concentric circles of power projection” (Teschke, 2003). Various competing power centers or systems of authority could all lay different but rightful claims on the same territorial configuration. The major divide was that between ecclesiastical and secular authorities, but even within these two a great multitude of sometimes opposing dominions existed, each of them trying to exert control over a given territory. Moreover, medieval territoriality was not exclusive nor perfect, but dependent on the personal ties between the lord and his vassal (Spruyt, 1994). Vassals had different lords, secular or ecclesiastical, for different circumstances. The complexities of this system of overlapping, non-exclusive authorities are comprehensibly pictured by Spruyt when he states that “one could simultaneously be the vassal of the German emperor, the French king, and various counts and bishops, none of whom necessarily had precedence over the other” (Spruyt, 1994, p. 39). We are today once again entering a world of overlapping, polycentric and competing authorities, where the modern “vassals” can be bound by multiple loyalties. As early as in 1988 Lewis Lapham wrote a poignant article in Harper’s Magazine depicting the various societal forces pressuring the exclusivity of the State. “The hierarchies of international capitalism resemble the feudal arrangements under which an Italian noble might swear fealty to a German prince, or a Norman duke declare himself the vassal of an English king” (Lapham, 1988, p. 10).

19 According to Friedrichs (2007), neo-medieval overlapping authorities are overarched by several universal claims. After the fall of the Western Roman Empire in 476, the idea or better the ideal of the return of the Roman Empire survived in Western Europe. The coronation of Charlemagne in 800 was the consecration of the unification of the former Western Roman empire (minus Spain). After the death of Charlemagne and the division of his empire, the ideal still lived on, and soon the German emperor was considered Charlemagne’s heir to the title of Holy Roman Emperor. And although the empire wasn’t Roman, wasn’t holy and wasn’t an empire, it still lived on as a political ideal. Competing with this ideal of imperium was the so-called sacerdotium. In Western Europe, every man and woman, regardless of the place he or she lived, considered him- or herself in the first place as a Christian, belonging to the greater community of Christendom. The ecclesiastical hierarchy, with the pope at the top, the bishops, abbots, priests, formed a true transnational elite, unifying Western Europe, not in the least by means of their use of Latin, the lingua franca of the times.

20 To this neo-medieval paradigm is added a post-Westphalian conception of boundaries, a revival of the medieval boundaries, which more resembled a geographical zone than a fixed line. A notable example is the European Union. With each enlargement of the Union, the borders have been shifting, first to the South and the North and subsequently, after the collapse of the communist regimes to the East. Numerous unsolved debates have been raging on where one can pinpoint the exact border of the European Union and of Europe tout court (Christiansen, Petito et al., 2000). Instead of tying up a specific EU-border, the European Neighborhood Policy sets up a large frontier zone at Europe’s southern and Eastern border, including the European neighbors in a number of cooperation programs, and at the same time excluding them from the political decision making in Brussels.

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Neo-medievalism & regional diplomacy

21 Let us now take a closer look on how neo-medievalism might shed a new light on the subject of regional diplomacy. As Spruyt (1994, p. 17) has shown in his book on political systemic change from the Middle Ages to the modern era, it is “the agents that make up the State system that create a particular structure of interunit behaviour” Diplomacy being the means par excellence to engage in interunit exchange, a comparison between medieval and neo-medieval diplomacy might prove to be a valuable analysis.

22 Medieval diplomatic intercourse differed from modern diplomacy in that it was “spasmodic rather than continuous” (Anderson, 1998). A fixed system of delegations and a standing body of resident ambassadors, the core elements of modern diplomacy did not come to light until the end of the 15th century, when a number of Italian city- States established the first permanent foreign representations. Yet this does not mean that medieval polities did not engage in diplomacy. On the contrary, medieval diplomacy was thriving: political agents were communicating, negotiating and representing themselves, they were “doing business with one another”. Out of medieval diplomacy emerged a prototype of diplomacy to mediate the newly articulated States (Der Derian, 1987) that came to be during the late Middle Ages.

23 One of the key features of medieval diplomacy was the existence of a vast range of diplomatic actors, comparable to the various non-State actors that currently are engaging in diplomatic intercourse. Nowadays, a great number of non-State actors are involved in diplomatic activities (Hocking, 2004): regional and local authorities, corporations, non-governmental organisations and international organisations. Therefore, sub-national diplomacy is just one of the new postmodern diplomacies, next to NGO diplomacy, city diplomacy, citizen diplomacy or corporate diplomacy. While NGO-, corporate and citizen diplomacy assent to the post-territorial concept of diplomacy, sub-national and city diplomacy on the contrary support the re- territorialisation thesis, whereby next to the State, other territorial configurations engage in diplomatic activities.

24 Over the years sub-national diplomacy has become a normalized and normal feature of the international environment (Cornago, 2010). According to Robert Kaizer (2003), sub- national diplomacy can be divided into three clusters of activities: horizontal cooperation, vertical cooperation, and promotion of interests. We can add a fourth category, namely the use of innovative policy instruments. Horizontal cooperation are all forms of cross-border and interregional cooperation between regions. These often take the form of bilateral or multilateral cooperation with neighboring regions but can also be found in a European context. Vertical cooperation is the way in which regions participate in and design the foreign policy of the central or federal State. Germany does pioneering work in the way in which the representatives of the governments of the Länder delineate the foreign policy of the Federal Republic in the Bundesrat. The most striking form of interest promotion of sub-national entities is their own network of representatives or offices abroad. Regional entities also rely on a whole range of innovative policy tools like public diplomacy, informal networking, city diplomacy and an integrated international cultural policy.

25 One diplomatic site in particular of this new form of diplomacy shows great resemblance to medieval diplomacy: the importance of network diplomacy for regional authorities.

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26 “Network diplomacy” is, next to virtual diplomacy and e-diplomacy one of the elements of the new diplomatic paradigm, which was inter alia conceived in the concepts of transformational diplomacy and the development of the European External Action Service. Since sub-national polities lack the diplomatic power international law grants to “traditional” nation-States (the ius legationis and the ius tractati), they had to resort to other means to go abroad, communicate and negotiate with international partners and to represent themselves. One of the most important tools in the hands of sub-national entities to overcome their relative weakness in this regard is the development of and adherence to a policy network. These networks can be formal or informal and have been paramount for the development of sub-national diplomacy. When considering the policy networks sub-national entities are involved in, one is struck by the very diverse nature of the frameworks in which they operate. Some regions are involved in single issue networks (e.g. Scotland on maritime issues), others focus on broader policy-issues (e.g. Wallonia and Québec via the Francophonie, or Catalonia within the ‘Four Motors for Europe’), and yet others have established global networks to bring together sub-State entities with a specific know-how (e.g. the ‘Flanders Districts of Creativity’- network on creativity and the economy, the last couple of years only referred to as the ‘DC-network’). Network diplomacy allows polities of different levels (provinces, regions, sub-national entities) to develop structural or ad-hoc contacts, without the need for physical embassies, although more and more sub-national entities are establishing an ever-vaster network of pseudo- diplomatic delegations (Tatham, 2008).

27 Before the establishment of resident ambassadors, medieval polities entered into diplomatic intercourse with each other by means of ad-hoc or more permanent diplomatic networks. Donald Queller (2005) puts it eloquently when he states that “the modern notion that only a sovereign State can be represented by an ambassador was as inchoate in the Middle Ages as the concept of sovereignty itself. During the Middle Ages, there was no such thing as an international community of nation-States. The concept of territorial sovereignty only gained ground after the Peace of Westphalia. Since sovereign nation-States did not exist, the act to represent them could not be fulfilled. Instead, there existed a plethora of infra-statal institutions, starting from the hybrid “national” kingdoms like England, France, and Aragon, principalities, duchies, free counties, bishoprics, free cities, commercial alliances (like the Hanseatic League), baronies, petty lordships but also corporate bodies like guilds, military orders, and religious orders (Nigro, 2010, p. 174). All of these institutions sent diplomatic agents to all sorts of recipients (Queller, o.c., p. 194). Or as 13th century legal scholar William Durandus put it: “A legate is [...] whoever has been sent from another [...], either from a prince, or from the pope to others [...], or from some city, or province to a prince or to another...” (Durandus, Speculum legatorum, 1, 1, cited and translated by Queller, 1967, p. 11).

28 These agents did not, as modern ambassadors do, reside in a particular place but were on the contrary of an ambulant nature. The Carolingian missi were later succeeded by the nuncii and the procuratores. Missi, nuncii and procuratores alike did not possess the prerogatives of the modern ambassadors. Instead, they acted as the moving mouths and ears, the magpie (Azo of Bologna) or the living letter of the sender (Queller, 1984, p. 201). In so doing, they allowed the feudal lords, the medieval cities, the popes and other clerics, the corporate bodies, etc. to communicate with one another, to negotiate treaties, to forge alliances and platforms for cooperation, simply said: to establish all

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sorts of functional, geographic, genealogic or other networks and do business with each other.

29 Network diplomacy enabled the various medieval polities to act diplomatically without possessing the “traditional” or “modern” prerequisites of a ministry of foreign affairs, an international network of embassies or a system of resident ambassadors. Likewise, new diplomatic actors such as European regions overcome their limitations regarding the ius legationis and the ius tractati by means of network diplomacy.

Figure 3. The signing of the Treaty of Westphalia in Münster by Gerard Ter Borch, 1648: the watershed between medieval and modern diplomacy.

Conclusion

30 On February 10, 2016 a number of scholars from a variety of fields gathered at the Academia Belgica in Rome to ponder on the possibilities of cross-fertilization between Medieval History, International Relations and Diplomatic Studies4. The title of the symposium “Back to the future, forward to the past?”: Paradiplomacies as a site of neo- medievalism” could be read as an intellectual teaser for further research, of which this article is one of the first outcomes5. Changes in both the internal political structure of the State (decentralisation and devolution, as well as ceding political power to supranational institutions) and in international relations (the interdependence of political, security, economic, environmental and developmental issues on a continental and even global scale) change the diplomatic interaction between international agents. In order to find out whether these are merely temporary and superficial changes, or on the contrary fundamental changes with a more permanent character, we need an historical approach (Van Kemseke, 2000, p. 11). As we have tried to show, a comparison

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between regional diplomacy and medieval diplomacy forms an additional piece in the neo-medieval puzzle by clarifying the relation between the constituent units of both the medieval and neo-medieval international system. All three generic dimensions of diplomacy, i.e. communication, representation and the reproduction (or socialization) of international society fitted the medieval feudal and city diplomacy and fit the current neo-medieval multilayered diplomacy, in which networks and city diplomacy play an important role.

31 This comparison also enables us to move beyond the historical dichotomy between an undeveloped medieval system of “proto-diplomacy” (to use James Der Derian’s expression) and the elaborate system of modern diplomacy, as depicted by Donald Queller and Garrett Mattingly. Both authors have been responsible for the linear teleological narrative concerning diplomatic history. This narrative repudiates the complexities of medieval diplomacy that, as John Watkins clearly indicates: [...] still had an enormous impact on the shifting political, economic, religious, and cultural fortunes of European peoples and the emergence of national self- consciousness. Ironically, the divergent forms these contacts took sometimes provide striking analogues for the new practices that occupy a widening sector of our post-Cold War diplomatic practice (Watkins, 2008, pp. 4-5).

32 It also shows that: It all comes down to alterity. For alterity does not exist in the singular: it does not reduce to how different ‘they’ all were from all of ‘us’. Alterity is about the tremendous variety within and between medieval cultures. If, despite the allure of pop-cultural over-simplifications, despite the bludgeoning effect of unwieldy and unhelpful historical labels, despite the inadequacies and difficulties of the evidence, despite the distraction of demands for facile relevance, we still manage to find that medieval people were fascinatingly diverse, then the same must, thank goodness, be true of us as well (Bull, 2005, p. 141).

33 In other words: looking back at the complexities of yesterday allows us to better understand the complexities of today.

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WATKINS J. (2008), “Toward a New Diplomatic History of Medieval and Early Modern Europe." Journal of Medieval and Early Modern Studies, 38, 1, pp. 1-14, at pp. 4-5.

NOTES

1. Just to cite a number of recent examples: KUZNETSOV A.S. (2015), Theory and practice of paradiplomacy: Subnational governments in international affairs, Oxford, Routledge; TAVARES R. (2016), Paradiplomacy: Cities and States as global players, Oxford, Oxford University Press; CRIEKEMANS D. (ed.) (2010), Regional sub-State diplomacy today, Boston and Leiden, Brill. 2. See for example ECO U. (1986), “Dreaming of the Middle Ages”, Travels in Hyperreality, NY, Harcourt Brace, pp. 61-72; LUKES D. (2014), “Comparative neomedievalisms: A little bit medieval”, Postmedieval: a journal of medieval cultural studies, pp. 1-9. 3. See amongst others MARSHALL D.W. (2011), “Neomedievalism, Identification, and the Haze of Medievalisms”, in FUGELSO K. (ed.), Defining neomedievalim(s), Studies in Medievalism XX, Cambridge, pp. 11-20. 4. I would like to thank all participants of this symposium for their inspiring and insightful contributions, as well as the lively debate with the audience: professors Isabelle Lazzarini, David

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Criekemans, Earl Fry and Jörg Friedrichs, as well as professor Wouter Bracke, director of the Academia Belgica and kind host to the symposium. 5. Another result of this symposium is the paper by Isabella LAZZARINI (2016), “Storia della diplomazia e International Relations Studies fra pre- e post- moderno”, in Storica, 65, pp. 9-41.

ABSTRACTS

Until recently, diplomacy has been regarded as the exclusive domain of the State. Recent evolutions in diplomatic theory and practice however repudiate this State-centric exclusivity. Looking back at past diplomatic practices might shed new light on contemporary diplomacy. The neo-medieval paradigm claims that we are entering a new global setting which in certain aspects resembles that of the Middle Ages. When we see beyond the State-centric concept of diplomacy, a number of tendencies in today’s diplomacy come to the fore showing a striking resemblance with medieval diplomacy, and regional diplomacy plays a paramount role in this process.

Jusqu'il y a peu, la diplomatie était considérée comme une prérogative de l'Etat mais les évolutions récentes viennent contredire cette idée, tant en pratique qu'en théorie. L'analyse des pratiques du passé permet de jeter un éclairage nouveau sur celles d'aujourd'hui. Selon le paradigme néo-médiéval nous entrons dans un contexte mondial inédit qui, par certains aspects, s'apparente à celui du Moyen Age. Lorsqu'on regarde au-delà du concept de diplomatie centralisée, on peut constater que certaines tendances actuelles présentent une ressemblance frappante avec la diplomatie médiévale et que la diplomatie régionale joue un rôle capital dans ce processus.

INDEX

Mots-clés: régionalisme, diplomatie parallèle, diplomatie décentralisée, néomédiévalisme, géopolique, diplomatie Keywords: regionalism, paradiplomacy, sub-State diplomacy, neo-medievalism, geopolitics, diplomacy

AUTHOR

MANUEL DURAN

Department of Political Science, University of Antwerp; Scientific attaché at the Royal Museum of the Armed Forces and of Military History in Brussels, [email protected]

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Des régions territoriales aux régions fonctionnelles, une proposition de classification des régions de l’Union Européenne From territorial to functional regions: a proposal of classification of EU regions

François-Olivier Seys

1 La question régionale est une question complexe dans l’Union Européenne. Dans l’Acte Unique de 1986 et les traités suivants, deux termes apparaissent qui peuvent sembler contradictoires : politique régionale et politique de cohésion et même, en étant plus précis, politique de cohésion économique sociale et territoriale. Ces deux termes désignent la même politique : celle d’une volonté d’harmonisation et de cohésion des régions de l’Union Européenne, c’est-à-dire de réduction des disparités de développement. Cette contradiction sémantique apparente a induit depuis le début une réelle ambiguïté.

2 L’Union Européenne a bien une politique de cohésion territoriale, mais elle n’a pas une politique régionale au sens strict. En effet, aucun texte européen ne définit ce qu’est une région et, en particulier, quelles en sont les compétences ; c’est du ressort de chaque Etat membre. Cela induit une très grande variabilité de la réalité régionale dans l’Union Européenne, bien que ce soit un chapitre de l’Acquis Communautaire. En effet, « pour entrer dans l’Union Européenne tout État candidat a l’obligation de se doter de régions. Cela fait partie de l’Acquis Communautaire qui comporte un chapitre nommé "Politique régionale et coordination des fonds structurels". C’était le chapitre 21 pour le 5e élargissement (2004) et le 22 lors du 6e (2007) » (Seys, 2017).

3 Dans ce chapitre, l’Union Européenne laisse à chaque État candidat le choix de la délimitation territoriale des régions, sans qu’elle soit obligatoirement en cohérence avec celle d’unités territoriales existantes. Ces régions servent à gérer les fonds structurels et ont permis la création de bases de données statistiques territoriales par Eurostat. Pour ce dernier item, ce sont les NUTS dont l’acronyme signifie Nomenclature des Unités

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Territoriales et Statistiques. Ces NUTS, qui comptent maintenant 3 niveaux, sont parfois, à tort, considérées comme des collectivités territoriales.

4 Dans le cadre d’un projet de recherche nommé Eurégio, j’ai animé une réflexion sur les régions de l’Union Européenne en me posant plusieurs questions que peu d’auteurs ont posées sous cette forme : • La première semblait simple : qu’est-ce qu’une région ? Cette question apparemment facile est très complexe à cause de la très grande variabilité du fait régional dans l’Union Européenne. • La seconde était d’ordre géographique : comment les limites régionales ont été définies ? En d’autres termes, différents modèles ont-ils été utilisés pour définir les limites spatiales des régions européennes ? • La troisième découlait des deux premières : quels liens existent entre ces limites régionales, la taille des régions et leurs niveaux de compétence ?

5 Bien que le projet Eurégio soit plus large, cet article va essayer de répondre à ces trois questions avec la volonté d’être le plus exhaustif possible sur l’ensemble de l’Union Européenne, c’est-à-dire de ne pas se concentrer exclusivement sur le fait régional dans les grands Etats membres d’Europe de l’ouest où il semble a priori le plus pertinent.

Questionner la notion de région dans l’Union Européenne

6 Depuis les années 90, les sciences sociales ont redécouvert la question régionale car elle retrouvait une place dans l’actualité politique pour deux raisons principales. En Europe de l’ouest, cela est lié à la transformation de la Communauté Economique Européenne en Union Européenne et à la définition des politiques de cohésion. Au centre et à l’est, la chute du communisme a nécessité de repenser complètement l’organisation politique des Etats (Bafoil, 2006). Ces deux mouvements globalement simultanés ont rendu nécessaire une réflexion sur l’organisation territoriale des Etats et donc sur l’organisation régionale. Ce processus est communément appelé néo-régionalisme.

7 Le néo-régionalisme a une double dimension : repenser la structure infra-étatique région articulée avec l’émergence des régions comme espace de localisation des activités économiques dans une logique post-fordiste (Jouen, 2011). La plupart des travaux de recherche sur le néo-régionalisme se concentrent sur les changements dus aux nouvelles situations politiques et économiques qui émergent à partir des années 80 (Paasi, 2009 ; Picouet, 2012 ; Keating 2013). Par exemple, on étudie en détail les conséquences spatiales des lois de décentralisation en France. Par contre, peu d’auteurs essayent de donner une définition précise de la région pour l’ensemble de l’Union Européenne. C’est ce que j’ai voulu faire.

Une proposition de définition pour la région

8 La première difficulté est que le terme région est polysémique et que sa définition varie fortement. Dans le débat actuel sur les régions et le régionalisme, un relatif consensus apparaît cependant autour de la définition suivante : « La région est une unité territoriale et entité socio-politique située à une échelle intermédiaire, entre le local et l’État central ou fédéral » (Pasquier, 2012).

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9 Cette définition est cependant imprécise et il est nécessaire de préciser ce qui fait région, c’est-à-dire quelles en sont les compétences : « Une région est une unité territoriale et une entité socio-politique infranationale et supra-communale qui dispose au moins : • d'une ou plusieurs administrations déconcentrées d’État ; ce sont les régions administratives ; • de compétences de gouvernement local gérées par un conseil régional élu ; ce sont les régions décentralisées ; • d’un pouvoir législatif exclusif ou partagé avec l’État pour gérer des politiques d’intérêt régional ; ce sont les régions constitutives d’États fédéraux » (Seys, 2017).

10 C’est donc la nature des compétences et la situation intermédiaire entre le niveau national et le niveau local qui déterminent ce qu’est une région. Ce n’est nullement la superficie ou l’effectif de population. Ainsi, la totalité des Etats membres peuvent avoir des régions quels que soient leur taille ou leur poids démographique.

11 En utilisant cette définition et en analysant la réalité territoriale dans les 28 Etats membres de l’Union Européenne, on se rend compte que certains Etats n’ont pas de régions. Ils sont quatre : Chypre, la Lettonie, le Luxembourg et la Slovénie. Dans ces quatre pays, il n’y a pas d’unité territoriale existante dotée des compétences mentionnées ci-dessus et située à l’échelle intermédiaire entre le niveau national et celui des communes. De plus, dans deux autres Etats, la Royaume-Uni et le Portugal, il n’y a des régions que sur une partie du territoire national. L’Irlande du Nord, l’Ecosse, le Pays de Galles, Madère et les Açores peuvent être considérés comme des régions en utilisant la définition. Par contre, en Angleterre et au Portugal continental, il n’y a pas ou plus de régions au sens strict (Seys, 2017).

12 Cette définition est assez restrictive car elle exclut les régions de planification quand elles ne coïncident pas avec des unités territoriales ayant les compétences citées ci- dessus. Ces régions de planification, parfois nommées régions de développement, ont été créées essentiellement en Europe centrale et orientale pour préparer l’adhésion à l’Union Européenne. Par exemple, en 2001 la Roumanie a créé 8 régions de développement appelées Regiunile de Dezvoltare. Elles regroupent les départements [Judete] par 5 à 8 pour une population moyenne d’environ 3 millions d’habitants. Ces régions ont été créées pour gérer les fonds structurels et servir de NUTS 2 (Barbulescu et al., 2011).

13 Elles n’ont par contre aucune des compétences évoquées ci-dessus. Ce ne sont ni des unités territoriales des services déconcentrés de l’Etat, ni des régions décentralisées, ni des régions constitutives des Etats fédéraux. Ce ne sont donc pas des régions au sens de la définition proposée. C'est aux Judete qu'appartiennent ces compétences.

Les NUTS ne sont pas des régions mais leurs limites peuvent correspondre à celles de régions

14 Dans l’Union Européenne, hormis dans les 6 cas évoqués ci-dessus, le fait régional semble généralisé. De même, l’Union Européenne a donné un cadre pour définir les NUTS que chaque Etat membre pouvait appliquer avec souplesse.

15 L’idée directrice était que chaque Etat devait, dans la mesure du possible et selon ses propres critères, se doter de trois échelons statistiques infra-étatiques et que c’était à lui seul de fournir une nomenclature pour laquelle Eurostat a fixé des seuils démographiques. Les NUTS 1 doivent avoir des effectifs de population compris entre 3

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et 7 millions d’habitants, les NUTS 2 entre 800 000 et 3 millions et les NUTS 3 entre 150 000 et 800 000. De plus, ces seuils étaient plutôt indicatifs et pouvaient être appliqués avec souplesse. Il n’y avait par contre aucune instruction sur la nature des unités territoriales qui ne devaient pas obligatoirement correspondre à des collectivités territoriales existantes. Cela donne un tableau très hétéroclite des NUTS dans l’UE (tableau 1).

16 L’Allemagne et la Belgique sont les seuls pays qui ont proposé leur régions comme NUTS 1 bien qu’ils ne satisfassent que partiellement aux seuils démographique. En effet, en Belgique, une région sur les trois a moins de 3 millions d’habitants : Bruxelles- Capitale. En Allemagne ce sont 8 Länder sur 16 : Brême, Hambourg, Sarre, Schleswig- Holstein, Mecklembourg-Poméranie-Antérieure, Brandebourg, Saxe-Anhalt et Thuringe.

17 Six pays ont proposé leurs régions comme NUTS 2. Ce sont les pays ayant des effectifs de population importants dont un pourcentage assez élevé de régions dépasse le seuil de trois millions. Ils auraient pu comme la Belgique et l’Allemagne les proposer comme NUTS 1 et ont été amené à créer des NUTS 1 assez artificielles qui sont des regroupements de régions qui ont parfois cette seule utilité statistique. C’est le cas, par exemple, de l’Espagne et de l’Italie. La France, avant sa réforme territoriale, faisait partie de ce groupe et ce sont toujours les anciennes régions françaises qui sont NUTS 2. Il y a débat actuellement pour que les nouvelles régions deviennent NUTS 1.

18 Dix pays ont proposé leurs régions comme NUTS 3 avec la même logique que le groupe précédent. Ce sont plutôt les pays ayant des régions avec des effectifs de population faibles et des regroupements de régions ont été créés pour faire office de NUTS de rang 2 et 1. Dans les Etats membres de petite taille, mais pas exclusivement, c’est l’ensemble du pays qui constitue les NUTS 1. C’est le cas pour 11 Etats membres sur 28.

Tableau 1. Tableau de correspondance entre le niveau de NUTS et la région au sens de la définition proposée par Etats de l’Union Européenne.

Pays où les régions au sens de la définition proposée correspondent à un niveau de NUTS

NUTS 1 NUTS 2 NUTS 3

Allemagne Länder [16]

Régions/ Belgique Gewesten[3]

Autriche Bundesländer (Etats Fédérés) [3]

Danemark Regioner (Régions) [5]

Comunidades Autónomas Espagne (Communautés Autonomes) [17]

Grèce Περιφέρειες (Périphéries) [13]

Italie Regioni (Régions) [20]

Pays-Bas Provincies (Provinces) [12]

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Pologne Wojewódzstwa (Voïvodies) [16]

Bulgarie Области (Régions) [28]

Croatie Županija (Comitats) [21]

Maakunnat/Landskap Finlande (Régions) [20]

Hongrie Megyék (Comitats) [24]

Regional authority Irlande regions [8]

Lituanie Apskritys (Regions) [10]

République Kraje (Régions) [12] Tchèque

Judete (Départements) Roumanie [42]

Slovaquie Kraje (Regions) [8]

Suède Län (Comtés) [21]

Pays ou les NUTS ne correspondent pas aux régions au sens de la définition proposée

Estonie

France anciennes Régions françaises [22+5]

Malte

Pays sans régions sur l’ensemble de leur territoire au sens de la définition proposée

Chypre

Lettonie

Luxembourg

Portugal

Royaume-Uni

Slovenie

Source : Eurostat et compilation de l’auteur (les noms des régions sont dans la langue officielle, ils sont traduits en français entre parenthèses et le nombre de régions est indiqué entre crochets)

19 La situation est donc paradoxale : les régions ne sont donc pas toujours des NUTS et toutes les NUTS ne sont pas obligatoirement des collectivités territoriales. Le Comité

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Européen des Régions reflète cette hétérogénéité régionale dans son organisation et il induit également par son nom une nouvel ambiguïté. Créé en 1994, cet organe consultatif de l’Union Européenne a pour mission de formuler des avis sur toutes les politiques européennes ayant une dimension territoriale, ce qui représente environ trois quarts des textes législatifs votés par le parlement européen. En réalité, il devrait s’appeler Comité Européen des Collectivités Territoriales car il est consulté dès qu’un texte a une dimension infranationale quel que soit l’échelon auquel il fait référence : communes, régions, régions de développement et tous les échelons intermédiaires entre les régions et les communes. Sa composition reflète ces disparités puisque chaque Etat membre propose au Conseil de l’UE ses représentants nationaux selon un mode de désignation qui lui est propre. Le nombre de membres nationaux est proportionnel au poids démographique de chaque pays. L’Allemagne, la France, l’Italie et Royaume-Uni ont 24 membres chacun quand, à l’opposé, Malte, Chypre et le Luxembourg en ont 5. Cela se reflète dans ses présidents successifs. Le président actuel, Karl-Heinz Lambertz, est sénateur de la Communauté germanophone de Belgique. Parmi ses 10 prédécesseurs, 3 étaient des maires de grandes villes et 7 représentaient des collectivités territoriales de nature diverse : régions, départements, etc.

20 L’Union Européenne a donc, par ses structures et son organisation, induit plusieurs ambiguïtés sémantiques sur la notion de région. Cela a pour cause principale la multiplicité de la réalité régionale dans l’UE. De fait, dans les institutions européennes, le terme région est polysémique car chaque Etat membre y a amené sa propre conception de la réalité régionale qui comporte une double dimension politique et historique. Elle est politique car chaque Etat membre a décidé du niveau de compétences et des délimitations des régions. Cette dimension politique a un lien dialectique avec l’histoire. La réalité régionale actuelle peut être présentée comme un lien avec des structures territoriales antérieures ou comme une rupture avec elle. Le premier cas est, par exemple, plutôt celui de l’Allemagne quand le second est plutôt celui de la France mais toutes les situations intermédiaires sont possibles. C’est ce qui nous amène à nous interroger sur les modes de délimitation des limites régionales.

Les modes de délimitation des limites régionales induisent une distinction entre régions territoriales et régions fonctionnelles

21 Les frontières et plus particulièrement les limites territoriales sont une thématique de recherche classique en géographie, notamment quand on travaille sur l’analyse spatiale. Par définition, le tracé précis des frontières et des limites territoriales peut être considéré comme arbitraire (Rogerson, 2010). Pour l’analyse spatiale, cela est même très important car la délimitation des limites des unités territoriales a un effet indirect sur les données utilisées et donc un impact sur les résultats de la recherche. Cela a même deux types d’effet : un effet de barrière et un effet de forme. Le premier signifie que l’existence de la limite induit l’ignorance des interdépendances existant de chaque côté de la barrière. Le second signifie que la forme de l’unité territoriale a un effet sur sa réalité statistique (Calloz, Collet, 2012).

22 Les méthodes de l’analyse spatiale peuvent être utilisées pour discuter de la délimitation des limites régionales. On peut ainsi considérer qu’il y a trois modes de

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délimitation qui ne sont pas disjonctifs et qui peuvent être interconnectés. Ces trois modes sont : • la délimitation par héritage historique (région territoriale) ; • la délimitation par agrégation (le premier modèle de région fonctionnelle) ; • la délimitation utilisant le modèle centre périphérie (le second modèle de région fonctionnelle).

La délimitation par héritage historique a créé des régions territoriales

23 La délimitation par héritage historique est un mode partagé par un nombre élevé d’Etats membres de l’Union Européenne. Dans ce cas, les limites régionales sont celles d’anciens royaumes, comtés, duchés ou marquisats… Par exemple, la limite entre l’Ecosse et l’Angleterre a été fixée progressivement pendant le Moyen Age et n’a pas changé depuis 1603. De même, la limite entre le Pays de Galles et l’Angleterre a été tracée au XIIIe siècle.

24 Ce mode de délimitation correspond à celui d’une région territoriale. Par la constitution ou la loi fondamentale, l’Etat central ou fédéral donne des compétences, aux régions, sans en discuter la pertinence des limites. Ce modèle n’est pas absolu dans l’histoire et des modifications mineures des limites régionales peuvent se produire.

25 En République Fédérale d’Allemagne, depuis sa création en 1949, les limites régionales ont été modifiées deux fois. En 1952, le Land de Bade-Wurtemberg a été créé par fusion de trois Länder antérieurs : le Bade, le Wurtemberg-Bade et le Wurtemberg- Hohenzollern. Ces trois Länder avaient eu leurs limites tracées par adaptation au lendemain de la Première Guerre mondiale (figure 1). En 1990, au moment de la réunification, quand les Länder de l’est de l’Allemagne ont été recréés, leurs limites ont été partiellement retracées en les adaptant à celle des municipalités héritées de la R.D.A. (figure 2).

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Figure 1. Evolution de l’organisation territoriale du Land de Bade-Wurtemberg.

Source : compilation de l’auteur

Figure 2. Evolution des limites des Länder de l’est de l’Allemagne en 1947 et depuis 1990.

Source : compilation de l’auteur

26 En Finlande, après des hésitations sur le nombre et la taille des régions, il a été décidé, en 1997, d’en reprendre la trame ancienne. Le tracé des limites régionales est approximativement celui de celles qui existaient avant l’indépendance en 1917. Un seul changement a été opéré en 2011 pour permettre l’extension du réseau de transport

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régional autour d’Helsinki. Cela s’est fait par fusion de deux régions, Uusimaa et Uusimaa de l’Est, qui forment ensemble l’aire métropolitaine d’Helsinki.

La délimitation par agrégation ou le premier modèle de région fonctionnelle

27 La région fonctionnelle est par nature opposée à la région territoriale. Elle n’hérite pas de limites territoriales de collectivités antérieures mais les décident arbitrairement. On la nomme région fonctionnelle car ses limites sont censées être liées à ses compétences. La gestion des politiques de transport induirait, par exemple, une délimitation régionale connectée à celle des réseaux de routes et de voies ferrées. Cependant, ce modèle théorique est souvent appliqué de manière imparfaite. Pour délimiter les limites des régions fonctionnelles on peut distinguer deux méthodes : la délimitation par agrégation et la délimitation utilisant le modèle centre-périphérie, sans que ces processus soient obligatoirement disjonctifs dans le temps.

28 Le premier modèle semble être le plus simple. Par agrégation d’unités territoriales de rang inférieur, l’Etat crée des régions sans qu’elles soient liées avec des unités territoriales anciennes. Cela se fait généralement dans le cas de rupture historique, associée éventuellement à une volonté de rationalisation. Le cas emblématique de ce mode de délimitation est la France.

29 En France, les départements ont été créés en 1790 en utilisant un modèle de centre- périphérie. La ville la plus importante, où se concentraient les administrations déconcentrées de l’Etat, nommée chef-lieu ou préfecture, devait être atteignable depuis toutes les communes du département, au maximum en une journée à cheval. Cela a induit que les départements ont globalement des tailles comparables, sans que leurs populations le soient. Depuis plus de deux siècles, les tracés des limites départementales ont été très peu modifiés, sauf dans trois cas principaux : • Trois départements ont été créés en 1860 après l’accroissement territorial opéré au détriment de l’Italie (Savoie, Haute-Savoie et Alpes Maritimes). • Les limites départementales ont été adaptées après la rétrocession de la Moselle et de l’Alsace à l’Allemagne en 1871. Il est remarquable, qu’en 1918, après la restitution des trois départements à la France, on ne soit pas revenu au tracé antérieur à l’annexion. • La partition de départements s’est produite à deux reprises, pour les départements de la Seine en 1968 et de la Corse en 1978.

30 La création des régions en 1972 s’est faite en agrégeant les départements, sans se poser la question de la pertinence de leurs limites alors qu’elles avaient 180 ans. Cela signifie que l’on n’a pas pris en considération les mutations de la répartition de la population française, dues à la révolution industrielle et à l’urbanisation, qui ont profondément modifié la géographie de la France. De plus, en 2016, le gouvernement français a utilisé le même système. Il a été décidé de fusionner les régions sans se poser la question de la pertinence des limites antérieures et surtout sans consultation. Le nombre de régions métropolitaines a été réduit de 22 à 13, sans changements pour les régions ultra- marines. Quelques régions sont le résultat de la fusion de 3 régions antérieures (Nouvelle-Aquitaine et Grand-Est) ou 2 (Hauts-de-France, Normandie, Bourgogne- Franche-Comté, Rhône-Alpes-Auvergne, Occitanie). D’autres n’ont pas été redessinées (Ile de France, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Provence-Alpes-Côte- d’Azur et Corse).

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31 Le processus d’agrégation a été utilisé dans d’autres pays européens, comme en Slovaquie, sous une forme différente de la France. Quand elle est devenue indépendante en 1993, la Slovaquie héritait de la Tchécoslovaquie de 3 régions [kráj en Slovaque] et de 38 districts [okres en Slovaque]. La première réforme, en 1996, a consisté en une partition d’une large majorité des anciens districts. Ainsi, on est passé de 38 à 79 districts, avec seulement deux cas très localisés d’adaptation des limites. Le processus de création des régions s’est fait en même temps, en agrégeant les nouveaux districts, avec trois idées directrices : • créer des régions autours des 8 villes principales du pays ; • obtenir des régions ayant des effectifs équivalents de population ; • ne pas avoir de régions où la population de langue hongroise serait majoritaire.

32 Cela a donné une carte régionale intéressante avec 8 régions, dont la population moyenne est de 670 000 habitants, avec un faible écart type. La population de langue hongroise est partagée entre 4 régions et elle ne représente jamais plus de 20 % de la population régionale. En dehors de Bratislava, les régions rassemblent globalement une ville importante avec toute ou partie de sa zone d’attraction. A Bratislava, c’est différent. Le centre de l’aire métropolitaine forme la région de Bratislava, quand celle de la périphérie constitue celle de Trnava (figure 3).

Figure 3. Régions et districts en Slovaquie avant et après la réforme de 1996.

Source : compilation de l’auteur

La délimitation utilisant le modèle centre périphérie ou le second modèle de région fonctionnelle

33 Ce modèle est peu utilisé ; c’est plutôt le modèle d’Etats ayant créé des régions récemment avec une volonté de rupture avec le passé. L’idée principale est pourtant simple. Il s’agit d’organiser les régions autour des grandes villes et de les étendre à leurs zones d’attraction. Ce modèle est inspiré indirectement de la théorie des places

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centrales formulée par le géographe allemand Walter Christaller en en utilisant les principes de marché et d’administration (Christaller, 1933).

34 C’est le cas de la Pologne, qui a mis en place une organisation en 16 régions en 1999. Elles sont appelées województwo en polonais et voïvodie en français et représentent une double rupture historique. De 1975 à 1998, la Pologne était divisée en 49 voïvodies plus petites, qui avaient été dessinées par le gouvernement communiste. Ces voïvodies avaient des compétences similaires à celles des départements français d’avant les lois de décentralisation de 1982. Les nouvelles voïvodies sont également différentes des 17 régions historiques antérieures à 1975. Elles en reprennent parfois les noms, mais avec des limites très différentes de celles qui existaient alors.

35 Le processus de création des régions en 1999 a consisté en un processus d’agrégation à deux niveaux. Dans un premier temps, des districts [powiat en polonais] ont été créés en agrégeant des municipalités. Dans un deuxième temps, les districts ont été agrégés pour former les régions en les agrégeant autour des 16 plus grandes villes du pays mais n'a pas donné naissance à 16 régions d’effectifs de population équivalents car les densités de population varient fortement en Pologne. Cela a créé des régions de superficies relativement équivalentes, comme en témoigne le faible coefficient de variation de la série. L’idée directrice était de créer des régions d’organisation et de taille appropriée pour rendre l’aménagement régional efficace (figure 4).

Figure 4. Voïvodies de Pologne depuis 1999.

Source : compilation de l’auteur

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Une carte des régions de l’Union européenne

36 La carte représente les trois modèles de délimitation des limites régionales, qui sont imparfaitement répartis parmi les Etats membres. Parmi les 22 pays qui ont des régions sur l’ensemble de leur territoire, 10 les ont dessinées par héritage historique, 6 par agrégation d’unités territoriales de rang inférieur et 6 en utilisant le modèle centre périphérie (figure 5).

37 Les 10 Etats ayant utilisé la délimitation par héritage historique l’ont fait de manière différente, de part et d’autre de l’ancien rideau de fer. A l’ouest, ce sont des Etats qui ont une tradition régionale forte et ancienne.

38 En Italie, en Espagne, en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas, les régions peuvent être considérées comme héritières d’Etats plus anciens. Par exemple, les régions du Piémont, de la Bavière ou de l’Aragon dérivent directement des Royaumes éponymes qui existaient avant l’unification de l’Italie, de l’Allemagne ou de l’Espagne. C’est certes un peu plus compliqué quand on regarde en détail, car les Etats contemporains unifiés ont adapté localement les limites régionales. Par exemple, au XXIe siècle, l’Allemagne a moins de Länder que le Reich allemand n’avait d’Etats constitutifs en 1871, quand l’Espagne a plus de régions que le nombre d’Etats ayant fusionné pour la créer dans l’histoire.

Figure 5. Typologie des régions de l’Union Européenne selon leur mode de tracés des limites régionales en 2017.

Source : compilation de l’auteur

39 De même, aux Pays-Bas, la situation est légèrement différente car les provinces actuelles sont partiellement héritières d’Etats antérieurs. Durant l’époque napoléonienne et l’annexion à la France des départements avaient été créés, reprenant

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majoritairement des limites antérieures. Ils devinrent les provinces du Royaume des Pays-Bas, de nouveau indépendant en 1815, et existent toujours. Le gouvernement en a créé une douzième en 1986, le Flevoland, pour les zones de polders gagnées sur le Zuiderzee/IJsselmeer pendant le XXe siècle.

40 En Suède et en Finlande, plusieurs réformes régionales hésitantes ont été mises en place depuis les années 60 et ce surtout juste avant et juste après leur entrée dans l’Union Européenne en 1995. Ce processus hésitant a fini par s’arrêter sur une cartographie régionale, reprenant globalement les limites des provinces historiques, avec quelques aménagements locaux.

41 A priori, on s’attend à ce que ces régions délimitées par héritages historiques soient constitutives d’Etats fédéraux. C’est majoritairement le cas mais ce n’est pas absolu. L’Allemagne et l’Autriche sont des Etats fédéraux depuis respectivement 1949 et 1955. Année après année, l’Italie et l’Espagne sont de plus en plus fédérales, à chaque réforme constitutionnelle qui transfère de nouvelles compétences aux régions. C’est par contre le contraire aux Pays-Bas, en Suède et en Finlande qui, bien qu’ayant des régions délimitées par héritage historique, restent des Etats peu décentralisés.

42 En Europe centrale et orientale, seulement 3 pays ont des limites régionales déterminées par héritage historique. Ce sont les 3 pays qui n’ont pas encore fait de réelle réforme régionale depuis la chute du communisme. La Hongrie et la Roumanie n’ont pas encore créé de régions au sens strict. La carte de leurs unités territoriales de déconcentration et de décentralisation est pratiquement un héritage de la fondation de leurs Etats contemporains : 1867 pour la Hongrie et 1918 pour la Roumanie. Depuis ces dates, seules les modifications des frontières internationales ont induit des modifications dans la carte de ces unités territoriales, nommées Judet en roumain et Megye [Comitat] en hongrois . Ce sont, par leur taille, plutôt l’équivalent des départements français que des régions mais comme ce sont les unités territoriales de rang directement inférieur à l’Etat, on peut considérer que ce sont des régions. Des projets de régionalisation agrégeant ces unités territoriales ont été discutés, mais sans aboutir.

43 L’Estonie a choisi une voie semblable et originale à la fois. En 1992, après avoir recouvré son indépendance, elle a choisi de revenir à la carte régionale des années 30, c’est-à- dire antérieure à son annexion par l’Union Soviétique en 1940, sans se poser la question de leur taille et de leur pertinence. Elle a ainsi les plus petites régions de l’Union Européenne.

44 Le processus de délimitation des régions par agrégation d’unités territoriales de rang inférieur est commun à 6 Etats de l’Union Européenne. Dans ces Etats, c’est plutôt un processus récent qui a conduit à des régions ayant des compétences limitées. A part en France et en Belgique, cela a été utilisé après 1990 et seule la Belgique a donné à ses régions des compétences importantes à partir de 1980. Dans le détail, cela donne des situations très variables.

45 La République d’Irlande a utilisé un modèle original. Les régions regroupent des comtés traditionnels, mais les conseils régionaux sont également les regroupements des conseils de comté. Cela signifie qu’il n’y a pas stricto sensu de conseils régionaux.

46 En Belgique, le processus d’agrégation a été utilisé pour délimiter partiellement les limites régionales, mais les Régions ne sont pas le seul échelon infranational de la fédération belge. A côté des Régions, il existe des Communautés linguistiques ayant des

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compétences spécifiques et disjonctives de celles des Régions, mais avec des limites territoriales différentes. Dans le détail, c’est même un peu plus compliqué. Les trois Régions et la Communauté germanophone ont des limites territoriales définies quand les Communautés néerlandophone et francophone n’en ont pas. De même, la Communauté néerlandophone et la Région flamande ont renforcé leurs interactions dans le cadre d’une structure nommée Vlaamse Overheid, que l’on peut traduire par Gouvernement Flamand en français. La création des Régions s’est faite, hormis dans l’ancienne province de Brabant, par l’agrégation des Provinces. Ces Provinces sont comparables à celles des Pays-Bas ; elles étaient les unités utilisées pour le maillage des services déconcentrées de l’Etat, avant le processus de fédéralisation de la Belgique amorcé dans les années 1970. Pour l’ancienne province de Brabant, partagée entre les trois Régions, cela a nécessité sa partition en trois échelons de niveau provincial : le Brabant Flamand, le Brabant Wallon et Bruxelles, ce dernier ayant les mêmes limites que la Région de Bruxelles-Capitale, ce qui signifie que, de fait, il n’y a pas de province à Bruxelles.

47 En Grèce et à Malte, les régions ont été créées par agrégation d’unités de rang inférieur. Ce sont respectivement les Districts (que l’on appelle parfois Nomes en Français) et les communes. Leurs créations correspondent à un besoin d’organisation territoriale à une plus petite échelle que celle de la commune. Pour Malte, cela peut surprendre mais le pays a réellement des régions. Créées en 1993, elles ont été inscrites dans la constitution en 2001 et leurs limites ont été modifiées en 2009. Au nombre de 5, elles ont des conseils régionaux élus et ont des compétences sur les transports ou l’aménagement du territoire.

48 Les Etats membres qui ont utilisé le modèle centre-périphérie sont ceux où la création de régions s’inscrit plutôt dans une rupture historique. Sauf au Danemark, ce modèle a été utilisé dans des pays post-communistes d’Europe centrale. Le processus de tracé des limites régionales constituait l’opportunité de rompre avec celles héritées de l’ancien régime. Politiquement, il a souvent été présenté comme une double opportunité. Créer des nouvelles régions faciliterait l’intégration dans l’Union Européenne et utiliser le modèle centre-périphérie aurait une dimension moderne. Cela signifie qu’une région moderne serait organisée autour d’une ville principale (métropole) et ses limites devraient se confondre avec celles de sa zone d’attraction. Ainsi, cela créerait des régions fonctionnelles dont les limites seraient adaptées à leurs réalités territoriales.

49 En analysant la réalité régionale, on se rend compte que l’utilisation de ce modèle n’a pas été absolue. En République Tchèque et en Pologne, c’est globalement le cas. En Bulgarie, en Lituanie et en Croatie, il a été décidé de créer, par objectif politique, des régions de petite taille pour obtenir une carte régionale plus équilibrée, car ces pays ont une forte macrocéphalie. Les trois capitales, Sofia, Vilnius et Zagreb, représentent plus de 20 % de la population totale.

50 Au Danemark, le processus de délimitation est comparable mais son but est différent. Au 1er janvier 2007, le gouvernement danois a remplacé les 13 comtés [amt en danois], définis en 1970, par 5 régions [region en danois], sans maintenir les limites régionales anciennes. Cette réforme avait deux caractéristiques. Elle a clarifié les compétences et a organisé des régions avec des effectifs de population plus équilibrés, ce qui a permis de réduire le poids démographique relatif de la région de Copenhague. Cela a été possible car la géographie du Danemark a profondément été modifiée au début du XXIe siècle. Un programme ambitieux de construction de ponts sur les détroits danois a été achevé.

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Le pays était globalement un archipel et toutes les îles principales et le continent sont maintenant connectés, si bien que les limites régionales ont pu s’affranchir de celles des îles et presqu’îles.

Les liens entre les effectifs de population, les superficies et les compétences des régions

Méthodologie et Indice d’Autorité Régionale (IAR)

51 En géographie, les auteurs utilisent différents indicateurs pour délimiter la dispersion des séries statistiques, comme l’écart-type, mais, pour comparer deux séries statistiques entre elles, on va plutôt utiliser le coefficient de variation qui est l’écart- type divisé par la moyenne arithmétique. En premier lieu, j’ai calculé le coefficient de variation pour les populations et les superficies des régions par pays.

52 J’ai ensuite ajouté deux autres séries : le modèle de délimitation des limites régionales et le RAI. Le modèle de délimitation est une donnée qualitative qui n’a pas fait l’objet de calcul mais j’ai utilisé trois modalités : 1 pour la délimitation par héritage, 2 pour celle par agrégation et 3 pour celle utilisant le modèle centre périphérie. Le RAI ou Regional Authority Index, que l’on peut traduire en français par Indice d’Autorité Régionale (IAR), est un indice synthétique qui mesure le degré d’autonomie d’une région. Il a été défini par Marks, Hooghe et Schakel (2008b) et comprend deux catégories : compétences propres et compétences partagées. Chacune de ces deux catégories est divisée en quatre modalités. Pour les compétences propres, les modalités sont : taille institutionnelle, envergure politique, autonomie fiscale et niveau de représentation. Pour les compétences partagées, ce sont : pouvoir législatif, contrôle exécutif, contrôle fiscal et réforme constitutionnelle. Pour chacune des modalités, une note est attribuée puis on ajoute les 8 notes qui forment l’IAR. Plus la somme est élevée, plus la région a de compétences. Pour les Etats membres, l’IAR varie de 4 en Lituanie, le pays le moins déconcentré et décentralisé, à 29,3 pour l’Allemagne où les régions ont le plus de compétences. L’article cité utilisant des données de 2006, j’ai recalculé l’IAR de chaque pays, en utilisant la même méthodologie, pour 2016, soit juste après la réforme régionale française.

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Figure 6. Indice d’Autorité Régionale (IAR) des régions de l’Union Européenne en 2017.

Source : Marks G., Hooghe L. & Schakel A.H. (2008b) et calculs de l’auteur

53 La carte de l’IAR est très intéressante (figure 6). A première vue, elle montre un contraste est-ouest. Les pays d’Europe de l’Ouest donnent plus de compétences à leurs régions. Sauf si on met de côté les pays scandinaves et la Finlande, l’ancien Rideau de Fer apparaît clairement. En fait la régionalisation est un processus récent en Europe centrale et orientale où les gouvernements ont bien créé des régions mais en leur donnant peu de pouvoirs. A l’ouest le processus est plus ancien et plus profond. Réformes après réformes, les régions se sont vues dotées de plus en plus de compétences, malgré le léger processus de reconcentration observé depuis une décennie.

