Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement Advanced Robotics, and Development

Alain Kiyindou, Etienne Damome et Noble Akam (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/2456 DOI : 10.4000/ctd.2456 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Alain Kiyindou, Etienne Damome et Noble Akam (dir.), Communication, technologies et développement, 8 | 2020, « Robotique avancée, intelligence artifcielle et développement » [En ligne], mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 29 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/ctd/2456 ; DOI : https:// doi.org/10.4000/ctd.2456

Communication, technologies et développement N°8 Juin 2020 ISSN : 2491-1437

Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

NUMÉRO COORDONNÉ PAR Alain KIYINDOU, Etienne DAMOME et Noble AKAM Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Introduction

Alain KIYINDOU, Etienne DAMOME et Noble AKAM

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/3332 DOI : 10.4000/ctd.3332 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Alain KIYINDOU, Etienne DAMOME et Noble AKAM, « Introduction », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 24 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/3332 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.3332

Ce document a été généré automatiquement le 24 septembre 2020.

Communication, technologies et développement Introduction 1

Introduction

Alain KIYINDOU, Etienne DAMOME et Noble AKAM

1 Les données sont omniprésentes dans notre environnement et questionnent les spécialistes du développement sur les opportunités relatives à ce qu’il est convenu d’appeler la révolution des données. En effet, le développement des villes intelligentes, des drones et autres objets connectés permet de collecter une multitude de données qui, une fois traitées, participent à ce qu’il est convenu d’appeler un développement intelligent. Toutefois, ce nouveau contexte informationnel pose en Afrique et ailleurs la nécessité d’une culture des données qui se traduirait par de nouvelles compétences, notamment sur le traitement, la gestion, l’encadrement juridique des données. À l’intérieur même des pays en développement comme entre les pays riches et les pays pauvres, le risque est grand de voir s’installer des inégalités liées à la maîtrise des données et des algorithmes. Les algorithmes font partie des systèmes qui recueillent et structurent ces informations. C’est d’ailleurs grâce à ces données que les robots collaboratifs, appelés aussi cobots, développent leur champ d’intervention (co- manipulation, exosquelette…). Si ces pratiques sont encore balbutiantes dans les pays en développement, des exemples relevés ci et là montrent qu’elles constituent, dans certains cas, des leviers pour l’amélioration des conditions de vie des populations. Le défi est donc celui de penser « rich data » et non Big data, puisque dans les pays en développement, les données ne sont généralement pas de bonne qualité.

2 Ce numéro accorde donc une attention particulière à la question de l’appropriation de ces innovations technologiques dans des contextes à faibles infrastructures. Il prolonge les travaux de la chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies de l’information et communication pour le développement en interrogeant l’éclosion et l’usage des meilleures pratiques d’intelligence artificielle par les acteurs économiques, publics et civils ; en développant une approche critique de l’intelligence géospatiale, de la robotique collaborative et de l’intelligence artificielle ; en analysant les évolutions des pratiques info-communicationnelles liées à l’usage des machines learning (apprentissage automatique).

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Introduction 2

Penser le rapport Homme-machine

3 La question du rapport Homme-machine et par extension de l’intelligence artificielle intéresse de nombreuses disciplines. Les sciences humaines et sociales se focalisent davantage sur leur impact social et sur les aspects liés à la communication. Il leur semble légitime de se poser les questions de la communication de l’intelligence artificielle avec les hommes, du vivre ensemble avec ces nouvelles machines et surtout leurs rapports avec les différents champs de la communication. La question est aussi celle des mutations des métiers, de l’évolution des pratiques professionnelles voire du prolongement de soi à travers les outils technologiques (Mc Luhan, 1964).

4 Si la communication Homme-machine remonte à très longtemps, le machine learning et l’analyse avancée ont accéléré le déploiement rapide de l’intelligence artificielle dans de nouveaux domaines et applications. C’est le résultat d’un puissant mélange de disponibilité des données, de puissance de calcul accrue et de complexification algorithmique qui pourrait doubler les taux de croissance économique d’ici 2035. Les pays en développement pourraient bénéficier d’un impact plus limité si les taux d’adoption des technologies d’intelligence artificielle s’y avéraient plus faibles. Quel que soit le domaine concerné, l’application de l’intelligence géospatiale (Geoint) et de la robotique collaborative font référence sur le plan économique aux notions de traçabilité et d’optimisation : localiser sa marchandise, situer le personnel ou encore des véhicules, des pièces d’assemblage dans un entrepôt, réduire les trajets de transport ou de voyage. De nouveaux procédés de fabrication hybrides, des capteurs de l’Internet des objets et l’impression en 4D sont utilisés dans les domaines industriel, agricole ou médical. L’entrepreneuriat du numérique, nouveau pan des économies des pays du Sud n’est pas en reste. Mais au-delà de ces considérations économiques, une des questions fondamentales est celle de savoir comment les Sciences de l’information et de la communication peuvent s’approprier la notion d’intelligence spatiale et l’intégrer dans une approche « communication pour le développement ».

Robotique collaborative et société

5 Sur le plan social, la maîtrise de l’espace favorise le développement d’un nouveau champ de recherche à savoir celui de la robotique collaborative qui laisse entrevoir une nouvelle société, celle où les robots deviennent des partenaires à part entière de l’homme. Cette réflexion intègre à la fois les questions de sécurité, de santé et de lutte contre la pauvreté. En matière de sécurité, il s’agit d’anticiper et de gérer les catastrophes naturelles, d’assurer le plus efficacement possible les contrôles d’identité. Les applications sont nombreuses : reconnaissance faciale, renifleurs de produits dangereux, analyse des indicateurs de catastrophes, rationalisation du cadastre, etc. Dans le secteur de la santé, l’intelligence artificielle et la robotique répondent à des besoins spécifiques de la part des soignants. Les applications développées viennent enrichir les pratiques qui vont de la prophylaxie à la rééducation en passant par la prédiction des épidémies, le diagnostic, l’approvisionnement en médicaments et la lutte contre des maladies spécifiques (cancer, paludisme, etc.).

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Introduction 3

Penser éthique

6 Quel que soit le domaine concerné, l’application de l’intelligence artificielle, liée au big data, pose sur le plan philosophique des questions éthiques liées à la nécessité de préserver les libertés individuelles. Se pose de même la question de la responsabilité et de la sécurité juridique nécessaires lorsque l’agence humaine est remplacée par les décisions des agents de l’intelligence artificielle.

7 Les préoccupations éthiques nous amènent à interroger le cadre global de valeurs liées à l’intelligence artificielle ainsi que les conséquences connues et inconnues des interactions des systèmes d’IA avec les êtres humains et leur environnement. En effet, « les machines intelligentes peuvent contraindre les choix des individus et des groupes, abaisser la qualité de vie, bouleverser l’organisation du travail et le marché de l’emploi, influencer la vie politique, entrer en tension avec les droits fondamentaux, exacerber les inégalités économiques et sociales, et affecter les écosystèmes, l’environnement et le climat » (Abrassart et al, 2018 : 7)

BIBLIOGRAPHIE

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Alain Kiyindou, Intelligence artificielle. Pratique et enjeux pour le développement, L’Harmattan, Paris, 2019.

M. Mac Luhan, Pour comprendre les médias, Paris, Seuil, 1964.

AUTEURS

ALAIN KIYINDOU Université Bordeaux Montaigne

ETIENNE DAMOME Université Bordeaux Montaigne

NOBLE AKAM Université Bordeaux Montaigne

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Le droit des robots, un droit de l’homme en devenir ? The right of robots, a human right in the making? El derecho de los robots, ¿un derecho humano en ciernes?

Patrick SAERENS

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/2877 DOI : 10.4000/ctd.2877 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Patrick SAERENS, « Le droit des robots, un droit de l’homme en devenir ? », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 12 juillet 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/2877 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.2877

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Communication, technologies et développement Le droit des robots, un droit de l’homme en devenir ? 1

Le droit des robots, un droit de l’homme en devenir ? The right of robots, a human right in the making? El derecho de los robots, ¿un derecho humano en ciernes?

Patrick SAERENS

1

2 “Objets inanimés, avez-vous donc une âme” ? La question a longtemps taraudé les écrivains1 et les philosophes, nettement moins les juristes. Les biens, meubles et immeubles, ont toujours été appréhendés, depuis le droit romain, à travers leurs « gardiens », dans le cadre du droit de la responsabilité2. Sous l’influence du consumérisme, une évolution a eu lieu ces trente dernières années, mais uniquement en vue d’accroitre la garantie légale et d’augmenter la responsabilité des fabricants pour les contraindre à mettre sur le marché des biens dénués de vices rédhibitoires. À l’aube du XXIe siècle, certains se sont émus de mettre sur le même plan les animaux et les choses. Des textes ont progressivement amélioré le bien-être animal, mais ce n’est que très récemment que le débat s’est élargi au droit des robots.

3 Une minorité de la doctrine estime que le fait d’être « animé », voire « intelligent » leur confère des vertus d’humanité (Bensoussan, 2017). Ils devraient, à l’instar des personnes morales, être dotés de droits et obligations qui leur sont propres, afin de mieux définir leurs responsabilités qui passeraient entre autres par des obligations d’immatriculation, de contracter une assurance ou du respect de la vie privée (notamment dans leur fonction d’assistance aux personnes). Idéalement, plus le robot serait exposé à des risques, plus le capital rattaché à sa « personne » devrait être élevé. Au-delà des obligations, on devrait également leur accorder des droits tels ceux liés à l’intimité ou à la protection des données. Ces thèses anthropomorphiques semblent viser avant tout leur interaction avec les tiers (personnes âgées, enfants autistes) qui doivent bénéficier de ces protections « par ricochet » dès lors que ces humanoïdes programmés en savent beaucoup sur leur santé et vie privée3. Mais leur fonctionnalité peut dépasser ce stade, telle cette société de Hong Kong qui a désigné un robot au sein

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du conseil d’administration avec droit de vote, porteur d’une procuration d’un administrateur-personne physique. Tant que l’ombre d’un humain se dessine derrière ses contours, la question reste anecdotique, mais dans un futur proche, on voit mal comment l’attaquer s’il dépasse son mandat ou s’il prend des décisions contraires à l’intérêt social, sans même imaginer des infractions pénales (Siary, 2017). Dès lors que le mettre en prison ou à l’amende est hors propos, c’est son absence d’actifs qui le rend insaisissable et donc inattaquable. Il est vrai que le droit est habitué aux fictions juridiques (Mendoza, 2016), comme en témoigne le droit des personnes morales qui « donne vie » aux sociétés et aux associations. Mais celles-ci peuvent se doter d’un patrimoine alors qu’on n’a pas encore imaginé comment le robot pouvait rembourser les victimes de ses actes sauf par des mécanismes classiques (garantie bancaire, assurances).

4 La plupart des juristes estiment toutefois que le droit de la responsabilité, défini depuis deux siècles dans le Code civil, suffit amplement pour encadrer le phénomène en privilégiant le régime en cascade : dans un premier temps, celle-ci incombe au concepteur du produit sur base d’une responsabilité sans fautes. À défaut, cette responsabilité porte sur celui qui a donné les règles du code informatique ou le cas échéant sur celui qui a codé et enfin l’utilisateur qui n’aurait pas pris les précautions d’usage (Loiseau et Bourgeois, 2018).

5 Mais tous s’accordent pour reconnaître que le droit doit intégrer cette problématique, en contraignant les fabricants à intégrer de la « roboéthique » dès la conception du produit qui tient compte des lois d’Asimov4, afin de mettre l’homme au centre des préoccupations de la machine (Nevejans, 2017). L’interdisciplinarité législative est peut-être la seule réponse idoine à apporter dans l’immédiat : ces questions ne peuvent être l’apanage de juristes dans leur tour d’ivoire, mais doivent être analysées par des comités d’éthique composés d’informaticiens, de philosophes, d’économistes voire de simples citoyens aux fins d’obtenir une opinion éclairée (Dowek, 2018).

6 À cet égard, les premiers accidents survenus avec les voitures autonomes démontrent toute la difficulté de programmer une échelle des valeurs : que faire si une voiture rencontre un imprévu et doit faire un « choix » entre des situations qui peuvent toutes aboutir à des dommages physiques : privilégier les usagers dans l’habitacle, protéger l’usage faible de la route (piéton, cycliste) ou ajouter un paramètre basé sur l’âge de la victime potentielle, voire sur l’évaluation des risques létaux ?5. On répliquera que ce cas de figure existe aussi pour le conducteur qui peut, en quelques secondes, évaluer, parfois à tort, la trajectoire le moins dommageable pour lui-même ou pour autrui. Mais les réflexes et la part de subjectivité n’ont pas été, dans son chef, programmés alors qu’avec l’intelligence artificielle, c’est un choix délibéré du constructeur qui déterminera le comportement du véhicule autonome.

7 Ceux qui estiment que le débat ne se posera pas en espérant que le fabricant privilégiera la notion « d’arrêt d’urgence »6 sous tout autre critère de performance ont une foi absolue en la machine, pourtant par nature friable, puisque construite… par l’homme. En l’état actuel de l’informatique, il est impossible de faire assimiler à une machine le sens du bien ou du mal : la seule possibilité consiste donc à programmer un ensemble de règles constituant une forme de « conscience artificielle » (Ronald C. Atkin, 2009). Mais il est déjà envisageable de se retrouver face à un comportement non dicté par un être humain, car le robot apprend vite. Comment qualifier les choix d’un robot journaliste qui propagerait de fausses nouvelles ou rédigerait des articles

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diffamatoires, car il aurait puisé son inspiration sur des sites populistes ? Certes, la responsabilité éditoriale est actuellement entre les mains d’un humain, mais qui peut affirmer que des sites purement automatisés ne vont pas à l’avenir fournir du contenu brut en agrégeant des informations elles-mêmes puisées dans des métadonnées ?

Du Bitcoin au Blockchain

8 Derrière cette querelle dont les impacts sont à la fois économiques (assurances…), politiques (autorisation préalable de mise sur le marché …) et philosophiques (balance des risques, incidence des robots sur la vie en société…), se cache aussi une crainte qui touche à l’existence des professions juridiques. L’intelligence artificielle risque, à terme, de les impacter durablement, voire pour certaines d’entre elles de les faire disparaitre. Elle peut réduire considérablement l’intérêt des notaires. Les constats des huissiers pourraient aussi disparaitre si la sécurité des informations par voie électronique ne peut être remise en question. Cette technologie, qui est l’autre face de l’intelligence artificielle, commence à intéresser le grand public à travers l’émergence des cybermonnaies. Mais celles-ci ne sont que la partie immergée d’un iceberg dont la portée est plus considérable, car basée sur une technologie qui a fait ses preuves, celle des « chaînes de blocs » ou Blockchain. Le développement de ces monnaies découle en effet d’un cryptage informatique complexe qui nait de la confiance mutuelle, selon le principe que chacun peut écrire sur le grand livre public des transactions sans que personne ne puisse ni le détruire ni effacer des séquences. La technique a rapidement trouvé d’autres applications, grâce à la conservation de données réputées infalsifiables et de l’horodatage. Elle permet aussi la traçabilité des biens et des droits (denrées alimentaires, œuvres artistiques,). À l’exception de l’Estonie, pionnière au sein de l’UE, peu de pays l’ont intégré à ce jour dans leur arsenal législatif. Pourtant, la Blockchain comporte un volet juridique par le biais des « smart contracts » ou « contrats intelligents » qui exécutent automatiquement des conditions préalablement définies (Saerens, 2018). Derrière une somme d’algorithmes, il s’agit d’automatiser en toute sécurité certaines étapes d’un contrat, ce qui va bouleverser de nombreux métiers dans un proche avenir.

9 Le « smart contract » porte mal son nom en ce sens qu’il n’est ni « intelligent », ni même vraiment un contrat, mais un programme informatique. En fait, seules certaines étapes permettent d’éviter le légalisme : les questions telles que le consentement des parties ou les sanctions ne sont pas résolues pour autant. Ces avancées sont toutefois incontestables. Dès la phase précontractuelle, l’authentification de documents, la remise de pièces qui permettent de consolider les engagements peuvent être gérées par la chaine des blocs. Par exemple, la construction immobilière passe par de multiples fichiers (plans, permis) qui peuvent être authentifiés et horodatés avant que les fonds ne soient débloqués lors de la phase ultérieure. Il s’agit du principe dit IFTTT (« If This Then That ») : si tel événement survient, alors la suite s’enclenche mécaniquement. Le système permet de se débarrasser des tiers de confiance. L’application slick.it permet par exemple de ne plus faire appel à un humain (Mekki,2018). Lors de la location d’un studio de vacances, le client paie une caution sur un compte bloqué, dispose d’un digicode qu’il active à son arrivée et qui entraine le versement immédiat au bailleur s’il n’a pas dénoncé son contrat dans les minutes qui suivent.

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10 Le système n’est pas sans inconvénient. D’une part, l’absence de tiers de confiance peut aboutir à la production de documents qui n’auraient jamais dû être publiés. D’autre part, l’automatisation du processus ignore les contestations légitimes : en l’absence d’un juge, certains préconisent un arbitrage… numérique pour résoudre les difficultés quand la chaine a dysfonctionné, voire de retourner au monde physique (huissiers, notaires,). Enfin, la multiplication des contrats d’adhésion où rien n’est négocié en dehors du prix et de la prestation est peu compatible avec la protection du consommateur. D’où la nécessité d’entourer les « smart contracts » de … clauses contractuelles, notamment pour gérer l’imprévisible (force majeure, cyber-attaque, réseau indisponible) ou des questions de droit international (lois applicables, tribunaux compétents). D’autant que la « chaine de blocs » est peu adaptée aux contrats évolutifs : lorsque les parties veulent modifier leurs accords, les amendements sont souvent délicats à mettre en place par voie algorithmique.

11 La Blockchain constitue un tel changement de paradigme que d’aucuns estiment que le comportement humain risque d’être moins normé par du droit que par un algorithme. Mais il faut se garder de croire que la loi va disparaitre au profit de la technique. Les informaticiens auront toujours en face d’eux les juristes dont la prudence permet d’éviter des dérives irrémédiables des algorithmes. Le nouveau règlement européen sur la protection des données (RGPD) en démontre déjà les limites (Houssa et Standaert, 2016). Où placer dans ce nouveau monde virtuel des notions aussi essentielles que le droit à l’oubli, la conservation limitée des fichiers ou le consentement éclairé dans un système inaltérable, infalsifiable et qui laisse à la négociation une portion congrue ? Mais l’innovation pourrait paradoxalement être freinée par ses thuriféraires. Les instigateurs de l’économie participative (Uber, Air BNB, Blabacar) qui se sont enrichis en prônant la « désintermédiation » risquent en effet d’être victimes de la Blockchain permettant à terme de se passer de leurs services.

Remplacer le Code civil par un code source

12 Le débat sur l’interférence de l’intelligence artificielle et le monde juridique trouve son paroxysme dans le cadre de la justice prédictive censée éviter l’aléa du procès. Cette justice algorithmique se base sur deux piliers : l’un quantitatif qui consiste à établir des corrélations sur un grand nombre de décisions et l’autre qualitatif basé sur l’observation d’une situation donnée qui donnerait un résultat déterminé (Eudes, 2018). Cette vision statistique de la jurisprudence aboutit à un effet performatif d’aide à la décision qui risque de pousser le juge à retenir la solution adaptée majoritairement avant lui, par le biais de la psychologie de l’exemple7. Elle fait fi des évolutions jurisprudentielles qui se marient mal avec des algorithmes qui neutralisent les situations antérieures et se refusent à anticiper les ruptures (Luc-Marie Augageur). Ce système aboutit à ce que la majorité relative initiale va progressivement se renforcer jusqu’à devenir une majorité écrasante. Plus fondamentalement, c’est la notion même du droit à l’accès à la justice, sanctuarisé par la Convention européenne des droits de l’homme qui est menacé. Peut-on considérer que le fait de renoncer de recourir au juge, car les statistiques n’y sont guère favorables, résulte d’une décision libre et éclairée ? (Scarlett-May Ferrie, 2018). On peut s’interroger, dans ce contexte, sur la plus-value de l’avocat s’il sait que son argumentaire se heurte à un algorithme défavorable. Les magistrats eux-mêmes risquent d’être des chatbots à force de craindre que leurs

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jugements soient court-circuités en cas de recours, même s’ils disposeront encore d’une marge pour faire entendre leur différence, notamment par le biais de l’obligation de motivation. Les États démocratiques, dont la plupart considèrent que la justice est une variable d’ajustement (à la baisse) de leurs budgets pourraient être tentés d’investir dans des puissants logiciels pour limiter les frais de personnels au profit d’une logique de rentabilité. Le monde judiciaire connaît déjà le paramètre de la performance qui lui a longtemps paru incongru. Désormais, chaque magistrat doit rendre un certain nombre de décisions et peut se faire rappeler à l’ordre si ses statistiques individuelles démontrent un trop fort taux de recours. La justice prédictive annihilera son autonomie et l’esprit libre et frondeur sera remplacé par la course à la performance et à l’homogénéité alors que les grands revirements politiques ou judiciaires (peine de mort, droits des minorités, avancées bioéthiques) ont toujours pu se faire grâce à des hommes d’exceptions (Badinter, Martin Luther King) et la prise de conscience de la société civile. Il n’est pas certain que les algorithmes y soient sensibles. Cela ne signifie pas pour autant que le monde judiciaire doive rester en dehors des autoroutes de l’intelligence artificielle, mais celles-ci devront être strictement balisées. On peut imaginer par exemple que les données « objectivables » puissent permettre de déterminer si une action est recevable, au regard de règles « neutres » comme le délai pour introduire un recours ou la prescription pour forclusion. Cette automatisation de la justice poursuit un but légitime qui consiste à éviter des procédures longues et coûteuses (Scarlett-May Ferrie, 2018) alors que l’affaire n’a aucune chance d’aboutir. Mais toute utilisation d’algorithmes dans le processus décisionnel devra se faire sur base d’un principe absolu de transparence : ce n’est que si ceux-ci sont connus et vérifiables que la Convention européenne des droits de l’homme – qui garantit un procès équitable- sera respectée8.

Soft law, hard case

13 À travers les premières initiatives législatives, on prend conscience que les politiques veulent éviter que les scientifiques ne leur damnent le pion. C’est un peu le syndrome de l’internet où les législateurs ont eu la désagréable impression – confirmée dans les faits- qu’ils ont couru derrière un train qui ne les avait pas attendus pour s’autoréguler. Dans ce monde informatisé où les juristes peinent à trouver leur place, on n’a paradoxalement jamais eu autant besoin de ... philosophes pour baliser les terrains à défraichir.

14 Les premiers textes qui concernent l’intelligence artificielle sont soit des catalogues de bonnes intentions, à l’instar de la charte éthique des robots mise en place par la Corée du Sud9, soit des pétitions de principe, soumises à polémiques tant elles semblent être l’œuvre de lobbys qui profitent de la méconnaissance du sujet pour faire passer leurs idées.

15 L’idée de sortir du droit pour y mettre une dose de morale peut paraître a priori séduisante, mais les chartes éthiques ne sont pas non plus la panacée, car elles renvoient à la privatisation de la norme. En pratique, cette voie fait primer la « loi du plus fort », soit celle des opérateurs les plus influents qui imposeront leur éthique (Bensamoun et Loiseau, 2017). On lui préfère encore l’autorégulation des acteurs, mais qui ne peut, à elle seule, se substituer à une réponse législative classique. À cet égard, la résolution du 16 février 2017 du parlement européen relative aux règles de droit civil

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sur la robotique10 a fait l’objet de vives critiques, 11 car elle omet certains éléments essentiels du débat pour se concentrer sur les questions relatives au rôle des fabricants et la possibilité de créer un statut juridique spécial pour les robots, afin de clarifier la responsabilité en cas de dommages. Mais les députés n’ont pas défriché des questions aussi essentielles que les atteintes à la vie privée et surtout les risques de voir les libertés des individus empiétées par l’intelligence artificielle autonome. Ce débat, déjà prégnant avec les réseaux sociaux dont les algorithmes peuvent censurer des œuvres d’art ou de la littérature classique au seul motif qu’ils seraient contraire à la morale12, risque de s’aggraver à l’avenir où une personne se verra interdire un comportement « non conventionnel » par la machine. À terme, le diabétique n’aura pas accès à son frigo s’il prend une sucrerie et une personne en fin de vie cherchera en vain les médicaments qu’elle souhaite prendre pour soulager sa douleur, car son assistant personnel aura été programmé pour l’en empêcher. L’homme deviendra conditionné à ce qui est « réputé » bon pour lui, décidé pour le plus grand nombre, sans s’adapter à des situations particulières. Le robot peut donc aboutir à imposer des contraintes à celui qu’il est censé aider. Un esclavage transhumaniste que le droit se devra de combattre.

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Siary O. (2018). Quelle personnalité juridique pour les robots ? in Village Justice, 26/1/2017. https://www.village-justice.com/articles/Quelle-personnalite-juridique-pour-les-robots, 24075.html

NOTES

1. Extrait du poème d 'Alphonse de Lamartine: « Mily ou la terre natale ». 2. L’article 1384§1 du code civil belge précise: On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. 3. Les robots domestiques sont parfois qualifiés de « concentrateurs d’intimités » (Nicolas Capt, 2016). 4. Lois inventées par l’écrivain de science-fiction dès 1942 qui impose au robot, en toute circonstance, de ne pas mettre l’humanité en danger. 5. Cette question a été mise en lumière par Yan P. LIN sous le nom de « trolley paradox » 6. Le concept d’ethics by design préconise que le robot doit respecter la dignité numérique, laquelle passe par la possibilité pour l’être humain de maitriser leur conduite de la création à la mise sur le marché. 7. Ce phénomène connu en sciences sociales sous le vocable de « psychologie de l’exemple » consiste à dicter le comportement des individus lorsque la révélation des statistiques pousse un acteur à adapter la solution majoritairement retenue avant lui. 8. Article 6§1: « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » 9. https://www.lemonde.fr/international/article/2007/03/07/la-coree-du-sud-elabore- une-charte-ethique-des-robots_880397_3210.html 10. http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP// TEXT+PV+20170216+ITEM-006-09+DOC+XML+V0//FR 11. Le Comité Economique et Social Européen a rendu a un avis fort critique sur la question de la personnalité juridique qui pourrait être accordée aux robots. 12. Pensons à « l’origine du Monde » de Gustave Courbet refusé par Facebook.

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RÉSUMÉS

L’intelligence artificielle commence à intéresser les juristes. Entre les partisans d’une personnalité juridique propre aux robots et la crainte d’une justice prédictive, les lignes de fracture sont nombreuses. La question concerne aussi l’avenir des professionnels du droit qui peuvent être menacés par les « contrats intelligents » issus de la Blockchain. Mais chacun s’accorde à souhaiter que l’homme reste au centre des préoccupations de la machine afin que le droit des robots puisse, paradoxalement, être « un droit de l’homme » en devenir.

Artificial intelligence is beginning to interest jurists. Between the supporters of a legal personality specific to robots and the fear of a predictive justice, the lines of fracture are numerous. The question is about the future of legal professionals who may be threatened by "smart contracts" from Blockchain. But everyone agrees that man remains at the center of the concerns of the machine so that the right of robots, paradoxically, can be a "human right" in the making.

La inteligencia artificial está empezando a interesar a los juristas. Entre los defensores de una personalidad jurídica específica para los robots y el temor a una justicia predictiva, las líneas de fractura son numerosas. La pregunta es sobre el futuro de los profesionales legales que pueden verse amenazados por "contratos inteligentes" de Blockchain. Pero todos están de acuerdo en que el hombre permanece en el centro de las preocupaciones de la máquina para que el derecho de los robots, paradójicamente, pueda ser un "derecho humano" en la creación.

INDEX

Mots-clés : Personnalité juridique électronique, blockchain, responsabilité du fait d’autrui, justice prédictive, « roboéthique » Palabras claves : Personalidad jurídica electrónica, blockchain, responsabilidad subsidiaria, justicia predictiva, "robo-ética". Keywords : Electronic legal personality, blockchain, vicarious liability, predictive justice, "robo- ethics"

AUTEUR

PATRICK SAERENS avocat, chargé de cours en droit international à l’IC-HEC Bruxelles, professeur invité à l’Université de Lorraine (Metz) et d’Oujda (Maroc)

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

La sauvegarde des libertés individuelles face à l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle

Jim LAPIN

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/3192 DOI : 10.4000/ctd.3192 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Jim LAPIN, « La sauvegarde des libertés individuelles face à l’utilisation croissante de l’intelligence artifcielle », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/3192 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/ctd.3192

Ce document a été généré automatiquement le 20 juillet 2020.

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La sauvegarde des libertés individuelles face à l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle

Jim LAPIN

1 L’intelligence artificielle correspond aux technologies capables de traiter des sources hybrides et notamment des données non structurées. Elle a connu un réel essor ces dernières années. Pour la première fois peut-être, une activité immatérielle devient indépendante de l’Homme. Il ne s’agit plus de la mise en œuvre d’un programme par la volonté et sous le contrôle de l’être humain, mais du développement d’une forme de pensée qui, bien que conçue par l’Homme, tend dans une certaine mesure à s’en émanciper. Ainsi, des tâches complexes sont déléguées à des procédés technologiques de plus en plus autonomes. Elle est cependant susceptible de porter atteinte aux libertés individuelles. Au rang de ces libertés définies par les textes fondamentaux et par les hautes juridictions, on trouve la liberté de circulation, la liberté d’opinion, la liberté de culte, la liberté de conscience, la liberté économique, la liberté contractuelle1, qui reposent sur l’autonomie de la volonté, et le droit à la vie privée2. Cette dernière est étroitement liée au domicile, à la correspondance, aux relations intimes, dont il faut préserver le secret.

2 L’irruption dans nos vies de l’intelligence artificielle et son expansion font l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics depuis que nous avons connu des exemples d’utilisation qui ont attiré l’attention et inquiété les citoyens. En effet ces pratiques ont porté au pilori les volontés individuelles et mis en cause un principe fondamental de notre ordre juridique : la garantie des libertés individuelles. N’ouvre-t- on pas les portes trop grandes à une confiance excessive dans la machine, poussant l’individu à abandonner ses capacités de jugement ? Il s’agirait d’adapter la réglementation en vigueur en définissant une nouvelle génération de garanties et de droits fondamentaux spécifique au numérique.

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3 Ainsi, les pouvoirs publics se trouvent dans l’obligation d’adopter des règles juridiques qui permettent l’épanouissement des libertés individuelles face aux risques que représente l’intelligence artificielle. Le droit se devait d’évoluer vers un cadre juridique approprié qui permet à l’être humain de conserver sa capacité de jugement et son autonomie. Cependant, la régulation des algorithmes3 reste difficile en raison de l’évolutivité de la technologie et du caractère confidentiel et concurrentiel des développements.

4 Ensuite, afin de renforcer la protection juridique des utilisateurs, un certain nombre de réflexions ont été menées, notamment par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), dont le but est de faire en sorte que la technologie soit véritablement au service de l’Homme. Cependant, ne perdons pas de vue que si la France a raté le coche avec les moteurs de recherches (sous emprises des États-Unis et de la Chine), c’est peut-être parce qu’elle est culturellement rétive à toute invention mettant en jeu les droits fondamentaux de citoyens.

5 Le cadre réglementaire actuel est composé essentiellement de la loi du n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique4 et de la loi relative à la protection des données personnelles du 20 juin 2018 qui adapte la loi "Informatique et libertés" du 6 janvier 1978 au "paquet européen de protection des données". Ce paquet comprend le règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 20165 directement applicable dans tous les pays européens au 25 mai 2018 ainsi qu’une directive datée du même jour sur les fichiers en matière pénale, dite directive "police"6. Le non-respect de ces textes est assorti de sanctions infligées par la Cnil. Enfin, deux lois du 22 décembre 2018 relatives à la lutte contre la manipulation de l’information7 définissent un dispositif de protection de la liberté d’opinion face aux fausses informations diffusées sur Internet.

6 Il s’agira pour nous dans un premier temps d’analyser les enjeux de la protection des libertés individuelles face à l’intelligence artificielle (I) avant de constater que la réglementation française actuelle reste insuffisante pour protéger les libertés individuelles (II).

I/ Les enjeux de la protection des libertés individuelles face à l’intelligence artificielle

7 Les enjeux de la protection des libertés individuelles se mesurent avant tout au travers de la valeur juridique de ces principes (A). En effet, les libertés individuelles sont des libertés fondamentales garanties par la Constitution française et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Hommes et des libertés fondamentales. Ensuite ces enjeux se mesurent au regard des risques de perte de l’autonomie de la volonté (B) et de failles dans le respect de la vie privée (C).

A/ Les libertés individuelles : des libertés fondamentales

8 Une des conceptions des libertés individuelles trouve sa source dans l’individualisme libéral qui caractérise aujourd’hui notre société. Il repose sur deux principes : d’une part la « liberté individuelle » proprement dite, ou le droit de se préoccuper en premier lieu de la condition des individus de la société avant la condition de la société elle-

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même et d’autre part l’autonomie morale qui exige que chaque individu mène une réflexion individuelle sans que ses opinions soient dictées par un quelconque groupe social.

9 Aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».

10 Aussi, l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales8 dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

11 La Cour européenne des droits de l’Homme pousse très loin la protection de la sphère individuelle en lui donnant une portée maximale à travers la notion d’autonomie personnelle. Elle considère ainsi que « la faculté par chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageable ou dangereuse pour sa personne. En d’autres termes, la notion d’autonomie personnelle peut s’entendre au sens du droit d’opérer des choix concernant son propre corps »9. Les juges constitutionnels européens et les organes de la Convention européenne des droits de l’homme ont ainsi fait émerger la notion d’autonomie personnelle au sein de l’ordre juridique, et fait de lui progressivement un droit fondamental10. Toute personne peut non seulement décider sans entrave de ses propres choix pour la construction de sa personnalité, mais aussi de revendiquer ces choix afin qu’ils soient reconnus et protégés juridiquement dans le cadre de ses relations à autrui.

12 Cependant, des motifs d’intérêt général peuvent justifier la restriction par les pouvoirs publics d’un certain nombre de libertés. Il incombe au législateur de concilier le respect des libertés individuelles avec d’autres exigences, comme la sauvegarde de l’ordre public, la recherche des auteurs d’infractions et la préservation du bien-être économique et social. Ainsi, le Conseil constitutionnel a souvent déclaré des dispositions législatives restreignant des libertés comme conformes sans réserve ou comme conformes avec réserves en raison de garanties qu’il suppose en adéquation avec l’objectif poursuivi11. Il procède ainsi à un contrôle de proportionnalité12. La mesure doit ainsi répondre aux exigences d’adéquation, de nécessité et de proportionnalité au sens strict13.

13 Aussi, « conformément à la théorie générale des libertés, la limitation du pouvoir ne consiste pas seulement à l’abstention de porter atteinte à une liberté ; elle se traduit aussi par l’obligation pour le pouvoir de protéger cette liberté et de la rendre effective notamment pour ce qui concerne les droits de créances »14. Le pouvoir doit ainsi protéger les libertés y compris dans les relations entre personnes. De la même manière, le Conseil constitutionnel considère que le législateur ne saurait modifier ou abroger des dispositions législatives touchant une liberté comme la liberté de communication qu’« en vue d’en rendre l’exercice plus effectif »15.

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14 En matière plus spécifiquement de traitement des données à caractère personnel, la jurisprudence du Conseil constitutionnel laisse au législateur une grande liberté d’appréciation tout en protégeant les libertés individuelles. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il appartient au législateur de fixer les règles générales applicables aux fichiers nominatifs et aux traitements de données personnelles. Celles-ci doivent s’attacher à respecter la vie privée qui constitue un droit constitutionnel16. Le Conseil a par exemple imposé que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à caractère personnel de nature médicale17. Ainsi, le Conseil admet sous certaines réserves, les utilisations multiples d’un fichier. Dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 sur la loi pour la sécurité intérieure, il a considéré qu’aucune norme constitutionnelle ne s’opposait par principe à l’utilisation à des fins administratives de données nominatives automatisées recueillies dans le cadre d’activités de police judiciaire. Toutefois, elle « méconnaîtrait les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes des personnes concernées »18. C’est aux conditions dans lesquelles il est procédé à la double utilisation d’un fichier que le Conseil constitutionnel et, par voie de conséquence, le législateur ou le pouvoir réglementaire doivent être attentifs. Par ailleurs, le Conseil n’admet l’interconnexion de fichiers ayant à l’origine des finalités distinctes que dans un but de bonne administration et de contrôle.

15 Enfin, le Conseil de l’Europe a estimé que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme précité, contenait un certain nombre de limites et d’inconvénients au regard du développement nouveau de l’informatique et des technologies de l’information. La portée du terme « vie privée » est insuffisamment définie et la prise en considération de la protection contre l’ingérence de personnes qui ne sont pas une autorité publique est inexistante. C’est ainsi qu’a été adoptée en 1981 une convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, appelée convention 10819, qui a été ratifiée par 31 États membres du Conseil de l’Europe, dont tous les États membres de l’Union européenne. Aux termes de son article 1er, la convention a pour objectif d’assurer la protection du respect des droits et des libertés fondamentaux de toute personne physique, et notamment de son droit à la vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel la concernant.

16 La convention 108 ne pouvait pas être appliquée directement par les États contractants sont effectivité passait par l’adoption par les États signataires de dispositions de droit interne conformes à ses principes fondamentaux. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé dans un avis de 1997 (affaire Z c. Finlande) que la protection des données à caractère personnel jouait un rôle fondamental pour l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la CEDH et précisé par la convention 108 à laquelle elle s’est référée. Ainsi, le comité consultatif de la convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement à automatisé des données à caractère personnel a mené une réflexion sur l’application de la convention 108 au mécanisme de profilage par le biais du Data Mining20 qui est une composante essentielle des technologies Big Data21.

17 La valeur juridique des libertés individuelles et leur portée étant ainsi exposées, il convient d’étudier le risque de perte de l’autonomie de la volonté que le développement de l’intelligence artificielle fait courir aux individus.

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B/ La perte de l’autonomie de la volonté

18 L’intelligence artificielle fait courir le risque d’une profonde transformation sociétale où la société humaine serait remplacée par une société mécanisée. Il n’y aurait ainsi, plus de place pour l’émotivité, pour la réflexion et pour l’intimité22. On laisse l’individu penser qu’on le décharge d’un poids : celui de réfléchir à un choix. Il n’y aurait plus de liberté de réfléchir, ce qui est l’essence même de l’Homme. On pourrait ainsi compléter cette citation de René Descartes sur la conscience : « Je pense donc je suis »23, je ne pense pas, donc je ne suis pas ?

19 La spécificité de l’être humain dans sa capacité de réflexion et de détermination de ses choix est questionnée par l’autonomie grandissante des machines ainsi que par l’apparition de formes d’hybridation entre humains et machines. En effet, les machines « permettent une analyse de plus en plus complète et intime de nos modes de vie, de nos besoins, de nos aspirations. Alors que la finalité de la machine était initialement de gérer des tâches, les systèmes d’intelligence artificielle assurent désormais une fonction de « rétroaction ». Cette fonction développe tout d’abord des capacités interprétatives permettant aux systèmes d’interpréter les situations à haute vitesse. Elle développe ensuite des capacités suggestives permettant aux machines de suggérer des actes. Le modèle de l’économie de la donnée se nourrit par conséquent de la collecte d’informations sur nos vies, ce qui aboutit à leur marchandisation intégrale. Les capacités interprétatives et suggestives génèrent un « accompagnement algorithmique de la vie à des fins prioritairement commerciales »24. Enfin, la « rétroaction » permet une capacité autodécisionnelle en permettant à des artefacts25 de prendre des décisions à la place de l’homme, comme pour le trading à haute fréquence qui décide d’achats ou de ventes à des vitesses très supérieures à celles des capacités cognitives humaines »26.

20 L’intelligence artificielle censée guider l’action de l’Homme peut au final lui dicter ses choix. On se retrouve face à une tendance à punir et à juger avant même que les individus n’aient agi, sur la base de la simple présomption de ce qu’ils auraient pu faire27 . Celui-ci se retrouve ainsi bafoué dans son intégrité et sa dignité. Ceux qui exploitent les données du Big Data peuvent aussi avoir tendance à se focaliser sur les résultats attendus de cette exploitation, sans tenir compte de leurs limites. L’autonomie humaine serait en train de s’amoindrir face à l’intelligence artificielle, avec la délégation croissante de tâches, de raisonnements ou de décisions de plus en plus critiques à des machines. C’est la raison pour laquelle l’utilisation de l’intelligence artificielle doit être encadrée et accompagnée.

21 En effet, le choix final dans un processus décisionnel faisant appel soit à la réflexion, soit aux réflexes, ou aux deux à la fois, doit revenir à l’individu. Les entreprises sont visées, mais aussi les États qui sont eux aussi susceptibles de commettre des abus dans l’utilisation de l’intelligence artificielle..

22 Il convient cependant de relativiser ces risques. En effet, l’être humain étant libéré d’une partie des tâches qui le mobilisaient pourra se concentrer sur d’autres activités et tâches que l’intelligence artificielle ne pourra pas faire pour lui. Car l’être humain n’est pas réduit uniquement à son intelligence, mais fait preuve aussi de sensibilité, d’émotion, et de passions qui le font. Ce sont ces qualités qui lui permettent d’explorer son univers28.

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23 Il convient malgré tout d’anticiper le fait que seule l’intelligence artificielle sera à même de lutter contre les abus de l’intelligence artificielle. Le cadre réglementaire actuel, bien qu’encourageant, ne permet pas suffisamment de garantir la pleine expression de l’autonomie de la volonté, ni d’ailleurs de protéger le respect de la vie privée qui constitue un autre risque que nous pouvons identifier.

C/ Les risques de failles dans le respect de la vie privée

24 L’individu doit pouvoir s’épanouir dans la sphère intime, à l’abri du regard de l’État et de la société. Le développement des techniques, de la science, de l’informatique, de la presse, de l’Internet et des moyens de communication menace chaque jour davantage cet épanouissement.

25 La protection des données personnelles cristallise des enjeux importants et ambivalents, qui trouvent à s’illustrer dans des questions concrètes et d’actualité, tant sur le plan interne qu’international. Cette question est très sensible dans le contexte actuel du développement sans limites de la capacité de traiter des données personnelles en toujours plus grand nombre, qui touche l’intimité de la personne. On assiste par ailleurs à un affaiblissement de l’État dans le traitement de cette question. Cette tendance à l’accroissement quantitatif et qualitatif des possibilités techniques de traitement des données personnelles a atteint un seuil considéré comme critique.

26 Elle trouve tout d’abord à s’illustrer dans les progrès constants de la biométrie qui a permis une intrusion croissante dans les corps des individus, et aujourd’hui s’apprête à investir le champ de la psyché29 avec le scanner et l’IRM 30. Les débats autour de la création d’un titre d’identité électronique, éventuellement obligatoire, ont fait ressurgir les craintes à propos de la constitution d’un fichier des Français. La création d’une base de données biométriques reliée à une base de données d’identité pour assurer l’unicité de la délivrance et du renouvellement des titres d’identité exige des précautions importantes. Les fonctions d’identification d’un tel fichier permettent l’utilisation des données pour d’autres fins que celle pour laquelle elles ont été collectées. En somme, créer un fichier reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage31.

27 Ensuite, l’utilisation d’Internet implique nécessairement qu’il y ait de l’échange et des traitements de données personnelles. Ce processus ne se réalise pas à l’initiative d’une personne physique ou morale. Il implique nécessairement la bonne marche technique du service32. Il en va ainsi notamment des moteurs de recherche33, de l’adresse IP (Internet Protocol) des ordinateurs, des cookies et des fichiers logs34. Ainsi, les nécessités techniques aboutissent à la mise en place par principe des traitements de données personnelles plus ou moins visibles par l’internaute pour toute opération effectuée sur Internet. Une telle opération sur ce réseau se trouve ainsi faire l’objet de traces identifiantes. Ce procédé de traçabilité et de renseignement est, dans le monde réel, caractéristique d’un régime totalitaire selon André Lucas, Jean Deveze et Jean Frayssinet35.

28 La prochaine étape technologique de diffusion d’outils miniaturisés informatisés de traitement et de communication de données jusque dans notre quotidien, connue comme l’ « internet des objets »36, ne va faire qu’amplifier cette tendance en étendant ce qui existe aujourd’hui dans la sphère du virtuel à la sphère du réel. En effet, comme le fait remarquer à juste titre Guillaume Desgens-Pasanau, celui qui souhaiterait se

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soustraire de la sphère virtuelle pour protéger les éléments de son intimité, se placerait en dehors de la vie sociale37. Or on est bien obligé de constater que ces évolutions technologiques augmentent par principe, fortement les risques d’atteintes à la vie privée. Ces risques sont donc inhérents à̀ l’usage de telles technologies qui envahissent notre quotidien. Se pose alors la question de l’efficacité des instruments relatifs aux données personnelles pour protéger la vie privée de la personne fichée38. Ce qui nous conduit à explorer le cadre réglementaire permettant de protéger les libertés individuelles face à l’intelligence artificielle.

II/ Le cadre réglementaire pour protéger les libertés individuelles face à l’intelligence artificielle et ses limites

29 La réglementation de la protection des Libertés individuelles face à l’utilisation des technologies de communication n’est pas tout à fait nouvelle, car la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 imposait déjà un certain nombre de principes qui ont nécessité un renforcement (A). Il a fallu également renforcer la protection de la liberté d’opinion (B). Par ailleurs, cette utilisation croissante de l’intelligence artificielle a nécessité la consécration d’un principe de vigilance dont l’efficacité reste à prouver (C).

A/ Le renforcement des principes de transparence et de loyauté

30 Les problèmes que génèrent l’utilisation du big data sont renforcés par le fait que les États eux-mêmes utilisent l’intelligence artificielle pour la mise en place de politiques publiques. Les principes contenus dans la loi informatique et libertés ont été reprécisés au niveau européen par le règlement général sur la protection des données (RGPD) adopté le 14 avril 2016. Cette réglementation impose entre autres, des obligations de transparence et de loyauté.

31 L’exigence de transparence s’est emparée de ce procédé opaque pour toute personne dépourvue de connaissances informatiques : les algorithmes. Ils sont en effet de plus en plus utilisés par l’administration et les entreprises. C’est ainsi que ce procédé permet déterminer si les étudiants peuvent entrer à l’Université à travers de l’Admission post- bac puis de Parcoursup. C’est aussi un algorithme qui attribue les postes de maîtres de conférences à partir des priorités qu’ils ont établies sur le site du ministère de l’Enseignement supérieur.

32 Tout d’abord, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique impose une exigence de transparence aux administrations quant aux traitements algorithmiques servant de prendre des décisions individuelles. La loi insère au code des relations entre le public et l’administration (CRPA) une nouvelle disposition aux termes de laquelle une décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique comporte une mention explicite informant l’intéressé. Aux termes des nouveaux articles L. 312-1-1 à L. 312-1-4 du CRPA, insérés par la loi précitée, doivent être formés à l’éthique tous les acteurs-maillons de la « chaîne algorithmique » (concepteurs, professionnels, citoyens). Ce principe d’alphabétisation au numérique doit permettre à chaque humain de comprendre les ressorts de la machine. Ainsi, d’une part, les administrations ont l’obligation de publier en ligne les règles définissant les principaux traitements

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algorithmiques utilisés dans la réalisation de leurs missions lorsque ces traitements fondent des décisions individuelles. D’autre part, aux termes de l’article L. 311-2-1 du CRPA, elles ont obligation de rendre accessibles les données traitées par les algorithmes fondant une décision individuelle.

33 Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par l’administration à l’intéressé s’il en fait la demande39. Cependant, la loi pour une République numérique ne précise pas que les algorithmes sont des documents administratifs. On en déduit que l’algorithme ne pourra pas être communiqué sous sa forme brute. Seules pourront être communiquées les caractéristiques du traitement, notamment les objectifs, les finalités et les contraintes du système ainsi qu’un exposé des paramètres, des principales caractéristiques, et des règles générales de l’algorithme. Ceci peut sembler être un obstacle au principe de transparence et donc la préservation de l’opacité. Cependant à notre sens il n’en est rien. La préoccupation du législateur était aussi de préserver les secrets de conception des algorithmes. Ceci principalement lorsque l’algorithme a été élaboré par une entreprise, dans le cadre d’un contrat qui ne transfère pas à l’administration les droits de propriété intellectuelle. Il faut certes faire vivre les principes de transparence, mais non au détriment de la propriété intellectuelle qu’il convient de protéger face à la concurrence internationale40.

