JEAN MADIRAN ET LES CENT ANS DE L’AF QUOTIDIENNE p. 2 2 0 L’ACTION FRANÇAISE 0 «Tout ce qui est national est nôtre » 0

3 s ❙ N° 2752 ❙ 62e année ❙ Du 17 au 30 juillet 2008 ❙ Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois ❙ www.actionfrancaise.net

IN ENGLISH PLEASE ! La présidence française du Un parterre de chefs d'État... Conseil de l'Union euro- péenne s'annonçait respec- tueuse d'une relative diversité linguistique. L'équipe en charge du site Internet consa- cré à l'événement – vecteur exclusif de la communication du gouvernement sur la toile – s'était vantée de préparer un SARKOZY effort de traduction inhabi- tuel. « En général les sites de présidence sont disponibles dans les trois langues de tra- vail de l'UE », signale Euractiv (4 juin 2008). Cette fois-ci, « neuf traducteurs travaille- ront [...] pour proposer les ar- tempête ticles et communiqués de presse de la présidence dans les cinq langues de navigation du site : français, anglais, al- lemand, italien et espagnol. [...] Si l'ambition initiale – ajouter le polonais – a été ré- duite pour cause de coûts trop en Méditerranée élevés, le site proposera néan- moins un maximum de docu- ments officiels dans les vingt- trois langues de l’UE. » PAGE 3, 7, 8 ET 9 Hélas, certains ont vite dé- chanté. En quête d'une accré- ditation pour la réunion infor- ■ JUSTICE teux. « La se doit de res- melle "Justice et Affaires inté- ter l'avant-garde du combat rieures" organisée à Cannes les laïque, seul rempart contre les 7 et 8 juillet, Jean Quatremer, L' n'a plus la cote dérives fanatiques dont les journaliste à Libération, avait femmes sont les premières vic- naturellement envoyé un mes- Le Conseil d'État confirme le refus d'accorder la nationalité times », affirme l'association Ni sage à la PFUE, qui s'est em- française à une Marocaine adepte d'un islam trop radical. Putes ni Soumises. Méfions-nous pressée de lui répondre... en du laïcisme, dont les adeptes anglais. Un comble ! L'un de me Fazia M. a 32 ans. Elle mention. Il stipule que la re- qu'une législation tatillonne ins- sont des alliés objectifs des is- ses collègues belges, franco- est mariée à un Français quérante a « adopté une pra- taurerait une véritable "idéolo- lamistes, tant ils sont prompts phone lui aussi, aurait fait la Met mère de trois enfants. tique radicale de sa religion, in- gie d'État". Il appartient à l'Exé- à fouler aux pieds notre iden- même expérience, rapporte-t- En dépit de sa maîtrise de la compatible avec les valeurs es- cutif de faire bon usage de son tité nationale – influencée certes il sur son blog. Débordé, le se- langue, le 16 mai 2005, le gou- sentielles de la communauté pouvoir discrétionnaire. par deux siècles de république, crétariat général de la prési- vernement s'est opposé par dé- française, et notamment avec mais façonnée surtout par plus dence française se serait dé- cret à sa naturalisation, arguant, le principe d'égalité des sexes ; Laïcisme, islamisme, d'un millénaire de christia- chargé sur un service conformément au Code civil, qu'ainsi, elle ne remplit pas la même combat ! nisme ! Quant aux slogans éga- anglophone. Alors qu'il dépense d'un « défaut d'assimilation ». condition d'assimilation ». Ef- litaires inspirés par une idéolo- des sommes folles en À juste titre selon le Conseil d'É- fectivement, Fazia M. ne cache Après l'annulation du mariage gie féministe, ils mènent à une paillettes, illuminant fière- tat, dont la décision du 27 juin pas les attaches salafistes de son d'un couple musulman dont impasse. C'est dans la valorisa- ment la tour Eiffel aux cou- a été révélée par ven- foyer, où elle vivrait « presque l'épouse avait menti sur sa vir- tion des différences qu'on en- leurs de l', le gouverne- dredi dernier. recluse » selon le commissaire ginité, cette affaire confirme seignera à nos petits sauvageons ment n'est même pas capable La presse a monté en épingle du gouvernement cité par Le l'évolution des "bonnes con- le respect dû aux femmes : en d'assurer le minimum syndi- le port de la burqa, dont le juge Monde. On s'interroge sur l'ob- sciences médiatiques", enfin dé- effet, qui voudra leur faire croire cal... Voilà qui devrait contri- administratif aurait proclamé jectivité des motifs invoqués. barrassées de leur angélisme is- qu'elles sont des hommes comme buer à renforcer le prestige in- l'incompatibilité avec l'obten- Sans doute est-il impossible lamophile. Faut-il s'en réjouir ? les autres ? ternational de la France. tion de la nationalité française. d'échapper tout à fait à l'arbi- En partie seulement, car les res- Good job ! ■ Mais le verdict n'y fait aucune traire en la matière... D'autant sorts de cette réaction sont dou- GRÉGOIRE DUBOST

n IMMIGRATION n PORTRAIT n LIVRE

Rapport Mazeaud, Pacte Les souverains Renaud Camus E européen négocié à Cannes : européens : signe un essai décapant : 3,00 F: Les lobbies promis Charles XVI-Gustave La démocratie - 2752 à un bel avenir de Suède contre la culture

M 01093 P AGE 5 P AGE 11 P AGE 12 3:HIKLKJ=XUXUUU:?m@h@f@m@a; ❚ L’AF REÇOIT

à Pie XI. Rien du célèbre Dilemme ■ TÉMOIGNAGE de Marc Sangnier. Rien de sa Po- litique religieuse. Ni de son Ac- tion française et la religion ca- Cent ans après tholique. Ces trois livres, réunis en un seul, constituent l’inou- Par Jean Madiran bliable somme parue sous le titre de La Démocratie religieuse. Rien donc de son fameux « Je suis ro- Jean Madiran a été directeur-fondateur nent directement : son Maur- main ». Rien de son Bienheureux de la revue mensuelle Itinéraires de 1956 à ras, paru en 1992 aux Nouvelles Éditions la- Pie X, qui annonce en la première 1996 ; cofondateur, et codirecteur de 1982 à tines, et son Maurras toujours là, paru en 2004 page de son avant-propos : « Je 2005, du quotidien Présent. Il est l’auteur de aux Éditions Consep (celui-ci contient une liste vais écrire à l’instant tout le né- nombreux ouvrages, parmi lesquels deux concer- de livres de Jean Madiran antérieurs à 2004). cessaire. Vous le garderez comme un testament. » Rien ? Si, pour- tant : un morceau de son "intro- otre enquête déjà bien çaise par le journal de Bainville, Nous avons été plus souvent me- convient de proposer « un système duction générale" a été retenu avancée, cher Michel