Une proposition de classification des régions de l’Union Européenne

54 Le tableau 2 montre une très grande variété de situations entre les Etats membres de l’Union Européenne, mais est-il possible de distinguer des regroupements avec une analyse plus détaillée? En utilisant la méthode de discrétisation de Jenks qui maximise la variance interclasse et qui minimise la variance intraclasse, on obtient, en l’appliquant à la superficie des régions, un début de classification. On a trois catégories de régions : les grandes, les moyennes et les petites. La superficie est la série quantitative avec le plus grand coefficient de variation, ce qui signifie qu'elle est la mesure de la plus grande disparité entre régions.

55 Les 7 plus grands Etats membres ont, en moyenne, les régions les plus grandes de l’Union Européenne mais ces pays ont des coefficients de variations élevés pour ce qui concerne la superficie et l’effectif de population (figure 7). Cela signifie que la réalité régionale y est très diverse. Il y a, à la fois, de petites régions comme Hambourg ou

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Madrid mais aussi de grandes comme la Nouvelle Aquitaine ou la Bavière. Il y a des régions peu peuplées, comme la Corse ou les Asturies, mais aussi les régions les plus peuplées de l’Union Européenne comme la Rhénanie du Nord-Westphalie ou l’Île-de- France. Dans ce groupe, les pays nordiques, c’est-dire la Suède et la Finlande, ont leurs spécificités. Les coefficients de variations pour la superficie ou la population y sont les plus élevés d’Europe. Ceci s'explique par la faible densité de population de leurs régions périphériques et la forte concentration de la population dans quelques villes. Par exemple, en Suède, les trois aires urbaines les plus importantes du pays, Göteborg, Malmö et Stockholm, représentent plus de 35 % de la population totale quand les deux régions les plus septentrionales, Norrbotten et Västerbotten, en rassemblent moins de 5 %.

56 Dans cette catégorie, les limites régionales ont été tracées par héritage historique, sauf en France et en Pologne. L’IAR varie fortement d’un pays à l’autre. Certains Etats sont fédéraux comme l’Allemagne et d’autres peu décentralisés comme la Finlande. L’Italie forme un exemple original. C’est le pays qui a le plus faible coefficient de variation pour la population, quand ses limites régionales ont été tracées par héritage historique. C’est probablement dû à son histoire. Avant l’unification en 1860, l’Italie était divisée en plusieurs Etats ayant chacun sa propre capitale. Le processus d’urbanisation, pendant la révolution industrielle, s’est ainsi fait dans un nombre important de villes, dans un pays ayant peu de ressources naturelles, c’est-à-dire sans localisation industrielle liée à celle des matières premières.

57 Les pays ayant des régions de taille moyenne représentent à peu près la moitié des Etats membres de l’Union Européenne et c’est un groupe moins hétérogène que celui de ceux ayant des régions de grande taille. Hormis pour la Grèce, les coefficients de variation sont faibles que ce soit pour la superficie ou la population des régions. De même, dans ce groupe, peu d’Etats ont délimité les limites régionales par héritage historique. Ils ne sont que 3 sur 11. C’est également un groupe où l’IAR est faible. Il est inférieur à celui de la moyenne arithmétique de l’UE dans 9 Etats sur 11. En fait, ce groupe est le plus représentatif de ce qu’est majoritairement la région dans l’Union Européenne : des régions de taille équilibrée dans le référentiel national, de taille et de population moyenne (12 000 km2 et 1,2 million d’habitants), avec relativement peu de compétences liées à une décentralisation récente et souvent incomplète, c’est-à-dire avec une gouvernance duale entre les services déconcentrés de l’Etat à l’échelle régionale et les conseils régionaux.

Tableau 2. Quelques indicateurs pour les régions de l’Union Européenne.

Moy. Moy. Coeff. de Coeff. de Modèle de Superficie Arithm. Arithm. des variation variation délimitation en IAR des populations des des des limites 2 km superficies ( millions) populations superficies régionales

France 633 258 37 250 3,820 0,82 0,75 14,0 2

Espagne 505 613 29 742 2,728 0,92 1,02 22,1 1

Allemagne 357 113 22,320 5,033 0,95 0,84 29,3 1

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Pologne 312 677 19 542 2,385 0,52 0,35 8,0 3

Suède 410 268 19 537 0,459 1,17 1,17 10,0 1

Finlande 333 267 17 540 0,288 1,19 1,23 7,1 1

Italie 301 311 14 348 2,880 0,87 0,53 22,7 1

Belgique 30 527 10 176 3,743 0,70 0,87 29,0 2

Grèce 131 621 10 125 0,829 1,20 0,52 10,0 2

Autriche 83 873 9 319 0,925 0,59 0,68 18,0 1

Irlande 70 178 8 772 0,529 0,54 0,49 6,0 2

Danemark 42 828 8 566 1,141 0,41 0,49 10,2 3

Lituanie 65 300 6 530 0,332 0,30 0,73 4,0 3

Slovaquie 49 032 6 129 0,677 0,14 0,40 6,0 2

Romanie 238 411 5 676 0,479 0,56 0,30 10,0 1

R. 78 929 5 638 0,747 0,44 0,49 7,0 3 Tchèque

Hongrie 93 381 4 669 0,498 0,74 0,39 10,0 1

Bulgarie 110 892 3 960 0,276 0,82 0,37 6,0 3

Estonie 43 312 2 887 0,086 1,58 0,32 6 1

Pays-Bas 33 751 2 813 1,411 0,76 0,42 14,5 1

Croatie 56 542 2 692 0,204 0,81 0,48 9 3

Malte 320 64 0,089 0,33 0,55 7 2

Moyenne - 11,880 1.266 0,81 0,58 11,6 - de l’UE

Source des données : Eurostat (www.eurostat.eu), Marks G., Hooghe L. and Schakel A. H. (2008b) et calculs de l’auteur

58 Dans ce groupe des Etats ayant des régions de taille moyenne ; deux sont très différents des autres : la Belgique et l’Autriche. Ce sont les deux plus petits Etats fédéraux d’Europe quand cette forme d’organisation régionale est plutôt le fait des grands pays. Cette spécificité est liée à l’histoire de ces pays. La fédéralisation de l’Autriche est une

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disposition prévue dans le Traité d’Etat de l’Autriche [Österreichischer Staatsvertrag en allemand]. C’est une des conditions exigée par les alliés, vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale, au rétablissement de sa souveraineté en 1955. La Belgique est également un Etat fédéral mais selon un processus original. Ce sont les tensions linguistiques entre francophones et néerlandophones, apparues dans les années 1960, qui ont été à l’origine du processus de fédéralisation. Ce processus n’est pas brutal mais progressif, l’Etat fédéral ayant de moins en moins de compétences à chaque réforme. C’est en ce sens qu’il est original en Europe.

59 Quatre pays ont des régions de petite taille : Malte, l’Estonie, la Croatie et les Pays-Bas. Dans les trois premiers Etats, les régions sont de création, ou de re-création, récente. Elles ont peu de compétences et ce sont les pays les moins déconcentrés ou décentralisés de l’Union Européenne. A l’opposé, le modèle néerlandais est original dans ce groupe. Les régions y sont certes de petite taille, mais ont des effectifs de population dans la moyenne des Etats membres et leur IAR est comparable à celui des régions françaises. Il y a des discussions actuellement pour agrandir les régions mais on peut se demander si leur importance historique et identitaire n’est pas trop importante pour réellement en modifier les limites.

Figure 7. Typologie des régions de l’Union Européenne selon les coefficients de variation des populations et des superficies et leur lien avec l’IAR.

Source : Eurostat et compilation de l’auteur

Conclusion

60 Cet article montre une nouvelle fois que l’Union Européenne est conforme à sa devise « unie dans la diversité ». Il existe une réelle ambiguïté de la signification du terme

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région dans les traités comme dans la pratique en particulier en ce qui concerne la politique de cohésion. Elle s’appuie sur une Nomenclature des Unités Territoriales et Statistiques (NUTS) à trois niveaux qui peuvent parfois correspondre à des régions, mais sans que ce soit généralisé, ni que ce soit pour le même niveau de NUTS. Les NUTS 1, 2 ou 3 peuvent parfois correspondre aux régions mais ce n’est pas le cas dans 9 Etats membres sur 28.

61 Cette ambiguïté est liée à de nombreux facteurs et, de manière générique, on peut simplement dire qu’il n’existe pas un mais plusieurs modèles de région dans l’Union Européenne. Lors de la réforme récente en France, le Premier Ministre Manuel Valls l’avait présentée comme la nécessité de faire des régions de taille européenne dont il n’existe pas de modèle unique…

62 De même, les limites régionales ont été dessinées de trois manières différentes dans la cadre de politiques nationales. Certains Etats ont maintenu des limites régionales avec une continuité historique même si elles les ont généralement adaptées dans la période contemporaine. C’est le cas de l’Italie ou de l’Allemagne. A l’opposé, d’autres Etats membres ont utilisé le tracé des limites régionales pour marquer une rupture historique avec un régime antérieur ; l’exemple emblématique en est la Pologne. Quand on croise ces données avec celles de la taille, de la population et du niveau de compétence des régions, on arrive à la définition de trois groupes de pays représentant chacun un modèle spécifique. Pour les décrire, on peut retenir trois grandes idées.

63 La disparité la plus importante est constituée par la distinction entre, d’une part, les régions de grande taille et, d’autre part, celles de petite et moyenne superficies.

64 La majorité des pays ayant des régions de grande taille en ont délimité les limites spatiales par héritage historique, avec un Indice d’Autorité Régionale plutôt élevé. On peut considérer ces régions comme modèle de région territoriale. Ce groupe est cependant loin d’être homogène, avec des spécificités en ce qui concerne l’Europe du Nord, la France ou la Pologne.

65 Les pays ayant des régions de taille moyenne et petite ont plutôt des limites régionales tracées par agrégation ou en utilisant le modèle centre-périphérie. Elles peuvent être considérées comme des régions fonctionnelles c’est-à-dire ayant des limites plutôt adaptées à leurs compétences. Elles ont par contre un IAR inférieur à la moyenne, sauf pour l’Autriche et la Belgique qui sont des Etats fédéraux. Elles sont plutôt peu peuplées, sauf dans le cas des Pays-Bas, où, malgré leurs petites tailles, elles ont des effectifs de population importants, dans ce pays où les densités sont fortes.

66 Ces disparités importantes sont celles observées dans la deuxième moitié des années 2010 mais la question régionale semble en évolution constante. La France vient de faire une réforme régionale importante et d’autres pays en sont tentés. Par exemple, l’Italie s’est concentrée sur la création de villes métropolitaines (Città Metropolitane) et mène une réflexion actuellement pour réduire le nombre de régions. La Roumanie et la Hongrie réfléchissent à transformer leurs régions de planification en de réelles collectivités territoriales. Le processus amorcé depuis les années 1980 ne semble pas terminé, d’autant que les régions prennent de nouvelles formes, notamment dans le cadre de la création de régions transfrontalières ou de macro-régions avec parfois des identités fortes…

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RÉSUMÉS

La question régionale est, à l’échelle historique, une question récente en Europe. La plupart des Etats membres de l’UE se sont dotés de régions dans la seconde moitié du XXe siècle, mais avec des modèles différents. Les limites régionales ont été tracées selon trois méthodes principales. Le niveau de compétences des régions est très variable, allant des Etats fédéraux à ceux où les régions ne sont que des échelons territoriaux des services déconcentrés de l’Etat. De même, la superficie et la population des régions sont très différentes d’un Etat à l’autre et à l’intérieur des

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Etats. Malgré cette diversité, cet article propose une réflexion pour arriver à une classification des Etats européens selon la réalité de leurs régions.

The regions’ issue is recent in Europe on a historical scale. Most EU States created regions in the second half of the 20th century, but they used different models. Regional boundaries have been drawn using three main methods. The level of regions’ competences varies also greatly, from federal States to less decentralized States. Similarly, the area and the population of regions are very different from one country to another and within countries. Despite this diversity, this paper proposes a reflection to put in place a classification of European Union countries, according to their regional realities.

INDEX

Keywords : European Union, regions, regional boundaries, competences, population, size Mots-clés : Union Européenne, régions, limites régionales, compétences, population, taille

AUTEUR

FRANÇOIS-OLIVIER SEYS

Université de Lille, Laboratoire TVES, EA 4477, UFR de Géographie et d’Aménagement, francois- [email protected]

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Trappes de développement et influence de la Politique de Cohésion de l’Union européenne : une exploration géospatiale Development traps and influence of the EU Cohesion Policy: an explorative spatial analysis

Sébastien Bourdin

Classification JEL : C21, C26, R58

Introduction

1 La Politique de Cohésion de l'Union européenne (UE) – instrument financier visant à réduire les inégalités régionales en stimulant à la fois l’investissement pour la croissance et l’emploi, et la coopération territoriale européenne (Commission européenne, 2011) – a fait l’objet de nombreuses études d’évaluation d’impacts de programmes spécifiques, sur différents thèmes, à différentes échelles et sur plusieurs périodes de programmation. Ces types d’études ont souvent utilisé des méthodes qualitatives et/ou quantitatives apportant des évaluations plus ou moins détaillées de cette politique publique européenne (Baslé, 2006 ; Bachtler, Wren, 2006 ; Ward, Wolleb, 2006 ; Commission européenne, 2010 ; Mohl, 2016). D’une manière générale, il faut retenir de ces analyses que la Politique de Cohésion a fait des progrès pour atteindre ses objectifs d’accompagnement du développement économique local et de réduction des inégalités régionales. Dans le même temps, ces évaluations pointent bien souvent une hétérogénéité des résultats en fonction des régions, des périodes et des politiques du fait que les projets financés peuvent être altérés par (i) des délais, (ii) un manque de définition des objectifs ou des buts surdimensionnés, (iii) une insuffisance de coordination et d’aménagement, (iv) des attentes surréalistes ou encore (v) une insuffisance de l’accompagnement. On retrouve ainsi dans l’UE des espaces au sein

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desquels les Fonds européens semblent avoir du mal à atteindre leurs objectifs en termes de développement malgré l’intensité des financements qui y sont concentrés. Par ailleurs, de nombreux chercheurs (Quah, 1996 ; Carrington, 2003 ; Dall’erba, 2005 ; Ertur et al., 2006 ; Ramajo et al., 2008 ; Mohl, Hagen, 2010 ; Bouayad-Agha et al., 2013 ; Maynou et al., 2016 ; Percoco, 2017) ont montré que l’efficacité des Fonds structurels européens dépendait largement de l’environnement régional de l’unité géographique traitée par la Politique de Cohésion (localisation relative) et que, par ailleurs, il existait des externalités spatiales liées à l’implémentation des Fonds européens (Dall’erba, Le Gallo, 2008 ; Dall’erba, Fang, 2017). Autrement dit, il existe des effets de dépendance spatiale entre les régions (Koch, 2004 ; Ertur, Koch, 2006 ; Bourdin, 2010) qui expliquent en partie l’hétérogénéité spatiale de l’impact de cette politique publique européenne de développement territorial (Bourdin, 2018). Ces effets de dépendance spatiale font directement référence au problème d’autocorrélation spatiale (Le Gallo, 2002), autrement dit à la coïncidence de la similarité de valeurs avec la similarité de localisation (Anselin, 2000).

2 C’est dans ce cadre que nous souhaitons interroger la question des liens entre la distribution des Fonds européens et le développement économique régional en prenant en compte les effets de dépendance spatiale (effets de débordement géographique et autocorrélation spatiale), à l’aide d’une méthode exploratoire en statistiques spatiales qui, à ce jour, n’a pas encore été utilisée sur ces questions. L’étude des relations spatiales entre les entités géographiques fait l’objet depuis plusieurs décennies d’un grand intérêt pour les géographes. Parmi les thématiques de recherche sur ce sujet on retrouve l'analyse de l'autocorrélation spatiale qui mesure l'association entre des objets du même type (Cliff, Ord, 1973). Les mesures existantes comprennent des statistiques globales (Moran, 1950 ; Geary, 1954) et locales (Anselin, 1995 ; Getis, Ord, 1992) avec de larges applications telles que l'analyse de la criminalité (ie. Getis, 2010 ; Messner et al., 1999), la démographie (Oliveau, 2010) ou encore les inégalités régionales (Ertur et Koch, 2005 ; Bourdin, 2010). Un autre axe de recherche se concentre sur la corrélation spatiale ou co-localisation, qui mesure la relation spatiale entre les objets de différents types (Leslie, Kronenfeld, 2011). Ainsi, nous souhaitons utiliser la méthode des indicateurs locaux d'association spatiale bivariés (Anselin et al., 2000) pour identifier de manière paramétrique les concentrations spatiales des covariations spatiales entre la croissance régionale et différentes variables explicatives (dont les Fonds de la Politique de Cohésion) de celle-ci. Grâce à cette méthode, il est ainsi possible de pouvoir identifier des trappes de développement où on peut faire l’hypothèse que l’utilisation de l’argent de la Politique de Cohésion n’a pas eu les effets escomptés, ou au contraire, des regroupements spatiaux de régions enregistrant une croissance importante, grâce en partie aux Fonds européens dépensés. Puisqu’il s’agit d’une méthode exploratoire, l’objectif n’est pas de détecter des relations causales entre les facteurs explicatifs de la croissance régionale (ce que l’économétrie spatiale permet de faire), mais plutôt d’identifier notamment des concentrations spatiales de régions cumulant des difficultés (les trappes de développement), et qui nécessiteraient donc une plus grande attention en termes de politiques publiques. Ceci est particulièrement important dans un contexte de réflexion sur la conception et la mise en œuvre de la future politique régionale post-2020 pour davantage cibler les interventions.

3 Notre article est structuré comme suit : d’abord nous revenons sur les effets de polarisation spatiale dans l’Union européenne et du rôle de la Politique de Cohésion

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pour réduire ces inégalités territoriales, puis nous présentons notre méthodologie et enfin terminons par présenter les résultats avant de conclure en ouvrant une discussion sur la mise en œuvre de la Politique de Cohésion post-2020.

Le rôle des Fonds européens pour rompre avec la causation circulaire cumulative de la pauvreté

De la nécessité d’une Politique de Cohésion pour sortir de la concentration spatiale de la richesse européenne

4 Déjà dans les années cinquante, Myrdal (1957) considérait la croissance comme un processus spatial cumulatif susceptible d’accroître les disparités régionales et conduisant à une polarisation spatiale de l’économie. Selon lui, les effets des économies d’agglomération conduisent à un processus cumulatif de croissance créant des différences entre régions et engendrant un cercle vicieux. Il note qu’il existe une « causation circulaire cumulative » de la pauvreté : nulle force équilibrante ne vient corriger les déséquilibres économiques et sociaux. D’autres travaux académiques (Perroux, 1955 ; Williamson, 1965 ; Kaldor 1970 ; Krugman, 1991 ; Krugman, Venables, 1996) arrivent à des conclusions similaires quant à l’existence d’un processus de divergence.

5 L’incidence de la répartition inégale des activités économiques dans l’espace sur la croissance économique des territoires a était mise en évidence au sein notamment du courant théorique dit de la synthèse géographie – croissance (Baumont, 1998). Plusieurs études ont mis en lumière le fait que les disparités régionales ne sont pas réparties de manière aléatoire dans l’espace et que l’environnement géographique d’une région joue un rôle prépondérant dans son développement. La répartition géographique des disparités économiques européennes, étudiée par plusieurs auteurs (López-Bazo et al., 1999 ; Le Gallo, Ertur, 2003 ; Ertur, Koch, 2006 ; Bourdin, 2010) montre une polarisation permanente entre les régions riches du Nord et les régions pauvres du Sud et de l’Est. Ce constat peut être expliqué notamment par les nouvelles théories de la géographie économique (Krugman 1991 ; Fujita, 1999) qui montrent que les localisations des activités économiques sont spatialement structurées par certains processus agglomératifs et cumulatifs. En conséquence, nous pouvons dire que la répartition géographique des activités économiques à forte (respectivement faible) valeur ajoutée est spatialement dépendante et tend à faire preuve de persistance dans le temps. De plus, selon cette théorie de la géographie économique, l'environnement économique d'une région semble influencer les perspectives de développement territorial de celle-ci : une région pauvre (respectivement riche) entourée de régions pauvres (respectivement riches) restera dans cet état de développement économique, alors qu'une région pauvre entourée de régions riches a plus de chances d'atteindre un plus haut niveau de développement économique.

6 Dès lors, pour accélérer les processus de rattrapage, en particulier dans certaines zones d’Europe où il existe une concentration spatiale de régions en retard de développement, il semble nécessaire de mettre en place des politiques publiques de développement territorial. Ceci est d’autant plus justifié que Capello (2007) démontre la capacité limitée des processus d'ajustement spontané à rééquilibrer les conditions de départ régionales inégales qui profitent aux régions les plus développées. Comme le

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soulignait déjà Camagni en 2002, le principe smithien d’avantage absolu est à l’origine d’une compétitivité accrue, engendrant une hiérarchisation de la croissance régionale, augmentant par conséquent les inégalités régionales (Aristei, Perugini, 2012). Dès lors, on voit l’importance des Fonds structurels européens pour rééquilibrer les inégalités et améliorer la cohésion économique, sociale et territoriale de l’UE.

7 Les Fonds structurels et d'investissement européens (ESIF) sont l'un des instruments de politique économique supranationaux les plus importants de l’UE. Ils visent à réduire les disparités entre les niveaux de développement des différentes régions, tels qu'ils sont codifiés à l'article 174 du Traité sur le fonctionnement de l’UE. Au cours des dernières décennies, l'importance budgétaire de l'ESIF dans le cadre de la construction de politique régionale de l'UE a progressivement augmenté. Dans le cadre financier actuel 2014-2020 pour la première fois dans l'histoire de l'UE, la part la plus importante du budget européen – 351,8 sur 960 milliards d'euros - a été attribuée à cette politique dont 179 milliards d'euros pour les régions dites « les moins développées » auquel il faut ajouter, pour certaines, les Fonds de Cohésion à hauteur de 63 milliards d’euros (source : DG Regio).

8 Compte tenu de la persistance des inégalités économiques entre les régions et les pays de l'UE et le rythme décevant de la reprise économique après la dernière crise économique, un vif débat a vu le jour entre les « eurocrates » et les chercheurs au sujet du réel impact du financement de l'UE sur la croissance régionale. Dès lors, la question de la solidarité entre les Etats-membres et les régions est plus que jamais d’actualité (Bourdin, 2014). La nature distincte des différents programmes de financement a rendu difficile l'identification de leurs effets causaux sur la croissance. De plus, l'éventail des approches consacrées à l'analyse empirique des effets des Fonds structurels a abouti à des conclusions divergentes sur les impacts réels des ESIF. Or, les promoteurs de ces instruments financiers accordent beaucoup d'espoir dans leur potentiel pour accroître le niveau de développement des régions les plus en retard comparé à celui des régions les plus développées.

Une efficacité de la Politique de Cohésion concentrée spatialement

9 On recense aujourd’hui une soixante-dizaine d’articles analysant l’impact de la politique régionale européenne mais il n’existe pas de consensus sur la question1. Les méthodologies utilisées sont variées allant de modèles dynamiques input-output à des approches contrefactuelles en passant par l’économétrie spatiale. Les résultats des études empiriques évaluant l’efficacité des Fonds européens dans le processus de rattrapage régional sont néanmoins contradictoires et dépendent bien souvent des méthodes utilisées, de la temporalité de l’étude et du choix du maillage territorial (Dall’Erba, Fang, 2017). Ceci amène Molle (2007) à dire que l’efficacité de la politique régionale européenne doit être considérée en termes de plausibilité plutôt que de preuves.

Quels facteurs expliquent la non-linéarité spatiale de l’impact des Fonds structurels européens sur la croissance régionale ?

10 L'hypothèse de base dans un cadre théorique néoclassique serait que les Fonds structurels favoriseraient la croissance économique en augmentant le taux d'investissement. Dans le même temps, la littérature a montré une hétérogénéité

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spatiale de l’impact de la Politique de Cohésion sur la croissance régionale qui peut s’expliquer notamment par la théorie de la nouvelle économie géographique. D’une part, de nombreuses études concluent à un effet positif et significatif des ESIF sur la croissance régionale. Sans être exhaustif, on notera certaines contributions récentes (Becker et al., 2012 ; Bouayad-Agha et al., 2013 ; Pelligrini et al., 2013 ; Crescenzi, Giua, 2016 ; Gagliardi, Percoco, 2017) qui concluent à un impact de la politique régionale sur la croissance. Becker et al. (2012) expliquent cependant que l’allocation de Fonds structurels dans les régions les plus en difficultés des pays riches de l’UE avait des effets plus importants. Gagliardi et Percoco (2017) soulignent le fait que les impacts des Fonds européens sont plus importants dans les régions rurales situées à proximité de grandes agglomération urbaines. Pelligrini et al. (2013) et Crescenzi et Giua (2016) ont comparé les effets de la politique régionale sur le développement économique des territoires ayant bénéficié de ces Fonds (en dessous du seuil des 75 % de la moyenne du PIB/hab. européen) comparés à celles qui en n’ont pas reçu (régions non traitées – au-dessus de ce seuil des 75 %) et ont conclu à un impact positif. Enfin, les résultats des travaux de Bouayad-Agha et al., (2013) laissent supposer que les actions en faveur de l'Objectif 1 ont un effet immédiat sur les taux de croissance, à la différence des fonds structurels globaux. Lorsque l’aspect spatial des données est pris en compte, l’impact des Fonds structurels s'avère encore significatif bien que moins important. D’autre part, d’autres études révèlent que les Fonds européens auraient au contraire un effet nul voire négatif sur la croissance économique des régions telles que celles Dall’Erba et Le Gallo (2007) ou encore de Dall’Erba et al. (2009), en expliquant que la forte autocorrélation spatiale de la croissance régionale – la croissance d’une région est largement influencée par la croissance des régions qui l’entourent – pouvait expliquer des résultats en demi-teinte. Rodríguez-Pose et Fratesi (2004) concluent également que l’influence de l’Objectif 1 dans le processus de convergence ne semble pas démontrée. Tout comme Dall’Erba et al. (2009), ils argumentent que l’éducation et l’investissement dans le capital humain constituent un volet important d’une politique de développement régional plus efficace. Un autre facteur explicatif de l’hétérogénéité de l’impact des ESIF sur la croissance s’explique par la gouvernance et le rôle des institutions sur la performance régionale (Glaeser et al., 2004 ; Ederveen et al., 2006 ; Arbia et al., 2010 ; Farole et al., 2011 ; Rodríguez-Pose et Garcilazo, 2015). Les chercheurs expliquent que pendant trop longtemps cette problématique a été oubliée dans la mise en œuvre de la politique régionale. Ils démontrent l’intérêt d’améliorer la qualité de la gouvernance et de réduire l’hétérogénéité institutionnelle (Charron et al., 2015) pour améliorer l’efficacité des Fonds.

11 En somme, les résultats des travaux sur le sujet montrent que l'efficacité de cette politique dépend (i) de la concentration des fonds sur certains thèmes, (ii) des caractéristiques régionales locales/du capital territorial de la région mais aussi (iii) de l'environnement régional (effets de débordement spatiaux).

Quels impacts des effets spatiaux sur l’efficacité de la Politique de Cohésion ?

12 Même si une grande partie des études concluent à des effets positifs de cette politique publique européenne, l’hétérogénéité de l’impact de la politique trouve ses racines dans des questions liées à la prise en compte des effets de débordement spatiaux et de la performance économique des régions voisines. Par exemple, Le Gallo et al. (2011) expliquent que le développement économique d’une région était largement influencé

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par celui de ses voisines et que l’impact local des Fonds européens pouvait varier positivement ou négativement au sein de l’Union européenne en conséquence. Dès 1996, Quah soulevait déjà que l’omission de la dimension spatiale du processus de convergence pouvait biaiser les résultats. Il affirmait que la localisation géographique et les effets de débordement géographique importaient plus que les facteurs macroéconomiques nationaux. Ses résultats soulignaient l'importance des retombées spatiales dans la compréhension de la dynamique régionale de distribution de la richesse. Dès lors, les interactions spatiales dues aux retombées géographiques doivent être prises en compte, en particulier lorsque l’on étudie l’efficacité de la Politique de Cohésion. C’est ce qu’ont montré plusieurs chercheurs en soulignant le rôle de l’environnement régional d’une part (Carrington, 2003 ; Dall’erba, 2005 ; Ertur et al., 2006 ; Ramajo et al., 2008 ; Mohl, Hagen, 2010 ; Bouayad-Agha et al., 2013 ; Maynou et al., 2016 ; Percoco, 2017) et des externalités spatiales d’autre part (Dall’erba, Le Gallo, 2008 ; Dall’erba, Fang, 2017).

13 Dans ce cadre, notre contribution réside dans la prise en compte de la concentration spatiale de l’influence de la Politique de Cohésion (et d’autres facteurs explicatifs du développement régional) sur la croissance. Grâce à la méthode utilisée, nous pourrons ainsi identifier des groupes de régions (clubs spatiaux) où la polarisation économique ou au contraire la pauvreté persistent malgré les Fonds européens dépensés.

Approche méthodologique

Données et variables

14 Le niveau territorial considéré dans la présente étude est le niveau NUTS 2. Cette échelle régionale est appropriée aux fins de cette étude car elle nous permet d'obtenir des données pertinentes et comparables et de discuter et de traiter des recommandations politiques à un niveau institutionnel adéquat, compte-tenu que les Fonds européens sont distribués à cette échelle. Notre échantillon est constitué de 248 régions appartenant à 23 Etats-membres. Ainsi, la Croatie a été exclue car elle ne bénéficiait pas des Fonds européens pour la période étudiée, tout comme la Roumanie et la Bulgarie qui a reçu des Fonds de pré-adhésion sur la période 2000-2006 mais pas de Fonds européens issus de la Politique de Cohésion. Faute de disponibilité et de complétude des données, nous n’avons pas pu intégrer les chiffres relatifs aux programmes de pré-adhésion PHARE, ISPA et SAPARD. Enfin pour des raisons statistiques liées à des problématiques insulaires ou d’enclaves, Chypre, Malte, les Iles Canaries, les Açores, Madère et les Territoires d’Outre-Mer ont été également exclus.

15 La source de la représentation géographique des données est GISCO - Eurostat (Commission européenne) pour les limites administratives des régions européennes. Les données ont été récoltées via la DG Regio (pour celles concernant les Fonds européens) et Eurostat.

16 La croissance régionale de long terme (la variable dépendante considérée dans notre approche) est mesurée telles que dans le modèle de convergence de Barro et Sala-i- Martin (1992) entre la période 2000 et 2016. Notons qu’une limite de notre travail réside dans son impossibilité de prise en compte de l’effet direct de la crise financière et immobilière de 2008 sur la croissance régionale de long terme que nous mesurons. Nous avons donc introduit un décalage temporel de quatre ans après la fin de celle-ci.

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Cet écart temporel est d’autant plus justifié qu’il permet de prendre en compte l’effet décalé de la Politique de Cohésion sur la croissance (puisque nous considérons les périodes de programmation 2000-2006 et 2007-2013). En effet, de nombreux auteurs ont déjà procédé à un décalage temporel pour éliminer les problèmes potentiels de causalité simultanée et reconnaissent que les investissements publics n'agissent pas instantanément sur la croissance (Mohl et Hagen, 2010 ; Sotiriou et Tsiapa, 2015 ; Mohl, 2016 ; Breidenbach et al., 2016 ; Dall’Erba, Fang, 2017).

17 Les variables explicatives de la croissance régionale de long terme sont choisies conformément aux travaux en science régionale sur l’évolution des disparités dans l’UE. Suivant les théories économiques dominantes de la croissance néoclassique d’une part (Solow, 1956 ; Swan, 1956) et l’approche de la croissance endogène d’autre part (Romer, 1986 ; Lucas, 1988), la croissance économique est le résultat d'une combinaison de trois facteurs que sont le capital physique, le capital humain (ou travail) et l’innovation (ou progrès technique). Plusieurs facteurs peuvent expliquer une répartition spatiale de la croissance économique qui est loin d'être homogène, comme l'accès aux marchés, le capital humain, le changement technologique, la compétitivité internationale, les économies d'échelle, l'efficacité institutionnelle et la localisation géographique. De fait, nous avons intégré dans notre approche exploratoire les variables indépendantes de la croissance décrites ci-après. Dans un premier temps, nous avons introduit la (i) densité de km d’autoroutes par milliers de km² comme proxy de l'inégale répartition spatiale des activités économiques suivant les travaux issus de la géographie économique (Krugman 1991 ; Fujita, 1999). La littérature met en évidence que les régions les plus accessibles ont un marché potentiel plus élevé et sont davantage susceptibles de polariser les activités économiques et d’être plus attractives pour les investisseurs. Par conséquent, elles peuvent connaître des taux de croissance plus élevés (Krugman, 1991). Dans le même temps, d’autres auteurs ont montré dans le cas européen que la construction d’infrastructures est une condition nécessaire mais non suffisante à la croissance (Vickerman et al., 1999 ; Crescenzi, Rodríguez-Pose, 2008, 2012). Les régions ayant de bonnes infrastructures de transport et qui sont bien connectées à des régions ayant des dotations similaires ont tendance à croître plus rapidement (cas des régions plutôt développées). Cependant, les investissements dans les infrastructures dans les régions périphériques les rendent plus vulnérables à la concurrence. En étudiant l’impact des Fonds européens au titre de l’Objectif 1 sur la convergence, Rodríguez-Pose et Fratesi (2004) montrent que malgré la concentration des Fonds sur les infrastructures de transport, les rendements par rapport aux engagements consentis ne sont pas à la hauteur. La littérature sur l’effet de l’accessibilité d’une région sur sa croissance n’étant pas univoque, il semble donc intéressant de l’intégrer dans notre analyse.

18 Dans un second temps, suivant les études académiques de nombreux chercheurs montrant les effets positifs et significatifs du capital humain sur la croissance économique (Lucas, 1998 ; Crescenzi, 2005 ; Ederveen et al., 2006 ; Faggian, McCann, 2009), nous avons intégré le niveau d’éducation de la population mesuré par la (ii) part de la population âgée de 25 à 64 ans étant diplômée de l’enseignement supérieur. Les modèles de croissance endogènes et schumpétériens mettent en évidence des problèmes de faibles niveaux de capital humain et de faible capacité à innover et assimiler les innovations en tant que facteurs limitant le potentiel de croissance. La géographie économique et l'économie de la croissance mettent l'accent sur l'innovation et les processus d'apprentissage - la création et l'assimilation des connaissances. Elles se

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rejoignent dans la mesure où le capital humain nécessaire pour innover opère au travers de réseaux de transmission et de formation du savoir. Ceci a des implications spatiales importantes car les coûts de transaction de la transmission des connaissances restent élevés, impliquant souvent des contacts en face à face, des canaux institutionnels définis et de longues périodes pour construire ces canaux. De plus, l'écart des capacités technologiques et d'innovation entre les régions – parfois attribué aux différences dans les niveaux de capital humain, parfois aux différences dans la capacité structurelle en R&D – peut expliquer les écarts de développement et la concentration spatiale de la croissance régionale, et les éventuels effets de débordement associés. On retrouve ainsi de nombreux travaux relevant l’importance des investissements dans la R&D pour favoriser le développement régional (Ederveen et al., 2006 ; Bachtler, Gorzelak, 2007 ; Camagni, Capello, 2013 ; Molle, 2015), justifiant l’intégration de la variable (iii) dépenses totales en R&D rapportées en PPA/hab.

19 Puis, comme l’indiquent les deux derniers Rapport sur la Cohésion (2014 et 2017) tout comme le rapport Barca (2009), il semblerait que le développement économique soit conditionné par les capacités institutionnelles des régions. Ceci est confirmé par des travaux récents sur la question (Arbia et al., 2010 ; Arbolino, Boffardi, 2017 ; Di Cataldo, Rodríguez-Pose, 2017 ; Di Vita, 2017 ; Rodríguez-Pose, Ketterer, 2018). Les institutions et une gouvernance de bonne qualité peuvent être définies comme étant caractérisées par « l'absence de corruption, une approche pratique de la politique de la concurrence et des marchés publics, un environnement juridique efficace et un système judiciaire indépendant et efficace. [...] une capacité institutionnelle et administrative forte, réduisant la charge administrative et améliorant la qualité de la législation » (Commission européenne, 2014). Nous avons donc repris (iv) l’indice de qualité institutionnelle (EQI) développé par Charron et Lapuente (2013) et Charron et al. (2015) qui évalue le contrôle de la corruption, le traitement impartial des citoyens et l’efficacité du gouvernement régional à partir d’une large enquête auprès des habitants de l’UE.

20 Enfin, puisque nous souhaitons explorer où la Politique de Cohésion semble mieux fonctionner qu’ailleurs, nous avons intégré (v) la somme des Fonds de la politique régionale dépensés (tous objectifs confondus) sur la période 2000-2013 ainsi que (vi) la somme des Fonds européens dépensés au titre de l’Objectif 1. L’ajout de cette dernière variable est particulièrement intéressant car les Fonds au titre de l’Obj. 1 visent justement le rattrapage économique des régions les plus en difficulté. De plus, comme Bourdin (2014) le souligne, l'intégration des PECO a bouleversé la répartition des Fonds structurels entre 2000-2006 et 2007-2013, puisque 53 % des montants sont revenus aux pays entrants. Toutefois, en même temps, des aides transitoires ont été accordées aux régions qui se sont trouvées brusquement enrichies en moyenne (bien que toujours en retard) par l’intégration de régions en grande difficulté. Les effets de dépendance spatiale de ces Fonds ont largement été montrés dans la littérature. Par exemple, Dall’erba (2005) explique qu’une entreprise située dans une région ciblée par les Fonds structurels n'effectue pas nécessairement la construction d’une nouvelle infrastructure financée par ceux-ci. En conséquence, une partie de la valeur ajoutée d'un projet européen dans une région peut bénéficier également à d’autres régions. Tout comme cette nouvelle infrastructure (par exemple une autoroute) pourra davantage profiter à une région voisine (par exemple une région capitale) qu'à la région traitée pour des raisons de forces centripètes (comme expliqué par la nouvelle géographie économique).

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Analyse exploratoire des données spatiales bivariée

21 Au travers de la méthodologie utilisée, l’objectif de notre papier n’est pas de réaliser une évaluation économétrique de l’efficacité de la politique régionale mais bien de mener une analyse exploratoire spatiale permettant d’identifier des régions ou groupes de régions qui « gagnent » ou qui « perdent » (Benko, Lipietz, 1992, 2000), en partant de l’hypothèse issue de la littérature selon laquelle il existe des effets spatiaux (dépendance spatiale et hétérogénéité spatiale) des relations entre la croissance régionale et ses facteurs explicatifs (dont les Fonds européens sur lesquels nous nous focalisons).

22 Une technique de l'analyse de co-localisation a été développée par Anselin et al. (2002) qui a conçu un indicateur local d'association spatiale bivarié (BiLISA) pour étudier le modèle de corrélation spatiale entre deux variables géoréférencées (ie. nombre de points de vente d'alcool par rapport au nombre d'incidents criminels dans les zones concernées). Les BiLISA permettent d’évaluer la corrélation entre une variable dans une région et l'autre variable dans les régions voisines. L’analyse bivariée permet d’isoler la relation entre la variable dépendante et les variables explicatives une à une. Il est également possible d’étudier l'autocorrélation spatio-temporelle, autrement dit, la corrélation d'une variable en référence à la localisation spatiale d’une seule variable dans un intervalle de temps. On analyse alors la corrélation d'une variable avec elle- même dans l'espace et le temps (Anselin et al., 2002). L’idée ici est d'examiner de manière paramétrique (au-delà de l'inspection visuelle), comment les schémas spatiaux sont en corrélation entre plusieurs variables (Wartenberg, 1985). Il s’agit alors de tirer des conclusions sur la dynamique spatiale qui relie un ensemble de données localisées. En termes plus techniques, l'examen de la similitude des processus spatiaux entre variables peut être considéré comme un moyen de tester la robustesse ou la persistance dans le temps d'un modèle/schéma spatial donné, par exemple en comparant les modèles d'association spatiale locale entre la croissance économique et le niveau de développement initial (robustesse) ou entre les niveaux de développement régionaux à deux périodes raisonnablement distancées dans le temps (persistance). Ainsi, la méthode utilisée permet de capter les covariations spatiales des facteurs explicatifs à l’origine des phénomènes de convergence ou de divergence dans l’UE. Il est donc possible d’identifier si pour chaque région, le taux de croissance est significativement corrélé dans l’espace avec une autre variable. En revanche, étant donné qu’elle analyse des co-variations spatiales de variables deux à deux, la méthode utilisée ne permet pas d'analyse multivariée de ces co-variations spatiales et donc de déterminer de manière paramétrique les régions cumulant toutes les difficultés (faible niveau de développement, faible croissance, faible niveau d’éducation, faible niveau de qualité institutionnel, etc.) malgré la somme de Fonds européens dépensés.

23 Afin d'identifier et d’évaluer l’ampleur des relations spatiales, nous avons utilisé l'I de Moran pour mesurer l'autocorrélation spatiale et identifier les clusters spatiaux dans les données. Pour notre étude, quatre types d'associations spatiales peuvent être dérivées de cette statistique, avec des types high-high (HH – concentration spatiale de valeurs fortes de la croissance et de valeurs fortes de la variable indépendante des régions voisines) et low-low (LL – concentration spatiale de valeurs faibles de la croissance et de valeurs faibles de la variable indépendante des régions voisines) pour

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le regroupement spatial de valeurs similaires et les types high-low (HL – concentration spatiale de valeurs fortes de la croissance et de valeurs faibles de la variable indépendante des régions voisines) et low-high (LH – concentration spatiale de valeurs faibles de la croissance et de valeurs fortes de la variable indépendante des régions voisines) pour le regroupement spatial de valeurs dissemblables.

24 La mesure d'autocorrélation spatiale locale bivariée utilisant la statistique I de Moran, dérivée de la formule d'Anselin (1995), s'écrit :

où représente la croissance régionale et la variable indépendante pour la région

et la région voisine ; et et sont les z-scores standardisés des variables

et . Le choix de la matrice de poids spatial modélisant la proximité spatiale et l'interdépendance entre les unités régionales est un sujet difficile et controversé dans les analyses spatiales. Il existe un large éventail d'applications pour déterminer W selon le but des études (Anselin et al., 2000, Shi et al., 2006) et GeoDa fournit désormais le seuil au-delà duquel la corrélation spatiale se finit, autrement dit, le seuil de distance au-delà duquel les valeurs de paires de voisins ne sont plus corrélées. Dans cette étude, une matrice a été calculée selon le critère de distance euclidienne-seuil de 323 km.

25 Une approche de permutations (ici 999) a été utilisée pour évaluer la significativité statistique des résultats de l’I de Moran et les BiLISA. La randomisation suppose que l'emplacement des valeurs et leur disposition spatiale sont sans importance. Basé sur la randomisation, différents écarts-types théoriques pour I de Moran sont obtenus, chacun donnant une p-valeur différente comme une pseudo-significativité. La valeur de seuil de p = 0,05 définit la significativité. Les p-valeurs suivent une distribution asymptotiquement standard-normale qui permet l'évaluation de leur niveau de signification en les comparant à une distribution de référence (Anselin 1995), et donc de définir les seuils au-delà desquels les relations HH, LL, LH, HL ne sont plus significatives. Les BiLISA ont été calculés à l'aide du logiciel GeoDa version 1.12 (Anselin et al., 2006).

Analyse spatiale exploratoire des facteurs explicatifs de la croissance régionale et de leur dépendance

26 L’objectif est de mener une analyse exploratoire permettant de mettre en évidence des regroupements spatiaux au sein desquels il y aurait une concentration de régions qui cumuleraient des difficultés ou des avantages quant à leur développement. Nous avons mené une approche en deux temps. Tout d’abord, nous avons commencé par analyser les co-localisations de concentrations spatiales entre la croissance régionale et le PIB/ hab. à l’année initiale de notre étude (en 2000) ; ceci a permis de dégager les concentrations spatiales de régions qui convergent et qui divergent (entre 2000 et 2016). Ensuite, nous avons analysé les co-localisations de concentrations spatiales entre la croissance régionale et les variables explicatives. Il a été ainsi possible de mettre en

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regard les concentrations spatiales de régions qui convergent/divergent avec les concentrations spatiales des facteurs explicatifs à l’origine de l’évolution des disparités.

Les trajectoires de la croissance régionale : divergence et effets de rattrapage

27 En cartographiant les résultats, il est possible d’identifier les concentrations spatiales de régions qui ont connu un processus de rattrapage sur la période (HL – régions qui ont connu une forte croissance et dont les voisines avaient un niveau de développement économique initial bas) et les régions qui ont divergé (LL – régions qui ont enregistré un taux de croissance faible et dont les voisines étaient peu développées en 2000). La figure 1 montre très clairement l’existence de clubs spatiaux de convergence ou de divergence avec les régions des PECO qui font partie des régions qui gagnent tandis que les régions de l’Europe méditerranéenne (sud de l’Italie et Grèce) sont les régions qui perdent. Ce premier constat nous permet de montrer que des régions en retard (Europe méditerranéenne et Europe centrale et orientale) peuvent avoir des trajectoires régionales de croissance différentes confirmant les travaux récents de Iammarino et al. (2017). Par la suite, l’étude des co-localisations entre la croissance régionale et les variables explicatives identifiées nous permettra d’apporter des éclairages sur l’explication de ces schémas spatiaux. La figure 1 met en lumière la « banane bleue » de Roger Brunet (2002) via les regroupements spatiaux (LH – régions avec une croissance économique faible mais un niveau de développement économique en 2000 élevé). Cette dorsale européenne s’étend de Londres à Milan et est considérée comme un espace économique majeur, densément peuplé et fortement urbanisé. Dans cette dorsale, on retrouve des régions métropolitaines particulièrement dynamiques (HH – régions avec une croissance économique forte et un niveau de développement économique en 2000 élevé) qui correspondent sans surprise à des capitales et à l’Allemagne de l’Ouest.

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Figure 1. Les trajectoires régionales de la croissance régionale et du développement économique.

Concentrations spatiales de la croissance régionale et de ses facteurs explicatifs : les trappes de développement dans l’Union européenne

28 Comme Borderon et Oliveau (2016) l’expliquent, la cartographie des BiLISA permet d’identifier des pièges spatiaux, or, pour notre cas d’étude, cartographier les co- localisations des taux de croissance enregistrés avec d’autres variables nous permet de mettre en évidence (i) des trappes de développement regroupant des régions voisines qui cumulent des difficultés (il peut s’agir par exemple d’une concentration spatiale de régions où les Fonds européens ne semblent pas avoir les effets escomptés car ces régions ont reçu et dépensé beaucoup d’argent mais leur croissance et celle de leurs voisines reste faible) ou au contraire (ii) des zones dans l’UE qui ont tiré profit des Fonds européens en améliorant de manière significative leur niveau de développement en investissant dans les facteurs les plus susceptibles de créer de la croissance. Notre approche permet donc d’identifier les concentrations spatiales de régions cumulant des difficultés et qui nécessiteraient, dès lors, une plus grande attention des décideurs politiques européens. Notons que, du fait de son caractère exploratoire, cette méthode ne nous permet cependant pas d’identifier des relations causales qui existeraient entre les différents explicatifs de la croissance régionale dans l’UE.

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Figure 2. Concentrations spatiales de la croissance régionale et de ses facteurs explicatifs.

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29 La cartographie des BiLISA (figure 2) permet d’identifier différents schémas spatiaux. Tout d’abord, sur la carte b, les zones en rouge peuvent-être considérées comme une concentration spatiale de régions qui gagnent où l’on peut supposer que les Fonds européens ont été utilisés efficacement. Les régions qui composent ces zones ont connu des taux de croissance élevés en lien avec les montants importants reçus et dépensés par elles et leurs voisines sur la période considérée (carte a). Dans l'ensemble, pour ces régions, les investissements ont porté leurs fruits en termes de convergence (Cappelen et al., 2003 ; Becker et al., 2010 ; Pellegrini et al., 2013 ; Bourdin, 2018). Dans ces grappes de régions on retrouve une large partie des régions occidentales de la péninsule ibérique, en particulier le Portugal, confirmant les travaux antérieurs (Becker et al., 2010 ; Bachtler, Turok, 2013) mais aussi les régions centre-orientales, en particulier les voïvoidies polonais. Pour ces régions, l’analyse des cartes c à f exprime largement un effet de rattrapage puisque ces régions avaient, à la période initiale, des niveaux bas en terme de qualité institutionnelle, d’accessibilité, de formation du capital humain et d’investissements dans la R&D (cartes c, d, e, f). Ajoutons qu’outre le fait que ces régions ont été les premières bénéficiaires des Fonds européens parmi toutes les régions européennes, on peut faire l’hypothèse que leur croissance économique peut aussi s’expliquer par des effets de débordement géographique liés à leur proximité avec les Länder allemands (Bański, 2010 ; Bourdin , 2015).