34 Ensuite, au-delà des exigences imposées à l’administration, de manière générale, le RGPD a mis l’accent sur la finalité de la collecte des données, qui est à notre sens, un principe qui vient renforcer l’exigence de transparence. Avant toute collecte et utilisation de données personnelles, le responsable de traitement doit précisément annoncer aux personnes concernées les objectifs de cette collecte des données ou autrement dit ce à quoi elles vont lui servir.

35 Ces dispositions législatives répondent ainsi aux préoccupations de Viktor Mayer- Schonberger et de Kenneth Cukier41qui ont estimé que « les précisions permises par le traitement des big data ne doivent pas être des boîtes noires, elles doivent pouvoir être expliquées ». Il faut donc imposer la transparence face à l’utilisation de ces nombreuses et diverses données. La solution donc à ces préoccupations passe par la formation permettant de déchiffrer et d’expliquer ce qui se passe derrière ces big data. Ce rôle pourrait être assuré par des algorithmistes, des auditeurs de big data en quelque sorte. Schonberger et Cukier s’appuient ainsi sur ce qui s’est produit au début du siècle suite à l’explosion des données financières où les auditeurs et comptables ont été chargés de mettre en place un système de valorisation garantissant un reflet juste et transparent du prix des portefeuilles boursiers, mais moins structurant sur l’économie réelle42.

36 Afin de veiller au respect du principe de transparence, le législateur a par la même occasion, renforcé le pouvoir de sanction de la Cnil43. C’est ainsi que cette dernière a infligé le 21 janvier 2019, une amende record de 50 millions d’euros à Google, reprochant au géant américain de ne pas informer suffisamment clairement ses utilisateurs sur l’exploitation de leurs données personnelles. Selon la Cnil, « Les manquements constatés privent les utilisateurs de garanties fondamentales concernant des traitements pouvant révéler des pans entiers de leur vie privée, car reposant sur un volume considérable de données, une grande variété de services et des possibilités de combinaison de données quasi-illimitées »44.

37 Face à tous ces enjeux, il était également nécessaire de renforcer le principe de loyauté et de licéité. Ainsi, les données personnelles collectées ne pourront pas être réutilisées

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pour une autre finalité que celle prévue initialement. La loi Informatique et Libertés précitée, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 transposant la directive 98/46 CE du 24 octobre 1995 disposait déjà que les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles, ne pouvaient être utilisées à une autre fin que celle figurant dans la déclaration préalable faite auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Ainsi, la Cour de cassation a eu à juger qu’un système de traitement automatisé de données à caractère nominatif qui n’a pas fait l’objet d’une déclaration à la Cnil45 ou dont la finalité a été détournée46 ne peut pas être opposé aux salariés et constitue un dispositif illicite. Plus, récemment, suite à une requête de l’association UFC-Que Choisir déposée en 2014 contre Google47, le Tribunal de Grande Instance de Paris par un jugement du 12 février 201948, déclare abusives et illicites 38 clauses des « conditions d’utilisation » et des « règles de confidentialité » du géant américain. Il a été fait interdiction à ce dernier de collecter et partager les données personnelles de ses utilisateurs sans les avoir informés clairement, de géolocaliser en permanence ses utilisateurs et de modifier volontairement les données personnelles collectées ou les diffuser librement dans des annonces commerciales. Aussi, Google ne peut plus dissuader les utilisateurs de s’opposer aux dépôts systématiques de cookies ni de laisser croire que l’utilisation de ses services entraine l’acceptation des conditions d’utilisation et règles de confidentialité.

38 Cependant, en raison de l’évolution technologique et de l’utilisation d’algorithmes de plus en plus complexe par les entreprises du net, les pouvoirs publics ont dû procéder à l’adaptation du principe de loyauté. Ainsi, les algorithmes utilisés en intelligence artificielle ne doivent trahir ni l’utilisateur ni la communauté. Il s’agit de favoriser une utilisation qui permet à l’algorithme « de dire ce qu’il fait et de faire ce qu’il dit »49. Le RGPD adopté rappelons-le en avril 2016, après donc la plainte déposée contre Google, dispose que le responsable de traitement doit informer la personne concernée de « l’existence d’une prise de décision automatisée, y compris un profilage (…) et, au moins en pareils cas, des informations utiles concernant la logique sous-jacente, ainsi que l’importance et les conséquences prévues de ce traitement pour la personne concernée » (art. 13-2-f). À partir de cette information est offert à la personne concernée un droit d’opposition. Deux exceptions sont néanmoins prévues à cette faculté : lorsque cela est nécessaire à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat entre la personne concernée et un responsable du traitement ou si le consentement explicite de la personne a été recueilli. Ce texte impose aux grandes forces économiques du big data des obligations qui consistent à éviter qu’ils n’interférent de manière excessive dans la vie privée des citoyens.

39 Le principe de loyauté peut s’appliquer par exemple dans le cadre du débat démocratique afin de lutter contre la segmentation du corps politique par le ciblage de l’information. Il peut également trouver à s’appliquer à l’utilisation d’algorithmes de police prédictive50 sur des communautés ou quartiers entiers51.

40 Enfin, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique précitée élargit l’exigence de loyauté des plateformes en ligne52 et l’information des consommateurs, au-delà des seules plateformes de mise en relation53. Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu désormais de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose, et « sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder ». Par ailleurs, les opérateurs de plateformes en ligne dont l’activité dépasse un seuil de cinq

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millions de visiteurs uniques par mois, par plateforme, calculé sur la base de la dernière année civile, devront élaborer et diffuser aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté. Il convient désormais de garantir que les masses de données collectées ne doit pas être utilisées scrupuleusement au profit d’intérêts économiques et au préjudice des intérêts particuliers54.

41 L’autorité administrative compétente peut procéder à des enquêtes afin d’évaluer et de comparer les pratiques des opérateurs de plateforme en ligne. La liste des plateformes qui ne respectent pas leurs obligations est rendue publique. Cette publicité constitue une forme de sanction, car elle permet de rompre la confiance des internautes vis-à-vis de ces plateformes et donc par voie de conséquence la baisse de leur utilisation générant la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs de ces plateformes.

42 Enfin, la loi précitée fait obligation à toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs de délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne (Article L111-7-2 du code de consommation). Cette question touche par ailleurs la liberté d’opinion dont la protection a été également renforcée.

B/ Le renforcement de la protection de la liberté d’opinion

43 Les fake news55, les tentatives de falsification des élections et la propagande à outrance ont largement occupé les médias, notamment lors des dernières élections présidentielles américaine et française56. Ces faits ont par ailleurs fortement remis en cause l’idée d’une mondialisation positive où chacun pouvait en tirer des avantages. En raison de ces évènements la tentation est grande d’instaurer un contrôle renforcé du Web et une censure accrue de l’information, constituant de nouvelles restrictions à la liberté d’expression. La question est de savoir cependant si l’on doit pour corriger un excès adopter des solutions qui sont tout autant excessives.

44 Il faut rappeler à cet égard que les contenus d’origine américaine sont présents de manière écrasante sur les réseaux participant ainsi à imposer l’impérialisme des États- Unis. À côté de cette omniprésence américaine, la propagande chinoise, russe ou islamiste sont minimes, mais il ne faut pas pour autant être moins vigilants à leur égard.

45 Si les responsabilités civiles et pénales des auteurs de ces fausses informations peuvent être recherchées sur le fondement des lois existantes, celles-ci sont toutefois insuffisantes pour permettre le retrait rapide des contenus en ligne afin d’éviter leur propagation ou leur réapparition. Cependant, les mesures à prendre doivent être conciliées avec la préservation de la liberté d’expression. Cet enjeu majeur se pose avec beaucoup d’acuité dans le cadre du débat électoral au cours duquel s’expriment par nature des opinions ou arguments que les adversaires des candidats peuvent estimer insincères.

46 Afin de contrecarrer d’éventuelles opérations de déstabilisation qui pourraient survenir lors des prochaines échéances électorales, le législateur français a décidé de faire évoluer la législation par l’adoption le 22 décembre 2018 des deux lois relatives à la lutte contre les fausses informations57.

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47 Tout d’abord, de nouveaux outils permettront de mieux lutter contre la diffusion de fausses informations durant la période électorale. Il s’agit d’une part, d’imposer en amont aux plateformes, des obligations de transparence renforcées en vue de permettre, aux autorités publiques de détecter d’éventuelles campagnes de déstabilisation des institutions par la diffusion de fausses informations et aux internautes de connaître notamment l’annonceur des contenus sponsorisés. D’autre part il s’agit en aval de permettre que soit rendue une décision judiciaire à bref délai visant à faire cesser leur diffusion.

48 Ensuite, la loi renforce le devoir de coopération des intermédiaires techniques en ajoutant la lutte contre les fausses informations aux obligations de coopération imposées aux intermédiaires techniques. Au-delà de l’obligation de retirer promptement tout contenu illicite porté à leur connaissance, les prestataires visés sont soumis à l’obligation de mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance des contenus constitutifs de fausses informations, d’une part, et de relayer promptement auprès des autorités publiques compétentes les signalements relatifs à ces contenus transmis par les internautes, d’autre part.

49 Ils doivent enfin, rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre la diffusion de fausses informations. Cette troisième obligation est transversale et impose une transparence dans la mise en place des deux premières obligations.

50 Cependant, il n’est pas sûr que ces nouvelles mesures soient efficaces et produisent les résultats escomptés. En effet, elles seront confrontées à l’absence de culture ou du sentiment national des internautes, car ceux-ci dépourvus de sens critique qui permet de démêler le vrai du faux. Le contrôle des autorités publiques peut très vite se retourner contre elles les internautes estimant que ce contrôle vise à instaurer et imposer un discours officiel, portant ainsi atteinte à leur liberté d’opinion. La meilleure arme contre la volonté hégémonique de certains par le biais d’Internet, est certainement la pédagogie et l’instruction permettant le développement l’esprit critique et par conséquent l’épanouissement de la liberté d’opinion.

51 Les pouvoirs publics ont dû par ailleurs innover en consacrant un nouveau principe de vigilance.

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C/ L’adoption d’un principe de vigilance

53 Le Conseil constitutionnel avait déjà auparavant, imposé que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à caractère personnel de nature médicale58. Mais on ne pouvait pas dire qu’il avait dégagé un principe général de vigilance. Le principe a été consacré comme nouveau principe par le RGPD.

54 Ce principe doit permettre d’aboutir à une remise en question continue de l’algorithme, car il est extrêmement complexe et en perpétuelle mutation. Ce principe recouvre tout d’abord la règle de la pertinence ou de minimisation. Cette règle exige que les données traitées soient pertinentes, adéquates et limitées au regard de la finalité poursuivie. Ainsi seules les données strictement nécessaires à la réalisation de l’objectif déterminé doivent être collectées : c’est le principe de minimisation. Autrement dit le responsable de traitement ne doit pas collecter plus de données que ce dont il a vraiment besoin59.

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55 Ensuite le principe impose la règle de la limitation de la conservation des données. Elle signifie qu’une fois que l’objectif poursuivi par la collecte des données est atteint, il n’y a plus lieu de les conserver et elles doivent être supprimées. La durée de conservation des données doit ainsi être limitée au strict minimum. Cette durée de conservation doit être définie au préalable par le responsable du traitement, en tenant compte des éventuelles obligations à conserver certaines données qui peuvent être variables. Afin de vérifier le respect de ce principe dans la pratique, une procédure de conservation, d’archivage et de purge devra être mise en œuvre.60.

56 Enfin, il exige la sécurité des données personnelles. Le responsable de traitement doit prendre toutes précautions utiles pour garantir la sécurité des données qu’il a collectées, mais aussi leur confidentialité, c’est-à-dire s’assurer que seules les personnes autorisées y accèdent. Ces mesures pourront être déterminées en fonction des risques pesant sur ce fichier (par exemple sensibilité des données ou encore objectif du traitement)

57 Les exigences de ce principe sont toutefois moins évidentes que ceux du principe de loyauté. Il faut davantage l’alimenter afin de permettre l’atteinte des objectifs qu’il sous-tend ou d’inventer de nouvelles règles. Il convient ainsi de définir un principe de vigilance/réflexivité en organisant un questionnement régulier, méthodique et délibératif à l’égard de ces objets mouvants. Il permettra ainsi de répondre aux exigences qu’imposent les objets technologiques du fait de leur nature, du caractère très compartimenté des chaînes algorithmiques au sein desquels ils s’insèrent ; enfin, de corriger la confiance excessive à laquelle ils donnent souvent lieu et qui peut porter atteinte à l’autonomie de la volonté. C’est toute la chaîne algorithmique, à savoir concepteurs, entreprises et citoyens qui doivent être mobilisés pour alimenter ce principe, au moyen de procédures concrètes comme la mise en place de comités d’éthique assurant un dialogue systématique et continu entre les différentes parties- prenantes.

58 Par ailleurs, le principe de vigilance devra s’appuyer sur une certification. Il s’agit ici d’élaborer un processus de contrôle fondé sur la certification des différentes composantes des systèmes pilotés par l’intelligence artificielle. La certification veillera à ce que les composantes initiales ainsi que leur mutation ne soient pas en mesure de porter atteinte aux droits des tiers et aux principes fondamentaux touchant aux libertés individuelles. Elle doit s’assurer que les résultats ne soient pas détournés à des fins commerciales préjudiciables aux intérêts particuliers.

59 Ainsi, on estime qu’un véhicule autonome circulant pendant une heure et demie produit un volume de données exprimé en giga octets. En cas d’accident, il sera alors nécessaire de pouvoir les retraiter pour déterminer au mieux les circonstances exactes. Cette certification inclut l’évaluation des risques, et doit s’organiser au sein du secteur privé dans le respect de normes établies et sanctionnées par l’État. Sa bonne conceptualisation permettra de garantir au mieux le respect de la vie privée et notamment de la protection des données personnelles.

60 Cependant, la nécessité de protéger les libertés individuelles ne doit pas aboutir à l’adoption de règles qui constitueront un frein aux innovations technologiques. Un juste équilibre doit être trouvé entre le développement de ces dernières et la garantie des libertés individuelles.

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NOTES

1. La liberté de circulation : dans la même optique que la précédente, elle reconnaît à l'homme le droit d'aller et venir librement sur le territoire national, ce qui inclut la possibilité d'y entrer ou d'en sortir. Cette liberté a été étendue en Europe grâce aux accords de Schengen, permettant la libre circulation des personnes dans l'espace de la Communauté européenne. La liberté de culte ainsi que la liberté de conscience : la liberté de culte permet à chaque individu de pratiquer la religion de son choix, la liberté de conscience permet de ne pas avoir de croyance religieuse. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en fixe pour limite : l’absence de trouble à l'ordre public. La liberté d'opinion consiste en la liberté de pensée associée à la liberté d'expression : elle permet à chacun de penser et d'exprimer ses pensées sans censure préalable, mais non sans sanctions, si cette liberté porte préjudice à quelqu'un. Elle va de pair avec la liberté de la presse, qui est celle d'un propriétaire de journal de dire ce qu'il veut dans son journal. La liberté économique : elle permet à chacun de percevoir des revenus de son travail et de pouvoir affecter ces derniers librement : liberté de travailler et de consommer. Nul ne peut se voir refuser par principe un emploi pour des considérations autres que de qualification professionnelle (par exemple sexe, origine ethnique, âge ou religion). La liberté contractuelle : les individus doivent être libres de définir eux-mêmes les termes des contrats qu'ils passent entre eux. 2. Dans son acception originelle, il fournit d’abord une protection contre une intrusion dans l’intimité des personnes, qu’elle soit le fait de l’État ou des tiers. Ainsi conçue, la vie privée est étroitement liée au domicile, à la correspondance, aux relations intimes, dont il faut préserver le secret. C’est en 1995 que le Conseil constitutionnel admettra en pleine lumière le droit au respect de la vie privée. Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de dispositions encadrant l’installation de systèmes de vidéosurveillance, le Conseil constitutionnel jugera « que la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle ». En 1995, appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de dispositions encadrant l’installation de systèmes de vidéosurveillance, se fondant sur l’article 66 de la Constitution, le Conseil constitutionnel jugera « que la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle » (Cons. const., 18 janv. 1995, n° 94-352 DC, cons. 3 ; rappr. 22 avr. 1997, n° 97-389 DC, cons. 44). C’est en 1998 que le Conseil constitutionnel remet en cause pour la première fois l’architecture de l’article 66 de la Constitution telle que voulue par le constituant de 1958, en distinguant le respect de la vie privée de la liberté individuelle, la faisant ainsi entrer dans nombre de libertés garanties par les articles 2 et 4 de la Constitution. (Cons. Const., 29 déc. 1998 n°98-405 DC). 3. Il s’agit de l’ensemble de règles opératoires dont l'application permet de résoudre un problème énoncé au moyen d'un nombre fini d'opérations. Un algorithme peut être traduit, grâce à un langage de programmation, en un programme exécutable par un ordinateur. www.larousse.fr. Voir not. Jean-Marc DELTORN, La protection des données personnelles face aux algorithmes prédictifs, RDLF 2017. 4. JORF n°0235 du 8 octobre 2016 – « "Droit à l'oubli", "mort numérique"...: les députés accordent de nouveaux pouvoirs aux internautes », L'Express, 22 janv.2016. 5. Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et

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à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ; Nils MONNERIE « Les défis de la commercialisation des données après le RGPD : aspects concurrentiels d’un marché en développement », Revue internationale de droit économique, 2018/4 (t. XXXII), p. 431-452. 6. Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, transposée par la n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles et modifiant la loi Informatique et liberté, JORF n° 0141du 21 juin 2018. 7. Loi organique n° 2018-1201 et loi n° 2018-1202 du 22 déc. 2018 relatives à la lutte contre la manipulation de l'information, JORF n° 0297 du 23 déc. 2018. 8. Louis Edmond PETTITI, Emmanuel. DECAUX, Paul Henry. IMBERT (Sous la dir.) La Convention européenne des droits de l'homme, commentaire article par article, Économica, 1999. 9. CEDH, K.A et A.D c/ Belgique du 17 fév. 2005, cf. Revue Droits (48, 2008 ; 49, 2009). 10. Voir Hélène HURPY, Fonction de l’autonomie personnelle et protection des droits de la personne humaine dans les jurisprudences constitutionnelles et européenne, Thèse sous la direction du Professeur Annabelle PENA, Université Aix-Marseille, RDLF 2014. 11. Par exemple : Cons. const., 2010-25 QPC, 16 sept. 2010, JORF 16 sept.2010, p. 16847 à propos du Fichier national automatisé des empreintes génétiques ; Cons. const., 2011-625 DC, 10 mars 2011, JORF 15 mars 2011, à propos des dispositions organisant le blocage des adresses électroniques des sites qui diffusent des images à caractère pornographique mettant en scène des mineurs. 12. Cf. Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN, « Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel », LPA n° 45, mars 2009 - Valérie GOESEL-LE BIHAN, « Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel : défense et illustration d’une théorie générale », Revue de droit constitutionnel n° 45, 2001. 13. L’exigence d’adéquation signifie que la mesure adoptée doit être a priori susceptible de permettre ou de faciliter la réalisation du but visé ; l’exigence de nécessité a pour corollaire que la mesure ne doit pas être plus restrictive que ne l’exige le but poursuivi, ce qui suppose que le choix d’une mesure moins contraignante pour les personnes concernées ou pour la collectivité n’aurait pu permettre d’atteindre à l’identique l’objectif visé et enfin l’exigence de proportionnalité au sens strict signifie, à supposer que la mesure soit nécessaire, elle ne soit pas hors de proportion avec le résultat recherché, ce qui implique une mise en balance des charges créées et des avantages apportés par la réalisation de l’objectif poursuivi. 14. « La conception des libertés par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de l’Homme, Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 2011/3 N°32, pp 19 à 28. 15. Cons. const, 84-181 DC, 10-11 octobre 1984, Rec. 73. 16. Cons. const., 99-416 DC du 23 juillet 1999 sur la loi portant création d'une couverture maladie universelle. 17. Cons. Const. 99-422 DC du 21 décembre 1999. 18. Cons. const., 2003-467 DC du 13 mars 2003 sur la loi pour la sécurité intérieure 19. Convention n° 108 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981. 20. Les logiciels Data Mining font partie des outils analytiques utilisés pour l’analyse de données. Ils permettent aux utilisateurs d’analyser des données sous différents angles, de les catégoriser, et de résumer les relations identifiées. Techniquement, le Data Mining est le procédé permettant de trouver des corrélations ou des patterns entre de nombreuses bases de données relationnelles.

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21. La notion de big data est un concept s'étant popularisé dès 2012 pour traduire le fait que les entreprises sont confrontées à des volumes de données (data) à traiter de plus en plus considérables et présentant de forts enjeux commerciaux et marketing. 22. Viktor MAYER-SCHONBERGER et Kenneth CUKIER, Big Data : la révolution des données est en marche, traduction de Hayet DHIFALLAH, éd. Laffont, 2014. 23. René DESCARTES, citation sur la conscience. 24. Intelligence artificielle : des libertés individuelles au discernement orienté, EuroGroup Consulting, mars 2017. 25. Le terme d’artefact désigne à l'origine un phénomène créé de toutes pièces par les conditions expérimentales. En tant qu'objet fabriqué, l'artéfact regroupe les ustensiles, les bâtiments et œuvres d'art. 26. Intelligence artificielle : des libertés individuelles au discernement orienté, EuroGroup Consulting, préc. 27. Viktor MAYER-SCHONBERGER et Kenneth CUKIER, Big Data : la révolution des données est en marche, traduction de Hayet DHIFALLAH, préc. 28. Intelligence artificielle : des libertés individuelles au discernement orienté, préc., p. 63. 29. La psyché est une théorie en psychologie analytique, qui désigne l'ensemble des manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité d'un individu. Elle est composée de 4 parties distinctes : le mental, l’égo, l’inconscient et le conscient. 30. Nicolas OCHOA. Le droit des données personnelles, une police administrative spéciale. Droit. Université́ Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014. Le sigle IRM désigne l’imagerie à résonance magnétique. 31. Le Décret n° 2016-1460 du 28 oct. 2016 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité. C’est la deuxième tentative du gouvernement français pour développer une base de données biométriques massive et centralisée, suite aux efforts du gouvernement de droite de Nicolas Sarkozy en 2012 pour adopter une loi proposant une base de données similaire. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel français a finalement mis fin à la loi pour des raisons que la portée de la base de données était trop large et que la police l’utiliserait finalement pour identifier des individus à partir de données biométriques. Le gouvernement français insiste sur le fait que la nouvelle base de données ne sera utilisée que pour authentifier des individus et non pour les identifier. En d’autres termes, la base de données sera utilisée pour vérifier que les gens sont ce qu’ils disent être, et non pour savoir la biométrie qui a été découverte sur les lieux d’un crime. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en vertu de l'article 66 de la Constitution, doit seule permettre l'utilisation du fichier à des fins de police judiciaire. Cf. Rapport d'information n° 439 (2004-2005) de M. Jean-René LECERF, Mission d'information de la commission des lois du sénat, déposé le 29 juin 2005. 32. André LUCAS, Jean DEVEZE, Jean FRAYSSINET, Droit de l'informatique et de l'Internet, PUF, 2001, pp. 14-15 : « L'internet a mis en avant le problème majeur de la « traçabilité́ » : toute connexion pour obtenir un quelconque service, toute consultation d'un site laissent des traces électroniques. Celles-ci sont dans l'ordinateur de l'internaute, identifié par une adresse IP (Internet Protocol), stable ou dynamique du fournisseur d'accès, du serveur, du gestionnaire de l'infrastructure-réseau. Collectées, rassemblées, traitées, diffusées, elles « parlent » de l'internaute qui devient transparent, elles diminuent ou suppriment la confidentialité́ des échanges. L'internaute est un moderne Petit Poucet qui laisse derrière lui volontairement et involontairement des « données-traces » que d'autres se chargent de collecter, d'interpréter, d'utiliser, de diffuser ».

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33. LAMY Droit du numérique, Lamy, 2012, p. 1978 : « Système d'exploitation de banque de données et, par extension, serveur spécialisé́ permettant d’accéder sur la toile à des ressources (pages, sites, etc.) à partir de mots clés ». 34. En informatique, le logging désigne l'enregistrement séquentiel dans un fichier ou une base de données de tous les évènements affectant un processus particulier (application, activité́ d'un réseau informatique...). « Le journal (en anglais log file ou plus simplement log), désigne alors le fichier contenant ces enregistrements. Généralement datés et classés par ordre chronologique, ces derniers permettent d'analyser pas à̀ pas l'activité́ internet du processus et ses interactions avec son environnement ». 35. André LUCAS, Jean DEVEZE, Jean FRAYSSINET, Droit de l'informatique et de l'Internet, op. cit, p. 16 : « mais consulter des sites pornographiques du Web relevé aussi de la liberté́ personnelle, de la vie privée : on ne demande pas la carte d'identité́ à l'acheteur d'une revue « X » en kiosque. Cependant le fournisseur d'accès possède cette information personnelle ». 36. Et ce notamment par les technologies de la RFID (Radio Frequency Identification, en français « identification par radiofréquence ») dans un premier temps, des nanotechnologies dans un second. 37. Guillaume DESGENS-PASANAU, « Informatique et libertés, une équation à plusieurs inconnues », in GIROT Jean- Luc (dir.), Le harcèlement numérique, Dalloz, 2005, p. 97. 38. Nicolas OCHOA. Le droit des données personnelles, une police administrative spéciale. Droit. Université́ Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014, op. cit. 39. Cette obligation de communication ne concerne pas les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d'information des administrations, à la monnaie et au crédit public, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature et aux autres secrets protégés par la loi 40. Voir l’étude d’impact dur le projet de loi pour une République numérique, p. 11. 41. Viktor MAYER-SCHONBERGER, et Kenneth CUKER, Big Data : la révolution des données est en marche, traduction de Hayet DHIFALLAH, éd. Laffont, 2014, op. cit. 42. Voir lettre de Mission du Ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi en date du 31 juil. 2009 à ESCP Europe. 43. La Cnil peut prononcer des amendes administratives qui peuvent atteindre jusqu’à 20 millions d’euros, ou dans le cadre d’une entreprise jusqu’à 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'exercice précédent. 44. https://www.cnil.fr 45. Cour de Cassation, ch. soc., 6 avr. 2004, n° 01-45.227, D. 2004. 2736, note R. de Quenaudon. 46. Cour de Cassation, ch. soc., 3 nov. 2011, n° 10-18.036, Dalloz actualité, 4 nov. 2011, obs. A. Astaix. 47. En 2014, l'UFC-Que choisir a aussi assigné en justice pour les mêmes raisons Twitter et Facebook. Le premier a été condamné en août 2018 également à 30 000 €. 48. TGI de Paris, 12 fév. 2019, UFC-Que Choisir c/ Google Inc. V. not. Luc-Marie AUGAGNEUR, « Les clauses abusives des conditions de Google », AJ contrat 2019, p. 175, 17 avr. 2019 – Cécile CRICHETON, « Clauses abusives et Google : une classification du régime attendue », Dalloz IP/IT 2019, 15 mars 2019. 49. Isabelle FALQUE PIERROTIN, Présidente de la Cnil, in Algorithmes : « Ce sont les individus qu'il faut responsabiliser », www.lepoint.fr, 29 janv. 2018.

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50. La police prédictive permet d’anticiper les faits en utilisant notamment des données ouvertes et des données produites par les services de sécurité. V. not. : Nathalie PERRIER, « La police pérdictive est un outil d’aide à la décision en matière de sécurité », www.lagazettedescommunes.com - Xavier LATOUR « Sécurité intérieure : un droit « augmenté ?», AJDA 2018. 431, 5 mars 2018. 51. Cnil, Comment permettre à l’Homme de garder la main ? Rapport sur les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle, déc. 2017. 52. Aux termes de l’article L111-7 du code de la consommation, « Est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : 1° Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service ». 53. Il s’agit de l'intermédiation proposée entre deux groupes d'utilisateurs. Elle permet la mise en relation de plusieurs types d'agents au sein d'un même espace. 54. Aux termes de l’article D111-15 du code de la consommation, « Le seuil du nombre de connexions au-delà duquel les opérateurs de plateformes en ligne sont soumis aux obligations de l'article L. 111-7-1 est fixé à cinq millions de visiteurs uniques par mois, par plateforme, calculé sur la base de la dernière année civile. Un opérateur de plateforme en ligne dont le nombre de connexions dépasse le seuil mentionné au premier alinéa dispose d'un délai de six mois pour se mettre en conformité avec l'article L. 111-7-1 ». 55. On peut traduire fake news par intox, informations fallacieuses ou fausses nouvelles. Il s’agit d’informations mensongères délivrées dans le but de manipuler ou tromper les individus. Voir à ce sujet notamment, « Les fake news menacent-elles le débat public ? », www.vie-publique.fr, 18 oct. 2018. 56. Voir notamment Philippe MOURON, « De la rumeur aux fausses informations », Légicom, 10 janv. 2018. 57. Voir not. : « La loi Fake news publiée après sa validation par le Conseil constitutionnel » Légipresse, 25 janv. 2019 – Pierre JANUEL et Marine BABONNEAU, « Loi Fake news : première application du référé », Dalloz actualité, www.dalloz.fr, 21 mai 2019 – Patrick SERGEANT, « Lutte contre les fake news et rémunération du droit voisin à la table des discussions entre éditeurs de presse et GAFA », Légipresse, 29 mai 2019 – Diane DE BELLESCIZE, « Fake news : une loi polémique, qui pose plus de questions qu’elle n’en résout, Constitutions, 25 mars 2019. 58. Cons. Const. 99-422 DC du 21 décembre 1999, op. cit. 59. Exemple de données non pertinentes : un site marchand qui propose de tester son produit à domicile n’a pas besoin de collecter. 60. Exemples de limitation de données : Les coordonnées d’un prospect qui ne répond à aucune sollicitation pendant 3 ans doivent être supprimées.

AUTEUR

JIM LAPIN Maître de conférences associé à l’Université des Antilles

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Membre du CREDDI-Université des Antilles Membre associé de l’IDETCOM-Université Toulouse Capitole

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

L’intelligence informationnelle : Du biomimétisme à l’humanisme numérique The informational intelligence : From bio-mimicry to digital humanism La inteligencia informacional : De la biomimética al humanismo digital

Lise Vieira

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/2531 DOI : 10.4000/ctd.2531 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Lise Vieira, « L’intelligence informationnelle : Du biomimétisme à l’humanisme numérique », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/2531 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/ctd.2531

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Communication, technologies et développement L’intelligence informationnelle : Du biomimétisme à l’humanisme numérique 1

L’intelligence informationnelle : Du biomimétisme à l’humanisme numérique The informational intelligence : From bio-mimicry to digital humanism La inteligencia informacional : De la biomimética al humanismo digital

Lise Vieira

1 Alors que l’information est désormais un élément majeur du développement, les technologies numériques nous environnent et sont au cœur de nos activités. Au rythme de progression de l’informatique, de la robotique, de l’intelligence artificielle, nous courons le risque d’être de plus en plus dépendants de ces univers « computationnels », d’être dépassés, voire dominés par nos créations.

2 L’humanité n’en est pas à un paradoxe près : grâce aux progrès scientifiques, les inventions atteignent un degré de sophistication et de technicité de plus en plus élevé et pourtant parmi les innovations de pointe, les plus avancées imitent la nature. Ces innovations se situent au plan technique, par la réalisation d’objets, de machines, mais aussi au plan conceptuel dans la performance organisationnelle.

3 Comment peut-on expliquer ce penchant des humains à « copier » la nature et peut-on y voir l’indice d’un nouvel humanisme à l’ère du numérique ?

L’intelligence, l’intelligence informationnelle

4 Nous nous intéresserons tout d’abord à la notion d’intelligence qui, finalement peu aisée à cerner en raison des notions multiples qu’elle recouvre, bénéficie ainsi d’un nombre fort important de définitions. Sans laisser de coté les approches analytiques et quantitatives ( le Q.I. est réputé en la matière), nous nous intéresserons à l’aspect plus qualitatif.

5 Selon le TLF (Trésor de la Langue Française), l’intelligence1 est l’

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« aptitude à appréhender et organiser les données de la situation, à mettre en relation les procédés à employer avec le but à atteindre, à choisir les moyens ou à découvrir les solutions originales qui permettent l'adaptation aux exigences de l'action. »

6 Ce sont ces concepts de mise en relation et d’adaptation mobilisée pour la résolution de problème et la réussite de l’action et que nous retenons, car ils sont particulièrement pertinents pour s’approcher d’une définition de l’intelligence informationnelle. Franck Bulinge et Serge Agostinelli (2005) ont choisi la formulation suivante pour préciser cette notion : « une capacité individuelle et collective à comprendre et résoudre les problématiques d’acquisition de données et de transformation de l’information en connaissance opérationnelle, c’est-à-dire orientée vers la décision et l’action » (cité par Bulinge, 2014 : 38)

7 Cette dernière approche prend en compte l’importance du collectif dans la démarche informationnelle, cette dimension ayant pris une particulière ampleur avec le développement des réseaux numériques. Dans ses réalisations et activités, l’espèce humaine est très semblable à certaines espèces animales comme les insectes dits "sociaux", fourmis ou termites (Deneubourg 1995). Ce sont les interactions entre individus qui permettent l’émergence d’une intelligence collective, identifiée par Aristote (ed. 1993) comme une forme de "sagesse". La sagesse collective est considérée comme une propriété émergente et systémique, répartie entre les membres d'un groupe et leur environnement institutionnel et culturel, leur patrimoine historique, ainsi que leurs technologies de communication et leurs systèmes d'information (Landemore 2012). Dans L'intelligence collective : pour une anthropologie du cyberspace (1994), Pierre Lévy a été l’un des premiers à largement développer les aspects positifs d'une information ouverte et partagée dont les réseaux numériques seraient le support, tel un hyper-cerveau humain, lieu de la pensée collective de l'humanité.

La logique systémique et le biomimétisme

8 Aujourd’hui l’humanité qui n’en est qu’à son troisième centenaire d’industrialisation et de « technologisation », essaie de se surpasser dans ses performances au risque de perdre le contrôle et de subir l’envahissement des technologies qu’il a créées. Au cours de l’évolution, pendant 3,8 milliards d’années, les systèmes vivants, de la cellule aux écosystèmes, ont procédé à d’innombrables changements afin d’optimiser leur morphologie et leur fonctionnement. Le biomimétisme est cette propension de l’homme à s'inspirer de la nature, à imiter les stratégies et les propriétés et les logiques du , selon la formule célèbre de François Jacob (1987). C’est une démarche qui se justifie pleinement pour s'engager dans l'innovation durable et pour trouver des réponses innovantes aux problématiques industrielles, urbaines et environnementales.

La logique systémique

9 L’Homme s’est longtemps efforcé de comprendre ce qui l’entoure en l’analysant en le décortiquant en parcelles de plus en plus fines selon l’approche cartésienne. Cette modalité encore en usage dans de nombreuses disciplines cohabite désormais avec des

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logiques d’un tout autre ordre. Nous avons souligné cet état de fait dans plusieurs de nos écrits antérieurs (Vieira 2014a, 2014b, 2015, 2016) en nous référant aux écrits fondamentaux de la complexité et de la systémique (Von Bertalanffy, 1961 ; Varela 1995 ; Prigogine et Stengers, 1979 ; Morin, 1973 ; 1977-2004). Selon Bertalanffy (1973) les systèmes sont des éléments en interaction dynamique constituant des ensembles qui ne peuvent être réduits à la somme de leurs parties. La même idée a été énoncée par la cybernétique qui étudie les systèmes dans leur globalité et leur complexité inter relationnelle (Wiener, 1961). Dans leurs travaux, Grégory Bateson et Paul Watzlawick ont appliqué cette notion d'inter relation au domaine des Sciences Humaines. Nous avons changé de cadre paradigmatique en passant de l’ordre pyramidal- hiérarchique ou arborescent à la logique systémique. Ce que d’aucuns nomment la « révolution numérique » n’a fait que révéler un principe fondamental : tout ce qui fait partie de l’univers à quelque échelle micro ou macroscopique que ce soit, fonctionne sur le modèle du réseau, chaque élément étant relié à tous les autres.

L’Homme réseau de réseaux

10 Entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, l’Homme est depuis Platon assimilé à un univers en réduction, un microcosme, infime parcelle de l’univers planétaire, fait des mêmes matériaux, et fonctionnant selon les mêmes modalités. Il est un réseau de réseaux par sa nature physique (réseaux sanguin, nerveux.). Cela le rend naturellement enclin à fonctionner dans sa vie, dans ses activités, dans ses productions, sur le mode du maillage (ou modèle réticulé) aux interactions multiples.

Les réseaux et écosystèmes numériques sont à l’image de l’univers

11 La prolifération des réseaux numériques évoque l’extension et la croissance de l’univers. Mais au delà de la métaphore qui reste éclairante, les récentes avancées des sciences physiques nous apprennent que leur développement ne serait que le prolongement du fonctionnement systémique et en réseau de tout élément être ou objet faisant partie de l’univers. Comment alors s’étonner de la propension de l’Homme à imiter la nature dans ses réalisations les plus innovantes ? « Les sociétés humaines sont des systèmes vivants qui font face aux mêmes enjeux et qui sont soumis aux mêmes contraintes environnementales et lois physico-chimiques (limites planétaires, cycles biochimiques, cycles géologiques...) que les systèmes vivants non humains. » ( Raskin, 2015)

Le biomimétisme

12 Il est ainsi défini dans le rapport au CESE (Conseil économique, social et environnemental) intitulé Le biomimétisme : s’inspirer de la nature pour innover durablement. (Ricard, 2015 : 48) : « Forgé à partir de deux racines grecques, bios, vie, et mimesis, imitation, ce néologisme désigne la démarche immémoriale de l’espèce humaine qui consiste à observer la nature et à s’en inspirer pour innover, améliorer sa condition, ses productions... le biomimétisme se concrétise dans l’univers des formes, des matériaux, des procédés et des systèmes. » Le terme « biomimétisme » renvoie donc à la dimension de durabilité, alors que le mot « bionique » très usité dans le domaine

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des technologies numériques est plus tourné vers les applications électroniques : « Bionique : Science qui a pour objet l'amélioration de la technologie (en particulier de l'électronique) en tirant profit de l'étude de certains processus biologiques observés chez les êtres vivants. (CNRTL)

L’imitation du vivant

13 Explorer la machine qui est dans l’Homme ou l’humanité de la machine est une posture récurrente dans la démarche scientifique fondée sur l’analogie entre les systèmes animés et inanimés. Bien antérieurement à la montée en puissance du numérique, Ludwig von Bertalanffy définissait la théorie générale des systèmes comme « une vision stupéfiante, la perspective d’une conception unitaire du monde jusque-là insoupçonnée. Que l’on ait affaire aux objets inanimés, aux organismes, aux processus mentaux ou aux groupes sociaux, partout des principes généraux semblables émergent. » (Von Bertalanffy, 1961 : 220). Au même moment, dans La cybernétique : Information et régulation dans le vivant et la machine, Wiener (1961) établit un lien de ressemblance entre le fonctionnement des organismes vivants et celui des machines. Le mythe d’Icare, les machines volantes de Léonard de Vinci, le canard automate de Vaucanson et plus récemment les drones-oiseaux, nous montrent que l’Homme a de tous temps cherché à imiter la nature et ses créatures. Dans Out of control, Kevin Kelly (1995) déclarait : « la vie organique est la technologie ultime, et toute la technologie s'améliorera vers la biologie. » Et aujourd’hui en effet, on voit fleurir de pittoresques inventions qui ne sont pas que poétiques puisqu’elles font franchir de nombreuses étapes en terme de performance technique. L’avant du Shinkansen 500, train à grande vitesse japonais, inspiré du bec et de la tête du martin-pêcheur, se caractérise par des qualités aérodynamiques hors pair. De même, les extrémités verticales des ailes des avions ou winglets, imitent la voilure de l’aigle des steppes pour améliorer la portance et économiser l’énergie. Outre les formes, les exemples de matériaux innovants imités de la nature sont légion (peau du requin, fil de l’araignée). Quel que soit le secteur d'activité, de nombreuses entreprises (de l’ordre d’une cinquantaine en France) recourent à cette démarche et la recherche dans de nombreux domaines s’inspire de la nature. La photosynthèse artificielle, la motorisation du véhicule "décarboné" de demain, les catalyseurs verts et les éco-matériaux à base de mycélium inspirés des champignons pour la dépollution des sols, ne sont que quelques exemples parmi les innovations de pointe issues de la recherche scientifique de haut niveau. Les villes elles mêmes, telle la cité végétale de Luc Schuiten, architecte visionnaire, se mettent à ressembler à la nature en s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes naturels.

L’imitation de l’intelligence humaine

14 Mais les réalisations techniques ne sont pas les seules productions humaines à imiter la nature. Il en est de même pour ses réalisations organisationnelles et intellectuelles.

15 Dans Au delà de l’information, l’histoire naturelle de l’intelligence, Tom Stonier (1992), souligne la filiation entre intelligence artificielle et intelligence naturelle. L’émergence de l’intelligence artificielle au cours de la seconde moitié du XXe siècle constitue le développement le plus important de l’évolution de la planète depuis l’origine de la vie il

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y a deux à trois milliards de millions d’années. L’émergence de l’intelligence machine au sein de la matrice de la société humaine est analogue à l’émergence, il y a trois milliards d’années, de molécules complexes se répliquant automatiquement au sein de la matrice d’une soupe moléculaire riche en énergie. En s’appuyant sur l’œuvre de Gilbert Durand Les Structures anthropologiques de l’imaginaire (Durand, 1984), Joel Thomas souligne la similitude de l’imaginaire humain (au sens qu’il lui donne de dynamisme organisateur) et du cosmos. « L’organisation politique, la religion, l’art, les approches scientifiques du savoir, la vie quotidienne auront en commun d’être les hypostases2 d’une image du monde. » (Thomas, 2015 : 189).

L’intelligence artificielle (IA)

16 John McCarthy et Marvin Minsky ont, les premiers, développé ce concept lors de la conférence du Dartmouth College en 1956 à Hanover (États-Unis). L'IA est un ensemble d'algorithmes ou suite d'opérations permettant de résoudre un problème technique donné. Chaque aspect de l'apprentissage ainsi que n'importe quel trait de l'intelligence peuvent être décomposés en modules élémentaires, qu'une machine serait en mesure de simuler. Peut-on penser que le cerveau humain puisse être égalé ? (Cot, 2015) Puces et neurones : les recherches de pointe en matière d’intelligence artificielle s’inspirent de la nature : IBM a développé un microprocesseur capable de « recâbler » ses connexions lorsqu’il rencontre de nouvelles informations, de la même manière que les synapses du cerveau humain. TrueNorth a été créée en août 2014. Cette puce de silicium compte un million de neurones artificiels et 256 millions de synapses, elle permet de réaliser des tâches complexes et consomme beaucoup moins d’énergie qu’un ordinateur. Même si ces résultats frappent l’imagination et marquent un grand pas dans les avancées de l’intelligence artificielle, on est encore loin des performances de l’ordinateur biologique qu’est le cerveau humain qui compte 100 milliards de neurones et jusqu'à 150 milliards de milliards de synapses ... Deep learning : En juin 2015, le service de recherche en intelligence artificielle de Facebook, FAIR (Facebook Artificial Intelligence Research) a ouvert à Paris un centre permanent (Devillard, 2015). Le Français Yann LeCun, spécialiste du deep learning (Tual, 2015) est responsable de l’ensemble de la recherche en intelligence artificielle chez Facebook. Ce système d'apprentissage et de classification, fondé sur des « réseaux de neurones artificiels » numériques, est utilisé pour comprendre la voix, reconnaître des sons, des caractères, des langages. Le programme de reconnaissance de visage Deep Face3, présenté par Facebook en 2014, s’appuie sur le deep learning, l’apprentissage profond, également connu sous le nom de réseaux convolutifs. (Vieira, 2015).

Le doute : l’Innovateur Prométhée ou Apprenti sorcier ?

« Ce n'est pas certes le progrès de la science qui est dangereux, mais l'utilisation que l'on en fait. Sous prétexte de liberté de la recherche, certains apprentis- sorciers peuvent mettre en danger l'homme lui-même. » (Michel Quoist, Construire l'homme, Éditions de l'atelier, Paris, 1997 : 145, n. 2)

17 Le mythe de Prométhée prétendant être le rival des dieux remonte aux racines de l’humanité. Peut-on alors craindre l’excès de performance ? Tant qu’il s’agit de perdre une compétition d’échecs face à un ordinateur, les conséquences ne sont pas majeures.

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Victorieuse aux échecs, l'intelligence artificielle d' IBM a en revanche échoué à convaincre un auditoire lors d'un débat en temps réel sur un sujet de société organisé contre un humain. À l'issue de ce débat organisé à San Francisco c'est Harish Natarajan champion de compétitions de débats, qui a été déclaré vainqueur contre l'ordinateur Project Debater.4 • Mais d’autres exemples montrent que des robots peuvent parfois dominer, voire se substituer à l’humain. Un récent article intitulé Intelligence artificielle. Un générateur automatique de texte très performant inquiète ses concepteurs5 signalait qu’un générateur automatique de texte très performant inquiète ses concepteurs et ne sera donc pas rendu public. Il est donc particulièrement nécessaire de rester vigilant et mettre l’exigence éthique au premier plan des précautions à prendre en la matière. • Le rapport Villani (2018) Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne, aborde en détail la question de l’éthique de l’IA et pose explicitement la question « Comment garder la main ? »

L’humanisme numérique

18 L’Homme dans ses réalisations les plus avancées s’approche de plus en plus des capacités inhérentes aux organismes naturels cependant l’intelligence artificielle est encore loin des performances de l’ordinateur biologique qu’est le cerveau humain (Cardon, Baquiast, 2003). Ira-t-il jusqu’à recréer dans les puces et microprocesseurs l'émotion, la sensation et la conscience (Picard, 1997) ? Cette question posée par Alan Turing dès 1948 reste à ce jour non résolue. Milad Doueihi (2011), à la suite de Claude Lévi-Strauss et de ses « trois humanismes » – l’humanisme aristocratique de la Renaissance, l’humanisme bourgeois et exotique du XIXe siècle et l’humanisme démocratique du XXe siècle – met en lumière l’émergence d’un quatrième humanisme , celui de ce siècle débutant, « l’humanisme numérique ».

Limites de la machine, maîtrise de l’humain

19 Pour Edgar Morin les machines, si performantes soient-elles, ont leurs faiblesses : tout est programmé dans le moindre détail, selon un ordre prédéterminé qui ne laisse aucune place à l’imprévu. « Leur déterminisme et leur obéissance inconditionnelle à une logique binaire les rend inaptes à traiter l’aléatoire et l’aléa » (Morin, 2001 : 287). Si performantes soient-elles, les machines ne peuvent pallier l’usure de leurs organes, à la différence des organismes vivants ca le système du vivant est un processus d’auto- organisation et de réorganisation permanente capable de s’adapter aux variations et désorganisatrices extérieures. « La mémoire artificielle est stockée, dans une sorte de magasin. Rien de tel pour la mémoire humaine, qui est aléatoire, incomplète, défaillante, qui n’obéit pas toujours à une sollicitation, mais dont la qualité et les capacités créatrices dépendent justement de cette incomplétude et de ces « zones d’ombre » mystérieuses. On voit donc qu’il y a deux incomplétudes : celle des systèmes logiques, qui est une faiblesse ; et celle de la psyché humaine, qui est une richesse. Car c’est justement la spécificité de l’ordre humain que de se déployer sous le signe du désordre. » (Thomas, 2015 : 198-199)

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Dépasser l’opposition Nature /Culture

20 L’opposition séculaire entre nature et culture est propre aux sociétés occidentales qui ont instauré une représentation du monde fondée sur cette dichotomie.

21 Selon cette perspective émanant de la culture "classique", la nature est ce qui ne relève pas des traits spécifiques de l’espèce humaine. Mais notre point de vue sur la nature a changé « Nous sommes passés du monde antique, où l'homme est placé hors de la nature, au- dessus d’elle, à notre monde contemporain, qui situe l'homme dans le monde » (Thomas 2015 : 194). C’est la « solidarité complexe » dont parle Edgar Morin (1973) dans son ouvrage Le Paradigme perdu, la nature humaine : l'Homme et la société s’inscrivent dans l'ordre du vivant et les processus d’hominisation se sont déroulés sur le principe de la coévolution de l’Homme et des autres espèces.