Fro- Daudet et Maurras, alors c’est nacés de la situation de Platon complet, cohérent, continu de sous le titre : Politique naturelle Vmentoux, cherche à savoir notre piété filiale qui est appe- débarqué par traîtrise à Egine en l’expérience historique française et politique sacrée. C’est très ce qu’évoque aujourd’hui pour les lée à se recueillir, à honorer et à guerre contre Athènes, et vendu et de la plus haute théologie ». peu. Ce très peu, c’est Maurras uns et les autres le centième an- transmettre. comme esclave. J’ignore dans quelle mesure ces lui-même qui l’« a ajouté », est- niversaire de la fondation, en travaux-là seront éventuellement il précisé à la page 158 du tome II. 1908, du quotidien L’Action Fran- La France toujours La piété intégrés un jour dans le patrimoine Ajouté ? Cela avait donc com- çaise. En journaliste profession- menacée naturelle tarie de l’école maurrassienne. mencé par manquer ! Tout ce qui nel, ayant moi-même, entre Ma distinction entre la démo- touchait au politico-religieux avait autres, cofondé, et codirigé pen- Je n’ai connu personnellement Pour la rencontre avec son em- cratie "classique" et l’autre, la d’abord été exclu, mais par qui, dant près d’un quart de siècle un ni Daudet ni Bainville. Mais j’ai pirisme organisateur, Maurras a "moderne", la "religieuse", a in- mais pourquoi ? quotidien nationaliste, je réponds connu Maurras ! C’est lui-même nommé la "théologie" quand on téressé quelques cercles catho- Et cet "ajout" tardif ne comble d’abord par un fort sifflement qui m’a convié à écrire dans L’Ac- aurait attendu la "philosophie". liques davantage semble-t-il, que guère la lacune constatée in ex- d’intense admiration pour cette tion Française sans que j’aie osé Mais c’est bien ce qui s’est passé, les cercles maurrassiens. Il en va tremis. Car en cette même pre- prodigieuse aventure journalis- être candidat à un tel honneur. mière page du Bienheureux Pie X, tique : trente-six années, dont Et si je lis toujours avec plaisir et Maurras écrivait : « Il y a des deux guerres mondiales, de pa- profit Bainville et Daudet, c’est choses à dire, dont peu de gens rution quotidienne du libre jour- à Maurras surtout que je me sens se soucieront. Bien des vérités nal de Charles Maurras, Léon Dau- redevable. Soixante-quatre ans capitales auront pâli dans les mé- det, (et quelques ont passé depuis le jour où Maur- moires. Il en est même qui ne se- autres) ! Paraître dans les condi- ras m’écrivait cette ample ex- ront plus guère connues que de tions administratives, écono- hortation que l’on connaît, m’in- moi. Je ne peux les laisser s’en- miques, politiques, morales que citant à prolonger l’une des vi- fuir avec mon reste de vie. » les "valeurs républicaines" font à sées de son parcours intellectuel : Ces "vérités capitales" n’ont la presse, ce n’est pas rien pour la rencontre entre son "empirisme cependant pas trouvé place dans un quotidien ! Cela seul déjà mé- organisateur" et la théologie ca- les Œuvres... capitales. Voilà un riterait de retenir l’attention et tholique. Il m’indiquait de la pro- motif de ne pas oublier que si d’être étudié dans son détail tech- longer sur la « voie royale et semi- cette édition est utile et mérite nique. Car pour faire un journal, divine » qui s’élèvera jusqu’à la d’être appréciée, il ne faut pas il ne suffit pas d’écrire, fût-ce « définition du Bien, du souve- c’est avec la théologie que la ren- de même du renouvellement ap- s’y limiter. avec talent, comme on le croit rain Bien ». Soixante-quatre ans, contre a eu lieu (la théologie n’en porté à la critique des "droits de JEAN MADIRAN trop souvent. C’est tout un mé- ce ne serait point trop tôt pour a évidemment pas exclu sa chère l’homme" par la mise en valeur tier. Passionnant sans doute, mais me demander ce que j’ai fait servante, l’ancilla theologiae). d’une analyse que l’on peut dire Nous remercions bien vive- un rude métier. d’une telle invitation. C’est surtout la théologie morale politico-religieuse, ou empirico- ment Jean Madiran de ces rap- Si, ayant admiré l’aventure, Mais disons d’abord que notre qui a été mise à contribution ; théologique. pels capitaux ainsi que de son on en vient à la somme des ser- génération, pas moins que celle c’est aux bienfaits temporels de témoignage. En dénonçant ceux vices rendus au mental français de Maurras, aura vécu, comme il la piété filiale et nationale, et aux Des vérités capitales qui ont laissé tarir la piété na- et à la défense de la patrie fran- disait lui-même, « dans une conséquences de l’impiété turelle il va à l'essentiel. Vic- France labourée par d’immenses contraire, que j’ai sans doute ap- L’édition des Œuvres capitales times hélas d'une situation qui divisions de pensée où, non seu- porté le plus d’insistance ; bien- de Charles Maurras a été, dit-elle, nous oblige de plus en plus à un lement son sort, au civil et au faits et conséquences enregistrés « établie par l’auteur dans la der- combat politique incessant, nous militaire, mais son idée même, par l’expérience historique. Tout nière année de sa vie ». Maurras n'avons pas pu ces dernières dé- et l’avenir de son unité mentale, au long de ces soixante-quatre an- est mort en novembre 1952. Les cennies accorder toujours la de son langage même, étaient nées j’ai désigné le tarissement quatre tomes de cette édition ont priorité à l'étude des dévelop- 10 rue Croix-des-Petits-Champs menacés ». Et nous avons nous de la piété naturelle comme le été achevés d’imprimer au troi- pements religieux de la pensée 75001 aussi passé notre vie publique sur cœur de l’hérésie du XXe siècle sième et au quatrième trimestre de Maurras. Nous n'en avons pas Tél. : 01 40 39 92 06 - Fax : 01 40 26 31 63 e www.actionfrancaise.net.actionfrancaise.net une colline balayée sans arrêt par (dont le XXI a joyeusement hé- 1954. Faut-il vraiment attribuer moins donné de larges échos aux [email protected] le feu de la subversion sociale, rité) ; j’ai désigné ce tarissement à "l’auteur", ou bien à ces dix- travaux de Jean Madiran sur les [email protected] politique et religieuse. Comment comme la cause de l’erreur pas- neuf mois entre la mort et la pa- "deux démocraties" et sur les [email protected] aurions-nous pu y installer un tran- torale