30 Ensuite, à l’inverse, en bleu ciel sur la carte b, on retrouve une concentration spatiale de régions qui perdent. Malgré le fait qu’elles aient reçu des enveloppes importantes issues de la Politique de Cohésion (carte a – concentration spatiale de valeurs faibles de la croissance et de valeurs fortes des Fonds européens reçus et dépensés des régions voisines), elles n’ont visiblement pas connu les taux de croissance espérés compte-tenu des sommes d’argent mobilisées. Dès lors, on peut s’interroger sur les raisons de la baisse apparente du rendement de l'investissement. En observant la carte c, on peut trouver des premiers éléments de réponse, qui constituent à ce stade que de simples hypothèses car nous ne les testons pas économétriquement dans cet article. Un certain nombre d'études récentes (Rodríguez-Pose, Garcilazo, 2015 ; Ketterer, Rodríguez-Pose, 2016) et le dernier rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale de la Commission européenne (2017) indiquent que la bonne gouvernance affecte la croissance économique et la qualité de la vie. Il est relevé l'importance de ce facteur dans la performance économique des régions et le fait qu’une gouvernance de mauvaise qualité dans les zones défavorisées de l'UE représentait un obstacle important au développement. En effet, il a été constaté non seulement que cela affecte négativement la croissance économique, mais aussi les retours sur investissement de la Politique de Cohésion et la compétitivité régionale (Rodríguez-Pose, Di Cataldo, 2015). Dans le même temps, il a été mis en évidence qu’un gouvernement corrompu ou inefficace remettait en cause le potentiel régional d'innovation et d'entrepreneuriat (Nistotskaya et al. 2015 ; Annoni, Dijkstra, 2017). La carte f semble confirmer cette hypothèse, où l’on observe une concentration spatiale forte de régions ayant enregistré des taux de croissance bas et dont les voisines ont un niveau d’éducation faible (en bleu sur la carte f), excepté pour Athènes (en rose sur la carte f). L’indice de qualité de la gouvernance développé par Charron et al. (2012) et mis à jour dans le dernier rapport sur la Cohésion (2017) montre très clairement que les régions présentant une qualité de gouvernance insuffisante sont localisées en Roumanie et Bulgarie, en Grèce et dans le sud de l’Italie. Or, ces dernières font partie des régions identifiées en bleu ciel dans les cartes a et b. On peut donc s’interroger sur la façon dont sont dépensés les Fonds européens dans ces

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régions, compte-tenu de leur faible élasticité. A cet effet, l’analyse de la carte d montre bien que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Alors que les régions sud-méditerranéennes et centre-orientales étaient, en 2000, mal desservies, les premières n’ont pas su sortir de leurs pièges spatiaux tandis que les secondes ont connu une croissance de long terme élevée entre 2000 et 2016. L’amélioration de l’accessibilité pour les régions de l’Est (grâce notamment aux Fonds européens dépensés pour la politique des transports) a été un levier de développement (figure 2d). Le désenclavement a facilité l’attraction d’investissements directs à l’étranger dans ces territoires (Kelly et al., 2015). Les travaux récents de Rosik et al. (2015) confirment, pour le cas polonais, la place déterminante des Fonds européens pour développer les infrastructures de transport. Selon les auteurs, la réduction des disparités en matière d'accessibilité aux niveaux européen, national et régional peut déboucher non seulement sur un meilleur accès à la « banane bleue » dans le noyau européen mais également sur un meilleur accès aux centres économiques nationaux et régionaux. Suivant la théorie de la géographie économique et liés à la question des transports, les efforts en R&D génèrent également des retombées de connaissances dans les régions voisines localisées dans les limites fonctionnelles de l'économie régionale (Sonn, Storper, 2008 ; Bronzini, Piselli, 2009), faisant de la connectivité des transports un moyen pertinent de diffusion des connaissances. Comme les connaissances spécialisées sont généralement détenues par un nombre limité de personnes, il est difficile de les transmettre sans interactions et collaborations directes (Storper, Venables, 2004) et l'infrastructure de transport facilite la diffusion des connaissances entre les personnes et les entreprises dans une zone définie. L'investissement dans la R&D dans son ensemble et les investissements dans la R&D et dans l'enseignement supérieur dans les régions périphériques de l'UE sont positivement associés à l'innovation (Bilbao-Osorio, Rodríguez-Pose, 2004). Cependant, la force de cette relation repose sur les capacités spécifiques de la région à transformer l'investissement en R&D en innovation (Camagni, Capello, 2013). De ce point de vue, les régions centre-orientales semblent bien s’en sortir alors que les régions italiennes septentrionales et les régions grecques n’ont pas connu une augmentation significative de leur croissance liée à une politique de développement du capital humain (figures 2e et 2f).

31 Les régions localisées dans les zones en bleu foncé sur la carte b sont quant à elles caractérisées par des taux de croissance relativement faibles (mais des niveaux de développement élevés en 2000) et ont reçu peu de Fonds européens (carte a). On retrouve ici les régions de la dorsale européenne telle qu’identifiée dans la figure 1. Elles sont dans l’ensemble très accessibles, ont une population bien éduquée et investissent dans l’innovation. Il s’agit bien souvent de régions dont le niveau de développement est situé proche de la moyenne de l’UE ou au-delà ; et donc exemptes de la plus grosse part de l'enveloppe de la Politique de Cohésion au titre de l’Objectif 1 (celle-ci étant attribuée pour les régions ayant un PIB/hab. inf. à 75 % de la moyenne de l’UE).

32 Enfin, en rose clair sur la carte b, on identifie des clusters de régions en tête qui ont connu des taux de croissance élevés mais n’ont pas bénéficié de larges sommes de la politique régionale du fait de leur niveau de richesse élevé. On retrouve en toute logique les régions capitales (centre-Londres, Bruxelles-Capitale, Zeeland et Ile-de- France) qui bénéficient des économies d’agglomération (Geppert, Stephan, 2008), c’est également le cas des Länder de l’ouest.

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Conclusion et discussion

33 L’objectif de cet article était de réaliser une analyse exploratoire des données spatiales liées à la croissance régionale et en particulier aux dépenses de Fonds européens en utilisant une méthode d’analyse spatiale qui reste encore peu utilisée à ce jour. Notre but était d’interroger les concentrations spatiales des relations qui existaient entre la croissance régionale et d’autres variables en prenant en compte l’absence d’indépendance entre des observations géographiques. En ce sens, les BiLISA permettent à la fois (i) d’identifier des trappes de développement ou des clubs spatiaux de régions « qui gagnent » et (ii) de mettre en lumière des trajectoires régionales de convergence/divergence que l’on peut mettre en regard avec différents facteurs explicatifs. Les résultats montrent que, à l’hétérogénéité spatiale du développement régional – qui a été largement montrée dans la littérature – vient s’ajouter une influence spatialement différenciée des Fonds européens, posant alors la question morale/politique d’une solidarité éventuelle entre les régions et appelant une nécessaire refonte de la Politique de Cohésion. Sans permettre de déterminer des relations causales entre les variables identifiées et la croissance régionale, notre méthode permet néanmoins d’identifier les concentrations spatiales de régions qui connaissent une forte (relativement faible) croissance et dont les voisines ont des niveaux forts (et/ou relativement faibles) d’une autre variable. L’étude a permis de mettre en évidence des régions cumulant les difficultés ou au contraire les avantages, avec la limite que la méthode ne permet pas une analyse multivariée de la co- localisation de concentrations spatiales de plus de deux variables.

34 Ces dernières années, les recherches sur l’évaluation ex-post de l’impact de la Politique de Cohésion se sont multipliées. Elles mettent en lumière les circonstances à l’origine de l’impact spatialement différencié des Fonds structurels (Crescenzi, Giua, 2017). Les résultats des travaux sur la question montrent que l’efficacité de cette politique est conditionnée par (i) la concentration des Fonds sur certaines thématiques, par (ii) l’environnement régional, (iii) par la bonne gouvernance et par (iv) les spécificités régionales locales/le capital territorial de la région. Du fait de son aspect exploratoire, loin de pouvoir démontrer à partir de l’utilisation des BiLISA des causalités entre les Fonds européens et la croissance économique observée dans certaines régions, notre étude confirme néanmoins l’état de l’art sur la question en montrant les influences différenciées de la Politique de Cohésion – tout comme celles de l’accessibilité, la qualité institutionnelle, l’éducation, etc. – sur la croissance des régions. L’intérêt de cette approche est qu’elle permet (i) d’identifier des trajectoires régionales de développement économique, (ii) de comprendre les facteurs sous-jacents à celles-ci et (iii) de circonscrire spatialement les clubs de régions qui gagnent (régions centre- orientales pour une grande partie, et dans une moindre mesure un certain nombre de régions de la péninsule espagnole) ou au contraire qui perdent (les régions du sud de l’Italie et les régions grecques à l’exception de la région Attique).

35 De facto, ces résultats abondent dans le sens des approches modernes du développement territorial qui prennent en compte le rôle clé de la géographie dans les politiques ciblant la croissance économique. A partir de notre analyse, il semblerait alors raisonnable de penser, par exemple, qu'être une région moins développée parmi les zones les moins développées n'a pas la même incidence que d'être moins développée

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parmi des voisins prospères. Dès lors, nos résultats confirment l’approche soutenue par l’OCDE (2009) qui consiste à développer les potentiels de croissance qui existent dans chaque région et, à mettre en œuvre des politiques de développement territorial qui visent à aider les régions en retard en investissant dans des secteurs clés susceptibles de créer de la croissance, mais aussi en mettant tout en œuvre pour améliorer leur bonne gouvernance. Ces nouvelles politiques appelées « place sensitive policies » et « place-based policies » permettront de mieux cibler les régions et le type d’aides appropriées pour favoriser le développement territorial.

36 Dans ce cadre, tout comme nos résultats le montrent, l’approche descendante du « one- size-fits-all » de la Politique de Cohésion a trouvé ses limites. C’est pour cette raison que la Politique de Cohésion 2014-2020 inclut désormais une dimension territorialisée qui implique de i) se concentrer sur les avantages locaux endogènes et la connaissance, ii) concevoir et adapter les interventions aux contextes spécifiques et à leurs liens spatiaux, iii) stimuler les choix et orientations des acteurs locaux (Barca, 2009). Il nécessite également de donner un poids plus important aux niveaux infranationaux (Leonardi, 2005) via la spécialisation intelligente, considérée comme un facteur clé pour lutter contre les disparités économiques dans les régions européennes (Commission européenne, 2010).

37 Dans un contexte de Brexit et de négociations actuelles tendues sur le futur budget de la Politique de Cohésion post-2020, notre étude exploratoire appelle certainement à un réexamen des mécanismes de prise de décision existants dans ce domaine et à une évaluation plus rigoureuse des projets financés pour des raisons d'opportunité/de coût. Ainsi, en période de pénurie des ressources publiques, il faudra peut-être repenser comment améliorer l’efficacité (le rapport entre les résultats obtenus et les objectifs fixés par les décideurs européens et régionaux) et l’efficience (l’optimisation des outils/ moyens mis en œuvre pour obtenir un résultat) des politiques publiques de développement territorial européen (Bourdin, Ragazzi, 2018). Ceci passe probablement par un accompagnement des régions vers une meilleure gouvernance d’une part, et par la mise en œuvre de politiques de développement plus intégrées et plus inclusives fondées sur le capital humain et l'innovation d’autre part. Les travaux académiques montrent qu’elles seules entraînent des rendements plus importants des Fonds publics, mais aussi une plus grande durabilité de l'effort de développement.

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NOTES

1. Pour une revue de littérature récente, nous renvoyons par exemple aux articles de Fratesi, 2016 ; Dall’Erba et Fang, 2017.

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RÉSUMÉS

La Politique de Cohésion de l’UE a fêté ses vingt années d’existence en 2009. La mise sur pied de cette politique part du constat que les forces du marché ne sont pas nécessairement suffisantes pour réduire significativement les inégalités territoriales. L'UE a alors construit cet outil de solidarité financière entre États membres avec l'objectif d'améliorer la compétitivité des régions défavorisées et de corriger les déséquilibres régionaux. Pourtant, la littérature sur la question de l’efficacité des Fonds européens n’est pas unanime. Aussi, nous proposons d’analyser la Politique de Cohésion et son rôle dans la croissance régionale au travers d’une méthode développée en analyse spatiale, à savoir les BiLISA. Les résultats montrent que l’influence de la Politique de Cohésion est différenciée en fonction des régions de l’UE et met en évidence des effets de concentrations spatiales. Les variations spatiales de l’influence des Fonds européens sur la croissance économique des régions appellent des inflexions dans la Politique de Cohésion, en particulier en faveur d’une politique davantage territorialisée.

EU Cohesion Policy celebrated its twenty years of existence in 2009. The establishment of this policy stems for the observation that market forces may not be sufficient to significantly reduce regional inequalities. The EU therefore built this financial solidarity tool between member States with the aim of improving the competitiveness of disadvantaged regions and correcting regional imbalances. Yet, literature (particularly in spatial econometrics) on the question of the effectiveness of European funds is not unanimous. Hence, we suggest to analyse the cohesion policy and its role in regional growth through a method developed in spatial analysis, namely BiLISA. The results show that the effects of the cohesion policy are differentiated according to EU regions and highlight spatial dependence effects. Spatial variations of the influence of European funds on the economic growth of regions ask for inflections in the Cohesion policy, especially in favor of a more territorialized policy.

INDEX

Mots-clés : Politique de Cohésion, croissance régionale, autocorrélation spatiale, Union européenne Keywords : cohesion policy, regional growth, spatial autocorrelation, European union

AUTEUR

SÉBASTIEN BOURDIN

Professeur Associé en Développement Durable et Territorial Département Economie des Territoires et Développement Durable, Ecole de management de Normandie, [email protected]

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Regionalisation in Poland: background, features and public perception. A first appraisal Regionalisierung in Polen: Hintergrund, Merkmale und öffentliche Wahrnehmung. Eine erste Evaluierung

Elżbieta Opiłowska

Introduction

1 The idea of “Europe of the regions” has been widely discussed in academic literature since the late 1980s. The debate was triggered by the development of the EU regional policy and the strengthening of regional governments in several member States. The EU regional policy and its financial instruments enabled the regional actors to better represent their interests on a supranational level. Furthermore, the involvement of sub-national actors on the European level was expected to establish a closer relationship between the EU and its citizens (Crepaz, 2016). According to the European Commission White Paper on European Governance of 20011, local and regional authorities should function as channels for interaction with citizens. This was confirmed in the Treaty of Lisbon, where for the first time, the principle of subsidiarity was considered below the state level and regional and local authorities were mentioned as cooperation partners (Grazi, 2013, p. 93).

2 Currently, the debate on regionalisation and regionalism receives a substantial boost once again. Through the revival of nationalism in many European countries the position of regional tiers has been weakened, which will be exemplified in the section on regionalisation in Poland. Furthermore, the financial crisis, the increase in terrorism and the refugee crisis have challenged European solidarity and provided arguments for nationalistic groupings that promised the restoration of security.

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3 In the Central East European Countries (CEECs) that underwent a strong centralisation process during the communist regime, the regionalisation could start only after the fall of the Iron Curtain and was closely connected with the European integration process.

4 This article traces the implementation of the regionalisation reforms in Poland and discusses their substantial achievements and challenges. It also analyses how far the strengthening of regional tiers has impacted the regional identity of Polish citizens and their identification as Europeans. It addresses the following questions: What competences have the regional authorities gained within the administrative reforms in Poland? What are the main achievements and challenges of the regionalisation process in Poland? How do Polish citizens evaluate the self-government reforms and functionality of local/regional governments? How do they evaluate the regional policy and Poland‘s integration with the European Union? Do they identify with the region they live in, the state or Europe?

5 However, in the light of the availability of only fragmented public opinion polls on local/regional issues, the systematic analysis of citizens’ assessment of regionalisation as well as of their attitudes towards local authorities and local community will not be possible. Instead, I intend to outline the general perception of issues related to regionalisation process in Poland.

6 The first section of this article focuses on the theoretical background and data. It is followed by the subchapter on the historical perspective of the regionalisation process in Poland that aims to identify the main obstacles to the creation of regional identities. Subsequently, the regionalisation of administrative structures as well as its appraisal by the citizens are analysed. Finally, some concluding remarks are formulated.

Theoretical framework and data

7 Regionalism is “a multidimentional and pluralistic phenomenon involving many different actors, appearing in different guises” (Söderbaum, 2005, p. 87). Generally, regionalism and regions are analysed on two scales – the macro- and micro-scales respectively2. Whereas macro-regions are supra-national regions that function between the global and the state level, micro-regions are sub-state or sub-national regions that operate between national and regional/local levels (Lombarde, 2010; Söderbaum, 2005).

8 This article deals with micro-regions and micro-regionalism with references also to macro-regionalism in the form of the European Union that has impacted the regionalisation of Poland.

9 In the research on regionalism two main types are regarded – an “old” regionalism and the so called “new regionalism”. The former refers to initiatives and organisations that were founded in the period from the 1950s to the 1970s, followed by new regionalism in the late 1980s and the 1990s. Frederic Söderbaum (2016) distinguishes between four phases of regionalism. Early regionalism can be traced far back in history and includes the early visions of European cooperation and unity as well as formation of regions in colonial territories. Old regionalism is a post-WWII phenomenon. Macro-regional cooperation was regarded as a way of avoiding war and a motivation behind the creation of the European Coal and Steel Community.

10 Since the mid-1980s the wave of new regionalism can be traced. It was characterized as multidimensional and pluralistic and was shaped by various institutions and non-state,

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civil society actors (Söderbaum, 2016, p. 72). Furthermore, many theorists of new regionalism have regarded regions as not being preordained, but rather as objects constructed and constituted by various actors (Hettne, 2003). The contemporary phase of regionalism has been called comparative regionalism that “is shaped by a global order and characterised by many diverse and also contradictory trends and processes” and as a result it became a multidimensional and multilayered phenomenon (Söderbaum, 2016).

11 The rise of regionalism was manifested through various book publications (i.e. Lindberg and Scheingold, 1971; Katzenstein, 2005; Söderbaum and Shaw, 2003; Börzel and Risse, 2016). However, as Fawcett (2015) argues “ work on regionalism rarely adopts a sustained historical perspective except in an introductory and incomplete way”.

12 Despite numerous publications on regionalism and regions, there is no coherent definition of a region that will capture its complexity. Michael Keating emphasises that “region is an elusive concept, covering a variety of territorial levels and a range of social contents. A minimal definition would present it as an intermediate territorial level, between the state and the locality” (Keating 1998, pp. 9-10).

13 In a later book (Keating 2004, p. xi), he adds: “A region may have a historic resonance or provide a focus for the identity of its inhabitants. It may represent a landscape, architecture or a style of cooking. There is often a cultural element, perhaps represented by a distinct language or dialect. Beyond this, a region may sustain a distinct civil society, a range of social institutions. It can be an economic unit […]. It may be, an increasingly is, a unit of government and administration. Finally, all these meanings may or may not coincide, to a greater or lesser degree.”

14 Regarding disciplinary preferences, as Schmitt-Egner argues (2002) political science uses the concept of region as an action unit, whereas regional studies and geography focus on the region as an action space. In consequence, there is a two-dimension typology of the region. In a horizontal perspective the region as a structural, administrative region or as an identity region that provides an arena for interregional exchange and interaction. The vertical type of action refers to the region as an international or trans- national action unit (e.g. EU, ASEAN).

15 Furthermore, micro-regions can be defined along physical-geographic regions, cultural regions, economic regions, administrative/planning regions and political regions (Söderbaum, 2005, pp. 93-95). As with regions, regionalism also has various explanations that range from “an almost non-existent sense of regional identity to fully-fledged sub-state nationalism” (Anderson, 2000). Taking the sources of regionalism into consideration, two forms of regional struggles may be grasped – an ethnically motivated regionalism that refers to ethnic/national and religious differences of a collective whole; and an economic regionalism propagated by strong regions that disconsider the wealth redistribution of a central state, or represented by weak regions that accuse the state or strong regions of colonising them (Gorzelak, 1993, pp. 48-49).

16 According to Björn Hettne (1999) we can distinguish five degrees of region-ness: region as a geographical location; as a social system of trans-local relations among human groups; as a cooperational unit in political, economic, cultural and military fields; as unit with distinct civil society and finally as unit of distinct identity, institutional capability and legitimacy. Moreover, regionalism may be strengthened by the

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formation of common economic strategies, new forms of cultural identification and the mediation of co-present social interactions (Raco, 2006; Opiłowska, 2016).

17 Besides, Grzegorz Gorzelak (1993) points out the distinction between regionalism and regionalisation. Whereas the former refers to the aspiration of a territorially collective character of development of its own regional identity, the latter indicates the administrative structures of a state and a strengthening of regional authorities by assigning them with competences. Regionalisation is closely connected with the decentralisation process, which is a complex phenomenon and includes three dimensions: political, administrative and financial decentralisation. Political decentralisation is based on the introduction of local governments that are managed by democratically chosen representatives and are independent from state. In the case of administrative decentralisation, local governments are provided with appropriate competences, specific tasks and instruments to accomplish these tasks. Finally, financial decentralisation means that local governments obtained financial resources at their disposal as well as the right to manage them (Otola, 2008).

18 The rise of micro-regionalism has been explained by different arguments. Michael Keating indicates (Keating, 2017) two theoretical perspectives: a) functional arguments putting forward economic globalisation and efficiency as a reason for changing the spatial scale of governance; b) the constructivist approach which considers “regions as the outcome of contestation among social and political actors in specific conditions” (Ibidem, p. 10.). The author proposes six conceptual frames for constructing a region, which are not separate entities, but rather intersecting guises: • integrative regionalism (territorial integration is highlighted); • competitive regionalism (regions as economic units competing on the market); • regions as government (regions as self-regulating economic systems, as political autonomies and as representatives of citizens); • regions and the refraction of interests (the question of competencies of local/regional authorities and territorialisation of sectoral and class interests are in the center of attention); • welfare regionalism (the issues of inter-regional equity and territorial justice are addressed); • identity regionalism (regions as spaces of social identity construction).

19 For the purposes of this article, regions are conceptualised as government, sub-state administrative units as well as identification spaces of their inhabitants. However, the focus is placed on the question of how the regionalisation process in Poland has been perceived by Polish citizens.

20 Based on the analysis of the selected secondary sources as strategic documents, regional development strategies and evaluation reports on the implementation of structural funds, in the first step regionalisation will be examined as a decentralisation process and the empowerment of regional authorities. Subsequently, the available surveys on Polish citizens’ identifications and their appraisal of administrative reforms in Poland as well as the EU cohesion policy, will provide sources for the exploration of regions as spaces of social identification and regional consciousness. I will primarily evaluate data from the Polish Public Opinion Research Centre (CBOS) that regularly conducts surveys on a sample representative for the adult Polish population (with N=1000). Furthermore, the analysis of the Institute of Public Affairs on the opinions of young people on Europe as well as Eurobarometer polls will be included. It can be

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argued that the regionalisation process can be considered successful, if it is internalised by the society.

21 Against the backdrop of incomplete sources, the approach of “theory-based evaluation” (Leeuw, 2012; Bachtler et al., 2017) is used. This methodology, as outlined by Bachtler et al., does not try to establish a direct causal link between the policy and changes at the regional level, but it focuses “on understanding what it was that policymakers sought to change, and how what was done was expected to influence regional development” (Bachtler et al., 2017, p. 12). My article applies the method of hermeneutic text analysis to trace the process of regionalisation and its public perception and to reconstruct and test assumptions. It analyses the declared mechanisms of implementing regional policy in Poland and its possible impact on citizen’s identifications. Thus, the aim is to provide a synthesised analysis of the regionalisation process in Poland and its main obstacles. Moreover, taking the constructivist perspective in which regions are multidimentional entities shaped by different actors, the article focuses on the questions as to how the creation of regional units is anchored in public opinion and if the regions “provide a focus for the identity of its inhabitants” (Keating, 2004).

Historical background

22 The history of Poland as a centralist state without a distinct regional tradition has a strong impact on its contemporary regionalism and regional identity. This section aims to present an overview on the key historical events that influenced the Polish path to regionalisation.

23 Since the 18th century Poland was divided between three imperial powers – the Russian Empire, the Kingdom of Prussia and Habsburg Austria, and lost its sovereignty for over one hundred years. The policy of the annexationists (Russification and Germanisation, and relative autonomy in Galicia) has impacted the regional identity for centuries and makes itself visible in some regional peculiarities up to the present day. The perpetual struggles for the regaining of independence manifested in national insurrections and the romantic myth of Poland as being the Christ of nations and the slogan for your freedom and ours shaped Polish literature as well as the national collective memory and consciousness for centuries. In fights for freedom and the restoration of national statehood there was no place for regional loyalties and interests (Davies, 1982).

24 In 1918 Poland finally did recover its statehood. However, in interwar period Poland was a multiethnic state with minorities (i.e. Ukrainians, Belarusian, Germans, Jews, Russians and Roma) making up about 30% of the population. Indeed, the ethnic, religious and cultural diversity was a hot spot for many conflicts. After the outbreak of WWII Poland was again divided and occupied by the Third Reich and the Soviet Union in what was called the “fourth partition”.

25 After the WWII borders of Poland were shifted to the west, so that eastern territories (the so called Kresy) were annexed by Soviet Union and as a compensation Poland gained former German territories in its northern and western parts. This shift of borders resulted in a massive population transfer. The Germans had to leave the western territories, and were replaced by Polish settlers from Kresy, central and south Poland. As a result of the exchange of population many territories became a real melting pot of different kinds of settlers. Even among Polish citizens of differing origins (e.g. settlers from central Poland and those from eastern territories) conflicts occurred

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very often. Despite the ethnic and cultural differences among Polish citizens, the new government imposed the nationalistic version of communism. There was no place for minority rights or regional identifications. The German past of the annexed territories, which were called in the official propaganda “recovered territories” as well as the lost homeland of Kresy, became a taboo subject in the public sphere. The centralisation of the state and the homogenization of society were the main objectives of the communist regime. Thereby, references to national myths, symbols and collective memory were regarded by the Polish authorities as a way to consolidate the society and in result to get support for the new government (Opiłowska, 2009). As Benedict Anderson (1991, p. 3) points out: “And many ‘old nations’, once thought fully consolidated, find themselves challenged by ‘sub’-nationalism within their borders – nationalism which, naturally, dream of shedding this sub-ness one happy day. The reality is quite plain: the ‘end of the era of nationalism,’ so long prophesied, is not remotely in sight. Indeed, nation-ness is the most universally legitimate value in the political life of our time.”

26 Poland after WWII was anything but consolidated. Moreover, since the 18th century Polish nationhood was permanently under threat. During the war, the national affiliation was the major deciding factor on life or death. A person was killed, because he/she was Polish, a Jew or Ukrainian (Kersten, 1993). This experience has impacted the way of thinking for subsequent generations. In view of the threat group membership became the highest value. Furthermore, the communist party maintained the perceived threat of German invasion until the 1970s (Opiłowska, 2009). Therefore, Polishness and not regionalism was in the foreground. On the 1 June 1975 the middle- tier of self-government (powiaty) was abolished and the number of voivodships was increased from 17 to 49. During the communist period the function of regional public administration was reduced to the “execution of top-down directives of the centralist state, whose regulatory policy dominated all spheres of public life” (Czernielewska, Paraskevopoulos & Szlachta, 2004, p. 462).

27 Besides, the historical legacy of being under foreign rule for over one century has effected much of todays regional disparities. For example, the area of Poland that belonged to the Russian partition is the most underdeveloped and the weakest one in Poland (ibid.). Poland’s east seems to also be more conservative. That is reflected in the results of elections, both parliamentary in 2015 and local elections in 2018 as the ruling Law and Justice Party won in all eastern and southern voivodships (including Lower Silesia)3.

28 Hence the post-war nationalist policy of the communist authorities and the lack of regional traditions have a significant influence on current Polish regionalism and regional identifications, which I am going to analyse in the following sections.

Regionalisation of the administrative structures

29 At the outset of the transformation process in 1989, Poland was a highly centralised state. In contrast, the European Union underlined the importance of multi-level governance, and the role of sub-national authorities, by implementing the cohesion policy and its structural funds. The accession to the EU was the main goal of Poland’s foreign policy. However, its desire for EU-membership placed Poland and other CEECs in a relationship of “asymmetrical interdependence” with EU actors, so that they could

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demand some reforms and influence the polities, politics and policies of candidate states (Scherpereel, 2010, p. 45). Indeed, the power asymmetries between the EU and Poland might have suggested that the EU drove the regionalisation process. According to the Europeanisation thesis, EU has provided both negative and positive incentives for regionalisation in CEE. Candidate countries on the one hand were obliged to implement the acquis communautaire prior to accession, on the other hand they could gain pre-accession financial assistance as from the PHARE or SAPARD Programme (O’Dwyer, 2006).

30 Nevertheless, the opportunity to put pressure should not be considered the same as an impact. As many researchers (i.a. O’Dwyer, 2006; Scherpereel, 2010) argue, the EU’s role in regionalisation in CEECs was secondary to the primary domestic dynamics. The decentralisation process offered political parties the possibility to tailor the regional administrative structures to their own aims and to build party structures in regions: “the EU figured as a useful pretext for reforms that allowed domestic political forces, in particular governing party coalitions, to shape regional institutions in their own interests” (O’Dwyer, 2006, p. 222). In Poland the decentralisation was guaranteed in the Constitution of 1997 (Art. 15)4: “The territorial system of the Republic of Poland shall ensure the decentralisation of public power”.

31 The self-government reforms were implemented in two stages. Shortly after the fall of communism, in March 1990 the Polish Sejm passed the Law on Communes. It introduced democratic elections at the local level. Communes (gminy) became legal personalities. Furthermore, the reforms led to a substantial expansion of the duties and responsibilities of local authorities. The ownership of communal property was transferred from central to local government that also administer local budgets. In addition, municipalities became responsible for all local affairs (e.g. spatial planning, public transport, healthcare, education – kindergarten, elementary education, and culture – municipal libraries, local cultural institutes).

32 Within the act on the three-tier division of the country of 24 July 1998, the second stage of reforms began. Three-tier territorial organisation was introduced: commune (gmina), county (powiat) and voivodship/region (województwo). Moreover, it reduced the number of voivodeships from 49 to 16 that are equivalent to NUTS 2 units.

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Figure 1. Polish voivodeships.

Source: Central Statistical Office of Poland, www.stat.gov.pl (accessed 25 November 2017)

33 Hence, voivodeships possess legal personalities and are given an executive power to fulfil all public tasks that are not assigned to other public authorities. They administer the voivodeship’s property and its regional budget. However, at the regional level there is a dual administrative structure. The central government is represented at the regional level by a voivode (governor of a voivodeship) who is appointed by the Prime Minister. The voivode is responsible for public security services (police, fire service, social care, inspection of environment projection, trade inspection). Besides, the self- government of voivodeships – voivodeship councils (sejmiki) are elected in general elections and headed by marshals. Marshal boards are responsible for the general management of the voivodeship and represent the voivodeship abroad; they coordinate the regional foreign policy and the regional development strategy. They draft the Regional Development Strategy and the Regional Spatial Development Plan. Furthermore, they also manage the 16 Regional Operation Programmes (ROPs) that are co-financed by the European Regional Development Fund (in 2014-2020 also by the Social Fund) within the Cohesion Policy of the EU. The ROPs are basic instruments of regional development managed by regional authorities.

34 In order to coordinate the development policy more efficiently and to strengthen the multilevel-governance, a new instrument in the form of a “contract” between the regional authorities and the central government was introduced in 2000. It “defines the objectives and the most important investment for both parties, their financing and implementation; concentration of the investment”5.

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35 At the central level the Ministry of Investment and Economic Development (until 2018 the Ministry of Development) is responsible for the cooperation with regional authorities by implementing the development strategies and managing the EU funds.

36 In 2010 the then Ministry of Development drafted the National Strategy of Regional Development (NSRD) 2010-20206 that defines three main goals: competition, cohesion and efficiency. The new rationale of the regional policy is based on the following premises: • long-term, decentralised development policy that supports all regions, instead of short- term, top-down distributed grants; • use of the endogenous potential tailored to local/regional needs instead of exogenous investments and transfers; • focus on potentials (and not barriers) of development and good governance with stronger involvement of regional and local authorities.

37 However, the Strategy for Responsible Development (SRD), which was adopted by the cabinet council in 20177, enforced changes of the foregoing strategy. So, the Ministry of Investment and Development prepared in 2018 the new NSRD 2030, which is consistent with the aims of the SRD and focuses on socially sensitive and territorially balanced development. It puts emphasis on: sustainable development of the whole country, retreat from the existing regional policy, which supported mainly the largest cities, equal access to development opportunities and development of social capital regarded as a key factor determining regional development.8 Currently the NSRD 2030 is in the consultation phase.

38 In sum, all strategies emphasise the role of regional and local authorities in the development of regional policy, which should meet territorial needs and use the endogenous development potentials. In this way, the regional policy is expected to follow the principles of place-based policy.

39 This regional development rationale, clearly related to EU regional policy rationale, opens the question to what extent do the EU funds contribute to the regional cohesion. The territorial distribution of EU funds depends on the degree of development of a region – the most developed voivodeships get fewer funds per capita than the less developed ones. In the 2007-2013 period the net EU funds assigned to Poland totalled 73 billion euros. Nevertheless, despite the bigger inflow of EU funds the weaker voivodeships did not manage, as Grzegorz Gorzelak claims (2017, p. 42), to achieve a higher rate of growth than the better developed regions. As a result, the disparities between regions have increased rather than decreased.

40 This is confirmed by other studies. According to the report of the Polish Ministry of Development (2016, p. 7)9, in 2007-2015 period the self-government units were, apart from enterprises, the biggest beneficiary of EU funds. The greater part of the pool was spent on transport, human capital and innovation, research and development and further entrepreneurship, environment protection and risk prevention. Nonetheless, these voivodeships that got the most funds did not register the best development rates; rather, it was those that were the most developed as Mazovian, Lower Silesia and Great Poland. However, in 2007-2013 richer localities have absorbed per capita more EU grants than poorer ones. Thus, it can be argued that EU funds have failed to reduce interregional development gaps (Medve-Bálintm, 2017). External assistance, as Grzegorz Gorzelak points out, can only have a pro-growth significance if endogenous

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conditions allow it to be used. Funds directed to less developed regions play rather the social and not the development role (Gorzelak, 2017, pp. 35-36).

Figure 2. GDP per capita in Poland in 2015.

Source: Central Statistical Offices of Poland, Statistical Office in Katowice, (accessed 30 December 2016)

41 As we can see in the graph above, there is a big difference in GDP between eastern and western voivodeships. The difference between the richest Mazovian and the poorest Lubelskie amounts to 90.8%.

42 Taking into consideration the development of Polish regions after 1989 Gorzelak and Jałowiecki (1998) have identified four trajectories (cited in Czernielewska, Paraskevopoulos & Szlachta, 2004, p. 464): • Positive continuity – a good position before 1989 and a positive transformation; mainly regions around large agglomerations; • Positive discontinuity – Western regions which profited from the liberal market economy and neighbourhood with Germany; • Negative discontinuity – old industrial regions; • Negative continuity – Eastern regions of Poland.

43 When faced with regional disparities, the Ministry of Development worked out the additional support for the eastern voivodeships (Lubelskie, Podkarpackie, Podlaskie, Świętokrzyskie and Warmińsko-Mazurskie) – the Operational Programme Eastern Poland 2014-2020. The main objective of the programme is to increase the competitiveness and innovation of the Eastern Poland macroregion (NUTS 1).

44 According to the study by Jacek Zaucha and Krzysztof Komornicki (2017, p. 308) “the intraregional policies of Polish regions seem to fulfil the criterion of being territorially sensitive. In all of the Polish regions, policy goals and measures are territorially diversified”. Furthermore, the above mentioned NSRD 2030 emphasises the objective to counteract the development discrepancies between and within regions10.

45 Taking stock of the regionalisation process in Poland, we can argue that the outcomes are partly satisfying. On the one hand, by comparing three planning periods –

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2004-2006, 2007-2013 and 2014-2020 we can observe that regional authorities have gained more competencies: “in the first planning period regions were weak bargaining partners vis-à-vis the central government. They were weakened both by their excessive fiscal dependence on the central government and also by the centralising pressures coming from Brussels” (Bruszt, 2008, p. 622). Since 2007 regions participate in preparing of regional development strategies, especially by developing and implementing operational programmes. In addition, the access to UE funds provided self-governments with instruments to implement regional development. Over the years they received more influence on the investment of EU funds. Whereas in the financial period 2007-2013 the voivodeship governments administered almost 25% of all funds, in 2014-2020 they have nearly 40% of the pool at their disposal (60% of ERDF and ESF). The remaining funds are managed at the central ministries level (Sześciło, 2018).

46 On the other hand, the dual administrative structure, in particular in cases when voivodes and marshals represent the opposing political camps, (as we have the case in Poland since 2015) may handicap the efficient territorial management. The marshal office, which is at the regional level responsible for the development and implementation of regional policy, is obliged to consult the regional development strategy and ROPs with the voivode. Thus, a voivode plays a crucial role in signing the voivodship contracts that are essential instruments to transfer the funding for regional development from the state budget to regions (Czernielewska, Paraskevopoulos & Szlachta, 2004, p. 469). Generally, in Poland, “ central government remains the significant source of funding for regional development (both domestic funding but also EU funds that are channeled through central government)” (Ferry, 2013).

47 Another challenge for the functioning of self-government results from their being delegated public tasks, such as running of public hospitals while leaving control and financial resources in the hands of central authorities: “where local governments have been charged with running the majority of public hospitals […] they have been set up as a petitioner of the National Health Fund, who has control over finances” (Sześciło, 2018, p. 7).

48 However, since the change of the governing party in 2015 some competencies of self- governments have been reduced. These include (Sześciło, 2018): • withdrawal of the competence to decide on the network of schools in a voivodeship and delegation of the decision to the education superintendent who acts on behalf of the voivode; • introduction of the reform of the education system without taking into account the critical opinions of self-governments; • centralisation of the voivodeship environmental protection funds since 2017 (the government took over the competence to fill positions in voivodeship bodies of environmental protection which previously belonged to self-governments); • withdrawal from municipal councils the competence to approve water and sewage tariffs.

49 The above-mentioned legislative changes demonstrate the efforts of central government to limit the competencies of regional/local authorities. But how do the citizens evaluate the role of the regional/local tiers? The next section aims to analyse the public opinion on self-governments and to verify what reference points (European, regional, local or still national) prevail among Polish citizens.

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Views of Polish citizens

50 The regionalisation process cannot succeed without support at the grassroots level. A region should provide a reference point for its inhabitants who internalise the promoted regional identity. Otherwise only a shallow regionalisation emerges as an outcome of a top-down pressure. The following chapter proposes an appraisal of the role and functionality of self-governments in Poland, and of the identification forms of Polish citizens to them. Available public opinion polls as listed below allow to assess the representations towards local authorities and regional policy, the collective identities dynamics and the attitude towards the European Union.

51 CBOS 21 (2001), Opinions on the functioning of self-government authorities. CBOS 165 (2009), Poles on their attachment to their place of residence and country. CBOS 52 (2014), 10 years of Poland’s membership in the European Union. CBOS 31 (2016), Poland in the European Union. CBOS 151 (2016), Between patriotism and nationalism. CBOS 155 (2016), Social assessment of the use of European funds. CBOS 50 (2017), Which Union do Poles want? CBOS 46 (2018), Cooperation of local authorities with residents. CBOS 74 (2018), Commitment of Poles to local communities. CBOS 82 (2018), Assessment of local authorities and their competencies CBOS 100 (2018), About history, locally. CBOS 105 (2018), Patriotism of Poles. CBOS 120 (2018), Local government elections and a sense of civic empowerment. CBOS 166 (2018), Poland in the European Union.

Evaluation of local authorities

52 In autumn 2018 Polish citizens decided on the composition of local governments. During the election year a number of opinion polls on local authorities were carried out. The most significant results will be presented in this section.

53 In general, in 2018, Polish residents evaluate the mayors of their town or commune rather positively (Figure 3). This applies also to the work of city/commune councils: 64% of respondents think that they are doing a good job, whereas 16% view their work negatively. However, in 2001 the majority of respondents (45%) were unsatisfied with the activities of local authorities. 45% of respondents thought that the administrative reform (of 1999) has not had any impact on ordinary people (CBOS 21/2001). It should be emphasised that the positive assessment increased since then by over 20% (CBOS 082/18).

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Figure 3. Opinion about the mayor.

Source: CBOS 082/18

54 The respondents are convinced that the development of their place of residence or nearest regions depends on local commune/city government (59%) and initiatives, activities of the residents themselves (46%). 39% point to the EU and only 28% to central authorities (Figure 4). Nevertheless, 57% of respondents believe that the residents have not enough influence on local affairs, on what happens in a city or commune (CBOS, 2018a). These results demonstrate that Polish citizens consider the role of local authorities as important and it might be interpreted as an indicator of grassroots regionalisation. By reference to the significance of residents’ engagement in local affairs the respondents see themselves as subject and not object of the local policy. Despite this declaration almost half of respondents (44%), when asked for their involvement in local activities, is passive. Nearly one third (31%) were involved in one or two activities, and only one quarter showed more diversified activity (25%) (CBOS, 74, 2018).

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Figure 4. Assessment of agents of local development.

Source: CBOS 82 (2018)

55 The decentralisation reforms aim at involving the residents in the decision making process. The social engagement of citizens for their community, participation in elections and local affairs, sense of subjectivity could be indicators of embedded democracy. According to the polls, most respondents (64%) believe that in their municipality local authorities take into account the voice of residents when taking decisions. 24% are of the opposite opinion. However, 66% admit that they are not aware of any possibilities and tools for cooperation between the residents and local authorities to improve the situation of the local community. The majority (35%) of those respondents who declared awareness of those tools, mentioned the possibility of direct meetings and discussions with representatives of the authorities, including the organisation of open meetings for residents. A quarter (24%) pointed to civic initiatives, social campaigns and civic projects (CBOS 46, 2018).

56 Then, for the majority of respondent (71%) the local elections are the most important, followed by presidential elections (66%), parliament elections (61%) and elections to the European Parliament (47%) (CBOS 120, 2018). When comparing the results with the previous measurements the importance of local elections has increased significantly.

57 The results of the opinion polls discussed above indicate the role of local authorities among Polish citizens has increased. They are interested in development of their local community and evaluate local authorities positively which might be interpreted as an indicator of grassroots regionalisation. They seem to support the decentralisation of the governance structure and attribute responsibility for the development of their place of residence to local and not central government.

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Sense of belonging

58 According to the CBOS surveys (151/2016 and 105/2018), which asked inter alia for meaning of patriotism and sense of belonging, the majority of Poles (88%) regard themselves as patriots and only 7% identify themselves as nationalists. However, for half of the respondents the difference between nationalism and patriotism is not clear. 70% are proud of being Polish citizens. Patriotism means for them showing respect for the emblem, flag and national anthem (98%), nurturing Polish traditions (96%), knowing of the history of the country (95%) and participation in elections (90%).

59 However, it should be emphasised that 85% of Polish respondents interpret patriotism as activities and engagement for the local community. This attachment to the local community confirm the findings of another CBOS polls (CBOS 165 (2015), 100 (2018)). The respondents were asked what they feel attached to. As the figure below demonstrates, the majority identify themselves with the local community of the place where they live. Only 4% declared an attachment to Europe and 25% identify with Poland. The majority (82%) of respondents prefer to live in Poland than living abroad. As the main reasons for this, they declare their attachment to homeland, tradition language and patriotism, followed by rootedness and family ties. When comparing these results with the EU level, 89% of EU citizens feel attached to their city, town or village, and 92% to their country and above 50% to the European Union (Standard Eurobarometer 87/2017).

Figure 5. Sense of belonging of Polish citizens.

Source: own compilation on the basis of CBOS 165 (2015) and 100 (2018)

60 The respondents did not declare an attachment to Europe, however, according to the poll conducted in 2014 (CBOS 52/2014) on the occasion of the 10th anniversary of Polish membership in the EU, 41% of Poles interviewed regard themselves as Poles and Europeans in comparison to 55% of them who regard themselves only as Poles. Only 2% put European identity on the first place before Polish and 1% perceive themselves only as European (CBOS 52/2014). But, 80% of Polish respondents feel they are citizens of the EU and 49% think that their voice counts in the EU (Standard Eurobarometer 87/2017).

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61 Thus, it can be argued that although the local identity is the most prevalent among Polish respondents, they do, however, feel a strong bond with Europe, as the following illustrates.

Support for European integration

62 For the last two years over 80% of Polish respondents have declared support for Poland’s membership in the EU. The majority of respondents (52%) do not think that the EU limits the sovereignty of Poland (CBOS 31/2016 and 50/2017). When asked about the future of the EU, as the figure below illustrates, the majority support deeper integration among all member states. Almost one third wants to maintain the status quo and 13% would like to limit integration and increase the role of nation states (CBOS 50/2017).

Figure 6. Assessment of the future of Poland and the EU.

Source: own compilation on the basis of CBOS 50 (2017)

63 As far as the assessment of the EU by the young Polish citizens (15-24 years) is regarded, the poll conducted by the Bertelsmann Foundation and the Institute of Public Affairs demonstrates that a majority of young Poles (76%) have a positive view of European integration. 64% of respondents think that Poland should stay in the EU and work to reform it. Only 21% would support a Pol-exit. Which benefits do they see in the European integration? The greatest benefit respondents see in the European integration (76% of respondents) is maintaining peace among the member states of the EU, followed by opportunities to settle/work in another EU country (72%) and no border checks in the Schengen zone (63%) (Łada and Wenerski, 2017).

64 Taking the Eurobarometer (87/2017) survey into consideration, the majority of respondents (56%) are optimistic for the future of the EU. Even more optimistic are the Polish citizens with the highest score (69%) among the new member states. Over three

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quarters (80%) of Polish respondents agree with the statement that the EU project offers a future perspective for Europe’s youth (Special Eurobarometer 467/2017).

65 Nevertheless, the majority of respondents think that Poland does not have sufficient influence on EU decisions and actions (see Figure 7 below).

Figure 7. Assessment of Poland’s impact on EU affairs.

Source: CBOS 166 (2018)

Assessment of regional policy

66 Regional policy is the main tool of the European Union to reduce differences in wealth between member states by facilitating the creation of jobs, economic growth and sustainable development. Regional policy is delivered by the European Regional Development Fund and the Cohesion Fund. In cooperation with the European Commission the national and regional authorities are responsible for managing the funds11. Due to the partnership agreement between Poland and the European Commission in the period 2014-2020 Poland is the largest beneficiary of the Cohesion Policy with 77.6 billion EUR12. Are Polish citizens aware of being such a great beneficiary from the EU? How do they assess the use of EU funds?

67 By evaluating the results of the Flash Eurobarometer (2017) on citizens’ awareness and perception of EU regional policy, Poles, with 80%, come top of those who have heard of EU co-financed projects (the EU average is 35%). Above three quarters (78%) of respondents believe that the impact of EU co-financed projects on the development of their city or region has been positive. Again, Poland achieved the highest scores. When asked about the impact of EU co-financed projects on the development of the city or region of the respondents, 94% of Poles think that the impact is positive, compared to

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1% that classify it as negative. Close to a quarter of EU respondents say that they have benefited in their daily life from a project funded by the ERDF or the Cohesion Fund. In Poland 67% share this opinion.

Figure 8. Primarily level of governance.

Source: own compilation on the basis of Flash Eurobarometer 452 (2017)

68 As the figure above shows, a majority of EU respondents (55%) believe that decisions should be taken at subnational levels, with 30% opting for the regional level and 25% favouring the local level. In Poland, the majority of respondents think that decision on EU regional policy projects should be primarily taken at the local level (38%), followed by regional level (30%), national level (19%) and EU level (9%). This demonstrates certainly the trust of Polish respondents to regional and local authorities in implementing of EU regional policy. Polish citizens are also the most aware (54% to 22% of EU average) of cooperation between regions from different countries because of EU funding.

69 Also, the poll conducted on the national level confirms the result of a good evaluation of the impact of EU funds on Poland’s development (CBOS 155/2016). When asked about the usage of the EU funds, 70% of respondents think that Poland uses the EU funds in a right way. 87% of respondents were of the opinion that many positive changes could occur in Poland thanks to EU funds. Also 71% think that due to funding from the EU, positive changes can be noticed at the local level. The vast majority (87%) of interviewees appreciate the positive changes that have taken place since 2004 in their region/voivodship and in their locality (82%).

70 In light of the above-analysed polls, I will argue that the internalisation of regionalisation process by Polish citizens has turned out well, but there also some weaknesses. On the basis of surveys results the table below synthesise pros and cons of grassroots regionalisation.

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Table 1. Public opinion towards local/regional governments in Poland.

Conclusions

71 This article traces Poland’s regionalisation path in its evolution, obstacles and developments. This presentation is completed with a study of general trends in the attitudes of Polish citizens towards local/regional actors, EU membership and regional policy.

72 A region may provide a focus for the identity of its inhabitants and it can be an economic or governmental unit, as Michael Keating claims (2004, xi). After the fall of communism Poland very quickly undertook the decentralisation reforms. The accession to the European Union was the main goal of Poland’s policy, however according to the literature the most significant drivers of reforms were internal – striving for rebuilding of local/regional structures according to the own party interests. It must be emphasised, that after a hundred years of centralisation and homogenisation strategies, this task of implementing regional administration and regional consciousness was not easy. However, in a period of less than 10 years, the decentralisation of administrative structures was completed, and in 2004 Poland became the EU member with the greatest EU funds absorption.

73 Nonetheless, since 2015 some recentralisations tendencies could be observed. The limitation of competences of the sub-state authorities as in environmental protection, ignoring their opinion by introducing the education reform as well as delegating certain tasks without transferring appropriate financial resources to complete them are alarming examples. In addition, central government remains still the significant source of funding for regional development.

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74 When taking into account the public opinion polls, the majority of respondents assess the activity of local authorities positively. They feel their voice is regarded by decision taking process in local affairs. The respondents are aware of EU regional policy, assess the use of funds well and would wish that the decisions on regional projects were taken primarily at local and regional levels. In regards to the issue of their attachment, they feel mainly attached to their place of residence.

75 Moreover, the respondents show a high appreciation of the changes to their country, region, locality that have taken place thanks to EU funds. Although the attitude of the current Polish government towards the EU seems to be one of suspicion, a majority of adults, as well as young Poles, are optimistic about the future of the EU. Furthermore, it should be highlighted that among all member states, Polish respondents are the most aware of the EU regional policy. For many years the support for Poland’s integration within the EU has stayed at very high level. People see various benefits in being a member state as securing peace, job and education opportunities and free movement. They consider the local and regional levels of governance as the most appropriate to decide on the management of EU funds. This proves that the distribution of EU funds is mainly well perceived by Polish citizens, who also show trust in their local and regional representatives to respond the needs and problems of the regional and local communities. These first results call for an in-depth analysis of the regional/local implementation of EU projects, and of the citizen’s perceptions. Only in this way a causal relationship could be substantiated, which will be all the more interesting at a time when European construction is facing, in various aspects, certain turbulences.

