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Ciné-Bulles Le cinéma d’auteur avant tout

Désir en la demeure Péril en la demeure Michel Coulombe

Volume 5, numéro 2, novembre 1985, janvier 1986

URI : https://id.erudit.org/iderudit/34435ac

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Éditeur(s) Association des cinémas parallèles du Québec

ISSN 0820-8921 (imprimé) 1923-3221 (numérique)

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Citer ce compte rendu Coulombe, M. (1985). Compte rendu de [Désir en la demeure / Péril en la demeure]. Ciné-Bulles, 5(2), 36–37.

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Michel Coulombe

Désir en la • Michel Nicole Garcia et Christophe Malavoy demeure ?eville sest ^^ ^ bien amuse. Deville a choisi, en tournant Péril en la de­ En adaptant, avec brio et finesse, un roman meure, de divertir. Une fois encore. Suivant débordant d'humour et d'intrigues de René la trace de René Belletto, il revampe avec Belletto (Le revenant, Le temps mort), bonheur un canevas qui, au premier coup Sur la terre comme au ciel, Grand prix d'oeil, pouvait donner une sinistre impression de la littérature policière en 1983, il a pu uti­ de déjà vu. liser, pour son vingt-deuxième film, un titre accrocheur, Péril en la demeure, qu'il avait On l'aura compris, l'histoire de Péril en la failli donner à un autre de ses films, Eaux demeure est plutôt banale. On l'a racontée profondes. Et, surtout, il a, sur fond de gui­ plus d'une fois, de toute évidence parce que tare classique (Brahms, Granados et Schu­ les gens ne se lassent pas de l'entendre. bert) , dirigé de main de maître un étonnant L'adultère, le crime passionnel et le coup des Filmog raphie de Michel sextuor dévoré par le désir, prisonnier du microfilms subtilisés continuent de séduire. Deville destin.

1958 . Une balle dans le Certes, en conviendrait pro­ Un beau professeur de musique pas très for­ canon bablement, quoiqu'on fasse, on n'invente tuné, David Aurphet (Christophe Malavoy) 1960 . Ce soir ou rien. Ou si peu. Mélies, Chaplin, Eisenstein est engagé par des bourgeois cultivés de pro­ jamais 1961 Adorable et Welles sont passés les premiers, balisant vince, les Tombsthay, pour enseigner la gui­ menteuse avec génie le labyrinthe cinématographique. tare à leur fille Viviane (Anaïs Jeanneret), très 1962 À cause, à cause Mais, faut-il attendre de chaque réalisateur séduisante. Evidemment, la jeune fille a tôt d'une femme 1963 L'appartement qu'il mette, avant de tourner chacun de ses fait de s'éprendre du maître mais sa mère, Ju­ des filles films, le compteur à zéro et propose à la cri­ lia (Nicole Garcia), veille au grain et la dou­ 1964 tique et au public une esthétique, un style, ble de vitesse, ce qui n'a pas l'heur de plaire 1965 On a volé la Joconde un récit indiscutablement novateurs ? A moins au mari, Graham (Michel Piccoli), homme se­ 1966 Martin soldat d'être incurablement nostalgique, on peut ad­ cret et violent (on pense au personnage in­ 1967 Benjamin ou les mettre que plusieurs réalisateurs, dont Michel terprété par Jean-Louis Trintignant dans mémoires d'un . Comme il se doit, Graham puceau Deville, s'ils ne révolutionnent pas le septiè­ 1968 Bye, bye Barbara me art, savent rajeunir des histoires pourtant crève de jalousie. 1969 L'ours et la vieilles comme le monde en trouvant l'angle poupée original, le point de vue nouveau, la petite L'histoire ne mériterait pas qu'on s'y attarde 1970 Raphaël ou le débauché différence qui confère sa valeur au film. Spé­ et on nagerait, imbécile, dans le boulevard 1972 La femme en cialiste des comédies à petit budget, Michel le plus convenu avec quiproquos prévisibles, bleu 1973 Le mouton enragé 1976 L'apprenti salaud 1978 Le 1979 3ULLES 1981 Eaux profondes 1982 La petite bande 1984 Péril en la demeure 36 Coup de coeur