de l’Église et comme la sub- rution, la responsabilité d’en avoir "droits de l'homme". Nous dé- ISSN 1166-3286 quille laboratoire intellectuel, en version principale des sociétés. retranché une partie considérable plorons nous aussi que La Dé- quelque sorte une académie, Mes travaux en ce sens ont re- de l’œuvre maurrassienne, pré- mocratie religieuse n'ait pas été Directeur de 1965 à 2007 : (✟) Directeur de la publication : M.G. Pujo comme chez Platon ? Il ne nous a tenu l’attention d’une partie du cisément toute celle qui touche retenue dans les Œuvres capi- Rédacteur en chef : Michel Fromentoux pas été donné souvent de pouvoir clergé. Cela aussi relevait de l’ex- aux préoccupations, aux idées, tales, mais elle n'en a pas moins Politique : deviser de toutes choses philoso- hortation maurrassienne : un aux combats visés par l’exhorta- été rééditée par les Éditions la- Guillaume Chatizel, Jean-Philippe Chauvin, phiques en baignant paisiblement « bon clergé instruit et capable tion qu’il m’avait adressée ? tines en 1978, avec une très per- Georges Ferrière, Michel Fromentoux, nos pieds dans les eaux fraîches d’instruire » qu’il « faut arracher Rien, dans ces Œuvres capi- tinente préface... de Jean Ma- Nicolas Hainaut, Stéphane Piolenc que quelque Ilissos, à la manière aux docteurs douteux comme aux tales, de ses lettres au Souverain diran. Étranger : Pascal Nari Économie : Henri Letigre de Socrate et de ses disciples. docteurs distraits », et auquel il pontife, celle à saint Pie X, celle M.F. Enseignement, famille, société : Sarah et Stéphane Blanchonnet, Jean-Pierre Dickès, Michel Fromentoux, Aristide Leucate, Frédéric Wincler ROME ET LA FRATERNITÉ Commission Ecclesia Dei, rece- charité l'autorité du Vicaire du la précipitation ». C'est dans ce Culture : gr gr Monique Beaumont, SAINT-PIE X vant à Rome M Bernard Fellay Christ. Des exigences qui ten- sens qu'a répondu M Fellay le 26 Anne Bernet, Renaud Dourges, Gaël Fons, et son deuxième assistant, l'abbé daient, selon DICI, à obtenir un juin, affirmant son respect de Norbert Multeau, Jean d’Omiac, Des rumeurs de "sanctions" contre Alain-Marc Nély, leur avait remis climat favorable pour un « dia- l'autorité du Vicaire du Christ et François Roberday, Alain Waelkens la Fraternité sacerdotale Saint- un memorandum exigeant une logue ultérieur », que la Frater- sa volonté de transmettre, Histoire : gr Yves Lenormand, Laure Margaillan, Pie X ont agité les médias début réponse pour la fin juin. En fait nité souhaite pour sa part situer comme disait M Marcel Le- René Pillorget, Francis Venant juillet. Pour redonner à cette af- le document présentait des exi- « au niveau doctrinal », prenant febvre, « ce qui a été cru tou- Art de vivre : Pierre Chaumeil faire ses justes proportions, gences de caractère très en compte toutes les questions jours, partout et par tous dans Chroniques : mieux vaut s'en tenir au bulletin général : répondre à la « généro- (notamment les difficultés l'Église ». Le cardinal Castrillon François Leger, Jean-Baptiste Morvan d'information DICI que publie la sité du pape », éviter toute in- concernant Vatican II) « qui, si Hoyos a accusé réception de Médias : Denis About. Fraternité. On y apprend qu'ef- tervention trop polémique, ne elles étaient éludées feraient cette réponse le lendemain. Pas Rédacteur graphiste : Grégoire Dubost. fectivement le 4 juin, le cardinal pas se poser en contraposition » courir le risque de rendre caduc de commentaire pour l'instant. Abonnements, publicité, promotion : Monique Lainé Castrillón Hoyos, président de la avec l'Église, respecter en toute un statut canonique établi dans M.F.

2 L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 POLITIQUE ❚

icolas Sarkozy a donc pré- sidé le défilé du 14 juillet ■ UNPARTERRE DE CHEFS D'ÉTAT... Ndevant un parterre non pas de rois comme Napoléon offrant jadis la comédie à Erfurt, mais de Sarkozy tempête en Méditerranée chefs d'État et de gouvernement. Ils étaient presqu'une quarantaine Le président de la République joue les faiseurs de paix, sans avoir étouffé restés à Paris au lendemain du lancement de l'Union pour la Mé- tous ses démons droits-de-l’hommiste. diterranée. Avouons d'abord que respecter l'image de la France l'image d'une telle tribune ne peut dans le monde... L'homme qui ras- laisser aucun Français insensible : L’Armée a défilé avec dignité, semblait quarante chefs d'État au- notre pays serait-il en train de re- rentrant sa colère... tour de lui ce 14 juillet n'est pas prendre un rôle éminent dans le un homme libre. monde ? Le Président lui-même n'est-il pas apparu comme un "fai- La comédie des seur de paix" ? Tout semblait lui Droits de l'Homme sourire en ce jour de fête natio- nale : un vrai temps d'été, un dé- Mais pourquoi diantre avoir filé impeccable, une armée ca- voulu faire lire par l'acteur Kad chant superbement ses raisons de Merad la fameuse Déclaration des mécontentement, la présence, Droits de l'Homme de 1789 devant comme invité d'honneur, du se- la tribune d'honneur du 14 juillet, crétaire général de l'ONU Ban Ki- tel un cours de philosophie poli- moon, la présence aussi, à la "gar- tique à l'usage des chefs d'État ? den party" de l'Élysée, d'Ingrid Bé- Chacun sait que cette proclama- tancourt récemment délivrée des tion n'a jamais engagé personne, mains des FARC et adulée par qu'elle a laissé se commettre les tous... Pourtant, la parenthèse pires exactions dans le monde ces refermée, dès le lendemain, les 219 dernières années et qu'elle a réalités reprennent le dessus, et des chefs d'État dont certains sont en 1983 ayant tué cinquante-huit sur les Droits de l'Homme ne sau- même maintes fois servi à les jus- l'esbroufe n'a plus sa place. en guerre n'est pas un mince ex- de leurs camarades. Ils ont mar- raient inspirer une bonne poli- tifier. ploit et il est permis d'espérer que ché avec une grande dignité, ren- tique. En quoi le boycott massif Exaltation de l'individu abso- La France l'audace même de notre président trant leur colère, loin des criaille- de Jeux de Moscou en 1980 a-t-il lutisé, détaché de tous ses liens dans le monde aura déclenché un déclic salu- ries d'une péronnelle nommée Sé- servi à la débâcle de l'empire so- naturels et surnaturels, donc