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NOTES

1. European Commission White Paper (COM (2001) 428 final, http://aei.pitt.edu/1188/ (accessed 16 November 2017). 2. Söderbaum distinguishes also meso-regions that exist as macro-regions between global and state level, but on the lower level, e.g. the Nordic region within Western Europe, Söderbaum 2005, p. 91. 3. https://wybory2018.pkw.gov.pl/pl/geografia#general_committee_stat (accessed 12 March 2019). 4. http://www.sejm.gov.pl/prawo/konst/angielski/kon1.htm (accessed 21 November 2017). 5. Ministry of Development (2017), Decentralization and multi-level governance in Poland. Ensuring coherence between national and subnational development strategies/policies, https://www.oecd.org/ regional/regional-policy/Decentralisation-and-multi-level-governance-in-Poland.pdf (accessed 25 November 2017). 6. https://www.mr.gov.pl/media/3337/KSRR_13_07_2010.pdf (accessed 25 November 2017). 7. https://www.miir.gov.pl/strony/strategia-na-rzecz-odpowiedzialnego-rozwoju/informacje-o- strategii/ (acessed 15 March 2019). 8. https://www.miir.gov.pl/strony/zadania/polityka-rozwoju-kraju/zarzadzanie-rozwojem- kraju/krajowa-strategia-rozwoju-regionalnego/krajowa-strategia-rozwoju-regionalnego-2030/ (accessed 15 March 2019).

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9. https://www.mr.gov.pl/media/39393/Przeglad_Regionalny_2016_cz1_PO_UWAGACH_ost- jm2.pdf (accessed 20 November 2017). 10. https://www.miir.gov.pl/strony/zadania/polityka-rozwoju-kraju/zarzadzanie-rozwojem- kraju/krajowa-strategia-rozwoju-regionalnego/krajowa-strategia-rozwoju-regionalnego-2030/ (accessed 15 March 2019). 11. https://europa.eu/european-union/topics/regional-policy_en (accessed 7 December 2017). 12. https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/partnership-agreement-poland-summary- may2014_en.pdf (accessed 7 December 2017).

ABSTRACTS

Up until the fall of the Iron Curtain Poland was institutionally and ideologically a unitary state. The accession process to the European Union enforced the adoption of necessary reforms of the administrative structures, which were undertaken in the 1990s. Since then Poland has developed a three-tier governance structure and enhanced the role of regional authorities by implementing regional development strategies and the managing of EU funds. Applying the theoretical concepts of regionalisation and regionalism, this paper seeks to analyse in the first part the decentralisation reforms in Poland and their major achievements and challenges. The second part of the article, based on the evaluation of national and EU polls, addresses the questions regarding citizen’s assessment of local authorities, regional policy, their attitude toward the EU and finally the feeling of attachment to locality/region, country or Europe.

Bis zum Fall des Eisernen Vorhangs war Polen institutionell und ideologisch ein Einheitsstaat. Erst der Beitrittsprozess zur Europäischen Union hat die Durchführung der notwendigen Reformen der Verwaltungsstrukturen herbeigeführt, die in den 90er Jahren implementiert wurden. Seitdem hat Polen eine dreistufige Verwaltungsstruktur entwickelt und die Rolle der regionalen Behörden gestärkt, indem sie regionale Entwicklungsstrategien umsetzen und einen Teil EU-Mitteln verwalten. Dieser Beitrag hat zum Ziel, die Dezentralisierungsreformen in Polen ihre wichtigsten Effekte und Herausforderungen zu analysieren, was im ersten Teil bei der Anwendung der theoretischen Konzepte der Regionalisierung/des Regionalismus erfolgt. Der zweite Teil des Beitrags, der auf der Auswertung von nationalen und EU-Umfragen basiert, befasst sich mit den Fragen der Evaluierung der Selbstverwaltung und der Regionalpolitik durch die Bürger, ihrer Haltung gegenüber der EU und schließlich ihrer Verbundenheit mit der Ortschaft/der Region, dem Land oder Europa.

INDEX

Keywords: regionalisation, identification, Poland, Europeanisation, sub-national level Schlüsselwörter: Regionalisierung, Identifikation, Polen, Europäisierung, sub-nationale Ebene

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AUTHOR

ELŻBIETA OPIŁOWSKA University of Wroclaw (Poland), Center for Regional and Borderlands Studies, Institute of Sociology, [email protected]

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Les jeux d’échelle dans la communication politique des présidents des régions italiennes de l’Émilie-Romagne et du Latium. Une approche par la statistique textuelle Playing the ladder game: how does political communication frame the regions in the Italian institutional landscape? Lexicometry applied to Region president’s inaugural speeches

Dorian Bernadou

Introduction

1 À travers ce papier, je propose de décrypter le regard porté par les responsables politiques sur la place de la région dans le concert des institutions territoriales en Europe et en Italie. L’Italie est un cas d’étude souvent mobilisé dans les études sur la question des régionalismes en Europe, mais l’accent est trop souvent mis sur les manifestations du régionalisme « conflictuel », notamment les tendances autonomistes que la Ligue du Nord a longtemps incarnées. Le choix d’étudier l’Emilie-Romagne et le Latium permet au contraire de porter l’attention sur ces autres régions, au régionalisme plus « ordinaire » parce qu’il ne porte pas de revendication indépendantiste, ce qui n’empêche pas d’y déceler des luttes de pouvoir.

2 L’hypothèse sur laquelle ce travail repose est que les discours d’investiture des chefs successifs de l’exécutif régional permettent d’observer les variations du positionnement des régions dans la géographie du pouvoir en Italie. La manipulation des différents niveaux d’échelon territorial dans ces discours est considérée ici comme un élément de compréhension du positionnement des dirigeants régionaux dans le jeu des coopérations intergouvernementales, qui constitue un des six paramètres de la

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« capacité politique territoriale » telle que la définit Romain Pasquier (Pasquier, 2012). Qu’il s’agisse pour les acteurs politiques de s’inscrire dans des espaces plus grands (l’Etat, les régions transfrontalières ou l’EU) ou de manifester un certain ascendant sur les collectivités de niveau infrarégional, par le discours ou par la pratique de nouveaux découpages imposés ou incités, la question du jeu d’échelle semble une préoccupation sérieuse et nécessite une adaptation constante de la part des dirigeants politiques. Cet article propose de mesurer la place prise par cette question dans les représentations territoriales des leaders régionaux lors de leur investiture à l’aide de la statistique textuelle, par l’intermédiaire du logiciel IRaMuTeQ (Ratinaud, 2009).

3 Après avoir rapidement introduit les cas d’étude et l’enjeu méthodologique de cet article, j’analyserai l’influence des différentes composantes du contexte d’énonciation sur le contenu du discours à travers la méthode du calcul de spécificité lexicale. Dans un troisième temps, l’observation des modalités d’utilisation de certains termes clés permettra d’éclairer le regard porté par les grands élus sur le paysage institutionnel dans lequel ils évoluent et le positionnement qu’ils souhaitent adopter par rapport aux autres mailles d’exercice du pouvoir politique.

Situer les régions italiennes, une entrée par le discours des grands élus de l’Emilie-Romagne et du Latium

La spécificité des régions italiennes en Europe

4 Le système régional italien occupe en Europe une place originale, à la croisée du modèle fédéraliste allemand ou belge et de celui, plus centralisé, qu’a longtemps incarné la France. L’Italie est en effet un Etat récemment unifié (1860) et c’est la conception centraliste qui a prévalu pendant un siècle dans son organisation, l’enjeu principal était alors de conserver à tout prix une unité nationale fragile parce qu’acquise à la force des armes (Piattoni, Brunazzo, 2011). La reconnaissance institutionnelle des régions italiennes s’est faite en trois temps : d’abord l’inscription de leur existence dans la Constitution républicaine rédigée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, cette décentralisation est alors restée à l’état de déclaration d’intention jusqu’en 1970 avec une première mise en application timide (Putnam et al., 1985) par l’octroi aux régions du statut de collectivités territoriales tout en conservant un fort contrôle par le centre. Enfin ce n’est qu’à la fin des années 1990 que l’autonomie politique régionale a été effective, avec notamment la mise en place de l’élection du président de région au suffrage universel direct.

5 Les régions italiennes sont depuis lors au cœur des tentatives de réformes du maillage politico-administratif de l’État (Rivière, 2004) et se retrouvent tantôt mises en avant à travers des politiques présentées comme fédéralistes, tantôt malmenées par des tendances néo-centralistes (Rivière, 2016 ; Pallaver, Brunazzo, 2017). Ce thème des relations interinstitutionnelles constitue donc un véritable enjeu de pouvoir pour l’exécutif régional et se retrouve au cœur de stratégies discursives qu’il s’agira d’analyser.

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Les discours d’investiture comme objet de recherche

6 Le corpus étudié est constitué de huit discours de politique générale (discours d’investiture, au début de chaque mandat) prononcés par les présidents des régions Émilie-Romagne et Latium entre 2000, première mandat des présidents élus au suffrage universel direct, et 20151. Ce choix découle de l’hypothèse d’une plus forte variabilité et personnalisation des discours à partir de la présidentialisation de l’exécutif régional (Bardin, 2009 ; Fourny, 2005).

7 Les discours sont répartis équitablement entre les deux régions mais sont issus de cinq locuteurs puisque l’un des présidents de l’Émilie-Romagne, Vasco Errani, a effectué trois mandats à la tête de la région. Comme le montre la figure 1, si l’alternance droite/ gauche est la règle dans le Latium, l’Emilie-Romagne est au contraire une région fortement ancrée à gauche (héritière des fameuses « régions rouges » tenues par le Parti Communiste dans les années 1970-1980).

Figure 1. Chronologie des discours constituant le corpus.

8 Ces discours constituent des moments clés de la vie politique des institutions régionales et bénéficient d’un fort investissement symbolique puisque le président nouvellement élu s’adresse solennellement aux membres du Conseil ou de l’Assemblée Régionale, en présence du personnel de l’institution et de nombreux journalistes. Il s’agit donc d’un véritable exercice de communication politique qui fait office d’acte fondateur pour chaque mandat de président de région. Malgré un contexte d’énonciation similaire, les textes constituant le corpus varient considérablement d’un discours à l’autre que ce soit par leur longueur, le degré de formalisme ou par la richesse du vocabulaire employé. L’ensemble des discours est composé d’environ 57 500 mots (320 000 signes).

La statistique textuelle au service de l’analyse des discours

9 D’abord développée dans le domaine de la littérature et de la linguistique (Salem, 1982), la statistique textuelle est peu à peu investie par les sciences politiques et la géographie (Guérin-Pace, 1997) et constitue une approche complémentaire aux travaux qui s’inscrivent dans le champ de la critical discourse analysis (Beauguitte, Guérin-Pace & Richard, 2014 ; Tuathail, Agnew, 1992). Plusieurs logiciels ont été développés depuis les années 1990 pour mener à bien ces fouilles de corpus textuel. Dans le cadre de cette recherche, c’est le logiciel IRaMuTeQ (Ratinaud, 2009) qui a été privilégié. Simple d’utilisation, il intègre également directement un dictionnaire des formes en italien, ce qui a permis de travailler le corpus en langue originale.

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10 Une première approche du lexique le plus fréquemment utilisé dans les discours d’investiture des présidents des régions Emilie-Romagne et Latium donne des résultats plutôt attendus : région, nouveau, vouloir, politique, gouvernement, citoyen (cf. figure 2) sont les termes2 qui reviennent le plus souvent. L’association des mots région et nouveau en tête de classement pourrait faire penser à une intégration des notions de la géographie politique contemporaine comme le new regionalism (Keating, 1998 ; Paasi, 2002). Mais il s’agit sans doute plutôt, dans une logique plus politicienne, de mettre l’accent sur les nouveautés et donc la rupture que va représenter le mandat à venir en termes de politiques publiques. Ces formes sont caractéristiques de tout discours de politique générale, sans distinction de l’échelon ou du contexte national dans lequel il est prononcé (Marchand, 2007). La présence très récurrente des termes région et régional vient contextualiser les discours et témoigne de l’échelle d’exercice du pouvoir des locuteurs.

Figure 2. Liste des mots les plus fréquemment employés dans l'ensemble du corpus.

11 La statistique textuelle désigne un ensemble composite de méthodes fondées sur la récurrence statistique des termes dans un corpus. Le cas d’étude proposé ici n’intègre pas les résultats de la classification hiérarchique descendante (méthode Reinert), fondée sur l’analyse des cooccurrences des termes, mais se concentre sur celle des spécificités lexicales.

L’analyse du vocabulaire spécifique comme révélateur de l’influence du contexte d’énonciation sur le contenu des discours

12 L’approche par l’analyse du vocabulaire spécifique consiste dans l’extraction et la comparaison des termes spécifiques et des termes d’emploi banal dans le corpus global et dans chacun des textes pris séparément. Un terme est dit « spécifique » à une partie du corpus lorsqu’il n’avait que 5 % de chance de se trouver aussi souvent (ou aussi peu souvent) dans cet extrait par rapport à la répartition du terme dans le reste du corpus. Les spécificités peuvent être positives (suremploi) ou négatives (sous-emploi). Pour tester la spécificité de tel ou tel terme, le logiciel prend en compte les variables qualitatives qui ont été renseignées pour désigner les différentes parties du corpus et attribue un score de spécificité3 fondé sur le calcul hypergéométrique développé par Lafon (Lafon, 1984). Trois causes majeures de différenciation peuvent ainsi être testées : selon la première, les discours seraient différents d’un contexte régional à l’autre

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(variable « région »), la seconde prévoit que la teneur des discours change avec le temps (variable « date ») enfin, la troisième propose de considérer que les discours portent la marque de la personnalité et des représentations sociales de celui qui tient les rênes du pouvoir (variable « président »). L’idée générale qui préside à cette analyse est que la surreprésentation (ou la sous-représentation) de certains termes clés est représentative d’une vision, d’un état d’esprit au sein de l’exécutif régional qui servira de guide à la manière dont sera gouvernée la région pendant le mandat en question.

De l’importance du contexte régional dans le lexique utilisé

13 La première piste que ce travail a permis de creuser est celle d’une différence liée au contexte géographique régional. Les deux régions ont une organisation spatiale fortement différenciée, notamment en ce qui concerne la structure du réseau urbain et la répartition des activités productives. La Région Emilie-Romagne constitue un exemple-type de région polycentrique où l’économie dynamique et la répartition de la population s’appuient sur un réseau de villes structuré et des identités locales fortes alors que le Latium est une région dont l’activité économique et la population sont strictement centrées sur Rome, ce qui a une forte influence sur les représentations spatiales qui émergent du discours des élus. Les deux tableaux proposés ici (figure 3) rassemblent certains des termes les plus significatifs. Les présidents émiliens- romagnols se réfèrent de manière fréquente aux autres échelles territoriales, en particulier l’Europe (Europe, européen) mais aussi à l’équivalent italien des communautés de communes : les unioni, forme d’association volontaire très développée en Emilie-Romagne.

14 L’échelon national est présent pour l’Emilie-Romagne par l’intermédiaire du terme pays souvent sous la forme de la comparaison (l’Emilie-Romagne par rapport au reste du pays) mais rarement au travers de sa forme politique (l’Etat et le gouvernement) qui est au contraire celle privilégiée par les présidents de la région Latium, plus proche de Rome, son chef-lieu, et donc des ministères et de la vie politique nationale. Le volontarisme politique des dirigeants émiliens-romagnols s’exprime au travers de la présence parmi le vocabulaire spécifique de termes tels que : expérience, investir et changement. Le vocabulaire spécifique des présidents de la région Latium est très nettement tourné vers des réalités internes à l’institution régionale et à la vitalité du débat politique qui s’y joue : majorité, opposition. La surreprésentation des titres, noms et fonctions du personnel politique (assesseur, conseil, ministre, président) est également la marque d’un discours bien plus formel que celui que proposent les présidents de l’Emilie-Romagne.

15 La forte spécificité des termes citoyen, citoyenneté, transparent, politique, démocratique est la conséquence de la volonté des dirigeants régionaux de mettre l’accent sur la nécessité de retisser les relations entre les représentants politiques et les citoyens. La région Latium a souvent été pointée du doigt pour sa mauvaise gestion, avec une histoire politique émaillée de scandales à répétition, qui ont particulièrement écorné l’image de l’institution et la confiance de la population régionale envers ses dirigeants. L’échelon provincial (qui correspond aux départements français) est une référence beaucoup plus mobilisée dans le cas du Latium. Les grands absents de cette analyse sont donc l’échelon communal et son dirigeant, le maire, dont l’évocation n’est spécifique ni à l’une, ni à l’autre des régions étudiées.

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Figure 3. Tableaux de synthèse du vocabulaire spécifique associé à chaque région (sélection).

L’évolution du vocabulaire spécifique en fonction du temps

16 La période couverte par le corpus (2000-2015) est riche en événements qui ont pu laisser des traces dans la mise en récit de l’action politique. A l’échelle nationale, le début de la période est marqué par les réformes constitutionnelles qui ont considérablement accru le poids politique des régions tandis que la fin de la période coïncide avec la relance des réflexions sur la métropolisation (qui culmine avec la Loi Delrio de 2014 qui institue les Villes Métropolitaines). A l’échelle européenne, deux grandes stratégies sont adoptées par l’Union Européenne (« Lisbonne » en 2000 et « Europe 2020 » en 2010) tandis qu’à une échelle plus large encore, la crise économique globale et ses conséquences en termes d’austérité budgétaire est également un événement à prendre en compte.

17 L’analyse des spécificités lexicales observées en fonction des différents pas de temps (figure 6) montre que certains thèmes ont un succès sur une période de temps déterminée puis disparaissent totalement, alors que d’autres font leur apparition au gré des événements qui surviennent aux échelons supérieurs. L’absence de certains termes attendus ne signifie pas que les mots en question ne sont pas employés mais au contraire qu’ils sont employés avec une fréquence équivalente tout au long de la période couverte par le corpus, et qu’ils ne sont donc pas représentatifs de l’un ou l’autre des mandats.

18 Les termes marqués par une spécificité positive pour le premier mandat analysé (2000) installent clairement le contexte de la réforme administrative de grande envergure qui caractérise l’Italie de cette époque (réformes constitutionnelles de 1999 et 2001). Les Régions doivent faire face à l’acquisition de nouvelles compétences, que les

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représentants de l’Etat ne leur délèguent pas facilement (d’où la nécessité d’échafauder une nouvelle architecture institutionnelle, basée sur une nouveau Statut, sorte de Constitution régionale). Cette question du Statut était au cœur des allocutions des premiers mandats analysés, mais ceux-ci ayant été adoptés en 2004, il apparaît tout naturel que les discours les plus récents n’y fassent plus allusion. C’est aussi le cas de fédéralisme, très présent dans les discours politiques à la charnière des années 2000, moment d’autonomisation de la maille régionale et dont l’usage va disparaître avec l’absence de nouvelle étape dans le mouvement de décentralisation de l’Etat italien.

19 La question financière apparaît très liée aux deux derniers mandats, c’est-à-dire ceux qui suivent la crise économique de la fin des années 2000. Ainsi, les discours prononcés à l’occasion du mandat débutant en 2010 sont très marqués par l’emploi des termes réduction, coût, dépense alors que coût, milliard et million sont fortement sous-représentés dans les discours de 2005. Cette idée est confirmée par le fait que crise est un terme dont la spécificité est négative en 2000 et positive lors du dernier mandat.

20 L’Europe est également une préoccupation qui fait son apparition plutôt à la fin de la période, la question européenne était en tout cas significativement absente des deux discours prononcés en 2000. La présence en 2010, aux côtés de la référence à l’Europe, du mot stratégie semble plaider pour une forte prise en compte de la stratégie Europe2020 dont la publication a eu lieu quelques semaines avant les élections régionales italiennes. La présence du terme durabilité au titre des mots fortement spécifiques des discours de 2005 pourrait témoigner d’une montée en puissance générale de la thématique environnementale ou d’une appropriation progressive des thèmes développés dans la Stratégie de Lisbonne.

Figure 4. Tableau de synthèse des spécificités lexicales en fonction de la variable date (sélection).

Une vision propre à la personnalité du gouverneur régional ?

21 L’analyse des spécificités lexicales par locuteur est également une manière intéressante d’approcher ce corpus. Si sur le plan formel ce travail permet surtout de relever certains éléments de langage (ou d’écriture) caractéristiques, sur le plan thématique en revanche plusieurs points sont dignes d’intérêt. Comme la question de l’évolution des discours au cours du temps a déjà été évoquée plus haut, j’ai pris la décision ici de considérer d’abord les individus et donc de ramener les trois discours de V. Errani à une seule modalité.

22 On constate notamment avec ce tableau que le président Bonaccini est celui qui fait le plus appel aux maires dans son discours, c’est également celui qui s’inscrit le plus dans le registre de l’intention (souhaiter, essayer, vouloir). Un autre événement extérieur semble marquer son discours : celui du tremblement de terre qui a secoué la région en 2012. Cela s’explique d’une part parce que la gestion des conséquences de la catastrophe incombe en grande partie à la région, mais sans doute également parce que

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S. Bonaccini est lui-même originaire d’une des communes (Campogalliano) les plus durement touchées par le séisme. Chez V. Errani, le terme d’assesseur (qui désigne les ministres, nommés par le président, des gouvernements régionaux) est doté d’une forte spécificité négative : il est sous-représenté. L’interprétation la plus évidente serait celle d’une forte personnalisation du pouvoir, où le président est un hyper-président et où les assesseurs n’ont finalement qu’un rôle au mieux secondaire. En réalité c’est surtout le fait que V. Errani n’avait pas l’habitude d’annoncer le nom et le portefeuille de ses ministres lui-même au sein de son discours, à l’inverse des autres présidents du corpus. C’est notamment ce qui explique la forte spécificité du terme assesseur chez P. Marazzo, dont le discours est le plus court de ceux du corpus mais contient la liste de tous les assesseurs.

23 F. Storace, à la tête d’un mouvement politique (la Destra) que l’on peut qualifier de « droite dure » voire identitaire passe l’Europe sous silence et son discours est significativement marqué par la référence à l’étranger. R. Polverini, elle aussi représentante de la droite de l’échiquier politique italien, s’arroge la question de la famille. En creux, ces deux discours s’ancrent dans la tradition puisqu’ils comptent innovation et nouveau au rang des termes à la spécificité négative.

Figure 5. Tableau de synthèse des spécificités lexicales par acteur (sélection).

24 L’analyse des spécificités lexicales par locuteur permet donc d’approcher, même si les effets de contexte restent prégnants, l’apport spécifique de chaque personnalité au pouvoir.

Positionner sa région par rapport aux autres échelons territoriaux

Du décompte des occurrences à la mise en évidence des modalités de relation entre institutions

25 Nous l’avons vu jusqu’ici, la question des jeux d’échelle entre les différents niveaux institutionnels ressort difficilement de l’analyse par les spécificités lexicales, justement parce que les différents termes qui les désignent sont répartis de manière assez équitable dans les différents sous-corpus pour ne pas être considérés comme fondamentalement caractéristiques (sur le plan statistique) de telle région, de telle période ou du lexique de tel président. L’étude du corpus était pourtant d’abord guidée par la volonté de décrire le positionnement des présidents de Région vis-à-vis des

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autres échelons qui constituent le paysage politico-administratif italien. La suite de l’analyse repose sur une utilisation de la fonction « concordancier » du logiciel IRaMuTeQ, qui permet de replacer des termes choisis dans les segments de phrase auxquels ils appartiennent, indépendamment de leur fréquence d’emploi, et d’en restituer ainsi le contexte d’énonciation. Un certain nombre de termes ont ainsi été directement recherchés dans le corpus : Commune/Union (de Commune) / Province / Chef-lieu ou Capitale/État ou Gouvernement/Union Européenne ou Europe. La première difficulté à contourner concernait la présence de forme homonymes, un travail de nettoyage a ainsi été nécessaire pour mettre de côté les homonymes de commune (comune en italien signifie également commun, donc très présent notamment dans des expressions comme « bien commun ») et capitale (« capital social », etc.). La figure 6 permet de mettre en évidence des tendances propres à chaque niveau territorial. La référence à l’État a plutôt tendance à décroître entre le début et la fin de la période alors que l’échelon européen prend une place plus grande dans les deux derniers discours. La référence aux communes suit la même trajectoire dans les deux régions : après avoir chuté entre 2000 et 2005, elle se renforce lors des deux discours suivants. Ici c’est cependant le positionnement vis-à-vis de ces autres mailles territoriales que l’on veut éclairer, il faut donc dépasser le comptage statistique des occurrences et observer pour chaque référence remise en contexte quelle est la modalité de la relation entre les deux institutions qui est exprimée. Concurrence, conflit, coopération, domination, soumission sont en effet autant de rapports différents qui peuvent régir les relations entre les échelons territoriaux et leurs dirigeants.

Figure 6. Répartition détaillée des références aux autres échelons territoriaux dans les discours du corpus.

La trajectoire fluctuante des relations Etat/régions

26 En se penchant sur le cas des références à l’échelon national (Etat ou gouvernement), il est possible de mettre en évidence une forte variation de la modalité de la relation avec l’échelon régional. Les présidents font beaucoup plus appel à cette échelle lors du

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premier mandat, ce qu’avait déjà permis de mettre en évidence l’analyse des spécificités lexicales (figure 6), mais ces mentions portent des traces de conflictualité évidente. En 2000, le contexte est celui de négociations tendues entre les gouverneurs de région nouvellement élus au suffrage universel et l’Etat à propos de la loi constitutionnelle et du degré de fédéralisme qu’elle doit apporter. Le discours de Storace (2000) porte la trace de cette volonté d’émancipation et de ce refus des éventuelles ingérences des ministres : « Je n’entends pas l’institution régionale comme un instrument de guerre contre le Gouvernement, mais j’attends du Gouvernement qu’il prenne acte de la volonté populaire qui s’est exprimée de manière parfaitement claire le 16 avril et qu’il respecte nos choix4 ». Il en va de même en Emilie-Romagne puisque V. Errani va jusqu’à parler de « bataille », celle pour l’autonomie des régions et la capacité d’autogouvernement (terme qui apparaît quatre fois dans son discours) et explique qu’il fera preuve de fermeté vis-à-vis du gouvernement5.

27 En 2005 les relations se sont normalisées : V. Errani est beaucoup moins martial au début de son second mandat et parle d’une « collaboration loyale avec l’Etat6 », alors même que le gouvernement est désormais aux mains de la droite et de S. Berlusconi. Dans le Latium, le discours de Marazzo (2005) n’aborde pas ce point mais la question de l’opposition politique au gouvernement national ne se pose plus en 2010 lorsque R. Polverini prend la tête de la région sous l’étiquette du parti (PdL) fondé et présidé par Berlusconi, encore à la tête de l’Etat. Selon les mots de la présidente : « La région Latium veut participer à l’objectif commun d’une Europe unie et rassembleuse, à travers l’adoption de comportements vertueux sur le plan économique et en accordant un fort soutien politique aux actions que le gouvernement national décidera d’entreprendre7 ». Son successeur à la tête du Latium, N. Zingaretti est élu quelques jours après la remise de deux rapports de la Cour des comptes et du Ministère de l’économie et des finances qui mettent en évidence la mauvaise gestion des administrations régionales précédentes et la gravité de la situation financière dans laquelle se trouve la région. La position qu’il adopte vis-à-vis des autres institutions et mailles territoriales est celle de l’ouverture au dialogue et de la recherche de soutien : « Nous ne voulons pas le faire seuls, mais plutôt en construisant un dialogue franc, constant et constructif avec ce qui sera le nouveau Gouvernement, avec toute l’administration de l’Etat, avec les Collectivités locales et les organismes chargés de l’évaluation et du contrôle de l’activité administrative et de gouvernement8 ».

28 L’État et le gouvernement sont cités mais la modalité de relation à entretenir n’est pas vraiment précisée pour la simple raison que l’Italie est alors plongée dans une nouvelle crise de l’exécutif national : Mario Monti a démissionné et celui qui lui succèdera (Enrico Letta) n’a pas encore été désigné. Le dernier discours prononcé dans le contexte de l’Émilie-Romagne s’inscrit également dans cette forme d’ambiguïté où la volonté de collaborer est teintée d’une forme de méfiance vis à vis de ce qui peut lui être demandé : « Nous collaborerons loyalement avec le Gouvernement (…) pour réaliser une politique de rééquilibrage économique et de contention de la dette mais nous n’augmenterons pas les impôts, je le répète, parce que la politique ne peut pas toujours faire peser sur les citoyens les problèmes du pays9 ».

29 Il est donc possible de retracer la trajectoire des relations État-région, en tout cas telle qu’elle est exprimée dans le discours des décideurs politiques.

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Un regard surplombant sur les institutions de niveau infrarégional ?

30 Le traitement précédent peut être reproduit pour mettre en évidence la valeur accordée par les présidents de région aux autres échelons politico-institutionnels. En ce qui concerne les communes et leurs maires, plusieurs profils se dessinent. Chez F. Storace c’est le respect du principe de subsidiarité qui est la règle et qui doit s’imposer. Pour lui, la région doit se cantonner à ses prérogatives (au premier rang desquels la programmation territoriale et économique) sans interférer avec les compétences des échelons inférieurs10. Le discours de N. Zingaretti est plutôt dans le registre de la collaboration, ils partagent les mêmes angoisses et soucis devant les baisses de dotation de l’Etat.

31 C’est en revanche une toute autre attitude dont fait preuve S. Bonaccini, qui est de loin le président qui a le plus pris à bras le corps la question de la réforme territoriale dans son discours d’entrée en fonction, qui intervient peu de temps après la promulgation de la loi instituant les métropoles italiennes (città metropolitane) dont Bologne fait partie. Il a vraiment un regard surplombant vis-à-vis des autres maires et n’hésite pas à manifester sa volonté de s’impliquer dans la rationalisation des finances communales : « Nous nous mettrons aux côtés des Communes pour réduire nos dépenses et les leurs de manière rationnelle11 ».

32 Le ton se fait même arrogant lorsqu’il avance la possibilité d’être dérangé par les maires parmi les arguments qui justifient la création d’une nouvelle maille (dessinée par la Région) pour remplacer la province : « Nous ne voulons pas créer (…) un néocentralisme régional, c’est-à-dire que 341 maires doivent chaque matin aller frapper à la porte du président de la Région ou d’un des assesseurs en le faisant devenir fou ».

33 Le regard porté sur l’échelon provincial diffère sensiblement entre le début et la fin de la période. Si en 2000 F. Storace propose de réformer les politiques publiques en matière d’emploi et de formation « en s’appuyant nettement (…) sur une décentralisation vers les provinces12 », ces dernières sont clairement présentées comme obsolètes dans les discours les plus récents : « pour le faire, les vieilles provinces ne suffisent plus, il faut des territoires de dimension plus grande13 ». Enfin, force est de constater que la référence aux « Unions de communes » est exclusivement réservée au contexte géographique émilien-romagnol, cette échelle étant absente des discours prononcés par les présidents du Latium (figure 6).

34 La question des relations entre la ville chef-lieu et le reste du territoire régional dans la communication politique du chef de l’exécutif mérite un développement à part entière. La ville de Rome est mentionnée deux fois plus dans les discours des présidents du Latium (3,04 occurrences pour mille mots) que ne l’est Bologne (1,4 occurrences pour mille mots) dans ceux de l’Émilie-Romagne. Il y a donc un rapport à la capitale régionale plus problématique, ou en tout cas plus central dans les préoccupations du responsable politique de la région Latium. Outre son statut de capitale étatique, qui lui confère évidemment une place à part, Rome exerce une domination territoriale, économique, symbolique et politique sur le reste du territoire régional. Dans son discours, R. Polverini (2010), démontre une volonté d’association, voire de fusion de la région avec Rome du point de vue identitaire et compte sur la vivacité de la capitale dont les retombées économiques pourraient profiter au reste de la région14. La hiérarchie s’inverse avec le président N. Zingaretti, précédemment à la tête de la

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province de Rome et qui prononce son discours en 2013, à un moment d’incertitude quant à la direction de la commune de Rome puisque le mandat du maire G. Alemanno s’achève et que la ville est en pleine campagne pour les élections municipales. Il n’hésite pas à mettre au défi les autres niveaux administratifs, en particulier la commune de Rome à s’engager à le suivre sur la question de la récolte et du traitement des déchets15.

35 Rome est ainsi presque la seule mention toponymique que l’on retrouve dans les allocutions des présidents du Latium, les autres villes du territoire étant passées sous silence, ou mentionnées qu’en tant que composante du nom d’usage de certains axes routiers comme lorsque le chantier de la route nationale 675 est évoqué sous le nom « l’axe Civitavecchia-Viterbo-Rieti ». Ce n’est pas le cas de Bologne dans sa région, caractérisée par un réseau urbain moins hiérarchisé, plus polycentrique et où les autres réalités territoriales sont présentes dans ces discours de politique générale (notamment Parme et Rimini qui sont citées respectivement 6 et 7 fois). Le besoin d’accorder une place prépondérante au cas de Bologne est un sujet sensible en Émilie- Romagne et conduit les présidents de région à utiliser le registre de la justification : « ce mandat est celui de l’institution de la Ville Métropolitaine de Bologne. Sans son chef-lieu et sans la Ville Métropolitaine cette région serait plus faible et donc elle constitue pour nous un objectif stratégique16 ».

Le rapport à l’Europe et l’impact des grandes stratégies orientant les politiques communautaires

36 L’analyse montre que la thématique européenne est bien plus appropriée par les présidents de l’Émilie-Romagne (figure 6), qui sont tous les deux europhiles. Toutes les mentions relative à l’Europe sont positives voire enthousiastes : « En fait, il faut relancer le projet politique européen en faisant monter d’un cran le rôle de l’Europe dans le monde17 » (Errani, 2010). Les orientations des politiques européennes sont bien intégrées et les documents qui les portent sont directement convoqués dans leurs propres discours de politique générale, chez Errani la stratégie de Lisbonne est mentionnée comme un échec qu’il faut éviter de reproduire et la stratégie Europe 2020 comme une nouvelle route à suivre : « Le problème de l’Europe c’est de gérer le budget. Mais également, et dès maintenant, de lancer une nouvelle stratégie de croissance. Maintenir ensemble les politiques indispensables à la réduction des déficits publics des Etats membres et la Stratégie Europe 2020. Ceci pour éviter, comme cela est déjà arrivé par le passé (je pense par exemple à la première Stratégie de Lisbonne), un nouvel et important retour en arrière du modèle social européen18 » (Errani 2010).

37 La mise en conformité avec les recommandations européennes, voire leur dépassement ou leur anticipation sont pour tous les deux un gage de fierté : « des droits et des services qui ont permis, entre autre, aux femmes de travailler ici plus que dans le reste du pays : nous sommes les seuls à avoir respecté ce que demandait l’Agenda de Lisbonne » (Bonaccini 2015). A l’inverse, les discours des présidents de la région Latium ne portent pas de mentions de la « Stratégie de Lisbonne », de « Europe 2020 » ou de leurs objectifs, du moins jusqu’au mandat le plus récent.

38 L’Union Européenne est donc un échelon beaucoup plus approprié (et depuis plus longtemps), par les dirigeants de l’Émilie-Romagne que par ceux du Latium. La tendance à l’œuvre est alors plutôt celle d’un remplacement de la référence à l’État par

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celle à une Union Européenne qui ne brandit pas sans cesse la menace de la réduction des financements. Les bouleversements politiques qui ont secoué l’Italie en 2018, notamment à la suite de la crise migratoire, viennent cependant questionner cette interprétation.

Conclusion

39 Ce travail a mis en évidence le fait que les contextes de réformes territoriales jouent un grand rôle dans la forme et le fond des discours d’investiture des présidents de régions italiennes. Ces textes portent en eux des enjeux de pouvoir perceptibles dans les stratégies discursives mises en place, en particulier autour de la compétition pour élargir ses compétences et acquérir toujours plus de financements et d’autonomie, souvent au détriment de l’État central ou des autres niveaux de maillage (Pasquier, 2012 ; Pallaver, Brunazzo, 2017). Sur le plan méthodologique, recourir à différents outils d’analyse textuelle (ici essentiellement le calcul des spécificités lexicales et la contextualisation par usage du concordancier) proposés par un logiciel comme IRaMuTeQ permet de travailler un corpus textuel dans le détail et d’en tirer des éléments qu’une lecture non-outillée aurait sans doute eu plus de mal à mettre en avant (Daigneault, Petry, 2017). C’est le cas de l’évolution des termes spécifiques en fonction du temps. Leur utilisation est encore trop rare en géographie politique (Beauguitte, Guérin-Pace & Richard, 2014). Ces méthodes doivent toutefois être complétées par une observation plus qualitative du contexte d’utilisation des termes identifiés comme centraux pour accéder aux représentations et à la vision particulière des locuteurs sur ces autres échelles de gouvernement. Les changements politiques brutaux que constituent la prise de la mairie de Rome par le Mouvement 5 Etoiles en 2016 et le basculement du gouvernement national en 2018 aux mains d’une coalition inédite (Ligue-M5S) constituent des bouleversements politiques qui nécessiteraient de poursuivre l’analyse de la place des relations interinstitutionnelles dans le discours des leaders régionaux au-delà de la date de 2015.

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NOTES

1. Les textes des présidents de la région Latium ont été recueillis lors d’une phase de terrain dans les archives du Conseil Régional, ceux des présidents de la région Emilie-Romagne sont accessible en ligne aux adresses suivantes : https://www.regione.emilia-romagna.it/storia/presidenti/ vasco-errani et https://www.regione.emilia-romagna.it/presidente/programma-di-governo/ presentazione-del-programma-di-legislatura.

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2. Dans chacune des analyses présentées les termes ont été lemmatisés, c’est-à-dire que chaque mot est rapporté à l’expression la plus proche de sa racine : les verbes conjugués sont ramenés à leur infinitif et les pluriels au singulier etc. (par exemple région vaut à la fois pour région et régions). 3. Plus le score est élevé en valeur absolue, plus la spécificité du mot à une partie déterminée du corpus est grande. Le seuil de significativité dépend de plusieurs paramètres allant du type à la taille du corpus de texte considéré. Ici ont été retenues comme ayant une spécificité significative les formes dont le score dépassait 2 ou -2. 4. « Io non intendo l'Istituzione regionale come uno strumento di guerra al governo, ma pretendo che il Governo prenda atto della volontà popolare che si è inequivocabilmente espressa il 16 aprile e rispetti le nostre scelte » (Storace, 2000). 5. « Saremo dunque fermi con il Governo, con questo Governo e con qualsiasi altro Governo che verrà nello stesso modo e con la stessa coerenza. Su questi impegni e su questa coerenza il Governo deve rispondere, e per dare forza a questa battaglia nazionale vogliamo rendere contemporaneamente più efficace e forte il processo di autoriforma della regione stessa » (Errani, 2000). 6. « ... il nostro impegno fondamentale sarà lavorare per un disegno coerente di federalismo solidale, insistere sulla leale collaborazione con lo Stato come chiave di efficacia e di equilibrio dell’insieme del governo della Repubblica ». 7. « La Regione Lazio vuole concorrere all’obiettivo comune di una Europa unita e coesa, attraverso l’assunzione di comportamenti virtuosi sotto il profilo economico e tramite un’azione di forte sostegno politico alle azioni che il governo nazionale deciderà di intraprendere » (Polverini, 2010). 8. « Quella che ci troviamo ad affrontare è, quindi, una situazione complessa che ci chiama a una grande responsabilità. Non vogliamo farlo da soli, ma costruendo un dialogo franco, costante e costruttivo con quello che sarà il nuovo Governo, con tutta l’amministrazione statale, gli Enti locali e gli organismi preposti al controllo e alla valutazione dell’azione amministrativa e di governo » (Zingaretti, 2013). 9. « Collaboreremo lealmente con il Governo, che mi auguro riesca davvero a riportare il Paese laddove merita di stare e a farlo tornare a livelli di crescita come quelli pre-crisi. Collaboreremo per realizzare una politica di riequilibrio economico e di contenimento del deficit ma non aumenteremo le tasse - lo ribadisco - perché la politica non può scaricare sempre sui cittadini i problemi del Paese » (Bonaccini, 2015). 10. « La Regione deve riappropriarsi del ruolo di programmazione, delegando a Comuni e Province la gestione delle singole politiche. Questa è la vera sussidiarietà. Questa è la via per snellire una macchina farraginosa e incomprensibile ai più e renderla accessibile a tutti i cittadini » (Storace, 2000). 11. « Ci metteremo al fianco dei Comuni per ridurre le nostre e le loro spese in modo razionale » (Bonaccini, 2015). 12. «... puntando nettamente – come abbiamo promesso agli elettori nel nostro programma – sul decentramento alle province » (Storace, 2000). 13. « ... per farlo le vecchie Province non bastano più, ma servono enti di area vasta più grande » (Bonaccini, 2015). 14. « Il riconoscimento della peculiarità di Roma Capitale rappresenta la consapevolezza di come la Regione Lazio e la Città di Roma si considerino un unicum territoriale nel quale la popolazione residente rinviene l’esistenza di un’autentica coesione per storia, tradizioni, costumi, identità e di come dalle caratteristiche e dalle potenzialità di Roma possano pervenire effetti e ricadute positive anche per i territori e le province del Lazio » (Polverini, 2010). 15. « E penso certamente ad una nuova gestione dei rifiutles i, la Regione Lazio farà fino in fondo la sua parte perché questa terra non sia più additata come “caso europeo” e sottoposta a

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procedure sanzionatorie, ma diventi un modello al quale guardare per la diffusione della raccolta differenziata, per la qualità e la sicurezza degli impianti e per l’avvio di quella filiera industriale del riuso e del riciclo capace di trasformare i rifiuti in risorse. Noi faremo la nostra parte nell’ambito delle nostre competenze, poi spetterà alle Province, ai Comuni, e in particolare al Comune di Roma, fare la propria » (Zingaretti, 2013). 16. « Questa è la legislatura dell'istituzione della città metropolitana di Bologna. Senza il capoluogo e senza la città metropolitana questa regione sarebbe più debole e dunque è per noi un obiettivo strategico » (Errani, 2010). 17. « Insomma, bisogna rilanciare il progetto politico europeo facendo fare un salto di qualità al ruolo dell'Europa nel mondo » (Errani, 2010). 18. « Il problema dell'Europa è di governare i conti. Ma anche, da subito, aprire una nuova strategia di crescita. Tenere insieme le politiche indispensabili al rientro dei debiti pubblici dei Paesi e la strategia di Europa 2020. Questo per evitare di registrare, come già accaduto in una fase che ci sta alle spalle (penso, per esempio, alla prima strategia di Lisbona), un altro sostanziale arretramento del modello sociale europeo » (Errani, 2010).

RÉSUMÉS

La place de l’échelon régional dans le système politico-administratif italien a récemment fait l’objet de débats, notamment à l’occasion de la réforme constitutionnelle manquée de décembre 2016. À travers une réflexion sur la mobilisation des différents niveaux politico-institutionnels dans les discours d’investiture des exécutifs régionaux, cet article vise à mettre en évidence la manière dont les présidents se positionnent dans leurs rapports aux autres échelons. Le corpus analysé, notamment par la statistique textuelle, est constitué par les 8 discours d’entrée en fonction des présidents des régions administratives italiennes du Latium et de l’Émilie-Romagne entre 2000 et 2015. Il ressort de cette analyse que la nécessité de se positionner dans les relations de pouvoir entre échelles de gouvernement n’est pas constante dans le temps et en fonction de la personnalité du chef de l’exécutif. L’Union Européenne est quant à elle un échelon beaucoup plus approprié ou sollicité par les dirigeants de l’Émilie-Romagne que du Latium (dont le discours est marqué par la référence à l’État italien et à Rome, à la fois capitale régionale et nationale).

In December 2016, Italy’s failed referendum highlighted the question of the place of regions in the Italian institutional landscape. Nearly twenty years ago, a series of changes to the country's Constitution marked a decisive turn toward federalism and regional level empowerment, with a President elected by direct universal suffrage. In their last political speeches, regional executives are allowed to develop a more personal and subjective vision of the region. This paper aims to understand how those political leaders are giving meaning to the regional scale, linking it in their discourses with others administrative levels, with a particular emphasis on the case of European Union. For this purpose, I applied lexical analysis and research for specific vocabulary to a corpus of 8 speeches pronounced by the newly elected presidents of the regions Emilia- Romagna and Lazio between 2000 and 2015. It appears that the necessity of positioning in the relations of power between scales of government varies according to time or political leader’s interests. The analysis also shows that discourses in Emilia-Romagna contain much more references to European Union than those in Lazio, which are more interested in the national scale. This could mean a difference in the Europeanness level of their political elites.

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INDEX

Keywords : regions, discourse analysis, lexical analysis, government levels, Emilia-Romagna, Lazio, Italy Mots-clés : régions, statistique textuelle, échelle de gouvernement, Emilie-Romagne, Latium, Italie

AUTEUR

DORIAN BERNADOU

Université Paris Diderot – UMR Géographie-cités, [email protected]

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Transfert des fonds européens et affirmation du pouvoir régional. L’exemple des investissements territoriaux intégrés (ITI) en Île-de- France The institutional impact of European funds transfer from the State to the regional government. The case of Integrated Territorial Investment (ITI) in Ile- de-France Region

Brice Lamenie

Introduction

1 L’influence exercée par l’Union Européenne sur les politiques publiques nationales est aujourd’hui communément admise. La politique de cohésion de l’Union européenne, davantage identifiée par ses moyens (les fonds structurels) que par ses objectifs, est significative du processus d’européanisation de l’action publique car elle participe au renouvellement des formes de gouvernance (Radaelli, 2001; Saurruger, Surel, 2006).

2 La politique de cohésion est procédurale. Sa mise en œuvre relève des États membres et territorialisée au niveau régional. S’il faut retenir que l’Union européenne n’a pas vocation à agir sur la souveraineté des États, l’existence d’un niveau régional est une condition préalable à l’obtention des fonds structurels. Les États peuvent donc choisir de transférer la gestion de ces fonds vers la région élue ou de créer de nouvelles régions administratives (Marcou, 2002 ; Lepesant, 2011 ; Montabone, 2012).

3 En retenant l’échelon régional pour la gestion et la mise en œuvre de la politique de cohésion l’Union européenne a contribué à l’affirmation du fait régional (Barone, 2011 ; Picouet, 2012 ; Keating, 2013), même si la gouvernance de la politique de cohésion est

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largement dépendante des contextes nationaux. Cette gouvernance mêle une multitude d’acteurs à différents niveaux dans le cadre d’une négociation permanente autour des enjeux et des moyens (Smith, 1996). Les protagonistes sont liés entre eux par des chaînes d’interdépendance qui n’impliquent pas de relations hiérarchisées (Marchand- Tonel, Simoulin, 2004).

4 En France la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 a statué sur le transfert de la gestion d’une grande partie des fonds structurels de l’État vers les conseils régionaux. Ce transfert confère un nouveau rôle aux régions élues1. Il leur apporte également de nouveaux financements pour les compétences qu’elles exercent en tant que « chef de file »2.

5 A travers l’exemple de la politique de cohésion et plus particulièrement de son volet urbain, matérialisé par un nouvel outil, l’Investissement Territorial Intégré (ITI), notre contribution interroge les effets de l’intervention de l’UE sur les changements institutionnels au sein des États membres. Dans le cas de la France nous posons l’hypothèse que le transfert d’une grande partie des fonds structurels vers le pouvoir régional tend à renforcer les prérogatives de la région élue face à l’État et vis-à-vis des autres collectivités territoriales.3

6

L’Investissement Territorial Intégré (ITI)

L’investissement territorial intégré (ITI) est un instrument créé par la Commission européenne au titre du volet urbain de la politique de cohésion afin de faciliter la mise en œuvre d’une stratégie de territoire. Il vise à répondre aux objectifs d’une croissance « intelligente, durable et inclusive » tels que définis par la Stratégie Europe 2020 (ex-Lisbonne-Göteborg). Le recours à l’ITI a été permis, au titre de la programmation 2014-2020 de la politique de cohésion, par l’article 7 du règlement FEDER (1305/2013). Cet outil peut être mobilisé sur des zones géographiques diverses (du quartier aux zones transfrontalières) et doit également être relié aux axes inscrits dans chaque programme opérationnel régional (POR). Les domaines ciblés en fonction des PO sont : l’aménagement urbain, le développement économique, la formation professionnelle, la lutte contre les discriminations ou la transition énergétique. Ainsi, l’ITI peut participer au financement de formations, d’ateliers d’aide à la création d’entreprises, d’équipements innovants, à la rénovation de bâtiments mais aussi de logements. Pour la Commission il s’agit également de permettre aux bénéficiaires des fonds de combiner l’utilisation du FEDER et du FSE. En France il a été fait le choix d’articuler les ITI aux contrats de ville afin de maximiser l’effet sur les quartiers en difficultés. Les autorités gestionnaires des fonds (État ou Régions, en fonction des États membres) sont chargées de sélectionner les territoires urbains éligibles à cet instrument par le biais d’une désignation ou lors d’un appel à projets.

7 Pour illustrer notre propos nous avons choisi le cas de la région capitale, l’Île-de- France, en raison de sa spécificité dans l’organisation territoriale française4. Dans cet article nous ouvrirons la « boîte noire » de l’intervention de « l’Europe au local » (Pasquier, Weisbein, 2004, 2017) en nous focalisant sur l’institution régionale. Après avoir évoqué les conditions d’émergence de l’échelle régionale en Île-de-France nous aborderons les changements engendrés par le transfert de la gestion des fonds

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structurels des services déconcentrés de l’État vers la région élue au démarrage de la programmation 2014-2020. Nous verrons que cette évolution affecte l’organisation interne de la Région. Ensuite, à travers l’exemple de la procédure de sélection des ITI, nous nous intéresserons à la façon dont l’intervention de l’Union européenne concourt à l’évolution des rapports entre la Région et les intercommunalités, plus précisément ici dans un contexte d’émergence de l’échelon métropolitain.