La nature est universelle

22 Tout ce qui fait partie de la nature, humain et non-humain est constitué des mêmes éléments. La physique quantique et en particulier Schrödinger dans What is Life ? the physical aspect of the living cell and mind (1944), a montré que la matière est composée de particules élémentaires sans masse, non perceptibles par nos sens. Le monde physique ne nous apparait que par le jeu des forces coordonnées entre ces particules. La matière se révèle être un jeu d'interactions de différentes natures à différents niveaux. L’Homme fait partie de la nature, il en est de même pour ses réalisations, en particulier les systèmes d’information fondés sur le numérique et visant à une intelligence informationnelle.

Perspectives

23 Les TIC ne sont pas seulement un ensemble d’outils, leur portée est plus large : elles modifient le rapport de l’Homme à son environnement, à la connaissance et sa relation à l’autre. C’est à ce titre que l’on peut parler d’humanisme numérique. Nous sommes confrontés à une situation éminemment complexe. Le numérique nous place devant une double contrainte : il n’est pas envisageable de l’ignorer, mais nous redoutons certains de ses effets. Il faut donc en conserver l’usage tout en gardant le contrôle. Peut on concevoir que le bio mimétisme puisse nous aider à nous maintenir dans cette voie ?

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NOTES

1. https://www.le-tresor-de-la-langue.fr/definition/intelligence 2. Au sens de « réalisation », « existence concrète » 3. https://research.facebook.com/publications/480567225376225/deepface-closing-the-gap-to- human-level-performance-in-face-verification/ 4. https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/intelligence-artificielle-ia-ibm- project-debater-moins-convaincante-quun-humain-71672 (Publié le 13/02/2019) 5. https://www.ouest-france.fr/high-tech/etats-unis-un-generateur-automatique-de-texte-trop- performant-pour-etre-public-6225618 (Publié le 16/02/ 2019)

RÉSUMÉS

Les évolutions de l’information liées au développement des technologies numériques prennent de plus en plus de place dans les activités humaines, ce qui entraîne des risques de dépendance et de perte de lien avec notre environnement naturel. Pourtant, parmi les inventions techniques, celles qui sont à la pointe de l’innovation imitent la nature. Le bio mimétisme consiste à s'inspirer du vivant pour atteindre l’excellence dans les domaines de l’industrie de l’urbanisme, mais aussi dans le domaine de l’information et de l’intelligence artificielle. Cependant les performances de l’ordinateur biologique qu’est le cerveau humain sont encore loin d’être atteintes. Cela pose la question du rapport de l’homme à ce qui l’entoure et à ses productions. Comment peut-on expliquer ce penchant à « copier » la nature et peut-on y voir l’indice d’un nouvel humanisme à l’ère du numérique ?

The evolutions of information related to the development of digital technologies are taking more and more space in human activities, which entails risks of dependence and loss of connection with our natural environment. Yet, among the technical inventions, those at the forefront of innovation imitate nature. Bio- mimicry is about taking inspiration from living systems to achieve excellence in the fields of the urban planning industry, but also in the field of information and artificial intelligence. However, the performance of the biological computer that is the human brain is still far from being achieved. This raises the question of the relationship of man to his surroundings and his productions. How can one explain this tendency to "copy" nature and can we see it as a sign of a new humanism in the digital age ?

La evolución de la información relacionada con el desarrollo de tecnologías digitales está ocupando cada vez más importancia en las actividades humanas, lo que conlleva riesgos de dependencia y de pérdida de conexión con nuestro ambiente natural. Sin embargo, entre los inventos técnicos, los que están a la vanguardia de la innovación imitan la naturaleza. La biomimética consiste en inspirarse en los sistemas vivos para alcanzar la excelencia en los campos de la industria de la planificación urbana, pero también en el campo de la información y de la inteligencia artificial. Sin embargo, el rendimiento de la computadora biológica que es el cerebro humano aún está lejos de lograrse.

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Esto plantea la cuestión de la relación del hombre con su entorno y con sus producciones. ¿Cómo se puede explicar esta tendencia a "copiar" la naturaleza y podemos verla como un signo de un nuevo humanismo en la era digital ?

INDEX

Mots-clés : Innovation- Performance-Intelligence informationnelle- Biomimétisme- Humanisme Keywords : Innovation- Performance- Information Intelligence- Biomimicry- Humanism Palabras claves : Innovación- Desempeño- Inteligencia informacional- Biomimética- Humanismo

AUTEUR

LISE VIEIRA

MICA- ICIN Université Bordeaux- Montaigne [email protected]

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Communicating needs for robots in a developing economy and national development : a case of Nigeria COMMUNIQUER LES BESOINS EN ROBOTS DANS UNE ÉCONOMIE EN DÉVELOPPEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT NATIONAL : UN CAS DU NIGÉRIA VERMITTLUNG DES BEDARFS AN ROBOTERN IN EINER SICH ENTWICKELNDEN WIRTSCHAFT UND NATIONALEN ENTWICKLUNG : EIN FALL VON NIGERIA

IFEYINWA NSUDE

Electronic version URL: http://journals.openedition.org/ctd/2578 DOI: 10.4000/ctd.2578 ISSN: 2491-1437

Publisher Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Printed version ISBN: 2491-1437

Electronic reference IFEYINWA NSUDE, « Communicating needs for robots in a developing economy and national development : a case of Nigeria », Communication, technologies et développement [Online], 8 | 2020, Online since 30 June 2020, connection on 20 July 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/ 2578 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.2578

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Communicating needs for robots in a developing economy and national development : a case of Nigeria COMMUNIQUER LES BESOINS EN ROBOTS DANS UNE ÉCONOMIE EN DÉVELOPPEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT NATIONAL : UN CAS DU NIGÉRIA VERMITTLUNG DES BEDARFS AN ROBOTERN IN EINER SICH ENTWICKELNDEN WIRTSCHAFT UND NATIONALEN ENTWICKLUNG : EIN FALL VON NIGERIA

IFEYINWA NSUDE

Introduction

1 Historically, the word robot was first brought forward by Carpek, (1921) in his play ‘Rossum’s Universal Robots’ (RUR). Later Deval & Ergelberger as cited in (Fabiyi, Abdulmalik & Falade, 2016) developed the first industrial modern robots in the late 50s and early 60’s. Robot is a machine that is human-like and programmed to reason and respond quickly than human counterpart using knowledge base inference engine (Mamudu & Mustapha, 2013 as cited in Martin, 2015). Furthermore, the two scholars posit that a robot is reprogrammable, multifunctional manipulator designed to move materials, parts, tools or specialized devices through variable programmed motions for the performance of a variety of tasks.

2 In view of rapid advances in technology, there is a surge of public interest in and robotics (International Federation of Robotics, IFR, 2017). It has been estimated by IFR that over 25 million industrial robots will be at work in 2019 thereby representing an average annual rate of 12% between 2016 and 2019 (IFR, 2016). Therefore, the anticipated industrial revolution no doubt has led to debates by many scholars and researchers who argue for and against the use of robots particularly in the areas of productivity and employment (IFR, 2015).

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3 The researcher looked at the two sides of the debate with the intention of initiating a discussion on whether deployment of robots can facilitate economic growth and national development in Nigeria or cause unemployment. Also this paper focused on the premise that any invention or innovation not reported will not be known. Hence, the importance of creating awareness on the need for deployment of robots in Nigeria.

4 In this paper, robotics which is an area of Artificial Intelligence (AI) deals with the use of robots and has to do with the principles and science of robots is used interchangeably with the word robots.

Objectives

• To determine whether robots can contribute to economic and national development. • To investigate whether the deployment of robots will lead to unemployment. • To create awareness on the need for the deployment of robots in Nigerian in preparation for the anticipated Industrial Revolution.

Method

5 This is a position paper that employed qualitative approach which discussed in details the need for deploying robots in a developing economy such as Nigeria.

Theoretical Framework

6 This work is anchored on Technological Determinism Theory and Social Construction of Technology Theory (SCOT). The term technological determinism theory originated from ThorsteinVeblem (1857 – 1929), an American Sociologist and Economists. The first major elaboration of a technological determinist view of socio economic development came from the German Philosopher and Economist, Karl Marx. He believed that technological progress leads to newer ways of production in a society and this ultimately influences the cultural, political and economic aspects of a society, thereby inevitably changing society itself.

7 The theory was further developed by Marshal McLuhan in 1964 (Asemah, Nwammuo & Nkwam-Uwaoma, 2017). Technological determinism is a reductionist theory that presumes that a society’s technology drives the development of its social structure and cultural values.Thus, technological determinism has been summarized as the belief in technology as a key governing force in the society. (Asemah, Nwammuo & Nkwam – Uwaoma, 2017).

8 However, Social Construction of Technology Theory (SCOT) which is a theory within the field of science and technology studies argues that technology does not determine human action, rather human action shapes technology. This could of course raise an argument for debate. The theory further argues that the ways a technology is used cannot be understood without understanding how that technology is embedded in its social context. SCOT is therefore a response to technological determinism.

9 SCOT which was postulated by Mackenzie and Wajcman (1986) is not only a theory, but also a methodology which formalizes the steps and principles to follow when one wants to analyze the cause of technological failures or successes. The justification of the two

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theories in this study is that when awareness is created among Nigerians to see the need for the deployment of robots, it will be easier for them to accept the new technology. The new technology if accepted will impact positively into the cultural, social and economic sectors thereby facilitating Economic Growth and National Development.

Literature Review

10 The International Federation of Robots, IFR (2017), opines that robots improve productivity when they are applied to tasks that they perform more efficiently and to a higher and more consistent level of quality than humans. Also, Graetz and Michaels (2017) in their study of robotics concluded that robot densification increased annual growth of GDP and labour productivity between 1993 and 2007 by about 0.37 and 0.36 percentage points respectively across 17 countries studied. In a survey of 238 citi group clients, 70% believed that automation would encourage companies to move their manufacturing close to home and consolidate production (Citi & Oxford Martin School, 2016).

11 Also, the Reshoring Initiative in the US estimates that 250, 000 jobs have been brought back to the country by reshoring and inward – bound foreign direct investment since 2010 (Reshoring Initiative, 2015). Furthermore, David Autoran economist at the Massa Chusetts Institute of Technology, in his work found out that automating a particular task so that it can be done more quickly or cheaply increases the demand for human workers to do the other tasks around it that have not been automated. He further argues that when automation or computerization makes some steps in a work process more reliable, cheaper or faster, this increases the value of the remaining human links in the production chain (IFR, 2015). On his own part, Besson (n.d. as cited in IFR, 2015) states that deployment of robots will create new jobs, citing the example of ATM which created new jobs.

12 In another study, Gordon (2006) posits that robots can help access new resources for instance, under the seas or under lakes (e.g. under water logging robot). Also, they can conduct mining in dangerous environments. Furthermore, Muro and Andes (n.d as cited in IFR, 2017) posit that Brookings Institution analysts report that countries that invested more in robots lost fewer manufacturing jobs than those that did not.

13 IFR (2017) sums it up with the statement that ‘Automation does indeed substitute for labour as it is typically intended to do. However, automation also complements labor, raises output in ways that lead to a higher demand for labor, and interacts with adjustments in labour supply. He further added that even expert commentators tend to overstate the machine substitution for human labour and ignore the strong complementariness between automation and labour that increase productivity, raise earnings and augment demand for labour (IFR, 2017).

14 Frey and Osborn (2013) raised an interesting point in their summary that automation, and more specifically robots have a positive impact on employment. However, the two scholars added that the picture varies across different sectors, job types and skill level. Of particular concern in public debate has been the fear that certain jobs will be wiped out entirely as a result of automation.

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15 Mamudu and Mustapha (2017) in their study opine that robots are actually creating new, high-paying jobs that require skill acquisition and replacing low skill workers. Citing a typical example in manufacturing, robot can perform mental tasks such as raw materials sorting, transporting and stocking, while higher – skilled play roles such as quality – related tasks which humans are more suitable for can be completed by higher skilled workers. The International Federation of Robotics (IFR, 2017) posits that robot increases productivity and competitiveness, thereby leading to increased demand and creation of new job opportunities.

16 In their study on ‘A Role for Robotics in sustainable Development, Bugmam and Burein (2011) posit that Robots can help recycling resources, help reduce waste during industrial, agricultural production and could enable production methods that process less polluting by products. The two scholars also said that robots can help increase the yield in food production. For instance, use of a milking robot, for instance, DeLaval Milking robot increases the number of litres per day that a cow produces, because the cow can access the robot at any time. The main thing here is the voluntary nature of the milking. Bugmam and Burein (2011) further opine that in a country with low wages, it may be possible to only use the lessons learnt from robots. For example, a continuous milking service increases the yield. Still in the agricultural sector, robot could help monitor soil conditions, the health of plants and animals and adapt actions to very local conditions even plant by plant (Blackmore, 2009). Furthermore, deploying robots helps to upgrade firms that initially have lower productivity to avoid being driven out of the market through import competition (United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD, 2016).

17 UNCTA (2016) cited China as an example of a country that embarked on a government backed robot – driven industrial strategy entitled ‘made in China 2015. China according to the report has brought more industrial robots than any other country in each year since 2013 and is likely to overtake Japan as the world’s biggest operator of industrial robots.

18 Various studies show a positive correlation between automation and jobs. For example, a 2016 discussion paper for the centre for European Economic Research found that ‘Overall, labour demand increased by 11.6 million jobs due to computerization between 1999 and 2010 in the EU 27 thus suggesting that job – creating effect Routine – Reducing Technological Change overcompensated the job destructing effect (Zierahn, Greery & Arntz, as cited in IFR, 2017). Additionally, a review of the economic impact of industrial robots across 17 countries shows that robots increased wages whilst having no significant effect on total hours worked Graetz & Michaels (2015 as cited in IFR, 2017).

19 Furthermore, Deloitte (2017) argue that while technology has potentially contributed to the loss of over 800,000 lower –skilled jobs (in the UK), there is equally strong evidence to suggest that it has helped to create nearly 3.5 million new higher skilled ones in their place (Deloitte in IFR, 2017). He further stated that countries with the highest robot density, notably German, and Korea have among the lowest unemployment rates.

20 Also, the major benefits to be gained from initiatives that explore technology applicable to developing communities is the empowerment of members of such communities, which could be intellectual skill acquisition or economic growth. It will also reduce the gap between urban and rural communities.

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21 Robots are adjudged to have finally come to stay despite the fear of displacing humans. This is because they are capable of doing dangerous and nasty tasks especially in the auto, nuclear and medical manufacturing industries. Robots unlike humans can carry out tasks with high degree of accuracy in environments which are subjected to extremely high or low temperature. Full of radiation, toxic substances and chemicals (Kabiyi, Abdulmalik & Tiamiu, 2015 as cited in Fabiyi, Abdulmalik & Falade, 2016). So far, many scholars in their studies posit that robots contribute to the growth of any economy if certain precautions are taken.

22 However, some scholars see and present robots as job killers. This is why some scholars and researchers still criticize the idea of using robots to develop our economy. To such ones using robots to increase productivity and create jobs is like taking one step forward and two steps backward.

23 Also, these countries whose major challenge is to create jobs for large number of low- skilled entrants to the labour force – such as in many parts of Africa – deploying robots under current cost structures may drive production costs up, rather than down (The third world Resurgence ,2017).

Types of Robots

• Drones : Drones, according to Fabiyi, Abdulmalik and Falede (2016) are robots with a flying capability which can be flown anywhere without the support of a pilot. These drones are therefore referred to as auto-pilot or Unmanned Arial Vehicle (UAV). Furthermore, the three scholars explained that drones can be equipped with other components such as machine guns and cameras to take pictures and record videos. Drones can be controlled either remotely by human operator or by a board computer and can be used to launch or prevent attack. Drones are applied in different sectors of economy such as agriculture, transport, infrastructure, entertainment and telecommunications (Kitonsa & Kruglikov, 2018). The two scholars further posit that the problems which face developing countries such as sub-Saharan African which include famine, epidemic diseases, poverty among others can be addressed with the help of drone technology. Drone technology can be used in agricultural sector in the following ways – surveying farm fields ensuring product delivery and to spray insecticides, (Tripicchio, Satler, Dabisias, Ruffaldi, & Avizzan 2015; Krishna, 2016; Bamburry, 2015, as cited in Kitonsa & Krudlikov, 2018). On his own part (King, 2017 as cited in Kitonsa & Krudlikov, 2018) posits that the pesticides are delivered at the rights spot and the right quantity. This means reduction in pesticides used, reduction in collateral damage to wild life and enhance cost efficiency. • Driverless cars : These are self-driving cars also known as car-like robots. Fabiyi, Abulmalik and Falade, (2016) opine that the history of driverless cars can be dated back to 1478 when Leonardo da Vinci designed a first prototype. Driverless car according to the three scholars was legalized on US public road in 2011. Throwing more light on the benefits of driverless cars some scholars are of the view that they will reduce number of accidents, enhance traffic flow, improve emission compliance and commuters can sleep, read, make called while travelling (Anon, 2016). • Exoskeletons : These are types of robots designed to assist individuals suffering from limb pathology to limb exoskeletons designed to augment normal, intact, limb function (Herr, 2009).

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Classifications of exoskeletons

• Shoes and exoskeletons that act in series with the human lower limb. Examples are the sprinbuck shoe, the power skip exoskeleton (http://www.powerskip.de), and the spring walker exoskeleton. • Exoskeletons that act in parallel with the human lower limb for load transfer to the ground. Examples are Yagn’s running aid, MITs hopping exoskeleton, and Kazerooni’s load-carrying exoskeleton. • Exoskeleton that acts in parallel with human joint(s) for forgue and work augmentations. Examples are the HAL 5 exoskeleton. • Exoskeleton that act in parallel with a human limb for endurance augmentation. An example is the MIT climbing exoskeleton (Herr, 2009).

Agricultural robot for field operations

24 Agriculture has been the economic main stay of many nations that is why frantic efforts are made by both developed and developing nations to boost food production. Such efforts include mechanization of agriculture and quite recently the application of robots. Corroborating this point, Avital and Clement, (2016) posit that extensive research has been conducted on the application of robots and automation to a variety of field operations, and technical feasibility has been widely demonstrated. Also, Nof and Zhang (2009 as cited in Avital and Clement, 2016) posit that Agricultural productivity has increased significantly over years as a result of intensification mechanization and automation. Furthermore, recent studies indicate that the practice of robots or autonomous tractors in various agricultural tasks reduce the fuel consumption and air pollution (Gonzalez–de-soto, Emmi, Benavicles, Garcia, & Gonzalez-de-santus, 2016; Gonzale-de-Santo 2015 as cited in Avital and Clement, 2016). In addition, automation has considerably increased the productivity of agricultural machinery by increasing efficiency, reliability and precision and reducing the need for human intervention (Schueller as cited in Avital & Clement, 2016). To buttress this point, robotics and automation require a more costly specialized work force and equipment, they contribute to increased agricultural productivity because the required workforce, including skilled machine operators, generally declines enough to compensate for the higher initial cost (Avital & Clement, 2016).

25 For agricultural applications for automation robotics require advanced technologies to deal with complex and highly variable environments and produce (Hiremath, Van der Heijden, Van Evert, Stain & Ter-Braak, 2014 ; Nof, 2009 as cited in Avital & Clement, 2016).

26 To boost agriculture (Canning, Edwards & Anderson, (2004 as cited in Avital & Clement, 2016) state that agricultural environments require that robot be capable of movement, unlike most robots in factories or vehicles in car parks. In addition, agricultural robots require the development of advanced technologies to deal with complex and highly variable environments and produce Nof, (2009). In Avital & Clement, (2016).

27 On their own part Tervo & Koivo, (2014 as cited in Avital and Clement, 2016), posit that human capabilities of perception, thinking and action are still unmatched in environments with anomalies and unforeseen events. As a result, human and robot

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skills are still complementary (Rodriguez & Weisbin, 2003 as cited in Avital & Clement, 2016).

Medical and Health Care Robots

28 Health care is an area of great concern to virtually all nations and as such should receive great attention. Medicine developed from traditional medicine to orthodox medicine which is now being facilitated by medical and health care robots.

29 These robots are designed for entirely different environments and tasks. Those that involve direct interactions with human users in the surgical theater, the rehabilitation centre and the family room (Allison, Maja & Henrik, 2016). The three scholars described application areas, societal drivers, motivating scenarios, desired system capabilities and fundamental research areas that should be considered in the design of medical and healthcare robots.

30 Medicine and surgery have been slow to adopt computer assisted devices because there is a significant difference between industrial applications and human care. Also, surgeons have long been proud of a tradition of individual and direct patient interaction (Allison, Maja & Henrik, 2010). However, medical robots are not expected to replace the technical work of surgeons but to help them perform difficult tasks more accurately and repetitive tasks more precisely (Allison, Maja & Henrik, 2016).

31 The three scholars further posit that if the right information is available, many medical procedures can be planned ahead of time and executed in a reasonably predictable manner, with the human exercising mainly supervisory control over the robot. Examples include preparation of bone for joint reconstruction in orthopedic surgery and placement of needles into targets in interventional radiology.

32 Reporting their experiences in a large community, hospital (Pie, Andrea, Marta, Fabio, Simone, Tomasso & Guiseppe, 2018) posit that robotic surgery is feasible in a clinical setting. Its daily use is safe and easily managed, and it expands their application of minimally invasive surgery but cost benefit ratio must be evaluated.

Artificial Assistants

33 These are robots that are creative and innovative. They think independently, make complicated decisions, learn from mistakes and adapt quickly to changes in their surroundings. (Rainer & Volker, n.d). The two scholars further stated that the two new kinds of robots which have appeared in the market in recent years which are artificial assistants are service robots and personal robots. They deliver various services for the benefit of humans and equipment.

34 Bischoff & Graefe (n,d) opine that most service robots are special purpose machines with dedicated under carriages and manipulation (or process) devices. Each one of them is a specialist, able to deliver only one kind of service in one kind of environment. If the deficiencies are overcome according to the scholars, it is hoped that service robots will eventually be economically as important as industrial robots.

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35 Furthermore, Bischoff & Graefe (n,d) posit that the term “personal robot” has so far not been precisely defined by any robotic organization or institution (as with industrial manipulators and service robots). However, the term “personal robot” is often used in the context of robotic assistants or servants which either assist a human in doing some task or can do almost anything a user requires. This implies that personal robot is more advanced in terms of autonomy, versatility, interaction and communication abilities. The scholars explain that personal robot also perform useful task for the benefit of human and equipment. It is not limited to a single task e.g. vacuum cleaning but it is more universally employable e.g. to fetch drinks, lay the table, wash the dishes or clean an apartment among other things.

Challenges of Robots

Taxation

36 In virtually all the countries globally, taxes paid both by industries, companies and employees contribute extensively to Internally Generated Revenue (IGR). The argument from many quarters is that if robots replace humans that the government will loose revenues from taxes completely. Such scholars advocate a robot tax. The IFR on her own part believes that a robot tax is unwarranted given to the proven impact of robotics on employment and wages. It would deter badly-needed investment in robots, undermining the competitiveness of companies and states. Her argument is that profits not the means of making them should be taxed (IFR, 2017).

Energy consumption and production

37 Dzioubinks & Chipman (1999) posit that robot use electricity, and this form of energy constitutes 25% of the energy used by UK households. This is only 5% of the household energy use in India, and as much less in Africa. So, energy consumed by robots in their current form cannot be neglected.

Metal Detectors

38 Currently, metal detectors are too expensive to be used in developing countries (Bernardine Ayorkor & Thrishannta, (n.d). Also, the three scholars posit that the metal detectors cannot distinguish between metal pinsin the landmines and other debris found in typical battlefields, so de-miners are forced to frequently and unnecessarily dig to cover harmless metallic objects. The negative effects according to the three scholars is that the demining operations are drastically slowed down and the de- miners’ attention will be adversely affected. On a good note, the University of Moratuwa has developed a novel metal detector based on very low frequency (VLF) transmission with additional capacity to classify different types of alloys.

Limited Access

39 There is yet another major challenge the three scholars pointed out which is limited access to necessary resources for technology implementations. Furthermore, they

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pointed out that some of the challenges faced when implementing technology-related initiatives in Ghana include the low literacy rate among the rural population and high cost of technology such as good network connectivity.

Nigerian Government’s Policy on Artificial Intelligence

40 Nigeria has seen the need for robots and robotics. That is why Nigerian Government has approved the establishment of a new agency for robotics and artificial intelligence (Alajemba & James, 2018). On his own part, the minister of Science and Technology, Dr. Ogbonnaya Onu opines that the proposed agency has been given official nod by President Muhammad Buhari (Alajemba and James, 2018). The two scholars stated that Nigeria Government has had some limited exposure to using artificial intelligence and robotics. But robotics and artificial intelligence are majorly still not part of technology life in Nigeria.

41 Marking the 2018 World Telecommunication and Information Society Day with the theme ‘Enabling the positive use of artificial intelligence for all’ the minister of communication Mr. Adebayo Shittu said that the ministry was committed to focus on the potential of the artificial intelligence to achieve the Sustainable Development Goal (SDGs) in 2030, and improve the nation’s economy. He further affirmed that the artificial intelligence is taking centre stage with a lot of positive impact on people’s lives (Shittu, 2018).

42 In Nigeria, the urgent need to use technology in reshaping humanity was advocated. Comms Week, (2018) writes that Nations including Nigeria presently bank on technology, robotics and artificial intelligence to enhance young people’s interest in digital literacy.

Challenges of Artificial Intelligence in Nigeria

43 There are three basic and identifiable challenges of artificial intelligence in Nigeria ; there include, social economic barriers, inadequate infrastructure and cultural barriers (Somto, 2018).

Social Economic Barriers

44 Most Nigerian are skeptical about complicated artificial intelligence related to science and algorithm. They believed that artificial intelligence can only be understood by technical people and as such totally lose interest.

Inadequate Infrastructure

45 This to a great extent affects the creation of innovative tools with artificial intelligence in Nigeria. Power, cost of internet, and lack of government political will limit the progress and usage of artificial intelligence in Nigeria.

Cultural Barriers

46 Two of the most cultural barriers that inhibit the development of artificial intelligence in Nigeria are language and religion. But the most prominent among them is religion.

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Some religious beliefs classify artificial intelligence technology as ‘demonic’. However, some of these problems are being looked into, so we expect a brighter future in the area of artificial intelligence in Nigeria.

Deployment of Robots for Economic Growth and National Development in Nigeria.

47 Literature reviewed revealed that robots have really contributed so much to economic development in developed nations but there are some challenges which have equally been examined. Some of such challenges include ; non-payment of taxes by the owners of the robots, energy consumption, high cost of metal detectors and low literacy level among rural residence.

48 However, despite the challenges, there are specific areas where robots can be adopted that will lead to economic growth and National Development in Nigeria such areas include :

Agriculture

49 In the present day Nigeria, agriculture has been identified as alternative to oil and as such efforts are directed to agricultural sectors. There are acres of land unpopulated in every state of Nigeria not utilized at all, so agricultural robots can be deployed to cultivate different types of crops in those areas. Such robots can also be used for harvesting and processing of palm produce among others.

50 In the area of poultry, incubator robots can be deployed to maintain the required temperature needed for life to exist inside the egg before time for hatchery. Also, chicken processing robots or automation can process a good number of life chicken within a very short time for supply to appropriate quarters.

51 Furthermore, rice processing robot (intelligent system) can be deployed in the area of rice production to process millions tons of rice from the raw stage to the final stage. Such robots per boil the rice, dry, mill, de stone and bag. One was installed at Ikwo, Ebonyi State modern rice mill, but grounded now because of low maintenance culture. Prominent among the reasons for poor maintenance culture is irregular government policies and programmes.

52 In normadic farming, cattle auto tracker robots can be used to control grazing route of the herdsmen to avoid crop farmers and cattle farmers clash which is another major economic development challenge in Nigeria. Cattle control robot (intelligent system) can be used to track location of cattle to avoid cattle rusting which is one of the challenges in the North East of Nigeria. Robots can also be used for milking the cows thereby leading to high productivity. • Security : In Nigeria today, there are a lot of security challenges which include insurgency, kidnapping, armed robbery, stealing among others. These challenges really affect economic growth and national development in Nigeria. So, flying surveillance drone which is a flying robot that relays data (video, image or audio) of area under its foot print can be deployed. It moves without noise, and in the direction the user wants. Also knight scope robots used in monitoring parking lots in shopping mall, airport, sea ports, markets, banks, industries etc. can be deployed. • Position Tracker Robots : These are intelligent system used in the prevention of human kidnapping, human trafficking, snatching of vehicles and goods. Examples are Global system

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mobile network (GSM), Global positioning system (GPS) and Global positioning route system (GPRS). • Radio Frequency Identification Tag (RFID): This is a micro robot used in shopping mallto control payment and services of goods that ordinary human wisdom cannot control. • Medical Procedure: Health seems to be the most important sector because good health is wealth. It is regrettable that most health workers in Nigeria are not dedicated to their work and as such many Nigerians die as a result of the doctors and nurses avoidable mistakes such as over dose of drugs, mistakes in surgical operations, non-dedication of most nurses among others. So, we need robots like surgical assistant robots, robotic prescription dispensing system, telepresence etc. for economic development in Nigeria. This robot will complement the functions of medical professionals. • Mining and Oil Sectors: Nigeria is blessed with abundant mineral resources such as coal, clay, gypsum, Kaolin, Limestone, lead, oil, zinc, salt, marble, iron ore, sand, gold, manganese etc. Naturally, each state got a fair share of the minerals. The Nigeria Extractive Industry and Transparency Initiative (NEITI, 2016) report suggests that there are 30 different kinds of solid minerals in Nigeria that are unexploited. The level of exploitation of the minerals is very low in relation to the extent of deposits in the country. Many have therefore resorted to primitive way of extracting the resources and that has led to loss of so many lives. So if automated load haul dump trucks, loading and unloading robots are deployed in the mining and oil sectors there will be increase in productivity and safety. • Nigeria Extractive Industry and Transparency Initiative Reports (NEITI, 2016 as cited in I Nsude & Emeokoro, 2017). • Entertainment Robots: Robots can be deployed in the area of entertainment. The benefits of robots in this area cannot be overemphasized. A good example is the case of a 26 – years – old Nigerian who is the highest paid robotics engineer in the world. According to Guardian, (M.guardianing, Sept, 18 218) Silas Adekunle has become the highest paid in the field of robotic engineering and the founder and CEO of Reach Robotics, a company developing the world’s first gaming robots. Adekunle, according to the report, graduated with a first class degree and has four years’ background in robotics. He received support from various organisations including London Venture Partners ($10 million) his robots are of high quality because of their ability to show emotion with subtly – calibrated movements, apple stores priced his four legged “battle-bots” at $300 and has put them in nearly all of its stores in the United States and Britain. Other areas that robots can benefit Nigeria include education, home services (Baby Sitting, cleaning the environment), census - to determine the actual population of the country, reporting the war zones, industrial processes among others.

Awareness Creation on the Needs for Robots in Nigeria.

53 Globally, many scholars and researchers anticipate industrial revolution. That is why developed countries are preparing seriously now in order to embrace the new technology by imbibing robots and robotic activities. For Nigeria, which is one of the developing countries to survive the anticipated industrial revolution, there is need to key into the use of robots now and subsequently the design of different types of robots in future. It is often said that anything not known or not reported does not exist, thus, the importance of awareness creation. Awareness means letting the right people know

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the information or service that exists and is available. So, the object of information drive in this context is to create awareness on the need for deploying robots in Nigeria.

54 The awareness creation therefore will achieve the following : • Knowing that deployment of robots can help revamp Nigeria’s dwindling economy instead of causing unemployment. • Challenges of deployment of robots and the way forward. • Knowing the role or importance of communication in development.

55 The researcher used integrated communication approach to create awareness on the need for robots in Nigeria. This will enable Nigerians to be aware of the numerous benefits of robots and their challenges in developed countries. Knowledge of these challenges will enable Nigeria to cope easily.

56 So the communication strategies that will be used to create awareness include ; the mass media (newspapers, magazines, radio, television among others), indigenous media, interpersonal communication, hand bills, bill boards, social media, workshops, seminars, conferences and symposia. • Mass media : The mass media are veritable conveyor belt of information to the people which use technology to reach their scattered audience simultaneously (Nsude, 2009). They include broadcast media (radio and television), print media (magazines, newspapers and books). Through their various programmes such as phone in programmes, discussions interviews, features, opinion columns, the mass media can create awareness on the need to deploy robots in Nigeria. • Indigenous media : Meaningful development plans and programs in Africa, Nigeria inclusive should be designed such that they will have their greatest beneficial impact in rural areas providing for “neglected majority of rural Africans to improve their lives through their own efforts, Opubor (1985 as cited in Nwosu & Nsude, 2017). Indigenous Media include ; town crier, market square, visits, church, village squares, metal gongs and wooden gongs. These media of communication if applied to the rural areas using local dialects will actually create awareness on the need for robots in Nigeria. • Interpersonal communication : This includes face to face communication between two people, dyadic communication when a small group is involved and macro group communication can create meaningful awareness among Nigerians on the need for robotics in Nigeria. • Hand bills, Bill boards and social media : Snappy and captivating messages on the need for robots can be placed on hand bills, bill boards and social media. • Workshops, Seminars, Conferences and Symposia : These can also contribute to awareness creation on the need for robotics in Nigeria. Proceedings from such gathering are supposed to be published in both local, national and international journals and books. All these communication strategies should be clear, short, simple and persuasive in other to make great impact.

Conclusion and Recommendations

57 The reviewed literature revealed that there is great need for the deployment of robots in Nigeria because of their numerous benefits. Some of these benefits include, skills such as strength precision and sensing which surpass those of humans and could lead to high productivity, thereby facilitating Economic Growth and National Development.

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58 However, the challenges of the new technology were x-rayed in this paper and the main challenge according to some scholars will be unemployment. The position of this paper is that new jobs will be created citing the case of ATM which created new jobs for bankers instead of leading to unemployment. Emphasis was laid on human-robot partnership for high efficiency because there are jobs that robots cannot do.

59 Areas where robots can be deployed in Nigeria include : agriculture, security, medical procedure, mining and oil sectors, entertainment, surveillance, among others. The paper was based on the premise that “invention or technology not reported does not exist” hence the importance of awareness creation among Nigeri ans on the need for the deployment of robots.

60 In order to reach Nigerians, the author adopted integrated communication approach which include : the Mass Media, Indigenous Media, Interpersonal Communication, Hand Bills and Bill boards, Workshops, Seminars, conferences, symposia and social media.

As a result of this conclusion, the study suggest as follows ;

• The government should establish Federal Agency for robots and robotics that will be situated in Abuja with branch offices in different zones of Nigeria. These zones will monitor the awareness creation among Nigerians by giving important information about robots and robotics using different communication strategies such as ; the mass media (newspapers, magazines, radio, television among others), indigenous media, interpersonal communication, hand bills, bill boards, social media, workshops, seminars, conferences and symposia. The commission will be expected to oversee the smooth running of robots’ deployment, maintenance and subsequently design. • The educational planners should incorporate robots and robotics into the curriculum and emphasis should be laid on creative and relevant educational programmes. So the educational system should be re-designed. Such programme should start early in the child’s life so that students in our higher institutions can manufacture their own robots thereby contributing to economic growth. Emphasis should be laid on critical thinking among the students. Examples include how students in the University of Moratuwa were encouraged to develop a novel metal detector based on very low frequency (VLF) transmission with additional capacity to classify different types of alloys. Also, it is on record now that a 26- year old Nigeria is the highest paid robotic engineer in the whole world presently. Recently some students in a local secondary school in Ebonyi State of Nigeria constructed surveillance drones because their physics teacher challenged them to think critically in line with the present day technological age. Government should also establish faculty of artificial intelligence (AI) at all levels of education. • Every owner should pay tax to the government for the needed Internally Generated Revenue (IGR). Since productivity will be very high, there is need to create social amenities and for all people regardless of job status (Fish, 2017), to make life comfortable for the masses particularly those who will be displaced by robots. • There is need to enter industrialization or automation processes along traditional lines that is human-robot partnership at this teething stage in Nigeria, hence there is need for awareness creation on the need for robots and robotics.

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ABSTRACTS

In this era of industrialization, a lot has been accomplished by robots particularly in developed countries to improve the nations’ economies. The six major areas of robotics which are expected to make major economic impact and contribute to national development include : drones, artificial assistants, driverless cars, medical procedures, operations, prosthetics, and exoskeleton. Most robots increase productivity, improve workers’ safety and make work more comfortable. Furthermore, robots help humans with odd jobs that are dangerous. It is expected therefore that deployment of robots can lead to economic growth and national development in Nigeria. This is a position paper that will enlighten Nigeria as a nation on the need for robots which will serve as a remedy for resuscitating her dwindling economy. The study was anchored on two theories namely : Technological Determinism and Social Construction of Technology Theories. The related literature was reviewed and the paper discussed and analysed succinctly. Appropriate communication strategies to create awareness among Nigerians were postulated. It is revealed that the benefits of robots outweigh the challenges thus the need for the deployment of robots in Nigeria. Four recommendations were made, one of which is that the government should establish Federal Agency for robots and robotics in Nigeria to create awareness, monitor and oversee the smooth running of deployment of robots.

En cette ère d'industrialisation, beaucoup a été accompli par les robots, en particulier dans les pays développés, pour améliorer l'économie des nations. Les six principaux domaines de la robotique qui devraient avoir un impact économique majeur et contribuer au développement national sont les suivants : les drones, les assistants artificiels, les voitures sans conducteur, les procédures médicales, les opérations, les prothèses et les exosquelettes. La plupart des robots augmentent la productivité, améliorent la sécurité des travailleurs et rendent le travail plus confortable. En outre, les robots aident les humains à effectuer des petits travaux dangereux. On s'attend donc à ce que le déploiement de robots puisse conduire à la croissance économique et au développement national au Nigeria. Cette prise de position éclairera le Nigéria en tant que nation sur le besoin de robots qui serviront de remède pour ressusciter son économie en déclin. L'étude s'appuie sur deux théories, à savoir le déterminisme technologique et la construction sociale des

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théories technologiques. La littérature correspondante a été passée en revue et le document a été discuté et analysé de manière succincte. Des stratégies de communication appropriées pour sensibiliser les Nigérians ont été proposées. Il s'avère que les avantages des robots l'emportent sur les difficultés, d'où la nécessité de déployer des robots au Nigeria. Quatre recommandations ont été formulées, dont l'une est que le gouvernement devrait créer une agence fédérale pour les robots et la robotique au Nigeria afin de sensibiliser, de contrôler et de superviser le bon déroulement du déploiement des robots.

In dieser Ära der Industrialisierung haben Roboter vor allem in den entwickelten Ländern viel erreicht, um die Wirtschaft der Nationen zu verbessern. Zu den sechs Hauptbereichen der Robotik, die große wirtschaftliche Auswirkungen haben und zur nationalen Entwicklung beitragen dürften, gehören: Drohnen, künstliche Assistenten, fahrerlose Autos, medizinische Verfahren, Operationen, Prothesen und Exoskelett. Die meisten Roboter erhöhen die Produktivität, verbessern die Sicherheit der Arbeitnehmer und machen die Arbeit komfortabler. Darüber hinaus helfen Roboter Menschen bei Gelegenheitsarbeiten, die gefährlich sind. Es wird daher erwartet, dass der Einsatz von Robotern zu Wirtschaftswachstum und nationaler Entwicklung in Nigeria führen kann. Dies ist ein Positionspapier, das Nigeria als Nation über den Bedarf an Robotern aufklären wird, die als Heilmittel zur Wiederbelebung seiner schrumpfenden Wirtschaft dienen sollen. Die Studie basiert auf zwei Theorien, nämlich: Technologischer Determinismus und soziale Konstruktion von Technologietheorien. Die diesbezügliche Literatur wurde gesichtet und das Papier kurz und bündig diskutiert und analysiert. Geeignete Kommunikationsstrategien zur Bewusstseinsbildung unter den Nigerianern wurden postuliert. Es zeigt sich, dass die Vorteile von Robotern die Herausforderungen überwiegen und somit die Notwendigkeit des Einsatzes von Robotern in Nigeria. Es wurden vier Empfehlungen ausgesprochen, von denen eine lautet, dass die Regierung eine Bundesagentur für Roboter und Robotik in Nigeria einrichten sollte, um das Bewusstsein für den Einsatz von Robotern zu schärfen und den reibungslosen Ablauf zu überwachen und zu kontrollieren.

INDEX

Schlüsselwörter: Kommunikation, Roboter, Robotik, sich entwickelnde Wirtschaft, nationale Entwicklung Mots-clés: Communication, Robots, Robotique, Economie en développement, Développement national Keywords: Communicating, Robots, Robotics, Developing Economy, National Development

AUTHOR

IFEYINWA NSUDE DEPARTMENT OF MASS COMMUNICATION EBONYI STATE UNIVERSITY ABAKALIKI, NIGERIA PHONE: 07032861913 Email: [email protected]

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Nigerian Youths’ Exposure To Geospatial Data And Artificial Intelligence Technologies : Cultivation Theory And Perception of Social Relations Exposition des jeunes nigérians aux données géospatiales et aux technologies de l'intelligence artificielle : théorie de la culture et perception des relations sociales

Chidinma Henrietta Onwubere and Henry O. Osuji

Electronic version URL: http://journals.openedition.org/ctd/2617 DOI: 10.4000/ctd.2617 ISSN: 2491-1437

Publisher Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Printed version ISBN: 2491-1437

Electronic reference Chidinma Henrietta Onwubere and Henry O. Osuji, « Nigerian Youths’ Exposure To Geospatial Data And Artifcial Intelligence Technologies : Cultivation Theory And Perception of Social Relations », Communication, technologies et développement [Online], 8 | 2020, Online since 30 June 2020, connection on 20 July 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/2617 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/ctd.2617

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Communication, technologies et développement Nigerian Youths’ Exposure To Geospatial Data And Artificial Intelligence Tech... 1

Nigerian Youths’ Exposure To Geospatial Data And Artificial Intelligence Technologies : Cultivation Theory And Perception of Social Relations Exposition des jeunes nigérians aux données géospatiales et aux technologies de l'intelligence artificielle : théorie de la culture et perception des relations sociales

Chidinma Henrietta Onwubere and Henry O. Osuji

1. INTRODUCTION

1 The mass media have a powerful influence in shaping our lives as we have to depend on them for information, advertisements and entertainment. The great breakthroughs in information and communication technology in the 21st century led to the proliferation of the new media which have facilitated the creation of the different platforms for social interaction with boundless potentials as regards interactions, interrelationships, and information sharing and exchange. Through the social media, Nigerian youths can create, access and disseminate any kind of information. Undoubtedly, their exposure to the messages accessed through geospatial data has some influence on their attitudes towards people around them since, according to George Gerbner’s Cultivation theory and Bandura’s Observational Learning theory, the youths cultivate attitudes likened to what they learn from the mass media. But the cultivated attitudes can impact both positively and negatively on people’s ideas. This study investigates the relationship between the exposure of Nigerian youths to Geospatial Data and Artificial Intelligence Technologies and their Perception of Social Relations.

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2. DEFINITIONS

2 Artificial Intelligence : the use of machines capable of engaging in human-like thought processes such as learning, reasoning, and self-correction to perform tasks that require human intelligence but without the presence of a human being. Fake News : violent message whose originator's aim is to mislead the receiver in order to create some disadvantage or some undue advantage for some people or entities. Geospatial Data : information with a geographic aspect attached to it, meaning that the records in the information have coordinates, an address, included with them. Perception : the process of making sense out of experience, process by which people select, organise and interpret information to have meaning to them. Social Media : a group of Internet-based applications that allow for the creation and exchange of user-generated content by using geospatial data and artificial intelligence technologies. Social Relations : social interactions between the different groups of people in the society.

3. AIM OF PAPER/OBJECTIVES

3 This study investigates the relationship between the exposure of Nigerian youths to Geospatial Data and Artificial Intelligence Technologies (GDAIT) and their perception of social relations. Specifically, the paper tried to : - Identify the level of exposure of Nigerian youths to GDAIT - Determine their perception of social relations - Establish the relationship between the youth’s consumption of messages from GDAIT and their perception of social relations - Investigate the relationship between the youth’s demographic variables (age, gender, socio-economic background) and their exposure to GDAIT on the one hand, and their perception of social relations on the other hand.

4. RESEARCH QUESTIONS

4 1. To what extent are Nigerian youths exposed to GDAIT and what is the level or intensity of their exposure to violent messages on social media ? 2. How does the exposure of Nigerian youths to GDAIT (especially social media) affect their perception of social relation ? 3. How do Nigerian youths exposed to GDAIT perceive social relations ? Is it as human, personal and warm relationship, or as impersonal, electronic, distant relationship devoid of sensitivity or emotion? 4. Is there any relationship between Nigerian youths’ demographic variables (age, gender and socio-economic background) and their exposure to GDAIT on the one hand ; and their perception of social relations on the other hand.

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5. THEORETICAL FRAMEWORKS

5 The relevant mass communication theories are the Cultivation Theory, Observational Learning Theory, Uses and Gratification Theory, Perception Theory and the Technological Determinism Theory. But the topic focuses on Cultivation Theory.

George Gerbner’s cultivation theory

6 This theory considers how the excessive exposure to the media, especially through the television and other interactive media subtly shapes the users’ views of the world and social reality. It posits that viewers learn “facts about the real world through observing the world of television.” The viewer automatically stores memory traces got from the TV and later uses the stored information to formulate beliefs about the real world. The concrete base behind this cultivation theory is that the more viewers watch TV, the more their faith in the TV version of reality. (Gerbner, G & Gross L, 1976).

6. METHOD OF STUDY

7 The survey research design was adopted. The population of study was undergraduates of Nigerian Universities. Sample was drawn from undergraduates of the National Open University of Nigeria (NOUN), a mega University in the Federal Capital Territory of Nigeria, because, first, the University is the largest in the country, with study centres all over the federation, and has a wide range of students presumed to be familiar with the tools of communication and the different social networks. Secondly, the researchers have access to all students’ registration documents that enabled scientific selection of respondents. Through online SurveyMonkey platform, copies of questionnaires were distributed to 200 respondents using a simple random method. However, only 130 responses were received for analysis.

7. PRESENTATION OF SURVEY, DATA ANALYSIS AND INTERPRETATION

8 The survey questionnaire comprising 20 questions was designed to provide answers to the 4 main research questions which we further fragmented and expanded into 8 questions so as to obtain more detailed answers. Hence, for every research question, one or more corresponding survey questions were asked such that the survey responses will reinforce each other to make the answers to the research questions very reliable.

Research question 1

9 “To what extent are Nigerian youths exposed to Geospatial Data and Artificial Intelligence Technologies (GDAIT) and what is the level or intensity of their exposure to violent messages on social media ? ”

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Data analysis

10 From the 7 corresponding survey questions (4, 5, 6, 7, 8, 9,13), these results were obtained: i. 99.2%, that is, 125 of 126 respondents use their own smartphones ii. The 3 activities most performed with their smartphone are information sourcing/ news cast 90.6% (116 of 128), educational programmes/tips 75.8% (97), message delivery 75% most performed with their smartphone are information sourcing/news cast 90.6% (116 of 128), educational programmes/tips 75.8% (97), message delivery 75% (90) iii. 68.8% (88 of 128 ) use their smartphones 7 days a week iv. 43.3% (55 of 127) spend 4 or more hours in performing their activities on their smartphone v. The sources of activities performed with smartphone are mainly Whatsapp 79.4% (100 of 126), Internet 70.6% (89), Facebook 62.7% (79) vi. 74.6% (94 of 126) perform activities from programmes originating from both local and foreign sources

11 vii. 61.2% (74 of 121) pay attention to violent acts and violent verbal exchanges contained in the programmes they subscribe to.

Data interpretation & answer to research question 1

12 Given the fact that practically all respondents have permanent access to a smartphone which majority of them use everyday for at least 4 hours for about half of respondents, mainly for information sourcing/news cast, educational programmes/tips and message delivery especially on Whatsapp, Internet and Facebook, from local and foreign sources, it is clear that Nigerian youths are fully exposed to GDAIT and at high intensity, Whatsapp and Facebook being the greatest providers of information traffic on internet.

Research question 2

13 “How does the exposure of Nigerian youths to GDAIT (especially social media) affect their perception of social relations ?”