sans taire. Mais si un accord semble golène Royal jetant de l'huile sur viétique ? Le rayonnement de défense contre les idéologies mas- En fait, en politique étran- s'être établi entre M. Bachar al- le feu par des propos inconsidé- Jean-Paul II, pape polonais, a sifiantes, cette Déclaration est gère, un président de la Répu- Assad, président de la Syrie, et rés dont elle a fait sa spécialité beaucoup plus contribué à ren- fort utile, notamment les article blique sera toujours, pour re- M. Michel Sleimane, nouveau pré- ces derniers jours en tous do- verser le rideau de fer que toutes 3 et 6, aux régimes qui entendent prendre un terme dont il use par- sident du Liban (on a parlé d'un maines. les gesticulations spectaculaires écraser les hommes concrets sous fois abusivement,... un amateur. « pas historique »), on aura re- des politiciens occidentaux. le joug d'une entité collective et Il faut en ce domaine "patience marqué que le même Bachar al- Minable M. Sarkozy a donc raison de totalitaire censée mieux connaître et longueur de temps", ce dont Assad et le président israélien Cohn-Bendit se rendre à Pékin, mais le pire qu'eux ce qu'est leur bonheur... plus que tout autre est dépourvu Ehoud Olmert se sont soigneuse- est que la Chine, elle, exige plus Alors, croire qu'entendant cette M. Sarkozy, qui, d'ailleurs, n'a plus ment évités. On ne saurait régler Dans le même ordre d'idées encore. Son ambassadeur à Paris, rengaine, des chefs d'État en vien- que quatre ans devant lui, (peut- la question de la poudrière du l'altercation qui eut lieu le Kong Quan, somme aujourd'hui le nent à s'interroger sur les procé- être neuf)... C'est dans la durée Proche-Orient par de simples ef- 10 juillet au Parlement européen président français d'ignorer le da- dés de répression qu'ils utilisent que se révèlent les fruits d'une fets de spectacle... entre le président Sarkozy et le laï-lama lors du séjour qu'effec- chez eux, c'est du pur angélisme. grande initiative diplomatique Au-delà de la personne de Ni- député Daniel Cohn-Bendit est ré- tuera celui-ci en août à Paris. Si- Jadis la monarchie capétienne ser- dont on peut dire avec Jacques colas Sarkozy, reste que la France vélatrice de cet état d'esprit pri- non les conséquences pourraient vait de modèle de justice et de Bainville que c'est une chose es- hérite de liens historiques avec vilégiant les "bons sentiments" au être « graves » pour les relations, charité, de respect des traditions sentiellement royale. Or, l'actuelle cette région du globe, et si l'Union détriment des faits. L'ancien agi- notamment commerciales, entre chrétiennes et des lois non écrites. république ne jouit même pas de pour la Méditerranée pouvait tateur de Mai 68, qui, alors, ne les deux États. M. Sarkozy réserve La liturgie droit-de-l'hommiste la liberté de sa diplomatie : n'a- contribuer à les renouer cela ser- craignait pas de s'acoquiner avec prudemment sa réponse, mais il froide et formaliste ne peut en t-il pas fallu déjà transformer le virait la cause de la paix, même les maoistes, a dit au président est quand même étrange que la rien enrichir l'image de la France projet sarkozien d'Union médi- s'il faut parfois faire passer le réa- de la République que c'était « mi- Chine impose à la France un tel dans le monde... terranéenne en une flasque Union lisme avant de légitimes ressen- nable d'aller à l'ouverture des Jeux devoir de "non-ingérence" dans Ajoutons que ce 14 juillet ap- pour la Méditerranée, afin de ne timents, et imposer, par exemple, olympiques de Pékin ». À quoi les affaires chinoises qu'elle n'a paremment glorieux a été de ci pas chagriner le chancelier alle- la dure épreuve à des casques M. Sarkozy a répondu fort juste- jamais demandé à George Bush de là fidèle à celui de 1789 "li- mand Mme Angela Merkel ? bleus français de défiler devant ment qu'il ne pensait pas « que ni à Angela Merkel... C'est dire le bérant" les instincts populaires. Bien sûr, avoir réussi à faire le président syrien présumé res- l'on puisse boycotter le quart de travail qui incombe à notre classe Près de 300 voitures (seulement s'asseoir autour d'une même table ponsable de l'attentat du Drakkar l'humanité ». Les gémissements politique pour rehausser et faire disent les médias...) ont brûlé en France dans la nuit du 13 au 14. Cela aussi fait partie de la réa- ■ lité d'un régime qui entend don- NOTRE SOUSCRIPTION POUR L’AF ner des leçons au monde, de même que la cote de popularité toujours très basse du président, la suite de la fausse de même aussi que ce mal chro- nouvelle diffusée sur nique d'une république de plus en ÀRadio Courtoisie de l'ar- Pour continuer... plus mal dans sa peau : le débat rêt de la parution de L'Action sur la réforme des institutions Française 2000, une lectrice dont devait surgir aux dires de fidèle nous écrit : « Nous M. Sarkozy une république « ir- avons été particulièrement aideront ainsi à passer les LISTE N° 9 réprochable », mais qui, au Sé- chagrinés d'entendre cette mois d'été, une période finan- nat ce 15 juillet, s'annonce fort personne à . cièrement toujours difficile “100 euros pour l'A.F.” : Virements réguliers : Joseph De difficile alors que le Congrès doit Vous avez bien fait de mettre pour la presse d'opinion. Anonyme, 100 ; Mme Monique Lajudie, 20 ; Jean-Michel De se réunir à Versailles le 21 juillet ce petit article qui remet les Profitez enfin de vos vacances Labadie, 100 ; Mme Arnaud- Love, 7,62 ; Raymond Sultra, pour en voter le texte... Encore choses au point. Du coup je et de vos déplacements pour Dubreuil, 100 ; Mme Capet- 17,48 ; M. Bellegarde, 15,24 ; de beaux jours de discussions oi- vous adresse un petit faire connaître L'Action Fran- Sellenet, 100 ; Mme Pierre Mme M.M. God, 22,87 ; Mme seuses engendrant perte de temps chèque. » çaise 2000 autour de vous. Vuillerme, 100 ; François Callais, Gancel, 45,73 ; Mme de Prittwitz, et d'argent. Il en est ainsi depuis Merci à cette lectrice, merci à Bonne lecture et bon été 100 ; M. François Métin, 300 ; 45,73 ; Gal Le Groignec, 15,24 ; que 1789 a rompu avec la consti- nos amis qui ont participé d'Action française. Estève Fernand, 120, M. Thomas, 45,72 ; Mme Leclerq- tution millénaire qui a fait la nombreux, cette quinzaine, à J. Lamonerie, 200 ; Jean Bourin, 28. France en conjuguant harmo- notre souscription. MARIELLE PUJO Coudère, 200 ; Mme Francine nieusement ordre et libertés. À Nous lançons un appel à tous Remacle, 100 ; Mlle Renée Total de cette liste : 2 483,63 s ce sujet aussi l'on peut se de- ceux qui ne l'ont pas encore * Prière d’adresser vos dons à Raufast, 250. Listes précédentes : 8 643,04 s mander quelle image donne d'elle- fait pour qu'ils pensent à Mme Geneviève Castelluccio, L’Ac- même une France sans cesse en nous envoyer leur obole avant tion Française 2000, 10, rue Croix- En mémoire de Pierre Pujo : Total : 11 126,67 s train de réviser sa constitution... de partir en vacances. Ils nous des-Petits-Champs, 75001 Paris. Amadeu Ciscar-Penella, 450. Total en francs 72 986,17 F MICHEL FROMENTOUX

