Analyse des déterminants de conflits

dans les communes de

Tchintabaraden et

Version révisée – Mars 2014

Chercheurs principaux : Adrien Sindayigaya, Gado Lamido, Fatiman Alher, Hamadi Hamed Moussa

Contacts: Dirk Koch Aboubacar Moutari Directeur Régional de SFCG Coordonnateur National de Afrique de l’Ouest programmes - SFCG Boulevard Latrille X rue J 106 , Niger Abidjan | Côte d'Ivoire + 22796490039 + 22559657539 [email protected] [email protected]

Un étude réalisée grâce au financement de UNICEF Niger PAGE | 2

Table des matières

Résumé exécutif ...... 4 Section 1 : Introduction et Contexte ...... 5 Contexte de l’étude ...... 5 La région de en bref...... 5 Section 2 : Méthodologie ...... 9 Objectifs de l’étude...... 9 Définitions ...... 10 Zone cible ...... 10 Collecte des données ...... 11 Groupes cibles de la recherche ...... 12 L’équipe de recherche...... 12 Langue ...... 13 Analyse des données ...... 13 Défis de l’étude ...... 13 Section 3 : Résultats de l’étude ...... 15 3.1 Conflits majeurs...... 15 A. Conflits fonciers ...... 16 B. Conflits ethniques ...... 18 I. L’exploitation de l’homme par l’homme ...... 19 II. Stigmatisation et discrimination ...... 20 C. Conflits politiques ...... 21 D. Conflits de chefferie...... 23 3.2 Acteurs majeurs des conflits ...... 23 Le rôle des jeunes dans les conflits ...... 24 Le rôle des femmes dans les conflits...... 26 3.3 Acteurs de paix et mécanismes de pacification ...... 29 Acteurs locaux ...... 29 Liens extérieurs ...... 32 3.4 Situation des médias ...... 32 Aperçu du contexte médiatique ...... 32

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Initiatives existantes médias & peacebuilding ...... 35 Risques et opportunités pour une collaboration avec les médias ...... 35 Conclusion...... 37 Section 4 : Recommandations ...... 38 A l’Unicef...... 38 Aux acteurs du développement ...... Erreur ! Signet non défini. Aux institutions coutumières de la région d’étude ...... 39 Au gouvernement du Niger ...... 39 Annexes ...... 40 A propos de SFCG au Niger ...... 41

Données collectées d’octobre à décembre 2013. Version finale du rapport : Mars 2014

DISCLAIMER: Le contenu de ce rapport relève de l’unique responsabilité de Search for Common Ground (SFCG) et ne représente en rien les points de vue ou opinion de l’UNICEF.

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Résumé exécutif

Dans le cadre de la mise en œuvre du projet « Paix et Développement des Jeunes dans la Zone de Tahoua », le Fonds des Nations pour l’enfance (UNICEF) au Niger a mandaté Search for Common Ground (SFCG) pour conduire une étude destinée à identifier les principaux déterminants des conflits dans les communautés d’intervention du projet dans la région de Tahoua. C’est ainsi qu’une étude a été réalisée entre octobre et décembre 2013 dans les 2 communes de Tchintabaraden et Tassara. L’étude s’est basée sur une méthodologie mixte combinant groupes de discussion (11), entretiens individuels (32) et enquêtes à échantillonnage aléatoire avec 840 personnes (511 hommes et 329 femmes), afin de collecter des données qualitatives et quantitatives présentées dans ce rapport. Ces entretiens, groupes de discussion et enquête ont visé à capturer les informations relatives aux perceptions des populations par rapport aux conflits, aux acteurs de conflits, mais aussi aux mécanismes de résolution des conflits existants. Enfin, une partie significative de la recherche s’est intéressée aux médias et au rôle potentiel de ces médias dans les initiatives de cohésion sociale.

Le présent rapport est structuré autour de quatre sections : la première section explore les conflits majeurs tels que vécus par les populations locales. Dans cette section, le lecteur apprendra qu’à Tassara comme à Tchintabaraden, l’étude a révélé que les déterminants majeurs des conflits sont liés à l’exploitation des ressources naturelles dont le foncier, les rivalités interethniques, les questions d’ordre politiques (chefferie), les conflits de génération et la transhumance. La deuxième section procure des informations par rapport aux acteurs de ces conflits, notamment les victimes (réelles ou perçues) des conflits. Le lecteur verra qu’aucune catégorie spécifique de personnes ne se dégage comme « principale victime », mais que les avis dans ce sens diffèrent grandement selon l’interlocuteur qui s’exprime. Dans cette section, on apprend que 80% de la population pense que les jeunes ont un rôle à jouer dans le maintien de la paix au sein des communautés, mais que seulement 55 % des jeunes de Tchintabaraden et Tassara pensent que la non-violence est le meilleur moyen de gestion de conflits. Une troisième section de l’étude détaille les différents mécanismes de résolution de conflits et les acteurs de paix. L’étude a révélé qu’il existe bel et bien des mécanismes de gestion de conflits notamment le recours aux anciens, les ateliers de concertation, les forces de l’ordre et les foras et les tribunaux. La majorité (60%) des personnes rencontrées lors de l’étude trouvent ces mécanismes totalement efficaces, 38,8% les trouvent « moyennement efficaces » et seulement 1% ne les trouvent « pas du tout efficaces ». Enfin, la dernière section de l’étude se penche sur le paysage médiatique. Le lecteur y apprendra que dans les départements de Tchintabaraden et de Tassara, il n’y a que deux radios communautaires, dont une seule était fonctionnelle au moment de l’étude. L’étude révèle que les médias s fonctionnent au ralenti, notamment faute d’appuis « soft » comme les formations ou le coaching, et d’appui « hard » tels que les équipements. Visiblement, les radios dans ces 2 communes ne répondent pas aux besoins des communautés, puisque 75% pensent que les médias ne parlent pas suffisamment de leurs problèmes.

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Section 1 : Introduction et Contexte

Contexte de l’étude

Malgré de nombreux progrès en faveur du renforcement de la démocratie et d’une transition post-conflit pacifique, la stabilité, le développement économique et l’unité sociale du Niger ne sont pas encore assurés. Limitrophe avec de nombreux pays traversant des périodes de transformation intenses, le Niger n’a pas été épargné par les récentes crises qui ont ou, qui continuent de secouer la bande sahélienne notamment, en Lybie, au Nigeria et au Mali. Cette instabilité régionale et le large déplacement de populations qu’elle a entrainés augmentent les risques de trafics illégaux en tout genre tout en rajoutant une pression supplémentaire sur les communautés d’accueils déjà fragilisées par les crises alimentaires et nutritionnelles récurrentes.

Pour autant, d’importants efforts de consolidation de la paix sont actuellement entrepris par les autorités nigériennes dans les zones Sahélo-Sahariennes du Niger. Le but est de renforcer à la fois les acquis issus de la transition post-rébellion et les mécanismes de mitigation des conflits pour stabiliser le pays. Grâce à cette dynamique, les autorités nationales cherchent à prévenir toute dégradation de la situation sécuritaire par le biais d’activités stratégiques de prévention et de gestion des conflits.

Récemment, le gouvernement a identifié la région de Tahoua comme une zone particulièrement vulnérable et requérant une attention prioritaire. C’est pourquoi, le Fonds des Nations Unies pour l’appui à la Consolidation de la Paix (PBF) a répondu à l’appel du Gouvernement du Niger pour appuyer son effort de consolidation de la paix et de la sécurité grâce à l’implémentation du projet : « Paix et Développement des Jeunes dans la Zone de Tahoua ». Ce projet d’une durée de 18 mois s’articule de manière à atteindre trois effets spécifiques dont (1) les jeunes à risques contribuent à la consolidation de la paix à travers leur participation à des initiatives socio- économiques citoyennes ; (2) les structures communautaires disposent des capacités et des outils pour promouvoir la paix et prévenir les conflits et (3) les structures institutionnelles disposent des capacités techniques et institutionnelles renforcées et d’outils pour promouvoir la culture de la paix.

Dans ce contexte et afin de mieux orienter les stratégies d’intervention pour mettre en œuvre le plus efficacement possible le projet « Paix et Développement des Jeunes dans la Zone de Tahoua», l’UNICEF a confié à l’ONG Search for Common Ground une étude destinée à identifier les principaux déterminants des conflits dans les communautés d’intervention du projet, notamment Tahoua.

La région de Tahoua en bref

Le Niger est situé en Afrique occidentale dans la zone de climat tropical sec. Le pays est caractérisé par une population jeune, à l’incidence de pauvreté élevé. Il dispose d’un climat

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 6 difficile l’exposant à la récurrence de sécheresses, des inondations, et des crises alimentaires. Ces crises naturelles peuvent entrainer des conséquences néfastes à la stabilité sécuritaire nationale caractérisées par des tensions politiques, foncières et sociales qui peuvent dégénérer en conflits mettant aux prises des communautés et rendre réversibles les situations dans lesquelles la paix semblait définitivement acquise. La survenance épisodique de ces conflits, le développement de la circulation illicite d’armes à feu, la contrebande dans certaines régions du pays, et l’insécurité au Nord sont autant d’éléments qui augmentent la pression sur les mécanismes de consolidation de la paix. Le Niger est, de plus, sensible à l’instabilité des pays limitrophes que sont notamment la Libye, le Mali, le Tchad et le Nigeria.

Le pays subit les conséquences et actes des mouvements armés et de groupes terroristes identifiés qui foisonnent aux frontières poreuses et mal contrôlées des pays de la région du Sahel. La circulation transfrontalière des combattants, des groupes armés et des mouvements terroristes constitue un grave problème d’insécurité et une menace constante à la stabilité interne des pays du Sahel et en particulier celle du Niger.

En matière de consolidation de la paix et de prévention des conflits, le Niger est caractérisé par une multiplicité des facteurs de risques ayant une dimension structurelle ou conjoncturelle, et dont les causes sont à chercher à la fois sur le plan intérieur et extérieur.

C’est dans c'est ordre d'idée que nous ferons l'état de lieux des conflits au Niger particulièrement à Tchintabaraden et Tassara, dans la région de Tahoua.