Data analysis

14 From the 7 corresponding survey questions (11, 12, 14, 15, 16, 18 19), these results were obtained: i. 53.2% (67 of 126) agree that some of the programmes they subscribe to contain violent acts and violent verbal exchanges ii. 88.9% (112 of 126) perceive that members of the society are always fighting over one thing or the other iii. 69.1% (87 of 126) disagree that people around them do not quarrel with one another; in other words, they perceive that people around them quarrel with one another iv. 73% (92 of 126) agree that people in their community say negative things about one another v. 96.8% (122 of 126) agree that their access to social media programmes make them more conscious of how people in the society and organisations relate with each other

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vi. 84.1% (106 of 126) agree that their experience of social media programmes contributes to the way they relate socially with people or organisations (more cautious and apprehensive; bolder or more aggressive; freer or less constrained because of anonymity and safe physical distance between them and the people, etc).

Data interpretation & answer to research question 2

15 The fact that over half of respondents acknowledge that they notice violent acts and violent verbal exchanges in their social media programmes, that people around them always fight over one thing or the other and quarrel with one another, that people in their community say negative things about one another, that their access to social media programmes makes them more conscious of how people in the society and organisations relate with each other, that their experience of social media programmes contributes to the way they relate socially with people or organisations, makes us confirm logically that intensive exposure of Nigerian youths to GDAIT makes them more alert to violent acts and violent verbal exchanges and compels them to durably face social media violence, a situation which George Gerbner’s cultivation theory predicts will prompt these youths to ultimately accept such manifestations of social media violence as being normal and the contents of the messages so true as to reproduce them, for example, fake news.

Research question 3

16 “How do Nigerian youths exposed to GDAIT perceive social relations ? Is it as human, personal and warm relationship, or as impersonal, electronic, distant relationship devoid of sensitivity or emotion ?”

Data analysis

17 From the 7 corresponding survey questions (11, 12, 14, 15, 16, 17, 18), these results were obtained: i. 53.2% (67 of 126) agree that some of the programmes they subscribe to contain violent acts and violent verbal exchanges ii. 88.9% (112 of 126) perceive that members of the society are always fighting over one thing or the other iii. 69.1% (87 of 126) disagree that people around them do not quarrel with one another; in other words, they perceive that people around them quarrel with one another iv. 73% (92 of 126) agree that people in their community say negative things about one another v. 50.8% (64 of 126) agree that members of their family disagree with one another most times vi. 96.8% (122 of 126) agree that their access to social media programmes makes them more conscious of how people in the society and organisations relate with each other.

Data interpretation & answer to research question 3

18 We may safely affirm that Nigerian youths exposed to GDAIT perceive social relations as somewhat inhuman, impersonal, cold, electronic and as distant relationship devoid of sensitivity or emotion for the following reasons which emerged from the survey data

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: - majority of respondents witnessed unfriendly social relations on social media - bad news and gossips sell better as news, so, they are the information mostly shared on social media platforms - geographical distance separating interlocutors and hiding under anonymity protect them from violent physical response to social media aggression - youths’ preference for text messaging rather than voice calls because of their ease and speed of communicating by text message on smartphone, as against older Nigerians who cherish direct personal and warm voice calls to relatives and friends - on smartphone, the forward to function key used by social media as strategy to communicate fast and wide discourages personal input to information received before sharing it, making social relations rather cold and mere distant electronic communication - ease and efficiency of mobilising and rallying people for political or social activism, using social media applications - ease and success of using social media platforms for online petitioning and opinion surveys boost the instrumentalisation or weaponisation of social relations at the expense of sincere human contact without which almost no socialisation was feasible before the advent of GDAIT.

Research question 4

19 “Do youths exposed to GDAIT perceive social relations positively or negatively?”

Data analysis

20 From the 6 corresponding survey questions (11, 12, 14, 15, 16, 17), these results were obtained : i. 53.2% (67 of 126) agree that some of the programmes they subscribe to contain violent acts and violent verbal exchanges ii. 88.9% (112 of 126) perceive that members of the society are always fighting over one thing or the other iii. 69.1% (87 of 126) disagree that people around them do not quarrel with one another; in other words, they perceive that people around them quarrel with one another iv. 73% (92 of 126) agree that people in their community say negative things about one another v. 50.8% (64 of 126) agree that members of their family disagree with one another most times.

Data interpretation & answer to research question 4

21 The total concordance among survey results which in majority present social relations on social media as negative shows that youths exposed to GDAIT perceive social relations negatively.

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Research question 5

22 “Do Nigerian youths exposed to GDAIT feel induced by perceived manifestations of social media-based violence to act or behave in similar ways more than those who are not exposed to the social media ?”

Data analysis

23 From the unique corresponding survey question 19, this result was obtained: 84.1% (106 of 126) agree that their experience of social media programmes contributes to the way they relate socially with people or organisations (more cautious and apprehensive; bolder or more aggressive; freer or less constrained because of anonymity and safe physical distance between them and the people, etc).

Data interpretation & answer to research question 5

24 The high score for the answer to the unique and direct research question makes it unambiguous that Nigerian youths exposed to GDAIT feel that they are induced by perceived manifestations of social media-based violence to act or behave in similar ways more than those who are not exposed to social media. This result supports George Gerbner’s Cultivation theory and Bandura’s Observational Learning theory which, simply put, state that youths cultivate attitudes likened to what they learn from the mass media – viewers learn and imbibe certain behaviours by observing and copying people from the mass media.

Research question 6

25 “Is there any relationship between youths’ demographic variables (age, gender, socio- economic background) on the one hand ; and exposure to social media-based violence and their perception of social relations on the other hand ?”

Data analysis

26 From the 6 corresponding survey questions (1, 2, 3, 6, 7, 20), these results were obtained: i. 94.4% (119 of 120) are aged 20 years and above ii. 54.8% (68 of 124) are male, 45.2% (56) female iii. 69.4% (79 of 114) are 400 level or 500 level undergraduates iv. 68.8% (88 of 128) use their smartphones 7 days a week v. 43.3% (55 of 127) spend 4 or more hours in performing their activities on their smartphone vi. The type of apartment mostly occupied by respondents are self-contained room 27.6% (35 of 127), 3-bedroom flat 23.6% (30), 2-bedroom flat 18.1% (23).

Data interpretation & answer to research question 6

27 Judging by the responses, the demographic profile of youths who are exposed to social media-based violence with the exposure affecting their perception of social relations is: mostly a 4th or 5th year male undergraduate aged 20 years and above, who has a

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smartphone and uses it for at least 4 hours daily, 7 days a week. This typology is also valid for the female gender which scored 45.2% in the classification by gender. The type of apartment occupied has no palpable incidence on the profile. This profiling can help governments and social workers to control and manage political and social activism in order to prevent any social disorder triggerable by fake news.

Research question 7

28 “Does exposure of Nigerian youths to social media-based violence make them cultivate cautious or offensive attitudes while relating with people and organisations ?”

Data analysis

29 From the 3 corresponding survey questions (13, 18, 19), these results were obtained: i. 61.2% (74 of 121) pay attention to violent acts and violent verbal exchanges contained in the programmes they subscribe to ii. 96.8% (122 of 126) agree that their access to social media programmes makes them more conscious of how people in the society and organisations relate with each other iii. 84.1% (106 of 126) agree that their experience of social media programmes contributes to the way they relate socially with people or organisations (more cautious and apprehensive; bolder or more aggressive; freer or less constrained because of anonymity and safe physical distance between them and the people, etc).

Data interpretation & answer to research question 7

30 The survey questions were to determine how alert respondents are to their exposure to social media-based violence and if or not this alertness makes them cultivate cautious or offensive attitudes while relating with people and organisations. The responses are direct and corroboratively provide the unequivocal answer that Nigerian youths are conscious of and alert to social media-based violence and this makes them cultivate cautious or offensive attitudes while relating with people and organisations.

Research question 8

31 “Does exposure of Nigerian youths to GDAIT affect their judgement or assessment of the possibility or the veracity of certain events and human actions ?”

Data analysis

32 From the 4 corresponding survey questions (5, 8, 10, 18), these results were obtained: i. The 3 most performed activities with their smartphone are information sourcing/ news cast 90.6% (116 of 128), educational programmes/tips 75.8% (97), message delivery 75% (90) ii. The sources of activities performed with smartphone are mainly Whatsapp 79.4% (100 of 126), Internet 70.6% (89), Facebook 62.7% (79) iii. 74.4% (93 of 125) try to verify the source of the messages and programmes they receive from social media or online applications

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iv. 96.8% (122 of 126) agree that their access to social media programmes makes them more conscious of how people in the society and organisations relate with each other.

Data interpretation & answer to research question 8

33 Whatsapp, Internet and Facebook constitute almost the exclusive platforms on which a crushing majority of respondents perform social media activities with information sourcing/news cast, educational programmes/tips and message delivery topping the list of activities. With 74.4% of them stating that they try to verify the source of messages received, it means the youths often ensure they are on Whatsapp, Internet or Facebook which unforunately are the greatest carriers and propagators of fake news known to be consciously prepared and spread by the originator with the intention of influencing the judgement of the receivers of the information. It follows then that the exposure of Nigerian youths to GDAIT affects their judgement or their assessment of the possibility or the veracity of certain events and human actions, especially as these half-baked youths in terms of technology come as well from a small infrastructure country like Nigeria often naively attribute infinite powers and possibilities to GDAIT which still remain mysterious to them!

8. DISCUSSION OF FINDINGS : Consequencies of GDAIT for Small Infrastructure Countries like Nigeria

34 Survey data analysed revealed that GDAIT has incidence on small infrastructure countries like Nigeria. This concerns the socio-cultural, political and economic consequencies of the exposure of Nigerian youths to GDAIT, having in mind that Nigeria as a small infrastructure country, lacks effective means to curb or control the negative influences of these technologies on her people and society.

35 Electronic media contents developed with geospatial data and artificial intelligence (text, photo, audio, video and programmes) are accessed and disseminated by youths through social media and online applications such as Facebook, Whatsapp, Instagram, Twitter, YouTube, Imo, Mobile TV. These platforms unwittingly propagate fake news, hate speeches, audiovisual manipulations and falsifications aimed at building conspirational theories or skewed points of view which may promote insurgency, ethno-religious and personal hatred, political propaganda and radicalism leading to terrorism and other forms of gratuitous violent acts and aggressions. Several authors have identified Social Media as the “Oxygen” for Radicalisation. Confirming this view, Lemack and Hall (2013) consider the Internet as the single most important and dangerous innovation since the terrorist attacks of September 11, 2001.

36 Considering that a Nigerian in Poland stole his identity, that Nigeria was less than 2 months from her General Elections with the inherent political effervescence, and the low literacy/educational level of the population, Professor Wole Soyinka, Nigerian, and Nobel Prize laureate in Literature, on a Channels TV forum for checking fake news in Nigeria reported on 10th January 2019, warned that "fake news is extremely dangerous and if we are not careful, World War III will be started by fake news and that fake news will probably be generated by a Nigerian!" (https:// www.youtube.com/watch?v=AC0EhHrKqJg). This underscores the gravity and ubiquity of fake news phenomenon in countries that lack the necessary infrastructure to curb

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the negative outcomes of GDAIT. Nigeria's experience is critical and pathetic because up to less than 3 months before the Feb 16, 2019 presidential election, political opponents were still exploiting Nigerians' technological naivety and the unfounded power and possibilities they arrogated to hologramme technology, to spread fake news about Nigeria's president Muhammadu Buhari being dead from protracted illness and his political party replacing him in official functions, through a cloning technology, with a certain Jibril from Sudan! After months of neglecting "the joke", the recontesting president was forced by the rising and menacing belief in this fake news by the population, to personally debunk it on TV camera on 2nd December 2018 while in Poland for the COP24 Conference.

37 Character damage, online harassments and false promotions of persons and businesses are on the rise and can hardly be controlled by the developers of the applications and platforms through which these toxic media contents are spread, leading to loss of credibility, reliability and authority vis-à-vis conscientious stakeholders of the journalism profession, especially as the fake news phenomenon has revealed that receivers of media content merely share the messages without verifying their genuineness or probity.

38 The massive deployment of technologies that use the big data and algorithms, coupled with the unrestrained access to mobile and semi-mobile internet-connected devices magnifies the social and professional impacts of these emerging practices in technologies and communication for development. Parental supervision of youths becomes drastically limited due to the use of portable online devices which youths carry and use in secluded areas. So, they are more unrestrictedly exposed to the consumption and spreading of electronic media violence. With recent developments in geospatial data and artificial intelligence, it is possible to profile and target specific population groups, develop specific and ephemeral messages that will lure youths into certain delinquent behaviours without the knowledge of parents, neighbours, or relatives and without leaving trace of what transpired, the message sent or the sender of the message (cf Cambridge Analytics' manupulatory implication in the USA 2016 presidential election).

39 The study indicates that Nigerian youths use GDAIT voraciously in almost all their lives activities. Since these emerging technologies have eliminated the financial, spatial and temporal (time) barriers formerly existing between the acquisition of print and electronic media, the nature and content of what is consumed and spread as external information have radically changed and escalated. Consequently, there is upsurge of youthful exuberances, as youths can easily publish and widely express themselves positively or negatively through these electronic media, unfettered by the financial and editing constraints hitherto imposed on writers and producers who use the conventional publishing companies and channels. With today's information communication technologies using geospatial data and artificial intelligence, audios, videos, photos and texts can be produced, updated and uploaded to the internet for mass consumption in record time. This increases the pace and contents of gainful developments in diverse sectors of human activity. Conversely however, these laudable technologies also permit the pollution of minds and disruption of social relations in record time because social media has expanded public reach and has thus become a tremendous outreach tool that can widely disseminate any issue of public concern and give it an unprecedented level of broadcast. Scholars have confirmed that a lot of

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violence is incorporated into circulated mass media messages and programmes (Singer & Singer 2001). As Sylwester (2001) and Demnievska (2018) rightly observed, the computer age has revolutionalised the mass media and this is a kind of cultural revolution amongst the youths.

9. CONCLUSION AND RECOMMENDATIONS

40 GDAIT contribute positively and negatively to development in diverse sectors of human activity. In small infrastructure countries with little or no suitable means to fight the bad influence, the latter appears to defeat the joys brought by the good influence. Since we cannot arrest progress, we recommend the following measures to temper the negative influence : • Students in tertiary education are the future leaders, and over 65% of the voting population in Nigeria are youths who are often inadvertent victims of subtle manipulations through fake news in all its ramifications. So, to secure Nigerias's future, it is imperative to continue to evolve more effective ways to fight fake news to the barest minimum as it is the main culprit in the disadvantages of GDAIT. Culprits caught should be punished decisively to deter would-be culprits. • Use of information and communication technology should be taught at all levels of education so that Nigerians can develop critical minds to distinguish what GDAIT can and cannot do. • Mainstream media houses and agencies should continue to establish platforms to check fake news emanating from social media. • The law courts must enforce existing laws to punish the various forms of fake news and impersonation while legislators should pass more effective bills aiming to dissuade fake news or disinformation

BIBLIOGRAPHY

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AUTHORS

CHIDINMA HENRIETTA ONWUBERE National Open University of Nigeria, Abuja Emails : [email protected] ; [email protected] Phone Nos : +2348023014372 ; +2348164071945

HENRY O. OSUJI Hydroceutical Research, FNIEB Hydroceuticals, 35200 Rennes, France. Email : [email protected] Phone No : +33 670 230 025

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Surveillance collaborative de l’assainissement urbain pour une gestion durable Collaborative monitoring of urban sanitation for sustainable management Monitoramento colaborativo do saneamento urbano para uma gestão sustentável

Abdessalam HIJAB, Hafida BOULEKBACHE et Eric HENRY

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/2796 DOI : 10.4000/ctd.2796 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Abdessalam HIJAB, Hafda BOULEKBACHE et Eric HENRY, « Surveillance collaborative de l’assainissement urbain pour une gestion durable », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http:// journals.openedition.org/ctd/2796 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.2796

Ce document a été généré automatiquement le 20 juillet 2020.

Communication, technologies et développement Surveillance collaborative de l’assainissement urbain pour une gestion durable 1

Surveillance collaborative de l’assainissement urbain pour une gestion durable Collaborative monitoring of urban sanitation for sustainable management Monitoramento colaborativo do saneamento urbano para uma gestão sustentável

Abdessalam HIJAB, Hafida BOULEKBACHE et Eric HENRY

Contexte et problématique

1 Jusqu’à aujourd’hui, dans les pays en développement ou émergents, la gestion de l’assainissement liquide (eaux usées et pluviales) et solide (déchets de jardinage et de nourriture, déchets de construction et de démolition, déchets industriels, déchets miniers, boues, sacs en plastique, verres, métaux, déchets sanitaires, papiers, vieux vêtements et vieux meubles, etc), est encore loin d’être optimisée.

2 L’assainissement liquide est constitué d’un ensemble de canalisations, de tuyaux et d’ouvrages reliés entre eux pour assurer toutes les opérations de collecte jusqu’au traitement et le rejet. L’ensemble de ces opérations nécessite une bonne maîtrise et connaissance de données multi sources, multi échelles et multi acteurs. L’assainissement solide, en particulier la collecte des déchets ménagers en milieu urbain, oblige les gestionnaires à maintenir des investissements techniques et humains importants.

3 En cas de dysfonctionnement, l’impact sur l’environnement est rapidement perceptible et la qualité du cadre de vie s’en ressent.

4 Plusieurs facteurs conduisent à une difficulté de gestion : en premier lieu, la métropolisation des villes avec ses conséquences dans les domaines de l’habitat, de la santé, de l’environnement, de l’éducation, et, en deuxième lieu, le nombre important de déchèteries et de systèmes d’évacuations des eaux.

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5 La volonté d’améliorer la gestion de l’assainissement par une meilleure surveillance des événements liés à un dysfonctionnement se heurte à des coûts difficilement maîtrisables et à des résultats pas toujours à la hauteur des attentes.

6 Se pose alors la question du développement de solutions différentes, complémentaires de l’existant, afin d’améliorer la gestion de l’assainissement tout en minimisant les coûts de prise en charge. L’idée d’une prise en charge partagée de la surveillance de l’assainissement, en incitant la remontée d’information par l’habitant, est à explorer. Pour les déchets solides, l’intérêt d’une surveillance de l’assainissement, au plus tôt, au plus près et mieux répartie devrait œuvrer aussi pour une meilleure protection de l’environnement.

7 De nos jours, la transformation des villes en smart cités offre la mise à disposition constante et rapide de données numériques de toute sorte : multimédias (images, vidéos, schémas...), attributaires (dialogues, textes, chiffres…) et géographiques (cartes, localisations, dessins, plans...). Les derniers développements au niveau des TICs et des SIG ont des conséquences sur le développement psychologique, moral et social des personnes, la structure et le fonctionnement des sociétés, les échanges culturels et la perception des valeurs et des convictions (Douay, 2014 : 228).

8 Depuis 2008, le Conseil de l’Europe promeut l’utilisation des NTIC1 pour améliorer la participation des citoyens à la vie de leur collectivité et permettre un dialogue renforcé sur le devenir de leur environnement et de leur cité (Douay, 2014). Par ailleurs, les innovations technologiques en termes d’outils (applications sur Smartphone, réseaux sociaux, site contributif sur wiki, etc.) permettent d’envisager différentes participations et collaborations (Douay, 2011 : 228 ; Bailleul, 2008 ; Bailleul et Gibon, 2013 : 41). Historiquement, (Healey, 1997 ; Bacqué et Gauthier, 2011 : 43 ; Douay, 2014) ont confirmé que l’approche collaborative de planification constitue une dénonciation du modèle traditionnel de planification qui émerge dans la ligne des mouvements sociaux et s’inscrit dans l’avènement d’un plus grand pluralisme dans la société qui s’ouvre sur de nouveaux acteurs.

9 Goodchild (2007 : 9) a montré également que le citoyen peut être un producteur important d’informations géographiques, et d’autres études pendant la même année de (Kingston et al, 2007 : 17) ont montré également que le public est devenu très à l’aise avec l’information géolocalisée et les outils de participation électronique, comme les téléphones intelligents et les tablettes.

10 Dans ce contexte, il existe plusieurs approches et applications proposées par des chercheurs :

11 -En 2013, Palskya a proposé une carte participative afin de faire dialoguer des savoirs experts et des savoirs habitants, en utilisant une technique de questionnement et d’entretien destinée à faire émerger des connaissances ou des ressentis à propos des territoires.

12 -La plateforme, Voilà2 !portail mobile et web développé en partenariat avec la ville de l’Ancienne-Lorette au Canada, a pour but de faciliter la communication entre les citadins et la ville (intelligente). Un problème non urgent peut être signalé par soumission d’un rapport en ligne, afin d’impliquer les citoyens dans la résolution de problèmes sur leur territoire. Mais cette application ne permet pas de partager l’information géolocalisée sur les réseaux sociaux. Installée sur un Smartphone, elle engendre par ailleurs une consommation de mémoire non négligeable.

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13 -Parmi les exemples les plus connus, WikiMapia3 est un projet de cartographie participative en ligne, lancé en 2006 par deux informaticiens russes et basé sur l’imagerie satellite de Google et les cartes topographiques. Sur les cartes collaboratives générées, chaque visiteur peut ajouter un lieu en le délimitant par un polygone, puis l’annoter, c’est-à-dire lui associer un titre et un texte descriptif ou un lien, etc. En 2010, plus de 13 millions de lieux étaient identifiés à travers le monde (Palsky, 2010 : 51). Ce modèle illustre parfaitement le mode participatif de la production des données cartographiques par le public, lequel s’appuie en général sur une plateforme technologique et des processus spatiaux itératifs. Même si WikiMapia est un site web qui contient une base d’informations cartographiques étendue, il ne permet pas d’intégrer les données multimédias.

14 A la lumière de ces travaux de recherche et exemples d’application qui touchent essentiellement aux domaines des TICs, des SIG et des approches dialoguistes participatives, nous avons souhaité proposer une approche qui repose sur l’hypothèse selon laquelle l’association des outils TICs aux SIG favorise l’implication de la population pour une meilleure surveillance des infrastructures de l’assainissement urbain, aspect essentiel de sa bonne gestion.

15 Avant de détailler l’approche que nous avons élaborée, nous faisons un point sur l’usage des TICs et des SIG sur lesquels nous avons porté notre intérêt.

Le développement des technologies numériques et des SIG

Les TICs : Technologies numériques pour l’échange d’informations

16 Les TICs sont des technologies numériques utilisées dans le traitement et la transmission de l’information, par des supports de plus en plus innovants et mobiles. Cette information joue désormais un rôle crucial dans le fonctionnement des organisations, qu’elles soient publiques, privées ou associatives (Vidal et Desbordes, 2006 : 7). En 2003, l’OCDE4 a regroupé les TICs en trois familles : l’informatique, les télécommunications et l’électronique.

17 Au cours des dernières années, les technologies numériques sont devenues très puissantes et de plus en plus accessibles par toutes les classes sociales, et à tous les niveaux de notre vie quotidienne, notamment Internet. Reprenons les chiffres d’un article5 de presse, publié le 7 janvier 2016, sur l’utilisation abondante d’Internet : sur 7,357 milliards de personnes dans le monde, on dénombre 3,715 milliards d’internautes, surtout des jeunes entre 18 et 24 ans, dont le nombre d’utilisateurs représente environ 50,50 % de la population mondiale. Selon Hulime (2009), Internet fait partie intégrante de la vie quotidienne des jeunes. Également plusieurs travaux portant sur l’usage d’Internet soulignent que la consultation des réseaux socionumériques constitue l’activité principale des utilisateurs (Madden et Zickuhr, 2011 ; Salem et al, 2014).

18 Ces technologies ont permis aux internautes de produire leurs propres représentations de l’événement et de ses acteurs, de développer, de partager l’information et des cadres interprétatifs de la mobilisation. Les webcams des Smartphones et des tablettes rendent possibles l’enregistrement de vidéos, la prise de photos et la diffusion en ligne

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et en temps réel, par les citoyens, via le numérique et les réseaux sociaux (Dymytrova, 2015 : 46).

19 Dans un monde de plus en plus numérique, l'usage des TICs devient très important. En effet, les technologies comme Internet, en particulier, favorisent l’acquisition, la transformation et l’échange de l’information, et permettent aux différents utilisateurs d’interagir et de coopérer entre eux. Elles sont considérées comme une chance de dialoguer et de s’exprimer librement en temps réel. Ces technologies d’information peuvent également constituer un instrument solide de protection de valeur, en fournissant l’information qui aide les décideurs à prendre de meilleures décisions ou qui améliore le déroulement des processus. Elles permettent alors aux institutions d’augmenter leurs revenus ou de diminuer leurs coûts (Laudon et al, 2006).

20 Les TICs sont perçues comme des outils de lutte contre la distance et des vecteurs d’une uniformisation du monde (Bakis et al, 2010 : 77), idéaux pour mener une opération participative et tendre vers une codécision. Ces technologies se déploient à tous les niveaux de l'activité sociale, culturelle et économique des territoires et sont positionnées au cœur même de leur développement, dans la perspective de consolider le lien entre les citadins et les institutions. Grâce aux TICs, tous les échanges ainsi que tous les partages de connaissances entre les personnes sont devenus possibles sans grandes difficultés (Al Sahyouni Bou Fadel, 2014 : 61).

21 L’accès aux nouveaux outils informatiques et à l’information géographique permet aux citoyens d’exercer la démocratie d’une nouvelle façon. En effet, ils peuvent dorénavant participer aux décisions auparavant réservées aux gestionnaires (Pères, 2018 : 4 ; Mericskay et Roche, 2011).

Les technologies SIG et l’ère GéoWeb

22 Le SIG est un outil d’organisation et de modélisation d’un ensemble de données repérées dans l’espace, structurées de façon à pouvoir en extraire commodément des synthèses utiles à la décision (Didier, 1990). Il assure une meilleure gestion des bases de données à référence spatiale. Il est capable de gérer et de repérer parfaitement les données dans l’espace. Laurini et al (1993) et Longley et al (2005) caractérisent le SIG comme un outil répondant à la règle des 5A : il doit contenir des fonctionnalités d’abstraction, d’acquisition, d’archivage, d’analyse et d’affichage. L’information affichée résulte d’un objectif de synthèse, permettant à la fois la gestion des données (alphanumériques et spatiales) et la prise de décision.

23 Dans les premières apparitions, les SIG ont été dédiés aux techniciens et professionnels, non seulement en termes de domaines d’utilisation, mais également dans l’ergonomie et dans la conception même des logiciels et des modèles de données (Feyt, 2004).

24 La conversion des SIG classiques à la cartographie numérique en ligne « figure 1 » est largement sortie des carcans professionnels, en se démocratisant au sein des ordinateurs, des tablettes et des Smartphones, modifiant ainsi profondément nos manières de voir comme de représenter le monde et les dynamiques qui l’animent (Gale, 2013 ; Ratcliff, 2007 ; Mericskay, 2016 : 229).

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Figure 1 : Évolution de l’architecture des SIG (ESRI, 2015 ; Mericskay, 2016 : 331)

25 Le développement de la cartographie en ligne donne au public la possibilité de lire des cartes, les annoter et également d’améliorer les actions sur le réseau, en passant de la consultation à l’interaction, ouvrant ainsi l’espace à un nouveau concept d’information géographique volontaire, caractérisé surtout par la mise à jour, parfois instantanée, des contenus en ligne par les internautes (Mericskay et Roche, 2011 : 552 ; Pères, 2018 : 4 ).

26 Le GéoWeb6est une nouvelle technologie numérique adaptée à Internet, grand public, orientée vers la géo-visualisation de contenus et la production de cartes personnelles d’une manière rapide et simplifiée. En effet, il vient fondamentalement décloisonner les usages des données cartographiques en s’inscrivant au sein des modes opératoires du Web, par ses nouvelles propriétés d’intégration, de mélange et de diffusion (Mericskay, 2016 : 232). Ce type de cartographie intéresse un nombre croissant de chercheurs (géographes, agronomes, urbanistes, anthropologues, etc) et des consultants de différentes institutions (locales ou internationales), ayant pour objectif de faire participer les communautés locales à la représentation du lieu qu’elles habitent et d’en dégager les éléments utiles pour leur implication dans les actions territoriales. Le GéoWeb est reconnu comme un instrument qui facilite le dialogue d’une pluralité d’acteurs, pour leur permettre de conduire une négociation ayant pour objet commun le territoire habité par une communauté qui y a déposé au cours des années leurs propres valeurs et savoirs (Burini, 2008 : 1).

27 Grâce au développement important d’outils SIG libres, du Web Mapping (Mymaps Google, ArcGIS online7…), des TIC (Internet, Smartphones, Tablettes, réseau sociaux…) et du GPS, de nouvelles opportunités dans la diffusion plus large de l’information géolocalisée, s’offrent aux décideurs et aux citadins en favorisant un canal de communication, d’interactivité et de rapprochement entre eux dans plusieurs domaines, notamment l’assainissement urbain (secteur d’application de notre recherche).

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La Géo-CollaboraTIC, une approche au service de la surveillance de l’assainissement urbain pour une gestion durable

Objectif et schéma de principe

28 L’analyse des travaux de recherche, des usages et des retours d’expérience en lien avec l’utilisation par la population des TICs et des SIG a consolidé notre objectif d’élaborer une approche pour impliquer les habitants dans le processus de surveillance de l’assainissement liquide et solide, à l’aide de ces deux technologies.

29 L’intérêt des TICs est qu’elles sont omniprésentes dans la population et d’utilisation intuitive ; l’avantage des SIG est que leurs applications sont de plus en plus répandues et d’utilisation de plus en plus simplifiée et mobile. Le couplage de ces deux technologies et leur mise en œuvre sont à coûts modérés et rapidement fonctionnels.

Figure 2 : La Géo-CollaboraTIC au service de l’assainissement et de la protection de l’environnement

30 Nous avons rendu ce couplage fonctionnel en élaborant une approche que nous avons nommée « Géo-CollaboraTIC ». La « figure 2 » en donne une schématique.

31 Nous l’avons rendu opérationnel en développant une plateforme afin de répondre aux besoins du service d’assainissement d’un quartier de Casablanca. Dans les pages qui suivent, nous nous servirons de la problématique de ce cas d’étude pour expliquer l’approche Géo-CollaboraTIC et pour illustrer le processus d’association des TICs aux outils SIG d’une collectivité. Le cas d’étude fera l’objet d’une présentation plus précise un peu plus loin.

Les fonctionnalités de la Géo-CollaboraTIC

32 L’approche Géo-CollaboraTIC, telle que nous l’avons imaginée suit un processus en deux étapes, illustrées sur la « figure 3 » :

33 - la première est l’identification des problèmes observés par les habitants eux-mêmes par le biais d’un TIC. En faisant appel à la cartographie en ligne, affichable sur son appareil (SIG), l’habitant envoie un message d’alerte géolocalisée au service d’assainissement sous forme d’une photo, d’une vidéo, d’un texte descriptif ou les trois à la fois ;

34 - la deuxième étape est la transmission du message géolocalisé au gestionnaire de l’assainissement urbain et son traitement. Ce message qui contient une alerte8 est lu,

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archivé et traité par le service technique. Après la réception du message, l’analyse et la prise en charge du problème sur le terrain, une notification de remerciement est envoyée à l’envoyeur collaborateur.

Figure 3 : Descriptif de l’approche Géo-CollaboraTIC

35 Ainsi, le traitement de d’information entre les habitants collaborateurs et le service de gestion de l’assainissement urbain, se caractérise par deux types de communication selon la schématisation systémique de l’approche « figure 4 » :

36 - une communication externe consistant en un échange d’informations sous forme d’envoi de messages d’alertes renseignées et géolocalisées par les citoyens au gestionnaire et, en retour, d’envoi de notifications de bonne réception par le gestionnaire vers les habitants contributeurs ;

37 - une communication interne entre les acteurs internes du service de gestion (les agents de bureau et les agents de terrain), ce qui devrait se traduire par une intervention adaptée sur site.

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Figure 4 : Schématisation globale de la Géo-CollaboraTICet type de communication mise en œuvre

38 Le canal de communication entre le citoyen et le service de l’assainissement s’établit en utilisant les supports de la cartographie participative et de la géolocalisation en ligne des données.

Mise en œuvre d’une plateforme

39 Pour pouvoir implémenter l’approche Géo-CollaboraTIC, il a été nécessaire de mettre en œuvre une plateforme constituée de TICs et de SIG, interconnectés par le biais d’un lien généré par une application mobile GeoWeb dont la cartographie a été enrichie par la base de données géographiques de la collectivité. Le lien est fourni par la collectivité aux citadins par le biais d’un mail d’information ou à charger sur le site internet de la commune.

40 La plateforme a été baptisée « Géo-Protect-L ». Les TICs sont utilisées comme points d’entrée de l’information et comme moyens de saisie simples, intuitifs, opportunistes, bien répartis sur le territoire et principalement dans les lieux de passage. Le citadin va contribuer ainsi à une surveillance maillée des dysfonctionnements du système d’assainissement, par la remontée des problèmes palpables « figure 5 » et leur localisation précise dans le système de repérage du service d’assainissement, défini par le SIG créé et développé en son sein.

41 La TIC préférentielle choisie est de type Smartphone ou tablette connectée. Par le biais de l’application mobile, l’utilisateur peut saisir le problème à remonter parmi une liste à choix multiple, et indiquer l’information de géolocalisation.

Figure 5 : Signalisation des problèmes à l’aide des alertes géolocalisées envoyées par le citadin

42 Pour simplifier la saisie, la liste à choix multiple contient les informations de type : « présence de déchets », « débordement des égouts », « perte de tampon de regard », « fuites », « stagnation des eaux », « présence des mauvaises odeurs », etc.

43 La création de la plateforme Géo-Protect-L propre à la collectivité a nécessité d’ouvrir un compte de type Google Mymaps9 pour accéder à la cartographie en ligne de la localité, d’y insérer le tracé du schéma d’assainissement en format KMZ10, et enfin de le partager plus largement par un lien via les TICs retenues.

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44 L’application mobile Google Mymaps permet de créer et d’ajouter des dessins (points, lignes et formes), d’insérer des images, des photos, des vidéos et de les compléter par des informations descriptives, des suggestions, liées aux dysfonctionnements signalés. La possibilité d’enrichir l’information de base de l’application, de la traiter par le service gestionnaire et, surtout, d’en faire un feedback, valorisent l’implication du citoyen contributeur. Cela devrait l’encourager à poursuivre les échanges au bénéfice de la protection de l’environnement.

Application pour le service d’assainissement du quartier de Lamkansa

45 Nous avons expérimenté l’approche Géo-CollaboraTIC auprès du service d’assainissement du quartier Lamkansa « Figure 6 ». Il a été choisi comme quartier test car il est représentatif des problèmes d’état et de gestion de l’assainissement de nombreux quartiers.

Figure 6 : Vue spatiale du quartier Lamkansa

46 Le quartier Lamkansa se situe entre la longitude 7° 57’ Ouest et la latitude 33° 52’ Nord à Casablanca au Maroc, d'une superficie d'environ 300 ha, et sa population en 2014 est estimée par LYDEC11 à 32000. Dans ce quartier, le réseau d'assainissement existant présente des risques majeurs. À partir d’une vue satellitaire « Figure 3 » et d’un contrôle de terrain, on observe une occupation anarchique de l’espace urbain caractérisée par une insuffisance et une disparité spatiale des infrastructures et des problèmes d’assainissement liquide et solide. Dans (Hijab et al, 2018 ; Hijab et Boulekbache, 2018) nous donnons un aperçu de l’environnement dégradé du quartier.

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Vue a/ Alerte saisie et partagée par un habitant

Vue b/ Réception de l’alerte et traitement du problème au sein du service assainissement

Figure 7 : Vues d’écran de la plateforme Géo-Protect-L sur MyMaps-Google «quartier Lamkansa»

47 Via l’interface de la plateforme interactive à référence spatiale Géo-Protect-L visible sur la « figure 7 », les citadins peuvent recommander, géolocaliser et envoyer des alertes au service assainissement (Vue a) pour analyse, traitement et intervention sur place (Vue b). Ce dispositif pourra à terme alimenter un système de capitalisation des données (alphanumériques et cartographiques) et une archive utile pour des analyses de gestion et d’aide à la décision. Ainsi, la représentation spatiale des données capitalisées sous forme de cartes thématiques améliore l’identification des zones de risques, l’analyse des causes et la simulation des phénomènes.

Promotion et développement futur

48 Pour sensibiliser la population, il est envisagé de faire de la pédagogie sur l’intérêt de s’investir par le biais d’encart dans les journaux et dans les réseaux sociaux, et de distribuer des flyers promotionnels. Pour l’encourager à participer, des points d’information seront mis en place au carrefour des zones d’habitation (stationnement

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de caravanes). Pour une incitation encore plus forte, un système de capitalisation de points associé à des récompenses (obtention d’une somme d’argent ou de coupons d’achats, etc) pourrait être implanté dans l’application.

Figure 8 : Système de capitalisation de points proposé pour motiver les habitants à participer

49 Dans ce présent travail, nous nous sommes limités à utiliser des techniques incitatives basées sur la publicité et la pédagogie. Le système de capitalisation de points « figure 8 » sera intégré ultérieurement.

50 Ce développement futur nous parait incontournable pour deux raisons :

51 - l’implication forte des habitants au sein de leur quartier laisse présager une limitation des investissements techniques et humains pour lesquels la tendance est à l’augmentation en raison d’exigence accrue en matière d’élimination des déchets et de protection de l’environnement ;

52 -la mise en œuvre d’une collaboration soutenue avec la population tend à réduire le temps de diagnostic des dysfonctionnements. Une alerte déclenchée, le plus tôt possible et bien géolocalisée, amène à produire un plan de circulation précis en économisant temps et énergies pour traiter le problème, par les agents de terrains.

53 Enfin, pour faciliter l’accès à la plateforme Géo-Protect-L, nous envisageons le développement d’une application mobile, plus dans l’air du temps, téléchargeable que nous pourrions nommer Smart-Protect-L.

Les atouts de la Géo-CollaboraTIC

54 Grâce à l’intégration de la population dans les processus de suivi, de surveillance et de communication décisionnelle, l’approche Géo-CollaboraTIC amène à réduire les coûts de surveillance de l’assainissement urbain, la rend plus efficace et implique des interventions plus rapides pour une gestion plus durable.

55 Les points forts de l’approche proposée sont :

56 - une plus grande sensibilisation de la population au respect de son environnement ;

57 - l’intégration du citoyen au développement durable de sa ville en l’encourageant psychiquement à devenir un habitant participatif, actif et dynamique ;

58 - une incitation plus forte des décideurs à davantage impliquer les habitants par le biais de l’utilisation couplée des technologies SIG/TICs, non seulement pour la surveillance de l’assainissement, mais aussi en matière de planification urbaine ;

59 - l’utilisation de TICs disponibles et répandues dans la population, de manipulations devenues intuitives, sans générer de surcoût, cela en faveur d’un meilleur fonctionnement et embellissement de la ville ;

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60 - la localisation exacte des problèmes (à l’aide de la technologie GPS intégrée dans les Smartphones et tablettes, etc), ce qui minimisera les temps d’entretien et enrichira une base de données à référence spatiale déjà existante ;

61 - l’établissement de cartes d’analyse des points noirs, d’anomalies, de données hors norme, etc ;

62 - des procédés faciles à mettre en œuvre pour transformer l’habitant en smart habitant, comme élément pilier pour une smart ville.

Bilan et perspective

63 La Géo-CollaboraTIC décrite dans cet article est une approche originale, pas seulement par les technologies de présentation des informations collectées et échangées, mais aussi par le concept d’intégration de plusieurs acteurs (professionnels/habitants) en mode collaboratif. Elle suscite un grand intérêt par une combinaison de la discipline géo-environnementale aux technologies de l'information et de la communication.

64 En effet, l’approche conduit au développement de solutions complémentaires à l’existant pour soutenir le maintien du bon état de l’assainissement, participant ainsi au respect de l’environnement urbain. Elle implique la population de manière simple en l’intégrant dans les processus communicationnels, décisionnels et de surveillance de l’assainissement urbain. Les dispositifs mis en œuvre sont durables, efficaces et peu coûteux.

65 Nous avons démontré, ici, comment l’association des TICs aux outils SIG valorise l’utilisation des SIG dans les collectivités et les rend accessibles à un public non spécialisé. Le processus résultant accroît la participation des citoyens à la vie de leur collectivité pour établir un dialogue renforcé sur le devenir de leur ville et sur l’amélioration de leur cadre de vie.

66 Enfin, la proposition développée offre des pistes prometteuses dans plusieurs autres domaines comme le transport, le domaine forestier, les chemins de fer, la prospection foncière, l’urbanisme. En lien avec le dernier domaine, la Géo-CollaboraTIC peut être perçue comme une approche pertinente pour élaborer une politique d’aménagement répondant à des besoins clairement établis pour accroître le cadre de vie des habitants ; les dispositifs technologiques associés favoriseraient le recueil des attentes et des manques, géolocalisés et exprimés par les citadins eux-mêmes.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Le terme qui a été utilisé pour des technologies de l’information et de la communication, par Conseil de l’Europe en 2008. 2. http://www.appvoila.com/fr/#about (source vérifiée le 04 avril 2020). 3. http://blog.cartong.org/2014/07/21/tuto-utiliser-la-donnee-wikimapia-dans-qgis/ (source vérifiée le 04 avril 2020). 4. Organisation de Coopération et de Développement Économiques : organisme situé à Paris, compte 35 pays membres et regroupe plusieurs centaines d'experts depuis 2010. Elle publie fréquemment des études économiques - analyses, prévisions et recommandations de politique économique - et des statistiques, principalement concernant ses pays membres (wikipédia, source vérifiée le 04 avril 2020). 5. Article de presse, publié par Thomas Coëffé, https://www.blogdumoderateur.com/50-chiffres- medias-sociaux-2016/ (source vérifiée le 04 avril 2020). 6. Nouveau régime cartographique grand public, basé sur la convergence des technologies SIG et du TICs. En effet, d’une manière générale se sont les applications géographiques accessibles via l’internet. 7. Composant clé et fait partie intégrante du système ArcGIS d'Esri. C'est un système de gestion de contenu composé d'applications et de modèles pour créer des cartes interactives (Wikipédia, source vérifiée le 04 avril 2020). 8. Sous forme de photos, vidéos et/ou texte descriptif, ces alertes sont géolocalisées sur image satellitaire, à l’aide de SIG en ligne et technologies GPS sur les Smartphones et tablettes. 9. Service lance par Google en mai 2007, qui permet aux utilisateurs de créer des cartes personnalisées à usage personnel ou de partage. 10. Le KMZ est un fichier KML compressé (Keyhole Markup Language ; en français : langage à base de balises géo locales), est un ensemble de caractéristiques (lieu des marques, des images, des polygones, des modèles 3D, des descriptions textuelles, etc.) pour l'affichage en ligne dans Here Maps, Google Earth, Maps et Mobile, ou tout autre logiciel géospatial (Wikipédia, source vérifiée le 04 avril 2020). 11. Lyonnais des eaux de la ville de Casablanca. Entreprise qui gère l'eau, l'électricité et l'assainissement dans la ville de Casablanca.

RÉSUMÉS

Les actions traditionnelles d’amélioration de la surveillance des réseaux d’assainissement (liquide et solide) en milieu urbain nécessitent, pour le gestionnaire de l’assainissement, un investissement important, humain et technique avec un accroissement des outils de surveillance et des moyens de déplacement in situ, qui à terme se révèle couteux. L’approche que nous avons élaborée a pour objectif d'intégrer le citoyen dans le processus de

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surveillance du fonctionnement des infrastructures d’assainissement. Nous considérons qu’une forte action contributive citoyenne pour l’amélioration de l’assainissement, aussi bien liquide que solide, concourt aussi à une meilleure protection de l’environnement. Le nom donné à l’approche décrite dans l’article est Géo-CollaboraTIC. Elle associe Systèmes d'Information Géographique (SIG) et Technologies de l'Information et de la Communication (TICs). Pour l’implémenter, nous avons développé une interface interactive et collaborative, en ligne, à référence spatiale. Nous expliquons le principe de fonctionnement de cette technologie qui utilise la géolocalisation en temps réel de données de type topologique et multimédia (photos et vidéos). Cette facilité du monde moderne permet, d’une part, de réduire les coûts de surveillance et de suivi, et d’autre part, de s'emparer des consultations citoyennes du Conseil de l'Europe (communication décisionnelle/citoyen/initiation). La participation des citoyens à la vie de leur cité renforce le dialogue sur le devenir de leur ville et la protection de leur environnement.

Traditional improvement actions for monitoring sewerage networks (liquid and solid) in urban areas require a significant human and technical investment from the urban sanitation administration, due to the increase in costs of monitoring tools and means in situ travel in the long run. The approach we developed aims to propose integration of the citizen in the process of monitoring the operation of sanitation infrastructures. We consider that a strong citizen contribution to the improvement of sanitation, both liquid and solid, also contributes to a better protection of the environment. The name given to the approach described in the article is Geo- CollaboraTIC. It combines Geographic Information Systems (GIS) and Information & Communication Technologies (ICT). To implement it, we developed an interactive and collaborative online spatially referenced interface. We explained the operating principle of this technology, which uses real-time geo-localization of topological and multimedia data (photos and videos). Such facilities of the modern world make possible, on the one hand, to reduce surveillance and monitoring costs, and on the other hand, to take over the Council of Europe's citizen consultations (decisional communication/citizen/initiation). The participation of citizens in the life of their city strengthens the dialogue about its future and the protection of their environment.

As tradicionais ações de melhoria para o monitoramento das redes de esgoto, líquido e sólido, em áreas urbanas exigem um investimento significativo da administração de saneamento urbano para recursos humanos e técnicos devido ao alto custo das ferramentas de monitoramento e dos meios de deslocamento in situ em longo prazo. A abordagem que desenvolvemos visa propor a integração do cidadão no processo de monitoramento das infraestruturas de saneamento. Consideramos que ao contribuir para a melhoria do saneamento, tanto líquido como sólido, o cidadão também contribui para uma melhor proteção do meio ambiente. O nome dado à abordagem descrita no artigo é Geo-CollaboraTIC. Ela combina Sistemas de Informação Geográfica (SIG) e Tecnologias de Informação e Comunicação (TIC). Para a sua implementação, desenvolvemos uma interface online interativa e colaborativa, de referência espacial. Este trabalho explica o princípio de operação desta tecnologia, que utiliza a geo-localização em tempo real de dados topológicos e multimídia, como fotos e vídeos. Estas facilidades do mundo moderno permitem reduzir os custos de vigilância e monitorização, bem como envolver as consultas dos cidadãos conforme o Conselho da Europa (comunicação/cidadão/iniciativa decisória). A participação dos cidadãos na vida da sua cidade reforça o diálogo sobre o seu futuro e a proteção do seu ambiente

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INDEX

Mots-clés : SIG, TICs, Géo-CollaboraTIC, Citadin, réseau d’assainissement. Keywords : GIS, ICT, Geo-CollaboraTIC, citizen, sanitation network. Palabras claves : GIS, TIC, Geo-CollaboraTIC, cidadão, rede de saneamento.

AUTEURS

ABDESSALAM HIJAB Univ. Polytechnique Hauts-de-France, EA 244 DeVisu – Laboratoire en Design Visuel et Urbain, F-59313 Valenciennes, France

HAFIDA BOULEKBACHE Univ. Polytechnique Hauts-de-France, EA 244 DeVisu – Laboratoire en Design Visuel et Urbain, F-59313 Valenciennes, France

ERIC HENRY Univ. Polytechnique Hauts-de-France, EA 244 DeVisu – Laboratoire en Design Visuel et Urbain, F-59313 Valenciennes, France.

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

La robotique collaborative. Promouvoir un outil de développement en jugulant la faiblesse des infrastructures physiques en Afrique

Titi PALE

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/2628 DOI : 10.4000/ctd.2628 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Titi PALE, « La robotique collaborative. », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ ctd/2628 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.2628

Ce document a été généré automatiquement le 20 juillet 2020.