Figure 1. Catégories d’éligibilité des régions françaises au titre de la programmation 2014-2020 FEDER-FSE.

La lente affirmation du pouvoir régional en Île-de- France

L’omniprésence de l’État central

8 L’Île-de-France occupe une position particulière au sein de l’espace des régions françaises. L’emprise de l’État sur l’aménagement et le développement de la région capitale a longtemps limité toute tentative d’affirmation du pouvoir régional.

9 La domination de l’État central s’exerce d’abord sur l’organisation territoriale francilienne. En 1964 le Président De Gaulle décide d’opérer un redécoupage du territoire francilien. Il cherche à réguler la croissance urbaine de la région et à contenir les effets d’une opposition politique qu’il estime trop forte au sein de la capitale. Le département de la Seine, qui comprenait jusqu’alors la ville de Paris et 80 communes de banlieue, est scindé en quatre. La ville de Paris, au centre de cette organisation, est désormais encerclée par trois départements. Autour de ce qui est communément appelé la petite couronne se dessine la grande couronne qui regroupe les territoires

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entourant l’ancien département de la Seine. C’est l’ensemble de ce territoire, composé de huit départements, qui sera retenu lors de la création de l’établissement public régional, puis du conseil régional en 1976. L’emprise de l’État va également porter sur l’action régionale. À la suite de ce redécoupage le préfet Paul Delouvrier est chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre du premier schéma d’aménagement à l’échelle régionale en France métropolitaine (SDAURP5) en 1965. Ce document lance le projet des villes nouvelles et intègre l’organisation des transports terrestres (autoroutes urbaines) et ferroviaires (Réseau Express Régional).

10 En 1982-1983 l’État transfère dans le cadre de la décentralisation un certain nombre de ses compétences aux Régions. Le conseil régional d’Île-de-France, désormais élu au suffrage universel, se verra toutefois amputé de deux compétences majeures : l’aménagement et les transports, alors que ces compétences ont été transférées aux autres Régions. Celui-ci reprend la main sur l’ensemble de ses compétences en 2005. Néanmoins l’aménagement fait toujours l’objet d’un contrôle de l’État. En effet, le schéma directeur, renommé SDRIF en 1994, doit être validé par le Conseil d’État. L’État central peut donc toujours émettre un avis en opportunité sur le contenu, bloquant sa mise en œuvre et son caractère prescriptif6.

11 L’omniprésence de l’État laisse donc peu de place à l’institution régionale en Île-de- France et ne se limite pas à l’administration. Elle s’incarne aussi dans les agences qui participent à l’aménagement et à la structuration de l’espace francilien. Pour Estèbe et Le Galès, « il s’agit de la seule agglomération française (puisque l’Île-de-France est une agglomération) qui dispose d’opérateurs techniques et économiques à l’échelle de son espace » (Estèbe et Le Galès, 2003). Ces opérateurs (RATP, SNCF, Caisse des dépôts…) participent à la mise en œuvre de la stratégie de l’État sur le territoire régional et demeurent en étroite relation avec les élus locaux, acteurs économiques et autres usagers.

La force des individualismes locaux

12 À côté de l’emprise de l’État la Région pâtit également de la forte prégnance des individualismes locaux (Subra, 2009 ; Desjardins, 2010 ; Gilli, 2014). Cette situation a été propice à l’émiettement du territoire francilien et a par conséquent ralenti la formation de regroupements intercommunaux. Les communes ont en outre pu bénéficier d’une relative souplesse par rapport à l’intercommunalité grâce à la dérogation accordée par la loi dans l’attente de la création d’un statut et d’un territoire pour la Métropole du Grand Paris7.

13 Ainsi le morcellement du territoire régional, renforcé par la présence de niveaux multiples, a longtemps limité la Région à un rôle de guichet en direction des collectivités. Plus récemment l’introduction des contrats de plan État-Régions et de schémas complémentaires adossés au SDRIF a entraîné une évolution des rapports au profit d’une logique de partenariat entre la Région et les autres collectivités territoriales. Avec la loi MAPTAM la Région est renforcée dans l’exercice de ses compétences obligatoires ainsi que comme chef de file. Les financements régionaux interviennent désormais presque exclusivement dans le cadre d’appels à projets portant sur les priorités définies par le conseil régional. Le recentrage des moyens a pour effet de réduire les marges de manœuvre des autres collectivités à travers une mise en adéquation des projets déposés avec la stratégie régionale.

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14 Au final, la baisse des dotations en provenance de l’État et la dernière réforme territoriale semblent avoir atténué la concurrence entre les différents niveaux de collectivité en Île-de-France. En donnant un statut à la Métropole du Grand Paris, la loi choisit de consacrer le couple Région-Métropole comme le garant d’une organisation territoriale performante face aux enjeux de la mondialisation (Cremaschi et al., 2014).

La Métropole du Grand Paris : un nouveau frein à l’essor du pouvoir régional

15 La Région peine encore à incarner un leadership autour d’une vision partagée par l’ensemble des collectivités (Lefèvre, 2017). La création d’un échelon supplémentaire avec la Métropole du Grand Paris, porté par l’État, vient freiner cette ambition. Dès le départ la création du statut de métropole a soulevé le problème de la zone d’intervention. La métropole serait urbaine et le conseil régional se consacrerait aux territoires ruraux8. La loi a toutefois confirmé l’échelon régional en fixant l’exercice des compétences de la Région sur l’ensemble du territoire francilien. Les schémas régionaux sont aussi prescriptifs sur le territoire de la métropole et les décisions prises à ce niveau doivent s’y conformer.

16 La coexistence actuelle de la Région Île-de-France et de la Métropole du Grand Paris semble nourrir les rivalités entre deux échelles9 qui ne détiennent ni l’une ni l’autre la capacité politique d’imposer une vision globale du développement régional (Pasquier, 2017). Elle interroge également le maintien des niveaux intermédiaires – départements et intercommunalités – au sein de la Métropole. Le sort des départements inclus dans la Métropole vient juste d’être réglé à l’issue d’une décision ministérielle en date du 30 novembre 2018. En revanche, le statut des intercommunalités nouvellement créées10 s’avère pour le moment irrémédiablement lié à l’évolution de l’échelon métropolitain11.

Transfert des fonds de la politique de cohésion de l’UE : quel impact sur le pouvoir régional ?

Une intervention tardive de la politique de cohésion en Île-de-France (FEDER)

17 L’Île-de-France a bénéficié des fonds de la politique de cohésion12 pour la première fois en l’an 2000 après avoir pendant longtemps été exclue des zonages. Pour l’État ce refus s’explique par la nécessité de privilégier les territoires qui ne pouvaient jouir des mêmes conditions de développement économique que la région capitale. Les seuls fonds à vocation territoriale dont l’Île-de-France a pu bénéficier relevaient du programme d’intérêt communautaire URBAN. Ce programme, interrompu en 2006, était destiné à mener des actions expérimentales au sein de zones urbaines en difficultés. Les fonds mobilisés au titre d’URBAN étaient relativement limités et surtout circonscrits à quelques communes identifiées par l’État.13

18 Ce n’est qu’en 2000 qu’une petite partie de la région, au nord de Paris, est rendue éligible au FEDER14 avec l’extension de l ’Objectif 2 aux zones dites « en difficultés structurelles ». La délimitation inclut aussi les zones urbaines. Cette inflexion urbaine donnée à la politique de cohésion s’inscrit dans un mouvement général de

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reconnaissance des difficultés auxquelles les métropoles et plus généralement les villes sont confrontées. L’État a finalement accordé l’éligibilité francilienne au FEDER à l’issue de négociations difficiles. Les acteurs locaux15 ont même dû solliciter directement le Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, afin d’obtenir gain de cause. Dans leur mobilisation, les acteurs ont misé sur le fait que la grande rivale de Paris, Londres, était éligible au FEDER16 depuis 199417. Par ailleurs l’obtention de FEDER devait permettre de perpétuer l’effet de levier généré par la construction du Stade de France pour la coupe du monde de 1998 et démontrer ainsi la capacité des collectivités à travailler ensemble dans le cadre d’un projet de territoire18 (Rivière, 2011).

La Région et la politique de la cohésion : une expérience limitée

19 Face à l’État, incarné par la préfecture de région, la Région Île-de-France a longtemps exercé un rôle limité dans la mise en œuvre de la politique de cohésion. Avant 2007 le conseil régional s’est surtout mobilisé sur les questions européennes à travers la coordination de projets transnationaux (INTERREG). Il défendait également sa propre stratégie au niveau européen par l’intermédiaire de son bureau de liaison à Bruxelles. En revanche, la concentration des fonds Objectif 2 a plutôt bénéficié aux préfectures de département, qui étaient chargées de l’instruction des projets et de mobiliser les cofinancements de l’État19. L’exercice de ces missions permettait aux préfectures de renforcer leur proximité avec les territoires.

20 En retrait lors la programmation 2000-2006, le rôle de la Région a évolué progressivement au sein des instances officielles de la politique de cohésion en Île-de- France lors de la programmation 2007-2013. Le conseil régional a d’abord été étroitement associé à l’élaboration du programme opérationnel régional et de son volet urbain « In Europe ». Il siégeait également en tant que partenaire au sein du comité de programmation et coprésidait le comité suivi interfonds avec la préfecture de région.

21 Au cours de cette période, la Région a également obtenu la gestion déléguée d’une enveloppe de 117,7 millions d’Euros au titre du Fonds social européen20 pour sélectionner des projets inscrits dans ses domaines d’intervention (formation professionnelle, lutte contre les discriminations…)21.

22 L’augmentation du poids de la Région dans les instances de programmation et de suivi de la politique de cohésion est intimement liée au renforcement de ses compétences suite à l’acte II de la décentralisation. Le transfert de dotations a permis à la Région de devenir l’un des principaux cofinanceurs de la politique de cohésion de l’Union européenne (Pasquier, 2012) et d’être ainsi érigé en interlocuteur privilégié pour l’allocation des fonds structurels.

Le transfert de la gestion des fonds : vers un renforcement de l’action régionale sur les territoires ?

23 La décentralisation a conduit les Régions à revendiquer une implication plus importante dans la gestion des fonds de la politique de cohésion. Les conseils régionaux ont souhaité faire reconnaître leur proximité avec les territoires22. Suite à l’expérimentation menée en Alsace lors de la programmation 2007-2013 l’exécutif a reconnu la nécessité d’une gestion plus réactive. Dans une circulaire datée du 19 avril 2013 le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, accorde le transfert de la gestion des

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fonds structurels aux régions élues. Ce transfert a été rendu effectif pour la programmation 2014-2020 avec l’adoption de la loi MAPTAM23. Depuis la promulgation de la loi les conseils régionaux gèrent désormais 2/3 des fonds (FEDER, FEADER + une partie du FSE)24.

24 En tant qu’autorités de gestion les Régions endossent de nouvelles responsabilités. Elles organisent la consultation des partenaires au sujet des priorités d’investissement à retenir dans le programme opérationnel régional (POR)25. Elles sont également chargées de négocier l’enveloppe de crédits auprès de l’État, mais surtout des opérations de dépense et de contrôle.

Figure 2. Croisement des enjeux prioritaires du programme opérationnel régional Ile-de-France avec les objectifs de la politique de cohésion 2014-2020.

25 À l’intérieur de chaque POR 2014-2020 les régions européennes ont l’obligation de concentrer 5 % minimum des fonds sur les zones urbaines26. En revanche elles ont le choix des modalités de fléchage par une désignation simple des villes bénéficiaires ou par le biais d’une mise en concurrence. Le conseil régional d’Île-de-France a décidé de consacrer 20 % du montant du total POR27 à destination des zones urbaines en difficultés et de recourir au nouvel instrument élaboré par la Commission européenne, l’investissement territorial intégré (ITI), dans le cadre d’un appel à projets spécifique28. En dépit de la part investie dans le volet urbain, le montant total des fonds européens29 est relativement faible en Île-de-France. Néanmoins, les fonds structurels concrétisent une dotation supplémentaire – même si leur gestion est distincte du budget régional – dans un contexte de diminution des apports de l’État aux collectivités30.

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Le renforcement des capacités administratives de la Région

26 L’utilisation des fonds européens nécessite le renforcement des capacités administratives de la Région. Parmi les crédits alloués pour la politique de cohésion une partie est d’ailleurs destinée à l’assistance technique. Le conseil régional s’est donc doté d’une direction des financements européens en 2014. Elle a été ensuite renommée direction des affaires européennes. Cette direction est composée d’agents d’autres services et d’agents transférés par la préfecture de région. Les services de cette direction ont été remaniés à plusieurs reprises afin de s’adapter aux exigences liées au suivi de la programmation.

27 La mise en œuvre de la politique de cohésion prône la diffusion d’un modèle néo- managérial de bonne gestion des deniers publics ou les fins sont aussi importantes que les moyens. La réglementation relative à la mise en œuvre de la politique de cohésion fixe un cadre rigide permettant d’assurer une traçabilité complète des dépenses. Des contrôles ont lieu à chaque étape de la procédure. Par conséquent il est exclu toute possibilité d’arrangement au détriment de l’accord de partenariat31 passé au niveau national avec la Commission européenne. Pour se mettre en adéquation avec les exigences européenne la Région a progressivement renforcé son pôle gestionnaire. Actuellement, près d’une quarantaine de personnes sont affectées au contrôle des opérations, à la mise en paiement et à l’évaluation du programme. Suite au transfert de gestion des fonds la Région Île-de-France a dû s’adapter très rapidement. L’inexpérience mais surtout la faiblesse des effectifs de départ ont conduit la direction des financements européens du conseil régional à lancer des appels à projets tels que les ITI afin de programmer rapidement des opérations importantes. Une fois les projets sélectionnés, il s’agissait aussi de privilégier la formation des bénéficiaires afin de limiter les risques de non-paiement32.

28 L’animation territoriale des fonds, dont l’objet est d’informer les bénéficiaires et les citoyens de l’action européenne, a cependant été déployée plus lentement33. La Région a recruté quatre développeurs thématiques chargés de la promotion des différents programmes européens par secteur et d’aider les porteurs à constituer leur dossier. Pour la collectivité il s’agit d’une stratégie offensive visant à maximiser l’obtention de financements et, de cette façon, se faire reconnaître comme l’interface entre l’Union européenne et les Franciliens. Les moyens concernant la communication et les réalisations à destination des publics sont comparativement plus faibles. Une seule personne est dédiée à la communication et deux autres à la mise en œuvre de la stratégie régionale et des relations avec les citoyens34. En pratique la Région est rarement présente lors des évènements grand public tels que les « fêtes de l’Europe »35. Pour le moment le volet citoyenneté de l’action régionale semble se limiter à une forme d’intermédiation avec les acteurs de la société civile. Elle s’effectue par l’intermédiaire d’un appel à projets auxquels émargent surtout des associations reconnues pour leur engagement en faveur du projet européen (Maison de l’Europe, Mouvement européen…)36.

29 La sélection des opérations cofinancées par les FESI est reliée aux priorités d’investissement inscrites dans le POR. Les décisions d’attribution des fonds ne sont pas validées en commission permanente, instance où se réunissent les élus régionaux. Elles sont prises lors des comités régionaux de programmation (CRP) réunissant les

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représentants de la Région, de l’État mais aussi des organismes désignés au titre du partenariat régional tels que les territoires « ITI ».

La nécessité de réinterroger les liens entre la Région et les territoires face à la construction métropolitaine

30 Les territoires éligibles aux ITI en Île-de-France ont été sélectionnés à l’issue de la procédure d’appel à projets « Interact’if » qui s’est déroulé au cours du premier semestre 2015. La procédure de sélection a engendré un nouveau mode de relation entre la Région et les intercommunalités.

Faire respecter les équilibres territoriaux et établir le lien avec les autres politiques contractuelles

31 Les territoires porteurs d’un « ITI » ont été sélectionnés au titre d’un appel à projets élaboré à partir de l’ensemble des axes du programme opérationnel régional. Les partenaires locaux ont été consultés à plusieurs reprises dès 2013 par le conseil régional sur la sélection des investissements à prioriser.

32 Le choix de cette procédure visait à limiter le nombre de candidatures potentielles37. La Région a donc décidé de circonscrire l’appel aux intercommunalités (EPCI)38 signataires d’un contrat de ville et par ailleurs incluses dans des dispositifs de contractualisation comme les contrats de développement territoriaux du Grand Paris (CDT) ou le « PACTE » pour le développement économique et l’emploi. Tous ces critères sont cumulatifs car ils font écho à l’existence d’un projet de territoire, indispensable au portage d’un ITI.

33 En optant pour une telle procédure de sélection le conseil régional a fait le choix de promouvoir les territoires qui portent une stratégie territoriale multi-acteurs, en cohérence avec les schémas d’action relevant de sa compétence : développement économique, cohérence écologique ou innovation. Ces schémas sont d’autant plus renforcés qu’ils sont désormais connectés aux objectifs de la politique de cohésion. Il en est de même des politiques contractuelles de l’État comme les contrats de ville. Ces contrats ont été abondés d’une partie des fonds structurels au titre du volet urbain ou du programme opérationnel national du Fonds social européen39.

34 En dehors des critères formels la Région a choisi de tenir compte d’un certain équilibre territorial. Elle souhaitait reconduire les territoires déjà sélectionnés au titre de l’axe urbain lors de la programmation précédente sans pour autant garantir leur désignation. Il lui était d’ailleurs difficile de limiter a priori un nombre de territoires éligibles au risque de fausser l’appel à projets et de circonscrire les ITI « à la Seine-Saint- Denis ou à Sarcelles40». Ainsi, des territoires qui n’avaient jamais été bénéficiaires de FEDER pour leur propre compte, et qui apparaissent comme plus favorisés, à l’instar de la ville de Paris41 ou le sud des Hauts-de-Seine, ont été sélectionnés. Suite au changement de majorité lors des élections régionales de 2014, trois autres candidatures d’intercommunalités de la grande couronne ont été repêchées afin d’élargir la couverture territoriale et garantir un certain équilibre entre les zones densément urbanisées de la métropole et le reste de l’aire urbaine parisienne42. Au final le nombre

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des territoires sélectionnés est passé de 12 à 15 en Île-de-France. Elle est la région de France qui a déployé le plus d’ITI en zone urbaine43.

Figure 3. Les territoires de mise en œuvre des investissements territoriaux intégrés en Île-de- France (ITI).

Articuler les priorités d’investissement avec les besoins des territoires

35 Pour les services de la Région la sélection du contenu des opérations nécessite d’arbitrer en fonction des fonds disponibles et des priorités d’investissement inscrites dans le programme opérationnel.

36 Au moment de la sélection des territoires ITI les services de la Région vont d’abord examiner le contenu des opérations en opportunité en fonction de leur adéquation avec la Stratégie Europe 2020. Le critère du contenu vaut pour un tiers de la note. Les appréciations émises à l’issue de la procédure d’instruction ont permis de relever de fortes disparités entre les différents projets déposés44.

37 La Région organise ensuite une concertation avec chacun des territoires afin d’échanger sur leur plan d’actions. Le dialogue mené doit participer à l’élaboration d’un compromis autour des opérations éligibles. Ici, la tension entre logique de guichet et cohésion territoriale est très présente. De nombreux projets ne correspondent pas aux priorités d’investissement car il s’agit d’équipements locaux (complexes sportifs, garderies, écoles…) dont le financement est considéré comme relevant du droit commun. À l’inverse les collectivités peuvent interpréter scrupuleusement le POR. Il revient donc à la Région de faire un choix entre deux projets de nature similaire mais

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dont la pertinence est jugée discutable en tenant compte à la fois du territoire et de la présence d’une opération identique à proximité45.

38 Si la sélection des territoires assure l’obtention d’une enveloppe pluriannuelle, cela ne garantit pas pour autant l’éligibilité aux cofinancements européens de tous les projets inscrits dans le plan d’action. Localement des comités de « programmation » ou de « partenaires » se réunissent en amont de la validation en CRP afin de pré-instruire les projets. Leur composition est validée lors de la procédure de désignation des ITI. On y trouve des représentants des territoires (techniciens et élus locaux) et les services de la Région. Ce type de configuration contribue à rééquilibrer le rapport de force entre les intercommunalités et la Région. A l’intérieur de ces instances les autorités urbaines ont la maîtrise des projets qu’elles souhaitent déposer. Il arrive que les projets initialement prévus soient remplacés par d’autres. Ici, la Région ne peut simplement que rechercher la conformité des opérations avec le programme opérationnel et émettre des remarques sur le plan de financement avant le passage en comité régional de programmation.

39 Pour la Région l’utilisation de l’ITI nécessite d’accorder les besoins des collectivités territoriales avec les objectifs de la programmation car il s’agit surtout d’éviter le dégagement d’office, autrement dit, le retour des fonds non programmés à Bruxelles46.

La Région : une position intermédiaire entre l’Union européenne et les territoires

40 La politique de cohésion en tant qu’enjeu fait intervenir une multitude d’acteurs défendant tous leurs propres intérêts. Les configurations au sein desquelles cette politique est débattue conduisent les acteurs à se repositionner en tentant d’influer sur ses orientations (Smith, 1996). Désormais la mise en œuvre de la politique de cohésion relève pour une large part de la Région. À ce titre et en accord avec l’État français, les conseils régionaux sont reconnus comme des interlocuteurs officiels de la Commission européenne. Dans le cadre des ITI, la Région endosse même le rôle d’intermédiaire entre les collectivités infra régionales et l’Union européenne. Signalons qu’entre ces deux niveaux les relations sont irrégulières et bénéficient davantage aux entités les mieux organisées47. Pour combler cette insuffisance, la Commission européenne peut s’appuyer sur les comités de suivi mais il est difficile de considérer de telles instances comme des lieux d’échanges car les débats ne portent que sur les aspects budgétaires et réglementaires. De plus, elles demeurent sous le contrôle de la Région.

41 En parallèle, des réseaux comme URBACT48 ou plus récemment l’Urban development network49 à destination des territoires ITI ont été créés afin de faciliter la mise en relation entre les autorités participantes en dehors des instances traditionnelles d’échange. L’information sur ces réseaux transite par l’autorité de gestion qui la transmet ensuite aux autorités urbaines. Néanmoins le dynamisme de ces réseaux repose uniquement sur la volonté des collectivités d’y prendre part en fonction du bénéfice qu’elles peuvent en tirer au regard de leurs propres priorités.

Conclusion

42 En France, le pouvoir régional, déjà renforcé dans ses compétences par la loi NOTRE, semble bénéficier d’un levier supplémentaire grâce au transfert des fonds européens

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structurels et d’investissement (FESI). De même, en dépit de la suppression de la clause de compétence générale, les FESI assurent au niveau régional une capacité d’intervention supplémentaire en matière de politique de la ville ou de logement. Dans ces domaines la Région exerce une compétence partagée avec les autres échelles d’intervention.

43 En Île-de-France ce n’est pas le montant des fonds alloués, somme toute relativement faible, qui va modifier les rapports entre les différentes échelles mais les règles associées à leur utilisation. Ici le transfert des fonds permet au conseil régional d’incarner ses propres compétences non seulement face à l’État mais aussi, désormais, vis-à-vis de la Métropole du Grand Paris et aux autres collectivités infra-régionales. Par l’intermédiaire des ITI le pouvoir régional donne un avis concernant le financement des investissements des intercommunalité. Malgré l’absence de tutelle il convient d’admettre une relation inégale entre la Région et les territoires. Au sein d’une telle configuration caractéristique de la gouvernance multi-acteurs, qui symbolise la mise en œuvre politique de cohésion (Jeffery, 1995; Hooghe et Marks, 2001), la Région n’est cependant pas libre. Elle est prise entre l’obligation de faire respecter les objectifs thématiques de la Commission européenne et la nécessité de programmer les fonds. Dans ce contexte les capacités de négociation des acteurs locaux sont limitées, d'où le renversement des rapports susceptibles de résulter de ces contraintes.

44 Au final, si le transfert des fonds participe au renforcement du pouvoir régional, il offre aux Régions un accès limité au processus décisionnel de l’Union européenne. La politique de cohésion demeure en effet une politique d’aménagement et de développement local dont les priorités sont définies par les États membres et la Commission européenne en réponse aux objectifs fixés par la Stratégie Europe 2020 (ex- Stratégie de Lisbonne). Les États membres sont toujours chargés de répartir les montants des fonds structurels entre les différentes régions (« les plus développés », « en transition » ou « les moins développées ») en tenant compte de leur niveau de richesse. Ainsi, les Régions ne pourront être réellement autonomes que lorsqu’elles maîtriseront non seulement les orientations mais aussi l’affectation des crédits de cette politique.

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NOTES

1. Par la suite, nous désignerons la région élue avec « R » pour la distinguer des services déconcentrés de l’État français en région. 2. Suite à la suppression de la clause de compétences générale pour les Régions et Départements par la loi NOTRE du 7 août 2015, les Régions ont été réaffirmées dans leur rôle de chefs de file dans des domaines tels que le développement économique, la recherche et l’innovation et la formation professionnelle. 3. Le rôle de chef de file ne signifie pas pour autant que la Région exerce une tutelle sur les autres collectivités territoriales. La tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre est par ailleurs interdite par la Constitution française (Article 72, al.5). 4. Cette région a aussi bénéficié des fonds structurels (FEDER) plus tardivement que les autres régions françaises et dans une moindre proportion. Pour Dabrowski & Graziano (2016) cette situation peut laisser suggérer que la politique de cohésion pèse faiblement sur les transformations de l’action publique dans cette région. 5. Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région de Paris. 6. L’absence de vision partagée entre l’État et la Région Île-de-France au sujet du Grand Paris a ralenti l’adoption du Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF). Ainsi, le document a été adopté dans sa version définitive en 2013, soit six ans après sa première présentation. 7. L’amendement Dallier adopté dans le cadre du débat parlementaire de la loi réforme des collectivités territoriales (RCT) de 2010 prévoyait de déroger au principe de généralisation obligatoire de l’intercommunalité à fiscalité propre au sein des quatre départements de Paris et de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val de Marne). 8. Actuellement, le débat n’est toujours tranché. Pour Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris dans Le Parisien du 24/07/2017 : « Nous n’avons pas vocation à nous occuper des territoires agricoles, c’est la compétence de la Région ». 9. La concurrence entre la Métropole et la Région s'est exprimée dernièrement dans le cadre d'appels à projet lancés successivement par le conseil régional d’Île-de-France, la Métropole du Grand Paris mais aussi la Ville de Paris. Ces appels, aujourd’hui clôturés, ont permis de sélectionner les grands projets architecturaux destinés à incarner une représentation du territoire propre à chacune de ces mailles (Béhar et Delpirou, 2018). La conduite d’initiatives similaires a exacerbé les rivalités entre échelles d’intervention, montrant également l’incapacité des acteurs politiques à s’accorder autour d’une vision

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unifiée relative à la gouvernance de la région capitale. Sur le conflit relatif aux lancements conjoints par la Région Île-de-France et la Métropole du Grand Paris voir notamment : « la Région Île-de-France et la Métropole du grand Paris se déchirent », Le Monde, 15 octobre 2016. 10. Etablissements publics territoriaux (EPT) de la Métropole du Grand Paris. 11. Des établissements publics territoriaux (EPT) ont été créés suite à la loi portant nouvelle organisation des territoires de la république (NOTRE) du 7 août 2015. Il est prévu le retour des fiscalités des EPT à la Métropole en 2021, ce qui pourrait limiter les possibilités d’investissement à ce niveau. 12. Elle perçoit cependant du Fonds social européen au titre de l'Objectif 3 (insertion professionnelle et lutte contre le chômage). Le FSE ne cible pas les territoires mais les individus. 13. (URBAN 1 (1994-1999) : Mantes-la-Jolie, Les Mureaux, Clichy/Montfermeil, Aulnay- sous-Bois (lors de la première phase) + Grigny/Viry-Châtillon lors d’URBAN 2 en 2000-2006). 14. 27 communes localisées dans le département de la Seine-Saint-Denis, du Val d’Oise et des Hauts-de-Seine (soit 4% de la population francilienne). 15. Les acteurs locaux étaient représentés essentiellement par le conseil régional et les collectivités territoriales de Seine-Saint-Denis (en particulier le département de Seine- Saint-Denis et la communauté d’agglomération Plaine-Commune). 16. « Sur la période 1994-1999, Londres avait été éligible à l’Objectif 2. A l’époque, nous n’avions eu que du KONVER et de l’URBAN. C’est en prenant cet exemple et en faisant un parallèle des formes qu’il y a une prise de conscience collective et que certaines actions de lobbying ont été menées en vue d’intervenir sur la programmation 2000-2006 » (entretien bureau Île-de- France Europe, mai 2015). 17. La capitale britannique est devenue éligible au FEDER depuis 1994 en compensation de l’absence de reconduction des projets partenariaux urbains (PPU) sur son territoire (Tofaridès, 2003). 18. « La région et le 93 sont intervenus ensemble directement auprès du Premier ministre, car la DATAR, à l’époque, ne voulait pas que l’Île-de-France devienne éligible » (Bureau Île-de-France Europe, mai 2015). Par ailleurs, le soutien de personnalités politiques de premier plan a pu également jouer un rôle dans l’éligibilité du territoire : « Il y avait Dominique Strauss- Kahn le ministre des finances, à Sarcelles, puis Lionel Jospin Premier ministre… » (Service ressources extérieures, Plaine-Commune, mars 2013). 19. En 2007, avec la suppression des zonages et la multiplication des organismes intermédiaires, les débats sont organisés en mode restreint au sein de la préfecture de région. La préfecture de département n’a plus qu’un accès aux projets qu'elle instruit elle-même :« Ils ont conservé l’intitulé des comités des partenaires locaux de 2000-2006 mais totalement vidé de son contenu. On est prévenu 15 jours avant et… on a les demandes de concours puis c’est tout… On n'a pas les subventions globales. Il s’agit uniquement de ce qui est instruit par le service unique responsable de la préfecture de Seine-Saint-Denis » (entretien service ressources extérieures Plaine-Commune, mars 2013). 20. A la fin de la programmation, près de 59% des fonds alloués n’ont pas été utilisés. 21. Cette enveloppe n’a pas été entièrement utilisée. Les raisons invoquées dans le rapport du CESER sont : une programmation insuffisante, règles de gestion insuffisamment respectées et absence de dispositifs de contrôle, manque de culture de gestion européenne au sein de la Région). En 2007-2013, la Région Île-de-France disposait d’une direction Europe rattachée à l’Unité affaires européennes et

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internationales. Cette direction était composée de trois agents dédiés aux programmes de coopération territoriale et au FEDER. Ces agents assistaient aux comités de programmation régionaux. En revanche, ils n’étaient pas chargés de la gestion de l’enveloppe de FSE. La gestion revenait à la direction de la formation professionnelle, en charge d’assurer la gestion du FSE à côté de ses propres dispositifs. 22. Cet argument a été à la fois avancé par l'Association des Régions de France (ARF), les services de l’État et par François Hollande, le 5 octobre 2012, pour justifier le transfert des fonds vers la Région. Il est également revendiqué des institutions plus économes dans la gestion et plus rapides dans l'allocation des moyens. 23. La région Alsace devient autorité de gestion en 2007-2013 au titre d'une expérimentation menée depuis 2003 (FEDER). Au cours de cette même période, au titre de l’objectif « coopération territoriale », l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais exerçait également les fonctions d'autorité de gestion du programme INTERREG IV B Europe du Nord-Ouest. 24. En Île-de-France, le montant des fonds octroyés dans le cadre de la politique de cohésion (2014-2020) est de 911millions €. 25. Les priorités d’investissement inscrites dans le POR doivent ensuite s’accorder aux objectifs thématiques fixés par l’Union Européenne. La Région choisi ensuite les priorités qu’elle retient parmi 11 objectifs thématiques. L’Île-de-France, en tant que région dite « compétitivité » est plus faiblement dotée en FEDER. Elle a donc opté en faveur d’objectifs thématiques permettant d'allier cohésion territoriale et compétitivité. 26. Une préconisation de l’association des régions de France (ARF) portait cette part à 10 %. 27. Ce montant s’élève à 540 millions € pour la période 2014-2020. 28. Dans ces 20 %, une partie non négligeable de FEDER (36% du montant total) est consacrée aux ITI, soit 96 millions €. 29. Renommées en 2014 Fonds européens structurels et d’investissement (FESI). 30. Cf interview de Valérie Pécresse : « notre région est devenue la plus économe de France » dans le Parisien, 10 janvier, 2017. 31. L’accord de partenariat valide le champ d’intervention de la politique de cohésion en étroite relation avec les objectifs de la Stratégie Europe 2020. La Stratégie Europe 2020 réforme et prolonge la précédente stratégie de Lisbonne par une gouvernance plus étroite au sein de l'Union Européenne. Son objectif : développer une croissance « intelligente, durable et inclusive », accompagnée d'un haut niveau d'emploi, de productivité et de cohésion sociale (CE, 2010). 32. « Il s’agit davantage de prioriser la formation des porteurs de projets que d’en trouver de nouveaux » (entretien, Direction des affaires européennes, conseil régional d’Île-de- France, juillet 2016). 33. L'ancien vice-président socialiste aux affaires européennes, Roberto Romero, avait annoncé la mise en place « d'une brigade mobile » à destination des territoires pour les accompagner dans le montage de projets ITI. Cette brigade n'a jamais été constituée en amont de l'appel à projets ITI. L'animation du volet urbain relevait d'un agent dédié et de son chef de service. À l'issue de l'appel à projets, deux agents ont été recrutés pour le suivi spécifique des fonds FEDER et FSE. 34. Cette évolution fait suite à l’élaboration d’une stratégie européenne au niveau régional en 2017.

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35. Le conseil régional était absent de la traditionnelle fête de l’Europe de Paris en 2017 et 2018 alors que l’État était représenté par le SGAE et le Rectorat de Paris et l’UE par la représentation de la Commission et celle du Parlement en France. 36. La Mairie de Paris soutient une stratégie similaire dans le cadre d’un « Label Europe » qu’elle décerne chaque année à l’issue d’un appel à projets. Ce label récompense les initiatives menées par des associations ou des établissements scolaires en faveur de la promotion de la citoyenneté et de la solidarité en Europe. 37. 18 candidatures ont été formellement déposées à la clôture de l’appel à projets ITI en mai 2015. 38. Au moment du lancement de la programmation, les Établissements publics territoriaux du Grand Paris n’étaient pas constitués. Les établissements publics de l’État étaient également éligibles. Pour les villes, les conditions de leur exclusion n’ont pas été formellement clarifiées en raison de la déclaration d’éligibilité de la Ville de Paris. La Ville d’Orly a notamment déposé un dossier de candidature ITI. La candidature a été jugée recevable et évaluée. Cependant, elle n’a pas été sélectionnée. 39. « En France, il est prévu d'engager globalement, au bénéfice des quartiers prioritaires de la politique de la ville, 10% minimum des fonds européens FEDER et FSE » (source : http//:ville.gouv.fr). 40. Entretien, Direction des affaires européennes, conseil régional d’Île-de-France, février 2014. 41. Il y a une adaptation du règlement de candidature au profit de la ville de Paris. L'intérêt d'une candidature de Paris à l'ITI était stratégique d'un point de vue politique, mais, d’un point de vue plus technique, permettait de programmer des opérations sur du FSE, fond réputé difficile à programmer. « Paris avait tissé un partenariat avec Est- Ensemble pour en mettre en place des projets avec du FSE. Et on avait un peu le pressentiment qu’à part Paris, il n’y a pas beaucoup d’intercommunalités qui porteraient des projets FSE… C’était vrai Paris est autour de 50% alors que les autres sont plutôt autour de 20% » (entretien, Direction des affaires européennes, conseil régional d’Île-de-France, juillet 2016). 42. Au titre de la programmation actuelle, la Seine-Saint-Denis concentre à elle seule 4 ITI (Plaine-Commune, Est-ensemble, Clichy-Montfermeil et Terres de France). 43. Seule la région Bretagne compte davantage d’ITI que l’Île-de-France parmi les 16 régions (avant la réforme) qui ont mobilisé cet outil. Toutefois, en Bretagne l’ITI ne bénéficie qu’à Rennes et Brest en zones exclusivement urbaines. Les 19 autres ITI incluent également des zones rurales. 44. La moyenne de l'ensemble des notes obtenues pour chaque ITI concernant le contenu des programmes est de 4,18/8. Cet écart marque de grandes disparités entre territoires portant essentiellement sur l'adéquation entre les opérations et les politiques contractuelles (politique de la ville, stratégie régionale, Stratégie Europe 2020). 45. « Les projets gris sont ceux dont on ne connaît pas les cofinanceurs ou ceux dont on doit évaluer la pertinence comme les incubateurs et pépinières d’activité pour voir s’il existe déjà une offre de proximité. On les met en attente à l’instruction, mais, par contre, on prévoit la possibilité de les présenter dans un second temps. Il y a eu six mois durant lesquels nous nous sommes également appuyés sur nos délégués territoriaux qui avait une vision des territoires et de la cohérence d’ensemble des stratégies » (entretien, Direction des affaires européennes, conseil régional d’Île-de-France, juillet 2016). 46. Valérie Pécresse déclare elle-même lors d’un entretien au JDD : « J’ai découvert que la région n’allait pas chercher les fonds européens » in Thibault Marotte, « Quand Valérie

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Pécresse et Pierre Moscovici parlent d’Europe », Le journal du Dimanche, 30 novembre 2017. 47. Certaines collectivités infrarégionales françaises sont membres de groupes d’intérêt tels que le Conseil des communes et régions d’Europe (CCRE) ou Eurocities. Cette dernière instance porte au niveau européen les intérêts des villes de plus de 200 000 habitants. 48. URBACT est un programme de coopération territoriale dédié au partage d’expériences entre villes. 49. L’Urban development network est un réseau informel d’échange piloté par la DG Regio. Ce réseau inclut les autorités urbaines bénéficiaires de FESI au titre du volet urbain de la politique de cohésion (ITI ou non), les autorités de gestion des fonds et les autorités nationales chargées d’animer la programmation (ex. : en France CGET).

RÉSUMÉS

La politique de cohésion de l’Union européenne est considérée comme une variable des changements locaux ou régionaux. En France la programmation 2014-2020 marque un tournant. En effet, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 a statué sur le transfert aux conseils régionaux de la gestion d’une grande partie des fonds structurels, auparavant gérés entièrement par l’État. À travers l’exemple de l’Île-de-France, notre propos consiste à interroger la place nouvellement acquise par la Région. Nous nous sommes ici particulièrement intéressé au volet urbain de la politique de cohésion, suite à l’introduction d’un nouvel outil : l’investissement territorial intégré (ITI), dont la mise en œuvre participe à la mise en relation entre les différents niveaux de collectivités.

EU Cohesion Policy is considered as a variable of local or regional change. In France, the 2014-2020 programming period is at a turning point. Indeed, in the last territorial reform of 2014, it was decided to transfer the management of a large part of the structural funds from the State to the regional authorities. Through the example of Ile-de-France Region, we aim to question the new position of the regional institution. We particularly focused on the urban dimension of the Cohesion Policy, as a mean to connect the various levels of local authorities, following the creation of a new tool: the Integrated Territorial Investment (ITI).

INDEX

Keywords : UE Cohesion Policy, Ile-de-France, region, Integrated territorial Investment, metropolis Mots-clés : politique de cohésion de l’UE, Île-de-France, région, investissements territoriaux intégrés, métropole

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AUTEUR

BRICE LAMENIE

Doctorant, UMR 8504 CNRS Géographie-Cités, Université Paris 7 Denis Diderot, [email protected]

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Les eurorégions dans la presse en ligne : procédés discursifs d’attribution de reconnaissance sociale Euroregions in the online press: discursive processes of attribution of social recognition

Marie-Hélène Hermand

Les eurorégions au cœur de l’évolution du régionalisme

1 L’objectif de cet article est de comprendre comment les eurorégions gagnent de la visibilité dans le discours de presse. L’analyse de la couverture médiatique des eurorégions intéresse les géographes car elle éclaire la manière dont la presse parle d’entités géographiques complexes inscrites au cœur de la dynamique de l’évolution des régions et du régionalisme en Europe. Sanguin (2007) définit les eurorégions comme des « entités territoriales transfrontalières dont l’objectif est de créer un espace transfrontalier intégré à travers des politiques spécifiques d’aménagement du territoire » et identifie plusieurs vagues de développement qui, d’Ouest en Est, aboutissent à couvrir d’eurorégions l’actuelle Union européenne (UE). Une première vague concerne les expérimentations visant le développement économique urbain de l’espace régional de Bâle et de ses influentes industries pharmaceutique et textile (Regio Basiliensis fondée en 1963 et connue aujourd’hui sous le nom TriRhena). Une deuxième vague concerne l’extension au cœur du noyau historique de l’UE dans les zones frontalières du Benelux, de l’Allemagne et de la France (Meuse-Rhin créée en 1976, Rhein-Waal en 1978, Pamina en 1988, Saarlorlux en 1995). Une troisième vague concerne les zones frontalières entre l’ancienne UE à 15 et les nouveaux pays entrés en 2004 dans l’UE (Pomerania en 1991, Pro Europa Viadrina et Egrensis en 1993) et une

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quatrième vague concerne des pays de l’ancien empire soviétique (Eurorégion trinationale Danube-Kries-Mures-Tisza). Depuis le milieu des années 2000, le nombre d’eurorégions continue de croître (Pyrénées-Méditerranée en 2004, Bánát Triplex Confinium en 2009, Aquitaine-Euskadi en 2011…) pour dépasser actuellement la centaine (Perrin, 2014).

2 Outre cette prolifération d’eurorégions dans l’espace européen, il convient de rappeler que le cheminement temporel de leur mise en place ouvre la perspective d’un glissement progressif des centres névralgiques en Europe (Alliès, 2011, p. 253). Souvent autoproclamées et dotées d’une forte valeur symbolique, les eurorégions ont d’abord eu pour mission de « cicatriser l’histoire » (Rougemont, 1972) de part et d’autre des frontières lors de la réconciliation après la Seconde Guerre mondiale. En 1980, les accords entre régions frontalières sont légitimés et facilités par l’adoption de la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière (dite Charte de Madrid). Les années 1990 marquent ensuite une étape d’encouragement de la politique de coopération transfrontalière et la multiplication des eurorégions. La Commission européenne finance des projets transfrontaliers au moyen du programme INTERREG (créé en 1990) tandis que le Conseil de l’Europe souligne, dans la Déclaration de Vienne (1993), l’importance de la coopération transfrontalière pour la stabilité démocratique de l’espace européen. Les eurorégions profitent aussi du contexte lié à la création du Comité européen des régions (1994) né dans la foulée du Traité de Maastricht pour se développer au sein de l’UE et installer progressivement des représentations à Bruxelles. Les dispositifs transfrontaliers sont enfin élargis aux pays d’Europe centrale et orientale lors de la politique de voisinage lancée en 2003 par l’UE. Les eurorégions s’inscrivent ainsi dans les logiques de régionalisation observées à la fois en Europe de l’Ouest (Cole, Palmer, 2009) et de l’Est (Wassenberg, 2010).

3 Le droit, par voie conventionnelle ou institutionnelle, contribue également à leur formalisation. Plusieurs outils juridiques, qui ont fait l’objet d’un guide pratique publié par la Mission opérationnelle transfrontalière (2013), visent à structurer et à consolider les coopérations transfrontalières. On citera le Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) qui formalise des accords bilatéraux de coopération transfrontalière entre collectivités territoriales et organismes publics locaux (p.ex. Accord de Karlsruhe en 1996, Accord de Bruxelles, 2002), le Groupement européen de la coopération transfrontalière (GECT) créé en 20061 pour offrir une structure pérenne et autonome dotée d’une forte visibilité européenne, ou encore le Groupement eurorégional de coopération (GEC), créé en 20132, qui présente une structure très similaire à celle du GECT. La carte des GECT mise à jour en 2018 permet de se représenter la portée géographique de cette gouvernance transfrontalière en construction (figure 1).

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Figure 1. Les GECT créés en Europe, 2018.

Source : http://www.espaces-transfrontaliers.org/ressources/cartes/maps/show/les-gect-crees-en- europe/ (consulté le 21/12/2018)

4 Les eurorégions renvoient enfin à des structures de droit public (accords interétatiques) ou de droit privé (associations à but non lucratif, fondations)3 chargées de répondre à des enjeux transfrontaliers dans de nombreux domaines tels que la santé, l’éducation et la recherche, les transports, l’environnement, la culture ou les technologies. Cette situation évolutive à tous les niveaux (géographique, historique, juridique) aboutit à une grande diversité d’associations territoriales et à des degrés variables de formalisation institutionnelle qui rendent le thème eurorégional particulièrement complexe à vulgariser.

L’émergence de la couverture médiatique des eurorégions sur le web

5 L’analyse du discours de presse dédié aux eurorégions a pour objectif d’alimenter les réflexions engagées sur la production sémantique de lieux transfrontaliers (Hamez et al., 2013 ; Reitel, Moullé, 2015). Par discours de presse, nous entendons les discours d’information qui constituent des « lieux de passage » (Beacco, Moirand, 1995, p. 50) à la croisée des discours institutionnels et économiques et qui cherchent à « être le plus crédible possible tout en attirant le plus grand nombre possible de récepteurs » (Charaudeau, 1997, p. 72).

6 La manière dont les eurorégions sont relayées dans la presse renvoie à la question de la distinction centre-périphérie dans le sens où les eurorégions cherchent à conquérir une « centralité visible » (Sanguin, 2007) alors qu’elles sont composées de régions frontalières éloignées des centres de décision nationaux. Comprendre cette quête de visibilité constitue un enjeu de taille pour des chercheurs en géographie et en

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communication. En effet, les eurorégions concernent une population évaluée, selon les études, entre 40 % et 60 % des personnes qui résident au sein de l’UE (Morata, 2010). Et force est de constater qu’elles sont mal connues des citoyens : selon l’Eurobaromètre de 2015, 31 % seulement des personnes vivant dans des régions frontalières connaissent les activités de coopération transfrontalière financées par l’UE dans leur région4.

7 Nous aborderons la question de la médiatisation eurorégionale par le biais de la presse en ligne car, en tant que « medium qui ne laisse pas indifférents les acteurs décidés à promouvoir l’idée européenne » (Utard, 2014), le web constitue un observatoire très vivant des contenus véhiculés dans la presse au sujet des eurorégions. Nous faisons l’hypothèse générale que le discours de presse est susceptible de contribuer à la diffusion du référent « eurorégion » auprès des publics médiatiques. Pour envisager cette hypothèse, nous avons extrait 177 articles de presse de notre corpus de thèse dédiée à l’analyse des différents types de discours en ligne (institutionnels, économiques, médiatiques, associatifs) consacrés aux eurorégions (Hermand, 2017). Tous différents, ces articles de presse publiés entre 1996 et 2014 forment un corpus multilingue (français, italien, espagnol, anglais, allemand, néerlandais) (figure 2). Dispersés dans 160 titres disponibles en ligne, ils émanent essentiellement et à parts presqu’égales d’organes de presse nationale et régionale, la presse européenne et les titres transfrontaliers constituant des sources moins fournies (figure 3). Chaque article inséré dans le corpus contient au moins une occurrence du nom commun eurorégion ou de ses traductions (p. ex. euregio, euroregione, eurorregión) ou une dénomination propre eurorégionale (p. ex. Pyrénées-Méditerranée) (figure 4). Les eurorégions mentionnées dans le corpus médiatique peuvent être en activité (p. ex. Aquitaine-Euskadi rebaptisée en 2016 Nouvelle Aquitaine-Euskadi-Navarre) ou dissoutes (p.ex. Transmanche), dotées (p. ex. Lille-Courtrai-Tournai) ou non (p.ex. Alpes-Méditerranée) d’un statut de GECT.

8 Le nombre d’articles dédiés aux eurorégions augmente par à-coups correspondant aux périodes d’élargissement de l’UE (2004) et d’octroi par le Parlement européen de fonds visant à promouvoir la politique régionale (2009)5. Mais c’est surtout avec le développement remarquable du statut de GECT (à partir de 20126) qu’augmente le nombre d’articles sur le thème eurorégional (figure 5). Les eurorégions font enfin l’objet d’une publicisation éparse : les articles qui leur sont consacrés figurent dans une très grande variété de rubriques de presse dont l’intitulé peut être générique (p. ex. Actualités) ou très spécifique (p.ex. Limbourg Locales, Chiemgau) (figure 6).

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Figure 2. Répartition des articles dédiés aux eurorégions en fonction des langues.

Figure 3. Répartition des articles dédiés aux eurorégions en fonction des types de presse.

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Figure 4. Nombre d’articles en fonction des eurorégions citées dans le corpus de presse dédié aux eurorégions.

Figure 5. Progression des nombres d’articles et d’occurrences de noms propres d’eurorégions par année de publication.

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Figure 6. Répartition des articles en fonction des intitulés (traduits par nos soins) des rubriques de presse.

La méthodologie

L’analyse du discours

9 L’analyse du discours, déjà mobilisée en géographie pour envisager des questions européennes (Beauguitte, Richard, 2012 ; Dessouroux, 2003) ou frontalières (Guenebeaud, 2015 ; Hermand, 2016), vise ici à identifier des procédés discursifs récurrents utilisés par la presse pour parler des eurorégions. En partant du positionnement complexe des eurorégions et des données descriptives de notre corpus, nous posons trois questions pour estimer la capacité du discours médiatique à mieux faire connaître les eurorégions : (I) la presse facilite-t-elle l’appréhension du thème eurorégional ? ; (II) la presse favorise-t-elle la reconnaissance sociale de ce thème mal connu ? ; (III) la presse garantit-elle la visibilité de ce thème émergent ?