La région de Tahoua au Niger couvre une superficie de 113 317 km² avec une population estimée, selon le résultat provisoire du dernier recensement de 2012, à 3.327.260 habitants, dont 49,50% de femmes et 50,48% d’hommes; avec un taux de croissance intercensitaire annuel qui a passé de 3,2% de (1988-2001) à 4,6% de (2001-2012). Ainsi la région de Tahoua a une densité de 29 habitants par kilomètre carré.

La région de Tahoua est occupée par les groupes ethniques suivants :

Arabe, Touareg, Djerma Sonray, Haoussa, Gourma, Peulh, Toubou et autres ethnies.

La répartition ethnique dans la région, dont les données se basent sur le recensement de 2001, fait état d’une écrasante majorité d’Haoussa (78,2%) et d’une forte minorité de Touaregs (17,5%). Les Peuls (2,5%), les Djerma (0,8%) et les Arabes (0,7%) sont très faiblement représentés, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

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Graphique: Répartition ethnique de la région Arabes, 0.70% Djerma, Peuls, 2.50% 0.80%

Touaregs, 17.50% Répartition ethnique dans la région de Tahoua

Haoussa, 78.20%

Source1: INS RGP/H 2001

Cependant, la répartition ethnique varie grandement d’une commune à l’autre.

La région de Tahoua est limitée au nord par la région d', au nord-ouest par la République du Mali, à l'ouest par les régions de Tillabéry et Dosso, à l'est par la région de Maradi, et au sud par la République fédérale du Nigeria.

Tahoua se trouve à la limite de la zone des cultures et de la zone sahélienne où nomadisent les Peuhls, les Arabes et les Touaregs, au centre d'une région pastorale et agricole dont l'aménagement est pratiqué sur les sites de culture de contre-saison par les populations nomades sédentarisées à Keita, Konni, et . Ancienne étape des caravanes, Tahoua est essentiellement un grand marché très pittoresque où se rencontrent Aderawa de langue Haoussa, Peuhl, Touareg et Zarma, des mines de phosphate et de gypse sont présentes aux alentours.

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Carte 1 : localisation de la zone d’enquête

Région d’Agadez MALI

Commune de Tassara

Commune de Tchintabaraden

Région de Tillabéri Région de Tahoua Région de Maradi Région de

Dosso NIGERIA

Source 2: Carte référentielle Octobre 2013 (OCHA)

Selon le découpage territorial de 2002, la région de Tahoua est subdivisée en 8 départements eux-mêmes subdivisés en communes urbaines et rurales, dont le département de Tchintabaraden et la commune rurale de Tassara. Le département de Tchintabaraden est entouré par :  Au nord-est : la région d'Agadez (département de Tchirozérine),  A l'Est : le département d'Abalak,  Au Sud : le département de Tahoua,  A l'Ouest : la région de Tillabéry (département de Filingué), et le Mali. Selon les résultats provisoires du recensement général de la population et de l'habitat de 2012, la population de Tchintabaraden est estimée à 143.598 habitants, dont 71.684 habitants du sexe masculin et 71.914 habitants du sexe féminin, avec un taux de croissance intercensitaire annuel qui est passée de 0,4% entre (1988-2001) à 7,5% entre (2001-2012).

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Son territoire se décompose en commune urbaine : Tchintabaraden, et des communes rurales : Kao, Tassara et .

D'après l'institut national de la statistique du Niger, la population de la commune rurale de Tassara en 2012 est estimée à 24.365 habitants dont 12.454 habitants du sexe masculin et de 11.911 habitants du sexe féminin, avec un taux de croissance intercensitaire de 7,5% en 2012.

Dans les communes de Tchintabaraden et Tassara, on y retrouve quatre principaux groupes ethniques : (a)les arabes, ethnie majoritaire, (b) suivie des Touaregs, (c) les haoussas et (d) les peuls qui sont les ethnies minoritaires. Cependant on rencontre d’autre groupe ethnique comme le Djerma. Sur le plan économique, les populations de Tchinta et Tassara pratiquent en général l’élevage de type extensif, activité dominante représentant ainsi le poumon économique de cette zone. L'agriculture est également citée parmi les activités économiques.

Section 2 : Méthodologie

Objectifs de l’étude

L’étude a pour objectif de fournir une photographie de la situation des conflits dans la zone d’étude, ainsi que de la situation des médias. L’étude cherchait à répondre aux trois questions suivantes, et à leurs sous-questions correspondantes :

1. Quels sont les conflits majeurs qui affectent Tahoua, et quels sont les acteurs de ces conflits ? o Quels sont les conflits majeurs qui affectent sérieusement la cohésion sociale dans la zone d’étude ? o Quels sont les acteurs majeurs de ces conflits : acteurs locaux, régionaux, cachés, visibles, victimes ? o Quelles sont les dynamiques et relations de pouvoir entre les différents acteurs ? o Quelles sont les perceptions que les principaux acteurs ont des conflits, et des autres acteurs ? o Quel est le rôle spécifique des femmes dans les conflits o Quel est le rôle spécifique des jeunes dans les conflits ?

2. Qui sont les acteurs de paix et mécanismes de pacification à Tahoua, Tchintabaraden et Tassara ? o Qui sont les acteurs de paix au niveau local ? o Quels sont les mécanismes de pacification au niveau local ? o Quelles sont leurs forces et faiblesses ? o Comment sont-ils perçus par les populations locales ? o Quel est le rôle spécifique des femmes dans ces mécanismes ?

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o Quel est le rôle spécifique des jeunes dans ces mécanismes ?

3. Quelle est la situation des médias et les opportunités sur lesquelles s’appuyer pour la mise en place du projet « Paix et Développement des Jeunes dans la zone de Tahoua »? o Quel est le contexte général des médias au Niger ? dans la zone ? o Comment la qualité de leur travail est-elle perçue ? o Quelles initiatives existent en termes de médias et construction de la paix ? dans la zone ? au niveau national ? o Quels sont les risques et opportunités pour une collaboration avec les médias ?

Définitions

Le conflit est un concept difficile à définir parce qu’il peut revêtir plusieurs formes et souvent dans un cadre différent. Le conflit est par essence un désaccord, une contradiction ou une incompatibilité. Le terme conflit peut aussi s’appliquer à toute situation dans laquelle des individus ou des groupes d’individus ayant des objectifs ou des émotions incompatibles s’opposent. Les conflits surviennent souvent du fait que les populations utilisent les ressources naturelles (eau, forêts, pâturage, et terres) pour des besoins différents ou entendent les gérer des diverses manières. (FAO, 2001).

Zone cible

La recherche présentée dans ce rapport repose essentiellement sur le travail de terrain qui a été mené par une équipe de recherche avec le soutien des autorités locales. Toute l’étude a été faite dans les deux départements de Tassara et Tchintabaraden.

Les communautés de Tassara et Tchintabaraden situées dans le Nord de la région de Tahoua sont les zones cibles du futur projet UNICEF. En effet, si de manière générale ces deux départements sont déjà instables, depuis la dégradation de la situation sécuritaire du Mali, Tassara et Tchintabaraden sont davantage vulnérables aux conflits et représentent donc des zones prioritaires d’interventions afin de prévenir l’émergence de potentiels conflits.

Cette étude a été réalisée entre le mois d’octobre et novembre 2013.

Au total, 19 villages ont été ciblés par l’étude, dont 13 à Tchintabaraden et 6 à Tassara.

Les 13 villages de Tchintabaraden (dont la commune urbaine) sont :

 Soumaghker (40 ménages)  Bazagor (42 ménages)  Tajigalt (30 ménages)  Chinwiguiri (32 ménages)  Amokaye (30 ménages)

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(32 ménages)  Damboutane (25 ménages)  Eddinguiri (30 ménages)  Tasnala1&2 (25 ménages)  Amilal (20 ménages)  Intousane (20 ménages)  Amataghtagh (19 ménages)  Tchinta (75 ménages)

Les 6 villages de Tassara (dont la commune urbaine) sont :

 Egawane (80 ménages)  Adjimile (90 ménages)  Aougoussiss (70 ménages)  Amassara (40 ménages)  Tizalit (40 ménages)  Tassara (100 ménages)

Collecte des données

L’étude, sur la base d’une méthodologie mixte, a permis aux chercheurs de collecter des données qualitatives et quantitatives grâce à l’utilisation de techniques de collecte telles que : groupes de discussion, entretiens individuels, enquêtes à échantillonnage aléatoire.

La collecte de données s’est basée sur trois activités:  une enquête auprès de 840 personnes (511 hommes et 329 femmes) nous a permis de collecter des données quantitatives et d’avoir un aperçu général des perceptions de la population dans les régions cibles sur les conflits les affectant, les acteurs de conflits, les mécanismes de résolution des conflits existants, et la perception des média ;  11 discussions de groupes (6 à Tchintabaraden et 5 à Tassara) nous permettant de collecter des données qualitatives et différents points de vue à l’intérieur d’un groupe cible ;  32 entretiens avec des informateurs clés, nous offrant l’opportunité de discuter plus en profondeur avec des personnes ressources pour obtenir des informations qualitatives.

Les activités de collecte ont été réalisées à l’aide d’outils spécifiques (voir annexes), à savoir :  un protocole d’enquête

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Photo : Une enquêteuse en pleine activité

Pour collecter des données quantitatives et avoir un aperçu général des perceptions de la population dans les régions cibles sur les conflits les affectant et les mécanismes de résolution des conflits existants, les guides de discussions et d’entretien ont été utilisés. Ces outils ont été testés dans la zone d’étude, afin de vérifier leur adaptation aux réalités du terrain. Ils ont été ensuite adaptés en prenant en compte des difficultés vécues avec la première version de ces outils. Ces outils ont permis de collecter un mélange d’informations qualitatives et quantitatives. Les données collectées ont été analysées puis triangulées de façon à pouvoir tirer des conclusions et répondre aux questions de l’étude.