Communication, technologies et développement La robotique collaborative. 1

La robotique collaborative. Promouvoir un outil de développement en jugulant la faiblesse des infrastructures physiques en Afrique

Titi PALE

Introduction

1 L’une des prouesses de la science et des techniques de l’industrie de ces dernières décennies est le développement spectaculaire de la robotique, découverte dans les années 1960. On peut définir la robotique comme un système technologique d’autonomisation des tâches qui interconnecte des objets en vue de « décupler les rythmes de production pour un nombre d’ouvriers toujours réduit »1. Dans sa thèse de doctorat consacrée à la Navigation d’un robot mobile dans un environnement intérieur structuré et encombré, Adrien Durand-Petiteville (2012 : 1) considère que la robotique « consiste à concevoir et à étudier des machines intelligentes, c’est-à-dire des machines capables de réaliser des tâches avec un certain degré d’autonomie. Les disciplines de recherche associées à cette thématique sont articulées autour de la perception (traitement du signal, reconnaissance de formes), de la décision (intelligence artificielle) et de l’action (automatique) ». Pour Michel Devy (2012, résumé) cette robotique industrielle se caractérise aujourd’hui par un ensemble de « bras manipulateurs autonomes pour réaliser des tâches répétitives à haute cadence, ou des chariots sans conducteur qui suivent des trajectoires fixes ». Ce chercheur ajoute que « La mise en œuvre de ces solutions robotisées a un fort impact sur l’environnement humain ; elles doivent satisfaire à des contraintes de sécurité et de robustesse et se caractérisent par leur faible versatilité et des capacités d’adaptation limitées » (idem). La fiabilité du modèle économique de la robotique industrielle fait que la réduction des emplois humains induit par l’introduction de cette nouvelle technologie est très largement minimisée par les spécialistes. En effet, l’autonomisation de l’industrie dope tellement la productivité et la compétitivité des entreprises qu’elle s’est mondialisée. Cette tendance a « permis aux Européens de conserver un semblant de compétitivité face à la main-d’œuvre pléthorique des pays en développement au premier rang desquels figure la Chine (…) Pour rester compétitives, les entreprises chinoises se

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lancent elles aussi de plain-pied dans la robolution en rachetant un certain nombre de fabricants historiques »2.

2 La robotique collaborative renvoie à un domaine de pratiques et de recherches où l’enjeu reste de mettre la machine (robot) au service de l’homme. Le potentiel des idées dans ce domaine a été présenté et analysé dans des travaux théoriques et techniques consacrés à la nature et aux problèmes techniques de la robotique collaborative (Burgard et al., 2000 ; Fong, Thorpe and Baur, 2003). Quelques travaux ont décrypté l’insertion sociale de la robotique collaborative (Severinson-Eklundh, Green, and Hüttenrauch, 2003), tandis que d’autres touchaient à l’ergonomie et à la comanipulation d’objets et au rapport homme-robot (Dumora, 2014 ; Hinds, Roberts and Jones ; Maurice, 2015). Intégrant ces débats savants, Bernard Claverie, Benoît Le Blanc et Pascal Fouillat (2013 : 203) ont remarqué avec finesse que dans la robotique collaborative, « Les robots, êtres mécaniques autonomes, vont collaborer avec les hommes ; ils perdent leur autonomie pour se soumettre aux hommes, et en deviennent donc des cobots ». Au-delà de ce jeu de subordination de la machine à l’homme, ces chercheurs notent que la cobotique couvre un domaine de recherche sérieux et nouveau : citant Wikipedia, ils notent qu’ « il s’agit d’une « branche émergente de la technologie à l’interface de la cognitique et du facteur humain (comportement, décision, robustesse et contrôle de l’erreur), de la biomécanique (modélisation du comportement et de la dynamique des mouvements) et de la robotique (utilisation d’artefacts dans un but de production de comportements mécaniques fiables, précis et/ ou répétitifs à des fins industrielles, de santé ou de convivialité) ». On est donc dans un domaine interface, une discipline « émergente », ou plutôt une « interdiscipline » à visée opérationnelle, qui se propose à la fois de produire des outils, d’imaginer et concevoir pour la rendre effective une relation particulière entre robots et hommes, et entre hommes entre eux par l’intermédiaire des robots » (Claverie et al. 2013 : 204).

3 Quelle que soit la nature et les termes du débat qui entourent la robotique collaborative, l’Afrique n’est pas partie prenante de cette nouvelle donne globale : pour longtemps encore, ce continent regardera le monde se robotiser, en raison de son très faible niveau d’industrialisation et de sa très insuffisante insertion dans le commerce mondial. Mais en dépit de ces limites objectives du continent africain dans le domaine de la robotique industrielle, la présente contribution réfléchit l’apport de la robotique au travers de la cobotique (ou robotique collaborative), qui s’insère entre le robot industriel et l’homme. L’objectif est ici de montrer que dans le lien de l’industrie et de l’homme, des perspectives stimulantes de la robotique s’offrent au continent africain, notamment du côté de la robotique collaborative. Dans divers domaines de la vie (sécurité, éducation, santé, loisirs, lutte contre la pauvreté, etc.), le développement exponentiel constaté en robotique collaborative indique clairement que bientôt, l’homme ne pourra plus se passer de la puissance de ces machines pour optimiser son savoir-faire et ses moyens d’anticiper et de maîtriser convenablement les dégâts et les risques qu’il gère ou génère au quotidien. Pour nous, la robotique collaborative est un atout important pour l’Afrique aux prises avec le sous-développement, notamment de ses infrastructures traditionnelles et physiques. Ici, il s’agira essentiellement de répondre aux questions suivantes : quelles sont les bases du design de la production des robots collaboratifs et quels domaines spécifiques pourraient être dopés, en Afrique, par l’introduction des outils ainsi produits ? Quels sont les risques de la robotisation pour l’avenir de l’économie africaine ? Quelles infrastructures physiques préalables

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manquent en Afrique à l’heure de la robotique industrielle et collaborative ? Comment se jugule aujourd’hui ce déficit d’infrastructures physiques et sur quels points doit-on aller plus loin et plus vite ?

Robotique industrielle et robotique collaborative

4 La technique de création et de promotion d’outils innovants met en mouvement un modèle de production et une méthodologie réversible (design technologique). Dans ce cadre, la robotique collaborative propose une gamme d’objets nouveaux qui modifient avantageusement l’environnement et le rendement du travail. Grâce à l’électronique et au génie informatique, et plus spécifiquement aux travaux des différents domaines de recherche et d’applications liées aux Systèmes Automatiques et Microélectronique (SAM), la robotique collaborative a fait des progrès considérables par la fabrication des outils d’ISS (Information, Structures et Systèmes). En informatique, une synthèse analytique et évaluative de l’évolution des connaissances sur ce secteur nouveau a été proposée par Haythem Ghazouani (2012), qui a étudié minutieusement les différentes fonctionnalités visuelles qu’il convient d’embarquer sur un robot destiné à la mobilité et à la navigation dans un espace intérieur. Articulant la mise en place conjointe des capteurs de profondeur et de couleur et les algorithmes de détection de squelettes en super-temps réel, Masse et al. (2014) montrent combien la recherche sur les capteurs de mouvements humains a réalisé des progrès dans le champ de la communication Homme-Machine et permis un approfondissement de la maîtrise de la robotique de détection. Depuis les cinq dernières années, les chercheurs ont étendu le champ d’application de cette robotique de détection à l’agriculture, notamment à l’arboriculture où elle sert précisément à repérer des fruits à partir des images collectées grâce aux caméras d’un verger (Dore et al., 2017). Cette approche vise à « développer des outils d’assistance aux arboriculteurs en leur donnant un moyen d’estimer le rendement d’un verger, en extrapolant à partir de l’estimation obtenue sur quelques arbres sélectionnés dans ce verger. Cette estimation doit pouvoir se faire à plusieurs étapes de croissance, mais en particulier avant la récolte, cela pour pouvoir planifier les ressources nécessaires (personnel, palox, etc.) […] (et) s’adapter à plusieurs fruits (pomme, prune, etc.), mais aussi, pour chacun, à plusieurs variétés » (Dore et al., 2017, introduction, p.2/9).

5 Si plusieurs architectures de réseaux de tailles différentes rentrent en jeu dans la mise en place des modèles de détection en robotique collaborative, la base de travail des chercheurs sus-évoqués est constituée de deux outils qui exploitent « les réseaux de neurones de convolution pour la détection d’objets » : le Faster R-CNN et le Yolo. Dans le cas du Faster R-CNN qui a été élaboré par S.Ren et al (2015), il est proposé un algorithme « qui repose sur une détection entièrement faite avec des réseaux de neurones de convolution » (Dore et al., 2017, p.4/9). Sur le détail et la méthodologie de cette procédure, S. Ren et ses collègues utilisent deux réseaux de neurones : « un premier réseau de neurones de convolution prend en entrée une image de taille quelconque et donne en sortie des régions dans lesquelles pourraient se trouver les objets à détecter. — le second réseau prend en entrée les régions proposées par le premier réseau et recherche si elles contiennent l’objet à détecter » (Dore et al., 2017, p. 4/9). On doit à J.Redmon et al.(2015) l’algorithme qui permet la mise en place du Yolo. Pour Dore et al. (2017, p.4/9), « Cet algorithme repose sur deux étapes qui sont

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appliquées sur des images de taille prédéfinie lors de l’apprentissage : — une détection d’objets opérée par des réseaux de neurones de convolution ; — un quadrillage de l’image où l’on prédit la classe de l’objet s’il existe (dans notre cas soit une pomme soit rien) ». Comparant les deux modèles de détection, Dore et al. (2017, p.4/9) observent que « L’une des principales différences entre YOLO et Faster RCNN est le temps de calcul, YOLO permet d’avoir une détection de 37 images par seconde pour une image de 445x445x3 alors que Faster R-CNN permet d’avoir seulement 5 images par seconde (sur les images prises dans des vergers). De plus, sur les data sets VOC2012 et VOC2007, YOLO semble donner de meilleurs résultats ».

6 L’agriculture n’est pas le seul champ d’exploration et d’application de la robotique collaborative dont les prémisses datent des années 1960. Si l’on observe la pratique dans ce domaine technoscientifique en temps long, on constatera que « Dans un premier temps, les chercheurs se sont intéressés à la robotique de manipulation et à ses applications, notamment dans l’industrie manufacturière. A partir des années 1980, en raison de l’augmentation de la puissance de calcul embarquable et de l’amélioration des capteurs, la robotique mobile devient un thème de recherche important avec comme objectif la création de robots capables d’explorer des zones dangereuses ou inaccessibles pour l’homme » (Durand-Petiteville, 2012 : 1). Il s’ensuit que dans tous les domaines de la recherche et de la pratique industrielle, éducative et thérapeutique, culturelle et ludique, la robotique collaborative a son mot à dire grâce à la maîtrise de l’architecture embarquée et aux outils faits sur mesure qu’elle propose aux différents chercheurs, intervenants, acteurs et experts.

7 Dans le domaine sensible de la santé par exemple, les robots collaboratifs participent aux diagnostics et à pratiquement toutes les formes d’intervention chirurgicale, permettant ainsi d’articuler soins et sécurité (Acoulon, 2014). Plus intéressant encore, la robotique collaborative est une nouvelle technologie qui contribue très nettement à combler une attente sociale plus qu’essentielle en matière de santé : la relocalisation, autrement dit la re-personnalisation de l’information médicale. Grâce à la robotique collaborative, il y a en effet émergence d’une approche sociale, relationnelle et qualitative de la santé, dans laquelle « la maladie ne doit plus être traitée sous le seul angle fonctionnel, mais également sous celui de la culture, de l’histoire et du savoir expérientiel du patient » (Dubey 2014 : résumé).

Robotisation et avenir de l’économie africaine : le point de vue du FMI

8 Au cœur de l’industrie contemporaine, l’Afrique peut redouter les conséquences de ces changements technologiques auxquels participent la robotique industrielle et la robotique collaborative. En effet, les avancées technologiques posent d’abord la question de savoir si l’homme ne sera pas, à terme, purement et simplement remplacé par la machine. Selon une publication des chercheurs du département des études financières du Fonds Monétaire International (FMI), « La vague actuelle d’avancées technologiques devrait bouleverser les marchés du travail aux niveaux national et mondial. Par le passé, les périodes de changement technologique ont conduit à une amélioration des niveaux de vie, mais les périodes de transition étaient marquées par des craintes quant à l’avenir du travail, car de nouveaux et différents emplois tardaient à remplacer ceux devenus obsolètes » (Perinnet et al., 2018 : 39). Actuellement, les pays

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développés sont dans une phase de transition imposée par cette quatrième révolution industrielle.

9 L’Afrique, elle, part de plus bas et risque de prendre les effets de ces changements de plein fouet. Au regard de la vague actuelle des innovations technoscientifiques, c’est en Afrique que se concentre la crainte des impacts de ces changements sur l’emploi. Sur ce continent jeune et à la démographie dynamique, un jeune sur deux est au chômage. Ailleurs, la robotisation des sociétés a engendré un tassement des revenus du travail et une croissance des inégalités. Dès lors que cela se fait sur fond de vieillissement de la population (cas du Japon et des démocraties occidentales), ces pays « accueillent ainsi favorablement la possibilité de maintenir ou d’accroître leur niveau de production avec moins de travailleurs » (Perinet et al., 2018 : 39). Dès lors, le problème de l’Afrique subsaharienne est que la quatrième révolution industrielle arrive au moment où « la population active continue d’augmenter rapidement ». Dès lors, la question se pose de savoir « Comment l’Afrique subsaharienne peut-elle créer les 20 millions d’emplois par an nécessaires sur les deux prochaines décennies pour absorber sa population active croissante ?» (idem).

10 Pour résoudre ces équations difficiles, ces chercheurs ont modélisé les effets de la quatrième révolution industrielle à partir d’un modèle qui « divise le monde en deux régions qui peuvent s’échanger des biens : une région composée de pays avancés et une région à faible revenu comme l’Afrique subsaharienne. Dans ces deux régions, les biens sont produits en utilisant du capital classique, du travail et des robots. Les robots sont définis au sens large de façon à inclure tout l’éventail des nouvelles technologies qui constituent la quatrième révolution industrielle, dont l’automatisation, l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle. » (Perinnet et al., 2018 : 41-42). D’après ce modèle, l’écart de revenus du travail dans les deux régions montre clairement le faible niveau de productivité du capital en Afrique, en raison notamment du sous-équipement technologique. Pour ce modèle, « Les robots se substituent aux travailleurs, par exemple, lorsqu’une entreprise automobile introduit des robots sur sa chaîne de montage pour installer des phares, une tâche auparavant réalisée manuellement par des travailleurs. À l’inverse, l’utilisation de la technologie numérique dans l’agriculture, par le biais d’une application qui permet aux agriculteurs de traiter des infestations parasitaires, est un exemple de complémentarité entre les robots (au sens large) et les travailleurs. Bien entendu, ces deux évolutions peuvent se produire de façon parallèle ou successive » (Perinnet et al., 2018, 42). Le modèle prévoit qu’en cas de doublement de la productivité des robots, les deux régions voient considérablement augmenter leur productivité et, par conséquent, la production des richesses (le PIB par habitant). Cette augmentation dépend néanmoins de la substituabilité ou de la complémentarité de l’homme et du robot. Il est avéré qu’en cas de complémentarité, « l’augmentation du PIB par habitant est plus forte en Afrique subsaharienne que dans les pays avancés, ce qui signifie qu’il y a convergence. L’Afrique subsaharienne en bénéficie, car les salaires de la région étant plus faibles, il est plus rentable d’investir dans des robots lorsqu’ils sont combinés à du travail relativement peu coûteux » (Perinnet et al., 2018 : 42). En Afrique et mieux que dans les pays développés, cette complémentarité homme-robot engendre une hausse de salaire plus forte que celle du stock du capital. De fait, la part du travail augmente beaucoup plus dans la productivité africaine. Par contre, « Si le travail et les robots sont substituables, la hausse du PIB par habitant est plus forte dans les pays avancés qu’en Afrique subsaharienne, ce qui signifie que l’écart de revenus

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entre les deux régions se creuse encore plus. Dans ce cas, l’introduction de robots et l’investissement dans du capital physique complémentaire sont plus rentables là où les salaires sont élevés, car les robots permettent d’économiser le coût de la main-d’œuvre » (Perinnet et al., 2018 : 42). Si la robotisation assure des gains de productivité certains à l’ensemble de l’économie, elle pose d’énormes soucis aux exportations africaines. Certes, « Par comparaison aux pays avancés et émergents, les pays d’Afrique subsaharienne pourraient être moins exposés au remplacement immédiat des emplois existants dû à l’automatisation, en raison des différences de structure économique, mais aussi de niveau de salaire » (Perinnet et al., 2018 : 43). Pour autant, l’Afrique subsaharienne « pourrait être touchée indirectement par l’intermédiaire des exportations si l’automatisation prend la place de l’Afrique subsaharienne dans les chaînes de valeur, rend ces dernières plus difficiles d’accès à l’avenir ou déplace l’avantage comparatif de la région vers ses concurrents » (idem).

11 Tous ces indices de risques fournissent des scénarios probables dans lesquels se dessine l’avenir de l’emploi dans l’Afrique subsaharienne et, par ricochet, les contours des politiques publiques adéquates pour le développement de cette région du monde à l’ère de la robotisation. En effet, la quatrième révolution industrielle est contemporaine d’une époque où l’Afrique fait encore face à des difficultés quotidiennes et structurelles qui pénalisent le développement et le progrès socioéconomique. Quatre facteurs sont parmi ceux des plus régulièrement cités : la pauvreté des Etats, très souvent dépourvus de moyens matériels et financiers, pourtant essentiels à l’équipement public en tous domaines; l’insuffisance, voire l’absence des ressources humaines de qualité, adéquates pour résoudre certains problèmes structurels ; la démographie galopante, qui engendre de nouvelles contraintes de gouvernance aussi bien de la santé, de l’alimentation que de l’éducation ; enfin, la corruption endémique, qui fait que les fonds publics issus de la fiscalité ou de l’aide bilatérale et multilatérale finissent par être détournés de leurs destinations normales et de l’investissement en vue du progrès social et économique.

12 L’Afrique subsaharienne doit mettre en place des politiques publiques nécessaires à la création des emplois à l’épreuve de l’avenir. Pour le FMI, même si les effets des changements technologiques sur l’avenir de l’emploi ne sont pas clairement établis, en Afrique, « L’enjeu pour les décideurs est de conserver une attitude ouverte à l’égard des différentes stratégies de croissance et de saisir les opportunités que présente la quatrième révolution industrielle » (Perinnet et al., 2018 : 46).

L’enjeu des infrastructures physiques et traditionnelles

13 Le FMI a raison de sous-entendre que l’automatisation, qui constitue une alternative crédible au sous-développement de plusieurs secteurs entravés par des problèmes structurels, comporte des risques pour l’économie africaine, notamment en raison du dynamisme démographique. Il faut donc adapter les stratégies de développement aux exigences et aux possibilités offertes par la quatrième révolution industrielle. En même temps, l’intégration et la connectivité ne seront des composantes essentielles de toute politique de croissance fructueuse qu’à la condition d’intégrer et de résoudre un problème plus ancien : le sous-développement des infrastructures physiques et traditionnelles, qui supportent toute stratégie industrielle et de développement social. Dans ce sens, cette section met en lumière la capacité de nuisance du grand retard accusé par le continent africain dans la mise en place des équipements traditionnels

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(électrification, infrastructures routières et ferroviaires, hydraulique urbaine et rurale, etc.). En effet, dans différents champs économiques (santé, éducation, finances, agriculture, pêche, etc.) en pays développés, tout épanouissement de l’automatisation et de la robotisation s’appuie sur ces infrastructures qui manquent cruellement à l’Afrique. L’équation est ici de repérer et de résoudre ces problèmes infrastructurels qui peuvent entraver considérablement l’intégration de la robotique collaborative en Afrique.

L’importance stratégique des villes

14 Il a été indiqué plus haut que dans les pays développés, la quatrième révolution industrielle est un phénomène purement urbain, qui se greffe aux différents équipements traditionnels constitutifs de la citadinité (routes, électricité, eau courante, etc.). De fait, l’absence de véritables villes structurées et ordonnées dans la plupart des pays subsahariens est la première contrainte qui pèse sur l’insertion locale des changements technologiques de la quatrième révolution industrielle. Or un récent rapport de la Banque Mondiale (Lall & al., 2017) indique qu’en raison de leur essor démographique, les villes africaines sont amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans la croissance du continent, notamment par l’ouverture sur le monde et la création d’emplois dans le secteur du numérique et de la robotique. Selon ce rapport, « La population urbaine en Afrique s’élève actuellement à 472 millions d’habitants, mais elle va doubler au cours des vingt-cinq prochaines années, pour atteindre un milliard d’habitants en 2040. Et, dès 2025, les villes africaines abriteront 187 millions d’habitants supplémentaires, soit l’équivalent de la population actuelle du Nigéria »3. Cette croissance de la démographie urbaine fait qu’aujourd’hui (2019) 40% d’Africains sont citadins. Plusieurs obstacles au déploiement de la quatrième révolution industrielle et liés à la faiblesse des infrastructures africaines peuvent s’aligner sur cette tendance du continent à l’urbanisation.

15 Le premier obstacle au développement de l’économie connectée et donc de l’industrie de la robotique est la qualité de l’équipement urbain. En effet, « le processus de concentration de la population dans les villes n’a pas donné lieu à des investissements suffisants dans les infrastructures urbaines et autres structures industrielles et commerciales, ni dans une offre appropriée de logements abordables. Avec des investissements coordonnés dans les infrastructures et les structures résidentielles et commerciales, les villes africaines seront en mesure d’accroître les économies d’agglomération et de rapprocher les habitants des emplois »4. Cela est d’autant plus urgent que les villes africaines sont « 29 % plus chères que celles des pays à niveau de revenus similaire. Les ménages urbains africains ont, proportionnellement au PIB par habitant, des coûts plus élevés que ceux d’autres régions du monde, sachant que ces coûts sont surtout grevés par les dépenses de logement, supérieures de 55 % à celles observées dans d’autres régions. À Dar es Salaam, par exemple, 28 % des habitants vivent à trois au moins dans une pièce, et à Abidjan, ils sont 50 %. À Lagos, au Nigéria, deux habitants sur trois vivent dans des bidonvilles »5. À cela s’ajoute les coûts des denrées alimentaires et des transports, qui sont prohibitifs pour les citadins contraints de se loger dans des implantations sauvages et loin des sites d’emplois. Le coût élevé de la vie en villes africaines impacte aussi les entreprises, « puisqu’il les oblige à verser des salaires plus élevés, ce qui nuit à leur productivité et leur compétitivité, et leur ferme les portes de l’exportation. Le résultat, c’est que les villes africaines n’attirent guère les

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investisseurs régionaux ou mondiaux et partenaires commerciaux potentiels »6. Le sous-équipement et l’absence de planification font de la ville africaine une « trappe de sous-développement » où aucune révolution industrielle ne saurait prospérer. L’autonomisation et la robotique collaborative ne sauraient prospérer dans un environnement anarchique où toutes les tentatives d’investissement se heurtent aux goulots d’étranglement de la ville africaine. Sur ce point, ce rapport de la Banque Mondiale pense que la solution « est de faire en sorte qu’elles [les villes africaines] grandissent en se densifiant économiquement et physiquement, avec le souci de les connecter pour accroître leur efficacité et, à la clé, des perspectives de rentabilité plus élevées pour les investisseurs »7. Cette solution inclut deux priorités complémentaires, dont la première est de rassembler les territoires par des politiques publiques efficaces d’aménagement urbain, la régularisation des marchés fonciers et la clarification des droits de propriété. La seconde priorité est de veiller à relier les trois éléments essentiels du développement urbain que sont le résidentiel, le commercial et l’industriel. Cela requiert d’« investir tôt et de manière coordonnée dans les infrastructures »8.

Développer le réseau routier et les voies ferrées

16 Le manque flagrant des routes est le deuxième obstacle au processus de développement socioéconomique de l’Afrique. D’après les estimations, « les principales routes du réseau routier africain s'établissent à une longueur totale de 31.423 km auxquels s'ajoutent 45.832 km de voies de raccordement, représentant environ 90% des transports des passagers et des marchandises. Une très faible proportion (environ 28%) de ces routes est bitumée »9. L’ensemble des voies transafricaines (Le Caire-Le Cap, N’djamena-Djibouti, etc.) mises en place dans l’euphorie des indépendances au cours des années 1960 sont à l’arrêt ou considérablement ralenties. À cette situation s’ajoute l’insécurité des routes africaines qui peut refroidir les ardeurs des investisseurs. Selon un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé sur la sécurité routière (World Health Organization, 2018), l’Afrique a les routes les plus meurtrières du monde : on compte 26,6 morts dans les accidents de la route pour 100 000 habitants en Afrique contre 9,3 pour 100 000 habitants en Europe. Depuis les années 2000, des objectifs du développement socio-économique et de la réduction de la pauvreté sont assignés au Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA), qui reprend d’une certaine manière les projets des voies transafricaines et interrégionales sous le pilotage technique et financier de la Banque Africaine de Développement (BAD). Au-delà, les réseaux intégrés d’infrastructures régionales doivent être densifiés et accélérés, en raison de leur rôle de préalables à l’implantation véritable de la quatrième révolution industrielle en Afrique. En effet, ces réseaux sont des facilitateurs du déploiement et du développement significatif de la robotique industrielle et de la robotique collaborative. Les entreprises de ces domaines sont appelées à implanter leurs équipements (antennes relais, postes opérationnels et techniques, etc.) parfois dans les zones reculées en tirant profit de ces voies aménagées. Il leur faut aussi des routes pour intervenir rapidement et efficacement à l’échelle nationale ou sous régionale sur plusieurs secteurs sensibles : santé publique (lutte contre les épidémies, interventions sur des accidents de la route, médecine de brousse et interventions chirurgicales d’urgence, etc.), éducation (formations à distance, bibliothèques numériques, séminaires et soutenances des

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travaux, etc.), l’agriculture (optimisation de la production, transformations en produits semi-finis, logistique et technique de production, distribution et traçabilité, etc.).

17 L’inconsistance des voies ferrées est le troisième obstacle à l’instauration de la quatrième révolution industrielle et donc de la robotique, collaborative ou non, dans le système de développement économique de l’Afrique. Or il faut avoir à l’esprit qu’à l’origine, les chemins de fer sont des instruments de « contrôle territorial et de mise en valeur » qui ont été montés « à l’assaut du continent à partir des bases portuaires de la pénétration coloniale. Sur le plan spatial, la double finalité, politique et économique, permettait de désenclaver les pays de l’intérieur de façon à les intégrer à l’économie- monde. Le chemin de fer a été le premier instrument d’intégration territoriale, le premier outil de ce qu’on n’appelait pas encore le développement. A la fin du XIXe siècle, la voie ferrée et la machine à vapeur, fer de lance du progrès, étaient porteuses de rêves prométhéens » (Pourtier 2013 : 189-190). Dans le cas de l’Afrique considérée comme une « tabula rasa », l’idéologie du rail était rapidement proclamée et intégrée par les entrepreneurs coloniaux dès lors que les chemins de fer servaient deux impératifs : drainer les matières premières vers les côtes pour être exportées vers les métropoles et diffuser la « civilisation » européenne au milieu des peuples dits « arriérés » et « indigènes ». Aujourd’hui, « Le diagnostic général des chemins de fer africains ne prête pas à l’optimisme. Pour un réseau continental totalisant environ 90000 km, plus de lignes ferment qu’il ne s’en crée de nouvelles (…) Ailleurs, vétusté du matériel roulant, vitesse commerciale réduite sur des voies mal entretenues, horaires non respectés etc., détournent les voyageurs du rail.» (Pourtier 2013 : 192). Il faut y ajouter l’absence de réseaux, qui « résulte des politiques d’équipement mises en œuvre par les administrations coloniales, avec pour seul cadre de référence le territoire de chacune des colonies, au détriment d’une vision continentale ou tout au moins régionale. L’Afrique de l’Ouest, la partie du continent où le partage colonial s’est traduit par le plus fort morcellement territorial, en est l’illustration, jusqu’à la caricature dans le cas d’“États tranches” comme les actuels Bénin et Togo. Voisins et rivaux, les Français et les Allemands construisirent des pénétrantes ferroviaires parallèles à partir d’étroites ouvertures sur le Golfe de Guinée : à la ligne Cotonou-Parakou répond la ligne Lomé-Sokodé » (Pourtier 2013 :190).

18 Pour une pénétration rapide du continent par les changements induits par la quatrième révolution industrielle, ces cloisonnements et leurs effets lents sur l’équipement de l’Afrique postcoloniale doivent être dépassés. Il faut mettre en place les bases d’une politique panafricaine du rail qui partirait d’un renforcement des capacités et des regroupements régionaux financés par des fonds africains et des partenariats extérieurs ou de bon voisinage. Sur ce point, la relance du programme ferroviaire en Afrique sous l’impulsion des Chinois est une bonne nouvelle pour le développement de la robotique collaborative. On sait que dans les années 1970 et pour 500 millions de dollars, 1860 kilomètres de rails ont déjà été construits entre le port de Dar-es-Salam (Tanzanie) et le Sud-Ouest de la Zambie10. Si l’enjeu était dogmatique à l’époque (rendre gloire à Mao), aujourd’hui, la poursuite de la dynamique de construction des voies ferrées par la Chine est un enjeu économique. L’inauguration de la ligne Djibouti-Addis- Abeba en 2017, construite pour 4 milliards de dollars, permet de relier l’Éthiopie à la mer. Afin de faciliter l’importation du textile chinois et exporter les matières premières africaines, ce chemin de fer va relier le Kenya et le Soudan pour 13 milliards de dollars supplémentaires entièrement financés par la Chine. Pour la pénétration de la

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quatrième révolution industrielle, les équipements techniques de télécommunication qui accompagnent la construction des voies ferrées en vue de l’alimentation et de la coordination de la circulation des trains peuvent servir de support à la connectivité des robots collaboratifs. Ceux-ci demandent en effet à être interconnectés et donc à interagir à distance pour être rentabilisés. De ce point de vue, le développement des voies ferrées à l’échelle continentale peut faciliter l’instauration d’une économie véritable de la robotique, qui s’appuierait ainsi sur l’équipement des télécommunications annexé au système ferroviaire pour doper sa productivité en évitant les coûts prohibitifs d’installation.

Le défi énergétique : électrifier partout

19 Enfin, l’électrification est le quatrième obstacle majeur à la pénétration de la robotique en Afrique. Sur ce continent, on estime à 620 millions le nombre de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité (soit 1 Africain sur 2). Avec un taux de croissance démographique annuelle de 5%, l’Afrique fabrique chaque année 10 millions de nouveaux exclus de l’électricité. Le dernier rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED, 2018) consacré aux Pays les Moins Avancés (PMA) indique que la situation y est plus grave. En effet, ce sont 577 millions de personnes, soit 62% de la population des PMA, qui n’ont pas d’accès à l’électricité. Ce rapport souligne aussi des disparités entre les zones urbanisées et le monde rural : dans les PMA, 82% des personnes n’ayant aucun accès à l’électricité vivent dans les campagnes. Au-delà du bien-être des populations, le même rapport du CNUCED souligne le risque de la sous-électrification pour l’économie en indiquant que dans les PMA, « Plus de 40 % des entreprises sont freinées dans leur activité de production par un approvisionnement en électricité inadéquat, peu fiable et trop coûteux ». On note cependant des disparités régionales : il y a près de 100% de couverture électrique dans les pays d’Afrique du Nord, 55 à 65 % pour la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Ghana, et 27% seulement dans la plupart du reste de l’Afrique subsaharienne11.

20 Ce retard de l’électrification en Afrique subsaharienne a souvent été expliqué par l’urbanisation du développement et la lenteur d’exécution des grands projets. Ainsi, « Les investisseurs se concentrent sur les grandes zones urbaines et les méga projets industriels comme les mines pour financer d'importantes infrastructures électriques lesquelles demandent entre 20 et 40 ans de travaux »12. À la vérité, la sous- électrification de l’Afrique subsaharienne plonge ses racines dans l’option initiale des pouvoirs métropolitains de ne pas participer à un équipement conséquent des colonies. À titre d’exemple, l’Afrique Équatoriale Française (AEF) a été créée le 15 octobre 1910. Mehyong & Ndong (2011) montrent que sur cette entité administrative de 2 500 000 km² qui couvre quatre colonies (Gabon, Moyen Congo, Oubangui -Chari, Tchad), le premier projet d’électrification ne date que des années 1930 et ne concerne que les trois villes de Pointe-Noire, Brazzaville et Libreville où sont concentrés plus de la moitié des Européens. L’administration coloniale brillait par la modicité des moyens financiers. Elle a très vite concédé (dès 1932) la réalisation complète de ce projet à une entreprise privée, la Société hydroélectrique du Congo français (SHEF). D’ailleurs, trois contraintes locales vont rapidement biaiser la productivité du secteur électrique : abandon de la traction électrique par l’ingénierie du chemin de fer, manque d’industries de grand calibre pour consommer l’électricité et marché domestique faible. Le manque de capitaux et l’absence de perspective de rentabilité amènent la SHEF à abandonner le

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projet d’un réseau d’interconnexion par l’aménagement d’un barrage hydroélectrique. En 1934, face à l’absence d’intérêt manifesté par une éventuelle concurrence, l’administration coloniale se replie sur une démarche de proximité et par défaut : l’État colonial décide, dans l’improvisation, de la « mise en place de petits réseaux autonomes par ville s’appuyant sur des centrales thermiques, financés par des entreprises privées, l’Union électrique coloniale (UNELCO) et la Compagnie coloniale de distribution électrique (CCDE) » (Mehyong & Ndong, 2011 : 94). Cette solution va à son tour être plombée et « digérée » par plusieurs pesanteurs locales. Parmi elles, les coûts inconséquents de l’installation des réseaux, l’importation rentable de l’électricité du Congo belge par l’UNELCO, et la pauvreté des bénéficiaires. En effet, « L’acquisition de la nouvelle énergie impose une contrepartie financière que plusieurs Africains ne peuvent honorer à cause des tarifs prohibitifs. Ces paramètres imposent une structure modeste des réseaux et de maigres marges de développement. » (Mehyong & Ndong, 2011 : 94). À cela s’ajoute le fait que durant la Seconde Guerre mondiale et comme partout dans l’empire colonial, l’effort de guerre sinistre l’économie. Dans ce contexte, « Les entreprises d’électricité et les centrales ne sont pas en reste : quasi-impossibilité d’importer des pièces de rechange et du combustible. Il en résulte une détérioration des réseaux et des délestages permanents » (Mehyong & Ndong, 2011 : 94). La dernière contrainte locale et géostratégique est que « comme la majorité des colonies françaises, l’AEF est une colonie d’exploitation. Sur recommandation de l’État, l’administration locale s’endette, auprès des banques métropolitaines, pour financer surtout l’aménagement des voies de communication et le déploiement des troupes et du personnel administratif afin de parachever l’occupation territoriale et de favoriser l’extraction des matières premières. L’électrification ne cadre pas avec ces objectifs » (Mehyong & Ndong, 2011 : 94).

21 Le retard considérable pris dans l’Afrique subsaharienne se raccorde à cette période coloniale d’absence d’une politique d’électrification. Que la situation persiste aujourd’hui montre que les efforts de densification et de développement du réseau électrique après la Seconde Guerre mondiale et dans les deux premières décennies de l’indépendance ont été nuls ou peu consolidés. Désormais, il faut densifier l’accès à l’électricité pour faciliter la vie des populations pauvres et encourager la pénétration continentale des changements technologiques indus par la quatrième révolution industrielle. Un consensus se dégage sur le fait que les retards d’électrification accusés en Afrique subsaharienne doivent être rattrapés pour doper le développement et le bien-être en Afrique. Signalons ici quelques solutions et projets d’envergure qui se tissent en mêlant l’échelle internationale, nationale et la société civile mondiale. Au début du XXIème siècle, le système des Nations Unies a décidé de « Garantir l'accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable », faisant de cet engagement le septième objectif de développement durable (ODD). Si cet objectif était hors de portée en 2015, plusieurs autres projets continuent de travailler dans cette direction. En 2011, l’ONG Africa Progress Panel, dirigée par Koffi Annan, l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, s’engageait pour une électricité propre et durable pour tous en Afrique. Depuis, 101 pays et l’Union Européenne ont rejoint ce projet. Suite à un engagement solennel sur la mise en place du projet Power Africa lors de sa visite au Kenya en juillet 2015, le président américain Barack Obama a signé un décret en février 2016 qui définissait un cadre stratégique permettant aux entreprises privées américaines de poursuivre l’électrification du continent et de fournir l’électricité à 50 millions d’Africains supplémentaires. Enfin, entre 2014 et 2016, l’ancien ministre

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français de l’environnement et de la ville, Jean-Louis Borloo « a soutenu un “plan Marshall de l’énergie” en Afrique, dont les besoins de financements atteignaient environ 4 milliards d’euros par an pendant une quinzaine d’années (une somme totale de 200 milliards d’euros a également été évoquée) »13.

22 L’un des points de convergence et d’aboutissement de ces différents projets est la mise en place de l’Initiative africaine pour les énergies vertes (AREI), qui montre que les Africains et les partenaires extérieurs considèrent le retard accumulé par l’Afrique comme une opportunité pour faire de l’électrification durable. Dans le choix du label des énergies renouvelables pour poursuivre et parfaire l’électrification de l’Afrique, le solaire vient en tête, en raison de son abondance sur le continent, où le taux d’ensoleillement est exceptionnel, et de la baisse des coûts d’exploitation. En 2016, deux projets d’envergure ont été réalisés dans deux pays pionniers : la centrale solaire Noor au Maroc, qui est l'une des plus puissantes au monde (avec une capacité de production de 160 MW), et la centrale Senergy II au Sénégal, avec une capacité de 20 MW pouvant alimenter 200 000 foyers. L'hydroélectricité est la seconde source significative d’énergie propre mise au service de l’électrification en Afrique. L'Éthiopie est le leader africain en la matière : la force motrice de l’eau fournit 95,6% de la production électrique de ce pays. Cette production a progressé de 700% entre 1990 et 2014. Le Kenya expérimente l'éolien et la géothermie. Son parc éolien du lac Turkana (365 éoliennes pour une puissance unitaire de 850 kW) alimente une centrale de 300 MW et satisfait 20% de la demande énergétique du pays14.

23 Ces perspectives sont encourageantes. Mais pour équiper l’Afrique en énergie et attirer les investissements dans le secteur des nouvelles technologies (et par extension en robotique industrielle et en cobotique), l’Afrique doit investir massivement dans l’énergie. Beaucoup d’efforts restent à faire. Certes, on note que des pays comme l’Éthiopie ont doublé leur production. Entre 1990 et 2014, la production d'électricité des PMA a plus que quadruplé. Ces progrès sont l’arbre qui cache la forêt : en raison de la croissance démographique, la production par habitant n’a pu se multiplier que par 2,5. Selon le rapport du CNUCED (2018), cela montre que « Ni les capacités de production ni la production elle-même ne sont parvenues à suivre l'augmentation du nombre de personnes ayant accès à l'électricité, qui a progressé de 460 % depuis 1991 ». Pour cette raison, l’Afrique de l’énergie doit se guérir de son problème essentiel, qui est le manque de capitaux. En effet, Rolf Traeger, économiste à la CNUCED et coauteur du rapport déjà cité, a noté que « Seulement 1,8 % de l'aide publique au développement, soit 3,8 milliards de dollars par an, est dirigée vers l'énergie. Pour atteindre d'ici à 2030 l'objectif 7 des ODD, il en faudrait entre 12 et 40 milliards de dollars chaque année »15.

Conclusion

24 Cette contribution a clairement montré que le potentiel et les prouesses de la robotique et de la cobotique n’étaient pas sans risque pour l’économie africaine du présent et du futur. Elle a aussi montré que l’impact du sous-équipement du continent en infrastructures physiques et traditionnelles était quelque peu sous-estimé et qu’il fallait impérativement le prendre en compte lorsqu’on parle de l’introduction de la robotique collaborative dans divers domaines de la vie sociale et économique africaine. Pour cela même, nous trouvons pertinentes les recommandations suivantes du FMI qui insiste sur un investissement massif dans cinq domaines stratégiques en Afrique : (1)

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favoriser la connectivité par le développement d’infrastructures numériques, (2) investir dans des systèmes éducatifs flexibles pour faire des nouvelles technologies des substituts ou des compléments pédagogiques et éducatifs, (3) promouvoir une urbanisation intelligente pour consolider les principaux foyers d’émergence et de rayonnement des changements technologiques, (4) promouvoir des dispositifs de protection sociale en phase avec un marché du travail flexible et volatile et, (5) approfondir l’intégration économique régionale. Le déploiement des changements technologiques induits par la quatrième révolution industrielle et auxquels participent la robotique industrielle et la robotique collaborative ne peut se faire véritablement et à grands profits pour les investisseurs et le continent qu’à la condition de structurer et de stabiliser durablement ces cinq domaines. Ainsi, la robotique collaborative doit être fixée au sol : elle ne pousse que dans un environnement et une structure où les infrastructures physiques et traditionnelles sont clairement implantées et fiables. L’Afrique doit se pourvoir de ces outils préalables et nécessaires, si elle veut tirer le meilleur profit de la robotique collaborative.

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NOTES

1. Newsroom, « Ford vante les mérites de la robotique collaborative en vidéo », article du 18.07.16, disponible sur https://humanoides.fr/ford-robotique-collaborative/ 2. Idem. 3. Banque Mondiale, « Rapport sur l’urbanisation en Afrique : pour soutenir la croissance il faut améliorer la vie des habitants et des entreprises dans les villes », article du 9 février 2017, disponible sur http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/02/09/world- bank-report-improving-conditions-for-people-and-businesses-in-africas-cities-is-key-to-growth. 4. Idem. 5. Idem. 6. Idem. 7. Idem. 8. Idem. 9. Xinhua, « Routes: à peine 28% du réseau africain bitumé, les circuits transafricains au centre des préoccupations (PAPIER GENERAL) », disponible sur http://french.peopledaily.com.cn/ 96852/8216758.html. 10. Jacques Deveaux, « Dans l’Afrique en développement, les projets ferroviaires se multiplient » https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/economie-africaine/ 11. Global energy architecture performance index report, 2017. 12. Richard Hiaukt, « L'électrification de l'Afrique prend du retard », article du 22/11/17, disponible sur https://www.lesechos.fr/22/11/2017/lesechos.fr/030912798577_l-electrification- de-l-afrique-prend-du-retard.htm

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13. Jeune Afrique/ Marion Douet, « Electricité : Clap de fin pour les ambitions africaines de Jean- Louis Borloo », article du 16 février 2017, disponible sur https://www.jeuneafrique.com/404369/ economie/clap-de-fin-ambitions-africaines-de-jean-louis-borloo/ 14. Source des données : La Tribune Afrique, « L'électrification de l'Afrique en cinq questions », article du 02/05/2018, disponible sur https://afrique.latribune.fr/afrique.latribune.fr/ entreprises/la-tribune-afrique-de-l-energie-by-enedis/2018-05-02/l-electrification-de-l-afrique- en-cinq-questions-777283.html 15. Cité par Richard Hiaukt, « L'électrification de l'Afrique prend du retard », op.cit.

AUTEUR

TITI PALE Docteur

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

La ville intelligente et la question de la participation citoyenne dans les collectivités publiques The intelligent city and the question of citizen participation in public authorities. Die intelligente stadt und die frage der beteiligung der bürger an den öffentlichen behörden.

Adèhè Essossimna POKORE

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/2958 DOI : 10.4000/ctd.2958 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Adèhè Essossimna POKORE, « La ville intelligente et la question de la participation citoyenne dans les collectivités publiques », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 12 juillet 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/2958 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.2958

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La ville intelligente et la question de la participation citoyenne dans les collectivités publiques The intelligent city and the question of citizen participation in public authorities. Die intelligente stadt und die frage der beteiligung der bürger an den öffentlichen behörden.

Adèhè Essossimna POKORE

1 La ville intelligente constitue un dispositif de participation citoyenne dans les collectivités publiques. En effet, elle offre la possibilité aux citoyens de participer à la prise de décision concernant les actions publiques par le biais des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). Toutefois, un constat peut être fait, le débat qui précède la construction de ladite ville n’est pas inclusif. Les habitants ne sont pas impliqués dans ce débat. De fait, le mécanisme de la mise en place de la ville intelligente repose uniquement sur la vision des spécialistes ou experts. Ce qui justifie quelquefois qu’une ville intelligente mise en place par une collectivité publique donnée ne corresponde pas aux aspirations des habitants. De ce fait, ici, nous estimons que le manque de la participation des citoyennes au débat précédant la construction de ladite ville constitue la source de la vulnérabilité des habitants. À cet effet, nous suggérons que ce débat soit inclusif. Il s’agit d’associer les citoyens afin qu’ils aient la possibilité de décider de la forme de la ville intelligente qui les convient. Ce qui permettrait de trouver une solution à la question suivante : quelle forme de ville intelligente pour quelle population ? Si non, une collectivité publique peut concevoir une ville intelligente au profit de ses habitants sans que celle-ci ne corresponde réellement à leurs aspirations, comme c’est le cas de la cité numérique construite en Algérie. En effet (Abderezak Djemili et Massaoud Abbaoui, 66), indiquent que : « […] La cité numérique reste encore largement « une boîte noire », pour les habitants, sous l'effet d'une double fermeture : corporatiste et administrative. ». Conséquence, la cité numérique ne correspond pas aux habitudes des habitants. Ils préconisent donc une participation des

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citoyens dans la construction et la gestion de la cité numérique. Nous estimons dans cette perspective qu’une ville intelligente ne doit pas seulement renforcer les principes démocratiques en aval, elle doit, elle-même, être construite sur la base de la « technologie participative » en amont.

2 À cet effet, dans cet article, d’abord, nous présenterons la ville intelligente, les avantages qu’elle procure en matière du renforcement des pratiques démocratiques et le concept de participation citoyenne. Ensuite, nous relèverons, dans un esprit critique, le manque de la participation citoyenne dans le débat qui précède la conception et la construction de ladite ville. Enfin, nous envisagerons des dispositifs susceptibles de favoriser la participation des habitants au débat qui précède la construction de la ville intelligente afin d’éviter la vulnérabilité de ces derniers.

La « ville intelligente » : émergence, spécificité et avantages

3 La ville intelligente tire ses origines de la philosophie prônée par le mouvement « open data1 », lequel tire ses origines du rêve de villes totalement connectées, que (Nicolas Schöffer, 91) qualifie de « ville informative ». De fait, le mouvement « open data » œuvre en faveur des principes d’échange égalitaire, de circulation libre et gratuite des données publiques. En réalité, lorsque les données publiques sont accessibles et réutilisables, elles acquièrent de nouvelles valeurs. De ce fait, il est souhaitable que des mécanismes favorisant la libre circulation de ces données soient mis en place. C’est dans cette perspective qu’il a été envisagé un espace urbain construit sur la base d’intégration des NTIC. Par contre, certains, à l’instar de Fabien Deglise, considèrent que ce projet de ville intelligente est utopiste. Cependant, le rêve est devenu une réalité, car de nos jours, la ville intelligente constitue le modèle urbain dans le monde entier, comme l’affirme (Laetitia Anthoine Gazel, 4) « si jusque récemment la smart city n'était qu'un concept, aujourd'hui c'est un projet que chaque ville désire mettre en place.». En effet, cette forme de ville portée dans les idées s'est concrétisée en 2003 en Corée du Sud, avec le projet U-Korea, lequel, en s'appuyant sur le concept d'« ubiquitous computing » de l’aménagement de la ville Songdo située au bord de la mer Jaune, a abouti à la mise en place des systèmes intelligents innovants notamment la gestion de l'énergie, le maillage Wifi et la vidéo surveillance omniprésente du réseau omniprésent à la société connectée. Cependant, c’est en 2005 que le concept de « smart city » a fait son apparition. Il a été utilisé par Bill Clinton lors d'un défi lancé par sa fondation à l’entreprise Cisco qui avait la responsabilité de mettre en place des plans de décongestion des villes de Francisco, de Séoul et d’Amsterdam. Cette initiative visait à diminuer les émissions de CO2, réduire la pollution de l’environnement et de permettre aux collectivités locales et leurs habitants d’économiser le temps de leurs trajets et l'argent en réduisant leurs coûts budgétaires. À ce propos, Benoit Georges affirme que « lancé il y a moins de dix ans en Californie par une trentaine de pionniers de l'Internet, dont le célèbre professeur de droit Lawrence Lessig, le mouvement en faveur de l'ouverture des données publiques («open data») s'est répandu sur tous les continents2.».

