L'industrie Du Bien
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L’Industrie du bien Philanthropie, altruisme efficace et altruisme efficace animalier Estiva Reus Les Cahiers antispécistes, n° 43, août 2019 Les Cahiers antispécistes Les Cahiers antispécistes sont une revue fondée en 1991. Elle aborde toute sorte de sujets relatifs à la question animale. La périodicité est irrégulière. La rédaction choisit les textes en fonction de l’intérêt qu’elle y trouve et des débats qui peuvent en découler, mais les opinions qui y sont exprimées n’engagent que leurs auteurs. La revue ne fonctionne pas sur le principe de soumission spontanée de textes par des auteurs qui seraient ensuite acceptés ou refusés. Tous les numéros des Cahiers antispécistes sont en libre accès sur le site de la revue. Le numéro 43 a été rendu public le 12 août 2019. Les Cahiers antispécistes, n° 43, août 2019 1 Sommaire Introduction 3 Première partie. Philanthropie 7 Chapitre 1. La philanthropie aux États-Unis (et un peu ailleurs) : quelques chiffres 9 Chapitre 2. Philanthrocapitalisme 23 Deuxième partie. Altruisme efficace 47 Chapitre 3. L’altruisme efficace : une communauté, des orGanisations 49 Chapitre 4. La maison de mots des altruistes efficaces 69 Chapitre 5. Un mouvement d’inspiration utilitariste 77 Chapitre 6. PsycholoGie et utilitarisme 93 Chapitre 7. L’altruisme efficace et les deux dimensions de l’utilitarisme 103 Troisième partie. Altruisme efficace animalier 115 Chapitre 8. L’altruisme efficace animalier : vue d’ensemble 117 Chapitre 9. MiraGes de la quantification 133 Chapitre 10. Utilitarisme et inclusivité dans l’AEA 149 Chapitre 11. Se fonder sur les faits pour orienter au mieux l’action 173 Chapitre 12. Animaux sauvaGes : les prémices de la bioloGie du bien-être ? 185 Chapitre 13. Nouveaux fronts de l’action pour les animaux manGés 203 Conclusion : un mouvement c’est mouvant 217 Bibliographie 225 Table des matières détaillée 229 Les Cahiers antispécistes, n° 43, août 2019 2 Les Cahiers antispécistes, n° 43, août 2019 3 Introduction Un livre dont le vrai sujet est l’altruisme efficace animalier mais où il sera néanmoins question de pas mal d’autres choses… L’altruisme efficace animalier (AEA) compte très peu d’années d’existence. Il a déjà un certain nombre de réalisations à son actif, et constitue désormais l’un des pôles qui contribuent à la réflexion du mouvement animaliste sur les objectifs à priviléGier et les moyens de les atteindre. Ce volume est né de la volonté de mieux le connaître. Pourtant, on n’y viendra que dans la troisième partie de cet ouvraGe. En effet, pour comprendre dans quelles conditions l’AEA a pu naître et grandir, il faut au préalable s’intéresser au terreau et au climat qui ont permis son développement. J’annonce le plan comme à l’école La première partie, « Philanthropie », plante le décor qui préexiste à l’apparition de l’altruisme efficace (AE). Le contexte économique est celui de la concentration d’une part croissante du patrimoine entre les mains d’une étroite franGe d’ultra-riches, qui s’accompagne d’un renforcement de leur rôle dans la philanthropie (chapitre 1). Cette phase de l’activité caritative, qui débute dans les années 1980, a été nommée aux États-Unis « philanthrocapitalisme ». Elle se caractérise par un discours et des pratiques que l’on découvrira au chapitre 2, parmi lesquelles des emprunts au monde de l’entreprise et de la finance : le souci d’orGaniser la philanthropie aussi riGoureusement que l’action à but lucratif, l’attention portée au rendement social de l’investissement charitable, la volonté d’évaluer et quantifier les résultats. Le deuxième partie traite de l’AE, qui n’existe que depuis les années 2010 en tant que mouvement constitué. Il a emprunté des manières de faire et de dire qui sont celles de la philanthropie étasunienne des dernières décennies, mais présente aussi des traits qui lui sont propres. On commencera par évoquer son histoire, les orGanisations phares qui le composent, et le profil socioloGique de ses participants (chapitre 3). Une partie des idées, concepts et vocabulaire typiques de l’AE seront vus au chapitre 4. On abordera ensuite, sous plusieurs anGles, le fait qu’il s’agit d’un mouvement qui s’inscrit entièrement dans l’éthique utilitariste (chapitres 5 à 7). La troisième partie est consacrée à l’altruisme efficace animalier (AEA). Le chapitre 8 présente les orGanisations de l’AE dédiées à la cause animale et les domaines dans lesquels elles interviennent. Les chapitres 9 et 10 s’attachent à des aspects de l’AEA qui traduisent son appartenance à l’AE en Général : le Goût pour la quantification (chap. 9), et les valeurs ou la philosophie qui l’animent Les Cahiers