Groupes cibles de la recherche

Afin de mener une analyse aussi compréhensive et holistique que possible, les groupes ciblés par l’étude sont :  Les jeunes (retournés de Libye, ex-combattants, les jeunes en milieu scolaire et déscolarisés, filles et garçons)  Les leaders religieux  Les élus locaux  Les groupements féminins  Les responsables locaux d’autres programmes en lien avec les conflits dans les zones  Les leaders traditionnels

L’équipe de recherche

 Chercheur principal et chef d'équipe: Adrien Sindayigaya : [email protected]; 91.89.22.44

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 Coordonnateur de recherche: Hamed Moussa : [email protected] ; 96.89.76.90  Assistant de recherche sénior: Gado Lamido M. Nour : [email protected] ; 90.42.02.03  Assistante de recherche junior: Fatiman Alher : [email protected] ; 99.29.12.47  06 enquêteurs locaux  Soutien technique : Charline Burton pour l’Institutional Learning Team de SFCG : [email protected] ; +225.44.47.24.57

Dans les deux zones investiguées, deux équipes de trois enquêteurs ont été constituées, comprenant chacune un chef d’équipe et deux membres de l’équipe dont une femme et un homme, parlant tous couramment français et les langues locales.

Les enquêteurs ont reçu une formation spécifique d’une journée sur la méthodologie de l’enquête et la collecte des données. Les questionnaires ont été systématiquement parcourus pour voir si tous les enquêteurs comprenaient de la même manière comment ils poseraient les questions en langues locales.

Langue

L’enquête s’est déroulée en Haussa, Arabe, Peulh (Fulfulde) et Tamasheq, les langues principales parlées dans cette région ainsi que le français, là où c’est possible dans le cas de focus groupe. Nous n’avons pas traduit tout le questionnaire dans les quatre langues locales.

Mais comme tous les enquêteurs comprennent le français, pendant la formation nous nous sommes rassurés que tous les mots clefs ont été traduits et compris par les enquêteurs en langues locales.

Analyse des données Les données ont été saisies et analysées avec le logiciel Sphinx plus 2 du 18 au 21 novembre 2013 à Tahoua. Notons que ’analyse a été faite du 22 au 25 novembre 2013 par le chercheur assistant, Gado Lamido.

Défis de l’étude

Données sécuritaires : L’arrivée de l’équipe de recherche à Tchintabaraden a directement coïncidé avec l’assassinat, au Mali, des deux journalistes français, Gislaine Dupont et son collègue Jean Claude Verlon ce qui a poussé les autorités administratives et militaires à lancer directement des patrouilles militaires dans la zone par laquelle on avait planifié de commencer. Heureusement d’ailleurs que le Préfet de Tchintabaraden nous a vite informés et nous avons dû adopter un plan B, nous permettant de continuer à travailler sans toutefois mettre les membres de l’équipe en danger.

Cette nouvelle donne sécuritaire, combinée avec les longues distances qu’il fallait parcourir pour atteindre certains villages ; la centralisation du pouvoir, dans les villages par des chefs qui doivent autoriser toute intervention d’un étranger dans leur zone, y compris le fait que la

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majorité des habitants mènent une vie nomade et vivent dans des villages très dispersés, tous ces facteurs ont fait que l’étude prenne plus de temps que prévue.

Accessibilité : Les voies routières parfois bloquaient le convoi pendant plusieurs heures quand un véhicule se bloquait dans le sable.

Photo 3 : Enquêteurs tentent de dépanner leur véhicule

La communication entre les chercheurs et enquêteurs qui se rendaient sur terrain avec l’équipe de coordination restée au chef lieux était souvent impossible.

Liquidités financières : A Tchintabaraden et Tassara, il n’y pas de banques. Donc, toutes les dispositions logistiques et financières devraient se faire d’abord à Tahoua, avec tous les risques que cela impliquent. Par exemple, en plus de faire le plein de tous les véhicules, il fallait mettre le carburant de réserve dans les bidons/jerricans pour chaque véhicule afin de parier aux pannes bêtes qui pourraient se produire dans un village lointain du chef- lieu.

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Section 3 : Résultats de l’étude

3.1 Conflits majeurs

Région calme auparavant, Tahoua a connu, entre 2009 et 2010 de graves actes criminels (attaques à mains armées et vols de véhicules) dans sa partie nord (Abalak, Tchinta). En plus du banditisme, de par sa situation géographique, la menace de terrorisme d’AQMI (Al-Qaeda au Maghreb islamique) plane toujours sur la région qui partage la frontière avec le Mali où AQMI et MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest) ont occupé le nord du pays. Cela a conduit le SNU (Système de Nations Unies) à élever la région au niveau 3 dans son système d’évaluation de niveau sécuritaire et le niveau 3 signifie que l’escorte est obligatoire pour les étrangers qui rendent visite à la région. Ainsi, les représentations diplomatiques étrangères déconseillent à leurs ressortissants les zones frontalières avec la Libye et le Mali ainsi que toute la région sahélienne du pays.

A la question de savoir si, « d’après vous, existe-t-il des conflits dans la société nigérienne aujourd’hui ? », 56,30% des interviewés répondent « non », et 41,20% répondent par l’affirmative (nombre total de répondants = 840). Par ailleurs, l’étude a révélé à Tchintabaraden et Tassara l’existence des facteurs de conflits à savoir : (a) le foncier, (b) les rivalités inter ethniques, (c) la politique, (d) les conflits de générations,(d) la transhumance ou mouvement de la population et (e) la conquête du pouvoir coutumier.

Graphique : Types de conflits majeurs (N=436)

Quels sont les conflits qui affectent le plus votre communauté ? 16.00% 14.00% 12.00% 10.00% 8.00% 6.00% 4.00% 2.00% 0.00%

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A. Conflits fonciers

Ce conflit est mentionné par la majorité de personnes enquêtées, comme conflit majeur dans la zone de cette étude. En plus de l’enquête, les entretiens avec les personnes clé et les discussions en groupes ont prouvé également que le conflit foncier est l’un des plus majeurs dans la zone de Tahoua.

Du fait de la pauvreté, la terre est considérée comme l’’unique richesse des communautés. Dans ces conditions, l’accès à la terre et aux ressources qu’elle porte suscite des compétitions entre les différents groupes d’opérateurs ruraux en particulier entre les agriculteurs et les éleveurs. De ces compétitions naissent des tensions latentes qui n’attendent qu’un facteur de légitimation pour dégénérer en conflit intercommunautaire, cela est très fréquent dans la zone de Tahoua.

L’accroissement de la population nigérienne conjugué aux besoins nouveaux de terres agricoles, au développement de la culture de saison sèche et aux effets néfastes des changements climatiques réduisent considérablement l’espace réservé aux animaux. De ce fait, la mobilité des animaux à la recherche de pâturages, de cures salées et de points d’eau ne se fait pas sans difficultés.

Dans un tel contexte de raréfaction des terres et des ressources naturelles, les individualismes se développent au détriment des valeurs ancestrales de partage et de solidarité. Ainsi, il s’instaure et s’accentue une compétition entre les acteurs du monde rural, principalement entre les éleveurs et les agriculteurs puisque chacun a tendance à privilégier les différences au détriment des similitudes et des intérêts communs. Dans cette véritable lutte d’intérêts, chacun perd ses repères et les contacts se soldent par des oppositions rangées.

Des multiples et diverses causes sont à l’origine de l’éclosion de ces conflits, il s’agit entre autres : 1. Des dégâts des champs et à l’occupation des aires de pâture de saison sèche, aux obstructions des pistes à bétail, à l’ouverture de champs trop près des pistes à bétail, au stockage prolongé des récoltes dans les champs, au mauvais gardiennage des animaux ;

2. Autour de la gestion des points d’eau : Dans le cas des points d’eau étatiques, la population paie pour l’entretien. Quand le comité de gestion de cette eau détourne l’argent et que la population manque d’eau, des bagarres éclatent entre le comité et la population. Ces conflits sont normalement arbitrés par le service d’eau, les autorités administratives et coutumières. Dans le département de Tassara, les conflits sont plus entre éleveurs transhumants et les éleveurs résidents. Les transhumants lors de la recherche de l’eau creusent plusieurs puits mais ne les referment pas avant de partir,

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ce qui constitue un danger mortel pour les vaches des résidents qui viennent y brouter après.

3. Occupation de terre : « Tout le monde se méfie de l’autre » Des conflits opposent souvent les agriculteurs et les éleveurs qui se querellent autour de la terre. En effet, les éleveurs se considèrent être agressés par ceux qui pratiquent l’agriculture aujourd’hui car, selon eux la zone nord a été déclarée « Zone pastorale » par la loi n°61-05 du 27 Mai 1961 fixant une limite nord des cultures, qui n’a pas encore été changée jusqu’à maintenant. Du coup donc, les agriculteurs sont perçus comme des agresseurs qui ne mettent que leurs intérêts en avant. Le fait même de pratiquer l’agriculture, aussi réduite soit-elle, est considéré comme une atteinte envers les éleveurs alors que les animaux sont chez eux.

« Quand tu viens trouver les animaux chez eux, il faut être bon et indulgent parce que les animaux sont chez eux et la loi les protège » déclare, le Président du collectif des éleveurs de Tchintabaraden.

Mais, les agriculteurs, eux aussi se disent victimes. En effet, ladite loi de 1961 ne prévoit aucune indemnisation aux agriculteurs dont les champs sont abimés par les troupeaux. On donne peu d’importance aux champs, par conséquent pas de dédommagement quand le champ est ravagé par les troupeaux. Mais pour les agriculteurs, à l’instar d’un habitant rencontré dans son champ, la terre est très importante :

« J’ai récolté 40 tas de bottes d’épices de mille, donc approximativement 20 sacs. Ce n’est pas beaucoup mais personne ne peut m’en donner gratuitement » déclare un habitant de Tassara

Même si cet agriculteur minimise sa récolte, c’est juste par modestie car les 20 sacs peuvent produire approximativement une tonne, ce qui n’est pas insignifiant dans un pays menacé par une insécurité alimentaire en permanence.

Cet habitant fait partie de ceux qui pratiquent l’élevage et l’agriculture à la fois. Selon ses propres termes, il pouvait vivre de l’élevage seulement, mais il craint que l’élevage seul ne soit suffisant dans l’avenir. Donc, il faut montrer aux enfants comment pratiquer l’agriculture.