L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 3 ❚ ASPECTS DE LA FRANCE

cessaire part de bâtardise. En- » COUACS ■ ENSEIGNEMENT suite, il serait bon qu'à 14 ans, on ne traite plus ces enfants comme S'exprimant sur France 3 le des idiots, mais comme des éco- 30 juin, alors que la France Faut-il enterrer le brevet ? liers qui sont là pour apprendre devait présider le Conseil de et réfléchir. (Non pas pour ap- l'UE dès le lendemain, Nicolas La plupart des collégiens obtiennent leur brevet sans difficulté. prendre à réfléchir !) Aux pro- Sarkozy s'était inquiété de la fesseurs d'élever leurs élèves et difficulté que feraient peser Enrichie cette année de quelques nouveautés, cette épreuve n'en non pas de s'abaisser à leur ni- les « pays lettons » sur la né- demeure pas moins un "rite de passage" incontournable. veau. Et l'examen élève ces pe- gociation du paquet énergie- tits. Il leur fait prendre conscience climat. Sans doute voulait-il 'année 2008 a été "un bon On apprend à nos chères petites deux années d'apprentissage. Ce que c'est "sérieux". Ils vont dans parler des pays baltes, mani- cru" : le taux de réussite au têtes blondes que la France est qui nous donne donc, s'ils choi- un autre établissement, ont une festant tout l'intérêt qu'il Lbrevet des collèges atteint un grand pays ! Nous avons tout sissent l'anglais, un niveau "offi- table à leur nom, des entêtes de porte à des États dont il pré- 81,7 %. Bons élèves ou exercices de même trouvé des professeurs ciel" de fin de 5e. C'est peu, mais copies à remplir avec précision, tend pourtant resserrer les faciles ? Pour ce qui est du sujet pour se plaindre auprès du mi- c'est mieux que rien. Puis ils doi- les cartables à mettre au fond de liens avec la France... de mathématiques, rien à dé- nistère de l'Éducation nationale. vent avoir obtenu leur "B2i", ter- la classe... des conditions nor- La responsabilité de la "gaffe" montrer. Simples calculs où la ré- Motif ? Le sujet ne faisait pas as- minologie barbare qui signifie en males d'examen ! Pour ces en- suivante est partagée avec ponse est dans l'énoncé. La fait "brevet informatique et In- fants, c'est une première et c'est une entreprise néerlandaise, consigne de notation est claire : ternet". S'ils ne le valident pas, très important. Notre société a qui a fabriqué pour la prési- même si le résultat est faux, s'il ils ne peuvent prétendre à pas- désenchanté tous les "rites de pas- dence française de l'Union y a eu un "raisonnement", des ser l'examen du brevet. Enfin, les sage", le brevet en est pourtant européenne un immense bal- points (jusqu'à la moitié pour candidats ont désormais la possi- un dans leur esprit. Ils sont fiers lon-monde orné des vingt-sept l'exercice en question) peuvent bilité d'obtenir des mentions : as- d'avoir réussi quelque chose de drapeaux des États membres, être attribués à l'élève. Un petit sez bien pour une moyenne su- "difficile" pour eux. Pour une fois, suspendu dans le hall d'entrée QCM, et, enfin, un peu de géo- périeure à 12, bien pour une on ne s'est pas mis à leur portée, du bâtiment Justus-Lipsius, le métrie : là non plus, rien à dé- moyenne supérieure à 14 et très ils ont dû se conformer aux exi- siège du Conseil des ministres montrer, aucun emploi de théo- bien lorsque la moyenne est su- gences de l'examen. à Bruxelles. C'est paraît-il très rème n'était demandé. périeure à 16. Ce qui peut susci- joli... mais les couleurs du ter une motivation supplémen- Un garde-fou drapeau de la Finlande y sont Niveau affligeant taire pour les meilleurs élèves et inversées ! L'affaire ferait une saine émulation pour tous. Il y aurait certes beaucoup à grand bruit dans ce pays nor- Le français ? On réclame de Ces trois nouveautés vont dans améliorer dans ce brevet des col- dique, selon Jean Quatremer la paraphrase ; recopier bêtement le bon sens, c'est certain. Mais le lèges, tout à revoir dans le sys- qui a révélé l'affaire en l'extrait du texte, sans explica- sez écho, à leur goût, aux fai- brevet des collèges reste globa- tème scolaire en général… Mais France après en avoir été in- tion aucune, vous permet d'avoir blesses de la France ; dans un su- lement le même. On l'a, on le met même dévalué, même avec des la moyenne. Je ne parle pas de jet sur la puissance, quoi de plus au placard et moins de deux an- exercices pour abrutis, le brevet formé par un confrère finlan- l'orthographe, les négligences en normal ! Mais là non plus, aucune nées plus tard, on prépare déjà des collèges, comme examen na- dais, correspondant à Paris du la matière étant suffisamment dé- réflexion n'est jamais demandée les premières épreuves du bac... tional, reste un garde-fou. Les quotidien économique Kaup- criées par de nombreux profes- à nos enfants. On nous dit qu'ils Oui mais les autres ? Ces enfants "faut qu'on", "y'a plus qu'à" et palethi. Un bel exemple de seurs (dont le collectif Sauver les sont trop jeunes ! À 14 ans, in- qui quittent l'école après la troi- autres critiques constructives ou professionnalisme. Lettres, que nous saluons au pas- capables de réflexion ? À qui vou- sième, après une seconde géné- non, ne sont pas une raison pour sage pour son excellent travail de drait-on faire croire cela ? rale durant laquelle ils n'étaient supprimer ce qu'il reste de bon » GARDE À VUE sensibilisation). pas aptes à suivre, ces 160 000 dans notre système scolaire. Dans L'histoire-géographie est la jeunes qui sortent chaque année l'état