10 Pour y répondre, la méthode utilisée combine une analyse qualitative du discours et des résultats textométriques. Concernant l’analyse qualitative, nous mobilisons la théorie du contrat d’information médiatique (Charaudeau, 1997) selon laquelle les discours de presse visent à la fois à informer (« faire savoir ») et à capter (« faire ressentir ») des publics. Concernant l’analyse quantitative, nous utilisons une plate-forme développée pour l’analyse de discours multilingue qui articule l’analyseur morphosyntaxique TreeTagger (fourni par l’université de Stuttgart) à une base de données (SQLite). Les données textométriques sont convoquées, lorsque c’est possible, de manière à alimenter des axes de recherche qualitative. L’analyse quantitative du lexique n’a pu s’appliquer à l’ensemble du corpus de presse, le repérage manuel étant parfois imposé par le fait que TreeTagger ne permet pas toujours la reconnaissance automatique d’items utiles à l’analyse (p.ex. sigles, acronymes).

11 Enfin, nous nous limitons dans cet article à l’examen des contenus de presse favorables aux eurorégions pour montrer comment se construit la valorisation de ces territoires auprès des publics. Nous écartons les textes défavorables, par ailleurs en trop faible nombre dans le corpus pour faire l’objet d’une analyse quantitative. Davantage construits sur le mode allusif plutôt que sur le mode polémique, ils nécessitent une analyse linguistique qualitative spécifique.

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Les observables discursifs retenus pour l’analyse

12 Pour répondre à nos questions, trois observables discursifs sont analysés : l’eurolecte, le discours rapporté et le lexique.

13 L’eurolecte désigne la langue technique forgée dans les textes institutionnels européens depuis l’élaboration des grands traités (CECA, CEE, Euratom). Empreint de sigles et d’acronymes, de technicismes et de mots abstraits pour les publics (p.ex. politique de cohésion, convergence, subsidiarité), il concerne la pratique de communication tant à l’intérieur des institutions européennes (réunions, conférences) qu’à l’extérieur (par le biais des outils de communication et de traduction). Largement diffusé dans les discours juridiques, techniques, académiques et médiatiques relatifs à l’UE et émis dans les États membres de l’UE, l’eurolecte est aussi qualifié d’« eurojargon » par ses détracteurs et fait l’objet de vives critiques (d’hommes politiques et même d’eurodéputés), y compris au sein de la presse, en raison de son opacité qui décourage les non-initiés de s’intéresser à l’Europe (Goffin, 2005). Déceler les manifestations de l’eurolecte permet d’examiner le degré de technicité des articles et vise à estimer si le langage utilisé dans la presse facilite ou entrave l’appréhension du thème eurorégional. Parmi les principaux marqueurs de l’eurolecte, nous avons retenu pour l’analyse la prolifération de sigles et d’acronymes, les emprunts d’une langue à l’autre et la productivité néologique, c’est-à-dire la faculté à produire de nouveaux mots relatifs au thème considéré.

14 Le discours rapporté désigne la présence de discours d’autrui dans le discours analysé : il peut s’agir de discours cités (repérables par des guillemets), de discours narrativisés (p.ex. actions ou événements relatés) ou encore de discours simplement évoqués (Charaudeau, Maingueneau, 2002, p. 194). Identifier les voix convoquées dans la presse pour incarner le thème eurorégional doit permettre d’estimer si elles confèrent de la légitimité aux eurorégions. Cette reconnaissance sociale est en effet indispensable aux eurorégions pour dépasser le simple stade de la visibilité obtenue par l’existence d’articles de presse. Parmi les marqueurs du discours rapporté, nous avons retenu l’« interview de témoignage » (Charaudeau, 1997, p. 203), genre discursif qui sert à établir des faits, à donner une opinion permettant d’éclairer des faits, ou encore à édifier un portrait de personnalité chargée de représenter une communauté. Repérable manuellement par des lectures approfondies du corpus, l’interview de témoignage est particulièrement intéressante car elle est « censée conforter l’existence des faits et déclencher l’émotion » (Ibid., p. 204).

15 L’observation du lexique est enfin concentrée sur les noms communs et les noms propres en lien avec les univers lexicaux de la création et de la créativité7. Ces univers sont retenus parce qu’ils sont saillants (c’est-à-dire qu’ils renvoient à des groupes d’occurrences lexicales fréquentes dans le corpus) et parce qu’ils renvoient au modèle du développement culturel qui s’impose aujourd’hui aux institutions internationales et aux collectivités territoriales pour développer leur visibilité (Andonova, 2015 ; Poirson, 2014, p. 275). L’objectif consiste à analyser leurs occurrences contextualisées pour déceler une dynamique d’aménagement symbolique des eurorégions dans la presse.

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Procédés discursifs d’attribution de reconnaissance sociale aux eurorégions

Appréhension du thème eurorégional facilitée par un usage modéré de l’eurolecte

16 Les sigles et acronymes sont peu nombreux dans notre corpus médiatique : « GECT », « GEC » et « Interreg » sont les principales constructions abrégées relevées manuellement. Du point de vue de l’usage des sigles ou acronymes, l’héritage eurolectal est si faible qu’il ne constitue pas une entrave à la lecture des articles.

17 Pour ce qui concerne les emprunts ou les calques d’une langue à l’autre, nous avons repéré une mise en circulation du mot-valise eurorégion sous des formes variées (tableau 1).

Tableau 1. Variété morphologique et nombre d’occurrences (fréquence absolue) du mot eurorégion dans le corpus médiatique eurorégional, en fonction des partitions linguistiques.

18 Les résultats montrent à la fois une absence d’harmonisation du mot-pivot central eurorégion (avec ou sans majuscule, avec variantes morphologiques) et sa transposition dans différentes langues. Comme l’avait déjà signalé Goffin (1994, p. 641) dans son analyse de l’eurolecte, cette pratique de transposition renvoie à la capacité d’influence majeure de certains moules linguistiques. Ainsi la circulation du moule linguistique gréco-latin encourage les mécanismes transculturels : euro [du grec Εὐρώπη] – regio(n) [du latin regio ] se transpose dans plusieurs langues européennes et favorise l’appropriation du terme eurorégion. Cet euronyme bénéficie dès lors d’une transparence sémantique accrue par ses déclinaisons dans chaque langue-culture. Dans le sens où il continue d’assurer la circulation de termes à vocation européenne dans différentes langues de l’UE, le discours médiatique dédié aux eurorégions prolonge l’héritage eurolectal tout en permettant la reconnaissance du terme eurorégion dans plusieurs communautés linguistiques.

19 Pour ce qui concerne la productivité néologique, l’influence du moule linguistique allemand autorise des constructions inédites comprenant euro ou regio pour évoquer les réalités eurorégionales. On constate d’abord un prolongement net de la tendance qui consiste à multiplier les constructions avec l’affixe8 euro. Source d’enrichissement du lexique politique et administratif mais aussi du vocabulaire courant et familier dédié à l’Europe, le préfixe euro sert à construire le mot eurorégion (et ses traductions), renvoie à la forme adjectivale eurorégional (et ses traductions) ou désigne une ville-frontière au cœur des eurorégions (eurométropole, eurociudad). Dans d’autres constructions où euro est un infixe, il s’agit de donner une indication géographique centrale (Kerneuropa) ou d’exprimer une portée européenne (paneuropean). Le discours de presse dédié aux

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eurorégions prolonge ainsi l’usage de l’affixe euro, qui constitue selon les analyses eurolectales « un instrument de propagande politique et surtout économique, de publicité à moindre coût mais à forte efficacité, car l’emploi de ce morphème à la mode assure à un nom déposé une sonorité facile à retenir et la confiance du public » (Corescu cité par Bozhinova, 2011, p. 180).

20 Si la confiance du public envers l’UE n’est plus au rendez-vous, euro est toujours utilisé par les médias pour désigner de nouvelles institutions, entreprises, produits techniques ou culturels issus de l’UE. Mais contrairement aux discours institutionnels qui mobilisent des sigles dont la connaissance préalable s’impose pour saisir la référence transfrontalière (euroMOT)9, les discours de presse créent des mots qui explicitent la référence à l’eurorégion (euroregionenews, euroBIOrregión, traumacentrumeuregio).

21 L’affixe regio est lui aussi à l’origine de constructions néologiques eurorégionales. Celles-ci sont surtout localisées dans la partition allemande, langue qui se prête à la création lexicale par combinaisons de mots (tableau 2).

Tableau 2. Nombre de constructions comprenant l’affixe *regio*, en fonction des partitions linguistiques.

22 Leur analyse en contexte permet surtout de préciser la portée de la référence eurorégionale par rapport à celle de la région. Lorsque regio sert de préfixe, il est suivi de mots évoquant la gouvernance (Regiomanagement/-minister/-Obmann/-direktion), la culture (Regiotheater) ou la topographie dans des noms de subdivisions naturelles ou administratives (Regio-Alpi/-Provinz/-Schleswig). Lorsque regio est un suffixe, il s’agit principalement de désigner directement une eurorégion (euro-/euregio), de préciser un point de vue ou un positionnement eurorégional par rapport aux entités régionales (macro-/über-/twin-/trans-/supraregio) et à l’Europe (teil-/subregio) ou encore d’indiquer une modalité d’échange entre régions frontalières (grenz-/inter-/intra-/Nachbar-/ Partnerregio).

23 Enfin, là où l’eurolecte avait créé à l’aide du préfixe supra des dénominations de nouvelles réalités nées au cours de la construction européenne (comme dans supranationalité), ce que nous appelons par commodité « eurorégiolecte » crée des dénominations de phénomènes remarquables de la construction eurorégionale à l’aide du préfixe latin trans : celui-ci exprime l’idée de changement et de traversée et se retrouve dans les adjectifs transfrontalier, transnational, transeuropéen, transrégional ou transculturel déclinés dans les six langues du corpus.

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Prise en compte d’identités plurielles favorisée par le discours rapporté

24 Les locuteurs à l’origine des discours rapportés sous la forme d’interview de témoignages sont surtout des dirigeants et des experts : leurs titres, systématiquement déployés, confèrent une marque d’autorité et de prestige aux représentants eurorégionaux (Director of the Archive in Lugano, Directeur UnionCamere Piemonte, Geschäftsführerin der Metropolregion Nürnberg, Gouverneur van de Euregio...). Nous développons ci-dessous un exemple dont l’analyse linguistique a été amorcée dans une autre publication (Calabrese, Hermand, sous presse) car il montre bien comment une symbolique eurorégionale positive se crée dans la presse autour d’identités territoriales non finies. Il s’agit d’un entretien mené avec Antonio Gili, directeur des archives de Lugano par le journal swissinfo, anciennement Radio Suisse Internationale et aujourd’hui plateforme multilingue dédiée aux liens politiques, économiques et culturels de la Suisse avec l’étranger. Ce texte prend place dans une composition d’articles dédiés à la Regio Insubrica, eurorégion partagée entre la Suisse et l’Italie (figure 7).

Figure 7. Regio Insubrica.

Source : https://www.regioinsubrica.org (consulté le 21/12/2018)

25 Dans une mise en scène caractéristique de l’interview de témoignage, le directeur des archives endosse un rôle privilégié de témoin parce qu’il est lui-même concerné par l’impossible délimitation et l’impossible formulation d’une seule identité. Avant d’évoquer ses propres racines familiales trop emmêlées pour être départagées, il situe son expérience transfrontalière comme un fait résultant de la dualité même du Tessin, historiquement ballotté entre la Suisse et l’Italie et seul canton suisse

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géographiquement situé entièrement au sud des Alpes. Son récit insiste ensuite sur la difficulté de faire reconnaître des identités multiples en Europe à travers l’histoire : tandis que le XIXe siècle autorise le frontalier à se définir culturellement binational, une telle définition provoque, au cours de la transition vers le XXe siècle marquée par la création des États-nations, une assimilation à des idées séparatistes ou fascistes. Au XXIe siècle et dans le contexte de renforcement de l’intégration européenne, le témoin interviewé juge cette fois inaudible et informulable l’obligation de choisir, pour se définir, l’un des deux pays de rattachement politique et d’appartenance culturelle. Toute question du journaliste qui implique de poser une option ferme est dès lors rejetée car elle suppose d’y apporter une réponse forcément mensongère.

26 Au fil de l’entretien, le discours de la construction d’identités résolument plurielles forge le paradigme d’une identité transfrontalière mouvante et dynamique, préféré à celui d’une identité nationale fixe et rigide. Assumée par le témoin, la revendication d’identités imbriquées est présentée comme une volonté de ne pas se limiter à une position unique. En construisant une identité hybride composée d’identités non exclusives les unes des autres, le discours du témoin fonctionne directement dans un cadre européen. Le sentiment d’appartenance territoriale ainsi créé renvoie à une entité géographique plus vaste et aux contours plus flous que ceux imposés par les frontières nationales. Confortant l’idée d’une certaine appartenance territoriale nouvelle parce que transfrontalière (Trillo-Santamaría, 2010), l’eurorégion apparaît dès lors comme une « occasion de détermination identitaire » (Duchêne-Lacroix, 2007), c’est-à-dire un lieu d’interactions qui amènent les individus à activer une identité au- delà des représentations collectives normées.

27 Dans le témoignage considéré, on observe aussi l’argument de remplacement progressif des axes diplomatiques de référence (Berne-Rome) par des axes de circulation mieux adaptés aux échanges commerciaux (Lugano-Milan). Ce remplacement répond à la question pratique du choix de nouveaux lieux décisionnels et de gestion administrative et commerciale proches des frontières. Un tel argument, purement pragmatique, permet de mettre en évidence les apports de la configuration eurorégionale en termes de logistique et de relations professionnelles.

28 Cet exemple de discours rapporté n’est pas isolé dans le corpus : outre les discours rapportés de témoins, d’autres discours rapportés sont issus de personnes notoires dispersées dans différentes zones eurorégionales (bâloise, hambourgeoise, limbourgeoise…). Nous avons par exemple observé les propos de sénateurs engagés dans la réflexion collective sur les différentes expressions contemporaines du fédéralisme européen : ils fournissent à leur tour des exemples-types de discours relayés par la presse pour apporter de la reconnaissance aux eurorégions. Il n’est pas étonnant que ces prises de parole éloignées d’un sentiment national exclusif et ces revendications d’identités plurielles proviennent régulièrement de discours suisses et allemands, marqués tous les deux par une tradition fédérale et, pour les seconds, par une charge symbolique nationale historiquement négative. De tels exemples rappellent aussi l’influence des États allemands qui, dans le milieu du XVIIIe siècle, ont déjà constitué « de véritables petits laboratoires micro-étatiques, qui ont pu servir de modèles et comme de lieux d’expérimentation » (Foucault, 2004, p. 325) d’une nouvelle gouvernementalité européenne.

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Visibilité eurorégionale garantie par la mise en scène de la créativité

29 Pour ce qui concerne les noms communs, les mots-pivots création et créativité sont présents dans 32 % des articles du corpus. Préfixés (p. ex. cocréateurs, cocreazione), ils annoncent un idéal de création en collaboration. Voisins de noms propres dont le repérage automatique fait apparaître une remarquable diversité d’artistes en eurorégions, ils soulignent l’engagement de metteurs en scène, comédiens, choristes, photographes, poètes, écrivains, danseurs, musiciens, peintres et sculpteurs sur la scène transfrontalière. Une scène de confrontation et de concurrence caractéristiques du milieu artistique (Kris, Kurz, 2010, pp. 120-123) est ainsi créée pour forger l’image d’eurorégions stimulantes dans une Europe en quête d’inspiration et de renouveau (figure 8).

Figure 8. Brève extraite du corpus.

Source : La libre Belgique, 28/10/2002

30 Élargie à des professionnels de domaines mêlant création esthétique et maîtrise technique (professionnels des industries créatives, designers), cette scène est marquée par l’émulation pour construire une nouvelle Europe. Comme le montrent des brèves chargées de préciser les rôles des uns et des autres au sein d’organigrammes régulièrement remis à jour, le discours médiatique tend à forger l’image de zones transfrontalières mouvantes et adaptables. Enfin, la publicité faite aux résidences de jeunes artistes en eurorégions, à des fonds de financements ou à des expositions temporaires est mise au service de la promotion de l’art contemporain et tout particulièrement du design, vecteur caractéristique des industries créatives dont les bénéfices sont davantage symboliques que fonctionnels (Bouquillion, Le Corf, 2010, p. 20).

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31 D’autres manifestations de la créativité eurorégionale sont observables dans l’usage de noms communs qui évoquent la création d’identités nouvelles. En témoigne la fragmentation du concept d’ « européanité » – lequel désigne « le discours européen sur l’Europe qui produit l’espace politique d’un vivre-ensemble fondé sur la préservation de la paix » (Bélanger, 2015, p. 73) – en d’autres concepts (italicità, méditerranéité) qui déclinent l’idée de création de nouvelles communautés de valeurs et de sentiments capables d’intégrer des différences et des inégalités au-delà des frontières nationales et dans un ensemble culturel recomposé.

Conclusion

32 Cette analyse avait pour objectif le décryptage du processus de valorisation des eurorégions dans le discours de presse. Nous avons d’abord montré que la saillance du thème eurorégional est assurée par la prolifération d’articles de presse en ligne depuis le milieu des années 2000 et que sa prégnance est limitée par une importante dispersion dans différents types de rubriques. En prenant appui sur la théorie du contrat d’information médiatique, nous avons ensuite observé comment les eurorégions se voient attribuer de la reconnaissance sociale dans le discours médiatique.

33 L’analyse corrobore notre hypothèse selon laquelle les discours de presse peuvent contribuer à médiatiser les entités transfrontalières auprès des publics médiatiques. Nous avons d’abord vu que le public susceptible d’être intéressé par ces articles constitue une cible plus large que celle habituellement visée par les articles, davantage techniques, dédiés à l’UE. Si la difficulté première d’accéder au thème eurorégional réside dans son éclatement, le jeu de constructions morphologiques et néologiques montre que le discours médiatique tend à faciliter l’appréhension du thème eurorégional : il s’inscrit dans le prolongement de la tradition eurolectale (circulation de moules linguistiques déjà connus, productivité de néologismes explicites) sans abuser des pratiques qui perdent le lectorat (siglaison, acronymie). Il affirme aussi la portée multidimensionnelle (institutionnelle, administrative, économique, culturelle) et les positions relatives (à l’Europe, aux régions) des eurorégions, ainsi que la dynamique à l’œuvre (changement, traversée) à l’échelle transfrontalière.

34 Outre cet usage modéré de l’eurolecte, la parole donnée à des témoins ou à des personnes notoires met en valeur des récits de vécus personnels transfrontaliers, des identités multiples et des attachements plurinationaux adossés à des ressorts affectifs. Des cautions rationnelles sont en outre apportées par une lecture pragmatique (économique, voire commerciale) des espaces transfrontaliers plutôt que par un argument politique ou diplomatique. Le discours de presse propose enfin une nouvelle pratique sociale, transfrontalière, qui s’écarte de l’habitude consistant à faire référence à un seul pays, à une seule culture ou à une seule langue. La présence d’identités plurielles en Europe et non figées dans l’appartenance à un seul État apparaît à la fois comme une prise de distance avec les normes nationales établies et comme une valeur positive attribuée à des communautés de valeurs et de sentiments.

35 L’analyse a ainsi mis en avant comment le discours médiatique se met au service des intérêts eurorégionaux, au risque de brouiller les frontières entre information et communication. À cet égard, le « discours médiatique eurorégional » se situe entre l’information et les relations publiques car il n’hésite pas à se faire le porte-voix d’une

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vision tantôt affective et tantôt réduite au volet économique sans vraiment expliquer le projet politique ni les ressorts des configurations eurorégionales. Ces résultats méritent un approfondissement au niveau des pratiques des journalistes travaillant pour la presse régionale afin de préciser les relations qui s’établissent entre information et relations publiques en eurorégions.

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NOTES

1. Règlement (CE) 1082/2006 modifié par Règlement (UE) 1302/2013 applicable à partir de 22/06/2014. 2. 1er protocole additionnel (1995), 2ème protocole additionnel (1998), 3ème protocole additionnel (2009, en vigueur en 2013) à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif aux Groupements eurorégionaux de coopération (GEC). 3. Lexique de l’Aménagement du territoire européen : http://www.ums-riate.fr/lexique/ modeleterme.php?id=21 (consulté le 21/12/2018). 4. Eurobaromètre du 15/12/2015 : https://ec.europa.eu/regional_policy/fr/newsroom/news/ 2015/09/cross-border-cooperation-in-the-european-union-an-opportunity-for-europe-s-border- regions (consulté le 21/12/2018). 5. http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/presenta/international/ external_fr.pdf, voir p. 10-11, §.4. La nécessité de la coopération transfrontalière (consulté le 18/12/2018). 6. Selon la liste des GECT datée du 4 février 2014 et disponible dans le registre tenu par le Comité́ européen des régions, le statut de GECT s’est installé́ de manière remarquable à partir de 2012 (6 nouveaux GECT ont été́ créés en 2012 et 11 en 2013). 7. Selon les partitions linguistiques, les racines morphologiques qui font l’objet de requêtes automatiques sont : *.créa.* (français), *.crea.* (italien, espagnol, anglais, néerlandais) et *.schaff.*/*.krea.* (allemand). 8. Élément lexical qui s'ajoute à un mot ou à un radical pour en modifier le sens ou pour créer un nouveau mot : il est appelé préfixe, infixe ou suffixe selon qu'il est placé au début, à l'intérieur ou à la fin du mot. 9. MOT : mission opérationnelle transfrontalière.

RÉSUMÉS

Cet article analyse des discours de presse qui prolifèrent sur le web depuis le milieu des années 2000 au sujet des eurorégions et qui témoignent d’une volonté de médiatiser ces entités transfrontalières. À partir d’un corpus numérique multilingue et en s’appuyant sur la théorie du contrat d’information médiatique, trois observables discursifs sont analysés : l’héritage eurolectal, le discours rapporté et le lexique saillant de la créativité. Les résultats montrent comment s’opèrent la création d’une scène médiatique eurorégionale et la reconnaissance

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d’identités complexes en quête de visibilité. Ces analyses aboutissent à préciser les modalités de capture de l’attention des publics médiatiques sur le thème eurorégional.

This article analyzes media discourses that have proliferated on the web since the mid-2000s about Euroregions and shows a determination to publicize these cross-border entities. Starting from a multilingual digital corpus and relying on the theory of the media information contract, three discursive observables are analyzed: the Eurolectal heritage, the reported discourse and the salient lexicon of creativity. The results show how the creation of a Euroregional media scene and of complex identities seeking visibility are taking place. These analyses lead to precise ways of capturing media attention on the Euroregional theme.

INDEX

Mots-clés : eurorégions, discours médiatique, corpus numérique multilingue, médiatisation de territoires transfrontaliers Keywords : euroregions, media discourse, multilingual digital corpus, media coverage of cross- border territories

AUTEUR

MARIE-HÉLÈNE HERMAND

Centre de recherche en information et communication (ReSIC), Université libre de Bruxelles, [email protected]

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La « région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur » : contrer la périphérie étatique par la centralité métropolitaine

Pauline Pupier

La présente recherche a été rendue possible grâce à trois moments de coopération scientifique et financière. L’Université d’Artois et le Conseil régional Nord-Pas-de-Calais ont d’abord soutenu le contrat doctoral de l’auteure. Le séjour de recherche itinérant « Réseau urbain et scientifique du Rhin supérieur (RUS²) », illustré par la figure 1, a eu lieu en 2015 avec l’appui d’une bourse de mobilité internationale du Collège doctoral de la Communauté d’Universités et d’Établissements Lille-Nord-de-France. Le projet de recherche « International, interdisciplinary and comparative openness at the Europa-Universität Viadrina Frankfurt(Oder) » (https://www.borders-in- motion.de/stipendiat/innen) a permis le travail d’archives, d’entretiens et d’échange scientifique avec le Viadrina Center B/ORDERS IN MOTION entre novembre 2017 et février 2018. Il a bénéficié du financement de la Région des Hauts-de-France, du Centre Interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne (CIERA) et du Viadrina Centre B/ORDERS IN MOTION.

1 Si la construction européenne a concouru au renforcement voire à la création de régions administratives infra-étatiques (Seys, 2017), l’Europe de l’ouest connaît des processus atypiques voire « subversifs » de construction régionale qui dépassent les frontières des États-Nations (Peyrony, 2014). Des coopérations transfrontalières s’institutionnalisent, bien souvent avec le soutien de la Politique de Cohésion de l’Union Européenne (UE), et certaines se qualifient de régions métropolitaines (ESPON, 2010 ; Sohn, 2012). Au-delà des justifications fonctionnelles de métropolisation transfrontalière sur les interdépendances économiques ou les flux transfrontaliers, la construction politique de ces régions métropolitaines transfrontalières repose aussi sur les stratégies des acteurs du territoire. Questionner la régionalisation métropolitaine transfrontalière en Europe occidentale revient à analyser le processus de construction régionale d’une aire de coopération transfrontalière qui mobilise un argument métropolitain.

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2 La coopération entre la France, l’Allemagne et la Suisse dans l’espace du Rhin supérieur remonte aux années 1960, ce qui en fait l’une des plus anciennes en Europe. En 2010, les partenaires ont officialisé la démarche intitulée « Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur – Trinationale Metropolregion Oberrhein (RMT-TMO) ». Par ce texte, ils orientent non seulement la stratégie du Rhin supérieur vers le soutien au processus de métropolisation mais ils affirment de surcroît la dimension métropolitaine de leur territoire et, de ce fait, avancent l’argument métropolitain pour justifier la coopération transfrontalière.

3 Comment l’espace du Rhin supérieur est-il devenu la « Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur » ? Qu’est-ce qui justifie cette adjonction de régionalisation métropolitaine à un espace transfrontalier déjà identifié ? D’un point de vue géographique et politique, nous chercherons la provenance de l’argument métropolitain. Quels acteurs territoriaux l’ont porté et en référence à quelle échelle de pouvoir ? Nous formulons l’hypothèse que, dans le cadre de la restructuration de l’État, l’espace transfrontalier du Rhin supérieur joue la carte de la centralité métropolitaine pour compenser la périphérie frontalière. L’objectif de la « région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur » serait de se positionner face aux États-Nations et à l’Union européenne grâce à un jeu scalaire.

4 La méthodologie proposée vise à retracer la genèse de la RMT en identifiant dans une grille d’analyse scalaire (Hamez, 2013) le rôle des acteurs du territoire. Une analyse documentaire de littérature grise puise dans les politiques publiques nationales en matière de soutien aux métropoles ainsi que dans des documents promotionnels, fondateurs et programmatiques de la RMT. Un travail d’archives a notamment été mené en 2017 dans les administrations allemandes du Bundesministerium für Verkehr und digitale Infrastruktur (BMVI) – le ministère fédéral en charge de l’aménagement du territoire – et du Bundesinstitut für Bau-, Stadt- und Raumforschung (BBSR) – l’institut fédéral de recherche sur le développement territorial. Il apporte des données empiriques nouvelles sur la RMT. Elle est complétée par des entretiens semi-directifs dans des structures de coopération transfrontalière et des collectivités territoriales du Rhin supérieur. Dix-neuf entretiens ont été menés lors d’un séjour de recherche itinérant dans le Rhin supérieur en 2015. La figure 1 présente la structure urbaine du Rhin supérieur et y insère pour information la distribution des lieux d’entretiens (« excursions » et « camp de base »).

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Figure 1. Séjour de recherche dans la structure urbaine du Rhin supérieur.

5 Suivant les traces de la genèse de la RMT, la composition de cet article opère un glissement d’une réflexion conceptuelle à la confrontation de la stratégie à la littérature académique, en terminant par l’analyse scalaire du jeu d’acteurs. La combinaison des concepts de frontière comme périphérie et de métropole comme centralité révèle le paradoxe de l’objet géographique et politique qu’est une région métropolitaine transfrontalière. L’analyse documentaire met en lumière l’influence académique germanophone à travers l’emploi du terme de Metropolregion. Les acteurs régionaux du versant allemand ont porté la RMT auprès des institutions européennes en réaction à la politique allemande de soutien aux métropoles qui reléguait les espaces frontaliers à la marge de ses programmes. Finalement, l’argument métropolitain, couplé avec celui de la frontière, a été mobilisé par les acteurs régionaux pour forcer la reconnaissance institutionnelle nationale grâce à l’entremise du niveau européen. Le positionnement des régions métropolitaines transfrontalières en Europe occidentale semble passer par une recomposition scalaire.

La construction régionale transfrontalière et métropolitaine

La frontière comme périphérie étatique

6 La coopération transfrontalière lorsqu’elle se fixe pour objectif la construction régionale remet en question la frontière nationale dans sa définition westphalienne. La frontière représente d’abord la « limite de souveraineté qui marque la séparation entre des groupes sociaux qui se considèrent comme différents » (Reitel, Zander, Piermay & Renard, 2002). Elle est à la fois « un objet spatial et social » (Newman, 2003) qui sépare

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ce qui est régi par le droit national de ce qui relève d’autorités étrangères, ce qui relève de pratiques et représentations culturelles nationales de ce qui relève de l’altérité. La frontière, dans cette définition, a beau être à la périphérie d’un territoire national (Raffestin, 1980), elle constitue un espace stratégique pour les États puisque c’est dans ces zones de la « frontière-marche » que se jouent les enjeux du « cloisonnement du monde » et par conséquent de la construction nationale (Gottmann, 1952). La complexité de la frontière entre deux systèmes nationaux peut s’appréhender à travers les quatre fonctions que développe le géographe Claude Raffestin : la fonction de « traduction d’une intention, d’une volonté, d’un pouvoir », ici les pouvoirs d’un État et de l’Union européenne, la « fonction de régulation » qui délimite une aire relativement homogène dont les flux entrants et sortants sont filtrés, la fonction de « différenciation » qui est fondatrice de différences et de différentiels, et enfin la fonction de « relation » puisque la juxtaposition à la frontière crée opposition, échange ou collaboration (Raffestin, 1992).

7 L’européanisation a sensiblement modifié le régime des frontières internes de l’UE (Beck & Wassenberg, 2014). Aux frontières de l’Allemagne, de la France – mais aussi de la Suisse où des accords bilatéraux dupliquent une grande partie des accords supranationaux – l’avènement du marché unique a engendré l’application des libertés de circulation qui rendent ces frontières poreuses à certains flux. Par une intégration positive (harmonisation et production d’un système international de normes) et négative (réduction des effets de barrière), les frontières internes de l’UE perdent de leur force de démarcation (Scharpf, 2000) alors que les frontières externes se renforcent (Van Houtum, Kramsch & Zierhofer, 2005). De surcroît, plusieurs politiques et institutions communautaires entretiennent ce processus spatial de debordering. En particulier la Politique de Cohésion, les programmes INTERREG et le Comité des Régions encouragent la convergence des territoires, la coopération transfrontalière voire la construction régionale transfrontalière. Pour autant, ce processus reste très largement inachevé et les frontières internes de l’UE conservent bien des fonctions de démarcation. L’effacement des frontières et des États-Nations tant annoncé trouve des limites tant conjoncturelles, avec le retour de courants nationalistes et la réintroduction ponctuelle de contrôles depuis 2015, que structurelles, avec la persistance de discontinuités et différentiels sociaux, culturels, économiques, administratifs et politiques (Opilowska, Kurcz & Roose, 2017).

La métropole comme centralité régionale

8 Le projet économique et politique de l’UE a favorisé son insertion dans la mondialisation où les métropoles jouent un rôle central. La métropolisation se caractérise d’abord par un processus spatial de concentration des hommes et des activités, les métropoles sont alors des « foyers de la production et de l’accumulation des richesses » (Halbert, 2010). Parmi ces activités, la littérature s’accorde sur l’importance des productions à haute valeur ajoutée, du secteur bancaire et financier, de l’économie de la connaissance, des activités de contrôle et de commandement à travers les institutions publiques ou les sièges sociaux d’entreprises internationales et de la création et diffusion de modes, symboles et normes (Florida, 2005 ; Friedmann, 1986 ; Gottmann, 1961 ; Jouve & Lefèvre, 1999 ; Joye, Leresche & Bassand, 1995 ; Sassen, 2004). La concentration de telles activités dans une ville remplit différentes fonctions métropolitaines – économiques, politiques, nodales, normatives – qui permettent à une

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métropole d’accéder à un rayonnement à l’échelle mondiale. Une métropole est de ce fait un nœud d’échange et de communication dans les flux mondiaux de circulation (Castells, 1998 ; Veltz, 1996). En tant que moteur de l’économie mondiale, elle a un caractère de centralité.

9 En Europe occidentale, on dénombre moins de villes globales (Sassen, 2004) que de métropoles européennes voire nationales (Brunet, 1989 ; BBSR, 2010 ; ESPON, 2005 ; Halbert, Cicille & Rozenblat, 2012 ; Kunzmann & Wegener, 1991 ; Moriconi-Ebrard, 1993 ; Rozenblat & Cicille, 2003). Bien que de taille plus modeste que Paris ou Londres, ces villes forment une centralité qui a une emprise spatiale sur toute une aire fonctionnelle. Les configurations urbaines dont les fonctions métropolitaines structurent de vastes espaces de part et d’autre d’une frontière nationale sont nommées régions métropolitaines transfrontalières (Sohn, 2014). Soit l’aire urbaine morphologique de la métropole traverse elle-même la frontière, soit l’aire urbaine morphologique de la métropole est située d’un côté de la frontière mais son influence va au-delà de la frontière de sorte que son aire urbaine fonctionnelle traverse la frontière (Vandermotten, 2007).

10 Les régions métropolitaines transfrontalières ne sont cependant pas qu’un phénomène fonctionnel. Dans les termes d’économie territoriale de Ludovic Halbert, il existe un « avantage métropolitain », c’est-à-dire une capacité à mobiliser des ressources disponibles au sein des métropoles et dans leurs réseaux dans un jeu scalaire entre local et mondial (Halbert, 2010). Par conséquent, les États mobilisent les métropoles pour se positionner à l’échelle mondiale. A l’inverse, les métropoles ont besoin des ressources des États pour s’affirmer et se développer. Cette complémentarité est bien connue et instrumentalisée tant par les États que par les métropoles (Dolez & Paris, 2004 ; Krätke, 2007 ; Reitel, Perrin & Pupier, 2017).

11 Reprenant les travaux de chercheur·se·s européen·ne·s, nous nous inscrivons dans un cadre théorique néo-régionaliste qui met au premier plan les ressorts politiques de la construction régionale (Keating, 1997 ; Paasi, 1986), qu’elle soit transfrontalière (Perkmann, 2003) ou métropolitaine (Di Méo, 2010 ; Knieling, 2009). Une telle approche de géographie politique veut souligner la performativité de l’argument métropolitain grâce aux discours et aux stratégies de politique territoriale. La construction de régions métropolitaines a donné lieu à quelques observations transfrontalières qualitatives : Jean-Philippe Leresche interprète le débat autour de l’existence d’une métropole lémanique autour de Genève comme un « énoncé performatif », créateur de région métropolitaine transfrontalière (Leresche, 1995). Dans une formulation plus académique, Christophe Sohn formule une « cross-border metropolis hypothesis » en décrivant le cas luxembourgeois d’une région métropolitaine transfrontalière polycentrique (Sohn, 2012, 2014). L’argument métropolitain transfrontalier semble dans ces cas jouer un rôle clé dans la construction régionale.

Recomposition scalaire métropolitaine et transfrontalière

12 Finalement, les espaces frontaliers se situent par rapport aux États dans une localisation périphérique mais stratégique. La frontière offre aux espaces frontaliers une interface avec le versant voisin mais aussi avec les échelles supérieures et notamment l’UE. La construction régionale transfrontalière ne peut se comprendre en dehors des contextes nationaux et européens.

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13 De son côté, le processus de métropolisation joue sur l’articulation des échelles en cela qu’il combine des dynamiques spatiales complexes : la centralité organise une vaste région fonctionnelle par son influence, l’insertion comme nœud dans un réseau mondial de circulation lui ouvre l’accès à un niveau supérieur potentiellement global.

14 La juxtaposition des dynamiques spatiales du régime de la frontière et de la métropolisation met en lumière des différences et des similitudes. En contraste, la centralité de la métropole peut contrecarrer la relégation périphérique du frontalier. A l’inverse, la dimension scalaire est présente à la fois dans les processus transfrontaliers et métropolitains. Elle semble majeure dans les deux composantes d’une région métropolitaine transfrontalière. On distinguera trois niveaux d’échelles emboîtées telles que proposées par Grégory Hamez dans son approche heuristique multiscalaire de l’insertion des territoires transfrontaliers dans l’UE : les échelles européenne, nationale et locale (Hamez, 2013). À cheval sur une frontière nationale, le niveau d’observation transfrontalier s’intercale dans cet emboîtement puisque qu’il est à la fois local et partiellement inclus dans deux (ou plusieurs) espaces nationaux (Reitel, 2017).

15 L’argument métropolitain transfrontalier semble dans ces cas jouer un rôle clé dans la construction régionale. Nous souhaitons le vérifier dans la « Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur ».

La « Metropolregion » ou l’influence académique germanophone

Un « espace » reconnu de longue date

16 La Conférence du Rhin, principale structure de coopération transfrontalière entre la France, l’Allemagne et la Suisse, produit des cartes qui gomment les frontières nationales et mettent en avant ce qui est appelé « l’espace du Rhin supérieur » ou « Oberrheingebiet », « Oberrheinraum ». Suivant le cours du Rhin dans sa partie supérieure, il regroupe cinq cantons du nord-ouest de la Suisse – Bâle-Ville, Bâle- Campagne, Jura, Aargau, Solothurn – l’ancienne région française d’Alsace et les portions adjacentes des Länder allemands de Bade-Wurtemberg et de Rhénanie- Palatinat. Cet espace est structuré par l’axe de communication sud-nord que constituent le fleuve et son bassin (Woessner, 2014) et par un réseau de villes moyennes (Reitel, 2014) dont deux agglomérations transfrontalières Strasbourg-Kehl au nord, Bâle-Lörrach-Saint-Louis au sud.

17 Il existe une longue histoire de coopération dans l’espace du Rhin supérieur. L’association Regio Basiliensis défend depuis sa fondation en 1963 la coopération transfrontalière. Les caractéristiques géomorphologiques et la longue histoire commune du Rhin supérieur participent à la construction narrative d’une région qualifiée de « naturelle ». L’histoire de la coopération transfrontalière, de ses institutions et de ses jeux d’acteurs a été analysée par Birte Wassenberg qui conclut en actant le processus à l’œuvre de construction eurorégionale dans le Rhin supérieur (Wassenberg, 2007). La géographie et l’histoire fournissent des arguments qui soutiennent la construction régionale institutionnelle du Rhin supérieur.

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18 Cet espace régional s’impose d’autant plus depuis sa reconnaissance par l’Union européenne dans le cadre des programmes INTERREG de coopération transfrontalière. Il s’affirme au niveau européen comme une référence voire une best practice dans les institutions communautaires (ESPON, Comité des Régions, Interact…) et dans la recherche (Anderson, 1983 ; Guichonnet & Raffestin, 1974 ; O’Dowd, 2002 ; Reitel, 2010). Dans ce contexte, le Rhin supérieur est déjà reconnu comme un espace identifié aux contours précis. Pourtant, la Conférence du Rhin supérieur réoriente entre 2005 et 2010 sa stratégie de développement avec la démarche de RMT et introduit de ce fait un nouvel argument métropolitain pour justifier sa construction régionale transfrontalière.

La stratégie « Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur »

19 C’est à l’occasion du 10ème Congrès Tripartite le 9 février 2006 à Freiburg que le Rhin supérieur engage une stratégie politique de construction régionale par le métropolitain. Intitulé d’abord « Région métropolitaine européenne trinationale du Rhin supérieur », la stratégie assoit le terme de région et de métropolitain. Celle-ci a été confortée quatre ans plus tard par les trois pays sous la forme de l’accord intergouvernemental d’Offenburg signé le 9 décembre 2010 sous l’appellation officielle « Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur – Trinationale Metropolregion Oberrhein ». Elaborée dans la durée avec de premières réflexions en 2005, la formulation de cette démarche a fait l’objet de partenariats et réunions politiques, citoyennes et académiques, de sorte que l’évolution de l’argumentaire métropolitain peut être retracée. Le tout premier document promotionnel qui a pu être consulté a été produit en urgence comme support à la consultation sur le Livre vert sur la cohésion territoriale de la Commission européenne du 6 octobre 2008. Bien qu’il ne soit pas daté, sa concision permet d’estimer qu’il reflète une ébauche de l’argumentaire métropolitain. Il est rédigé dans un style informel et affirmatif :

20 « Les experts ont défini cinq conditions pour qu’un territoire soit reconnu région métropolitaine. Le Rhin supérieur les remplit toutes : 1. Fonction politique et économique centrale 2. Fonction d’innovation et de compétition 3. Fonction de passerelle 4. Fonction de symbole 5. Politique, économie, recherche et citoyens poursuivent le même objectif ! » (Conférence franco- germano-suisse du Rhin supérieur (CRS), n.d.).

21 La Conférence du Rhin supérieur justifie son caractère de région métropolitaine en citant cinq indicateurs métropolitains qui auraient été définis par des spécialistes et qui se vérifieraient sur son territoire. Les quatre premiers indicateurs sont des fonctions métropolitaines qui peuvent être comparées à la littérature géographique, politique ou économique qui traite de la métropolisation. Le dernier indicateur est formulé très différemment et suggère que tous les acteurs du territoire répertoriés en quatre catégories sectorielles travaillent dans le sens d’une action concertée pour le développement de la région métropolitaine.

22 Les écrits scientifiques sur la métropolisation sont nombreux, il existe différentes approches disciplinaires, heuristiques, régionales qui peuvent se rejoindre mais

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également proposer des définitions et des fonctions différentes. Cependant, la concision et la structure de l’argumentaire avancé par la Conférence du Rhin supérieur interrogent. L’approche fonctionnaliste, le nombre de fonctions, la formulation de celles-ci et les entretiens sont autant d’éléments qui permettent de recouper l’argumentaire de la Conférence du Rhin supérieur avec la littérature allemande de géographie économique. Bien que les auteurs ne soient pas cités, transparait clairement dans cette affirmation la définition des chercheurs Rainer Danielzyk et Hans-Heinrich Blotevogel (Danielzyk & Blotevogel, 2009) qui publient à la même période leurs résultats. Ils ont identifié quatre domaines de fonctions stratégiques des régions métropolitaines : • « Innovations- und Wettbewerbsfunktion ». Les activités économiques, sociales ou culturelles à hautes valeurs ajoutées ont « une fonction d’innovation et de compétitivité » dans l’économie de la connaissance ; • « Entscheidungs-und Kontrollfunktion ». Les centres de commandement de la vie économique et politique internationale et mondiale ont une « fonction de décision et de contrôle » ; • « Gatewayfunktion ». Le rôle de nœud dans les réseaux internationaux et mondiaux de transport et de communication a « une fonction de passerelle », de porte d’entrée ; • « Symbolfunktion ». La production et la diffusion de normes, de signes, d’exemples, de modes et d’autres supports normatifs signifiants ont « une fonction de symbole ».

23 Ces domaines de fonctions avaient également été repris par l’État fédéral allemand en 2005. L’institut fédéral sur l’aménagement du territoire l’avait opérationnalisé en testant les trois premières fonctions sur les principales agglomérations allemandes grâce à vingt-quatre indicateurs (Bundesamt für Bauwesen und Raumordnung (BBR), 2005). En 2006, la Conférence du Rhin supérieur charge un bureau d’étude de vérifier si le Rhin supérieur peut être une « région métropolitaine européenne » grâce à cette même méthodologie et dans une approche comparative (BAK Basel Economics, 2006). La conclusion est assez partagée, soulignant que le Rhin supérieur se détache par rapport à d’autres coopérations transfrontalières en Europe mais ne peut concourir face aux grandes agglomérations européennes. Les secteurs de la finance et de l’immobilier, les services aux entreprises, l’attractivité économique et touristique, les transports régionaux et leur inscription dans les réseaux européens, ainsi que la qualité urbaine sont autant de domaines où le Rhin supérieur ne soutient pas la comparaison européenne (BAK Basel Economics, 2006).

24 Finalement, le premier document promotionnel de la stratégie RMT reprend de façon maladroite mais non-équivoque une définition de la métropole qui s’est imposée dans la littérature académique allemande de géographie économique et la politique fédérale d’aménagement du territoire.

25 A ces quatre domaines de fonctions, la RMT ajoute une cinquième condition qui relève plus du processus que du constat : la coopération de différents cercles sociétaux. Ce faisant, elle édicte une méthode de travail basée sur la mise en réseau des acteurs régionaux de façon multi-niveaux et transversale. Dans une brochure promotionnelle de 2010, elle affirme poursuivre « l’objectif de développer le potentiel économique, social et environnemental du territoire du Rhin supérieur et de le promouvoir au niveau européen, grâce au renforcement de la coopération entre les acteurs du monde de la science, de l’économie, de la politique et de la société civile » (CRS, 2010).

26 La stratégie RMT oscille entre une définition fonctionnaliste issue de la géographie économique allemande qui justifie quantitativement l’existence d’une aire urbaine

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fonctionnelle, et un processus de gouvernance horizontale (entre acteurs du territoire) et verticale (à destination de l’UE) qui induit plutôt une logique de réseau.

Une dimension métropolitaine en débat

27 Cette ambiguïté dans la définition spatiale de la métropole semble provenir du mélange entre travaux scientifiques et stratégie politique. De précédentes études sur le développement territorial avaient été commanditées par la Conférence du Rhin supérieur et concluaient de façon assez nuancée sur la dimension métropolitaine.

28 Les agences d'urbanisme des trois pays ont travaillé en 1999 sur un Atlas transfrontalier qui émet également des recommandations d’aménagement. Si le fait métropolitain est cité, le Rhin supérieur est qualifié de « métropole trinationale décentralisée ». La métropolisation n’est pas considérée comme un processus majeur puisque d'autres orientations possibles pour le territoire sont proposées : « un espace charnière, un jardin de ville, un projet économique intégré, l’espace d’une heure » (CRS, 1999).

29 En 1999, la Charte pour l’aménagement du territoire Rhin supérieur 21 engage les collectivités régionales des trois pays à « fonder le futur développement de l’espace du Rhin supérieur sur l’objectif de durabilité ». Loin des objectifs métropolitains, la charte reprend les dimensions sociale, écologique et économique du développement durable et annonce des travaux de concertation pour l’élaboration d’un Cadre d’orientation. Le document en question, sans valeur normative, sera publié par le groupe de travail « Aménagement du territoire » de la Conférence du Rhin supérieur en 2001. Il favorise « une armature urbaine décentralisée » et émet des recommandations dans trois axes thématiques : le transport (« pour le renforcement des métropoles du Rhin supérieur dans un axe européen majeur »), les agglomérations (« pour un développement concerté des agglomérations dans une région transfrontalière ») et l’environnement (« éléments pour un parc régional urbain ») (CRS, 2001). Le développement métropolitain n’est donc ni un constat, ni une stratégie politique dans les premières stratégies territoriales du Rhin supérieur.

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Figure 2. La « Région métropolitaine polycentrique transfrontalière » du Rhin supérieur.

(ESPON, 2010)

30 De surcroît, la littérature académique a bien du mal à reconnaître la dimension métropolitaine du Rhin supérieur. Christian Vandermotten identifie en son sein deux aires urbaines fonctionnelles transfrontalières majeures, sans pour autant leur donner de caractère métropolitain. Bâle-Saint-Louis est une « grande ville élargie morphologiquement à des localités de l’autre côté de la frontière dans une logique d’extension urbaine et de périurbanisation » et Strasbourg-Kehl est « une grande et une petite ville, de part et d’autre de la frontière, avec des bassins d’emploi peu intégrés » (Vandermotten, 2007). Bernard Reitel souligne que ce ne sont que deux pôles transfrontaliers d’un « réseau urbain polycentrique hiérarchisé » où Karlsruhe, Freiburg, Mulhouse et Colmar jouent également un rôle important (Reitel, 2014). D’après une étude luxembourgeoise du LISER, c’est surtout Bâle qui polarise une région métropolitaine transfrontalière (Decoville, Durand, Sohn & Walther, 2014). D'autres auteurs situent les processus de métropolisation autour de certains pôles seulement et non dans le territoire du Rhin supérieur. D’un point de vue métropolitain, le Rhin supérieur s’inscrit alors plutôt en connectivité avec Zürich, Paris, Stuttgart mais aussi avec les régions métropolitaines de Rhein-Neckar, Rhein-Main, Saarbrücken comme l’illustre la carte issue du rapport de l’Observatoire en Réseau de l'Aménagement du Territoire Européen (ORATE ou ESPON en anglais, European Observation Network for Territorial Development and Cohesion) intitulé METROBORDER (ESPON, 2010). Ce rapport, essentiel dans la construction métropolitaine du Rhin supérieur, était une initiative des acteurs institutionnels régionaux et nationaux de la Grande Région et du Rhin supérieur. Il constitue une commande politique de diagnostic métropolitain des deux régions ciblées mais aussi une montée en généralité académique avec une visibilité européenne.

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31 La période 2005-2010 connaît une multiplication des démarches d’évaluation et de diagnostic territorial avec l’étude BAK, le rapport ESPON et l’officialisation de la RMT. Pourtant, une région métropolitaine transfrontalière dans le périmètre de l’espace du Rhin supérieur ne s’inscrit ni dans une cohérence fonctionnelle, ni dans une évolution des orientations stratégiques en matière d’aménagement du territoire. Avant la stratégie RMT, le Rhin supérieur était au mieux qualifié de « métropole trinationale décentralisée » (CRS, 1999), d’ « armature urbaine décentralisé » avec « des métropoles » (CRS, 2001) ou bien de « région métropolitaine polycentrique transfrontalière » (ESPON, 2010). L’argument métropolitain mis en avant par la stratégie RMT semble donc relever d’une logique plus politique.