4. La paille : Pour se chercher un peu d’argent, il y a des gens qui vont un peu partout pour ramasser de la paille à vendre et subvenir à certains de leurs besoins. Cette paille est généralement vendue en ville auprès des gens qui font du stock d’aliment pour leurs animaux. Mais les éleveurs ne voient pas de bon œil ceux qui ramassent et vendent cette paille car c’est un commerce qui est contre l’intérêt de leurs troupeaux. Donc les vendeurs sont perçus par les éleveurs comme leurs rivaux.

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Ces conflits entre éleveurs et agriculteurs ou entre éleveurs eux-mêmes sont généralement gérés par la Commission Foncière Départementale (COFODEP) qui noue le dialogue entre les parties en conflit. Cette commission est composée de 2 représentants de pasteurs, 2 représentants des agriculteurs, 2 représentants de chefs traditionnels, les représentants de la commune, ceux de l’autorité de l’Etat (Le Préfet) ainsi que les forces de sécurité et de défense de l’Etat. Pour mieux gérer ces conflits, le Président du collectif des éleveurs de Tchintabaraden suggère que l’accent soit mis sur le dialogue entre agriculteurs et éleveurs et à basse température car les deux sont d’ailleurs des frères.

B. Conflits ethniques En général, les relations entre les groupes ethniques sont bonnes, selon les résultats de l’enquête et comme l’illustre ce graphique :

Graphique : Relations entre ethnies (N=833)

Comment qualifiez-vous les relations entre votre groupe ethnique et les autres ethnies de cette commune ?

60.00% 48.70% 50.00%

40.00%

30.00% 25.60%

20.00% 17.60%

10.00% 3.90% 1.90% 1.40% 0.00% Non relations relations Relations bonnes Très réponse très assez ni relations bonnes tendues tendues tendues relations ni bonnes

Néanmoins, à l’intérieur des groupes, l’enquête a révélé la persistance du phénomène d’exploitation de l’homme par l’homme (communément appelé « esclavage » depuis la nuit des temps et la stigmatisation /discrimination des personnes de peau noire.

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I. L’exploitation de l’homme par l’homme Au Niger, cette pratique est vue comme une forme « d’esclavagisme ».Néanmoins, il ne faudrait pas confondre le travail domestique pour lequel le prestataire est payé en bonnes et due forme. Mais on parle d’esclave lorsque « le noble » fait travailler quelqu’un et le nourrit sans jamais le payer. Cela est une exploitation de l’homme par l’homme, appelée esclavagisme.

A la question de savoir quels sont les conflits majeurs qui affectent la région, beaucoup de répondants ont signalé le conflit ethnique, précisément le phénomène d’esclavage, même si un silence est gardé sur la question. Quand on évoque la question publiquement, la réaction générale est que le phénomène n’existe plus mais en privé, beaucoup de gens reconnaissent la persistance de cette pratique.

« Dans notre zone, un Noir c’est comme un âne. Ils (les Arabes de couleur blanche) peuvent le faire travailler et quand il (le Noir) demande son paiement, soit on le frappe, soit on le jette dans un puits ou on l’abandonne dans un désert » a déclaré à l’équipe de recherche un habitant de Tassara, lui-même victime de cette maltraitance quotidienne.

Ce répondant se rappelle d’un cas qui l’a récemment marqué :

« Une femme est venue avec son bébé d’un village lointain. Elle travaillait chez un Arabe. Elle n’était pas mariée. Quelques mois après, elle a accouché étant chez l’Arabe. Ce dernier l’a très mal pris. Il a commencé à accuser à la femme qu’elle fait des bêtises avec les hommes et qu’elle vient accoucher chez lui. Chaque fois que la femme allaitait son enfant, l’Arabe lui intimait l’ordre de jeter son « bâtard » et s’occuper de ses chèvres. Si elle refusait, on la frappait jusqu’ à ce qu’elle dépose son bébé »

Malheureusement, conclut notre répondant, « les victimes de ce traitement inhumain n’ont pas où porter plainte ».

« Si on te frappe, les autorités ne font rien. Ils se laissent corrompre par les Arabes et les victimes n’ont pas où porter plainte. »

Si ce répondant a indexé la communauté arabe, il reconnait qu’il y a aussi beaucoup d’autres ménages qui font « travailler les gens comme des bêtes de somme » sans les payer. Au fil de la recherche, nous avons pu constater que le sentiment général est qu’au Niger, l’esclavage existe et n’est pas dénoncé. Des hommes et des femmes, à l’égal du bétail, sont toujours la propriété des « maitres ». L’esclavage semble même enraciné dans la culture, la coutume et l’histoire, comme l’explique un historien de Tassara :

« Quand des personnes ont été vendues et achetées comme du bétail, ils ont du mal à dépasser ce complexe d’infériorité. Aujourd’hui par exemple, ce sont les populations de race

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 20 noire qui font les activités ménagères. Le poids économique joue un rôle aussi. Malgré que certains aient acquis la liberté, le pouvoir économique reste problématique et les anciens esclaves sont obligés de se rapprocher des anciens maitres »

C’est ce type de comportement que de nombreuses personnes interrogées ont appelée « exploitation de l’homme par l’homme » ou « esclavagisme ». Quand des questions sur ce phénomène sont posées, on constate que les gens sont gênés d’en parler. Mais d’autres reconnaissent que c‘est un phénomène qui mérite d’être endigué.

C’est un non-dit car ceux qui ont le pouvoir de la parole sont des maitres ou descendants de maitres. Les asservis, eux, ne parlent guère de leur statut puisqu’il est une évidence. Beaucoup sont même devenus complaisants. Ils ne se plaignent pas de leur sort puisqu’on les a convaincus que Dieu en a décidé ainsi. Un répondant averti nous a même signalé que ces asservis subiraient des « lavages de cerveaux » à base de pratiques traditionnelles. Tout cela concourt donc à la conspiration au silence.

En conclusion donc, ce phénomène constitue une source de conflits potentiels sérieux dans l’avenir.

II. Stigmatisation et discrimination Quelques personnes interviewées dans la présente étude affirment faire largement l’objet de stigmatisation et de discrimination. C’est le cas notamment des forgerons et des personnes de peaux noires. Bien que ces attitudes ne comportent pas de violence physique, elles ont, selon les personnes interrogées, de sérieuses conséquences psychologiques et matérielles. Toutes sortes de noms dégradants et de préjugés sont utilisées pour décrire ces classes sociales.

L’étude a découvert qu’il y a un sentiment assez répandu au sein de la population selon lequel une communauté ethnique se croirait au-dessus des autres et dominerait ces derniers sans vouloir partager le pouvoir. Ce sentiment a été perçu à travers l’enquête de ménage mais aussi auprès des intellectuels, des responsables administratifs et même de certains agents des organisations qui apportent des aides. Par exemple, un agent souvent impliqué dans la gestion des projets et des aides nous a fait ce témoignage :

« Dans la première phase, ce sont les groupes de peau blanche qui ont bénéficié des aides et tout s’est bien passée. Mais pendant la deuxième phase, les projets ont profité surtout aux groupes de peau noire et les bruits ont commencé en disant qu’il y avait ségrégation, fraude et pas de transparence »

Bref, il se manifeste un individualisme dans lequel chacun essaie de tirer la couverture de son côté. Les populations de peau noire et les « forgerons », même si ce ne sont pas réellement des groupes ethniques, émergent dans l’étude comme des victimes de ce genre de ségrégation et de dominance.

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« Ce que les gens ne disent pas, c’est qu’il y a une ségrégation. Tant que tu es noir, tu n’es pas considéré », s’exprime avec amertume un membre de l’association Timidria qui a déjà beaucoup fait pour faire entendre les victimes de cette ségrégation. Cela se justifie, selon ce membre car, « ceux qui gouvernent la région sont de couleurs blanche ou éleveurs. C’est cette injustice qui a motivé la création de l’Association Timidria afin de défendre les droits des gens qui ne sont pas considérés ».

Selon les avis collectés sur le terrain, pour changer ces perceptions négatives des uns envers les autres, une justice sociale s’impose ainsi que la promotion de la cohésion sociale à travers :

a) La sensibilisation des citoyens sur leurs droits et devoirs, les valeurs culturelles et la fraternité et b) La mise en place des mécanismes de consultation et de dialogue entre les dirigeants et dirigés ainsi qu’entre les citoyens eux-mêmes.

C. Conflits politiques Les conflits politiques ne concernent pas des individus mais des groupes de toute sorte. Directement ou indirectement, ils impliquent les institutions étatiques.

1. Marginalisation de la population

Beaucoup de citoyens de Tchintabaraden, surtout les jeunes qui sont rentrés de la Libye, ont le sentiment d’avoir été abandonnés par l’Etat en ce qui concerne les services sociaux comme la santé, l’éducation et le chômage.

Par exemple, un seul centre de santé intégré se retrouverait à 130 km à l’est, à partir de Tchintabaraden. Ce sentiment est beaucoup ressorti des discussions de groupes avec les jeunes et même dans les enquêtes de ménages. Les victimes de cette marginalisation sont surtout les enfants, selon le maire de la ville de Tchinta. Pour y remédier des solutions ont été proposées par les habitants de la région de Tahoua :

 Redynamiser les cantines scolaires pour aider les enfants à rester à l’école et étudier mieux.  Créer des écoles modernes à côté des écoles coraniques afin de permettre à ceux qui sont hostiles à l’école moderne de s’y intéresser davantage. Selon les témoignages récoltés lors de l’étude, certains habitants de Tahoua se sont longuement opposés à l’école moderne à laquelle ils associaient « le Blanc »  Créer des centres de santé et un kit d’encouragement aux enfants à aller à l’école

2. Ingérence et partialité des autorités

Selon des personnes clé interviewées, certaines autorités hautement placées s’inviteraient dans toutes les affaires et surtout réagissent avant même de s’informer. « Cela crée un mauvais climat de temps en temps », expliquent les participants à un groupe de discussion. Certaines

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 22 autorités provinciales sont frustrées par le fait de ne pas être écoutées et considérées par leur hiérarchie. Voulant mettre de l’ordre chez eux, certains sont contournés par des individus influents qui appellent à Niamey pour se plaindre comme quoi telle ou telle autorité administrative est en train de faire des injustices. Et au lieu de s’informer auprès de cette autorité administrative, des autorités de Niamey réagissent sans s’informer correctement auprès de l’autorité administrative locale inculpée. Par exemple, selon certains enquêtés, il y aurait des gens qui profitent de l’absence de l’Etat de droit dans la région frontalière avec le Mali, la Libye et l’Algérie car cela leur permet de faire le commerce illicite sans rien risquer. Ça se comprend qu’un Etat présent et fort leur empêcherait de faire ce qu’ils veulent. Cela crée une méfiance entre les institutions et certains individus.