actuel des choses, mieux Le 1er juillet, quatre militants Mesures de bon sens dernière des trois épreuves écrites du système scolaire sans di- vaut défendre ce qui est encore souverainistes, indisposés par qui constituent le brevet. Les Mais une question nous vient plôme... Pour les bobos, nantis et un bien – même petit – plutôt que le présence du fanion bleu élèves qui ont choisi l'épreuve à l'esprit : à quoi sert encore cet nouveaux riches, le brevet des de tirer à boulet rouge sur tout étoilé au sommet de l'Arc de d'histoire n'ont pas eu de souci de examen qui ne conditionne même collèges n'est rien. Pour ces en- ce que fait le gouvernement ré- Triomphe, ont été interpellés chronologie : toutes les dates pas le passage en seconde ? fants en difficulté, c'est bien sou- publicain. Soyons clairvoyants sur sur les Champs-Élysées par étaient données sur un sujet pour- Quelques nouveautés ont été vent leur seul diplôme. C'est tout ce qui va mal aujourd'hui, mais des policiers en civil, dé- tant des plus "classiques" : l'Alle- mises en place cette année. Les ce que le système leur a apporté surtout réfléchissons à ce qui ployant un drapeau tricolore magne nazie. Le plan du para- élèves se présentant au brevet en douze ans. C'est peu, mais ne pourra être amélioré demain ; frappé de la croix de Lorraine graphe argumenté était même doivent avoir leur niveau A2 en leur enlevons pas encore cela. parce qu'en tant que royalistes, au cri de « Europe, dans la légende de la carte ! Pour langue vivante. C'est-à-dire qu'ils Quant au contrôle continu, nous avons le regard tourné vers trahison !» Cela leur aura ceux qui ont choisi la géographie, peuvent choisir la langue étran- s'agit-il d'un bon compromis ? Tout l'avenir, et vers nos enfants. valu vingt-quatre heures de le sujet portait sur la puissance gère de leur choix (LV1 ou LV2) et d'abord, je vous dirai que tous les garde à vue, ainsi que des française dans le monde. Enfin ! doivent justifier d'un niveau de compromis comportent une né- LAURE MARGAILLAN poursuites pour trouble à l'ordre public et... injure en- vers le chef de l'État. Leur nostalgie du gaullisme pro- voque apparemment une cris- ■ “chasse aux sorcières”) ; le pation démesurée des APRÈS LA TRAGÉDIE DE CARCASSONNE 13 juillet enfin, à la veille du tra- autorités ! ditionnel défilé militaire, le Pré- Mais peu de médias ont fait sident adresse un message solen- écho à leur geste, dont la ré- Le grand malaise des armées nel aux armées pour leur renou- cupération suscite pourtant veler sa confiance, signe non des controverses entre diffé- Entre le Président et les militaires, on est passé du trouble équivoque de l’état désastreux rentes officines souverai- dans lequel se trouvait ladite nistes. À quoi bon ? La plupart au malaise, voire à la crise de confiance. confiance ! de nos concitoyens n'y auront vu qu'un « monôme de po- ous soulignions dans notre une colère contre ce qu’il appelle Un gonflement taches », selon l'expression de précédente édition le « l’amateurisme » des militaires ; médiatique Kardaillac, modérateur du fo- Ntrouble que provoquait au le 1er juillet c’est la démission du rum Vive le Roy (3 juillet sein des armées le Livre blanc de CEMAT, le chef d’État-Major de Bien sûr, il ne faut pas négli- 2008). C'est hélas insuffisant la défense présenté officiellement l’Armée de terre, le général Bruno ger une certain gonflement mé- pour les encourager à "conti- par Nicolas Sarkozy le 17 juin. Les Cuche, immédiatement remplacé diatique autour de tous ces évé- nuer la France". Pour Jean- événements qui ont suivi, certains à ce poste par le général Elrick nements. La démission du géné- Philippe Chauvin, cet incident fortuits comme la tragédie de Car- Irastorza ; le 2 juillet l’ANRAT ral Cuche après Carcassonne « devra ouvrir les yeux des cassonne, d’autres non comme le (l’Association nationale des ré- semble, par exemple, être plus quelques gaullistes politiques cafouillage ministériel autour de servistes de l'Armée de terre) la conséquence du sens de l’hon- qui, s’ils veulent sortir de la l’annonce du remodelage de la s’émeut de l’annonce du gel de neur et de la responsabilité d’un nostalgie des années soixante carte militaire, dont les reports la plus grande partie des activi- chef que l’expression d’une [...], doivent désormais pen- répétés nourrissent toutes les tés de la réserve opérationnelle grogne des armées contre le Pré- ser en véritables "politiques" craintes, laissent penser que l’on sur six ou sept ans ; le 19 juin un à compter du 1er septembre ; le sident. Cependant le malaise est les grandes questions [...] de est passé du trouble au malaise certain nombre d’officiers publie 3 juillet Hervé Morin annonce bien réel et le report de l’annonce la nation et de l’État. » voire à la crise de confiance entre dans sous le pseudo- qu’une enquête est en cours en des suppressions de sites et (jpchauvin.typepad.fr, le Président et les militaires. nyme de Surcouf une critique en vue de sanctionner les membres d’unités témoigne à lui seul des 8 juillet 2008) Reprenons la chronologie : le règle du Livre blanc ; le lende- du groupe Surcouf (par la suite le difficultés du gouvernement à G.D. 17 juin, Nicolas Sarkozy annonce main du drame de Carcassonne, discours du ministre s’adoucira éteindre cette crise. la suppression de 54 000 postes le 30 juin, Nicolas Sarkozy pique afin de faire taire les rumeurs de THIDAL

4 L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 ASPECTS DE LA FRANCE ❚