4 De nos jours, ce mouvement a un statut important sur le plan mondial, ce qui fait affirmer (Julien Damon, 170) que : « c’est un qualificatif à la mode ces temps-ci.». Dans cette perspective, il a été mis en place depuis 2014 la norme ISO 37120 qui certifie les indicateurs sur les services urbains, la qualité de vie et la protection de

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l’environnement. Le forum, Intelligent Community Forum3, est organisé toutes les années au cours duquel les villes sont récompensées à titre des efforts consentis en matière de politique d’open data. La ville intelligente représente désormais le modèle de référence des municipalités dans le monde entier. C’est le cas de la ville de Nantes (France) qui fait des efforts afin de se hisser au rang de ville intelligente au plan national et international. Nous pouvons donc estimer que l’action sur la ville est désormais envisagée dans une logique plus qualitative de renouvellement.

5 Il convient de souligner que la révolution numérique favorise la naissance des villes connectées. Ces villes offrent plusieurs possibilités aux habitants dans les collectivités publiques. Pour (Julien Damon, 170), « une ville est plus ou moins intelligente si elle favorise le bien-être de ses habitants en leur donnant facilement accès aux ressources numériques. Je pense qu'une ville intelligente est d'abord une ville qui propose du wi-fi gratuit à tout le monde. » . La ville intelligente joue un rôle important de nos jours en matière de la qualité sociale et environnementale par le biais des NTIC. En réalité, elle constitue une solution fiable et durable aux problèmes urbains contemporains. Par exemple, comme l’a montré (Jean Bouinot, 15), une ville intelligente est, non seulement, celle qui attire les entreprises, mais elle est aussi, celle qui est capable de retenir celles qui emploient la main-d’œuvre qualifiée. Elles constituent donc une solution au paradoxe que soulève l’explosion démographique urbaine. En réalité, dans les pays développés, la main-d’œuvre qualifiée est devenue, malgré une population importante urbaine, une ressource plus rare que les capitaux financiers et des équipes actives stratégiques fondamentales dans un contexte mondial concurrentiel. Dès lors, la question qui se pose est de savoir quelle est la spécificité de la ville intelligente ?

La spécificité de la ville intelligente

6 Une ville intelligente est principalement connectée en interne4 et en externe5. Elle est un système essentiellement complexe, mais totalement unifié. Même si elle est plus complexe, elle est de même nature que le schéma de la ville présenté par Nicolas Schöffer en 1974. Considérant ce schéma, nous pouvons admettre qu’une ville intelligente est comparable à un corps humain composé de plusieurs organes. Chaque organe joue un rôle spécifique en participant au bon fonctionnement de l’ensemble de l’organisme, dont les NTIC, contrôlées par un « centre cybernétique », représentent le cerveau humain. Cette forme de ville se présente, selon (Jean Daniélou, 63), « […] comme un système unifié où les silos, souvent considérés comme autonomes et déconnectés les uns des autres, sont réunis par un réseau rassemblant des données éparses pour les traiter comme un tout. » La connexion en interne et en externe constitue donc la spécificité de la ville intelligente. Quelle peut-être alors l’importance de ces deux formes de connexion ?

Une ville intelligente, levier d’ouverture et de disponibilité des données publiques

7 Les connexions interne et externe de la ville intelligente favorisent l’échange égalitaire, la circulation libre et gratuite des données dans les collectivités publiques. Sur le plan intérieur, par le biais des NTIC (les NTIC domestiques, supports, numériques, dispositifs d’informations, capteurs, compteurs intelligents, etc.), un secteur A peut mettre ses données collectées à la disposition d’un autre secteur B, vice versa. C’est cette

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interconnectivité qui fait dire à (Herbert Maisl, 15) que « les Échanges de Données Informatisées vont en se multipliant à l’intérieur de l’administration comme dans les relations de celle-ci avec les entreprises. » Par exemple, les banques sollicitent les données judiciaires de leurs clients lors d’octroi des prêts et de crédits. Le secteur de transport met les données concernant tout son trafic à la disposition publique. Sur le plan extérieur, les informations circulent entre les villes ou entre les États par le biais des NTIC. De nos jours, face aux menaces du terrorisme islamiste auxquelles s’exposent tous les pays, nous assistons à une forte collaboration entre les États qui se traduit par la transmission des informations via la connectivité des villes. Par exemple, le terroriste français le plus recherché depuis 2015, Peter Cherif, a été arrêté en Djibouti le 16 décembre 2018 grâce à l’échange d’informations entre la France et le Djibouti.

8 Ainsi pouvons-nous admettre que les connexions interne et externe favorisent la disponibilité et la libre circulation des données publiques dans les collectivités publiques. En quoi la ville intelligente peut-elle alors garantir la pratique participative ? Avant de répondre à la question ainsi posée, nous présentons d’abord le concept de participation citoyenne.

La participation citoyenne, origine et définition

9 Le besoin d’avoir recours à la pratique participative dans le processus de prise de décisions politiques tire ses origines de l’Antiquité grecque dans la cité athénienne6. En effet, dans cette cité, les citoyens se regroupaient régulièrement sur la place publique, débâtaient puis décidaient et adoptaient ensemble des lois dans l’intérêt public. La responsabilité publique était attribuée aux citoyens lors de ces assemblées et elle pouvait faire l’objet de révocation de la même façon. C’est la marque de la démocratie directe, instaurée dans ladite cité à l’issue des réformes politiques et sociales réalisées par des hommes politiques7 suite à une crise politique et sociale. Cette forme de démocratie peut être considérée comme l’origine lointaine de la pratique participative. Par contre, l’impératif participatif, de nos jours, peut être expliqué par la crise de la représentativité à laquelle font face les démocraties représentatives et qui se manifeste par la « revendication de la démocratie8. ». En effet, selon l’opinion publique, les représentants jouissent d’une liberté totale vis-à-vis des représentés, car les représentés n’ont qu’un seul pouvoir, l’élection de leurs gouvernants. Dans ces conditions, c’est la transparence administrative qui fait défaut. Dès lors, la pratique participative favorise la lisibilité et la visibilité de l’administration publique. Pour (Pierre Rosavanllon, 242), il s’agit, non seulement, de favoriser une meilleure compréhension du fonctionnement des institutions publiques, mais aussi, de mettre en place des mécanismes susceptibles de favoriser la bonne compréhension et l’interprétation du monde social. La pratique participative se conçoit donc comme une gestion collaborative des affaires publiques. Il est impératif d’associer les citoyens à la prise des décisions dans l’accomplissement des actions publiques. Il s’agit d’impliquer efficacement les citoyens et de tenir compte de leurs avis dans le processus de détermination et de réalisation des projets à intérêt public. Dans cette perspective (Marie-Hélène Bacqué et Yves Sintomer, 10) indiquent que certains auteurs, à l’instar de Patman, Mollet, Gontcharoff, Godbout, MacPherson, Barber, etc., ont commencé à défricher cette question participative dans les années 1970 et 1980 dans un contexte de développement des mouvements sociaux avant qu’elle ne devienne une question à

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portée mondiale. À ce propos (Pierre Rosanvallon, 242) indique que la pratique participative a d’abord commencé dans l’ordre économique sous forme d’une exigence du droit de savoir des citoyens et elle s’est ensuite développée dans plusieurs domaines. Par exemple, dans les politiques scientifiques, commencée dans les années 1960, c’est en 1970 qu’elle est abordée de façon systématique. Elle consiste à avoir recours au principe de précaution9.

10 Il paraît donc légitime d’estimer que la pratique participative consiste, non seulement, à impliquer toutes les parties prenantes dans le processus de prise de décision, mais aussi, la prise en compte de leurs différents avis s’avère obligatoire. Dans cette perspective, la théorie de l’enquête de John Dewey présente le moyen pratique par lequel les membres d’une communauté donnée peuvent parvenir ensemble à trouver des solutions aux maux qui minent leur société. À ce titre (John Dewey, 169) a présenté la définition de l’enquête relevant la nécessité d’impliquer toutes les parties prenantes dans le processus de prise de décisions. Nous pouvons admettre avec (Albert Ogien et Sandra Laugier, 106) que « […] tous les membres d’une société se trouvent à égalité de responsabilité et de compétence dans le travail collectif qui consiste à s’occuper des questions d’intérêt public qui se posent incessamment à eux […]». Dès lors, si nous considérons la théorie de l’enquête, pourrions-nous admettre que le modèle de la ville de Songdo10 a été conçu et adopté dans un contexte de participation citoyenne ?

La conception et la construction de la ville intelligente, une affaire des experts et spécialistes

11 La ville intelligente est susceptible de favoriser la transparence administrative, car elle est le canal de la mise à disposition des données relatives aux actions publiques des représentants. Cependant, le constat qui peut être fait est le suivant : la ville intelligente constitue un facteur de la participation citoyenne lorsqu’elle est fonctionnelle. En réalité, les conditions de sa conception et de sa construction ne font pas l’objet de transparence. En nous référant aux origines de ladite ville présentées par (Sandra Breux et Jérémy Diaz, 2), nous pouvons admettre que ce sont les experts et spécialistes qui décident des formes de villes intelligentes pour les habitants. De fait, le modèle de la ville intelligente a été une initiative des entreprises privées à l’instar de l’entreprise Cisco. Portée d’abord dans les idées, la ville intelligente a été concrétisée en Corée du sud en 2003 pour la première fois. Cette forme de ville s’est développée dans le monde entier. Dans ces conditions, il paraît légitime d’admettre que les habitants n’ont pas été impliqués dans le débat précédant la construction de la ville intelligente. (Abderezak Djemili et Messaoud Abbaoui, 66) soulignent justement qu’en Algérie, les cités numériques ont été construites sans consulter les habitants. En effet, ces cités regroupent un ensemble de logements collectifs (20, 60, 150, 400, 6000, etc.) construits en dehors des centres villes mais qui ne correspondent pas aux attentes des habitants. Nous pouvons donc admettre avec (Abderezak Djemili et Messaoud Abbaoui, 66) que la cité numérique « représente une organisation basée sur le quantitatif ». Par contre, nous pouvons soutenir qu’afin que la ville intelligente soit basée sur le qualitatif, il faudrait mettre en place des dispositifs et procédures qui permettent d'associer les habitants au débat qui précède sa construction. Comment peut-on alors associer les habitants au débat précédant la conception et la construction de leur ville intelligente ?

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La participation citoyenne, fondement de la conception et la construction de la ville intelligente

12 La mise en place d’une ville intelligente implique la modification du mode de vie des populations locales, car à la différence de la ville classique, elle suppose l’intégration des NTIC à l’espace urbain. De ce fait, si cette ville ne correspond pas aux réalités quotidiennes des habitants, ceux-ci se retrouveraient dans un état de vulnérabilité, car ils ne sauront pas se servir des dispositifs technologiques. Pour cette raison, l’association des habitants au débat qui précède la construction de la ville intelligente s’avère indispensable comme le suggère (Pascale Luciani-Boyer, 79) « Lorsque l’on parle de la ville intelligente, on parle d’une ville qui se tisse. La ville est un grand métier à tisser, or quand on tisse une toile avec un métier, il y a des fils horizontaux et verticaux et chaque nœud est un lieu d’échange. Je crois que la ville intelligente, si on voulait y mettre une image, est ce merveilleux tissage que nous devons, politiques, mais pas exclusivement, avec aussi citoyens et société civile, construire. »

13 En réalité, une participation citoyenne peut permettre aux responsables des collectivités publiques de marier la rationalité technique de la ville intelligente avec les logiques et réalités des habitants. (Pascale Luciani-Boyer, 83) souligne justement que : « […], ma petite place, plutôt de comporter deux lampadaires, devrait compter un banc et trois pots de fleures. La puissance publique n’en sait rien, le décideur public n’en sait rien. Ceux qui le savent, ce sont bien les citoyens qui sont au plus près de leurs attentes quotidiennes. »

14 C’est ce qui constitue, à notre avis, l’importance de l’association des habitants au débat précédant la conception et la construction de la ville intelligente. Dès lors, comment pouvoir associer les habitants au débat qui précède la construction de la ville intelligente ?

L’« enquête », fondement de la conception et la construction de la ville intelligente

15 Pour (John Dewey, 211-212), certaines questions peuvent être confiées aux experts ou spécialistes et faire toujours l’objet d’enquête. Il indique donc que, lorsqu’une question est confiée aux experts ou spécialistes qui font des recherches et qui aboutissent aux résultats, quels qu’ils soient, ces résultats doivent faire l’objet d’un examen public. Ils doivent impérativement être portés à la connaissance des autres membres de la société afin qu’ils fassent un examen critique. Nous pouvons donc estimer que, pour John Dewey, le plus important dans la gestion des affaires publiques c’est de permettre à tous les membres de la société de porter un regard critique sur les propositions de décisions qui sont envisagées. Si les experts ou spécialistes ont l’obligation de mettre les résultats de leurs investigations à la disposition publique, leurs résultats peuvent faire l’objet d’approbation ou de contestation. (Emmanuel Picavet et Caroline Guibet- Lafaye, 11) indiquent à ce propos que : « Dorénavant, la présence et l’implication de personnes non spécialistes sont largement perçues comme des éléments de précaution face à l’incertitude, et spécialement face au type d’incertitude qu’introduisent (ou accentuent) les développements des techniques. On estime, typiquement, qu’il serait imprudent de s’en remettre d’une manière par trop exclusive aux seuls spécialistes. En

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particulier, pour les raisons suivantes, bien exprimées par exemple en France à l’occasion des « États généraux de la bioéthique » en 2009.»

16 En effet, il s’agit de donner l’opportunité aux uns et aux autres de se prononcer sur les risques auxquels ils sont tous exposés et de se méfier des avis des experts ou spécialistes en valorisant la prise de décision collective. Pour ces raisons, nous pouvons suggérer que, même si le modèle de la ville intelligente est déterminé par les experts ou spécialistes, la maquette doit être soumise à l’appréciation des habitants. Que ceux-ci aient la possibilité de décider ensemble avec les experts ou spécialistes de la forme de la ville intelligente qui les convient.

17 L’« enquête » est une manifestation des droits de savoir et d’opinion. Ces droits peuvent jouer un rôle déterminant dans la gestion des affaires publiques. Pour John Stuart Mill, ces droits ou libertés jouent deux rôles : ils favorisent l’amélioration d’une pensée déjà admise individuellement ou collectivement ainsi que la rectification d’une pensée erronée. Dans ces conditions, une bonne opinion peut être améliorée et une fausse opinion peut être rectifiée sous le coup de la discussion. En réalité, lorsqu’on permet à un individu de s’exprimer sur un sujet donné, il a l’opportunité d’améliorer son opinion ou de rectifier l’opinion fausse qu’il a de ce sujet. (John Stuart Mill, 91) écrit : « […] s’habituer à corriger et compléter systématiquement son opinion en la comparant à celle des autres est la seule garantie qui la rende digne de confiance. » Or, en pratique, pour qu’un individu puisse comparer son opinion à celle des autres, il faudrait qu’il ait connaissance des opinions de ces derniers. Ce qui n’est possible que dans un cadre de discussion inclusive comme l’indique John Rawls (2009) à propos de la détermination des « principes de justice ». Nous pouvons souligner dans cette perspective que si une maquette de la ville intelligente est présentée aux habitants, elle pourrait faire l’objet d’amélioration et d’adaptation à leurs réalités sociales. Le débat précédant la conception et la construction de la ville intelligente offre donc des possibilités de choix aux habitants. Ces derniers peuvent approuver ou désapprouver une maquette de la ville intelligente. Il s’agit, en réalité, d’une marque d’autonomie des habitants.

18 En somme, le présent travail part de l’idée que la ville intelligente favorise la participation citoyenne dans les collectivités publiques. Cependant, elle n’est pas construite sur la base de la technologie participative. Estimant à cet effet que les habitants ne sont pas associés au débat qui précède la construction de la ville intelligente, nous avons préconisé la mise en place de dispositifs et procédures susceptibles de favoriser la participation citoyenne dans la conception, la construction et la gestion de ladite ville afin qu’elle réponde mieux aux attentes des habitants. Un débat inclusif entre experts, spécialistes et les habitants peut donc permettre de marier la rationalité technologique avec les réalités sociales afin de rendre la ville intelligente plus intelligente.

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NOTES

1. En français : ouverture des données. 2. B. Georges, « Big data Les nouveaux enjeux des données urbaines », Les Echos, Juin 2016. [En ligne] : https://www.lesechos.fr/2016/06/les-nouveaux-enjeux-des-donnees-urbaines-228141, consulté, le 30/12/2018. 3. ICF est un organisme à but non lucratif, situé à New York, qui étudie le développement des villes du XXIe siècle. 4. Les différents secteurs de fonctionnement qui composent l’espace urbain sont connectés entre eux. 5. Elle reste connectée avec les autres villes ou le reste du monde extérieur au sein duquel elle constitue une partie 6. Voir Aristote, (1891), Constitution d’Athènes, traduit par B. Haussoulier, Paris, Emile Boullon. 7. Il s’agit de Solon, Dracon, Clisthène, Périclès, etc. 8. Voir A. Ogien et S. Laugier, (2014), Le principe démocratie. Enquête sur les nouvelles formes du politique, Paris, La Découverte. 9. Voir E. Picavet et C. Guibet Lafaye, 2012, « La précaution, l’éthique et la structure de l’action ». Revue de Métaphysique et de Morale, PUF, p. 593-609. 10. Nous nous référons à cette ville, car elle est la première ville intelligente construite dans le monde entier.

RÉSUMÉS

La ville intelligente constitue une solution fiable apportée à la vulnérabilité des citoyens dans les collectivités publiques. Elle permet à celles-ci d’améliorer les conditions de vie des citoyens en rapprochant les services publics de ces derniers. Elle favorise surtout la démocratie participative par le biais des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Malgré tout, il y a lieu de relever ici le manque de participation des habitants au débat qui précède la conception et la construction de ladite ville, par conséquent leurs avis ne sont pas pris en compte. Nous suggérons, à cet effet, la mise en place d’un dispositif permettant d’associer les habitants au débat qui précède la conception et la construction de la ville intelligente.

The smart city is a reliable solution to the vulnerability of citizens in public communities. It allows them to improve the living conditions of citizens by bringing public services closer to them. Above all, it promotes participatory democracy through New Information and Communication Technologies. Nevertheless, it is necessary to note here the lack of participation of the inhabitants in the debate which precedes the design and the construction of this city, consequently their opinions are not taken into account. To this end, we suggest the establishment of a mechanism to involve residents in the debate that precedes the design and construction of the smart city.

Die Smart City ist eine zuverlässige Lösung für die Gefährdung von Bürgern in öffentlichen Gemeinden. Es ermöglicht ihnen, die Lebensbedingungen der Bürger zu verbessern, indem sie ihnen die öffentlichen Dienste näher bringen. Sie fördert vor allem die partizipative Demokratie durch neue Informations- und Kommunikationstechnologien. Dennoch ist hier die mangelnde

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Beteiligung der Einwohner an der Debatte zu bemerken, die dem Entwurf und dem Bau dieser Stadt vorausgeht, weshalb ihre Meinungen nicht berücksichtigt werden. Zu diesem Zweck schlagen wir die Einrichtung eines Mechanismus vor, um die Bewohner in die Debatte einzubeziehen, die dem Entwurf und der Errichtung der intelligenten Stadt vorausgeht.

INDEX

Mots-clés : ville intelligente, participation citoyenne, collectivité publique. Keywords : smart city, citizen participation, public collectivity. Schlüsselwörter : Smart City, Bürgerbeteiligung, öffentliche Gemeinschaft

AUTEUR

ADÈHÈ ESSOSSIMNA POKORE Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Robotique éducative et apprentissage du code informatique :Étude exploratoire auprès d’organismes de formation Educational robotics and computer code learning:Exploratory study with training organizations Robótica educativa y aprendizaje del código informático :Estudio exploratorio con organizaciones de formación

Nayra Vacaflor, Feirouz Boudokhane-Lima et Mahdi Amri

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/3012 DOI : 10.4000/ctd.3012 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Nayra Vacaflor, Feirouz Boudokhane-Lima et Mahdi Amri, « Robotique éducative et apprentissage du code informatique :Étude exploratoire auprès d’organismes de formation », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 08 juillet 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/3012 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.3012

Ce document a été généré automatiquement le 20 juillet 2020.

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Robotique éducative et apprentissage du code informatique :Étude exploratoire auprès d’organismes de formation Educational robotics and computer code learning:Exploratory study with training organizations Robótica educativa y aprendizaje del código informático :Estudio exploratorio con organizaciones de formación

Nayra Vacaflor, Feirouz Boudokhane-Lima et Mahdi Amri

Introduction

1 Différents professionnels de l’éducation se sont intéressés ces dernières années à l’apprentissage de la programmation auprès des enfants et adolescents. Récemment, le retour en force de la robotique à l’école témoigne d’un renouveau de l’intérêt social et scolaire pour un objet qui incarne la place et la puissance de la donnée comme élément de base de l’information et de la communication.

2 Un robot renvoie à une combinaison de quatre capacités : la polyvalence (machines multitâches), la capacité d’interaction (homme-machine), l’autonomie décisionnelle (adaptation face à une situation donnée) et l’aptitude à l’apprentissage (Gelin et Guilhem, 2016). Cet outil, tel qu’il est introduit dans les activités scolaires, appelle une réflexion qui dépasse les opérations de programmation et concerne les valeurs socio- scolaires d’émancipation à travers un objet (rapport homme-machine), un langage (informatique) et un projet (activité de penser et d’apprendre via un robot).

3 Dans la même lignée, Google a conçu un Doodle interactif avec des ingénieurs du MIT pour célébrer les 50 ans du langage informatique pour enfants en marge du mouvement « Une heure de code » visant à sensibiliser les plus jeunes à cette discipline. En France,

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certains grands patrons veulent aussi être en avance d'une révolution ; Xavier Niel le patron de Free a ouvert son école « 42 » dans l’objectif de former des bataillons de développeurs.

4 Le mathématicien Cédric Villani, médaille Fields en 2010, donne également une vision éclairante de l’enseignement de l’informatique. Il souligne l’insuffisance d’un plan numérique à l’école concentré sur les aspects matériels, à savoir la distribution, à la rentrée, de tablettes aux élèves. Il insiste sur la nécessité de l’apprentissage du code, pour tous les enfants, dès l’école primaire. En effet, l’éducation au numérique ne doit pas se limiter aux usages basiques des tablettes et ordinateurs. Elle nécessite de revisiter les conditions à créer pour permettre à chaque enfant de construire et gérer son identité au moyen de ces outils techniques. Ce besoin est très souvent sous-estimé par le contenu et les formes actuelles de l’action éducative.

5 Selon le baromètre de l'innovation 2014 BVA-Syntec Informatique1, 87 % des Français considèrent qu’il serait important que la programmation informatique soit enseignée à l’école (24 % à partir du primaire, 41 % à partir du collège). Selon un sondage TNS- Sofres pour Inria, 64 % des Français pensent que l'éducation au numérique doit permettre de comprendre les langages de programmation, 50 % de programmer soi- même, 62 % de produire et publier du contenu sur le web (CNNum, 2014).

6 Par ailleurs, l’éducation numérique devrait comporter des savoirs déclaratifs, méthodologiques et procéduraux autour de la pensée informatique. Coder peut s’apprendre avec une approche ludique à travers laquelle les apprenants peuvent robotiser des legos ou bien créer leurs premiers jeux vidéo avec Scratch. Concrètement, au moyen du coding ce sont les enfants qui créent leur propre jeu, en choisissant les mouvements et les déplacements de leur robot. Les possibilités infinies placent les petits au cœur de l'action : ils ne sont alors plus les spectateurs, mais bien les maîtres du jeu pour donner vie à leurs créations.

7 Ces questions sont au cœur de plusieurs manifestations, citons à titre d’exemple : le « Code Week », semaine européenne dédiée au code et à la programmation numérique dont la 5e édition a eu lieu du 6 au 21 octobre 2018 ; ou la dernière journée mondiale de la société de l’information dont le thème a porté sur « l’utilisation positive de l'intelligence artificielle pour tous ». Nous pouvons citer également l’Opération « 10001 codeurs en classe »2, proposée par la DANE de Créteil en 2019, qui vise à éveiller l’intérêt des élèves et des enseignants en proposant des activités variées (déplacement d’un robot, programmation de l’itinéraire d’un personnage ou d’une carte Micro :bit) adaptées à chaque niveau.

8 L’apprentissage du code dans les établissements scolaires est aussi au cœur des réflexions et des débats au sein de la communauté éducative française. Cet enseignement a fait d’ailleurs son entrée en 2016 dans les programmes scolaires. Plusieurs actions pilotes ont été également développées comme l’illustre l’exemple de Class’Code3 en France (Romero et al., 2019).

9 Désormais, tous les champs de développement (éducation, santé, agriculture…) sont touchés par la révolution numérique. L’initiation à la logique informatique devient ainsi un nouvel enjeu éducatif. Le présent travail vise à explorer ce champ d’études. Notre recherche s’intéresse aux nouvelles modalités d’apprentissage que certaines organisations proposent en matière de programmation et de robotique éducative auprès des enfants.

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10 Plusieurs registres de questions peuvent nous aider à y voir clair :

11 Quels sont les aspects numériques saillants de la contribution des organismes de formation à la robotique éducative ? Pourquoi est-il important d’instaurer une éducation à la logique informatique ? Quels sont les objectifs visés par cet apprentissage ? Comment ces structures procèdent-elles ?

12 Notre étude de terrain propose de fournir des éléments de réponses à ces questionnements et de réfléchir aux enjeux de l’apprentissage du codage informatique.

Méthodologie & terrain d’étude

13 Le point de départ de notre terrain exploratoire est une étude qualitative menée auprès de structures de formation à la programmation (codage) et d’initiation à la robotique pour des enfants ayant entre 8 et 12 ans. Celles-ci sont implantées sur le territoire Aquitain, même si certaines d’entre elles ont également une assise au niveau national.

14 Notre étude vise à saisir la façon d’enseigner de ces structures au sein des ateliers spécifiques mis en place à cet effet. Elle se base sur des entretiens semi-directifs conduits auprès de formateurs en robotique éducative et code informatique.

15 Trois structures composent notre échantillon et ont une expérience de plus de trois ans en matière d’enseignement du codage et de la robotique auprès des enfants. Nous allons dans ce qui suit présenter ces organismes et les ateliers spécifiques liés à la programmation et à la robotique. Ces exemples portent sur une sélection précise soulignant notamment : la répartition temporelle des ateliers et la compartimentation des dimensions d’apprentissage et d’enseignement quotidiens ainsi que la compréhension et la maîtrise des « animateurs » et ou formateurs selon les différentes configurations que les structures proposent à leurs apprenants.

16 La première structure est Cap sciences4. C’est un centre d’animation et d’exposition ouvert à tous les publics pour la découverte et la compréhension des phénomènes scientifiques, des principes technologiques, des applications et savoir-faire industriels. Cap sciences a plusieurs missions : répondre aux besoins éducatifs en liaison avec les écoles, bibliothèques, musées, centres culturels ; développer le professionnalisme de la diffusion de la culture scientifique et technique ; mettre en valeur les capacités scientifiques techniques et industrielles de la région aquitaine5. Au sein de Cap Sciences nous nous intéresserons à l’atelier « Robot » (8-12 ans).

17 La deuxième structure est Magic makers6, il s’agit d’une société spécialisée dans le secteur de l’enseignement du code informatique auprès des enfants. Nous nous intéresserons ici à l’atelier « Je découvre la programmation et les objets connectés » (8-10 ans). Cet atelier est un espace où les enfants créent leurs premiers jeux vidéo avec Scratch, apprennent à programmer des legos ou encore à fabriquer des joysticks et repoussent les limites de la créativité en s’appropriant les concepts de la programmation.

18 La troisième structure est Abracodabra7. C’est une structure pédagogique qui a pour mission principale d’apprendre aux enfants, à un âge très précoce, le code informatique. Les ateliers d’Abracodabra sont ouverts aux enfants âgés entre 4 et 15 ans. Au sein d’Abracodabra nous nous intéresserons notamment à l’atelier « Lego Wedo » (8-10 ans). Dans cet atelier, les enfants « brisent » les secrets de la robotique en construisant et en programmant leurs propres robots.

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19 Les informations recueillies lors des entretiens réalisés au sein de ces structures ont été analysées en suivant une démarche de catégorisation thématique de contenu (Bardin, 2013). L’analyse a pris appui sur une revue de la littérature pluridisciplinaire (sciences de l’éducation, informatique, sciences de l’information et de la communication…). Les résultats de l’étude s’articulent autour de trois parties et sont présentés dans ce qui suit.

Les objectifs visés par l’apprentissage du code

20 « Coder, c’est communiquer à un objet, une application ou un ordinateur ce qu’il doit faire, de quelle manière il doit le faire et à quel moment le faire » (Roy et al., 2017 : 46). Le code informatique est le langage qui sert à programmer et faire fonctionner les technologies numériques. Il permet de développer des logiciels, des jeux vidéo, des sites web et des applications de tout type. Il est au cœur de tous les secteurs d’activité, désormais numérisés. Nous sommes en contact permanent avec des outils qui sont engendrés par le codage et la programmation ; le code a des effets sur les formes de sociétés que nous construisons. Mais, que connaissons-nous de ce langage et de son processus de fonctionnent ?

21 Si le citoyen lambda se sent dépassé par cette discipline, plusieurs enfants apprennent aujourd’hui à coder et ce depuis leur plus jeune âge. Nombreux pays ont compris l’importance de cet apprentissage dans la formation du cyber-citoyen de demain. Au Canada, de plus en plus d’élèves pratiquent le codage à l’école ; au Royaume-Uni, c’est depuis 2014 que les enfants sont appelés à le faire ; aux États-Unis et en Suède, depuis 2013, plusieurs écoles ont intégré à leurs curricula le jeu Minecraft, où les élèves sont appelés à développer des compétences en programmation (Bugmann, Karsenti, 2017).

22 En France, l’enseignement du code (comprenant l’écriture d’application, l’initiation au chiffrement et à la programmation de robots) figure dans les programmes, il est destiné aux élèves à partir de l’école primaire. Néanmoins, cet apprentissage peine à se mettre en place. Selon une étude effectuée auprès de professeurs des écoles en 2018, 45 % d'entre eux n'enseignent pas encore la programmation dans leur classe (Bordas, 2019). En s’appuyant sur les travaux de la recherche ANR DALIE (didactique et apprentissage de l’informatique à l’école), Jacques Béziat montre que les pratiques autour de la robotique à l’école primaire restent « sans culture d’usage ». Plusieurs enseignants ne maitrisent pas les enjeux et objectifs éducatifs liés à cet enseignement, ni l’informatique elle-même (Béziat, 2019). L’enquête quantitative menée par Marine Roche, dans le cadre de sa thèse, montre que les professeurs des écoles « ne sont majoritairement pas d’accord concernant la clarté des objectifs : 46.7 % ne sont plutôt pas d’accord, 27.7 % ne le sont pas du tout. Au niveau des connaissances à transmettre, la plupart des enseignants ne sont pas à l’aise : 44.3 % ne sont pas du tout d’accord et seulement 9.9 % se sentent tout à fait capable de transmettre ces connaissances » (Roche, 2019 : 159).

23 Enseigner le code à l’école primaire pose ainsi la question de la formation des enseignants (formation continue et initiale). Au collège, la question des moyens (techniques et humains) est aussi préoccupante : Combien de postes faut-il créer pour assurer l’enseignement de l’informatique ? Où trouver tous ces enseignants ? (CNNum, 2014).

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24 Face à cette réalité de terrain qui illustre la difficile mise en place de l’enseignement du code à l’école, des structures privées, persuadées de l’importance de la pensée informatique dans le développement des compétences de demain, proposent aux élèves des formations dans ce domaine. C’est le cas des organismes au sein desquels nous avons mené notre étude exploratoire.

25 Enseigner le code consiste à apprendre la programmation informatique. Les bases de cet apprentissage ont été lancées dès les années 1960 grâce aux travaux de Seymour Papert (Papert, 1980) l’un des pionniers de l’intelligence artificielle et l’un des créateurs du langage de programmation Logo. Aujourd’hui cet enseignement se développe grâce à l’introduction de nouvelles méthodes et applications. Créer un objet numérique, le connecter, hacker un drone, imprimer en 3D … cela devient un jeu d’enfant. Les institutions interviewées dans le cadre de notre recherche mettent à la disposition des enfants de nombreux outils permettant de rendre cet enseignement plus intuitif, plus interactif et plus ludique. Parmi ces outils on peut citer l’application de programmation éducative Swift Playgrounds. Son usage permet aux enfants une initiation à l’intelligence artificielle et à la robotique éducative. Ces derniers apprennent à programmer et contrôler des robots tels que le Lego Mindstorms EV3.

26 Nous citons également la plateforme Scratch. Elle permet d’initier les enfants au code par le jeu. Son langage de programmation Smalltalk sert de base à de nombreuses solutions pour apprendre à programmer. Il permet aux élèves de créer et modifier le code informatique et de programmer ainsi des jeux vidéo, des personnages ou des histoires interactives.

27 Certains ateliers comme « Robot » de Cap Sciences utilisent les cartes électroniques Arduino8. Cette méthode permet aux enfants de comprendre les composants électroniques et les circuits logiques, d’identifier les capteurs, actionneurs et effecteurs. Le but est de leur apprendre à programmer et à créer des objets intelligents. Les formateurs rencontrés proposent également des activités débranchées (« informatique débranchée »), utilisant du papier, des cartons…, permettant une initiation à la pensée informatique et ses concepts.

28 La définition suivante, donnée par le groupe de travail numérique OCEAN, corrobore les propos des formateurs interrogés : « la robotique pédagogique fait référence à l’usage des robots comme outils éducatifs pour susciter l'intérêt vis-à-vis des activités de programmation, la découverte de la pensée algorithmique et l’initiation à l’intelligence artificielle » (OCEAN,2017).

29 Les objectifs visés par l’enseignement de la programmation sont divers. Nos interlocuteurs soulignent l’importance de faire évoluer de manière ludique la littératie numérique d’une simple utilisation des outils à la compréhension de leur fonctionnement. Apprendre ce langage permettrait aux enfants de mieux comprendre le monde numérique dans lequel ils évoluent pour qu’ils en deviennent non seulement des acteurs, mais aussi des auteurs. L’initiation à la logique informatique permet au futur cyber-citoyen de dépasser le stade de simples consommateurs et d’acquérir une réelle maîtrise du numérique. Autrement dit, de passer d’un « état de minorité » dans lequel le savoir technique est non réfléchi et coutumier à un « état de majorité » qui renvoie à une meilleure compréhension et donc une meilleure intégration des objets techniques (Simondon, 1989).

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30 Repenser les rapports homme-machine dans une approche Simondonnienne nous amène à souligner le risque d’abandonner l’outil numérique à sa fonctionnalité, plus que jamais il devient nécessaire que « l’objet technique soit connu en lui-même pour que la relation de l’Homme à la machine devienne stable et valide : d’où la nécessité d’une culture technique » (Ibid : 32). L’apprentissage du code devient l’une des pierres angulaires de la culture technique de l’Homo numericus. Dans le contexte plus large du développement humain, les compétences numériques doivent être développées dès le plus jeune âge (Unesco, 2011), afin de préparer chaque enfant à vivre dans le monde qui l’entoure.

31 L’initiation au code permettant aux enfants une meilleure intégration des objets numériques dans leur quotidien semble également être l’une des finalités visées par les parents qui inscrivent leurs enfants à ce genre de formation. Ils viennent en effet rechercher auprès des ateliers de programmation une autre approche du numérique à inculquer à leurs enfants : « Nous avons généralement deux genres de parents, ceux qui affirment que leurs enfants sont addicts aux écrans, jeux vidéo […] et qui se sentent complètement dépassés, et d’autres qui interdisent l’usage de ces outils par crainte des risques. Dans les deux cas, les parents me disent : j’inscris mon enfant au code afin qu’il puisse découvrir une autre façon d’explorer le monde numérique » (Magic Makers).

32 Au-delà des compétences en programmation, les formateurs interrogés évoquent également la question de la capacité d’analyse et de résolution de problèmes que l’apprentissage du code permet de développer chez les enfants. La question de l’initiation à la logique est au cœur des ateliers proposés : « Notre objectif est de rendre le code accessible aux plus petits […] on veut d’abord leur apprendre à résoudre des problèmes selon une logique […]. Ça permet de structurer la pensée en quelque sorte ! » (Abracodabra) ; « Pourvoir programmer c’est comprendre pourquoi ta machine fait ça et pas ça, cela permet d’abord aux enfants de comprendre la logique, c’est comme les mathématiques, si tu comprends la logique tu peux faire tes exercices » (Magic Makers).

33 Marine Roche montre dans cet ordre d’idée que l’initiation des enfants à la programmation informatique relève d’enjeux didactiques. Cet apprentissage permet de se familiariser avec une logique de pensée et de raisonnement (facultés d’analyse, de projection et d’abstraction) notamment concernant la résolution de problème (Roche, 2019). Pour Roche, cet enseignement relève également d’enjeux économiques (le modèle de l’économie de la connaissance nécessite d’acquérir les compétences du 21e siècle) et sociaux (le numérique induit une transformation de la société, il est donc primordial de former les élèves à la culture numérique qui devient une condition pour participer activement à la société de demain).

34 Les résultats de nos analyses corroborent plusieurs travaux (Janiszek et al., 2011 ; Bugmann, Karsenti, 2017) qui suggèrent que l’apprentissage de la programmation aurait un impact sur la dynamique motivationnelle des apprenants et leur permettrait une participation plus active. Les études montrent également que cet enseignement a un impact positif sur : le développement de l’habileté en mathématiques chez l’enfant, le travail en équipe, la structuration des idées et le sens de l’organisation (Roy et al., op.cit.). Nos interlocuteurs ajoutent que les ateliers de programmation et de robotisation permettent d’autonomiser les enfants dans leur rapport quotidien avec les outils numériques.

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35 Ces ateliers impliquent enfin, d’après le discours recueilli, une mobilisation d’un apprentissage critique des technologies de l’information et de la communication. Comme le souligne l’étude ICILS (International Computer and Information Literacy Study)9, publiée en 2018, la figure du « digital native », qui serait par nature un expert dans le domaine du numérique est un mythe « qui tombe » ; en effet les élèves ne font pas preuve d’esprit critique face aux TIC. Une formation à la pensée informatique s’impose.

Création de prototype d’un robot : enjeux collaboratifs et réflexifs

36 Nous devons retenir l’idée que quand il s’agit de construire un prototype de robot et de le programmer par la suite, il faut passer par la manipulation des objets (carton, lego, feuilles) et le code informatique. Chez Cap Sciences, au sein du FabLab 27, les enfants arrivent à optimiser la programmation sur Scratch et le robot GoPiGo par exemple ; chez Abracodabra et Magic Makers ils réalisent cette tâche avec d’autres robots, mais toujours en passant par la programmation. L’idée pour ce type d’éveil demande des éléments clairement définis par les structures observées.

37 Le premier élément renvoie à la capacité à résoudre des problèmes. Les participants sont devant des blocs, des cartes électroniques, des moteurs et ils doivent résoudre un problème par eux-mêmes, penser par eux-mêmes pour arriver à un résultat, qui ne doit en aucun cas être une finalité en soi : « Nous ne voulons pas formater nos participants à réussir. Nous ne sommes pas partisans de cette méthode. Nous voulons qu’ils se trompent, c’est en commettant des erreurs qu’ils vont développer la capacité à résoudre des problèmes… » (Cap Sciences). Les participants ont en effet développé des qualités méthodologiques, comme la persévérance et la rigueur, incontournables dans la pratique du code informatique. Ils ont également réussi à mieux situer certains aspects de la création d’un prototype et à l’animer par la suite. Ces processus aident à comprendre les grands enjeux du développement informatique et évidemment le travail de création de robots, autant d’éléments concrétisés par l’éveil et la création d’un prototype robot.

38 Le deuxième élément renvoie à la pensée critique. Paradoxalement, la meilleure façon d’aborder l’apprentissage de la robotique consiste à préciser d’abord ce qu’elle n’est pas. La robotique éducative n’est ni une formation à la programmation visant prioritairement le développement de compétences à l’usage d’outils de développement ni une éducation par l’outil qui positionnerait ceux-ci comme des dispositifs favorisant l’enseignement de domaines de connaissances autres que son objet initial, à savoir la robotique elle-même. La robotique éducative ne se limite pas non plus à un enseignement sur les robots, donc à l’étude des caractéristiques technologiques pointues. Les structures étudiées se concentrent sur l’analyse, la compréhension et la réflexion critique de la programmation de base : « Un programme ne marche jamais du premier coup, et c’est frustrant pour eux, mais enrichissant pour leur développement » (Cap Sciences). Les jeunes participants se retrouvent face à un objet qui devrait marcher, mais qui ne fonctionne pas comme il le faut. Ils doivent donc réfléchir sur les raisons de ce dysfonctionnement, ce qui les amène à critiquer leur propre raisonnement.

39 Le troisième élément renvoie à la pensée créative. Selon les propos recueillis, nous remarquons que plusieurs solutions peuvent se présenter face à un problème considéré comme initialement simple. « Chaque atelier est unique » soulignent les interviewés, et

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cela les renvoie à la vitesse à laquelle les enfants développent leurs propres façons de résoudre le problème.

40 Dans cette logique, les situations-problèmes qui posent des difficultés de conception vont favoriser la créativité. Même si ces éléments que nous venons de citer peuvent nuire à la motivation de certains jeunes participants, l’intérêt de structurer les actes de résolution des problèmes de conception consistera donc à déployer des mécanismes faisant appel à la créativité.

41 Parallèlement, les ateliers menés par les structures de notre terrain de recherche présentent différentes forces pédagogiques dans les processus de mise en œuvre :

42 Intégration des différents sujets de connaissances ;

43 Opération des objets manipulables, qui favorisent le passage du concret à l’abstrait ;

44 Appropriation des langages (graphiques, iconiques, mathématiques, informatiques et naturels…) ;

45 Développement de la pensée systémique et systématique ;

46 Création des environnements d’apprentissages collaboratifs.

47 Cet ensemble de processus pédagogiques que nous avons pu peaufiner à la suite de l’analyse du discours de notre corpus d’entretiens, propose de nouvelles manières d’acquérir des connaissances significatives. Nous nous concentrerons sur l’aspect collaboratif des participants, car il démontre que l’apprenant acquière des ressources avec une équipe sporadique.

48 Il existe des composants basiques et des principes de collaboration que Spencer Kagan (1992) avait déjà développés et que nous retrouvons lors de ces ateliers :

49 L’interdépendance positive : connexion et communication assertive entre les membres de l’équipe ;

50 Responsabilité individuelle : développements particuliers disciplinés qui s’additionnent aux travaux finaux du groupe ;

51 Interaction qui met en action la communication de la discussion de la recherche de consensus, le respect pour les décisions des autres et l’opportunité pour partager ses propres opinions.

52 L’apprentissage collaboratif, dans cette perspective de construction robotique, est avant tout un moment « social » par excellence qui permet aux apprenants de construire non seulement des connaissances, mais aussi et fondamentalement une coexistence harmonieuse dans laquelle ils ont tous les mêmes chances de se développer. Les principales caractéristiques d'une équipe de travail pour la création d’un prototype de robot peuvent être différenciées. L’analyse des données recueillies nous a permis de déceler quelques éléments qui nous permettent de mesurer les groupes et la fréquence des apprenants.

53 D’abord, en ce qui concerne la composition des équipes, les ateliers restent souvent homogènes concernant l’âge, mais hétérogènes concernant le genre. Tous les ateliers sont homogènes lorsque leurs membres ont des besoins, motivations, connaissances et personnalités très similaires. Mais nous remarquons une différence sur le genre. Peu de filles s’inscrivent à ce genre d’atelier (nous reviendrons ultérieurement sur ce point).

54 Nous avons noté aussi que les personnes qui créent ces ateliers doivent mettre en place un certain nombre de règles. Ces ateliers sont gérés par une organisation à vocation

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éducative et une série de règles de comportement sont établies même si celles-ci peuvent subir des modifications de la part des participants. L’apprentissage du code devient un moment où ces règles évoluent et transforment l’unité du groupe : « Nous observons quand le travail en groupe démarre, l’ambiance change, l’écoute s’élargit et les réflexions aussi » (Cap Sciences). « Je pense qu’il y a cette idée-là, cette logique-là de création, de l’animation d’un jeu, c’est une entrée pour apprendre le code et une bonne manière de collaborer ensemble » (Magic Makers). Les fonctions des membres, avec l’appui du numérique, deviennent donc plus importantes et jouent un rôle primordial au sein du groupe.

55 Au sein de ce genre d’atelier, on retrouve également le caractère de la contribution aux tâches et aux actions qui sont effectuées par les membres de l'équipe. Chaque position dans la structure d'équipe implique un comportement attendu de la part du jeune participant. Les apprenants changent leur statut, car ils développent une cohésion, qui s’intègre dans l’équipe de création. Ils se rendent compte que ce genre de travail pourrait être réalisé individuellement, mais qu’il nécessite solidarité, échange et analyse.

56 Ce type d’atelier place ainsi le jeune participant devant un nouveau défi et lui permet de changer de posture. Autrement dit, il passe d’un élève qui suit des cours traditionnels dans une école avec des méthodes d’éducation classiques à un apprenant qui interagit et participe activement à son apprentissage. Ces structures développent donc une nouvelle forme d'apprentissage valorisée par l’équipe. Le fait d’expliquer ou de découvrir de nouvelles tâches et responsabilités, d'établir de nouveaux rôles, c'est-à- dire de les préparer à l'interaction entre les membres de l'atelier, les prépare à une insertion plus pédagogique.

57 Même si l’objectif final n’est pas l’acquisition d’une connaissance précise en « robotique », le fait de demander aux participants d'atteindre des objectifs tout en leur laissant une autonomie suffisante pour choisir le chemin qu'ils jugent le plus approprié parmi les possibles, constitue une forme d’éducation innovante : « Si les enfants ont un jeu électronique cassé je ne veux pas qu’ils le jettent, je veux qu’ils l’ouvrent pour le découvrir de l’intérieur et apprendre des choses… ils peuvent essayer de le réparer, si ça marche pas, c’est pas grave, le plus important c’est qu’ils vont avoir plus confiance en eux […] et comprendre comment cela fonctionne » (Abracodabra).

58 Cette posture place les ateliers de robotique et de programmation au fondement d’une vision renouvelée du lien social où les enfants, gagnant en autonomie, se mettent à « bidouiller » collectivement ce qu’ils avaient pour habitude de consommer passivement. C’est une réactualisation d’une culture « de l’atelier et de la coopération » (Sennett, 2014) intrinsèquement liée à la valorisation de l’apprentissage par le « faire ».

Apprendre la programmation : une approche par le jeu

59 Nos interlocuteurs soulignent que les méthodes et technologies utilisées permettent un apprentissage progressif qui amène les enfants à libérer leur imagination, à devenir plus créatifs en créant et inventant des objets tout en s’amusant : « Les outils numériques sont ludiques par nature. Ils permettent aux enfants d’apprendre là où parfois ils n’ont pas envie d’apprendre » (Abracodabra).

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60 Le « jeu » englobe ici plusieurs aspects que nous retrouvons en partie dans les modes de transmission de savoir au sein des structures de notre terrain d’enquête. Le jeu rentre en effet dans une sphère « imaginée » du robot. La robotisation et la programmation sont perçues comme une activité qui « amuse » (ici l’artefact technique devient un jouet), ce qui nous amène à analyser cela comme une sorte de « serious game » déguisé.

61 Nous soulignons par ailleurs le fait que la plupart des ateliers analysés nous positionnent dans l’approche du constructionisme qui « prétend que les constructions mentales sont facilitées lorsque l’enfant construit véritablement quelque chose » (Lebrun, 2007). Nous voyons bien que toutes les idées portées par les enfants viennent lorsqu’ils construisent leurs propres « œuvres » : des robots avec des Lego, des prototypes robots avec des cartons, des jeux vidéo. De toute évidence ces objets permettant l’observation, les essais et les erreurs, favorisent l’expression, la réflexion et le partage avec les autres.

62 Dans cet ordre d’idée, Stéphane Goria (2016) explique les catégories de dispositifs éducatifs inspirés par et pour les jeux rendant compte que celles-ci correspondent à tout outil assimilable à un jeu et conçu en tant que tel dans l’objectif de permettre la réalisation d’une tâche non ludique et la qualifier de sérieuse.