antispécistes, n° 43, août 2019 4 (chap. 10). Dans le chapitre 11, l’AEA est saisi comme partie prenante du mouvement animaliste au sens larGe. On verra, à travers quelques exemples, qu’il dialoGue avec d’autres composantes de ce mouvement et reprend à son compte des questionnements qui le traversent. Les deux derniers chapitres abordent des thèmes sur lesquels l’AEA s’est investi assez récemment, et sur lesquels son activité va sans doute aller en grandissant : la condition des animaux sauvaGes (chapitre 12) et de nouveaux fronts dans l’action en faveur des animaux d’élevaGe (chapitre 13). Pourquoi L’Industrie du bien ? Un mot sur les raisons qui m’ont conduite à intituler ce volume L’Industrie du bien. À vrai dire, le sous-titre – Philanthropie, altruisme efficace et altruisme efficace animalier – indique plus clairement le contenu de l’ouvraGe. Mais un titre se doit d’être court. Or, la polysémie du mot industrie fait qu’il permet d’annoncer en condensé ce dont il va être question. Au sens ancien, l’industrie désiGne l’habileté à faire quelque chose, le savoir-faire. Quand les économistes des 18e et 19e siècles parlent des raisons qui conduisent les personnes à diriGer leur industrie vers tel ou tel secteur, ils pensent aux travailleurs cherchant à tirer un revenu de l’emploi de leur force de travail et de leur qualification. Or, il sera question dans ce volume de travailleurs, rémunérés ou bénévoles, cherchant à faire le bien avec savoir-faire, avec qualification, et de conceptions du travail bien fait dans l’action charitable. Dans la lanGue d’aujourd’hui, l’industrie désigne le secteur produisant des objets manufacturés, ce qui n’est nullement le sujet ici. Mais le mot s’emploie aussi au sens larGe pour désiGner n’importe quelle activité orGanisée menée à Grande échelle. Ce sens-là convient tout à fait à la philanthropie qui, dans quelques pays du moins, constitue un secteur d’activité important par les ressources qu’elle mobilise et par son impact dans les domaines où elle intervient. Accessoirement, on trouve parmi les philanthropes bon nombre de personnalités qui sont par ailleurs des capitaines d’industrie. Une approche descriptive Dans certains chapitres, des débats suscités par la philanthropie moderne ou par l’AE seront évoqués. Cependant, ce livre n’a pas vocation à prescrire ce qu’il faut en penser (« Pour ou contre ? »). Il s’aGit plutôt d’une exploration de type « Qu’est-ce que c’est ? ». La question du « pour ou contre » dépasse mes moyens. Pendant quelques mois, j’ai parcouru des écrits (pas tous !) portant sur ces thèmes. Cela ne fait pas de moi une personne qui domine (surplombe) le sujet au point d’être plus apte à poser un jugement que la foule d’intervenants qui œuvrent dans ces domaines ou les analysent. De plus, on rencontre en chemin de bonnes vielles questions Les Cahiers antispécistes, n° 43, août 2019 5 telles que celles du capitalisme, de la décision en situation d’incertitude, ou de la nature du bien. Je ne vais pas introduire dans le texte des diGressions Géantes sur ce qui en a été dit, dans un sens ou un autre, depuis quelques siècles, et je n’ai pas à offrir à leur propos d’analyses surpassant toutes celles déjà présentes sur le marché. Surtout, être « pour ou contre » la philanthropie moderne ou l’AE n’a pas grand sens ni intérêt. Il ne s’aGit pas de blocs monolithiques dont les traits seraient arrêtés une fois pour toutes. On n’est pas non plus face à un choix binaire : tout prendre ou tout jeter. Et l’option de prendre les commandes pour orienter la chose à notre Goût n’est pas disponible. On ne nous invitera pas à piloter la philanthropie mondiale. Même nos chances de décrocher un emploi dans une association de l’AE sont minimes. Par contre, mieux comprendre de quoi il s’aGit peut aider chacun, avec la situation et les convictions qui sont les siennes, à savoir où puiser dans cet ensemble les travaux, contacts ou conseils qui lui sont utiles. On peut décider d’unir ses forces à des acteurs de l’AE sur des dossiers particuliers, ou à l’inverse prendre acte que dans tel domaine, notre approche est incompatible avec la leur. On peut aussi apprendre qu’ils n’interviennent pas du tout sur tel sujet qui nous motive, et donc qu’en la matière, ce n’est pas chez eux qu’il faut chercher l’inspiration. Une émanation du monde anglophone Il existe évidemment d’autres sources que ce numéro des Cahiers pour s’informer en français sur l’AE. On peut visiter le site et la paGe Facebook de l’association Altruisme Efficace France. Quelques publications d’auteurs appartenant à ce mouvement ont été traduites. On ne peut que recommander de les lire. Cependant, le présent ouvraGe n’est pas – je l’espère – redondant avec ces sources.