Le transfrontalier à la marge des politiques nationales de soutien aux métropoles

Congruence d’intérêts allemands et français au niveau régional

32 Le personnel de la coopération transfrontalière décrit la genèse de la stratégie RMT et confirme l’influence du contexte allemand qu’indique la référence à la littérature germanophone dans la logique d’acteurs. Les témoignages d’expert·e·s convergent majoritairement, aussi ne sont retranscrits ici que des extraits incisifs.

33 L’Euro-institut, organisme de formation et d’accompagnement de la coopération transfrontalière basé à Kehl, fournit un avis extérieur éclairé. « Nous avons travaillé à la réponse du Livre vert de la Commission européenne sur la Cohésion territoriale en 2008. C’est là qu’ont été travaillées à la demande de la Conférence du Rhin supérieur la gouvernance et la région métropolitaine ». La RMT serait ainsi une demande de la structure institutionnelle transfrontalière de référence, la Conférence du Rhin supérieur, qui aurait saisi l’opportunité d’une consultation au niveau européen pour approfondir et présenter sa stratégie territoriale. Un membre du Secrétariat de la Conférence du Rhin supérieur confirme ce contexte tout en soulignant le rôle clé d’une collectivité territoriale allemande dans l’initiative et le portage de la RMT. « Il faut dire les choses objectivement et rendre à César ce qui lui appartient. La RMT est essentiellement portée par le Regierungspräsidium de Freiburg, qui historiquement a porté le sujet et qui continue à le porter essentiellement. […] Et de l’ensemble des acteurs, qu’ils soient français, allemands ou suisses, c’est le Regierungspräsidium de Freiburg qui en est réellement le moteur. Je pense qu’on peut le dire en toute objectivité ». De façon très appuyée, ce collaborateur transfrontalier qui se doit de représenter dans un équilibre politique la Conférence et l’ensemble de ses membres, nomme cependant un unique partenaire : l’administration déconcentrée du Land de Baden-Württemberg, le Regierungspräsidium de Freiburg-im- Breisgrau, aurait non seulement proposé la stratégie métropolitaine, mais l’aurait également rédigée et portée politiquement. Pour autant, un représentant français de l’Eurodistrict trinational de Bâle, structure de coopération transfrontalière politique et opérationnelle sur l’agglomération franco-germano-suisse, donne une autre version. « La RMT est une proposition de la Région Alsace. La Conférence du Rhin supérieur étant sous le contrôle de l’État, la Région Alsace voulait créer son institution, où elle aurait le contrôle, où elle piloterait. […] L’Alsace a vraiment poussé pour ça ». Il contredit la déclaration précédente, affirmant que la RMT serait une initiative de la Région Alsace qui voulait créer une institution dans laquelle le niveau régional pourrait reprendre la main sur la

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coopération transfrontalière au détriment de l’État français et ses administrations déconcentrées. Ce témoignage est à traiter avec précaution car il ne reflète pas nécessairement les rapports de pouvoirs au sein de la Conférence du Rhin supérieur. Il est possible que l’État français ait été prépondérant dans les prises de position françaises mais la Région Alsace ainsi que les Départements du Haut-Rhin et du Bas- Rhin sont représentés dans la Conférence de Rhin supérieur. On reproche plutôt à cet organe de ne pas inclure l’échelle locale des Eurodistricts, réseaux de villes, agglomérations ou municipalités (Reitel, 2014).

34 Comment démêler le jeu d’acteurs dans la genèse de la RMT si les témoignages ne concordent pas exactement ? Les entretiens permettent de retracer la genèse de la RMT. Le Regierungspräsidium de Freiburg a imaginé et porté la RMT dans le cadre de la Conférence du Rhin supérieur, où il a trouvé l’appui des autres membres partenaires. Il a proposé une stratégie métropolitaine dès le 10ème Congrès tripartite en 2006 et s’est saisi de l’opportunité offerte par la Commission européenne dans la consultation sur le Livre vert sur la Cohésion territoriale en 2008 pour représenter les intérêts du Rhin supérieur (Commission Européenne, 2008). Ce n’est qu’en 2010 que la stratégie sera officiellement reconnue au niveau national par un accord intergouvernemental. La RMT n’est cependant pas unilatérale. Entre autres, la Région Alsace a soutenu l’initiative, y voyant une occasion de compenser le pouvoir de l’État français dans la coopération transfrontalière et la réforme territoriale.

35 Les témoignages sont très éclairants sur la logique d’acteurs et la congruence des intérêts dans une perspective multi-scalaire. Le transfrontalier et le métropolitain sont autant d’arguments de positionnement dans l’affirmation du Rhin supérieur vis-à-vis de l’Union européenne – c’est-à-dire dans l’affirmation régionale transfrontalière par rapport au niveau européen – et de l’Alsace vis-à-vis de l’État français – c’est-à-dire dans l’affirmation des collectivités territoriales vis-à-vis du niveau national. Peut-on retrouver cette logique régionale-nationale dans le positionnement du Regierungspräsidium de Freiburg ?

Le contexte déclencheur de la stratégie métropolitaine : les politiques nationales de soutien aux métropoles

36 Si la dimension métropolitaine du Rhin supérieur fait débat, c’est également parce qu’elle n’est que partiellement reconnue par les politiques nationales de soutien aux métropoles en Allemagne, en Suisse et en France. Les trois systèmes nationaux ont des politiques d’aménagement urbain distinctes qui reposent sur des cultures politiques administratives de politiques d'aménagement urbain et des cultures académiques différentes. Les cadres nationaux influent sur la construction des régions métropolitaines transfrontalières (Sohn & Reitel, 2016). En 2010 lors de l’officialisation de la RMT par le niveau national, on peut observer une certaine effervescence politique dans l’aménagement du territoire autour de la métropolisation (Wiechmann, 2009). La figure 3 propose une chronologie comparative simplifiée des politiques nationales de soutien aux métropoles. Dans sa tradition de planificatrice et d’aménageuse, la France depuis longtemps travaille autour du concept de métropole, mais ce thème est plus récent en Allemagne et en Suisse. Des politiques nationales se mettent en place dans les trois pays pour identifier et même soutenir les régions métropolitaines. Les régions

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métropolitaines transfrontalières en général et le Rhin supérieur en particulier sont cependant rarement pris en compte.

Figure 3. Politiques nationales de soutien aux métropoles comparées dans le Rhin supérieur.

37 La France, seul État centralisé de notre étude, exploite depuis les années 1950 sa compétence nationale en matière d’aménagement du territoire pour questionner le rapport centre-périphérie et par là-même la métropolisation. Suite à la constatation de « Paris et le désert français » (Gravier, 1947), la politique des métropoles d’équilibre encourage le développement métropolitain de pôles soit démographiques soit économiques pour équilibrer le poids de la capitale. Alors que cette politique a moins d’effets que les décentralisations successives, le terme de métropole refait surface régulièrement soit dans des politiques de découpage administratif (statut de métropole) soit dans des politiques de développement économique (pôles métropolitains) (Dolez & Paris, 2004). En 2005, l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, structure de coopération transfrontalière de l’agglomération de Strasbourg-Kehl, est retenu dans le cadre de l’appel à coopération métropolitaine de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) mais aucune contractualisation ne suivra. Après l’officialisation de la RMT, les réformes territoriales françaises actent a minima la métropolisation transfrontalière. Les lois NOTRe et MAPTAM en 2014-2015 renforcent l’échelle intercommunale métropolitaine mais ignorent majoritairement l’autre côté de la frontière. La dimension transfrontalière de la métropolisation n’est prise en compte que si la centralité métropolitaine est sur le territoire français à travers l’élaboration concertée d’un schéma de coopération transfrontalière non contraignant. Cela concerne la région strasbourgeoise mais non la région bâloise. À titre d’exemple, « l’Eurométropole de Strasbourg » instaurée donne une dimension métropolitaine et européenne mais non directement transfrontalière puisqu’elle correspond au nouveau nom de la communauté urbaine de Strasbourg, ignorant les territoires allemands adjacents. À

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l’échelle alsacienne, un pôle métropolitain s’est consolidé en 2016 entre Strasbourg, Mulhouse et Colmar affirmant donc une régionalisation métropolitaine strictement française, alors que l’idée d’une fusion des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin revient dans l’actualité malgré le référendum négatif de 2013 (Préfet de la Région Grand Est & Préfet du Bas-Rhin, 2018). Ici l’argument métropolitain est systématiquement mobilisé dans un contexte national, et le transfrontalier n’est que peu pris en compte par Paris.

38 La Suisse a un rôle précurseur dans la reconnaissance du fait urbain transfrontalier puisque l’office statistique suisse répertorie Bâle parmi les « agglomérations transfrontalières » du pays depuis 1990. Mais c’est en 2001, avec la Politique des Agglomérations, que Bâle est reconnue « aire métropolitaine », « soit un système d’agglomérations ayant d’étroites relations fonctionnelles et présentant souvent un lien de continuité territoriale » (Conseil fédéral suisse, 2001). À la suite du rapport de la Conférence tripartite sur les Agglomérations (TAK 2010), la publication du Projet de territoire Suisse en 2012 donne à la région bâloise, devenue un des « espaces métropolitains » un rôle dans la politique nationale d’aménagement. « Ceux-ci présentent d’étroites interdépendances économiques, sociales et culturelles. Les espaces métropolitains sont les principaux moteurs de l’économie suisse ; ils assurent des fonctions essentielles pour la formation, la recherche et la culture, et bénéficient d’un rayonnement international » (Conseil fédéral suisse, CdC, DTAP, UVS, & ACS, 2012). Même s’il s’agit d’un schéma de développement non contraignant puisque l’aménagement est une compétence cantonale (article 50 de la Constitution fédérale), la régionalisation métropolitaine transfrontalière est actée à Bâle par le niveau national. Pour autant, le découpage retenu ne correspond pas à celui de la coopération transfrontalière du Rhin supérieur.

39 En tant que fédération, l’État allemand n’a que peu de compétences en matière d’aménagement du territoire, par conséquent il investit la dimension métropolitaine bien plus tardivement qu’en France (Knieling, 2009). Nous considérerons ici alors l’action de l’État fédéral et des conseils des ministres des Länder comme le niveau national, en comparaison avec la Confédération suisse et l’État français. En 1997, les Länder, réunis dans la Ministerkonferenz für Raumordnung (MKRO), définissent six puis sept « régions métropolitaines européennes ». Les europäischen Metropolregionen sont sélectionnées dans un processus politique d’appel à participation qui permettra à quatre nouvelles candidatures d’accéder à ce statut en 2005. La Ministerkonferenz de 2006 note certes l’importance potentielle des aires d’influence métropolitaines transfrontalières sans pour autant leur assigner un rôle ou un statut (Ministerkonferenz für Raumordnung (MKRO), 2006). Aujourd’hui les régions métropolitaines européennes nationales voient leur existence confirmée par le Bundesinstitut für Bau-, Stadt- und Raumforschung (BBSR) qui réalise un suivi statistique et cartographique d’indicateurs déclinés à partir de la définition des fonctions métropolitaines de Danielzyk et Blotevogel. Les régions de Stuttgart, dans le Württemberg, et de Rhein-Neckar, à cheval sur la limite nord-ouest du Baden, en font partie mais démentent de fait toute cohérence métropolitaine au Rhin supérieur. L’approche allemande des régions métropolitaines s’appuie sur l’adjectif « européen » pour asseoir des grandes et moyennes agglomérations à un niveau de rayonnement supérieur mais ne prend pas en compte le transfrontalier. Le Regionalverband Mittlerer Oberrhein, structure déconcentrée du Land de Baden-Württemberg responsable de la planification territoriale autour de Karlsruhe, avait pourtant déposé une candidature

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avec une dimension transfrontalière dans la politique des europäischen Metropolregionen qui a été refusée en 2007.

40 Si les trois pays du Rhin supérieur ont (re-)lancé des politiques de soutien aux métropoles nationales à partir des années 2000, les constructions régionales métropolitaines qui en résultent ne prennent pas toujours en compte le fait transfrontalier. De surcroît, elles ne coïncident jamais avec le Rhin supérieur. Avant la création de la RMT, les niveaux nationaux reconnaissent respectivement une aire métropolitaine transfrontalière en Suisse, des structurations métropolitaines diverses en France mais aucune dimension métropolitaine dans les territoires allemands. Cette absence du Rhin supérieur des politiques nationales allemandes explique que le Regierungspräsidium de Freiburg ait pris l’initiative de la RMT en 2005.

Le porteur de la stratégie métropolitaine : le Regierungspräsidium Freiburg

41 Au sein du Land de Baden-Württemberg, les deux administrations déconcentrées tentent pourtant à plusieurs reprises de faire reconnaître le Rhin supérieur comme région métropolitaine transfrontalière. Le Regierungspräsidium Freiburg conserve l’appellation de la politique nationale, Metropolregion, y adjoint le qualificatif « trinational » qui est d’usage dans la région du Rhin supérieur (Dreiländereck, Dreyeckland, congrès tripartite, Eurodistrict Trinational de Bâle…) aux dépens des qualificatifs de « transfrontalier » ou « européen », et reprend l'initiative. Un argumentaire va se mettre en place progressivement entre 2006 et 2010 et être diffusé grâce à du matériel promotionnel, tel que le prospectus analysé en amont, afin d’alimenter à une campagne de lobbying à destination de l’État allemand et de l’Union européenne.

42 En vérité les deux stratégies de lobbying sont menées en parallèle envers l’Union européenne et l’État fédéral allemand. Un séjour de recherche à Berlin et Bonn en 2017 a permis de dévoiler l’implication répétée des administrations déconcentrées du Baden-Württemberg dans les projets pilotes MORO (Modellvorhaben der Raumordnung) de l’État fédéral allemand. En 2008-2011 avec le projet « Überregionale Partnerschaften in grenzüberschreitenden Verflechtungsräumen » puis en 2015-2018 avec le projet « Raumbeobachtung Deutschland und angrenzende Regionen », les administrations régionales allemandes font valoir le Rhin supérieur et leur stratégie métropolitaine trinationale lors des appels à projets de l’institut fédéral BBSR. Ces appels à projets expérimentaux visent à soutenir les innovations en matière de développement territorial dans la coopération suprarégionale transfrontalière, l’observation transfrontalière et la constitution de réseaux allemands, et favorisent en retour la mise en réseau et la transmission des pratiques et stratégies de terrain aux instances et politiques nationales. La RMT n’est pas reconnue à ce stade comme l’une des europäische Metropolregionen. Sa structure semble être considérée comme peu homogène et la frontière comme une barrière en son sein, de sorte que ses spécificités ne permettent pas de l’intégrer au programme national de métropolisation. À défaut d’une inscription dans les politiques d’aménagement, ils ont abouti à la création d’une association allemande qui représente les régions frontalières métropolitaines. Le Initiativkreis Metropolitane Grenzregionen (IMeG), soit le cercle d’initiative des régions frontalières

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métropolitaines, rassemble les collectivités territoriales allemandes des régions de Maas-Rhein, de la Grande Région, du Rhin supérieur et du lac du Bodensee.

43 À la lumière de ces tentatives de reconnaissance par l’État fédéral allemand, le choix de présenter la RMT lors de la consultation de la Commission européenne sur le Livre vert sur la Cohésion territoriale en 2008 s’apparente à une stratégie de légitimation par le haut suite aux refus de reconnaissance par le niveau national. Les acteurs allemands du Rhin supérieur cherchent à contourner le niveau fédéral en faisant reconnaître la RMT directement par l’Union européenne dans une logique ascendante-descendante qui s’imposerait alors à l’État allemand.

44 Le rôle prépondérant du Land du Baden-Württemberg à travers le Regierungspräsidium Freiburg et le Regionalverband Mittlerer Oberrhein apparait très clairement dans la genèse de la RMT. Il trouve en outre appui sur d’autres partenaires régionaux. À l’époque des débats français sur la réforme territoriale, le périmètre et les compétences de la Région Alsace font l’objet de négociations. Le Conseil régional peut alors mobiliser la construction régionale métropolitaine transfrontalière dans ces débats pour faire valoir son unité. Face à deux contextes nationaux différents, il y a une congruence des intérêts régionaux en France et en Allemagne. Les arguments de construction régionale métropolitaine transfrontalière sont mobilisés par les acteurs régionaux dans des stratégies de positionnement en réaction à des politiques nationales.

Discussion : La métropole et le transfrontalier dans les rapports scalaires

45 Sur cette frontière entre la France, l’Allemagne et la Suisse, la coopération transfrontalière est ancienne, elle est reconnue au point d’être souvent citée comme best practice en Europe. Dès lors, l’arrivée d’un argument métropolitain avec la « Région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur » en 2010 pour justifier cet espace de coopération transfrontalière interroge. Les arguments avancés pour justifier la régionalisation métropolitaine transfrontalière sont de nature fonctionnelle et quantitative. S’ils calquent la méthodologie des administrations fédérales allemandes issue de la littérature allemande de géographie économique, ils ne convainquent que partiellement la communauté scientifique. L’addition des fonctions urbaines et métropolitaines des différentes agglomérations du Rhin supérieur ne soutient pas la comparaison avec les régions métropolitaines avoisinantes de Rhein-Neckar et Rhein- Main, et avec l’influence de Zürich, Paris ou Stuttgart. La présentation de la RMT oscille entre logique fonctionnelle et logique réticulaire, où deux visions spatiales de la métropolisation se confrontent. Les arguments géographiques d’une région métropolitaine transfrontalière restant discutables, la RMT se dévoile clairement comme une construction politique dans les contextes européens et nationaux.

46 L’analyse de la stratégie de la RMT dévoile un jeu d’acteurs multiscalaire qui se noue dans la gestion différenciée du fait transfrontalier selon les politiques nationales de soutien aux métropoles. À l’inverse de la Suisse qui reconnaît Bâle comme agglomération transfrontalière dès 1990, la France et l’Allemagne développent des politiques nationales de soutien aux métropoles qui ne prennent d’abord que très partiellement en compte le fait transfrontalier de la métropolisation en Europe. Face à des échecs lors des appels à projets de ces politiques nationales, les collectivités

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territoriales du Rhin supérieur voient leur caractère périphérique renforcé par la non- reconnaissance d'une dimension métropolitaine. Le Land de Baden-Württemberg et ses administrations déconcentrées se saisissent alors de l’argument métropolitain transfrontalier à l’échelle du Rhin supérieur et proposent leur stratégie devant les institutions européennes. La réponse au Livre vert de la Commission européenne sur la cohésion territoriale et le rapport ESPON METROBORDER sont des moments clés du lobbying qu’exercent le Rhin supérieur et le Regierungspräsidium Freiburg auprès des institutions européennes. Les collectivités territoriales françaises soutiennent l’initiative du Regierungspräsidium pour des raisons parallèlement similaires. Dans les négociations sur la réforme territoriale française, les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin mais surtout la Région Alsace cherchent des arguments à leur survie institutionnelle. Ce lobbying européen des entités régionales de la coopération transfrontalière vise à contourner les États allemand et français, à les amener à reconnaître le caractère métropolitain du Rhin supérieur et à ainsi considérer les régions frontalières non plus comme périphériques mais comme porteuses de centralité métropolitaine. L’Union européenne fournit des outils aux collectivités frontalières dans leur stratégie de contournement des États. Après la signature de la RMT en 2009 et son officialisation intergouvernementale en 2010, les nouvelles politiques de soutien aux métropoles en Suisse, en France et en Allemagne prennent en compte le fait transfrontalier.

47 Le jeu d’acteurs multiscalaire décrit ici rappelle le processus de double construction métropolitaine décrit par Paul Le Galès : « une mobilisation par le bas de groupes et d’organisations pour pouvoir agir sur le terrain du jeu européen ; une recomposition des États qui adaptent leurs politiques et leurs modes d’action sur les territoires » (Le Galès, 2003). Finalement, les collectivités territoriales du Rhin supérieur mobilisent l’argument métropolitain pour se positionner à l’échelle européenne et forcer la reconnaissance du niveau national. C’est bien pour contrecarrer la périphérie étatique que l’espace transfrontalier du Rhin supérieur avance la métropolisation comme argument de centralité dans la construction régionale. Dans le contexte de restructuration des États-nations et de régionalisation en Europe, on assiste dans ce cas d’étude à une forme de recomposition scalaire à la fois nationale et supranationale (Brenner, 1999). L’argument métropolitain a pu être entendu par l’Union européenne puis par les États grâce à l’articulation avec l’argument transfrontalier. La frontière semble s’apparenter à une ressource (Sohn, 2014) mobilisée par les acteurs de la coopération transfrontalière pour étoffer l’argumentaire métropolitain dans la construction régionale.

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RÉSUMÉS

La coopération transfrontalière entre l’Allemagne, la Suisse et la France s’est transformée en 2010 pour devenir la « région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur ». Dans une approche géographique et scalaire, cet article se propose de retracer la genèse de cette stratégie grâce à une analyse documentaire et à un corpus d’entretiens. Il ressort que les acteurs moteurs sont issus d’administrations régionales allemandes. Face à des réformes fédérales, ils ont su créer un consensus transfrontalier reprenant les standards académiques et politiques allemands de la métropolisation. Ils mobilisent l’argument métropolitain pour se positionner à l’échelle européenne et forcer la reconnaissance du niveau national. C’est bien pour contrecarrer la périphérie étatique que l’espace transfrontalier du Rhin supérieur avance la métropolisation comme argument de centralité. Ce cas de construction régionale présente une forme de recomposition scalaire à la fois nationale et supranationale.

In 2010, the cross-border cooperation between Germany, Switzerland and France became the “trinational metropolitan region of the Upper Rhine”. This article aims at drawing the genesis of this new strategy. It relies on a geographic and scalar approach and uses data from a document analysis and a corpus of interviews. It points out that German regional actors were the true drivers of the strategy. They reacted to the federal agenda on metropolitanisation and created a cross-border consensus aligned with the German political and academic standards. In fact, the metropolitan argumentation raised European awareness and forced the national recognition of a trinational metropolitan region. The actors of the Upper Rhine use the centrality component of metropolitanisation in order to counteract the peripheral component of state border. This case study presents a process of cross-border region building which includes a national and a supranational re-scaling process.

INDEX

Mots-clés : frontière, métropole, région métropolitaine transfrontalière, recomposition scalaire, région métropolitaine du Rhin supérieur Keywords : border, metropolis, cross-border metropolitan region, rescaling process, Upper Rhine metropolitan region

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AUTEUR

PAULINE PUPIER

Université d’Artois, Laboratoire Discontinuités, [email protected]

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Les ambiguïtés de l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, à travers ses représentations régionales Ambiguities of the “Lille-Kortrijk-Tournai” Eurometropolis, through its regional representations

Bénédicte Grosjean

Problématique générale : la faible imagibilité de l'Euro- métropole Lille-Kortrijk-Tournai

Introduction : Ce qui se conçoit bien se représente clairement

1 Cet article s'inscrit dans une recherche plus large1 portant sur les « images spatiales » et leur rôle dans le spatial planning, avec un double postulat propre aux disciplines de conception (architecture, paysage, design) : l'idée que ce qui se conçoit clairement se représente aisément mais aussi, à l'inverse, que le travail d'élaboration progressive de représentations est en soi un moyen de conception et par là, une méthode possible de conceptualisation territoriale2.

2 Le mot territoire est utilisé ici au sens assez commun du « résultat matériel d'un processus de co-évolution entre les établissements humains et le milieu ambiant » (Magnaghi, 2014, p. 9). Cela, non seulement parce que l'humain agit dans et sur une région donnée pour la transformer à son usage mais aussi parce que ce territoire est avant tout une construction mentale, élaborée sur base de réalités descriptibles, pour donner un sens (politique mais aussi symbolique, social, économique, environnemental) à une portion d'espace terrestre.

3 A cette construction territoriale est intimement liée ce qu'on pourrait nommer son « imagibilité »3 : la capacité de ce territoire à être représenté, à travers une ou des figures (carto)graphiques qui en expriment des caractéristiques jugées principales et

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suffisamment saisissables par les acteurs visés. Ceux-ci sont les habitants eux-mêmes mais aussi tout collectif qui doit s'y reconnaître, s'y repérer, s'y référer.

4 L'hypothèse méthodologique générale est que l'analyse des représentations d'un territoire nous informe sur la manière dont il est pensé, construit, porté, utilisé. Et en miroir, que des difficultés à le représenter pointent des imprécisions dans sa définition, des ambiguïtés dans sa conception, des tensions dans sa construction.

L'objet de recherche : l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai

5 Le territoire qui soulève ces questions est l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, dont l'imagibilité, la capacité à se représenter de manière lisible et porteuse de sens, est à ce jour assez faible. L'histoire de la formation de cette Eurométropole4 (EM) est déjà longue et balisée d'étapes. Elle est complexe à retracer parce qu'elle s'inscrit dans des fils de récit différents selon les acteurs : décentralisation pour certains, croissante pour d'autres, continuités géographiques ou villes en réseaux. Cependant, aucun récit ne reflète pleinement la situation, notamment aucun ne concorde avec le périmètre du territoire (figure 1).

Figure 1. Carte de l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (2017).

6 Il s'agit en effet d'un ensemble de 152 communes, appartenant à deux pays et dépendant de trois Régions : les Hauts de France ; la Wallonie, francophone ; et la Flandre, néerlandophone. Il y a ainsi deux jeux de limites qui traversent ce territoire : l'un est politique, étatique, l'autre est linguistique, culturel, et les deux ne coïncident pas.

7 Et le périmètre de l'EM est tout à fait arbitraire : il découle des cinq intercommunales5 qui se sont regroupées en 1991, sous une forme d'abord spontanée puis associative, en tant que COPIT (COnférence Permanente Intercommunale Transfrontalière) : la communauté urbaine de Lille (créée en 1966, aujourd'hui dite Métropole Européenne de Lille, organe à responsabilité politique) ; une intercommunale de développement

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(IDETA) et une intercommunale d'étude et de gestion (IEG) en Wallonie, deux intercommunales de développement en Flandre (Leiedal et WVI). C'est globalement l'addition des communes adhérentes à ces cinq institutions6 qui donne son périmètre à l'EM.

8 En 2008, la COPIT est devenue le premier GECT (Groupement Européen de Coopération Territoriale), un nouveau statut avec personnalité juridique, fraîchement instauré par l'Europe. Cette instance est aujourd'hui composée de 14 membres, qui la financent7 : les 5 intercommunales de départ ; 1 département en France et 2 provinces en Belgique ; 1 Région en France et 3 entités fédérées belges (la Région wallonne, la Communauté francophone8 et la Région flamande, qui a fusionné avec sa Communauté en 1980) ; les 2 Etats.

9 L'analyse des représentations de l'EM9 (produites par ses membres) montre plusieurs liens entre la construction territoriale et son imagibilité, tant comme simple objectif que dans la capacité à y répondre.

10 Par exemple, la période COPIT (elle-même ayant eu plusieurs phases de consolidation) a été particulièrement productive en réflexions, débats et publications (figure 2). Notamment une vingtaine de cahiers et de dossiers très documentés, co-financés par des fonds européens10, ont été le lieu d'une production spatiale non négligeable, testant des configurations graphiques et des contenus variés. En revanche, à partir de 2008, le travail sur l'imagibilité (et la réflexion qui lui est inhérente) chutent fortement, les efforts se concentrant sur la mise en œuvre d'une gouvernance complexe. Ainsi, dès lors que le périmètre est figé par le GECT, la production de représentations de ce qu'il enserre se tarit sensiblement (figure 3).

Figure 2. Exemples de la diversité de représentations produites à la période COPIT.

Source : Extraits des Cahiers de l'Atelier Transfrontalier (1998-2005)

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Figure 3. Depuis l'instauration du GECT (2008), les images sont neutres et/ou schématiques.

11 Mais en outre, elle va se cantonner à quelques familles d'images, très opposées. D'un côté, celles produites en interne sont soit assez neutres (exprimant peu d'enjeux, proches de l'IGN), soit assez schématiques (n'exprimant que des simplismes, comme un triangle de villes). De l'autre, les rares visions projectuelles du territoire, que le GECT a commandées après 2008 à des prestataires externes (Taktyk, Studio Secchi-Viganò), restent trop complexes à ce stade pour que ses propres membres ou d'autres acteurs locaux puissent s'en saisir (figure 4). Cette tension entre modes de représentation était forte lors des workshops d'élaboration du projet de territoire « Espace Bleu »11 (2016-17), les discussions entre protagonistes montrant à quel point ce sont encore de vrais objets de débat.

Figure 4. Représentations de l'Eurométropole par des prestataires extérieurs.

12 Il est important de préciser que ces difficultés ne sont pas liées à une complexité qui serait particulièrement inhérente au terrain. D'autres territoires bien loin d'une figure simple (la ville radio-concentrique) se sont construit une lisibilité justement grâce à une « figure de territoire » adéquate à leur situation. La Randstad (aux Pays-Bas) par exemple, ou la figure de Emscher Park (dans la Ruhr), font partie des études de cas sur lesquelles s'était penché la COPIT en 199812, ce qui montre que le besoin sous-jacent de figures territoriales explicites est pressenti depuis longtemps (figure 5).

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Figure 5. Exemples de « figures de territoire » opératoires relevées par l'Atelier Transfrontalier de la COPIT.

Un levier méthodologique : la notion de région comme analyseur

13 Le présent article utilise la notion de région comme levier, pour entrer dans le vaste corpus de ces représentations, et pour l'organiser en plusieurs questions. Testée dans le cadre d'une participation à un colloque Eurégio13, elle s'est en effet révélée être un analyseur efficace, par ses multiples acceptions, mettant à jour plusieurs ambiguïtés dans la définition de ce territoire.

14 Les dictionnaires donnent deux sens principaux au mot région. D'un côté, il exprime l'idée de cohérence autour d'un ou plusieurs faits régionaux : « [la région est] une portion de territoire délimitée, qui forme une unité constituée soit par sa situation, son climat ou son paysage naturel, soit par son économie, son histoire et ses caractères humains ou ethnologiques »14. De l'autre, il désigne un échelon institutionnel intermédiaire, la subdivision d'une entité plus grande, souvent jugée nécessaire dans la littérature française15 : « le pouvoir central a besoin pour s'exercer efficacement de relais géographiques aux échelons moyens et inférieurs de l'espace. Les villes et leurs réseaux ne suffisent pas »16.

15 Un rapide relevé des occurrences du mot région dans le premier document stratégique dont s'est doté ce territoire (2001, cf. infra.) fait apparaître deux expressions spécifiques, utilisées pour le qualifier : région métropolitaine ou métropole tri-régionale ; alternative qui correspond aux deux sens relevés ci-dessus. Trois axes d'analyse sont alors développés ici, exploitant divers positionnements, pour faire émerger ce qui pose question dans la ou les définitions de ce territoire.

16 - Tout d'abord, les approches qui envisagent l'EM comme une région eurométropolitaine, transfrontalière (au premier sens du mot région). Sur quels faits régionaux s'appuient-elles pour rendre lisible la cohérence du territoire considéré ? Pour y répondre, sont analysées des cartes que l'EM a produites pour se caractériser

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(ici, uniquement dans la période sous la forme COPIT) et quelques discours associés, à la recherche de ces faits régionaux cohérents.

17 - Une deuxième relation ensuite : l'EM comme métropole tri-régionale, au sens où elle s'étend à cheval sur trois entités politiques contiguës. L'analyse porte ici sur la place que les trois Régions donnent à l'Eurométropole dans leurs documents de planification stratégique, et ainsi sur les représentations (graphiques et écrites) qu'elles véhiculent de celle-ci.

18 - Enfin, outre ces deux relations assez classiques, l'EM revendique aussi, de plus en plus, un statut d'entre-deux, de territoire « inter-régional ». En effet, son agence se définit depuis 2016 comme « facilitatrice » des interactions entre régions, une entité incitative pour la coopération. Ces enjeux, s'ils sont transfrontaliers, sont aujourd'hui définis et cadrés à l'échelle européenne via les programmes Interreg. Cette troisième hypothèse sera donc examinée par rapport aux modalités de ces dispositifs, de leurs périmètres et attributions spatiales.

Trois hypothèses : région transfrontalière, métropole tri-régionale, « inter-région » métropolitaine

L'Eurométropole comme région transfrontalière

19 Considérer le territoire de l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai dans une vision unifiante et rechercher les cohérences qui pourraient justifier ce point de vue – géographiques, paysagères, économique, culturelles, réticulaires – a constitué une approche récurrente des travaux de la COPIT, bien que souvent implicite. Dans le vaste corpus des documents de cette période, particulièrement productive en représentations variées, quelques « coups de sonde » montrent ici sur quels faits dominants cette interprétation a pu s'appuyer.

Doc1. « Propositions pour une stratégie pour une métropole transfrontalière », COPIT, 2001

20 Ce Cahier de l'Atelier Transfrontalier n°Σ est l'aboutissement d'une phase importante de la COPIT, le projet Grootstad17 (1998-2001). Ce document de 118 pages d'un texte dense et moyennement illustré, a ensuite fait l'objet d'une version de 25 pages, reformulant légèrement les quatre enjeux et très édulcorée dans son iconographie, ne misant plus que sur des photos (COPIT, 2002).

21 Cependant, les cartes de la version complète mettaient en évidence plusieurs « faits régionaux », celui revenant majoritairement étant la conurbation des villes (de Lille à Courtrai en passant par Roubaix, Tourcoing et Mouscron), par la représentation de l'occupation des sols, l'urbanisation en rouge. Celle-ci constitue le fond de la carte de base, présente sur toutes les jaquettes, les avant-propos et les 4e de couverture.

22 En deuxième place dans la récurrence, on trouve un ensemble cartographique issu de travaux de paysage (cf. infra.) qui soulignent notamment : le relief des deux vallées parallèles de la Lys et de l'Escaut (insistant aussi, de ce fait, sur la crête urbanisée entre les deux) ; ou, à l'inverse, un réseau hydrographique plus isotrope, couvrant le périmètre d'un maillage régulier presque réticulaire (en rajoutant même en pointillé, pour compléter la figure, un canal jamais achevé entre Comines et Ypres) ; enfin, une

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autre lecture du territoire, également proposée par les paysagistes, est composée de motifs en patchwork, sur une sur une trame à dominante tantôt urbaine, tantôt rurale (Cahier n°2, p. 65).

23 Il est important de noter qu'à ce stade, il était encore possible de voir une cohérence entre l'étendue de ces caractères et le périmètre envisagé pour l'EM. Le cadrage utilisé offre même une forme de symétrie assez stable visuellement, entre l'ouest et l'est d'un axe morphologique dense (orienté plutôt nord-sud). La légende d'une dernière carte, qui termine le document en répertoriant toutes les communes du « territoire de référence de l'EM », souligne en fait ce qui rend cela possible (figure 6) : elle indique que les périmètres de IDETA et WVI n'y sont pas intégralement repris ; tandis que côté français, à l'inverse, le territoire concerné va au-delà de la Communauté urbaine de Lille18. Cette possibilité, à l'époque, de distinguer les périmètres des intercommunales de celui de l'EM était visiblement un facteur facilitant la construction de figures de territoire19.

Figure 6 a-b. Figures du territoire en rapport avec son périmètre, dans la « Proposition de stratégie pour une métropole transfrontalière » (2001).

24 S'il ressort donc d'une majorité de ces documents graphiques que le fait régional principalement unifiant serait la forme de sa métropolisation, en colonne vertébrale transfrontalière, celui-ci ne correspond néanmoins qu'à une partie du territoire (mise en valeur par un périmètre ad hoc), le reste pouvant y résister. C'est ce qui ressort d'un autre cahier très diffusé de la COPIT, celui commandé au paysagiste ; et c'est aussi ce qui transparaît d'un autre point de vue, celui d'un partenaire qui serait, de ce fait, « métropolisé ».

Docs2. Portrait du paysage et Motifs du paysage, Ph. Thomas (paysagiste) et A. Leplat (arch.)

25 Dans ces Cahiers20, les auteurs développent, en « deuxième hypothèse », un territoire basé sur une diversité de « motifs » (les villes, les vallées, les monts, les carrières, les horizons vides) posés sur une « trame », qui entremêle deux « dominantes », soit rurale soit urbaine (figure 2). Une analyse des usages du mot « région » dans le texte fait bien émerger la recherche d'éléments de cohésion, unifiants. Mais ils ne relèvent qu'un seul

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fait global, qui reflète « l'identité d’une région de part et d’autre de la frontière » : c'est une « tradition de proximité, de complicité de la ville et de la campagne, du mélange des activités qui fait qu’aujourd’hui elles ne s’ignorent ni ne s’opposent, mais s’assemblent en des formes variées, jusqu’à l’insolite » (ibidem, n° 2, p. 27). Un tissu mixant finement urbanisation et agriculture serait donc ici le caractère dominant de ce territoire.

26 Sous le terme « région », ce texte désigne plutôt une quantité de sous-territoires, qui se différencient graphiquement : les Weppes, le Ferrain, etc. Ce sont là, disent les auteurs, « des unités homogènes de paysage (…) où l’on peut trouver la convergence d’un certain nombre de facteurs et une explication des formes observées par des raisons géographiques, historiques ou culturelles. » (ibidem, p. 59).

27 Dans leur démarche, l'idée de région se positionne donc à une échelle beaucoup plus petite, interne au territoire de l'EM, et celui-ci se définit comme une somme d'images. Ils nuancent ainsi la vision forte, précédemment identifiée, d'une région métropolitaine basée sur une agglomération centrale dense, en insistant plutôt sur une trame définie par les espaces ouverts :« il s'agit de cette campagne faite d’un mélange d’arbres, de champs, de prairies, de maisons et d’usines, qui se densifie au contact des villes. (…) C’est comme un bocage en pixels, une structure dispersée, une organisation en semis » (ibidem, p. 71). Cette approche minimise l'idée de métropolisation (au sens de territoires sous la sphère d'influence d'une agglomération attractive), et mise sur une image en patchwork.

Doc3. Plan stratégique de coopération transfrontalière, Prov. Flandre Occidentale (2002)

28 Un dernier coup de sonde, cette fois du côté d'un partenaire susceptible de subir la « métropolisation », met aussi à jour une posture mitigée par rapport à l'idée d'une grande « région métropolitaine ».

29 Cet acteur, la province de Flandre Occidentale (WV), peut pourtant se targuer d'être à la fois précurseur et moteur de la coopération transfrontalière, en ayant par exemple conclu un protocole d'accord dès 1989 avec le département du Nord, ou en étant le seul acteur de son niveau financièrement impliqué dans le programme Grootstad. Mais en parallèle à ces travaux, la province commandite à un universitaire un bilan de 10 années de coopération21 (2001), puis publie sur cette base son propre plan stratégique de coopération transfrontalière (2002). Celui-ci ne comporte strictement aucune carte, aucune représentation globale de l'EM comme territoire physique, mais uniquement des photos, qui soulignent : les investissements culturels, touristiques et environnementaux communs, les efforts linguistiques mutuels, la mobilité domicile- travail, les paysages et les liens ferroviaires transfrontaliers.

30 Cette non-représentation du territoire se comprend, à la lecture du texte, comme le résultat du dilemme auquel la province fait face. D'un côté, elle a très tôt conscience de la polarisation croissante de Lille, avec comme déclencheur, son accessibilité qui se démultiplie dans les années 1990 (gare TGV et Euro-Tunnel). Elle se positionne donc pour faire partie de ce territoire et profiter de cette métropolisation inéluctable, au risque de disparaître de la carte. De l'autre, elle met clairement à plat les écueils rencontrés dans les expériences de coopération avec les Français. Il en découle une certaine méfiance, qui se conjugue aux injonctions du niveau Régional pour la protection de l'identité flamande (cf. ci-dessous).

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31 Le résultat est ici le refus assez explicite du processus d'intégration, et donc, de construction d'une « grande région métropolitaine », au profit d'une collaboration, de partenariats entre entités distinctes et équivalentes en pouvoir décisionnaire. Un positionnement qui évoque donc plutôt la deuxième appellation forte du document stratégique de la COPIT, la « métropole tri-régionale ».

L'Eurométropole dans les visions stratégiques Régionales

32 Comment se définit l'EM vue de l'extérieur et, en particulier, quelle place lui est attribuée par les Régions (au sens cette fois d'institutions) dans lesquelles elle s'inscrit, à chaque fois partiellement ? Les rapports entre l'EM et ces Régions sont complexes22, car elles sont à la fois surplombantes et, à la fois, elles-mêmes membres du GECT. Quel rôle accordent-elles à l'Eurométropole dans la « vision » de leur propre territoire ? Cette question est à nouveau abordée ici à travers un corpus restreint : les documents de planification régionale (sachant qu'ils sont tous actuellement en train d'évoluer), en ciblant uniquement ce qu'ils accordent comme place au transfrontalier.

Doc1. Flandres - RSV et BRV23

33 Si la vision stratégique du second a été récemment approuvée (juillet 2018), c'est dans le précédent que l'on trouvait des représentations d'une structure spatiale du territoire. Elle était basée sur la différentiation entre des espaces ouverts (à défendre) et un réseau de villes, appelé le Losange Flamand (Vlaamse Ruit). Bruxelles en était un sommet (bien que le RSV ne s'y applique pas), tandis que Courtrai n'en faisait pas partie : certaines cartes « périphérisaient » même cette ville, par un léger arc de cercle l'orientant vers la France (figure 7).

Figure 7. Représentation du territoire de l'Eurométropole dans les figures de planification régionale (Flandres).

34 Dans le BRV, plus rien n'est représenté de l'extérieur de la Région ; et en interne, aucun système de pôles, axes ou autres armatures hiérarchiques ne se distingue ; l'entièreté régionale est une même matière verte, qui n'indique plus l'artificialisation des sols

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qu'en pourcentage. Toutes les images élaborées sont des vues en axonométrie d'échantillons de territoires, tous mixtes : s'y enchevêtrent réseaux ferrés, champs, immeubles de bureaux, maisons, usines, arbres, un cirque, un château d'eau, etc. L'enjeu central du BRV est de lutter contre la consommation de foncier (agricole ou naturel) ; et les outils proposés sont la densification des autres espaces, la réutilisation de l'existant, la mixité programmatique, l'occupation temporaire. Il prône de concentrer les équipements sur des « points de mobilité », pas sur des villes.

35 En parallèle, on sait que la Région a historiquement mis l'accent sur une protection identitaire : elle lutte depuis plus de deux générations pour effacer l'usage du français dans son périmètre Régional, et elle met de grands moyens pour inciter la population flamande à investir la Région Bruxelles-Capitale. Dans ce contexte, il est peu cohérent pour elle de soutenir la construction d'un nouveau territoire « bilingue » où, à nouveau, le français dominerait.

36 On peut déduire de cette double observation que l'idée de conforter une « métropole » n'est ni dans le vocabulaire ni à l'agenda de la Région flamande, et encore moins si elle est « transfrontalière ». Pourtant, la problématique majeure sur laquelle le BRV a choisi de se centrer (le manque d'espace), pourrait l'amener à prendre ses voisins en compte. En effet, en pratique, des habitants investissent déjà des communes wallonnes moins sourcilleuses sur le pavillonnaire, des entreprises s'installent déjà dans des zones d'activités wallonnes, moins contraignantes, etc. Mais graphiquement, aucun flux ne rentre ni ne sort du périmètre flamand : tout se passe en interne.

Docs2. Wallonie – SDER24 et SDT25

37 La révision du premier plan (2013) n'a pas été approuvée et l'élaboration du second est en cours, mais les deux documents ont en commun, à l'inverse des précédents, de représenter le transfrontalier de manière précise et même, de lui donner un rôle primordial dans la structure Régionale. En effet, ils font le constat explicite d'une « absence de réelle métropole en Wallonie » et, au contraire, de « la présence de métropoles voisines » (Bruxelles, Lille, Luxembourg, et le triangle Liège-Maastricht- Aachen). Les deux schémas sont charpentés par une « dorsale » urbanisée qui s'accroche fermement à ces polarités extérieures. Ils opèrent ainsi une sorte d'inversion métropolitaine type randstad, où on insiste sur de grands territoires « verts » et des bandes structurantes (« les réseaux trans-européens de transport »), reliant des métropoles transfrontalières. Le SDT a fait le choix de « métropoliser » plus fortement Liège et Charleroi mais on y retrouve, bien qu'un peu dilué graphiquement, « les pôles extérieurs à la Wallonie », les flèches d'ancrage et la dorsale wallonne structurante (figure 8). A une échelle plus fine, exploiter la situation « d'euro- corridor » entre Lille et Bruxelles, est aussi une des postures adoptées par la Wallonie Picarde26, contre le danger de n'être que la « banlieue » verdoyante, agréable à habiter, des métropoles proches. Il n'y a en fait que dans le schéma wallon que l'idée d'une Eurométropole forte est compatible, voire souhaitable.

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Figure 8. Représentation du territoire de l'Eurométropole dans les figures de planification régionale (Wallonie).

Doc3. France - Le SRADDET

38 En effet, côté français, les travaux préparatoires du schéma de la nouvelle Région Hauts de France pointaient la même situation délicate (mais cette fois entre Paris, Londres et Bruxelles) avec le risque d'en être l'arrière-pays, exploité par l'attractivité de ces voisins27. En revanche, ce schéma ne peut trop insister sur le développement d'une grande Région métropolitaine lilloise28 car l'enjeu de base imposé à tous les SRADDET est « l'équilibre et l'égalité des territoires » et le désenclavement des territoires ruraux. A fortiori ici, deux anciennes Régions qui souhaitent fusionner dans un respect mutuel visent à ménager les équilibres29, entre Lille et Amiens et plus largement, dans un système interne de « villes structurantes et moyennes » (Dunkerque, Compiègne, Valenciennes, Arras, Maubeuge, le bassin minier, etc.). Les représentations régionales produites à ce stade30 cherchent donc plutôt à figurer des armatures internes. A part celles du réseau de TGV et du réseau de logistique, les cartes ne représentent rien de spécifique au droit du transfrontalier : dans les franges extérieures, en couleurs floutées, deux petits points évoquent Tournai et Courtrai, mais jamais l'EM et son périmètre ne sont mentionnés (figure 9).

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Figure 9. Représentation du territoire de l'Eurométropole dans les figures de planification régionale (Hauts de France).

39 Dans le texte la Région exprime un « parti-pris » pour se positionner « avec nos voisinages européens »31. Elle a confié ce volet au pilotage de la MEL, pour qu'il soit étroitement lié à son Schéma de Coopération Transfrontalière, un autre document imposé par une nouvelle loi française (MAPTAM, 2014) aux métropoles limitrophes d'un état étranger (Lille, Strasbourg et Nice). Et la MEL a confié la coordination de l'élaboration de ce document à l'ADULM32. Dans les quatre dimensions du transfrontalier qui ont été tôt identifiées33, celle-ci va mettre l'accent sur celles que justement ne traite pas l'EM, par souci de complémentarité entre « feuilles de route ». A la demande justement du groupe de travail réuni pour le SCT, l'agence a produit une nouvelle carte dite des « 4 Régions » (3 belges et les HDF). Originale dans son cadrage, elle dévoile une symétrie en km² et une forte asymétrie en réseau de villes ; mais elle non plus ne mentionne pas l'EM, un objet territorial hybride, difficile à faire figurer parmi les Etats, provinces et départements (figure 10).

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Figure 10. « Carte des quatre régions » (2017).

Source : Séminaire technique Planification transfrontalière Synthèse par l'ADULM, sept. 2017 [pdf en ligne], pp. 46-17

L'Eurométropole comme inter-région

40 C'est pourquoi on en arrive à envisager plutôt, en troisième lieu, l'Eurométropole dans son « inter-territorialité » – comme entre-deux spatial et entité ad hoc destinée aux coopérations territoriales transfrontalières. Cela s'inscrit dans une hypothèse que des géographes aujourd'hui considèrent essentielle : « l'organisation politique des territoires est devant un nouveau devoir, celui de l'inter-territorialité, qui la conduira à consacrer davantage d'efforts à ce qui se décide, se construit, se régule, se gère entre territoires qu'à l'intérieur de chacun d'eux pour lui-même » (Vanier, 2008, p. 6).

41 En 2016, l'EM a réorienté ses enjeux vers l'idée de « faire travailler ensemble les forces vives françaises et belges du territoire : élus politiques, institutionnels, services publiques et société civile (chefs d’entreprises, associatifs, syndicats, étudiants, artistes, etc.) »34, et l'Agence s'est donné « pour mission de tisser des liens, de créer des ponts entre les forces vives de l’Eurométropole (…) et favoriser le rapprochement entre les acteurs »35. Aux « coordinateurs » des différents axes, on a adjoint le qualificatif de « facilitateurs » depuis le rapport d'activités 201736.

42 L'EM pourrait être ainsi un « inter-territoire » précurseur, testant des modalités neuves qui seraient aujourd'hui indispensables : d'un côté, pour encadrer des pratiques qui elles, sont déjà fort inter-territorialisées (économie, mobilité, multi-résidentialité, métissage culturel, etc.) (ibidem, p. 3) ; de l'autre, pour rendre possible la durabilité, aucun territoire ne pouvant y prétendre sur les seules ressources de son périmètre (ibidem, p. 64).

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43 Cependant, l'hypothèse de l'inter-territorialité pose elle-aussi des questions de représentation au sens large, de périmètres, d'échelles et de structure interne. Lieu de liens, ou lien entre lieux, un « inter-territoire » est par définition difficile à appréhender spatialement. Les programmes européens Interreg, qui encadrent la coopération transfrontalière, sont certainement ceux qui affichent les ambitions les plus proches de ces enjeux. Ils peinent pourtant à intégrer l'EM dans leurs schémas, tout en devenant incontournables dans le paysage du financement de projets.

44 G. Hamez posait dans sa thèse (2004) que la coopération transfrontalière pouvait découler de deux dynamiques opposées. La première exploite les ressemblances de part et d'autre : c'est par l'existence de caractères communs qu'on gagne en visibilité et en légitimité. La seconde exploite les différences : c'est l'existence de disparités qui provoque les flux, l'attractivité de l'un vers l'autre, et vice-versa pour d'autres flux.