63 Seuls les jeux dédiés à l’apprentissage pourraient s’interpréter comme des artefacts de transfert de connaissances et non comme des outils de production de connaissances. Dans ce cas, ils peuvent être nommés jeux. Par ailleurs, en ce qui concerne l’effet de ces ateliers sur les connaissances informatiques acquises, même si cette étude exploratoire souligne que les ateliers favorisent davantage l’acquisition de connaissances chez les garçons que chez les filles, la quasi-totalité des participants, a néanmoins progressé : « Parfois on peut avoir un frère et une sœur qui ont presque le même âge. Le frère va venir, mais pas la sœur …. et les parents vont te dire dans ce cas "ma fille ce n’est pas vraiment son truc. Les robots c’est pour les garçons…" » (Abracodabra) ; « Malgré une présence masculine forte, je n’ai fait aucune différence entre l’intérêt et la curiosité que les filles démontrent, nous essayons toujours que les ateliers soient équilibrés » (Cap Sciences).

64 En ce qui concerne l’impact de l’apprentissage de la programmation sur la motivation intrinsèque, qui « engendre plaisir et persévérance » (Bandura, 1997 : 356) nous pouvons déduire que c’est la création des jeux qui mettent aisément en lumière le plaisir éprouvé par les participants. Cette motivation intrinsèque est stimulée par le sentiment de compétence et de capacité que les participants et formateurs exercent. La liberté de choix, le fait de chercher des solutions ainsi que la réalisation des objets connectés, les conduisent au succès final et participent ainsi à l’élaboration d’un sentiment développé d’auto efficacité, de nature à réduire l’anxiété de réussite scolaire traditionnelle.

65 Apprendre la programmation par le jeu, ou par un imaginaire du jeu, ne s’effectue pas seulement selon une perspective ludique – qui pourtant détermine l’imaginaire de ce genre d’atelier –, mais aussi critique, éducatif, voire éthique. Autant l’effet du jeu sur l’apprentissage du code et l’initiation à la robotique est positif et conséquent, autant il est mitigé et modeste sur l’équilibre genre. Ce que nous pouvons affirmer par ailleurs c’est l’augmentation des connaissances acquises qui reste l’élément fédérateur pour toutes les structures de notre échantillon.

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Conclusion

66 L’apprentissage du code permet aux enfants de mieux comprendre le monde numérique dans lequel ils évoluent pour qu’ils en deviennent non seulement des spectateurs, mais des leaders. Au terme de cette étude, nous pouvons souligner qu’au moyen de la robotique éducative, les enfants libèrent leur imagination, inventent des objets et dessinent de nouveaux scénarios en forme d’apprentissage numérique.

67 Notre travail de terrain nous a permis de soulever les enjeux de l’apprentissage du code et de la robotique. Les structures de notre terrain mettent l’accent sur l’universalité de la programmation et de la robotique, mais elles ne se rendent pas pleinement compte de ce que recouvre la notion d’informatisation, à savoir l’émergence d’un nouveau type d’interaction dynamique entre le cerveau humain et la machine.

68 Il semble par ailleurs que malgré l’importance de ses enjeux, l’enseignement du code informatique peine à trouver sa place au sein de l’éducation nationale. Les écoles manquent de ressources et sollicitent les structures privées à l’instar des organismes de notre terrain afin de combler ce besoin. Dès lors, on peut se demander comment réconcilier l’apprentissage du code aux littératies de base (lire, écrire, compter) ? Quelle place peut avoir cet enseignement au sein du socle commun de connaissances, de compétences et de culture indispensable à l’éducation de chaque élève ?

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. https://www.bva-group.com/ Baromètre de l’innovation, mai 2014 2. https://dane.ac-creteil.fr/defi/#/app/accueil 3. Class’Code, est un programme de formation innovant, qui forme depuis la rentrée 2016 les professionnels de l’éducation et de l’animation pour leur donner les moyens d’initier les enfants de 8 à 14 ans à la pensée informatique. 4. http://www.cap-sciences.net/au-programme/ateliers-jeunesse/robot 5. https://www.reseau-idee.be/adresses-utiles/fiche.php?&org_id=2642 6. https://www.magicmakers.fr 7. http://abracodabra.fr/ 8. Arduino est une petite carte électronique programmable et un logiciel multiplateforme qui permet de créer facilement des systèmes électroniques et de les programmer. 9. https://www.iea.nl/studies/iea/icils/2018/results

RÉSUMÉS

Le point de départ de notre recherche est une étude qualitative et exploratoire conduite en Aquitaine, auprès de structures de formation au codage informatique pour des enfants ayant entre 8 et 12 ans. L’objectif est de réfléchir autour des nouvelles modalités de l’apprentissage centré sur la programmation, la robotique et l’intelligence artificielle. L’initiation au code permet aux enfants une meilleure intégration des objets numériques dans leur quotidien. Elle constitue pour eux une opportunité pour développer davantage les capacités de compréhension, d’analyse, de réflexion critique et de résolution de problèmes. Dans ce sens, les méthodes et technologies utilisées permettent un apprentissage progressif qui permet aux enfants de libérer leur imagination et d’inventer des objets tout en s’amusant.

Our research is a qualitative and exploratory study conducted in Aquitaine (France). We focused on computer coding training structures for children between 8 and 12 years old. This article aims to reflect the new modalities of learning centered on programming, robotics and artificial intelligence. The code learning gives children a better integration of digital objects in their daily lives. It is an opportunity for them to develop further their abilities of understanding, analysis, critical thinking and problem solving. The methods and technologies used allow a progressive learning that permits children to open their imagination and invent funny objects while having fun.

El punto de partida de nuestra investigación es un estudio cualitativo y exploratorio realizado en Aquitania (Francia), centrándonos en estructuras de capacitación para la programación informática para niños entre 8 y 12 años. El objetivo de este artículo es el de reflexionar sobre las nuevas modalidades de aprendizaje centradas en la programación, la robótica y la inteligencia artificial. La introducción al “código” permite a los niños una mejor integración de los objetos conectados en sus vidas diarias. Es una oportunidad para que desarrollen sus habilidades de comprensión, análisis, pensamiento crítico y resolución de problemas. En este sentido, los métodos y tecnologías utilizados permiten un aprendizaje progresivo que permite a los niños liberar su imaginación e inventar objetos mientras se divierten.

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INDEX

Mots-clés : Robotique éducative, code informatique, numérique, étude exploratoire, organismes de formation Palabras claves : Robótica educativa, código informático, digital, estudio exploratorio, estructuras de aprendizaje. Keywords : Educational robotics, computer code, digital, exploratory study, training organizations

AUTEURS

NAYRA VACAFLOR Université Bordeaux Montaigne

FEIROUZ BOUDOKHANE-LIMA Université Franche-Comté

MAHDI AMRI Institut Supérieur de l’Information & de la Communication (ISIC), Rabat

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8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Robotique éducative et constitution de communs de la connaissance dans les FabLabs : un enjeu fondamental pour le développement Educational robotics and building knowledge commons in FabLabs : a fundamental challenge for development La robótica educativa y la constitución del patrimonio de conocimientos en los FabLabs: un desafío fundamental para el desarrollo

Anne Lehmans, Vincent Liquète et Mohamed Coulibaly

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/3093 DOI : 10.4000/ctd.3093 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Anne Lehmans, Vincent Liquète et Mohamed Coulibaly, « Robotique éducative et constitution de communs de la connaissance dans les FabLabs : un enjeu fondamental pour le développement », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/3093 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/ctd.3093

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Robotique éducative et constitution de communs de la connaissance dans les FabLabs : un enjeu fondamental pour le développement Educational robotics and building knowledge commons in FabLabs : a fundamental challenge for development La robótica educativa y la constitución del patrimonio de conocimientos en los FabLabs: un desafío fundamental para el desarrollo

Anne Lehmans, Vincent Liquète et Mohamed Coulibaly

1 La perception de l’espace public a évolué ces dernières années vers une revendication diffuse d’un droit universel d’accès à l’information, aux savoirs et aux compétences nécessaires au développement économique et social et à la participation aux débats publics, notamment autour du numérique et des promesses de l’intelligence artificielle, que l’on peut considérer comme une part des « communs de la connaissance » (Ostrom, 2015). Dans le socle commun de la société de la connaissance, on trouve les bases d’une culture numérique constituée autour de la machine, du langage, de l’algorithme et de l’information, à partir des trois dimensions que sont les façons de penser, les objets et les interactions sociales à l’intérieur des réseaux. Jeannette Wing (2006), parle de pensée computationnelle, mettant en œuvre plusieurs niveaux d’abstraction axés sur la résolution de problèmes, la capacité à nommer les objets, dans le contexte du monde réel et des objets qui le composent. Bruno Bachimont (2015) parle de raison computationnelle, dans laquelle le programme, le réseau et la couche caractérisent une technologie de l’intellect et une littératie propres à l’écriture numérique (Goody, 1979). La robotique éducative est amenée à jouer un rôle particulier et renouvelé dans cette littératie, depuis quelques années, interrogeant le lien entre la forme de l’objet et ses potentialités d’apprentissage, se posant comme « science et pratique de l’incarnation » (Kaplan, Oudeyer, 2008). Aux dimensions socio-économique de production, et psychologique de projection (Baudrillard, 1968) et d’empathie (Tisseron, 2015)

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attribuées au robot comme objet, les roboticiens ajoutent une dimension cognitive de modélisation des apprentissages, et les pédagogues une dimension éducative de motivation des apprentissages de l’écriture numérique et plus précisément de la programmation. La robotique éducative semble apporter un élément de réponse à l’appel de Gilbert Simondon (2009) à mettre en phase la culture avec la réalité, et à considérer l’objet technique comme un objet-réseau.

2 Cette revendication passe notamment par l’acquisition de compétences renouvelées, avec la capacité à construire des objets dans une démarche collaborative et à l’aide de techniques et d’outils mis à disposition du public dans des espaces ouverts et partagés. Le concept de FabLab y répond. Créé par Neil Gershenfeld, professeur au MIT, le « laboratoire de fabrication » est un lieu ouvert au public où sont mis à disposition toutes sortes d’outils, avec des données stockées sur des plateformes collaboratives, en vue de concevoir et de réaliser des objets. Le travail qui s’y mène dans un collectif à géométrie variable, ne porte pas seulement sur les aspects matériels de la fabrication d’objets, mais aussi sur les développements informatiques nécessaires pour les faire fonctionner, notamment autour de la robotique, et sur les dimensions sociales de la création. Ces développements sont eux-mêmes partagés sur des plateformes collaboratives.

3 Dans l’histoire de la pensée computationnelle aussi bien que des évolutions techniques du numérique et de l’internet, le FabLab s’est développé sur un terreau militant, promouvant une culture scientifique et technique partagée (Stallman, 2017). La robotique éducative dans les FabLabs en fait aussi des lieux de développement de stratégies pédagogiques et éducatives qui associent des acteurs différents, en permettant des interactions autour des compétences en jeu. C’est à ce titre qu’ils font l’objet d’un projet de recherche, qui tente d’analyser, dans une approche longitudinale, les effets réels de l’usage d’objets tangibles (les robots notamment), en comparant les contextes scolaires et non scolaires des Fablabs, espaces de co-création dans la réflexion collective et la production collaborative. Autour de ces usages, un réseau de recherche et de formation s’est constitué sur la base d’échanges de données, d’expériences et de ressources pédagogiques, dans des espaces collaboratifs ouverts. Les FabLabs analysés dans le projet sont liés au contexte scolaire par leur appartenance institutionnelle (université de Bordeaux) ou par leur vocation culturelle. A l’occasion de cette recherche, qui implique de nombreux chercheurs notamment en informatique, le projet est né de créer un Fablab correspondant dans l’université de Ségou au Mali, en s’appuyant sur le développement d’une intelligence non seulement artificielle mais surtout collaborative, qui ne nécessite pas de moyens matériels ou techniques importants, mais plutôt la construction d’une communauté de pratique à distance.

4 La question que nous proposons d’analyser dans le cadre de ce projet et dans la perspective du colloque est celle de l’effet de cet espace très particulier qu’est le FabLab sur la dynamique et le partage des apprentissages. L’hypothèse est que pour certains élèves, enfants, jeunes ou moins jeunes adultes, l’école constitue un cadre d’échec, ou dans certains pays une voie impossible pour la formation, et le FabLab une possibilité de retrouver confiance, envie, interactions sociales pour apprendre. Dans une démarche qualitative basée sur l’observation participative et des entretiens menés auprès des participants et des responsables des FabLabs, nous tenterons de faire ressortir, en nous centrant sur le cas du Mali, et en examinant l’émergence d’un projet de construction d’un FabLab, les conditions qui nous semblent indispensables pour que

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le Fablab devienne un lieu d’apprentissage de la culture numérique d’une part, un espace de développement d’une communauté de pratique et d’une culture partagée, d’autre part.

Les Fablabs dans la philosophie des communs de la connaissance

La connaissance en communs

Une approche des communs

5 La culture technique est aujourd’hui nécessaire pour que tout individu puisse agir avec et sur son environnement, gage de sa liberté et de son indépendance dans le contexte de l’industrialisation des connaissances par le numérique. À la fin des années 1990, les communautés des défenseurs du logiciel libre, le plus souvent militants, se développent sur la base du bénévolat et du volontariat, à l’instar de la communauté Wikipédienne. Ces groupes souhaitent démocratiser la culture informatique entendue non pas seulement comme un ensemble de compétences procédurales liées aux ordinateurs et à la programmation, mais aussi comme la capacité à comprendre la place du numérique dans les rapports sociaux, à résister à l’informatique d’entreprise, propriétaire, et à préserver des « communs de la connaissance » (Stallman, 2017), des espaces qui échappent à l’appropriation privée. Ces espaces connus sous les noms Fablabs, hackerspace ou makerspace (Lhoste & Barbier, 2016), suivent le mouvement « hacker » qui s’inscrit dans la culture open source, du faire soi-même (Do It Yourself) et du faire avec les autres (Do it With Others) (Suire, 2016). Ils proposent des outils et savoir-faire répondant à la question « comment fabriquer à peu près n’importe quoi » (How to make (almost) anything)) ». Ils regroupent des personnes issues milieux sociaux, âges et métiers très variés, le souci de fabriquer étant ce qui les rassemble, dans un espace de rencontre et de création collaborative. Tous types d’objets en sortent, objets artistiques, objets de remplacement, prothèses, orthèses, outils. Ils s’appuient sur des machines de fabrication numérique et des réseaux qui permettent de s’échanger des fichiers dans le monde entier. Ce sont également des lieux de développement de stratégies pédagogiques et éducatives qui associent des acteurs différents, en permettant des interactions autour des compétences en jeu.

Une approche collaborative

6 Le courant pragmatiste représenté notamment par John Dewey considère l’élève comme un individu capable d’agir dans la société et non l’instrument d’un système qui le dépasse. Cette activité, indissociable d’un engagement, suppose que l’apprenant soit considéré comme sujet agissant, acteur de son propre apprentissage et non réceptacle d’un savoir accumulé. La connaissance acquise par l’expérience est celle d’un être socialement situé dans le monde, qui interagit nécessairement dans des groupes et avec des outils qui lui permettent d’appréhender ce monde. L’usage d’un dispositif numérique spécifique incluant un espace, des outils et des relations sociales est supposé apporter un cadre d’engagement dans les apprentissages. Célestin Freinet insiste sur l’éducation du travail et la “nécessité organique d’user le potentiel de vie à une activité tout à la fois individuelle et sociale, qui ait un but parfaitement compris, et présentant

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une grande amplitude de réactions (...)” en valorisant le “sentiment de puissance” (Freinet, p. 157). L’un des défis de la recherche est celui de déterminer la place respective de la situation de projet, de l’espace technique et des interactions sociales dans l’étayage de la motivation et des apprentissages. Cet étayage repose sur le développement des compétences psychosociales nécessaires au travail collaboratif dans des équipes diversifiées, de la créativité, d’une démarche entrepreneuriale, une éducation à une démarche écocitoyenne, des compétences numériques et techniques avec une concrétisation sous forme d’un prototype tangible, l’incitation à la mise en oeuvre d’une démarche transversale et complexe.

7 Il est inutile de convoquer ici l’innovation, concept souvent illusoire ou utopique. Le FabLab, pas plus que l’utilisation de la robotique, ne constituent une innovation, en ce qu’ils mobilisent des compétences techniques dans une démarche de projet, ou plus précisément un apprentissage basé sur la conception (design-based learning) qui n’a rien de nouveau. André Tricot (2017), qui critique la rhétorique de l’innovation, souligne que tous les dispositifs de travail en projet autour du « faire » ne sont pas efficaces sur les apprentissages qui requièrent attention et engagement, outre la mobilisation de ressources cognitives importantes. Et que les apprentissages en jeu sont spécifiques : dans le FabLab, on ne peut pas tout apprendre, mais seulement des connaissances techniques, qui, certes, peuvent servir de levier social à l’envie d’apprendre. Certaines compétences liées à la manipulation de l’information et des ressources documentaires sont également en jeu, à travers la lecture ou la création de documentation technique, ou les projets qui associent la fabrication d’un objet avec des ressources culturelles nécessitant des recherches d’informations ou de documents. Dans le FabLab, outre les objectifs, les outils, le réseau social, c’est l’organisation spatiale des apprentissages qui est mise en évidence, ainsi que la création d’un système d’information qui permet à de la documentation technique, notamment, de circuler.

La pédagogie en commun : le travail autonome

La question du travail et de la production autonomes

8 Le travail autonome est au cœur de la réflexion pédagogique, comme “moyen de développement personnel” et comme finalité éducative (Freinet, 1994 : 46). Cette autonomie a une dimension politique si l’on considère les finalités de l’éducation, qui doit construire des individus capables de s’inscrire de façon active et critique dans l’espace public. Pour Freinet, l’apprentissage relève de l’expérience tâtonnée empirique puis méthodique et scientifique, outils et langage étant intimement liés pour construire l’autonomie sur l’expérience. La question de l’autonomie est souvent assimilée à celle de l’individualisation des apprentissages. Or, travailler en autonomie s’apprend et passe par une prise en charge constante en vue d’atteindre une part de distance vis-à-vis de ses propres acquis et apprentissages (Liquète, Maury, 2007). Le travail autonome nécessite dès lors des formes d’anticipation et des scénarisations pensées et mesurées par l’équipe pédagogique afin que l’apprenant ne perde pas le fil des objectifs à atteindre tout en conservant une part d’initiative personnelle face à la tâche. L’une des plus grandes difficultés pour l’enseignant est de suivre suffisamment précisément les groupes afin d’identifier la part de travail et de production de chacun, tout en reconnaissant au groupe une capacité à dépasser la seule somme des initiatives personnelles. Travailler de manière autonome exige également d’identifier les styles

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cognitifs de chaque apprenant (Rogers, 1968), en s’appuyant sur la force de chacun, tout en travaillant les points faibles afin de les améliorer dans un contrat enseignant négocié et accepté de chacun.

Le collectif dans l’autonomie

9 Trop longtemps l’apprentissage des savoirs fondamentaux, comme les approches plus récentes centrées sur les compétences, se sont focalisées sur l’individu apprenant, en omettant de considérer la place et le poids du collectif dans les acquisitions de savoir. Proche de la pédagogie Freinet (Peyronie, 2013 ; Capelle, Lehmans, Liquète, 2017), le postulat des FabLabs est que l’on s’enrichit personnellement à partir d’une organisation du travail et de la planification des tâches envisagées dès le départ sur la base d’un collectif d’individus. Dans ce collectif, chacun a besoin d’information pour avancer mais aussi besoin de communiquer, et les apprentissages se construisent largement dans la dynamique de communication. La posture autonome attendue revient alors à être en mesure de se positionner dans l’activité collective, d’en sortir pour réaliser d’autres tâches au fur et à mesure et d’auto-évaluer son apport et les éléments manquants pour que l’apprentissage soit complet. C’est également une posture autoréflexive qui est attendue de la part des enseignants et des médiateurs impliqués (Morandi, 2001).

La motivation et la persévérance

10 Enfin, le FabLab, comme la manipulation de robots, permettent de travailler sur une dimension essentielle pour les apprentissages et la persévérance, celle de la motivation. Le rôle et l’importance de la motivation dite « intrinsèque » » ont été le sujet de plusieurs études dès les années 1950 en psychologie et en pédagogie. La motivation intrinsèque s’oppose à la motivation extrinsèque dans la mesure où son objet n’est pas la satisfaction de besoins liés à des stimuli extérieurs spécifiques, comme la réponse aux besoins primaires, mais l’attrait de certaines activités pour « elles-mêmes » et ce qu’elles représentent pour l’apprenant. Les comportements que l’on attribue d’ordinaire à la curiosité, à la recherche de la nouveauté ou au plaisir de l’exploration, seraient le résultat de ce type de motivation. La relation entre la motivation intrinsèque et l’efficacité des apprentissages à l’école a été montrée de nombreuses fois dans la littérature, et plusieurs méthodes ont été ainsi développées pour la mesurer expérimentalement, notamment sur la base de questionnaires (Ryan, Deci, 2000). Ainsi, persévérance scolaire et motivation dans l’acquisition de savoirs et de compétences sont étroitement liées, la démarche par essai-erreur de l’apprenant ayant toute sa place.

11 Célestin Freinet a été l’un des premiers à proposer d’ouvrir l’école sur le monde extérieur et ses réalités concrètes, comme dans le cas du jardin pédagogique. Dans le système scolaire actuel, en effet, les élèves en décrochage scolaire, ayant perdu toute appétence pour l’apprentissage, inadaptés à une organisation scolaire rigide réglée par l’évaluation et la sanction, sont susceptibles de retrouver le plaisir d’apprendre dans des “outre-lieux” tels que les Fablabs, qui permettent de passer de la conception au prototypage puis de la mise au point à la réalisation d’objets. Ces lieux d’apprentissage et espaces de créativité favorisent la rencontre et les interactions de différents acteurs autour d’objets partagés pour des usages différenciés dont on fait l’hypothèse qu’ils peuvent aider des jeunes en difficulté ou en décrochage par rapport à leur parcours

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scolaire. En effet, les compétences dans l’activité valorisent l’estime de soi à travers un espace-temps en décalage par rapport à l’école, qui laisse toute sa place à la démarche d’essai-erreur et aux interactions. Le travail accompagné se réalise le plus souvent à plusieurs, sur le mode de projet visant à s’organiser pour atteindre un objectif commun. L’atteinte de cet objectif représente alors une réussite qui permet de regagner confiance et de se sentir valorisé.

12 Dans ce cadre, les objectifs du projet visent une activité non maîtrisée (non formalisée à l’avance dans le détail des activités), nécessitant une réflexion, une adaptation, un entraînement (avec des échecs possibles dans une démarche d’essai-erreur) pour développer des tâches plus ou moins complexes. L’expérimentation repose sur l’hypothèse que la fabrication d’objets donne un sens à l'activité et aux apprentissages, crée des liens entre différents apprentissages et acteurs de l’éducation, suscite la curiosité et donc la motivation, valorise la réalisation et les compétences acquises.

Problématique et éléments de méthode

Une problématique à trois niveaux

13 Dans le cadre de la recherche et des démarches-actions engagées au sein du collectif Persévérons (recherche e-Fran 2016-2020) composé de chercheurs et d’acteurs de la médiation, nous avons choisi de réfléchir à une problématique de recherche imbriquant trois niveaux de réflexion :

14 - premièrement, le niveau individuel : dans quelle mesure, la robotique éducative engagée dans les FabLabs permet-elle d’augmenter les niveaux de persévérance et de performance des apprenants observés par nos soins ?

15 - deuxièmement, le niveau collectif : en quoi, le vivre et le construire ensemble, autour de temps de production et de réalisation négociés, permettent-ils à chacun de mieux vivre l’expérience pédagogique et d’augmenter le niveau de performance de chacun ? En quoi le robot au centre de l’activité permet-il de formaliser le travail préparatoire des élèves ?

16 - troisièmement, le niveau expérientiel : dans quelle mesure, l’apprentissage hors les murs de la salle de cours, dans un espace d’expériences et une approche de « médiation sensible » (Fabre, 2017) permet-il de mieux évoluer, d’oser et de prendre plaisir à vivre ensemble afin de réaliser au mieux un ensemble de tâches ?

Un recueil de données tridimensionnelles

17 Au fur et à mesure de la construction d’un protocole revendiquant une appréhension complexe du micro-pédagogique, nous avons opté pour la triangulation des méthodes, combinant trois approches :

18 - d’une part, la description des dispositifs pédagogiques proposés par les enseignants et les médiateurs en tentant de caractériser les composantes clefs des agencements et des scénarii d’usages envisagés en amont de l’activité elle-même ;

19 - d’autre part, l’observation des activités en situation, en se centrant prioritairement sur les interactions et résolutions des tâches de la part des apprenants, tout en considérant les éventuels décrochages au cours des activités ;

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20 - enfin, le recueil de la parole des apprenants en fin de la séquence de travail afin de revenir sur les temps forts vécus et les moments clefs perçus par l’enquêteur, notamment afin de considérer les éléments d’explication et de rationalité portés par les acteurs ; ceci nous permet de recueillir des verbatim en tant qu’unités d’explication au sens de la réalité et de la rationalité de l’apprenant.

21 Dans ce recueil, plusieurs dimensions sont particulièrement visées :

22 - les modes de travail et de communication dans le cours du projet, la spatialisation, la temporalité ;

23 - les interactions sociales : dans une journée, sur un temps plus long (entre les élèves, entre les adultes et les élèves), les affiliations ou désaffiliations ;

24 - les interactions hommes-machines, les évolutions des comportements et des modes de travail, les méthodes de recherche, de recueil d’information, de projection et de fabrication, de communication autour des projets des élèves.

Le contexte malien

La robotique au Mali

25 La robotique, bien qu’elle constitue une nouveauté et qu’elle ne soit pas encore vraiment ancrée dans les pratiques technologiques africaines, commence à gagner du terrain sur le continent. Des travaux qui font appel à la robotique sont répertoriés un peu partout en Afrique. Au Sénégal la première édition de la Panafrican Robotics Competition (PARC) a eu lieu en 2016. Au Togo, un jeune s’est lancé dans la transformation des déchets électroniques en robots. Il parcourt les écoles avec son robot pour sensibiliser les élèves à l’importance de la protection de l’environnement à travers le recyclage et les intéresser aux technologies numériques. Dans le domaine de l’éducation, des centres et des stages de formation, des écoles en robotique ont vu le jour au Cameroun, en Namibie, au Rwanda et en Afrique du Sud en 2018. Certaines de ces écoles dépassent le cadre éducatif pour tendre vers un cadre sociétal. Elles proposent des programmes encourageant les filles dans la robotique. C’est le cas du centre NextGen au Cameroun et du centre de formation de la Meta Economic Development Organization en Afrique du Sud. Elles sont destinées à contribuer à l’émancipation des femmes, considérée comme un défi majeur à relever pour l’Afrique. En 2018, le Mali a inauguré son premier centre de formation en robotique. L’ouverture de ce centre a été motivée par le succès en 2017 d’un groupe de jeunes lycéens et collégiens au Panafrican Robotics Competition (PARC) et au concours de robotique organisé par la First Global à Washington. Les jeunes maliens ont remporté le deuxième prix sur 157 équipes. Ce groupe d’élèves se compose de 20 lycéens et 21 collégiens. Ils ont été formés par l’Education pour un Monde Moderne Mali Emergent Robots Mali (EMMME) en collaboration avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) du Mali suite aux propositions formulées lors de la première édition de la Fête des Sciences en décembre 2016. L’objectif de cette rencontre est d’offrir un espace d’échange et de réflexion pour attirer le plus d’élèves vers les filières scientifiques et techniques.

26 Avec l’appui de L’UNESCO en 2018, ces élèves ont suivi un ensemble d’activités visant à acquérir des compétences en robotique et à vulgariser la robotique dans le monde éducatif. Ces activités étaient, entre autres, centrées sur la formation d’une équipe

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nationale de robotique pour participer aux compétitions internationales, la création de clubs de robotique dans les établissements scolaires et universitaires, l’ouverture d’un espace universitaire de développement des projets robotiques. En 2018, l’équipe participe à la deuxième édition de la Panafrican Robotitcs Competition au Sénegal. D’autres pays africains comme le Nigéria, le Sénégal et l’Afrique du Sud ont également participé à cette compétition. L’équipe malienne a remporté le premier prix de la catégorie TECH League et ENGINEERS League et le troisième prix de la catégorie STAR league. Ces activités ont motivé plusieurs jeunes qui ont investi dans des start-up, comme Donilab, qui, en plus de proposer d’autres services, offre un espace de collaboration autour du numérique et de la robotique. D’autres passionnés de robotique et n’ayant ni accès aux espaces dédiés ni soutien des institutions s’organisent tant bien que mal pour échanger leurs connaissances. C’est le cas des étudiants de l’Université de Ségou, à travers la création d’un FabLab.

L’émergence de FabLabs africains

27 Depuis quelque année nous assistons à une émergence considérable du nombre d’espaces de partage, d’échange, de collaboration et de création numériques en Afrique. Une aubaine qui permet de réduire la fracture numérique et de répondre à des enjeux environnementaux et éducatifs. À partir des opportunités et de l’évolution du numérique, des Fablabs ont été créés un peu partout. En 2018 le Réseau francophone des Fablabs d’Afrique de l’Ouest (ReFFAO) est lancé au Benin. Il regroupe une dizaine de Fablabs du Benin, Togo, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal et du Mali. Les objectifs de la création de ces Fablabs diffèrent : offrir un espace d’innovation ouvert, comme celui du Woelab ; préserver et ltransmettre des savoir-faire traditionnels, comme celui de Studio Wudé ; répondre aux besoins d’une communauté, comme le cas de DefKo Ak Niep ; ou créer un appui pédagogique. Le Polylab de l’Université Thiès entre dans ce cadre. Selon Stéphanie Leyronas et Tamatoa Bambridge (2018), les fablabs Africain se distinguent de leurs homologues européens et américains par trois traits.

28 - L’innovation frugale et la “bidouille” sont au cœur du dispositif. Ils se proposent de trouver une solution aux problématiques locales avec le peu de ressource à leur disposition privilégiant le recyclage et les outils open source.

29 - Ils s’inscrivent dans des contextes économiques et financiers difficiles. La majorité sont ouverts sur les seuls fonds propres de leur fabmanager. Certains bénéficient de l’appui financier d’un organisme international comme la Fondation Orange Solidaire ou OIF. Ces appuis sont aléatoires et ne les sécurisent pas financièrement. La plupart proposent des services payants pour la survie de l’espace.

30 - Ils sont producteurs à la fois de communs informationnels mais aussi de communs éducationnels. Ils proposent des ateliers de formation à destination d’un public large : le Jerry school pour OuagaLab (Burkina Faso), un programme pour l’apprentissage d’assemblage d’ordinateurs à destination des élèves du primaire ; des camps de formation pour BabyLab (Côte d’Ivoire) et Defko (Sénégal) ; la formation des professionnels locaux pour Blolab (Bénin), Ker Thiossane (Sénégal).

Première démarches d’expérimentation : l’université de Ségou

31 Dans le cadre de notre projet de recherche, une étude a été menée pour analyser l’effet d’un Fablab dans l’accompagnement pédagogique des étudiants dans le contexte

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malien. D’une part, elle a consisté à la mise en place d’un Fablab à l’Université de Ségou, d’autre part, à mettre des étudiants en activité sur des projets autour de la robotique dans ce lieu. L’observation participative et les entretiens ont permis de recueillir des données.

32 Le Fablab mis en place, SégouLab, dispose de deux espaces : une salle technique et un espace d’échange et de restitution. La salle technique contient des outils numériques et des kits robotiques. Elle est ouverte aux étudiants et enseignants pour la réalisation des projets pédagogiques. L’espace d’échanges et de restitution appelé « CHIKORO » (sous l’arbre de karité) est un espace en plein-air dans lequel sont organisées les séances de restitution des travaux où chacun expose son projet, l’état d’avancement de celui-ci et les points de blocage. Chaque projet est examiné par les équipes participantes. Des pistes de solutions sont proposées et débattues. Cette forme d’organisation est motivée par le souci de prendre en compte une pratique communicationnelle répandue au Mali. Cette pratique consiste à se réunir pendant les heures de pause, généralement par tranche d’âge, en plein-air, pour partager du thé et discuter de l’actualité. Ces lieux sont des espaces dans lesquels les informations et les connaissances sont mises “en commun”, des communs de la connaissance.

33 Les étudiants accueillis, au nombre de dix-neuf, six filles et treize garçons dont six professionnels, ont été répartis en quatre groupes. Ils ont été initiés à la programmation et ont échangé avec les stagiaires et accompagnateurs du Fablab Coh@bit1 par Riot2, l‘objectif étant de concevoir des robots.

Premiers résultats : éléments de tendance recueillis

Apprendre autrement

34 Il faut souligner que les étudiants n’avaient jamais visité physiquement un Fablab ni été en contact avec les outils numériques tels que les imprimantes 3D ou la découpeuse laser qu’on trouve dans les Fablabs. L’expérience s’est déroulée sur cinq jours (du lundi au vendredi). Le premier jour de découverte de la robotique s’est terminé avec une séance de restitution à CHIKORO qui a donné lieu à la rédaction d’un rapport journalier, comme tous les autres jours. Le deuxième jour, les apprenants ont travaillé sur l’impression 3D. À partir du troisième jour jusqu’au dernier, les étudiants ont travaillé sur la fabrication des robots avec les pièces mises à leur disposition.

35 À l’issue de cette expérience, il ressort que la motivation, l’autonomie et le développement personnel des étudiants sont influencés par la participation au projet. Les séances censées se terminer à 18 heures s’étiraient jusqu’à 20 heures. Les étudiants expliquent : « On a pensé que le temps était trop juste pour terminer alors qu’on voulait absolument voir le robot fonctionner », « la nuit, la connexion internet est beaucoup plus stable, ça nous permet d’aller plus loin dans nos recherches » ou encore « j’avais dit à la maison qu’on fabriquait un robot, ils ne me croyaient pas. Il fallait que ce robot marche ». Ces propos dénotent leur engagement dans le projet. Cet engagement était si fort qu’ils ont transformé des tâches scolaires en projets personnels, ce qui peut s’expliquer par leur perception de l’environnement du Fablab. Ce dernier met à leur disposition un espace d’échange en harmonie avec leurs pratiques d’information et de communication, des outils numériques nouveaux pour eux et des pièces électroniques hors de leur portée dans le contexte universitaire ‘’normal ‘’. Ils étaient motivés.

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36 L’objectif de l’autonomie dans le contexte scolaire est de permettre à l’apprenant de prendre en charge son apprentissage. C’est tout un processus qui se construit dans un collectif pour amener l’apprenant à mobiliser ces connaissances antérieures, interagir et s’adapter pour pouvoir construire son propre savoir (Liquète, Maury, 2007). Elle sous-entend que l’apprenant, dans ce processus, collabore avec ses pairs et soit orienté, encouragé par l’enseignant. L’enseignant doit passer du rôle de prescripteur à celui d’accompagnateur pour que l’apprenant puisse s’autoévaluer et évoluer par essais- erreur. Les étudiants sont parvenus à une organisation centrée sur la communication et la collaboration dans laquelle il était difficile de distinguer les différents groupes. Dans un groupe, un étudiant (professionnel) affirme : « on dit souvent lorsqu’on veut aller vite il faut aller seul mais lorsqu’on veut aller plus loin, il faut aller avec les autres ». Tous affirment avoir collaboré avec les autres, membres de leur groupe ou d’autres groupes. Ils affirment aussi avoir apprécié la posture de l’enseignant. Celui-ci avait adopté une posture d’accompagnateur. Selon une étudiante « Je sais qu’on est venu à l’école pour travailler mais de temps en temps ne pas faire de différence entre le professeur et l’élève, je pense que ça doit être considéré. Ça met l’élève à l’aise, ça lui donne le courage de travailler ». Un autre étudiant (professionnel) nous dit d’avoir été « émerveillé » par « le climat entre professeur et étudiants » parce que « quelque part on ne pouvait pas reconnaître qui est le professeur qui est l’étudiant ».

37 Le Fablab semble ainsi favoriser le développement personnel qui vise une « transformation de soi », soit pour se « défaire de certains aspects pathologiques » comme la phobie, l’anxiété, la timidité ou pour améliorer ses performances (Wagnon, 2018). Une étudiante (régulière) nous fait savoir qu’elle a amélioré ses performances tant sur le plan communicationnel que sur le plan rédactionnel. Le travail au Fablab a libéré ses capacités d’écriture qu’elle ne soupçonnait pas. Elle nous dit : « personnellement si on avait dit de faire un rapport sur tout ce qu’on a vu en classe, je n’allais pas dépasser au maximum deux pages mais là je parviens à dépasser au minimum deux pages par jour ». D’autres nous rapportent qu’ils avaient des difficultés à s’exprimer ou à travailler en groupe et que la semaine leur a permis de surmonter ces difficultés. Ainsi, « travailler en équipe ou en groupe, j’avais des difficultés, ça m’a permis de surmonter ces difficultés et je pense que, dans les jours à venir, le travail en équipe ne me causera plus de problème ». Une étudiante (régulière) peut s’exprimer paisiblement, alors que « avant la semaine, je m’énervais quand j’expliquais et que les autres ne me comprenaient pas ».

38 Il semble donc que le projet sur la robotique et les dispositifs numériques, tous deux nouveaux pour ces étudiants, conjugués à l’espace, sont à la base des impacts observés. Fabriquer des robots en utilisant les dispositifs numériques nouveaux dans un espace culturellement familier est à l’origine de la persévérance des étudiants. Cette expérience met en lumière l’importance d’un Fablab dans l’accompagnement pédagogique des étudiants à Ségou. Elle soulève aussi la question de la difficulté de la mise en place et la pérennité d’un tel lieu. Cette difficulté est d’ordre matériel et humain pour l’accompagnement des étudiants. Les dispositifs numériques qu’on retrouve dans les Fablabs sont rarement disponibles sur le marché malien. Peu de sites de vente en ligne livrent au Mali. Ces facteurs rendent les conditions d’acquisition difficiles et augmentent considérablement les frais de matériels indispensables dans les Fablabs. L’utilisation pose également problème, étant donné qu’il y’a peu d’enseignants qui maîtrisent ces outils et sont disponibles pour accompagner les étudiants.

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Les conditions d’un essaimage ouvert à l’interculturel des apprenants et des enseignants

39 Les Fablabs sont des espaces privilégiant la collaboration et le partage de savoirs et de savoir-faire. Ces collaborations et partages au départ internes, pour prendre en charge les besoins d’une communauté donnée, se sont rapidement externalisés pour atteindre une dimension beaucoup plus large. Cela peut aller du partage des techniques de fabrication sur des plate-formes libres d’accès à l’essaimage en vue de créer des sous- espaces. Le site thingiverse3 est une plate-forme de partage orienté impression 3D. Des milliers de model 3D, directement imprimables sont accessibles gratuitement. Il offre la possibilité de partager ses models 3D avec les autres. Le wikilab4 est une sorte d’encyclopédie où tout « maker » peut partager ses tutoriels en accès libre et gratuit. Les tutoriels sont détaillés à tel point qu’ils précisent le niveau de difficulté, la durée et le coût pour chaque objet en question. En plus du français, les tutoriels sont en anglais, espagnol, italien, portugais et/ou en allemand. Le site propose même après avoir créé un compte de participer à la traduction de la plateforme dans d’autres langues. Il est clair que cette plate-forme met un accent particulier sur l’interculturalité et tente de l’intégrer dans son processus de démocratisation du savoir. Le partage de l’information et de la documentation sont à la base de ce processus, au Mali comme en France, et entre les pays. On voit se construire dans les Fablabs une véritable culture du partage autour des données, que les élèves et les étudiants expérimentent personnellement.

40 La dynamique de l’essaimage est à la base de l’expansion des Fablabs dans le monde. Elle est le résultat des rencontres inter-individuelles, de l’utilisation d’espaces et de la participation à des événements « makers ». L’association Ping5, par exemple, est à l’origine de la création du centre social du chemillois et du Baraka’Lab dans le pays de Loire. Deux makers bretons sont allés créer un makerspace à Hué au Vietnam en 2013. Doualab au Cameroun a vu le jour suite à la visite du promoteur du Fablab Electrolab de Nanterre6. Ce mouvement de Fablabs favorise l’interculturalité et pourrait permettre aux étudiants et enseignants de découvrir d’autres réalités. L’ouverture à l’interculturel des étudiants et enseignants peut se concrétiser à travers des échanges à l’image de projets en commun à distance de groupes d’étudiants de différentes universités, de stages dans des Fablabs des pays étrangers et/ou par des programmes de tutorat à distance.

Conclusion

41 L’ampleur des phénomènes de décrochage scolaire et des défis que rencontrent tous les pays, particulièrement en Afrique, pour assurer une scolarité à tous, est de plus en plus préoccupante. C’est du côté de l’école et de l’université que des actions peuvent être mises en place avec des perspectives de changements significatifs si le levier de la motivation est correctement activé. La robotique, comme le numérique plus largement, sont souvent considérés comme un élément déterminant de ce levier, pas tant à cause de la fascination pour l’objet technologique ou pour l’image, que dans leurs potentialités pédagogiques et les perspectives de renouvellement des pratiques de classe. Le Fablab démultiplie des effets de levier, tout en ouvrant les perspectives d’éducation et de formation vers une culture du partage, et pas seulement une culture

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des données. Que l’on parle de pédagogie du détour, du jeu, ou du projet, la robotique et les Fablabs permettent d’intégrer des formats et des modalités pluriels d’apprentissage, de renverser la perspective de l’enseignement frontal qui a marqué ses limites, tout en repensant la question de l’autonomie dans les apprentissages et du partage de la connaissance.

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NOTES

1. Le Fablb Coh@bit est un des partenaires du projet Perseverons et a accueilli Mohamed Coulibaly en stage durant l’année 2018 : https ://www.iut.u-bordeaux.fr/cohabit/

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2. Outil permettant aux usagers d’internet de passer des appels téléphonique ou video : https :// about.riot.im 3. https ://www.thingiverse.com 4. https ://wikifab.org 5. https ://info.pingbase.net 6. http://www.makery.info/2017/04/28/tribulations-dun-maker-en-afrique-longola-fablab- ouvre-a-yaounde/

RÉSUMÉS

Depuis quelques années, de nouveaux espaces d’apprentissage et de production ont vu le jour sous forme de FabLabs. Cet article se propose de présenter et d’analyser l’intérêt de la robotique éducative au sein de ces nouveaux d’espaces, tout en montrant les conditions et les difficultés à transférer ces espaces et ces pratiques dans plusieurs contextes, à travers une première initiative au Mali.

Recently, FabLabs have been used and considered as new learning and production spaces. This communication will present and analyze activities in the field of educational robotics within these new spaces, while showing the interest, conditions and limits to transfer these spaces and practices in other contexts, like in an initiative in Mali.

En los últimos años, han surgido nuevos espacios de aprendizaje y producción en forma de “FabLabs”. Este artículo propone presentar y analizar actividades en el campo de la robótica educativa dentro de estos nuevos espacios, al tiempo que muestra las condiciones y dificultades para transferir estos espacios y prácticas en otros contextos, a través de una primera iniciativa en Mali.

INDEX

Mots-clés : fabLab, espace collaboratif, robotique éducative, apprentissage collectif, interculturalité, commun de la connaissance Palabras claves : Espacio colaborativo, Robótica educativa, Aprendizaje colectivo, Interculturalidad, Conocimiento común Keywords : FabLab, Collaborative Space, Educational Robotics, Collective Learning, Interculturality, Knowledge Commons

AUTEURS

ANNE LEHMANS Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication, Université de Bordeaux, IMS-UMR5218 [email protected]

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VINCENT LIQUÈTE Professeur des université en Sciences de l’information et de la communication, Université de Bordeaux, IMS-UMR5218 [email protected]

MOHAMED COULIBALY Université de Ségou, Mali, Université de Bordeaux [email protected]

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8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Artificial Intelligence in Media :Journalists’Perceptions and Organizational Talk L'intelligence artificielle dans les médias : Perceptions des journalistes et discours sur l'organisation Inteligencia Artificial en los medios de comunicación : Percepciones de los periodistas y charla organizativa

Yang YU, School of International Journalism and Communication, Beijing Foreign Studies UniversityKuo HUANG and China Radio InternationalBob JONES

Electronic version URL: http://journals.openedition.org/ctd/3262 DOI: 10.4000/ctd.3262 ISSN: 2491-1437

Publisher Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Printed version ISBN: 2491-1437

Electronic reference Yang YU, School of International Journalism and Communication, Beijing Foreign Studies UniversityKuo HUANG and China Radio InternationalBob JONES, « Artifcial Intelligence in Media :Journalists’Perceptions and Organizational Talk », Communication, technologies et développement [Online], 8 | 2020, Online since 30 June 2020, connection on 20 July 2020. URL : http:// journals.openedition.org/ctd/3262 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.3262

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Artificial Intelligence in Media :Journalists’Perceptions and Organizational Talk L'intelligence artificielle dans les médias : Perceptions des journalistes et discours sur l'organisation Inteligencia Artificial en los medios de comunicación : Percepciones de los periodistas y charla organizativa

Yang YU, School of International Journalism and Communication, Beijing Foreign Studies UniversityKuo HUANG and China Radio InternationalBob JONES

Introduction

1 This year in 2020, China’s Xinhua News Agency and Sogou company worked together and rolled out in May their first 3D version of AI news anchor mimicking the looks and voices of a female human journalist, adding to the current line of virtual presenters. This 3D AI news anchor can move around the studio in a smoothly manner, and claims to be able to go out of the studio doing reporting in the near future. “She” can even change her hairstyles and outfits accommodating to various scenarios.1

2 The concept of “artificial intelligence” as we know it, can be traced back to the middle of the last century. In 1950, in his paper Computing Machinery and Intelligence, the British mathematician Alan Turing attempted to answer the question of machine intelligence by formulating a thought-experiment, also known as the Turing test, which is considered as the foundation of the philosophy of artificial intelligence. The fundamental question of “Can machines think ?”(p.433) is increasingly valid today. The machines could learn and develop in their own way. Actually many predictions of Turing has come true. One example is that machines will compete with human in nearly all intellectual areas, such as playing chess ! The program AlphaGo beating the

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top human player serves as sound evidence of the potential of what computer intelligence could achieve.

Narrow AI, General AI and Super AI

3 These sensitizing concepts are useful to help understand the evolvement of AI before the discussion goes further. Narrow AI is also known as “weak” AI that has no self- consciousness or emotions. It is programmed in such a way that only a single task is performed at one time, such as collecting raw material to produce news reports. Currently we are still in the narrow AI age and this type of AI is what is mainly discussed about in this study. General AI or “strong” AI is considered to be able to make decisions as human intelligence does, acting equivalent to human beings. General AI possesses human emotions and intelligence such as self-awareness, sentiment or even cross-cultural consciousness. Super AI, however, is predicted to excel human in every aspect such as innovation or the ability of multi-tasking (Jajal, 2018). Some of the most high-profile figures in the field have raised concerns about the rise of artificial intelligence. Scientist warned that AI could become the “worst event in the history of our civilization” unless the humans are prepared for the possible risks it poses (Molina, 2017).

4 As AI technology progresses from simple computational AI, to perceptual AI and then to complex cognitive AI, and with the advancement of computer language processing technologies, AI is gradually finding its way into the areas of, finance, medical treatment, security, aerospace and auto piloting, retail, education and so on. In particular, it is eyeing the huge user appeal from the media industry and the prospect of tremendous economic benefits. While the approach is broadly welcomed by media organizations, who see the potentials offered by such development, the feelings of the human journalists are less cared about. 5 This article aims to explore the perceptions of media practitioners in Chinese media outlets as to the impact of AI on their employment prospect, and attempts to gain a better understanding of how talk/discourse about AI is shaping perceptions at the individual (micro) level and institutional communication at the organizational (meso) level.