amant bêtement dissimulé dans le placard ou élégance le récit, du coup évitant les lon­ sous le lit et mensonges épidémiques, s'il n'y gueurs et la monotonie. Il va à l'essentiel. Il avait, pour relever la sauce et bousculer le en résulte un film au montage alerte, très quatuor amoureux, deux savoureux maîtres rythmé, jeune, stylisé, à l'intérieur duquel le de jeu. Côté comédie, énigmatique, Edwige réalisateur glisse une longue et belle scène de (Anémone), voisine voyeuse et vidéaste qui séduction, parenthèse erotique à laquelle fait ne perd pas de vue le plus petit geste des référence l'affiche, très controversée, de Ben­ Tombsthay. Côté polar, très franc, Daniel (Ri­ jamin Baltimore (auteur de l'affiche tout aussi chard Bohringer), tueur à gages maniéré payé contestée du 14e Festival international du pour liquider Graham Tombsthay et récupé­ nouveau cinéma et de la vidéo). On est loin rer de précieux microfilms. de La petite bande, précédent film de Mi­ chel Deville, destiné aux enfants. La jalousie explosive de M. Tombsthay, la nymphomanie aguicheuse de Mme Tombs­ Comme dans plusieurs films récents, (Jac­ thay, le charme insolent de Mlle Tombsthay, ques et Novembre, L'état des choses, La la surveillance sibylline d'Edwige et l'amitié Vie de famille), la vidéo joue, dans Péril amoureuse de Daniel changeront, de façon en la demeure, un rôle important. Cette précipitée, le cours de la vie de David Aur- fois, le chantage à la vidéo et la confession phet. En acceptant de donner des leçons par­ audio-visuelle succèdent aux photos dénon­ Anémone ticulières à une adolescente un peu délin­ ciatrices et à la lettre d'aveu. De plus en plus, quante, le guitariste solitaire devient le la vidéo, dont l'industrie cinématographique lumineux objet du désir de cinq personnes, appréhende la concurrence, s'installe au insecte délectable et sensuel coincé dans une grand écran sur support filmique... toile d'araignée venue de nulle part. Le jeu « Ma seule ambition, c'est de bien faire les choses. Or. je ne de la tentation prend tout à coup des allures Michel Deville, auteur-réalisateur-producteur, suis pas le premier à le dire, de jeu meurtrier. Et David, qui menait jusque- a su, une fois encore, tirer le meilleur parti on fait d'autant mieux les là une vie sans histoire, doit faire face à un choses qu'on les aime et des acteurs. Après avoir dirigé les Brigitte Bar­ qu'on a envie de les faire ! » grave problème : lui que plus personne n'ai­ dot, Jean-Louis Trintignant, Dominique San- (Michel Deville) mait suscite soudain le désir, principal sujet da, Jane Birkin et Isabelle Huppert, il révèle du film, comme un aimant attire le fer. On un Christophe Malavoy très juste dans son s'intéresse de plus en plus à lui. Trop. Dan­ rôle de grand garçon maladroit tout droit sorti gereusement. Autour du musicien, si tous d'une bande dessinée adolescente avec son n'en meurent pas, tous semblent atteints du éternel imperméable, transforme Nicole Gar­ mal d'amour. « Je suis privilégié, je le sais. cia, parfaite, en bourgeoise fatale et capricieu­ Mais, dans un film, la garan­ se et donne un rôle à sa mesure à la surpre­ tie de bonne fin est une cho­ La plus belle trouvaille de Péril en la de­ nante Anémone, provocante et séductrice. se fondamentale. et je ne dé­ passe jamais, ni mes devis ni meure, qui hésite entre le suspense, la co­ mes plans de travail. Parce médie et l'érotisme, pour finalement tirer le Malgré les séparations et les menaces, mal­ qu'une semaine de travail en meilleur parti des trois, vient des enchaîne­ gré deux meurtres et une explosion, Péril en plus, c'est tout de suite un million supplémentaire. De ce ments, rapides et originaux, imaginés par Mi­ la demeure déborde d'humour, sans être côté-là. je sécurise. D'autre chel Deville. Un personnage pose une ques­ une pure comédie. Cela va des fillettes à la part, à ma demande, je ne ré­ tion au téléphone, son interlocuteur apparaît queue leu leu accrochées les unes aux autres clame pas non plus de bud­ gets élevés : je veux pouvoir aussitôt pour lui répondre en tête-à-tête. L'el­ aux jeux de mots subtils (pas tibulaire, o rayé), continuer à faire ce que je lipse devient clin d'oeil. Michel Deville, astu­ en passant par une galerie de personnages veux. J'assure le côté écono cieux, propose une série de variations sur ce fantasques. Mission accomplie, M. Deville : mique du film. Enfin, le film que je livre est conforme au mode elliptique. Il enchaîne les scènes en se de la première à la dernière image, il y a plaisir scénario que je fais lire... » servant des mains, des gestes, accélérant avec en la salle...I (Michel Deville)

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