45 Pour ce territoire frontalier particulier, il a démontré que c'est la deuxième force de coopération, par complémentarité, qui a toujours prévalu, et que l'ouverture des frontières y a en fait diminué les motifs de coopération (ibidem, pp. 462-464) parce que, à cette échelle, elle a lissé les différences (alors qu'il mesure une augmentation de la coopération, à échelle nationale). Il relevait là un effet assez opposé aux bénéfices attendus de l'inter-territorialité : « Alors que les relations traditionnelles portent sur la dissymétrie entre les espaces et les secteurs, (…) les programmes Interreg favorisent et subventionnent les contacts symétriques. Il ne s’agit plus de chercher de l’autre côté de la frontière des produits et services en jouant sur les avantages comparatifs, mais de trouver des partenaires. Le changement d'optique est radical » (Hamez, p. 49).

46 Par ailleurs, il avait aussi déjà mis en évidence l'importance de l'échelle des territoires concernés comme facteur déterminant de l'efficacité (ou non) d'un périmètre déclaré de coopération, en soulignant la forte dissymétrie entre France et Belgique des périmètres des territoires éligibles aux financements Interreg37. Ainsi, Gand n'était pas jugé légitime à cette coopération (à 60 km de Lille), contrairement par exemple à Soissons, pourtant bien plus proche de Paris que de la frontière.

47 Cette incongruité a été atténuée à partir de l'Interreg IV, par l'ajout des « territoires adjacents » aux territoires éligibles. Mais en parallèle, on n'a jamais recadré la coopération à des échelles plus restreintes : les périmètres n'ont fait que s'élargir depuis. Aujourd'hui, le niveau d'Interreg le plus local (A) favorise des projets entre partenaires qui couvrent un périmètre beaucoup plus large que celui de l'Eurométropole. Tandis que des programmes de coopération qui seraient cohérents à l'échelle eurométropolitaine (comme une chaîne de télévision d'information locale, mais transfrontalière) sont devenus trop ponctuels pour les InterregA, sans que d'autres programmes à échelle plus fine ne prennent le relais.

48 Cependant, l'EM ne peut pas non plus se prévaloir de faire de la coopération « en interne ». Ce n'est pas ici une question de taille (puisque Interreg avait financé une part importante des travaux de la COPIT) mais uniquement de définition territoriale : depuis son passage au statut de GECT (2008), elle n’apparaît que comme un seul acteur – et non comme une région transfrontalière dont les composantes collaborent. Ce fonctionnement n'est pas éligible en lui-même à un soutien de coopération, bien qu'il compose avec les mêmes complexités transfrontalières que tout autre projet bi- national et tri-régional.

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49 L'EM a bien sûr la possibilité de s'adresser aux financements Interreg pour développer des projets. Mais comme n'importe quelle équipe du territoire (de chercheurs, de collectivités locales, etc.), elle a plus de chance d'en obtenir en proposant une coopération avec un autre partenaire bien éloigné, alors qu'elle peine à financer ses actions en interne ; et elle doit être très sélective dans ses demandes, alors qu'une construction territoriale efficace devrait plutôt s'appuyer sur une multiplicité de thèmes.

50 Enfin, outre cette ambivalence entre coopération interne ou externe, l'EM se retrouve confrontée à d'autres « paradoxes » scalaires, typiques de l'inter-territorialité, les acteurs n'étant plus dans la situation univoque de l'organisation hiérarchisée : le programme Interreg en est un révélateur, à nouveau, puisque sur certains financements, les trois Régions (par ailleurs membres de l'EM), se retrouvent parfois en concurrence avec elle.

51 Ainsi, les formes d'inter-territorialité qui s'esquisseraient à l'Eurométropole, se retrouvent souvent en porte-à-faux avec les caractéristiques de la seul instance actuellement conçue pour gérer ces situations. Et à l'inverse, les spécificités de l'EM n'ont pas encore percolé dans les modalités d'appels d'offre, ou les critères d'évaluation d'Interreg, bien que les Régions en soit aussi les autorités de gestion.

Conclusion : Une figure territoriale minorée : la frontière à trois branches

52 En synthèse, il ressort des ambiguïtés relevées que l'EM est bien tiraillée entre des positionnements assez opposés, et des acceptions diverses de la notion de région. D'un côté, elle cherche à se construire comme une entité régionale pluri-culturelle, pour les besoins de visibilité et d’attractivité qui poussent toutes les villes à la métropolisation. Elle a pour cela quelques « faits régionaux » à invoquer, que ce soit la conurbation (fait majeur sous la COPIT), les continuités de la géographie (fait majeur pour la construction de « l'Espace Bleu »), un même rapport de porosité ville-campagne (relevé par les paysagistes), une histoire commune, etc. Mais son périmètre, sa délimitation (la « définition extensive »), ne correspond à aucune de ces caractéristiques internes (la « définition intensive »).

53 D'un autre côté elle est couramment ramenée à s'envisager comme une somme de territoires, la « métropole tri-régionale », une mosaïque de fragments juxtaposés qui doivent être considérés comme égaux. Mais pour y arriver, d'autres déséquilibres ont été engendrés : le partage du budget pour moitié entre France et Belgique survalorise la contribution de la MEL ; la superficie augmentée a intégré des territoires peu concernés par le transfrontalier, de même que le principe d'associer toutes les communes d'une inter-communalité amène l'EM aux portes de Bruxelles. Si l'EM est ainsi mieux acceptée en interne, par des acteurs locaux souvent pris dans leurs propres logiques, cette structure-là est cependant moins lisible de l'extérieur, et son travail intrinsèque de coopération transfrontalière est faiblement reconnu.

54 Ces deux premières hypothèses examinées ont ainsi fait émerger des écueils dans les représentations, que ce soit de cohérence spatiale, de compatibilité entre schémas, de concurrence entre voisins ou de reconnaissance parmi d'autres institutions. Pour la troisième hypothèse, il n'y a même aucune représentation spatiale qui ait été tentée.

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Reconnaissons qu'elle serait ardue et que la plupart des travaux portant sur l'inter- territorialité évitent de s'y confronter (sauf en schémas), bien que la nécessité d'y travailler soit relevée38. En filigrane, il faut sans doute y distinguer une question plus large, celle de la représentativité : les structures (ou des élus) qui porteraient des enjeux de l'inter-territorialité sont trop peu visibles par rapport à celles ou ceux qui confortent les identités.

55 On pourrait néanmoins reconnaître l'importance d'une figure de territoire, en s'appuyant sur le fait que des complémentarités sont utiles en coopération, qu'une différence de potentiel crée des échanges et que ces diverses dynamiques (économique, culturelle, écologique, etc) en seraient la caractéristique principale. Si on écarte donc les limites extérieures (qui ne correspondent à rien) ou les continuités hydrographiques (qui structurent en fait tous les territoires), il reste bien un « fait régional » commun qui articule ces entités distinctes, mais il est en fait toujours estompé, car il n'est justement pas unifiant : ce sont les lieux de différentiel, de fracture. Les frontières internes de l'Eurométropole – en forme d'hélice à trois branches – sont peut-être ce qui structure de la manière la plus opératoire, à la fois le spécifique et le potentiel de ce territoire.

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Corpus d'analyse graphique

Les Cahiers de l'Atelier Transfrontalier, 1ère série (1998-2001), Ed. resp. Jef Van Staeyen, COPIT. Financement européen Terra DG16.

Cahier n° 1 - Concurrence et complémentarité économiques, 4 rapports introductifs Cahier 2 - Portrait du paysage – Philippe Thomas et Anne Leplat Cahier 3 - Métropolisation transfrontalière : perception, attentes, orientations – TETRA Cahier 4 - La gestion des ressources en eau - Cathy Denimal Cahier 5 - Portrait économique - François Milléquant et Hassan EL Asraoui Cahier 6 - Mobilité et accessibilité - TRITEL & CETE Cahier 7 - Nouvelles stratégies à l’égard du paysage - Eric Luiten Cahier 8 - La métropole transfrontalière en questions : ce qu’en pensent les secrétaires communaux TETRA Cahier 10 - Les motifs du paysage – Philippe Thomas et Anne Leplat Cahier 12 - Une métropole en réseau Bruno Sinn - Christian Vandermotten - Louis Albrechts

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Cahier 14 - Le décloisonnement frontalier du marché de l’emploi WES Cahier 16 - Atlas de l’équipement culturel de la métropole franco-belge – ADULM Cahier ∑ - Proposition de Stratégie pour une métropole transfrontalière SPIRE + IGEAT + ISRO & Atelier

Les Cahiers de l'Atelier Transfrontalier, 2e série (2003-2005), Ed. resp. Jef Van Staeyen, COPIT. Financement InterReg IIIA.

Cahier 9 - Le multilinguisme dans la métropole franco-belge - Piet Desmet, Lea Vermeire, Carine Reuvers Cahier 11 - Techniques de rétention des eaux de pluie – SAFEGE, Jean Vauthier Cahier 13 - Un maillage bleu métropolitain - WVI (West Vlaamse Intercommunale) & LMCU (Lille métropole Communauté urbaine) Cahier 15 - Émulation. A ménager et gérer des zones d'activités de qualité dans la métropole franco-belge. Visions et expériences de part et d'autre de la frontière

Documents de planification régionale en Flandres https://rsv.ruimtevlaanderen.be/RSV/Informatie/Over-het-RSV/Downloads https://www.ruimtevlaanderen.be/NL/Beleid/Beleidsontwikkeling/Beleidsplan-Ruimte- Vlaanderen/Publicaties-BRV

Documents de planification régionale en Wallonie https://www.wallonie.be/sites/wallonie/files/publications/sder_complet.pdf http://lampspw.wallonie.be/dgo4/tinymvc/apps/amenagement/views/documents/ amenagement/regional/sdt/projet-sdt-FR.pdf

Documents de planification régionale en Hauts de France http://sraddet.participons.net/ « La vision régionale », document à télécharger : parti_pris_1_2 et 3.pdf

NOTES

1. Habilitation à Diriger les Recherches en cours de préparation (soutenance prévue automne 2019). 2. "The conceptualisation of the territory through spatial images is an integral part of spatial planning", in DUHR Stefanie, The Visual Language of Spatial Planning. Exploring cartographic representations for spatial planning in Europe, New York, Routledge Ed., 2007, p. 1. 3. Définition extrapolée pour l'échelle territoriale à partir des travaux de Kevin LYNCH (1960) pour l'échelle urbaine : The image of the city, Harvard-MIT Joint Center for Urban Studies Series. 4. A distinguer de l'Eurométropole de Strasbourg, qui est une "communauté urbaine", soit un EPCI (Établissement Public de Coopération Inter-communale) a priori de plus de 500 000 habitants. Elle ne comprend donc que des communes françaises. L'équivalent à Lille s'est dénommé MEL (Métropole européenne de Lille). 5. Ces partenaires ont commencé par cartographier des données disponibles à échelle des arrondissements (belges). Ainsi le premier périmètre (cf. figure 6) correspond côté belge à ceux de Ypres, Roeselaere, Kortrijk, Mouscron et Tournai. Une deuxième série d'études (2003-2005) y inclura en outre les arrondissements de Tielt et de Ath. 6. Avec des nuances : en Flandre, tout le périmètre de WVI n'est pas repris (il couvre 7 arrondissements en tout) ; en France, le périmètre a évolué en fonction des travaux de révision du SDAU après 2001 (il concernait d'abord "l'arrondissement de Lille", puis "le territoire du SCoT", pour finir par coïncider avec le périmètre de la MEL). 7. A parts égales entre les 4 membres français (50 %) et les 10 belges (50 %). Son mode de gouvernance s'appuie (depuis 2016) sur 6 instances de concertation : la Présidence (tournante),

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l’Assemblée, le Bureau, l’Agence transfrontalière, les Groupes de Travail Thématiques (ou Forum) et la Conférence des maires et des bourgmestres. 8. Aujourd'hui dénommée "Fédération Wallonie-Bruxelles". 9. Travail en cours (cf. supra.). 10. D'abord le programme Terra de la DG16, puis un Interreg 2003-2005. 11. Cf. http://fr.eurometropolis.eu/nos-actions/espace-bleu/productions-resultats.html. 12. LUITEN Eric, "Nouvelles stratégies à l'égard du paysage", Les Cahiers de l'Atelier transfrontalier n°7, éd. resp. COPIT, octobre 2000. 13. Conférence finale Jean Monnet, programme de recherche EUREGIO (coord. IAUL, université de Lille), Lylliad, 26-28 juin 2017, http://euregio.univ-lille1.fr. 14. "Région", lexicographie, Centre National de ressources Textuelles et Lexicales [en ligne]. 15. Les trois Régions en Belgique ne sont pas des "relais" à plus petite échelle d'un "pouvoir central" mais des entités fédérées formant l'Etat (3 Régions et 3 Communautés, qui ne coïncident pas dans leurs périmètres). 16. LUSSAULT Michel, LEVY Jacques (dir.), "Région", Dictionnaire de la Géographie et de l'Espace des Sociétés, Paris, éd. Belin, 2003, pp. 773-775. 17. Monté par l'ADULM (Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille-Métropole) et co- financé par l'Union Européenne (Terra, Régio DG), les cinq intercommunales de la COPIT et trois partenaires belges supplémentaires (les deux Régions et la province de Flandre Occidentale). 18. Il englobait à l'époque le territoire dit de l'arrondissement de Lille, sur lequel portaient les travaux de révision du Schéma Directeur. 19. Deux autres représentations spécifiques (analysées dans le travail global) montrent le dilemme où se trouvait la communauté urbaine lilloise, en tension entre un "arc nord" et un "arc sud" (le bassin minier). 20. Cahiers de l'Atelier Transfrontalier, éd. resp. COPIT, n°2 (janv. 2000) et n°10 (mars 2001). 21. Analyse des résultats de 5 groupes de travail, commanditée au prof. Franck Baert (KULeuven). 22. Les relations entre Régions elles-mêmes sont déjà complexes, étant donné qu'elles n'ont pas le même statut en France (découpages de l’État) et en Belgique (entités fédérées), ni les mêmes compétences. 23. Région Flamande, Ruimtelijk Structuurplan Vlaanderen (2011), [pdf en ligne, 489p.] et Witboek Beleidsplan Ruimte Vlaanderen, document approuvé par le gouvernement Régional le 30/11/2016 [pdf en ligne, 188 p.]. Le premier était un "plan de structure spatiale", le second est un "plan politique pour l'espace flamand". 24. Région Wallonne DGO4, Schéma de Développement de l'Espace Régional, Une vision pour la Wallonie, Projet adopté par le gouvernement wallon le 7/11/2013 [pdf en ligne, 140 p.]. 25. Région Wallonne DGO4, Schéma de Développement du Territoire, Projet adopté par le Gouvernement wallon le 12/07/2018, soumis à l'enquête publique [pdf en ligne, 170 p.]. 26. Voir notamment l'axe stratégique 6 : "Renforcer le positionnement au sein de l’Eurométropole L-K-T ; Construire des coopérations innovantes avec les métropoles voisines ; Consolider les relations avec la Flandre (…)", in Projet de Territoire Wallonie picarde 2025, document en ligne. 27. "Cette situation interroge sur les risques de dépendance et de marginalisation par rapport à ces aires". https://ceser.hautsdefrance.fr/sites/default/files/2017-07/2017-07-03%20Rapport- avis%20SRADDET%202019-2025.compressed.pdf. 28. "Le développement régional ne peut se penser uniquement dans le rapport des territoires aux métropoles lilloise et parisienne", http://sraddet.participons.net/les-territoires-et-leurs- complementarites/.

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29. "Recommandations : Éviter toute concurrence au sein de la nouvelle Région. Principes : les rivaux ne sont pas dans la Région", in Recueil et analyse d’avis « d’experts » en matière d’aménagement et de développement des Hauts-de-France, Note de synthèse, oct. 2016, p.13 [en ligne]. 30. Rapport d'étape, approuvé le 23 nov. 2017 [en ligne]. 31. http://sraddet.participons.net/la-region-et-ses-voisins/. 32. Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille-Métropole. 33. L'échelle de proximité (communale), de l'agglomération (l'EM), inter-régionales (au sens paysagiste, la plaine flamande et le Westhoek, par exemple) et inter-métropoles (incluant Londres et Bruxelles). ADULM, Séminaire technique, Planification transfrontalière, Document de synthèse présenté aux Journées nationales de la FNAU, Atelier "Des territoires frontaliers au territoire transfrontalier", Strasbourg, 9 nov. 2017. 34. Programme "Eurométropole 2.0", cf. [doc en ligne] L'Eurométropole 2.0 fait son bilan (2017-2018), http://fr.eurometropolis.eu/documentation.html. Auparavant, l'agence avait pour objet de "faire travailler ensemble les 14 membres de l’Eurométropole", cf. http://fr.eurometropolis.eu/qui- sommes-nous/agence-de-leurometropole.html. 35. 2017 en images - Agence de l'Eurométropole - janvier 2018. 36. http://fr.eurometropolis.eu/fileadmin/user_upload/Evenements/Agenda/ eurometropole_montage_numerique.pdf [en ligne, p. 43]. 37. Cette dissymétrie résulte de celle des découpages administratifs (NUTS) de niveau 3 : départements en France et arrondissements en Belgique ; elle est aussi forte à d'autres échelles, notamment régionales (encore renforcées depuis la réforme territoriale en France) et communales (où, à l'inverse, les découpages français sont plus serrés). 38. "Pour comprendre le territoire, il faut monter en acceptation de la complexité, et de la difficulté à la représenter. Pour que cette complexité soit audible et acceptable, il faut lui donner une forme, une représentation et même une beauté, une esthétique", http://www.la27eregion.fr/ linterterritorialite-nouveau-design-des-territoires/.

RÉSUMÉS

Premier territoire transfrontalier à adopter le nouveau statut de GECT (Groupement Européen de Coopération Territoriale, 2008), l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est très structurée institutionnellement mais peine encore à se (re)présenter en tant qu'entité lisible par ses habitants, intelligible par les acteurs et visible de l'extérieur. Le présent article fait partie d'un travail en cours, qui envisage la construction territoriale par le prisme de ses représentations spatiales, admettant que celles-ci nous informent sur la manière dont il est pensé, porté, utilisé. La notion de région, et ses multiples acceptions, est ici un outil pour entrer dans le vaste corpus de ces représentations et l'organiser, en suivant trois hypothèses : l'Eurométropole comme région transfrontalière, comme métropole tri-régionale ou inter-région métropolitaine. Plusieurs ambiguïtés dans la définition de ce territoire émergent ainsi ; elles suggèrent que « l'inter- territorialité » est maintenant le principal défi à représenter.

First cross-border territory to form an EGTC (European Grouping of Territorial Cooperation, in 2008), the Lille-Kortrijk-Tournai Eurometropolis is already strongly institutionalized, but still struggles to (re)present itself as an entity readable by its inhabitants, consistent for the actors and visible from the outside. This article is part of a work in progress which considers the

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territorial construction through the prism of its spatial representations, assuming that they inform us about the way it is thought, worn, used. The concept of region, and its multiple meanings, is here a tool to enter the vast corpus of these representations and to organize it, according to three axes of analysis: the eurometropolis as a cross-border region, as a tri-regional metropolis or as a metropolitan inter-region. Several ambiguities in the definition of this territory thus emerge; they suggest that “inter-territoriality” is now an important challenge to be represented.

INDEX

Mots-clés : région, transfrontalier, Eurométropole, imagibilité, représentations spatiales, inter- territorialité Keywords : regions, cross-border territory, eurometropolis, spatial images, territorial patterns, inter-territoriality

AUTEUR

BÉNÉDICTE GROSJEAN

Maître de conférences ENSAP de Lille, Chercheure titulaire au LACTH, associée à l'UMR AUSSER, [email protected]

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City-regional policies in the planning systems of Finland and Austria: National initiatives and European opportunities Stadtregionale Politik im finnischen und österreichischen Planungssystem: Nationale Initiativen und europäische Möglichkeiten

Eva Purkarthofer and Alois Humer

This work was supported by the Academy of Finland [grant number 303538 and 288848] and the Austrian Science Fund (FWF) [grant number J 3993-G29].

Introduction

1 Functional regions and new geographies crossing administrative borders have received increased attention in planning and policy making during the last decades. While such soft spaces are said to better represent the real geographies of problems and opportunities (Allmendinger and Haughton, 2009), the implementation of policies in these new regions is particularly challenging, as responsibilities and jurisdictions are not clearly defined. While some processes of regionalisation emerge in a bottom-up manner, also the European Union (EU), and national governments have started to promote new regional delineations (Purkarthofer, 2018a). To this end, these superordinate levels of government stimulate the cooperation between existing municipalities and regions, be it through financial incentives, legal provisions or other measures.

2 This contribution is interested in policies at the national and European level, which support functional city regions and the cooperation across municipal borders in urban areas. It investigates how city regions are promoted through national and European policies and how national and European interventions complement or contradict each other. In order to answer these research questions, the article takes up a comparative

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perspective and juxtaposes the approaches towards city-regional policy in Austria and Finland. A comparison between the two countries is especially interesting due to their distinct administrative cultures and planning systems. Austria is a federation consisting of nine federal states, which enjoy a high degree of autonomy in urban planning and regional development matters. Finland, in turn, is a unitarian state with strong local governments. These structural differences result in distinct national policies to support city regions in Austria and Finland. At the same time, however, Austria and Finland show similarities when it comes to their exposure to European policies, not least because both countries joined the EU in 1995. Yet, as the EU has no competence to directly enact city-regional policies, domestic actors enjoy a significant leeway in interpreting and implementing European inputs (Purkarthofer, 2018b).

3 This article first presents the theoretical concept of soft spaces and relates it to the notion of city regions. It then introduces an analytical framework to classify and compare city-regional policies. In the following sections, it elaborates on the EU support for city regions and explores the Finnish and Austrian national policy initiatives respectively. Finally, the article juxtaposes national and European initiatives aimed at supporting city regions and discusses the findings with a view to the research questions.

Theoretical and conceptual background

4 During the last decade, research has increasingly acknowledged the existence and importance of soft spaces for spatial planning. The notion of soft spaces was initially coined in the context of British politics and planning (Haughton and Allmendinger, 2007; Allmendinger and Haughton, 2009), referring to fluid areas with fuzzy boundaries which exist between and alongside administrative territories. Soft spaces thus do not coincide with statutory planning scales or processes, which typically rely upon administrative entities with fixed boundaries and clear jurisdiction. As a result, the governance arrangements associated with soft spaces are typically characterised by complexity, informality and fragmentation. Yet, soft spaces hold the potential to successfully tackle planning challenges, as they reflect the real geographies of problems better and enable more flexible and faster solutions by bypassing bureaucracies and rigidities associated with administrative boundaries and statutory planning (Allmendinger and Haughton, 2009). Following Allmendinger and Haughton’s ideas, soft spaces have subsequently been identified at various scales, such as macro- regions, cross-border regions or city regions (Faludi, 2010; Metzger and Schmitt, 2012; Allmendinger, Chilla and Sielker, 2014; Stead, 2014; Hincks, Deas and Haughton, 2017).

5 This article focuses on the city region, a spatial concept that emerged approximately 100 years ago in the context of Western urbanization (Moisio and Jonas, 2018, pp. 285-287) and that has recently attracted attention in planning research and practice, albeit sometimes under different terms and with somewhat varying definitions. Internationally, the OECD understands city regions as “functional economic units” based on population density and commuter patterns (OECD, 2019b, 2019a). The European statistics office Eurostat uses similar definitions, such as “functional urban areas” based on commuter relations or “urban morphological zones” based on the built environment (Eurostat, 2009, 2018). Independent from statistical definitions, there is little doubt about the de facto interdependence of cities and their surroundings.

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Administrative boundaries do not delineate the activity spaces of human behaviour, including work, mobility, leisure time or use of services, nor do they reflect functional economic areas, such as job markets or real estate markets, making city regions a commonly used concept in the context of competitiveness (Herrschel, 2013). Administrative entities also do not describe ecological and environmental relations such as animal habitats, groundwater reservoirs or soil pollution. As planning seeks to accommodate and coordinate all these aspects, it needs to take into account functional relations even where they transcend administrative boundaries. The conceptualisation of city regions as soft spaces, however, goes beyond the analysis and mapping of functional relations. Instead, city regions need to be understood as frameworks for cooperation and coordination and as arenas for political debate and policy making. This article focuses on the governance and policy dimension of city regions without further discussing the statistical patterns underlying the idea of the city region.

6 City regions thus emphasise a relational understanding of space and provide a governance arena to tackle challenges related to social, spatial and economic development across administrative borders (Herrschel, 2009, 2013). However, the implementation of city-regional plans and policies often proves difficult if administrative capacity, political decision-making mechanisms and democratic control remain bound to administrative entities. As there are often no formal administrative and political actors at the city-regional scale, activities originate from bottom-up or top-down processes. This article focuses on top-down policies, i.e. national and European initiatives aimed at supporting city regions and city-regional cooperation, because of their potentially wide impact, transferability and potential to frame policy development beyond single cases. Thus, while a multitude of examples for city-regional cooperation exists, also in Austria and Finland, the two case countries discussed, these singular processes will not be studied further in this article. However, other scholars have elaborated on specific city-regional cooperation processes in Austria (Schaffer and Zuckerstätter, 2012; Amt der Oö. Landesregierung, 2017; Patti, 2017) and Finland (Hytönen et al., 2016; Kanninen, 2017; Salo and Mäntysalo, 2017; Granqvist, Sarjamo and Mäntysalo, 2019).

7 In order to study national and European policies, this article sets out from a framework introduced to understand national urban policies in France, Germany, Spain and the UK (d’Albergo, 2010). In his study, d’Albergo builds on two dimensions. On the one hand, he distinguishes between policies with an urban focus (explicit policies), and policies without urban focus (implicit policies). On the other hand, he distinguishes between national level policies directly addressing urban issues (direct policies), and national policies empowering other actors to tackle urban challenges (indirect policies). In this article, we apply the matrix resulting from d’Albergo’s classification to analyse and compare city-regional policies. Setting out from the perspective of spatial planning, we understand city-regional policies as interventions aimed at improving governance and cooperation in city regions, as well as policies intended to solve problems arising at the city-regional scale. While city regions are not exclusively a planning issue, spatial planning has been in the focus of debate more than other sectoral policies (Salet and Woltjer, 2009). In order to grasp the complexity associated with the governance of soft spaces such as city regions, we alter d’Albergo’s analytical framework by not differentiating between direct and indirect policies but instead distinguishing between regulatory, discursive and remunerative policy interventions, a classification used in EU policy research (Purkarthofer, 2016, 2018b). Derived from Etzioni’s three types of

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authoritative power (Etzioni, 1975) and Vedung’s “carrots, sticks and sermons” of policy instruments (Vedung, 1998), this classification enables to picture the plurality and complexity of policy interventions and potential policy packaging (Givoni et al., 2013). This helps us to acknowledge and accommodate the different legal preconditions of the unitarian state of Finland, the federalist state of Austria as well as the supra- national organization of the European Union.

City-regional policies at the European Union level

8 At the level of the European Union, city regions have received increasing attention as part of a broader European storyline on diminishing borders and conflating spaces, which claims that challenges do not adhere to national borders and administrative boundaries and thus argues in favour of a functional understanding of space (Purkarthofer, 2018a). Although the EU does not have any competence for spatial planning or urban/metropolitan issues (Chilla, 2012; Purkarthofer, 2019) and can thus not enforce the reduction of administrative borders or creation of soft spaces, it supports city-regional cooperation rhetorically and financially.

9 Most explicitly, the EU addresses city regions through the research network ESPON. Already during the first ESPON programme in the early 2000s, city regions have been discussed as functional urban areas (ESPON, 2005, 2007). Subsequently, city regions became both the objects of study and the scales of analysis in many ESPON activities (Raugze, 2017). In 2018, for instance, ESPON launched a call for the development of a tool to provide territorial evidence on socioeconomic processes in functional urban areas, which should help to improve the governance of these areas (ESPON, 2018). ESPON thus supports the European discourse on city regions and contributes to knowledge creation and dissemination.

10 In a more implicit manner, also other European policies promote city regions discursively. On the one hand, reports published by the European Commission, primarily by the Directorate-General for Regional and Urban Policy, emphasise the importance of functional regions for planning and governance (European Commission, 2011, 2014a). On the other hand, intergovernmental documents agreed upon by the national ministers responsible for spatial development convey the same message, referring to metropolitan regions (CEC, 1999), city regions (CEC, 2007) or functional areas and regions (CEC, 2011; EU Ministers Responsible for Urban Matters, 2016).

11 Additionally, city regions can receive financial support from the European funding instruments, and specifically the European Regional Development Fund (ERDF). While city regions are not an explicit priority within the ERDF, remunerative interventions can implicitly support city-regional cooperation, for example through investments in transport infrastructure or public administration. In addition, recently introduced financing instruments such as Community-Led Local Development (CLLD), and Integrated Territorial Investment (ITI), allow the use of new spatial delineations (European Commission, 2014b; Servillo, 2019). Both CLLD and ITI could thus serve to frame projects in a city-regional context. Whether the ERDF benefits city-regional cooperation, however, depends on its application by domestic actors and their use of the opportunities provided by the EU, as described for example in the case of Graz in Austria (Purkarthofer, 2018a).

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City-regional policies in Finland

12 Finland is characterised as unitarian welfare state with strong local government (Humer, Rauhut & Marques da Costa, 2013; Mattila, 2018). Correspondingly, the central state and the municipalities are the cornerstones of the Finnish planning system, although the Land Use and Building Act (Ministry of Environment, 1999) defines three planning levels. At the national level, the Ministry of Environment enacts the National Land Use Guidelines, which frame spatial development issues of nation-wide importance. Other ministries affect spatial development indirectly with regard to their specific sectoral focus, such as transport, economic development or agriculture and forestry. At the regional level, the 18 regions prepare Regional Land Use Plans and Regional Development Programmes. At the local level, the 311 municipalities develop and enact Local Master Plans and Local Detailed Plans. The municipalities enjoy a “planning monopoly”, referring to their sole control regarding planning issues, which leaves the regional level in an ambiguous position. While regional plans are hierarchically higher than municipal plans, they are enacted by the Regional Councils, which are not independent authorities but joint municipal boards, thus consisting of local political representatives. This leads to an asymmetrical distribution of power in favour of the local level (Hirvonen-Kantola and Mäntysalo, 2014) and the over- representation of local interests in regional plans (Kilpeläinen, Laakso & Loikkanen, 2011). At the time of writing, the Finnish regions are facing a fundamental reform, triggered by the need to reorganise social and health care services but potentially bringing about significant changes to planning (Purkarthofer and Mattila, 2018).

13 Moving from legal framework to spatial reality, interesting processes can be observed in Finland. The country is going through a comparatively late but still ongoing phase of urbanisation, which started in the 1960s and was accompanied by the fast transformation from an agricultural to an industrial and later service economy. Finland’s major cities are thus continuously growing, while peripheries and predominantly rural parts of the country are facing depopulation and a weakening economy. This led to an increasing focus of spatial policies on urban and city-regional matters as well as economic growth zones and corridors (Jauhiainen et al., 2007; Kalliomäki, 2012; Hytönen et al., 2016), partly influenced by EU Regional Policy (Luukkonen, 2012). At the same time, spatial planning has seen an increase in strategic and legally non-binding processes framing spatial development (Mäntysalo et al., 2015). In many cases, these processes have outlined new geographies and supported new governance arrangements, thus relating to the discourse on soft spaces and soft planning.

14 Most prominently in the Finnish context, soft spaces have manifested themselves as city regions. Although there exists no general definition of city regions in Finland, the nation-wide discourse is sometimes based on statistical delineations, provided for instance by the Finnish Environment Institute (see maps at SYKE, 2019). However, in practice, city-regional cooperation spaces often deviate from statistically computed areas and are instead shaped by an array of factors, including the willingness of actors to collaborate. Some city-regional initiatives have emerged in a bottom-up manner, such as the establishment of the Tampere City Region joint authority. More importantly though, the policy interventions originating from the nation-state level have been decisive to put city regions on the map. This article will briefly discuss four

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national city-regional policies, which differ considerably regarding their type of intervention as well as their spatial focus and impact: (1), the joint municipal master plan, (2), the PARAS project, (3), the MAL agreements and (4), the SOTE reform. While this order reflects the chronological establishment of policies, we do not intend to imply that the policies represent a logical sequence of action, as considerable differences can be observed regarding motivations for enactment and implementation. In the discussion section, these Finnish interventions are juxtaposed with Austrian and European city-regional policies.

15 In the most recent reform of the Land Use and Building Act in 1999, the nation state has given municipalities the opportunity to enact joint municipal master plans. The joint master plan does not explicitly focus on city regions but offers a suitable framework for inter-municipal cooperation, given that two or more municipalities come to an agreement, which they are willing to turn into a legally binding plan. While this would be a suitable tool to tackle many of the planning issues of functional city regions, the opportunity to enact a joint municipal master plan has to date barely been exploited. The lack of interest might result from the absence of incentives and limited potential for innovation associated with the plan. In other words, the joint municipal master plan does not offer any obvious procedural or outcome-related advantages compared to the municipal land use plan, while reducing the leeway and autonomy of local actors by enacting a binding plan codetermined by other municipalities.

16 Motivated by Finland’s sparse population and dispersed settlement structure and the resulting economic challenges, the central government implemented the PARAS project between 2007 and 2012. The project aimed to reform municipal structures and increase efficiency of service provision through mergers of smaller municipalities or establishment of service provision cooperation areas. Additionally, city regions were of special importance in the PARAS project, which instructed municipalities in 17 urban regions to jointly prepare strategic city-regional plans focusing on land use, housing and transportation (Sisäasiainministeriö, 2007). Although the municipalities developed their city-regional plans in a bottom-up manner and municipal mergers were not enforced but realised based on voluntary commitment, the nation state employed different types of policy interventions to support the implementation of the PARAS project. Regulatory specifications regarding mergers and city-regional cooperation were defined in the PARAS act (Sisäasiainministeriö, 2007) while merger grants were offered as remunerative incentive. As a result, the number of municipalities was reduced by almost 100, or 25%, between 2007 and 2013 (Meklin and Pekola-Sjöblom, 2013). Despite this reduction in numbers, the PARAS project has been criticised for its simplified assumptions regarding functional regions and economies of scale (Mäntysalo et al., 2018) as well as the state-induced pressure for city-regional planning cooperation and municipal mergers, which led to misrepresentations and defensive actions rather than effective political debate and collaboration (Hytönen et al., 2016). Due to its voluntary character, the project has moreover resulted in an imbalanced commitment to city-regional cooperation and curious municipal geographies, which are not based on functional relations but on willingness to cooperate (Mäntysalo et al., 2018).

17 Starting from 2011, the central state has introduced MAL agreements as a new national initiative to support city-regional cooperation regarding land use, housing and transportation (Bäcklund et al., 2017). In an informal letter of intent, the central state and the municipalities within a city region commit themselves to support city-regional

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cooperation: the municipalities through joint strategic spatial development and the state by providing funding for infrastructure. MAL agreements can thus be understood as a primarily remunerative tool explicitly focused on city regions and planning-related issues. To date, MAL agreements have only been established between the state and the four biggest city regions (Helsinki, Tampere, Turku & Oulu). Currently in their third round (2011-2012, 2013-2015, 2016-2019), the MAL agreements are generally well received by participating municipalities due to the associated financial incentives. However, they have also faced criticism, for instance related to their lack of transparency, the limited opportunities for public participation and the tensions with other plans at the municipal and regional level (Bäcklund et al., 2017).

18 While the PARAS project and the MAL agreements supported new functional geographies, they did not suggest to formally strengthen the regional administrative tier. Only recently, the Finnish state started to prepare a wide-ranging regional government reform focusing on the reorganisation of social and health care service provision (“SOTE”), (Kivelä, 2018, p. 163). If the reform were realised as currently envisioned, regional governments would in the future represent a directly elected government level, thus replacing the Regional Councils, which are joint municipal authorities. The SOTE reform is as such a nation-wide matter, thus not explicitly dealing with city regions, but it is likely to have territorial implications by being better suited for densely populated, well-accessible regions. By introducing more liberalised models of healthcare provision and following the regional economic logic of clustering and specialization, the SOTE reform is likely to favour urbanized regions, which have the critical mass for specialised services. The overall strengthening of the regional level as government scale, as envisioned in the SOTE reform, will potentially reflect city- regional relationships better by emphasising supra-local territories. However, the envisioned SOTE regions will be based on existing administrative regions and not follow a functional, relational understanding of space.

City-regional policies in Austria

19 Austria is a federation with three tiers of government. The nation state and the nine federal states are equipped with legislative powers, while the approximately 2100 municipalities are handling administrative tasks on behalf of the federal states and issues of local concern as independent administrative bodies. Spatial planning is characterised by fragmentation in the Austrian administrative system. The federal states hold the competences for spatial planning and urban and regional development, consequently each federal state issues its own spatial planning law and has its own interpretation of the central places concept. The municipalities are responsible for local issues related to land use planning, building, housing, local technical infrastructure and not least public finances. While the federal states and municipalities have formal planning processes, the national tier relies on voluntary, cooperative forms of policy making, which build on the joint responsibility of municipalities and federal states in the matter. Two associations represent the interests of municipalities on the national level, the Gemeindebund (representing rather rural municipalities), and the Städtebund (representing rather urban municipalities). The most important national planning organisation is the Austrian Conference on Spatial Planning (“ÖROK”), which can be described as cooperative multi-governmental organization. It incorporates the local

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level (through Gemeindebund and Städtebund), the regional level (represented by the nine federal states), and the national level (represented by all national ministries and the chancellor’s office), into one organisation with advisory status. Additionally, some spatially relevant matters lie within the responsibility of specific actors on national level, such as the Ministry of Sustainability and Tourism addressing rural issues or the Ministry for Transport, Innovation and Technology emphasising infrastructural matters. However, there is no advocate for urban or city-regional matters in the Austrian national political landscape and there exists “nothing that could be called urban policy in Austria” (Schindegger, 2007, p. 65).

20 However, starting from the early 2000s, the ÖROK and the Städtebund increasingly addressed questions related to inter-municipal cooperation and city-regional governance in their work programmes. The decennial Austrian Spatial Development Strategy (“ÖREK”), from 2001 (ÖROK, 2002) was highly inspired by European discourses and introduced notions related to the ESDP, such as polycentricity, urban-rural relations and functional regions (CEC, 1999). The ÖREK 2001 thus marked a starting point of engagement with city-regional questions in the Austrian context. A first interdisciplinary study statistically identified 35 city regions, altogether home to approximately 70% of Austria’s population (see maps at KDZ, 2015), and elaborated on related governance and strategic planning issues (ÖROK, 2009). Based on this exploratory study, the issue was more prominently addressed in the preparation of the next Austrian Spatial Development Strategy (ÖROK, 2011). Motivated by these processes, the Städtebund increasingly emphasised city regions as new activity spaces and highlighted their potential in sectoral questions like inter-municipal public transport planning. Within the implementation programme of the ÖREK 2011, several work groups and projects relevant to city regions were realised (Humer, 2018, p. 638). This ultimately resulted in the publication of a strategic document with politically ratified recommendations for city-regional cooperation in Austria called Agenda Stadtregionen (KDZ, 2015; ÖROK, 2016, 2017).

21 Overall, the national discourse on city-regional policies and planning in Austria is mainly driven by the ÖROK and the Städtebund and relies on the voluntary commitment of concerned public authorities and networks, while the private sector and civil society play no visible role. Efforts go towards mainstreaming city-regional thinking into various relevant policies at the national, regional and local level, and can thus be characterised as explicit and discursive. Legal changes or financial programmes have not been introduced - not least due to the lack of a formal body at the national level officially in charge of city-regional policies. Examples illustrating the ongoing discourse are the presentation of each city region on a joint, interactive website (KDZ, 2015) and the organization of annual conferences on the topic of city regions (Stadtregionstage).

22 Besides these explicit city-regional policies, no implicit policies supporting city regions can be identified at the national level in Austria, probably with the exception of national financial support for regional public transport, potentially covering city regions. However, if specific types of regions are supported through national policies and laws, it has traditionally been the “weak” peripheral regions which have been favoured, rather than urbanized regions (Schindegger, 2007, p. 66). This is confirmed in the current national government work programme for 2017-2022, which does not mention any specific commitment to city-regional initiatives in Austria. Instead, the

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objective of “cities’ future and life quality” is subordinate to the chapter “agriculture and rural regions” (Neue Volkspartei and Freiheitliche Partei Österreich, 2017, p. 158).

Discussion: Comparing European and national city- regional policies

23 Table 1 classifies European and national city-regional policies according to the comparative framework presented at the beginning of this article, inspired by d’Albergo (2010) and Purkarthofer (2016). Policies with an explicit city-regional focus exist at the European level as well as in Finland and Austria, confirming that city regions are broadly recognised and regarded important. In addition, implicit city- regional policies can be identified, which incidentally, or en passant, support city- regional cooperation while primarily pursuing other spatial or sectoral objectives.

Table 1. European and national city-regional policies.

Source: Authors’ own elaboration, inspired by d’Albergo (2010), and Purkarthofer (2016)

24 Fundamental differences can be observed regarding the different types of policy intervention. Only the Finnish state intervenes through regulatory actions, mainly due to the fact that it is the only authority among the three that holds constitutional competences to enforce laws and formal rules regarding spatial planning and development. While the EU and the Austrian nation state lack this competence, they could make use of their legal authority regarding other spatially relevant sector policies to support city regions - yet, this opportunity is to date not exploited. Instead, the EU and the Austrian national level promote city regions explicitly and implicitly through discursive policies like informal strategy papers. In Finland, on the other hand, the city-regional discourse is a side product of regulatory and remunerative interventions, and does not manifest itself through separate documents. However, Finland has introduced very explicit financial incentives for city-regional cooperation, while remunerative interventions are not yet in place in Austria. Implicitly, also the EU provides remunerative support for city regions, especially through the ERDF, which

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holds the potential to foster cooperation through various programmes, including those aimed at cross-border regions. Overall, our analysis has uncovered different types of city-regional policies: Finland’s approach focuses on legal and financial interventions, the EU’s way is highly discourse-led but also entails the potential of financial incentives, while Austria’s interventions are so far limited to shaping a discursive agenda through inclusion of a broad range of stakeholders.

25 In addition to administrative systems and planning traditions, also current political agendas play a decisive role in shaping national policies. When scrutinising policies aimed at city regions, one must not forget that in both countries tensions between rural and urban areas, and consequently between rural-focused and urban-focused policies persist. The current conservative-led Finnish government has continued to implement city-regional policies, which were initiated by the previous liberal-led government, and has even made significant financial contributions to realise city- regional projects. Efforts to obtain EU funding for city regions could not be identified in Finland, presumably because it would be more difficult to align European frameworks with national legislation and objectives. Finland’s city-regional national policies stand in contrast to the country’s welfarist tradition, built around the central aims of equality and balanced development, traditionally supporting rural and peripheral areas. Yet, at the same time as supporting city regions, the current government also seems to emphasise regions, for instance through the plans for the regional SOTE reform. This can be interpreted as the government’s attempt of holding onto the balancing objective and including rural regions. From this point of view, it is not surprising that the Finnish government does not underline its city-regional policies through discursive interventions, which would potentially decrease political support and further existing tensions between rural regions and the central state (Purkarthofer and Mattila, 2018). This is in line with the interpretation of city-regional MAL agreements as “bypassing publicity for getting things done” (Bäcklund et al., 2017) and the fact that the general public might not even be aware of these processes, let alone be able to influence them through means of participation. The Finnish policy approach towards city regions thus might be efficient in generating concrete outcomes, e.g. the construction of city- regional transport infrastructure. However, it has to be viewed critically with regard to democratic legitimacy, equality principles and balanced development. Moreover, the remunerative and agreement-based approach might result in one-dimensional solutions by focusing only on a few issues thus not necessarily supporting lasting cooperation and doing justice to the complexities associated with soft spaces such as city regions.

26 There is still no distinct urban or city-regional policy on the Austrian national political agenda. The development of a common policy is hampered by the horizontal and vertical fragmentation of competences and the persisting political divide between urban and rural areas. This divide can also be observed at the federal and municipal level, as a recent study highlights in the context of the federal state of Burgenland (Gruber, Rauhut & Humer, 2019). Against this background, the Agenda Stadtregionen is an important first step to acknowledge city regions as spatial reality and planning scale at the national level. Even if city-regional cooperation cannot be framed directly at the national level in the context of spatial planning, other sectoral policies, for instance regarding transport or environment, could include a city-regional perspective in their nation-wide policies. Although city regions do not play a role in the working

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programme of the current Austrian government, platforms and associations at the national level, such as the ÖROK and the Städtebund, might advance the city-regional debate in the years to come. Moreover, federal states are equipped with the competences to take regulatory or remunerative measures at any point, for which a common city-regional discourse across Austria would provide an important framework. Recent initiatives, such as the spatial planning programme of the federal state of Upper Austria show promise regarding an increased awareness of the importance of the city- regional scale in planning on the one hand, and of the opportunities provided by the EU to fund city-regional cooperation (Amt der Oö. Landesregierung, 2017). However, to date the impression prevails that in most cases the federalist Austrian administrative system allows joint discourse but impedes actual collaboration and action.

27 Both countries could benefit from stronger links to EU policies. However, the EU also needs to reconsider how to achieve a more synergetic city-regional set of interventions in compliance with the ongoing support for administrative regions (Havlík, 2018). This could on the one hand mean to intensify the current approach by mainstreaming the city-regional discourse within EU regional policy and intergovernmental documents, such as the Urban Agenda (Purkarthofer, 2019). On the other hand, the EU might need to pay more attention to existing national city-regional policies, in order to offer financial incentives, which are complementary to regulatory and discursive policies in the member states.

Conclusion

28 By drawing on examples from Finland, Austria and the European Union, this article has presented different top-down interventions aimed at promoting city regions. The three cases provide examples of regulatory, discursive and remunerative policy interventions, which either explicitly or implicitly support city-regional cooperation. While the Finnish approach relies on national tools to regulate and finance cooperation, the Austrian approach remains largely discursive. The comparative framework thus reveals that the intervention logic of the EU is overlapping with Austrian but complementary to Finnish policies.

29 The plurality of interventions confirms the understanding of city regions as soft spaces, in which there is no single ideal approach to governance and planning. Instead, city- regional cooperation can be understood as diverse and multi-layered processes, which might require a plurality of policy responses. The existence of explicit city-regional policies, irrespective of the specific national approach, affirms that city regions are regarded a relevant planning scale across Europe. This has likely been supported by the discourse on city regions and other functional geographies at the European Union level (Purkarthofer, 2018a). Yet, EU funding instruments that could be used to support city- regional cooperation seem to be to date underused, at least in the case countries of this study.

30 While the analysis has revealed a broad range of different national and European city- regional policies, the limitations of top-down policy interventions need to be acknowledged. Statistical delineations and nationwide programmes might serve as starting points to foster the political discourse on and visibility of city regions. However, they cannot replace active collaboration within city regions, which is ultimately crucial for their conceptualisation as soft spaces. European and national top-

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down policies thus need to be viewed as complementary to each other, yet also complementary to bottom-up activities aimed at city-regional cooperation. Recently introduced financial instruments within EU Cohesion Policy, such as CLLD and ITI, hold the potential to master this balancing act. They could be applied to frame city-regional development in a way that ensures financial support from higher administrative levels while relying on the initiative and knowledge of local actors to advance city region building and cooperation. The nation states could enact similar remunerative policies, or they could act as links and mediators between different scales, providing information and support where necessary. This article has highlighted the need for an intensified debate on national city-regional policies and has introduced a comparative framework suitable to analyse them, which could be applied to other countries in further research.

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ABSTRACTS

The potential of city regions to frame spatial development is widely acknowledged, and lately increasingly supported by top-down policy interventions. This article investigates and compares national city-regional policies in Finland and Austria. Owing to differences in their administrative systems, planning traditions and political agendas, the two countries rely on a distinct set of policy interventions. Moreover, the article addresses city-regional policies originating from the European Union and discusses their overlap and complementarity with national initiatives. The three cases provide examples of regulatory, discursive and remunerative policy interventions, which either explicitly or implicitly support city-regional cooperation. The plurality of interventions confirms the understanding of city regions as soft spaces, in which there is no single ideal approach to governance and planning. Instead, city-regional cooperation can be understood as diverse and multi-layered processes, which might require a plurality of policy responses.

Das Potential von Stadtregionen zur Steuerung und Strukturierung der räumlichen Entwicklung ist durchwegs anerkannt und wurde zuletzt verstärkt durch politische top-down Interventionen gefördert. In diesem Artikel werden nationalstaatliche Politiken zu Stadtregionen in Finnland und Österreich gegenübergestellt. Aufgrund der unterschiedlichen administrativen Systeme, Planungstraditionen und politischen Agenden greifen diese zwei Staaten auf ein bestimmtes Set an politischen Interventionen zurück. Zudem werden im Artikel auch stadtregionale Politiken der Europäischen Union und deren Überlagerung und Ergänzung mit nationalen Initiativen diskutiert. Diese drei Fälle bieten Beispiele für regulative, diskursive und fiskalische Interventionen, die jeweils eher explizit oder implizit stadtregionale Kooperation unterstützen. Die Vielfalt an Interventionen unterstreicht das Verständnis von Stadtregionen als Soft Spaces,

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für die es nicht den einen idealen Governance- und Planungszugang gibt. Stattdessen kann stadtregionale Kooperation als facettenreicher, vielschichtiger Prozess verstanden werden, für dessen Förderung es einer Vielzahl an politischen Handlungsweisen bedarf.

INDEX

Keywords: city region, spatial planning, comparative framework, cooperation, soft space, European Union, Austria, Finland Schlüsselwörter: Stadtregion, Raumentwicklung, Raumplanung, Kooperation, vergleichende Studie, Europäische Union, Österreich, Finnland

AUTHORS

EVA PURKARTHOFER

Aalto University, [email protected], ORCID: https://orcid.org/0000-0002-9038-8285

ALOIS HUMER

Aalto University, [email protected], ORCID: https://orcid.org/0000-0003-0212-8609

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