Social ecological framework

6 Social ecological framework is regarded as an interdisciplinary approach that evolved and culminated in the 1960s and 1970s to better understand the interplay between social and cultural contexts and human development, and to address the impact of structural and situational factors (Brofenbrenner, 1973 ; Ting-Toomey & Oetzel, 2013 ; Rosa & Tudge, 2013). This theory has evolved over several phases since its incarnation, among which phase one (1973-1979) was characterized with the fullest definitions of the multiple levels of the ecological environment factors in relation to human development (Rosa & Tudge, 2013). This model points out that the ecological environment contains multiple systems and structures, namely microsystem, mesosystem, exosystem and macrosystem, each nested within the next (Brofenbrenner, 1977). One core assumption of social ecological approach emphasizes the interconnections and the mutual influences between the social and physical settings

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and the participants in those settings (Stokols, 1996). That perspective is relevant with this research when the media industry is conceived as an ecological setting. This media ecology exerts influence on the well-being of its participants and vice versa, among which the perceptions of human journalists (micro-level) and how the media organizations communicate the workplace automation (meso-level) are of particular interest to this study. As such, two research questions are developed as follows :

7 RQ1 : How do human journalists working in Chinese media industries make sense of/ perceive the impact of artificial intelligence (AI) technology on their employment prospect ? (micro level)

8 RQ2 : How do Chinese media organizations communicate with human journalists about the adoption of AI ? (meso level)

Method

9 This study employs qualitative methods to explore the media practitioners’ perceptions of the impact of AI on their job prospect and how media organizations approach and communicate this issue. In-depth interviews were utilized so that the participants feel comfortable sharing their perceptions and comments in a private setting (Harris et al, 2019). The participants in this study all have experiences of working in Chinese media agencies.

Sample selection

10 The snowball sampling of the eighteen journalists was finalized considering several factors, so that different types of Chinese media outlets and various posts were represented in order to reduce bias to minimum. The media outlets selected cover both government-funded media, commercial media and mixed ownership media organizations. All have established prestige on the Chinese mainland in their respective areas in terms of traditional radio, TV, newspapers, social media etc. The journalists’ length of service in the media outlets ranged from two to over thirty years. Their current posts are various, such as news anchor, reporter, feature editor, producer, copy editor, social media editor, editorial board member, talk show host, social media director, commentator, correspondent stationed overseas etc. A total of 18 media practitioners participated in the interviews, among them 13 Chinese nationals, 1 British national, 1 Canadian national, 1 Russian national and 2 American nationals.

Data analysis

11 The length of interviews ranged from 40 to 90 minutes. 14 interviews were conducted in English, while 4 interviews in Chinese. For the interviews conducted originally in Chinese, they were translated into English verbatim. The lead researcher transcribed the data into written texts, yielding 458 double-spaced pages.

12 That was then followed by a coding process with mark-up, categorization, and theme development (Corbin and Strauss, 2008). The data analysis went through three stages of coding. During the “primary-cycle of coding” (Tracy 2013, p. 189), data was read closely twice and coded line by line for descriptive codes. This initial stage was open to

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creating and refining codes as meaning emerges. Then the secondary-cycle coding began to “organize, synthesize, and categorize codes” (Tracy 2013, p. 194). During the second stage, analytical leaps were made to move from descriptive codes to interpretive codes by referring to extent literature and theoretical knowledge and reviewing first-level descriptive codes in an iterative approach. The third stage was for axial coding where smaller codes were combined into larger categories and subcategories based on identifying patterns and links between recurring codes (Oliha- Donaldson, 2020). Exemplars employed for the assistance of analysis were edited for clarity while preserving the original meaning.

Findings and Discussion

Concluding remarks

13 The findings of this exploratory study have some limitations. Though the participants cover a range of media outlets and professional positions, they do not represent the whole landscape. More lesser known media outlets need to be included in the future study. In addition, the perceptions of AI’s impact on media scholars’ employment are yet presented in this study, which are likely to be included for comparison and contrast in the future research.

Acknowledgements

14 The researchers would like to thank the eighteen journalists for their participation and contribution to this study.

Disclosure Statement

15 No potential conflict of interest was reported by the authors.

Funding

16 This work was supported by the [BFSU Fundamental Research Funds for the Central Universities # 1] under Grant [number 2020JX045] ; [Beijing Foreign Studies University (BFSU) Joint Doctorate Program with Overseas Universities #2].

BIBLIOGRAPHY

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NOTES

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ABSTRACTS

Artificial Intelligence’s cost-efficient nature and speed of operation has naturally prompted many media organizations to consider its broader application in the media industry. But it has also prompted concern among human journalists that they will be marginalized and ultimately replaced by AI. This study employs qualitative methods to explore the perceptions of media practitioners working in Chinese media context in relation to the impact of AI on media employment, and attempts to shed light on how talk/discourse about AI is shaping perceptions at the individual (micro) level and institutional communication at the organizational (meso) level.

La rentabilité et la rapidité de fonctionnement de l'intelligence artificielle ont naturellement incité de nombreuses organisations de médias à envisager une application plus large dans les médias. Mais elle a également suscité l'inquiétude des journalistes humains qui craignent d'être marginalisés et finalement remplacés par l'intelligence artificielle. Cette étude utilise des méthodes qualitatives pour explorer les perceptions des professionnels des médias chinois sur l'impact de l'intelligence artificielle sur l'emploi et tente de mettre en lumière la façon dont le discours sur l'intelligence artificielle façonne les perceptions aux niveaux individuel (micro) et organisationnel (méso).

La eficacia en función de los costos y la rapidez de funcionamiento de la inteligencia artificial ha impulsado naturalmente a muchas organizaciones de medios de comunicación a considerar su aplicación más amplia en los medios de comunicación. Pero también ha suscitado la preocupación de los periodistas humanos que temen ser marginados y eventualmente reemplazados por la inteligencia artificial. En el presente estudio se utilizan métodos cualitativos para explorar las percepciones de los profesionales de los medios de comunicación chinos sobre la repercusión de la inteligencia artificial en el empleo y se intenta arrojar luz sobre la forma en que el discurso sobre la inteligencia artificial conforma las percepciones a nivel individual (micro) y organizativo (meso).

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INDEX

Palabras claves: inteligencia artificial ; periodista humano ; charla organizativa ; ecología de los medios de comunicación, China Keywords: artificial intelligence ; human journalist ; organizational talk ; media ecology, china Mots-clés: intelligence artificielle, journaliste humain, discours organisationnel, médias, chine

AUTHORS

CHINA RADIO INTERNATIONALBOB JONES Independent Journalist

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Be Right Back : Humans, Artificial Intelligence and Dasein in Black Mirror Be Right Back : Humanos, Inteligencia Artificial y Dasein en Black Mirror Be Right Back : Humains, intelligence artificielle et Dasein dans le Black Mirror

Ingrid Lacerda and Thamires Ribeiro de Mattos

Electronic version URL: http://journals.openedition.org/ctd/3353 DOI: 10.4000/ctd.3353 ISSN: 2491-1437

Publisher Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Printed version ISBN: 2491-1437

Electronic reference Ingrid Lacerda and Thamires Ribeiro de Mattos, « Be Right Back : Humans, Artifcial Intelligence and Dasein in Black Mirror », Communication, technologies et développement [Online], 8 | 2020, Online since 30 June 2020, connection on 10 August 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/3353 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.3353

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Communication, technologies et développement Be Right Back : Humans, Artificial Intelligence and Dasein in Black Mirror 1

Be Right Back : Humans, Artificial Intelligence and Dasein in Black Mirror Be Right Back : Humanos, Inteligencia Artificial y Dasein en Black Mirror Be Right Back : Humains, intelligence artificielle et Dasein dans le Black Mirror

Ingrid Lacerda and Thamires Ribeiro de Mattos

1 Facing every computer, tablet or smartphone, one sees its opaque reflection in a black screen. Technology, the modern technique, is present in each part of our daily life. Brazilian scholar Francisco Rüdiger (2008, 11) states that “modern technology is founded in a certain type of thought whose common denominator is the thought that machinery can solve any problem and satisfy all demands of the world, no matter which is the origin or nature”. Rüdiger later goes beyond, affirming that the present thought has a “maximalist pretension in stating that the ultimate solution to our problems is to have machinery overcome the human being through the cyborg, and later something post-human” (Rüdiger, 2007, 176).

2 But, just for a moment, may we imagine a young engaged couple. As soon as they move to a family country house the man leaves their home in an afternoon and never comes back. He left his fiancé, Martha, helpless due to a car accident. At the funeral a friend of hers tells that she can have him back – and not by spiritual means, she highlights. The idea seems abominable at first, until she finds out she is pregnant. The loss of her beloved partner in such a delicate moment leads her to turn to the web data-based software. The processing gathers information about his involvement in social media and search mechanisms, outlining a representation of the dead fiancé. In the beginning it is a mere exchange of e-mails. However, she creates a bond to the specter and moves to the second phase – phone calls which reproduce the voice of the beloved dead. Finally, she does not resist to the final stage, and buys the identical doll and uploads all the data downloaded by the software and voilá, there is dead and buried Ash now artificially alive in perfect shape.

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3 Parting from the assumption that technology is not only understood as mere artifacts, but as a narrative about reality (Tomaz 2016a), it becomes necessary to discuss its implications in society. The confrontation of this relationship is noticeable in the British TV show Black Mirror, created by Charlie Broker, aiming to discuss the excessive interaction between humans and technology. The Guardian listed the 50 best television shows in 2016 and placed Black Mirror as 6th in the rank. The episode described above is called Be Right Back (second season, episode one).

4 However, when we reach the point to find technique presenting itself as something body-like going beyond the virtual space, one might find it hard to distinguish what is either machine or human, and such categories appear to be insufficient in the discussion. “For one of the most important questions in our time is exactly : where does the human end, and where does the machine begin ? Or, given the ubiquity of the machines, would not the order of the question be : where does the machine finish, and where does the human start ?” (Tadeu 2000, 10). Thus, the question we bring forth in this study is, how can one understand the relationship between Martha and Ash’s artificial intelligence doll version and its otherness ? To answer such questions, we will discuss transhumanism and the question of Being through visions of Alan Turing, Nick Bostrom, Donna Haraway, counterfeiting Francisco Rüdiger, Tales Tomaz and Martin Heidegger.

Modern Computing and Artificial Intelligence

5 The modern period was marked by human being’s insatiable attempts to take control of its own story. Many Technologies were used to manipulate the destiny of the beings. Activities that were prolonged and costly became more viable after the industrial revolutions. Rationality and science were considered the source to pave the way to intellectual evolution and social development, and it is in the era of the joining of forces between thought and machine that the ideas which make possible to build and develop digital computers emerged. We can highlight the projects and technological predictions of Charles Babbage, Ada Lovelace, James Thompson e Kelvin Thompson, still in the 1930s (Copeland 2008).

6 However, the concept of modern computer stems from the studies of Alan Turing (1936). He described a digital computer that consisted of unlimited memory and had a scanning system that could search for specific symbols present in memory or write / program new symbols (Copeland 2008). At the beginning of modern computing, a form of Artificial Intelligence is already implicit : the computer would be constructed harboring the possibility of changing the programming of the machine by the machine itself. Turing also made the first direct mention of artificial intelligence during a lecture in 1947 : “What we want is a machine that can learn from experience” (Turing 2004, 393).

7 Throughout the 20th century - specifically after the end of World War II - the apparent control of human destiny provided by rational principles comes under scrutiny. “This notion of overdetermination of reality seems unfeasible. It is increasingly evident, as Rüdiger (2006) says, that this was no more than an illusion of human omnipotence” (Tomaz 2014, 2). Taking that into account, “can the human mind dominate what the human mind has created ?” (Valéry apud Bauman 2001, 7). Artificial intelligences have developed, and today are accessible to the vast majority of the population that owns

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laptops, gadgets and / or smartphones. Studies already show that people not only interact with digital computers in the same way as with people but are more likely to "identify" with the interests of the computer than with that of other humans (Posard and Rinderknecht 2015).

8 To Martin Heidegger (1977), we live in the age of technological avaliability. The term implies a whole trajectory of Heideggerian thought that is constructed starting with a differentiation between Being and being. Being is a temporal event, it is the capacity to recognize, to unveil, while beings are all things, creatures, objects, everything that is known or perceptionalized. With that in mind, Heidegger (1977) calls the human Dasein. To Heidegger, although every other creature in the world is a being, humans are also described as Dasein because they are able to perceptionalize the fact that other beings exist. Marco Casanova (2009) affirms that this notion comes from the idea of facticity in Heidegger, term that designates "Exactly an articulation between knowledge, truth and singular life", "an existential opening", that is, the combination of what is found in being in the world and the relation to it, a fact in which lies a primordial question of philosophy. (CASANOVA, 2009, p. 22-24).

9 As Tomaz (2016b) puts it, the Dasein is a “permanent opening”. If technology is a “way to uncover” or to “bring forth”, it is a way of Being - the way the Being reveals itself in the age of technology (Heidegger 1977 ; Tomaz 2014). The uncovering of the Being in technology is in likeness of availability ; that is, entities are available for manipulation, so that they are able to perform certain purposes ; therefore, technology is a way of Being and acting in which things appear as objects and these can be used to perform other activities (Tomaz 2016b).

10 This does not mean that digital computers endowed with artificial intelligence have reached the human level of existence, but that humanity has gone the opposite way, objectifying beings and their relations. There are no more subjects ; only objects. This implies that The old days of separation between natural and artificial, in which the artificial was normally seen as a mere human instrument for the attainment of its goals, were left behind. The artifice we create recreates us and becomes the very raw material from which we derive the repertoire to establish our relations with things and others (Tomaz 2017, 19). 11 The human is therefore placed as availability, as object, and not as subject, modifying its relations with the real world. The same thing happens in the so-called virtual reality, which can be defined as “a space that appears from computing technology”, where “a window for a new world opens before the human being, mediated by interfaces” (Paulienne 2016, 18). There is no longer any difference in dealing with the two realities, because the same logic is established in both : the signs – corporeal or not – disposed there are available for use. This way of thinking will lead us in the next topic to the discussion of the human seen as a product or as a commodity. Nick Bostrom (2005a ; 2005b) proposes that the process of human enhancement makes perfect sense since we are made of a kind of matter that obeys the laws of nature operating outside the individual. So, in principle, it would be possible to learn how to manipulate human nature just as manipulating external objects. This view clearly reveals technical thinking as a guiding force on the quest to view the human being as availability through his corporeal matter.

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12 Therefore, if before we would confront virtual reality in the sense of an insuperable screen, or as an environment that withdraws us from the “organic sense of touch” and obligates us to face a “collapse of the aesthetic distance involved in looking”, we now note that the virtual environment actually brings a fascination that fills our emptiness – “proxemics of images ; promiscuity of images ; tactile pornography of images. Yet the image is always light years away” (Baudrillard 1993, 55). In other words, there is no longer fear or fright of losing our humanity when facing virtuality, the fascinating imagery temptation made doubtful the fine line between real and virtual, between human and machine.

The commoditization of humans

13 Some concerns of the scientific community and of science fiction about the super artificial intelligences, like the Ashbot from Be Right Back, come from ideas favoring the constant “improvement” of what it means to be human : we must be prepared to be refined, evolved, modified – even if it costs us the loss of what we consider presently as human (Baudrillard 2000). A term that can be adequate for this status of the human being, as it was mentioned before, is commodity – the term refers to any kind of stock that can be purchased or sold (Oxford Living Dictionaries 2017). The ethimological source of commodity is in the Word commodus : “suitable, fit, convenient, commodious, easy, appropriate, favorable, friendly”. (Lewis 1891, 146). The irony is explicit : the human being has defined himself more and more by a term that implies its padronization.

14 The difference between the concepts of human being as a property and human being as commodity must be highlighted. While the first concerns the sense of property that a person has upon itself, and the territorial perception of one’s body and mind, the second, however, is about goods alienable to oneself. According to David Resnik (1998), the human commodification has two basic formats : parcial and generalized. Cells, tissues, organs and data of the body and/or human behavior that are bought and sold are part of partial commodification. Also, under such classification we find actions like blood donation, organ donation of a living human to another, esthetical modification and other procedures. A simple and viable example here is that when a person cuts of some centimeters of its own hair, for he or she does not cease to exist in a holistic matter due to such event. Thus, these practices do not affect directly the oneness of a human being (Resnik 1998).

15 However, personhood, although different from corporeality, is within it ; the two coexist. It is important to notice that this analysis does not adopt a platonic vision of the human, believing in the separation between body and soul/mind. But we can’t help to notice that some bodily elements do not directly affect personhood and vice versa. Even though we think of people as bodies, we do not see specific body parts as people. Another possible example is that selling an alive human body corresponds to selling someone’s personhood, just as having absolute control over someone’s body corresponds to slavery. Only those that maintain a rigid platonic dualism between body and mind are not able to admit that there is an intimate and raw relation between the both of them (Resnik 1998).

16 The partial commodification of the human is generally allowed, while the generalized one is not. The reason for this is the intrinsic connection between the personality and

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the corporeality of the human - something not alienable. This perspective adopted by Resnik is a combination of principles posed by Jean Baudrillard and Donna Haraway. In describing humanity, Baudrillard argues that the human species is "unable to brave its own [...] alterity" (Baudrillard 2000, 15), and for this reason there is a technical impulse for the standardization of the human. In this search, however, we are all endangered of never really discovering what is in fact human - after all, reality itself is an illusion (Baudrillard 1983). Haraway also focuses on the issue of otherness and rejects genetic determinism by stating that "Bodies [...] are not born ; they are made" (Haraway 1991, 208). It is important to note that, in Haraway's view, the "body" encompasses both the physical and the mental dimensions.

17 When these concepts are applied to the episode Be Right Back, we come to terms that Ash’s body was commoditized to its extreme. After all, all of him that was available in both physical and virtual dimension was replicated, giving birth to a type of Ash that does not get tired, does not feel pain, does not age. Though it seems an improved version of his original human, the Ashbot does not include the human distinctions, like imperfection and inconstancy. A great deal of Martha’s complains related to the robot are precisely critics referent to the absence of these attributes. When the Ashbot tries to transpire imperfections and inconsistencies his behavior is seen as a performance. Even when the super artificial intelligence affirms to “feel” scared his screams, for instance, seem programmed. That is why Ash (the human) does not become Ashbot (the machine), though he was commoditized completely. He is a mere simulation of who one day was human (Baudrillard 2000).

New Creatures : Cyborgs, Transhumans, and Post- Humans

18 As previously mentioned, Rüdiger (2008, 11) affirms that “modern technology is founded in a certain type of thought whose common denominator is the thought that machinery can solve any problem and satisfy all demands of the world, no matter which is the origin or nature” and that is why “we conceive the very lowly reasonable project of solving technically all of our problems and limitations, to the point of cancelling ourselves and finding sublimation in some kind of machine-like organism” (Rüdiger 2008, 14). Thus, technology as a way of being, like stated by Heidegger (2007), is not only the way an individual understands himself as a being, but also the means by which he attempts to comprehend and “fix” the world.

19 It is important to trace the difference between the concepts that refer to such amalgamation between human and machine. To begin with, we must establish the difference between transhumanism and post-humanism. The first refers to human enhancement or upgrading, to the process in which human is coated with technology. Nick Bostrom (2005a, 14) brings the following examples of such idea : “prostheses, plastic surgery, intensive use of telecommunications, a cosmopolitan outlook and a globetrotting lifestyle, androgyny, mediated reproduction (such as in vitro fertilization), absence of religious belief, and a rejection of traditional family values”. Post- humanism, on the other hand, is the aimed state in which one would exceed oneself or transcend humanity, reaching a state that should follow humanity in historic evolution.

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20 Another term to be considered is “cyborg”. Donna Haraway defines it as “a cybernetic organism, a hybrid of machine and organism, a creature of social reality and also of fiction” (Haraway 2009, 36). Similarly, Tomaz Tadeu (2009, 12) adds to the definition the idea of a creature that emerges from the combination of two processes (that have been previously discussed by other authors) : the “mechanization and electrification of the human” and the “humanization and subjectivity of the machine”. However, for Tomaz Tadeu, the discomfort of the discussion is founded in the necessity that the cyborg provokes of decentralizing man from history and dissociating some of his attributes as exclusively his. If there is, however, a technohuman creature that simulates the human, who in everything seems human, who acts as a human, who behaves like a human, but whose actions and behaviors can not be retroacted to any interiority, to any rationality, to no essentiality, in short, to none of the qualities we use to characterize the human, because made of streams and circuits, wires and silicon, and not of the soft and soft fabric of which we are still made, then it is the very singularity and exclusiveness of the human that dissolves (Tadeu 2009, 13). 21 Here we find one of the premises of which post-humanism parts – the emphasis in the fact that we still are humans, made of skin tissue as we know it, but that the possibility of becoming more resistant and even eternal through technology is actually a natural response to science evolution, as if likewise the history of humanity begin with unicellular evolving processes it would now lead us to convert into humanoid machines, and from further on. Such thought is noticed in the work of Nick Bostrom and Donna Haraway. She calls herself “a cyborg – a kind of body that represents technology’s quintessence” (Kunzru 2009, 20).

22 Though such affirmation might be frightening, it does not imply necessarily to be living under a modified embodiment. According to the interview held by Kunzru (2009, 22-23), Haraway assures that “modern life realities implicate in such an intimate relationship between people and technology that it is not possible to determine where we end and where machines start”. Going beyond the possibility of exemplifying our closeness with technological objects, specially electronics, it is undeniable the interference of science and technology in human daily basis aiming to enhance the living, not only in our activities but also our own body – prosthetics, plastic surgeries, or even as Haraway mentions through Kunzru, bodybuilding, in such way that the body is seen as a “high performance machine” (Kunzru 2009, 32). It is important to note that, for her, technology is not neutral, instead we establish two-way relations with that which we do inside a world of connections, so that “it is important to know who is made and unmade”. For Haraway, “communication technologies and biotechnologies are crucial tools in the process of remodeling our bodies” (Haraway 2009, 64).

23 It is interesting to note that in the core of Donna Haraway’s thought lays a fundamental matter that appears to be similar to that of Heidegger – though it took a totally opposite direction : the Idea that the essence of technology is not neutral and acts in the history of humanity in such way that it modifies the relations and the understanding of the individuals, so that these processes Begin to happen through technology. However, the difference is that while the German philosopher sees in such recognition the possibility of freedom from the technical way of being as an ultimate truth and the openness to other ways of being, the American biologist considers it the destiny of humanity to accept us as cyborgs and embrace technology.

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Is otherness an attribute of humans and machines ?

24 Returning to our characters of the Black Mirror episode, we notice that a new question rises about them. If Ash and Ashbot are different beings and the oneness of Ash cannot be transferred to the replicant that intends to simulate him, could we consider that the Being showed itself differently in the two of them towards Martha ? Could her negative reaction towards the machine version of her dead fiancé be an evidence of such difference ? In this logic, the otherness of Ash would have perished along with his death ; nevertheless, does Ashbot also have otherness – and if he does is it authentic or forged, once he was programmed to relate to an Other and reproduce mechanically the reactions of this Other ? Due to such uncertainties, would this product offered by the clandestine company of this posthumous service be a frail proposal in its own efficiency ?

25 Tomaz Tadeu (2009, 9) discusses a change in these questions that do not have an easy and simple answer. To him, we should not worry so much about who is the subject, but instead ask ourselves if we still want to be subjects – or even wonder, who needs or is nostalgic about the subject ? At last, one might ask, what comes after the subject ? Brazilian scholar Tales Tomaz defines otherness as “Other’s characteristic, whom with we establish a relationship” and “a question about the possibility of a relationship with another being” (Tomaz 2016b, 1). While Tomaz asks what makes an Other different from us and not an extension of ourselves, in transhumanism and posthumanism the question is where human ends and machine begins.

26 Given that otherness means to get in contact with an Other, or have access to an Other, it is necessary to perceive the Other. Hence, we will go to Heidegger (1988) in The Basic Problems of Phenomenology to understand the concept of perceptionality. As Tomaz well summarizes the heideggerian thought, “perception is, therefore, an aiming towards the percepted”. This means that the percepted, the one to whom one directs itself, should perceive himself as a target of intentionality. This is a phenomenological structure, formed of intentio, the act of directing oneself towards an Other, and of intentum, that who is percepted.

27 This short explanation referred to human beings ; still, there is the doubt if a post- human creature as Ashbot has the ability to note himself as perceived in his perceptionality, or even, if he is able to own intentionality when interpellating another being. However, turning back to the technical way of being in which all beings are seen as an availability, it is relevant here to consider the interactive communicational media, where the beings expose themselves as spectrums and build their personas, and it is towards these personas that we interpellate through text, audio and video messages. Yet, “even the interpellation of Other in the new media only works because we have already minimized what Other is” ; and “in that sense, it doesn’t really matter if Another physical being is behind the signs” (Tomaz 2016b, 12). This same idea exposed by Heidegger concerning the reduction resulting from viewing the Other as available is also considered by Jean Baudrillard (1993, 1999, 2000) in a quite similar approach, with implications close to forgetfulness and death of the human.

28 For the transhumanists and post-humanists, this discussion loses strength due to some premises held by these defenders that appear to diverge in a totally opposite lane from the phenomenological views in its core. Nich Bostrom in his A history of transhumanistic thought, brings a dialogue between different authors of both sides – however, as his

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previous quotes revealed, his thought is favorable to the advances of human upgrading and the creation of artificial intelligences. It is relevant to notice in his work the core of the difference in the path these thinkers trace on viewing the human being and why does it end in such opposing sides.

29 Bostrom (2005a) mentions the “yuck factor”, term that summarizes the feeling of repulse and demonizing of the trans and post-human ideas. He quotes two opposing thinkers : 1) the British biochemist J. B. S. Haldane, who affirms that from the myths through history, scientific novelties always brought estrangement and dreadfulness for people in general, but the benefits of genetic manipulation, for example, would be inevitable ; 2) the president of the counsel of bioethics in G. Bush era, Leonard Kass, to whom the aversion feeling caused by such ideas are signs of “wisdom” that comes from the “gut” of the individuals as a response to the feeling of violation of factors of high attachment. For the bioethics that corroborate this view, exposed in the text through the view of prominent bioconservative Francis Fukuyama, the human beings are gifted with something undefined called Factor X, “which grounds their equal dignity and rights. The use of enhancing technologies, he fears, could destroy Factor X” (Bostrom 2005a, 24).

30 This basic divergence refers to a supposed undefined human “essence” that would represent a special value or dignity is only an example of how the paths in relation to trans and post-humanism are traced. Bostrom also wrote in his text “In Defence of Posthuman Dignity”, where he discusses the acceptance of an artificial intelligence (AI) in society and aims to discuss about the biggest fears of people regarding the presence of AIs among us, such as the subjugation and even extinction of human beings. As one may notice, this discussion comes to an end where it appears to be remote compared to what was previously exposed in this study, regarding the technical way of being that converts everything, even the human being, in availability. Although, once the technologic view crosses all paradigms and arguments in favor of scientific development, a reflection about such matters becomes necessary.

Final Thoughts

31 The discussion about the technical availability of the human being and the otherness of artificial intelligences can be laid in a statement of Nietzsche : “Man is that animal which is yet to be defined” (apud Heidegger 2013, 9). This phrase implies that the human being will always be a disturbing factor in the technical cycle that he imposed himself. Thus, we see that humans cannot be controlled – and consequently will never be totally emulated by an artificial intelligence. In the case of Be Right Back the simulation of Ash, the Ashbot, does not convince Martha of its humanity. He lacks its original’s flaws. That is exactly what Martha misses in it : the unpredictability, the mess and imperfectness that she found in Ash. The irony of the Ashbot is the client’s insatisfaction.

32 The viewer can also notice that Ash, as a human, was commoditized while He was still alive – after all, the material that originated the Ashbot were his own posts in social media and all of his online activities. Martha, who initially was against excessive virtual exposition – and thus to the partial commoditization of Ash – turns him into a total commodity when decides to interact with the Ashbot in the three stages (text messages, audio and synthetic body). Martha finds comfort, though briefly, in the

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interaction with the non-human ; with Ash’s spectrum, therefore revealing that her life too is led by the emptiness of simulation, by the ghost of de-humanization (Baudrillard 1984).

33 The otherness between human and machine in Be Right Back does not depend on the machine in question (Ashbot), but on the perception that the human being creates of it. Initially Martha believes that the artificial intelligence is equal to her dead fiancé. As time goes by, she becomes skeptical and the otherness is extinct. At first sight, the human being (Martha) owns the simulating machine ; but in reality she places herself in the role of a machine many times because she is not able to fulfill her own humanity. After all, what is humanity besides its imperfections and unpredictable characteristics ? To Baudrillard, everything and everyone in the universe has in its essence something that cannot be measured, counted, seen – “a fundamentally inaccessible secret” (Baudrillard 2000, 80). The idea of a “secret” reminds the “Being” in Heidegger’s writings that cannot be fixed nor controlled (Heidegger 1977). Be Right Back captures such concepts and incorporates them in a situation of dystopic fiction that exposes the emptiness caused by the simulation and how we “run in circles” when trying to uncover and fix the human in a machine.

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ABSTRACTS

The present article aims to analyze the relationship between the human being and artificial intelligence through the episode Be Right Back of the dystopic television show Black Mirror, currently exhibited by Netflix. For this discussion we will bring forth the contrasts between the thoughts of Martin Heidegger about Dasein and human nature, and studies derived from the

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perspectives of Alan Turing about artificial intelligence and humanity, besides the visions of post-humanism and transhumanism, as well as their implications in the relationships between human beings. It is also an objective to discuss the presence of otherness in an artificial intelligence. Hence, it is asked in this article how it is possible to understand the otherness found between Martha, the protagonist of the episode, and an Artificial Intelligence which is created with the function of substituting her dead fiancé, Ash. For this study we will part from assumptions on the question of technique found in Heidegger’s conception of Dasein and Being, opposed to the technique worldview as a way of being that rules post-modern thought.

El presente artículo pretende analizar la relación entre el ser humano y la inteligencia artificial a través del episodio Be Right Back del programa de televisión distópico Black Mirror, actualmente exhibido por Netflix. Para esta discusión, presentaremos los contrastes entre los pensamientos de Martin Heidegger sobre el Dasein y la naturaleza humana, y los estudios derivados de las perspectivas de Alan Turing sobre la inteligencia artificial y la humanidad, además de las visiones del post-humanismo y el transhumanismo, así como su Implicaciones en las relaciones entre los seres humanos. También es un objetivo discutir la presencia de la otredad en una inteligencia artificial. Por lo tanto, en este artículo se pregunta cómo es posible comprender la alteridad que se encuentra entre Martha, la protagonista del episodio, y una Inteligencia Artificial que se crea con la función de sustituir a su novio muerto, Ash. Para este estudio, partiremos de los supuestos sobre la cuestión de la técnica que se encuentra en la concepción de Dasein y el Ser de Heidegger, en oposición a la visión del mundo de la técnica como una forma de ser que gobierna el pensamiento posmoderno.

Cet article a pour objectif d’analyser la relation entre l’être humain et l’intelligence artificielle à travers l’épisode Be Right Back de l’émission télévisée dystopique Black Mirror, actuellement présentée par Netflix. Dans cet article, nous présenterons les contrastes entre les réflexions de Martin Heidegger sur le Dasein et la nature humaine, et les études dérivées des perspectives d'Alan Turing sur l'intelligence artificielle et l'humanité. Nous aborderons également les visions du post-humanisme et du transhumanisme ainsi que ses implications dans les relations entre les êtres humains. L'un de nos objectifs sera également de débattre de la présence de l'altérité dans une intelligence artificielle. Par conséquent, cet article interroge la possibilité de comprendre l’altérité qui existe entre Martha, la protagoniste de l’épisode, et une intelligence artificielle créée pour remplacer son petit ami mort, Ash. Pour cette étude, nous allons partir des hypothèses sur la question de la technique qui se trouve dans la conception de l'Être de Dasein et Heidegger, en opposition à la vision du monde de la technologie en tant que manière d'être qui gouverne la pensée postmoderne.

INDEX

Mots-clés: Intelligence artificielle ; Black Mirror ; Martin Heidegger ; Post-humanisme ; Transhumanisme Keywords: Artificial Intelligence ; Black Mirror ; Martin Heidegger ; Post-humanism ; Transhumanism Palabras claves: Inteligencia artificial ; Black Mirror ; Martin Heidegger ; Post-humanismo ; Transhumanismo

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AUTHORS

INGRID LACERDA

Federal University of Bahia, Brazil

THAMIRES RIBEIRO DE MATTOS

University of Campinas, Brazil

Communication, technologies et développement, 8 | 2020 Communication, technologies et développement

8 | 2020 Robotique avancée, intelligence artificielle et développement

Usages et potentialités des dispositifs socio- techniques d’information et de communication (DISTIC) mobiles en Afrique subsaharienne francophone : cas de deux villes du Niger : Niamey et Maradi Approche critique Uses and potential of mobile socio-technical information and communication devices (DISTIC) in French-speaking sub-Saharan Africa: the case of two cities in Niger: Niamey and Maradi Critical approach Usos y potencial de los dispositivos móviles de información y comunicación socio-técnica (DISTIC) en el África subsahariana de habla francesa : el caso de dos ciudades en Níger : Niamey y MaradiEnfoque crítico

Ibrahim Maïdakouale

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ctd/2631 DOI : 10.4000/ctd.2631 ISSN : 2491-1437

Éditeur Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement

Édition imprimée ISBN : 2491-1437

Référence électronique Ibrahim Maïdakouale, « Usages et potentialités des dispositifs socio-techniques d’information et de communication (DISTIC) mobiles en Afrique subsaharienne francophone : cas de deux villes du Niger : Niamey et Maradi », Communication, technologies et développement [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 14 juillet 2020, consulté le 20 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/ctd/2631 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ctd.2631

Ce document a été généré automatiquement le 20 juillet 2020.

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Usages et potentialités des dispositifs socio-techniques d’information et de communication (DISTIC) mobiles en Afrique subsaharienne francophone : cas de deux villes du Niger : Niamey et Maradi Approche critique Uses and potential of mobile socio-technical information and communication devices (DISTIC) in French-speaking sub-Saharan Africa: the case of two cities in Niger: Niamey and Maradi Critical approach Usos y potencial de los dispositivos móviles de información y comunicación socio-técnica (DISTIC) en el África subsahariana de habla francesa : el caso de dos ciudades en Níger : Niamey y MaradiEnfoque crítico

Ibrahim Maïdakouale

Contexte général de la recherche

1 L’évolution des technologies de l’information et de la communication (TIC) ces dernières années a entraîné un bouleversement des pratiques et des usages des dispositifs numériques dans tous les domaines de notre société (éducation, formation, médecine, etc.). Les téléphones mobiles et plus particulièrement les « smartphones »

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(Martin, 2010)1 ou ordiphone (Légifrance, 2009)2 ainsi que les ordinateurs portables et l’Internet contribuent ainsi fortement à des mutations profondes au sein de la société.

2 Ces dispositifs socio-techniques de l’information et de la communication (DISTIC) mobiles sont aussi associés aux objectifs du développement. Les organisations internationales dont l’UNESCO, le PNUD (programme des nations unies pour le développement), l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique) et la FAO (organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) proclament la nécessité d’accompagner ou d’aider les pays africains à s’intégrer à la « société de l’information » (Alzouma, 2008 ; Kiyindou, 2010). Elles ont, dans le passé, fortement aidé des initiatives allant en ce sens (Chéneau-Loquay, 2012). Le NEPAD (nouveau partenariat de l’Afrique pour le développement) et le sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) affirment cette nécessité de mettre les TIC et notamment le téléphone mobile et l’internet au service du développement.

3 En 2019, plus de 475 millions de personnes avaient souscrit à un service de téléphonie mobile en Afrique subsaharienne (soit 44 % de la population) ; la moitié d’entre elles se connectaient depuis un smartphone (GSMA). A cela s’ajoutent 817,9 millions de connexions mobiles (GSMA). En 2018, 17 millions des Nigériens avaient souscrit à un service mobile (soit près de 80 % de la population nigérienne) dont 10 millions d’entre elles se connectaient à partir de leur smartphone (GSMA&INS). Ceci prouve l’assise indéniable de la téléphonie mobile et de l’internet mobile dans ce continent.

4 Dans ce contexte, une recherche est menée afin de mettre en évidence un état des lieux des pratiques et des usages des DISTIC mobiles au Niger, et plus particulièrement à Niamey (capitale administrative 1,5 millions d’habitants) et Maradi (capitale économique 4,5 millions d’habitants). Le contexte socio-économique du pays, sa diversité culturelle, la (non) compréhension liée à cette interculturalité locale, mais aussi de celle liée à « l’expatriation » et l’objectif d’étudier une population la plus large possible nous ont amené à définir une stratégie et une méthodologie de recueil d’information pour y parvenir.

5 La recherche en cours présentera cette approche originale (Maidakouale & Lamboux- Durand, 2019) qui a permis de toucher et libérer la parole par entretiens qualitatifs – voire cliniques3 – d’un corpus de 70 nigériens d’origines très diverses : celui-ci est composé de 12 dirigeants (entrepreneurs, ministre), de 27 étudiants, de 30 usagers nigériens d’autres catégories sociales (parmi eux 66,7 % sont en situation d’illettrisme et d’analphabétisme) ainsi que les quatre (4) opérateurs de la téléphonie dont dispose le Niger. En effet, dans un contexte nigérien, les gens ne se livrent pas facilement au chercheur en raison de ce que les sociologues/psychologues qualifient de « complexe d’infériorité » vis-à-vis du scientifique (Nadaud & Zagaroli, 2008).

6 Une étude préalable déjà réalisée en 2015 auprès d’étudiants et d’entrepreneurs nigériens (Maidakouale & Kiyindou, 2015) a permis de mettre en évidence les dysfonctionnements liés à la non « confiance réciproque » entre le chercheur et l’enquêté ainsi que des éléments la favorisant. Cette confiance réciproque nécessite bien souvent un temps long, particulièrement auprès du public ciblé : alors que l’étude préalable a été réalisée durant un (1) mois, l’étude traitée dans cette recherche s’est déroulée sur près de cinq (5) mois.

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Stratégies et méthodologies mises en place

7 Afin d’atteindre les objectifs assignés à l’étude, on a recouru à diverses approches méthodologiques, classiques (observation participante, enquête exploratoire et entretiens semi-directifs) avec des adaptations et l’introduction de méthodes en lien avec différentes problématiques interculturelles. La thèse développera ces différentes adaptations méthodologiques au terrain et notamment les éléments suivants : • L’observation de certaines pratiques s’est appuyée sur des méthodes visuelles et participatives. Afin d’appréhender ce qui se joue dans la relation entre l’homme et son téléphone mobile, il s’agissait d’observer, de filmer et de photographier les postures liées aux usages de cet objet. L’objectif était, d’attester de leur statut affectif et de démontrer leur conversion en gestes, habitudes, histoires, émotions et significations. • Le statut du chercheur face au socio-type des sujets participant à l’étude est significatif des problématiques interculturelles d’une recherche au Niger. Ainsi, le statut de doctorant du chercheur engendre initialement des refus de la part de personnes lettrées (étudiants et entrepreneurs) se sentant alors en situation d’infériorité et mal à l’aise. L’omission du terme doctorant au profit d’étudiant a permis une acception de l’étude et des échanges cordiaux et souvent même amicaux, favorisant la libre parole. En effet, pour ces personnes « lettrées », disent-ils, un étudiant est moins intellectuel qu’un « doctorant ». • La construction de la confiance réciproque permet de faciliter le dialogue et l’échange entre le chercheur et le sujet afin de bien s’entretenir avec lui et de le mettre en confiance pour pouvoir recueillir le maximum des données. Cette confiance est établie à travers différents procédés : ◦ « Le bouche-à-oreille » : Une équipe de deux étudiants nigériens qui, par la suite, a participé au recueil des entretiens, a été chargée de contacter leurs camarades pour les inciter à participer à l’enquête. Le reste des personnes interrogées ont été contactées par une autre forme de « bouche-à-oreille », souvent avec l’implication de la famille qui joue un rôle très important dans la culture africaine. À travers l’implication de tiers l’objectif est de pouvoir établir une forme de transfert de confiance (Cohen, 2002). Cette approche a permis d’accéder facilement aux personnes concernées. ◦ Des questionnaires écrits préalables qui concourent à cette confiance après le « bouche-à- oreille » ◦ Des entretiens informels qui se sont traduits par un premier tête-à-tête autour d’un verre, d’un café (dans une cafeteria ou, souvent, au restaurant) qui ont permis à ces derniers de se confier et d’asseoir la relation de confiance avant l’entretien formel. • Les entretiens formels, base de l’étude, ont dans leur grand nombre été réalisés et enregistrés (en vidéo ou a minima en audio) dans des conditions optimales suite à la confiance réciproque installée au préalable. Le dispositif audiovisuel utilisé a occasionné une gêne passagère au début des entretiens qui s’est vite estompée. Les sujets finiront par se confier librement4.

Les premiers résultats

DISTIC mobiles utilisés par entreprises et étudiants pour accomplir des activités professionnelles

• Ensemble entreprises : ordinateur portable, deux smartphones et une connexion Internet.

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• Ensemble étudiants : smartphone (une vingtaine avec deux smartphones/ordiphones ou un smartphone avec deux cartes SIM) pour jouer sur les tarifs des opérateurs téléphoniques qui font payer plus cher la connexion en dehors de leur propre réseau.

Usages des médias sociaux

• 9/11 entreprises ont un compte Facebook. • Ensemble entreprises ont un groupe Whatsapp • Ensemble étudiants ont un compte Facebook et Whatsap • Ensemble des personnes analphabètes utilisent Whatsapp pour l’envoi des messages oraux (feu étonnant, cinq ont aussi un compte Facebook)

Pour l’ensemble des étudiants et personnes non lettrées (analphabètes) : Connexion très chère et très lente

• Mauvaise connexion internet • Mauvaise couverture réseau (dans certains quartiers de la capitale, la couverture réseau est inexistante)

8 l’intérêt du service et de vente en ligne • L’ensemble des entreprises y démontrent un grand intérêt • Aucune entreprise au Niger n’a encore mis en place le e-commerce.

9 Communication des entreprises sur les réseaux sociaux • 3/11 : communication plus ou moins active. • 8/11 : communication rare (la quasi-totalité des entreprises interrogées n’y trouve pas « trop » d’intérêt)

Conclusion

10 Les premiers résultats mettent en évidences différentes formes de pratiques et d’approches en fonction du milieu culturel. Ainsi les 4 opérateurs de la téléphonie et le ministère des postes, des télécommunications et des technologies numériques (avec son secrétaire général en charge de mesurer le taux de pénétration des TIC et le directeur de technologies numériques (DTI) – ont fort une approche orientée sur les infrastructures.

11 Cette étude révèle, à bien des égards, plusieurs aspects, mais l’on se focalisera sur celui qui nous semble le plus frappant et pertinent, en l’occurrence, les usages et pratiques. La généralisation de l’application Whatsapp au plan personnel mais aussi professionnel et commercial. Cette application est utilisée non seulement par tous les participants de l’étude mais aussi et surtout par des milliers des Nigériens en situation d’analphabétisme à travers l’envoi des messages oraux. Les analphabètes l’ont justement, car ce dernier est basé sur du visuel et l’auditif, ils peuvent déposer des messages audios et vidéos et l’interface est, relativement très simple. Et c’est bien Whatsapp qui a fait que des analphabètes ont commencé à avoir et utiliser les smartphones. Cela relève d’un phénomène de communication très intéressant, résultant d’une forme de « détournement » et de « braconnage » de dispositifs de socio- technique par cette population en situation d’analphabétisme. Dernière chose intéressante, parmi les personnes analphabètes interrogées, cinq (5) se connectent sur

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Facebook pour publier leurs photos, liker et partager aussi celles de leurs amis ce qui est impressionnant dans un contexte complexe qu’est le Niger à majorité analphabètes (71,6 % de la population).

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NOTES

1. MARTIN. Corinne, 2010. Dispositif et téléphone mobile, in Violaine Appel et al., Les dispositifs d’information et de communication, De Boeck Supérieur, 2. LÉGIFRANCE, 2009. Vocabulaire des télécommunications (liste de termes, expressions et définitions adoptés) [en ligne]. 27 décembre 2009. S.l. : s.n. [Consulté le 16 mai 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;? cidTexte=JORFTEXT000021530617. 3. Les entretiens ont eu une durée de 45 à 90 minutes 4. Phénomène aussi mis en évidence par les anthropologues visuels (voir Althabe et Hernandez 2004 ; Ghasarian (dir) 2008 ; Lallier 2011)

RÉSUMÉS

Au cours de ces trente (30) dernières années, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ont connu un développement sans précédent aussi bien dans les pays développés que ceux en voie de développement (PED). Elles sont devenues un « nouveau vecteur » de plus en plus indispensable de la croissance économique de l’entreprise et ont transformé la planète en un petit village. Ces TIC, et principalement les DISTIC mobiles, ont changé le comportement du personnel. L’association de l’informatique et des télécommunications a permis incontestablement de collecter, traiter et faire circuler l’information dans le monde — en temps réel — celui qui la détient a le « pouvoir ». En effet, dans un contexte international dominé par la « révolution technologique » comme symboles de modernité et facteurs d’intégration à l’économie mondiale, les grands enjeux de la mondialisation imposent de plus en plus la nécessité pour chaque pays de s’intégrer harmonieusement au sein de la « société de l’information ». L’Afrique subsaharienne en général et le Niger en particulier, terrain de notre étude, y sont à la traîne en raison de plusieurs difficultés : technologiques, politiques et entrepreneuriales. Or, si les DISTIC mobiles sont reconnus par les institutions internationales comme des leviers au service du développement, ils ne se traduisent pas par une politique cohérente. L’Afrique subsaharienne semble encore limitée par plusieurs contraintes (manque de ressources humaines qualifiées, manque d’infrastructure, cherté de la connexion, analphabétisme, dépendance technologique du Sud à l’égard du Nord, etc).

Over the past thirty (30) years, Information and Communication Technologies (ICT) have experienced unprecedented development in both developed and developing countries. They have become an increasingly essential "new vehicle" for the company's economic growth and have transformed the planet into a small village. These ICTs, and mainly mobile DISTICs, have changed the behavior of staff. The combination of IT and telecommunications has unquestionably made it possible to collect, process and circulate information around the world—in real time—whoever has it has “power”. Indeed, in an international context dominated by the "technological revolution" as symbols of modernity and factors of integration into the world economy, the great challenges of globalization increasingly impose the need for each country to integrate harmoniously within the "information society". Sub-Saharan Africa in general and Niger in

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particular, the field of our study, is lagging behind because of several difficulties: technological, political and entrepreneurial. However, if mobile DISTIC are recognized by international institutions as levers for development, they do not translate into a coherent policy. Sub-Saharan Africa still seems limited by several constraints (lack of qualified human resources, lack of infrastructure, high cost of connectivity, illiteracy, technological dependence of the South on the North, etc.).

En los últimos treinta (30) años, las tecnologías de la información y la comunicación (TIC) han experimentado un desarrollo sin precedentes en los países desarrollados y en desarrollo. Se han convertido en un "nuevo vehículo" cada vez más esencial para el crecimiento económico de la empresa y han transformado el planeta en una pequeña aldea. Estas TIC, y principalmente DISTIC móviles, han cambiado el comportamiento del personal. La combinación de TI y telecomunicaciones sin duda ha permitido recopilar, procesar y difundir información en todo el mundo, en tiempo real, a quien la tenga "en el poder". De hecho, en un contexto internacional dominado por la "revolución tecnológica" como símbolos de modernidad y factores de integración en la economía mundial, los grandes desafíos de la globalización imponen cada vez más la necesidad de cada país '' integrarse armoniosamente en la "sociedad de la información". El África subsahariana en general y el Níger en particular, el campo de nuestro estudio, están rezagados debido a varias dificultades : tecnológicas, políticas y empresariales. Sin embargo, si las instituciones internacionales reconocen a DISTIC móvil como palancas para el desarrollo, no se traducen en una política coherente. África subsahariana todavía parece limitada por varias limitaciones (falta de recursos humanos calificados, falta de infraestructura, alto costo de conexión, analfabetismo, dependencia tecnológica de sur a norte, etc.).

INDEX

Palabras claves : TIC móvil, aculturación digital, identidad cultural, brecha digital, desarrollo, empresas, usuarios, estudiantes, África, Níger Keywords : Mobile ICT, digital acculturation, cultural identity, digital divide, development, companies, users, students, Africa, Niger Mots-clés : DISTIC mobiles, acculturation numérique, identité culturelle, fracture numérique, développement, entreprises, usagers, étudiants, Afrique, Niger

AUTEUR

IBRAHIM MAÏDAKOUALE Univ. Bourgogne Franche-Comté Laboratoire ELLIADD [email protected]

Communication, technologies et développement, 8 | 2020