3. Méfiance envers tout ce qui est étatique

Selon certains habitants de Tchintabaraden il y a toujours une barrière de méfiance entre la population et les autorités.

« Cela est né des rebellions passées. Les gens ont tendance à protéger les leurs et ne pas dénoncer les malfaiteurs. Cela est dû à la mauvaise gestion des rebellions » explique un historien de la place.

Suite à cette méfiance, certains ont même tendance à enseigner en langues, au lieu du français, mais cela est contre-productif, jugent d’autres personnes. Les grandes victimes sont les populations démunies, quelques soient les groupes auxquels ils appartiennent.

« On exploite leur misère, on amène des choses à leur nom mais ils n’en profitent pas assez » déplore un habitant de Tassara

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D. Conflits de chefferie Traditionnellement, les chefs de tribu accédaient au pouvoir par la voie héréditaire. Mais depuis quelques années, les tribus se rassemblent et constituent un groupement. Ce groupement alors organise des élections pour choisir le chef. Généralement ces élections sont bénies par l’administration, ce qui fait désormais de la chefferie, une entité très forte. Qui dit élire, dit aussi contrôler et rendre compte.

Selon les répondants à l’étude, les conflits commencent généralement quand le chef de groupement « fait ce qu’il veut », parfois contre la volonté de ces sujets, ces derniers se sentent opprimés et cherchent à se libérer ; d’où l’éclatement des groupements. Parfois, les chefs utilisent aussi les gens, surtout les jeunes, pour leurs propres intérêts.

3.2 Acteurs majeurs des conflits

Les acteurs locaux majeurs des conflits à Tchintabaraden et Tassara sont entre autres, les éleveurs, les agriculteurs, agropasteurs et les élus locaux pendant les élections, les femmes et les hommes, les jeunes et les autorités. Pour les relations de pouvoir entre les acteurs, quand il y'a une décision ou une résolution ça se passe au niveau local par la chefferie locale ou par l'administration quand il s'agit des conflits.

Les conflits mentionnés ci-dessus affectent tout le monde en général, notamment les éleveurs, les agriculteurs, toute la population, les jeunes et les femmes. Cependant, comme l’illustre le graphique ci-dessous, aucune tendance nette ne se dégage par rapport à l’une ou l’autre catégorie de la population qui serait « plus victime de conflits » qu’une autre. Graphique : Victimes des conflits (N=840)

A votre avis, qui sont les victimes principales des conflits? Les éleveurs 1.50% 0.80% Toute la population 3.50% 1.20% 4.20% Les cultivateurs 14.50% Les jeunes 5.10% 5.70% Les femmes 13.00% La population rurale 9.20% Un groupe ethnique 12.30% (préciser lequel) 11.50% Les enfants

Les étrangers

Les commerçants

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Cependant, une analyse plus poussée des résultats par type de répondant montre que d’une catégorie de personne à l’autre, la perception varie par rapport à la question de savoir qui sont les principales victimes de conflits. Ainsi, les éleveurs pensent que ce sont eux les victimes car, eux et leurs animaux sont chez eux, selon la loi de 1961 qui définit la zone du nord comme « zone pastorale ». Mais, les agriculteurs se disent aussi victimes car ils ont le droit de survivre surtout que pour certains, l’élevage n’est plus suffisamment rentable alors qu’ils doivent nourrir leur familles. D’ailleurs, en comparant la fréquence (14% et 12%) on peut comprendre que tous les deux groupes sont tous affectés.

D’autres parts, la population entière est aussi victime car, si les animaux détruisent un hectare de mille de quelqu’un, c’est une perte pour toute la population car ce champ allait nourrir plusieurs personnes.

Le rôle des jeunes dans les conflits Selon le dernier recensement de 2012, la population Nigérienne est en grande partie constituée de jeunes puisque la moitié a 14 ans ou moins et 68,2 % de la population est âgée de moins de 25 ans. Cette couche importante de la population active du Niger porte aussi le flambeau de l’instabilité.

Les conflits dans la région ont un impact sur la jeunesse. Ces conflits sont généralement dus au manque de transparence, manque d’intégration Photo : Discussion avec les jeunes leaders sociale, la non implication des jeunes dans les instances de prise de décision, l’enrichissement illicite des autorités sur le dos de cette jeunesse à travers les dons des ONG qui ne leur parviennent jamais, le manque d’emploi, la non représentativité de la jeunesse alors qu’elle constitue un poids démographique très important, la maltraitance de ceux qui avaient participé à la rébellion et une négligence économique de la région. Les adultes considèrent souvent que les jeunes sont des fauteurs de trouble. Ceci peut être vrai dans certains cas, mais il faut savoir pourquoi. Effectuer une analyse des conflits dans lesquels des jeunes sont impliqués serait alors important. En fait, les jeunes ont un rôle essentiel dans la prévention et gestion des conflits.

Mais aussi les jeunes font partie des grandes victimes des différents conflits relevés a Tahoua, après les éleveurs et les agriculteurs. L’étude n’a pourtant pas trouvé de questions pour lesquelles les jeunes ont des avis très différents du reste de la population.

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L’enquête met en évidence des résultats encourageants par rapport au rôle des jeunes, car plus de 80% des enquêtés sont « d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec l’affirmation suivante « les jeunes ont un rôle à jouer pour la paix dans la communauté ».

La jeunesse de Tahoua, particulièrement celle de Tchintabaraden et de Tassara, s'intègre beaucoup plus dans les activités des ONG qui militent pour la paix et le développement de la région, et ils sensibilisent leurs cadets sur la promotion de la culture de la paix compte tenu de certaine influence. Mais, seulement 55 % des jeunes de Tchintabaraden et Tassara pensent que la non-violence est le meilleur moyen de gestion de conflits. Et plus de 48% des personnes interviewées ont affirmé que les jeunes sont plus impliqués dans les conflits que les adultes de plus de 35 ans. Cela montre quand même que les vestiges de la guerre sont encore dans les pensées et comportements de certains jeunes, une donne à ne pas négliger lors de la conception des projets pour les jeunes.

Tableau : Options violentes ou non violente pour la gestion de conflits

« La non-violence est le meilleur moyen de gestion de Nombre Fréq. conflits » D’accord ou pas d’accord ? (N=840) Non réponse 10 1,2% Pas du tout d'accord 82 9,8% Pas trop d'accord 149 17,7% Ni d'accord, ni en désaccord 137 16,3% D'accord 414 49,3% Tout à fait d'accord 48 5,7%

Signalons qu’à peu près 80% de ceux qui ont participé à l’étude pensent que les jeunes ont un rôle important dans le maintien de la paix comme l’indique le tableau ci-dessous.

Tableau : rôle des jeunes dans le maintien de la paix au sein des communautés

« Les jeunes ont un rôle à jouer dans le maintien de la paix Nombre Fréq. au sein des communautés » D’accord ou pas d’accord ? (n=840) Non réponse 6 0,7% Pas du tout d'accord 59 7,0% Pas trop d'accord 35 4,2% Ni d'accord, ni en désaccord 66 7,9% D'accord 501 59,6%

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 26

Tout à fait d'accord 173 20,6%

En plus, ces jeunes demandent au gouvernement et ses partenaires de leurs créer des activités génératrices de revenu pour qu’ils ne tentent pas des aventures à l'extérieur, au Mali, en Libye et en Côte d'Ivoire ou en Algérie.

Le rôle des femmes dans les conflits L’enquête a mis en évidence la perception majoritaire selon laquelle les femmes seraient moins impliquées que les hommes dans les conflits, comme l’illustre le graphique ci-dessous qui montre que la majorité des personnes interviewées sont d’accord ou tout à faire d’accord que « les femmes sont moins souvent impliquées que les hommes dans les conflits » :

Graphique : perception du rôle des femmes dans les conflits (n=840)

Etes vous d'accord avec l'affirmation suivante: "Les femmes sont moins souvent impliquées dans les conflits que les hommes" (n=840)

2% Non réponse 19% 22% pas du tout d'accord

pas trop d'accord

9% ni d'accord, ni en désaccord d'accord 39% 9% tout à fait d'accord

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Les femmes normalement contribuent beaucoup sur le développement local, et sensibilisent les jeunes à s'investirent dans la construction de l'avenir de la région. Pour la plupart, elles se sont mises dans des regroupements leur permettant d’organiser des tontines pour s’appuyer mutuellement. Mais elles font face aux problèmes de moyens qui leur permettre de devenir de plus en plus autonomes et ne pas rester sous la dépendance totale de l’homme.

Photo : Discussion de groupe avec les femmes à Elles jouent également un grand rôle Tassara dans les conflits intercommunautaires et ont créé des espaces de dialogues, multiplient des rencontres sur ce genre de conflits fonciers et ont des initiatives en matière de développement, de l'implication dans la lutte contre les conflits de tout genre.

Les femmes et les hommes sont touchés de manière différente par les conflits car les hommes au moins ont les facilités de participer à des rencontres et de s’exprimer librement. Même quand les femmes sont conviées aux réunions, elles sont assises derrière et parlent rarement, même si c’est un problème qui les concerne. Ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas d’idées mais parce que la société et ses coutumes le veulent ainsi. Les activités de la promotion de la paix et du développement doivent tenir compte du fait qu’ils ont des besoins différents.