■ IMMIGRATION SIGNES DES TEMPS Les lobbies ont de beaux jours devant eux » PROMESSE Pendant la campagne, Nicolas Une politique de l'immigration nécessiterait un minimum de courage et de combativité, Sarkozy avait annoncé le et surtout un sens aigu du Bien commun. non-remplacement d'un fonc- tionnaire sur deux partant en retraite. Et sur les 70 000 dé- is repetita placent, pense- gration en France. La preuve en est dépourvue « d’utilité réelle la France (ou ce qu’il en reste), parts prévus en 2009, 30 000 ront certains de nos lecteurs est, d’ailleurs, du rejet « des re- [...], irréalisable et inefficace doit chaque fois aller à Canossa Bdevant cette chronique cettes radicales purement natio- contre l’immigration irrégu- devant le Conseil ou la Commis- ne seront pas remplacés. Ni- consacrée à nouveau à la ques- nales » (sic) dans le traitement lière ». Le rapport plaide, en re- sion, pour quémander, négocier colas Sarkozy s'apprête donc tion de l’immigration... (cf. notre politique et juridique de l’immi- vanche, très clairement pour une et (trop) souvent reculer et bra- à réussir l'exploit de mécon- article paru dans le dernier nu- gration. On observera la posture augmentation de l’immigration der sa souveraineté. Le Pacte eu- tenter ses partisans en ne te- méro de L’AF 2000 intitulé Les im- systématiquement péjorative et légale de travail, voire même pour ropéen pour l’Immigration que nant pas ses promesses de migrés victimes de l’antiracisme). carrément dépréciative à l’égard la « décupler ». Proprement ahu- Brice Hortefeux tente de vendre campagne et de mécontenter Il ne s’agit pas d’un manque d’ins- de tout ce qui pourrait provenir rissant ! Mais ce n’est pas tout. à ses homologues européens (som- ses adversaires en réalisant piration de notre part et, si le su- met européen de Cannes des 7- partiellement ses promesses. jet ressemble à s’y méprendre à 8 juillet 2008), ne fait guère un serpent (à lunettes) de mer, il l’unanimité dans le concert de » SAINTE INGRID n’en est foncièrement rien, tant l’Union européenne, notamment le débat sur cette question vitale sur le chapitre de l’arrêt des ré- Plus que tout autre, notre est loin d’être épuisé. gularisations massives d’immigrés siècle semble avoir besoin de clandestins. se trouver des icônes. La der- Mazeaud Pacte européen nière en date, Ingrid Betan- contre la nation court, incarne la vérité et la pour l’Immigration Le rapport de la Commission Le rapport bonté absolue, pour la seule Mazeaud sur le cadre constitu- Mazeaud plaide Pour L’Espagne et l’Italie avaient raison qu'elle a passé six ans tionnel de la nouvelle politique une politique des migrations, opté pour une telle solution, sans dans la jungle. Ingrid est si d'immigration, rendu au ministre transparente, simple et solidaire. mesurer les répercussions que sainte que l'hebdomadaire de l’Immigration, Brice Hortefeux, cette politique socialiste ou so- La Vie nous apprend qu'elle le vendredi 11 juillet et intitulé, ciale-démocrate (Prodi en Italie souhaitait rencontrer le pape dans une novlangue mièvre et sans de notre génie national, lui pré- La commission suggère égale- avant le retour de Berlusconi et pour lui dire ce qui ne va pas contenu, Pour une politique des férant d’improbables et inopé- ment une simplification des pro- Zapatero en Espagne furent les dans la religion catholique. migrations, transparente, simple rantes « voies empiriques et mul- cédures pour lutter contre l’im- chantres de celle-ci) pouvait avoir « Par exemple, pourquoi l'É- et solidaire, propose finalement tiformes, en étroite concertation migration illégale. On souscrirait sur le reste de l’Europe. C’est, glise catholique s'arroge le de ne modifier qu’à la marge le avec nos partenaires européens ». volontiers sauf qu’en fait de sim- dire que les nations sont encore droit d'excommunier des gens droit des étrangers. plification on nous propose sans une réalité forte (même et sur- Chiraquien patenté, Pierre Ma- L’invasion continue rire la création d’un « recours ad- tout en Europe) dans la mesure alors que Jésus n'a jamais ex- zeaud est l'ancien président du ministratif obligatoire avant tout où toute décision politique d’un communié personne ? » Ga- Conseil constitutionnel ; sous son Les non français, hollandais, recours contentieux contre un re- État membre, dès lors qu’elle est geons que les médias pardon- magistère a été décidé, pour le et, récemment, irlandais, n’ont fus de séjour opposé à un étran- inspirée par des motifs idéolo- neront difficilement au Saint plus grand malheur de la France, manifestement pas découragé nos ger résident », la suppression de giques inhérents à l’identité ou à Père de ne pas adapter sa re- d’une part, qu’aucun obstacle eurobéats, plus aveuglés par « l’obligation de quitter le terri- l’origine politique de ses gouver- ligion aux desiderata de la constitutionnel ne doit empêcher l’idéologie qu’animés par une toire français (OQTF), sans réta- nants, affiche une indifférence nouvelle sainte médiatique. la transposition des directives eu- ferme et fière volonté d’indé- blir la notification de l’arrêté de absolue vis-à-vis des autres par- ropéennes dans notre droit (à pendance française, grâce à la- reconduite à la frontière (ARF) ». tenaires européens. Il ne faut » BLABLA moins d’une prohibition hypothé- quelle l’originalité politique le Ces deux types d’actes adminis- donc pas grand-chose, en défini- tique contenue dans notre Consti- disputerait énergiquement à une tratifs sont pris par l’autorité ad- tive, pour que chacun des États Pour Rama Yade, secrétaire tution ; décision du 10 juin 2004), diplomatie ouverte et bien- ministrative (généralement le pré- de l’Union s’extirpe du carcan d'État en charge des Droits d’autre part, que la primauté du veillante mais néanmoins hardie fet) au cas où l’étranger s’est vu communautaire. Cela nécessite, de l'homme, il faut se félici- droit européen sur le droit fran- et assumée. Au lieu de cela, c’est refuser la délivrance ou le re- malgré tout, un minimum de cou- ter que, depuis l'élection de çais, telle que consacrée par la la même méthode qui est em- nouvellement d’un titre de séjour rage et de combativité et surtout Constitution européenne, ne ployée : ne pas décevoir les lob- et s’il n’a pas respecté le délai un sens aigu du Bien commun. Nicolas Sarkozy, on n'ait « ja- change pas de nature du seul fait bies immigrationnistes tout en de départ volontaire (OQTF) ou Quoi qu’il en soit, si l’Espagne mais autant parlé des droits de cette dernière (décision du faisant preuve, sous des allures lorsqu’il est entré et s’est main- semble vouloir revenir sur les de l'homme ». Curieuse 19 novembre 2004). La première de matamore en jupon, de la tenu irrégulièrement sur le terri- régularisations massives, elle stratégie cependant que de décision ravalait purement et sim- plus molle et de la plus écœu- toire français (ARF). Autant dire adhère pleinement, à l’instar de recevoir comme des hôtes de plement notre