Les femmes ont un potentiel prometteur en tant qu’actrices de la promotion de la paix lorsqu’elles sont organisées en catégorie au sein de la société civile. Cependant, les femmes font face à d’innombrables défis tels que :

Discrimination de la femme dans la prise des décisions, que ce soit dans la famille ou au service.

« C’est l’homme qui dicte tout. Quand il y a un poste ou un projet, on fait appel aux femmes juste pour montrer que les femmes sont prises en compte, mais réellement elles sont exclues » déclare une femme d’un groupement féminin.

Toujours selon cette femme, les femmes de Tchinta ont des groupements et association mais elles n’ont pas les mêmes privilèges que les hommes. En plus, beaucoup de femmes n’ont pas la capacité suffisante de conception et de gestion des projets, selon les témoignages des femmes rencontrées dans les entretiens individuels et discussions en groupes. Un renforcement des capacités en gestion des projets serait de grande utilité.

Role joué par l’Islam

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Les femmes rencontrées pensent aussi que l’Islam a beaucoup d’incidences sur le quotidien de la femme : Il limite le temps de sortie, comment s’habiller, comment s’entretenir avec les hommes qui ne sont pas leur mari, la gestion des enfants pendant son absence, etc. D’autres, par contre, disent que c’est la mauvaise interprétation de la religion musulmane qui donne plus de droits aux hommes qu’aux femmes. Or, concluent-ils le coran ne défend pas cette maltraitance à l’égard de la femme.

Scolarisation très limitée

La scolarisation s’avère difficile pour les filles de Tahoua. La plupart font seulement l’école coranique ou quand bien même elles suivent l’école traditionnelle (classique), elles sont contraintes à abandonner les études après l’obtention du certificat afin d’aller se marier. Certains parents expliquent qu’ils font cela pour éviter que la fille ne prenne une grossesse illégitime, ce qui serait une honte sur sa famille. Les parents préfèrent donc sacrifier l’avenir de l’enfant pour sauver l’honneur de la famille.

L’Islam jouerait aussi un rôle dans cette attitude car un enfant illégitime devient comme un pariât. La conséquence de cette privation des filles à la scolarisation complète est double : on les force au mariage précoce et puis on les condamne à une soumission et une dépendance totale à l’homme.

Manque de liberté, surtout pour les femmes Touareg et Arabes.

Selon les femmes rencontrées, que ce soit dans les discussions en groupe ou en entretiens,  Elles n’ont pas la possibilité de participer aux réunions  Certaines ne vont ni au marché, ni à la mosquée, de peur d’y rencontrer des hommes  Elles ne sont pas informées du tout car elles sont obligées de rester à la maison. Par conséquent, quand des projets viennent, ces femmes sont oubliées car elles ne sont pas informées puisque même leurs maris préfèrent ne pas les en informer.

« Nous ne sommes pas différentes de Prisonnières. On sacrifie l’avenir de la fille pour préserver l’honneur de la famille » déclare une femme du groupement ERPH (Notre Union).

Conséquemment à ce manque d’éducation et de liberté, les femmes de Tahoua font face à un chômage très sévère. Pour s’en sortir, selon les femmes rencontrées lors d’un groupe de discussion, il leur faudrait :

a) Des moyens de faire du commerce et le droit de sortir de la maison comme les autres, b) Des réunions exclusives aux femmes pour qu’elles puissent participer réellement, si non les hommes s’assoient toujours devant et mettent les femmes derrière c) La solution à long terme est de donner aux filles le droit d’étudier et aux femmes la liberté de sortir de la maison et vaquer aux activités économiques et socioprofessionnelles (Activités génératrices de revenus).

Le rôle de femmes dans les conflits est un sujet dramatique par la souffrance que ces conflits continuent à engendrer mais qui en même temps est porteur de grandes possibilités d’améliorations par la majorité des victimes de ces conflits. Ces possibilités d’ouverture et

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 29 d’amélioration, il nous incombe à tous de les développer en apportant un soutien aux femmes en tant qu’actrices pour la paix et non plus simplement en tant que victimes de conflits qu’elles n’ont jamais choisis ni décidés. Des lois protégeant les filles et les femmes existent déjà au Niger. Il suffit de les mettre en application.

3.3 Acteurs de paix et mécanismes de pacification

Acteurs locaux Les mécanismes de gestion des conflits

Les mécanismes de gestion des conflits liés à l’accès aux ressources naturelles sont de loin les plus importants du point de vue de leur récurrence. En matière de règlement des conflits d’accès aux ressources naturelles qui constitue pour l’essentiel la source des conflits dans la zone de l’étude, la procédure comporte deux phases dont la première est relative à la tentative de conciliation devant les autorités administratives et coutumières, tandis que la seconde consiste dans le règlement du litige par le tribunal d’instance implanté au chef-lieu de chaque département.

A la question de savoir si effectivement des mécanismes de gestion existent à Tahoua, la majorité des personnes interrogées répondent par l’affirmatif (82%) et identifient les mécanismes suivants :

Tableau : mécanismes existant de résolution de conflits

Quels mécanismes existe-t-il localement (au niveau de la Fréq. communauté) pour résoudre les conflits? Plusieurs réponses possibles (n=1117) Le recours aux anciens 87,2% Le recours aux comités 59,9% Des ateliers de concertation 12,0% Le recours aux forces de l’ordre 10,1% Des fora 9,0% Le recours à la justice 8,1%

L’étude a révélé que très peu de gens recourent à la justice (tribunal) comme moyens de règlement des conflits. Les gens font plus confiance aux autorités coutumières et locales. Les résultats des groupes de discussion permettent d’expliquer cela par le fait que de nombreux différends sont réglés à l’amiable avant d’arriver au tribunal. D’autres, par contre disent que les gens ne font pas trop confiance aux jugements rendus. Cela pourrait être dû à la méconnaissance du droit par les populations qui accroît le refus des verdicts par les protagonistes. Elle est entretenue par le fait que l’information judiciaire est difficile d’accès tant

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 30 du point de vue de sa proximité géographique que de son coût. Dans un tel contexte, il s’est développé une méfiance des populations à l’égard de la justice dont elles ignorent les règles et procédures ce qui les pousse à se détourner d’elle dans beaucoup de cas pour le règlement de leurs différends. D’autres affirment soupçonner que cette institution supposée rendre justice ne rende justice qu’aux ayants seulement. Mais nous n’avons pas de preuves pour cela, une autre étude pourrait en dire plus.

Lorsque l’on pose la question de savoir quels sont les mécanismes de résolution de conflits préférés, l’étude a montré que ce sont la négociation et la médiation qui arrivent en tête des préférences, étant les mécanismes les plus abordables. Ceci illustre la nécessité de renforcer ces mécanismes locaux de gestion de conflit et la création d’un cadre de dialogue inter acteurs.

Les jeunes de la région de Tahoua, précisément ceux de Tchintabaraden et Tassara, jouent un rôle très important dans les mécanismes de pacification, surtout au niveau de la sensibilisation, ils contribuent beaucoup dans la sensibilisation de leurs petits frères ou sœurs pour un développement durable de la région et de la culture de paix. Ils sont beaucoup sollicités pour éviter les travers de la lutte armée. Les femmes gardiennes des valeurs traditionnelles contribuent elles aussi à travers la sensibilisation de la population sur la culture de la paix.

Les mécanismes de prévention des conflits d’accès aux ressources naturelles

Le Code rural a prévu des institutions et outils dont les actions complémentaires concourent à la prévention des conflits d’accès aux ressources naturelles. Il s’agit de :

Le comité national du Code rural qui est un organe d’orientation chargé de l’élaboration, de la vulgarisation et du suivi de l’application du Code rural. Il est présidé par le Ministre chargé de l’agriculture et est composé en outre des Ministres chargés de l’élevage, de l’intérieur, de la défense, de la justice, de l’hydraulique et de l’environnement, de l’aménagement du territoire. Les réunions du Comité national se tiennent irrégulièrement alors qu’il est prévu qu’elles doivent se tenir au moins une fois par semestre.

Le secrétariat permanent du Code rural qui est la cheville ouvrière du processus d’élaboration du Code rural en ce qu’il assure la mise en œuvre et le suivi des activités concourant à cette fin. Les moyens humains, matériels et financiers dont il dispose sont inversement proportionnel à l'importance de sa mission. Actuellement, le secrétariat permanent ne dispose pas d’un véhicule pour ses missions de supervision des activités des commissions foncières. Le secrétariat permanent souffre aussi de l’absence de répondants (points focaux) au sein des ministères, y compris ceux qui sont membres du comité national du Code rural.

La Commission foncière (COFO) est un organe administratif dont la mission consiste à contrôler la mise en valeur des terres, établir les actes constatant les droits fonciers et donner son avis sur les demandes de concessions rurales.

A l’échelle des départements et des communes, elle se compose des chefs des services techniques, des organisations de la société civile rurale et des chefs traditionnels. Elle dispose

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 31 de relais au niveau villageois que sont les commissions foncières de base.

Les principaux atouts des commissions foncières résident dans le fait qu’elles sont composées des représentants des différentes catégories de producteurs ruraux ainsi que des services directement concernés par la gestion des ressources naturelles. En outre, elles intègrent en leur sein des groupes considérés comme marginaux à savoir les jeunes et les femmes. Par sa présence, la COFO réduit les marges d’arbitraire des autorités administratives et coutumières en matière de gestion du foncier rural.

Elles présentent cependant des faiblesses qui sont relatives à leur forte dépendance à l’égard des projets et programmes de développement. En outre, les commissions départementales et communales sont confrontées à des problèmes d’équipements en matériels de topographie et de cartographie, ainsi qu’en moyens informatiques et logistiques. En effet, il n’y a qu’une dizaine de COFO départementales disposant d’un équipement complet. Quant aux commissions foncières de base, elles souffrent de l’insuffisante connaissance par leurs membres, des textes qui constituent le Code rural. Ces faiblesses expliquent le décalage entre les objectifs des commissions foncières en matière de prévention des conflits et leurs réalisations.

Les comités de gestion de l’eau ont été institués auprès de chaque point d’eau public pour assurer son entretien et l’élaboration des règlements de gestion relatifs à l’accès et à la protection dudit point d’eau. La pratique a révélé une faible appropriation par les populations rurales, des règles relatives à la gestion des points d’eau publics. Dans de nombreux cas, les comités de gestion de l’eau sont inexistants. Dans les autres cas, c’est-à-dire lorsque les comités de gestion existent, le fait qu’ils ne connaissent pas eux-mêmes les règles relatives à la gestion des points d’eau publics ne leur permet pas d’avoir l’autorité nécessaire pour assurer une gestion apaisée de l’accès à cette ressource. Certains collectent de l’argent auprès des propriétaires d’animaux mais se servent de cet argent pour des fins personnelles et n’arrivent pas à assurer un bon entretien de ces puits, ce qui crée des conflits avec les populations bénéficiaires de ces puits qui risque non seulement d’ouvrir la voie à l’accaparement des espaces pastoraux par les éleveurs disposant d’importantes surfaces financières, mais aussi d’aggraver les risques de conflits entre les communautés pastorales.

Autres mécanismes étatiques : les forces de sécurité

La prévention des conflits est l’une des principales composantes de leur mission. Leur présence est un gage de sécurité pour les personnes et leurs biens en ce qu’elle dissuade les tentations de troubler l’ordre public. Toutefois, la mission des forces de sécurité a aussi une composante répressive qui consiste dans la constatation des infractions, la recherche de leurs auteurs et leur conduite devant les instances compétentes.

L’insuffisance en nombre des forces de sécurité ne permet pas une couverture complète de l’ensemble de la région partageant frontière avec le Mali, la Libye et L’Algérie. Alors que cette région est un passage privilégie des trafiquants de drogues et probablement d’armes. A cela

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 32 s’ajoutent l’insuffisante coordination entre les forces de sécurité (police, gendarmerie, armée, douane, FNIS) et la faiblesse de leurs moyens logistiques et de communication, selon les responsables militaires rencontrés.

Liens extérieurs Par rapport à l'influence des conflits Libyens et Maliens

Les conflits Libyens et Maliens ont beaucoup affectés la région de Tahoua, particulièrement le département de Tchintabaraden et la commune rurale de Tassara. 31% des personnes enquêtées ont affirmé que le conflit Libyen les a affectées et 40% disent l’avoir été par le conflit Malien. En effet, des milliers de jeunes nigériens ont été contraints de revenir au pays dans des conditions extrêmement difficiles et démunis de tout. Cette situation constitue une tension supplémentaire dans les zones de forte concentration, dont la situation alimentaire est déjà critique.

Les conflits Libyens et Maliens ont beaucoup affecté la région, surtout avec les mouvements Djihads qui ont essayé de recruter des jeunes pour combattre à leur côté; ils ont recruté quelques -uns compte tenu de la pauvreté, mais le gouvernement nigériens a vite compris et a lancé l'organisation des forums de sensibilisations pour que la jeunesse s'impliquent dans la construction et le développement de la région. Cette influence a été beaucoup plus négative par des vols de bétails, la coupure de routes etc.

3.4 Situation des médias

Aperçu du contexte médiatique Le rôle idéal des media est d’aider à construire une information de qualité et participer au renforcement de la démocratie. L’importance des médias dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits n’est plus à démontrer tout comme il est aisé de déceler le rôle des médias dans la survenance de certains conflits. Qu’il suffise à cet égard de rappeler les conséquences dramatiques des interventions de la radio mille collines au Rwanda.

Le processus de démocratisation du système politique nigérien s’est accompagné d’un développement important des médias privés tant de la presse écrite que de la presse audiovisuelle. Dans certaines zones rurales comme Bankilaré les radios communautaires participent à la prévention des conflits à travers des émissions relatives à la culture de la paix. La création dès 1993 d’un organe de régulation de la presse devrait renforcer la qualité des prestations de la presse. Il s’agit du Conseil Supérieur de la Communication (CSC). Chargé de garantir la liberté et l’indépendance des moyens de communication audiovisuelle et de la presse écrite, le respect de la déontologie, il est aussi chargé de veiller au respect des conventions internationales. C’est lui qui délivre les autorisations d’exploiter un service de radiodiffusion, de télévision ou tout autre service de communication audiovisuelle. Il en est de même des cartes

Analyse des déterminants de conflits - Tchintabaraden et Tassara PAGE | 33 de journalistes. Ces attributions reconnues au CSC le dotent d’une dimension de prévention de conflits à travers :

 Les actions de contrôle des activités des organes de presse ;  Le contrôle du programme, des conditions de production de diffusion des émissions des organes de presse;  Le respect de la déontologie et des bonnes mœurs ;  Le contrôle des émissions destinées aux enfants ;  Le contrôle du contenu et des modalités de programmation de l’information publicitaire.

En 1991, l'ouverture du processus démocratique a pour conséquence immédiate la libéralisation du secteur des médias. Les premiers à en profiter sont les journaux. Alors qu'il n'existait jusque-là qu'un unique quotidien gouvernemental, Le Sahel, on assiste à la naissance de plus de trente titres, tous hebdomadaires ! Beaucoup n'auront qu'une existence éphémère, quelques-uns une parution chaotique et bien peu de ceux qui ont survécu connaissent aujourd'hui une parution régulière. Tous sont des journaux d'opinion, qui considèrent la politique comme le pôle d'intérêt majeur de leur lectorat. Les faits de société et les informations d'intérêt général n'y tiennent qu'une place minime. Ces journaux ne sont distribués qu'à Niamey, faute de réseau de distribution fiable pour les titres. Notons que dans les pays voisins, la presse jouit d'une situation plus enviable. Mais au Niger, le développement des journaux de presse écrite est contrarié par 3 facteurs :

 Un faible taux d'alphabétisation, qui limite naturellement le nombre des lecteurs (la presse est en français).  Un environnement économique très défavorable, caractérisé par des ressources limitées et, souvent, des carences en matière de gestion.  Un manque de crédibilité, les journaux étant souvent assimilé à une mouvance politique et les journalistes étant accusés, par l'opinion, d'être corrompus.

La région de Tahoua regorge un bon nombre de media dont : La Radio Régionale, la Radio Tambara, la Radio Saraounia. Radio Ténéré, Radio Dounia, Radio Communautaire de Tchinta, Radio Communautaire de Tassara, Radio Communautaire de Kao, radio Communautaire , Radio Communautaire Abalak, Radio Communautaire Tamaya et la Radio Communautaire de Tillia. Mais ces stations ont des limites considérables en termes d’équipement, de couverture et de professionnalisme. Environ 75 % des personnes interviewées lors de l’étude menée par SFCG dans les départements de Tchintabaraden et Tassara disent que les media n’abordent pas les préoccupations de la communauté. Certains se demandent même s’il y en a puisqu’ils sont « obligés » d’écouter les stations internationales comme RFI et BBC qui ne priorisent nécessairement pas les problèmes de ces populations.

Graphique : les médias parlent-ils suffisamment de nos problèmes ? (n=840)

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Etes vous d'accord avec l'affirmation suivante: "Les médias parlent suffisamment de nos problèmes"? tout à fait Non réponse d'accord 2% 2% d'accord ni d'accord, ni 15% en désaccord 6% pas trop d'accord 11% pas du tout d'accord 64%

Même là où les medias existent, les populations rurales ont le sentiment que ces medias ne s’intéressent qu’aux chefs-lieux ou les villes.

« Ils vont vers les gros centres seulement. Ils oublient le monde rural. Le monde rural est un monde à part. Ils s’occupent seulement de l’Etat mais pas du monde rural » déclare un habitant de Tchintabaraden

Vu les défis auxquelles la zone de Tahoua fait face, beaucoup de personnes rencontrées aimeraient que les radios communautaires nigériennes mettent l’accent sur :

 La sensibilisation  Education à la gestion des conflits  l’incitation au travail (les gens critiquent mais ne travaillent pas assez).  s’atteler aux émissions de sensibilisation sur la cohésion sociale, la cohabitation pacifique et le développement.  Travailler en synergie pour avoir plus d’impact  Produire des programmes adaptés au contexte de la localité et dire ce que les gens murmurent ou taisent L’apport des medias devrait être capital. Mais il y en a qui sont plus guidés par la manne que la profession. Au lieu d’œuvrer d’abord pour le développement de la commune, chaque fois ils demandent d’abord « combien allez-vous me donner pour diffuser cette information » alors que c’est une information d’intérêt public, expliquent des personnes interviewées.

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Initiatives existantes médias & peacebuilding Plusieurs initiatives sont déjà en cours pour renforcer les medias. Beaucoup ont déjà bénéficié des formations organisées par des ONG comme Equal Access. SFCG a aussi profité de son passage pour organiser une formation pour 12 radios communautaires, y compris la radio régionale du Niger, sur le journalisme et la construction de la paix.

Mais le chemin reste très long. Le niveau des journalistes laisse à désirer, l’équipement est inexistant ou trop rudimentaire.

Risques et opportunités pour une collaboration avec les médias Les radios communautaires ont besoin de renforcement de capacités en gestion, en techniques de production et surtout en journalisme sensible au conflit.

En effet, 55% des personnes enquêtées disent que les media ne jouent pas un rôle important dans la gestion des conflits et 66% disent que les media dans leur région ne sont pas professionnels.

Graphique : perception du professionnalisme des médias (n=840)

Etes vous d'accord avec l'affirmation suivante: "Les media dans notre région sont professionnels, c’est-à-dire responsables, impartiaux et neutres"? (n=840) 2% 2%

Non réponse 14% 5% pas du tout d'accord pas trop d'accord 10% ni d'accord, ni en désaccord 67% d'accord tout à fait d'accord

La collecte de données sur le terrain montre que certains media n’ont même pas de statut, pas d’organes de gestion, pas de compte bancaire. Il y en a même qui sont gérées par le Directeur et sa femme, ou la radio est installée dans leur propre maison et qui pourtant se disent « radio communautaire ».

La notion de « radios communautaire » devraient elle-même être revue, afin vraiment de faire de ces radios un véritable outil de communication et de développement de la communauté et non par le nom seulement.

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Ces radios manquent de formation, notamment de formations in situ qui seraient les plus appropriées pour ce genre de radios car elles profiteraient à tout le monde et tiendraient compte de tout l’aspect de la vie de la radio.

Enfin, vu les enjeux auxquelles ces radios font face, leur mise en réseau de production et de diffusion sur des sujets sensibles et d’intérêt général pourraient contribuer énormément dans cette région apparemment oubliée.

Par ailleurs, la loi qui les régit constitue elle-même un certain obstacle, dans la mesure où elle les empêche de prendre des publicités locales alors qu’elles n’ont pas d’autres moyens de survivre.

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Conclusion

Les résultats de l’étude ont montré qu’il existe des conflits dans les communes de Tchintabaraden et Tassara. En effet, le foncier, les rivalités interethniques, les courses aux trônes, la politique, l’exploitation de l’homme par l’homme sont entre autres facteurs des conflits dans ces localités. Néanmoins, malgré l’existence de ces conflits, la majorité des personnes enquêtées affirment aussi que les relations sont bonnes entre les groupes ethniques.

S’agissant des acteurs dans les conflits énumérés ci-dessus, l’étude a pu identifier les éleveurs, les agriculteurs, les agropasteurs et les élus locaux pendant les élections, les femmes et les hommes, les jeunes et les autorités. L’approche non violente de gestion de conflits est perçue par 49,3% des personnes enquêtées (441 répondants) comme le meilleur moyen de résoudre les conflits. Par rapport aux acteurs de la paix et mécanisme de pacification dans les 2 communes, l’étude a révélé qu’il existe effectivement des mécanismes utilisés notamment les anciens, les fora, les tribunaux et les comites pour gérer les conflits. En terme d’efficacité, les anciens et les comites sont jugés les plus efficaces. L’étude révèle que la prise en compte de la dimension genre dans la zone d’étude laisse à désirer. En effet, les lois ne protègent pas suffisamment les femmes et les filles et par conséquent, elles ne sont pas intégrées dans les sphères de prise de décision. Leur liberté de mouvement est considérablement réduite. Ce qui les prive de certaines opportunités.

Enfin, l’étude a dressé un état des lieux des radios existantes dans ces communes. L’objectif de cet exercice était de faire une évaluation en terme de fonctionnement de radios opérant dans ces communes mais aussi de déterminer leur rôle dans le cadre de la mise en œuvre du programme « Paix et Développement des Jeunes dans la zone de Tahoua ». A ce niveau, l’étude a montré que ces radios fonctionnement au ralenti faute d’appuis matériels, d’encadrement technique et organisationnel. De facto, elles ne répondent pas aux attentes des communautés et ne contribuent pas au processus de consolidation de la paix dans cette zone.

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Section 4 : Recommandations

A l’Unicef

 Appuyer l’émergence des compétences locales en prévention et transformation des conflits à travers l’organisation des formations et des activités de promotion de la paix. A cet effet, UNICEF fait collaborer avec Search For Common Ground pour promouvoir le théâtre participatif, activité qui renforcera la cohésion sociale dans les communes de Tchintabaraden et Tassara.  Par rapport aux jeunes, un accent particulier doit être mis sur leur implication et responsabilisation dans le processus de consolidation de la paix. A cet effet, l’UNICEF devrait renforcer les capacités de jeunes en prévention et transformation des conflits mais aussi et surtout en leadership. Aussi l’UNICEF devrait appuyer l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’actions préparés par ces jeunes pour promouvoir la paix dans leur commune.  Appuyer le processus d’émancipation des femmes et jeunes filles en mettant l’accent d’abord sur la promotion des droits des femmes puis sur la promotion de la participation des femmes et jeunes filles au développement économique en encourageant la pratique des Activites Génératrices des revenus (AGR). Enfin des actions de sensibilisation sur la prise en compte du genre doivent être intensifiées afin d’encourager d’avantage l’implication des femmes et des jeunes filles dans la prise de décisions.  Etant donné que les radios jouent un rôle important dans le processus de consolidation de la paix, ces dernières doivent être fonctionnelles et ce grâce aux appuis techniques, organisationnels et matériels. En d’autres, la notion de « radios communautaire » devrait être revue, afin de faire de ces radios un véritable outil de communication et de développement de la communauté et non par le nom seulement. Concrètement le processus de redynamisation de ces radios devrait suivre une méthodologie participative permettant aux membres de la communauté de prendre part à l’élaboration de la grille des programmes par exemple, à la prise de certaines décisions et au fonctionnement quotidien de la radio à travers des animations et productions bénévoles à la radio. Dans le cadre de renforcement des capacités organisationnelles et techniques, la formation in situ devrait être organisée pour ce genre de radios car elles profiteraient à tout le personnel de la radio tout en s’intégrant dans la vie de la radio. La mise en place des clubs d’écoute et des échanges réguliers avec les radios, la dotation des groupes vulnérables avec des postes récepteurs permettrait d’augmenter leur capacité à répondre aux besoins et attentes des communautés.

Par ailleurs, la loi qui les régit constitue elle-même un certain obstacle, dans la mesure où elle les empêche de prendre des publicités locales alors qu’elles n’ont pas d’autres moyens de survivre. L’UNICEF pourrait faire un plaidoyer destiné à revisiter cette loi de façon à l’adapter aux réalités locales  Mettre en œuvre des projets ou programme en faveur des groupes vulnérables, notamment les jeunes, les « peaux noires et forgerons » - afin que leur mode de vie change. A titre d’exemple, UNICEF peut appuyer le gouvernement à promouvoir la scolarisation des

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enfants issues des groupes vulnérables. Aussi L’UNICEF pourrait s’associer au Programme Alimentaire Mondial pour mettre en place des cantines scolaires afin d’encourager la fréquentation régulière aux classes.  Faire le plaidoyer auprès de gouvernement pour enclencher le processus de changement de comportements vis-à-vis de l’exploitation de l’homme par l’homme communément appelé ‘’esclavagisme’’. Une fois cette étape franchise, des projets ou programme d’appuis pourront être mis en œuvre pour promouvoir l’insertion sociale des victimes de cette pratique.  .

Aux institutions coutumières de la région d’étude Les institutions coutumières (conseils d'anciens) devraient mettre en place des stratégies de prévention et gestion de conflits fiables qui pourraient être appliquées. Ces stratégies devraient inclure les femmes et les jeunes. Ces mécanismes devraient chercher à équilibrer les besoins à court terme avec une plus longue durabilité dans toute la mesure possible.

Au gouvernement du Niger  Stabiliser la jeunesse par la création des activités génératrices de revenus (maraichage, puits, forages, centres avicoles et projets communautaires……..), la création de centre de loisirs, informatiques, sportifs, culturels, formations socio professionnels, et la révision de la formation des enseignants à l’école normale  Stabiliser le contexte économique au travers des mesures suivantes : Modernisation de l’agriculture et l’élevage (création des centres de multiplications de bétail, laiterie et exploitation de la viande) ; Création des coopératives villageoises permettant l’accès à tout produit et au prix abordable.  Revoir le cadre légal en révisant la loi 1961 pour l’adapter au contexte actuel e=afin de promouvoir la cohabitation pacifique. De même, il serait important que ladite loi soit vulgarisée auprès de la population en général.  D’autres suggestions en termes législatifs, qui auraient un impact positif sur le niveau de cohésion sociale dans les zones étudiées sont notamment : Application des conventions et lois relatives à la protection des femmes et les enfants, Application de la loi relative à la maitrise de la démographie.  Initier un processus participatif destiné à repenser la gouvernance locale, notamment de façon à lutter contre l’impunité, dépolitiser la chefferie traditionnelle, promouvoir la transparence et l’équité dans la répartition des services offerts.  Par rapport à l’accès aux ressources notamment le foncier, la nécessité d’appuyer le fonctionnement des commissions foncières ou COFO au niveau des communes de Tchintabaraden et Tassara s’impose. Aussi des rencontres périodiques ou forums doivent également être initiées pour permettre aux agriculteurs et éleveurs de discuter de leurs problèmes et trouvent des solutions durables

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Annexes

Annexe 1 : Liste des personnes interviewées

Annexe 2 : Questionnaire d’enquête

Annexe 3 : Tableaux issus de l’enquête

Annexe 4 : Guides de discussion

Annexe5 : Photos

Annexe 6 : Loi 61-5 du 26 mai 1961

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A propos de SFCG au Niger

SFCG est une organisation internationale à but non lucratif créée en 1982 qui favorise la résolution pacifique des conflits. Elle a son- siège à Washington DC et à Bruxelles. SFCG a environ 600 employés dans le monde et des projets dans plus de 30 pays en Afrique, Asie, Europe, Moyen Orient, et les Etats-Unis. Elle a pour mission de transformer la façon dont les individus, les organisations et les gouvernements gèrent les conflits - loin des approches de confrontation vers une solution prônant la collaboration. SFCG cherche à contribuer à une paix durable en se focalisant sur la transformation de conflit et la médiation tout en articulant de nombreuses préoccupations et questions tels le respect des droits de l’homme, la conduite d’élections démocratiques et la bonne gouvernance, la protection des civils dans la lutte contre l'exploitation sexuelle et la violence de genre et le rétablissement de bonnes relations entre les communautés divisées. SFCG est une des seules organisations qui prônent la transformation des conflits à une audience populaire par le biais des « médias de la paix » et l’expression artistique (radio, théâtre participatif, bande dessinée) afin d’informer et encourager la participation des populations dans les processus de paix ainsi qu’en influant sur les connaissances, les attitudes et les comportements du public afin de faciliter la paix et la cohésion sociale. Pour ce faire, SFCG utilise une approche et des outils.

Nous avons commencé nos activités au Niger en 2011. Afin d’obtenir un aperçu plus complet de nos activités d’analyse et de résolution de conflit, nos programmes radio et de nos formations dans le domaine de la paix, il est possible de consulter notre site internet à l’adresse suivante : www.sfcg.org et www.radiopeaceafrica.org.

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