droit à un rang su- rante couardise ! que si ce rapport devait entrer la Grèce, par exemple, au dan- marque les dictateurs du balterne, pendant que la seconde Mazeaud nous expose sur un dans le droit positif, les immigrés gereux concept d’"immigration monde entier pour "faire par- parachevait la destruction de ton docte, prenant ainsi le reste illégaux (qui n’en espéraient pas choisie", notamment celle du tra- ler" des droits de l'homme. notre souveraineté en faisant mine des Français pour des abrutis, que tant d’un pays déjà largement fa- vail. Sarko l’Américain préconise de ne pas voir que le traité consti- la question de l’immigration est vorable à leur accueil et plus que même une "carte bleue", analogue » RESTAURATION tutionnel, heureusement rejeté à ce point complexe qu’elle ne complaisant à leur égard) afflue- à la green card, américaine pour ad referendum, renforçait cette peut être confiée qu’à d’éminents raient tous vers notre pays pour- favoriser l’immigration de tra- Les médias ont relayé avec primauté du droit européen. spécialistes (dont il est, bien sûr). tant grandement ouvert à tous les vailleurs hautement qualifiés. complaisance les déclarations Mazeaud, faux homme de Le ministre Hortefeux semble, à vents, notamment ceux du Sud. Cela laisse perplexe quant au vi- de la Commission européenne droite mais vrai mondialiste, n’est l’évidence, ne pas en faire par- Se privant, depuis de nom- sage de l’Europe dans quinze ou qui s'est déclarée favorable à donc évidemment pas crédible à tie si l’on en juge par les termes breuses années, de tous moyens vingt ans... une TVA réduite à 5,5 % sur la tête de ce comité Théodule du rapport qui considère que la spécifiquement nationaux visant ARISTIDE LEUCATE chargé de "réfléchir" sur l’immi- politique des quotas migratoires à la maîtrise des flux migratoires, [email protected] la restauration. C'est pour- tant une non-information puisque la Commission euro- péenne soutient depuis long- » CRUCHITUDE clarations incriminant le président de la Répu- tionnée" à la gravité des actes commis et temps cette idée. Le pro- blique après le cambriolage de son apparte- leur crainte d'être éloignés du milieu fami- blème, c'est qu'une telle dé- Ségolène Royal porte décidément bien mal ment, le directeur de Libération déclarait lial... » Fort bien : demain les voyous rem- cision doit être adoptée à son nom. Après l'avoir entendue sur RTL le sans détour le 10 juillet : « Que dire pour dé- placeront sans doute les magistrats. « Cette l'unanimité des vingt-sept 8 juillet, on se demande si elle n'en fait pas fendre Ségolène Royal ? Rien. » étude auprès de 331 mineurs suivis par la États-membres. Les restaura- un complexe : « On se croirait revenu sous Protection judiciaire de la jeunesse [...] a teurs et leur clients devront l'Ancien Régime où le roi s'amuse, le roi dila- » LE MONDE À L'ENVERS été transmise au Groupe de travail sur une donc encore patienter de pide l'argent, le roi soigne ses amis, le roi en- réforme de l'ordonnance de 1945... », pour- longues années avant que ne richit ceux qui sont déjà riches. » Nous ne lui On reste pantois à la lecture des premières suit l'AFP. Espérons qu'il en fera bon usage : ferons pas l'injure de croire que l'ENA forme lignes d'une dépêche diffusée par l'AFP le 11 l'efficacité des sections dépend bien évidem- soit réalisée la promesse des esprits à ce point abrutis ; sans doute es- juillet : « "Il ne faut pas être trop sévère la ment de leur perception, même si la justice faite par Jacques Chirac père-t-elle flatter une opinion publique nour- première fois" : une enquête de la Justice ne saurait être soumise à une quelconque en 2002 ! rie par les clichées républicains.. Laurent Jof- menée auprès de mineurs délinquants « attente » des délinquants. frin n'est pas convaincu. Réagissant à ses dé- montre leur attente d'une sanction "propor- G.D. GUILLAUME CHATIZEL

L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 5 ❚ ASPECTS DU MONDE

andis qu'à l'occasion de la conférence de l'Union pour ■ ERDOGAN SUR LA SELLETTE Tla Méditerranée, le Premier ministre Erdogan est accueilli à Paris avec les égards qui lui sont Incertitudes turques dus, et reçu même pour un en- tretien en tête à tête par le pré- Retour de l'insécurité, doute quant à la poursuite des négociations d’adhésion à l’Union sident de la République, son pays traverse une période d'incertitude européenne, interdiction possible de l’AKP... La Turquie traverse une période d’incertitude dont les conséquences pourraient dont les conséquences pourraient être lourdes, et ce au-delà de ses frontières. être lourdes, et ce au-delà de ses frontières. tique du pays est sans doute la tissement à l'opposition laïque. possibilité, la probabilité, voire Une attitude jugée maladroite et Attentat : la certitude nous disent certains révélatrice d'une grande nervo- six morts à Istanbul amis turcs, de l'interdiction de sité selon de nombreux commen- l'AKP, le parti au pouvoir, et la tateurs. Ne fait-on pas ainsi de Plusieurs causes à cela. En Turquie, mise "hors politique" de plus de l'ancien commandant en chef de D'abord le retour de l'insécurité. l'armée soixante-dix personnalités, dont la gendarmerie, du président de Attentat sanglant, six morts et se pose déjà le Premier ministre Erdogan, voire la chambre de commerce d'An- plusieurs blessés à Istanbul contre en arbitre. le président Gül, que la Cour kara, et de quelques autres per- le consulat américain, prise constitutionnelle pourrait décré- sonnes des héros d'une cause d'otages dans l'Est du pays, at- ter « pour atteinte avérée à la chère à une large partie de l'opi- taques répétées contre les forces laïcité de l'État » inscrite dans la nion, donc des personnalités em- de l'ordre dans la région kurde. Constitution. blématiques ? Que ces forfaits soient le fait des Tout cela révèle un grand ma- islamistes radicaux, comme à Is- Le gouvernement laise. « La Turquie traverse des tanbul, ou des activistes ou ter- menacé jours difficiles », vient de dé- roristes kurdes comme dans l'Est clarer officiellement le comman- ou le Kurdistan, ils démontrent "Coup d'État judiciaire" en pré- dant en chef de l'armée de terre que le pouvoir maîtrise mal la si- paration, dit-on déjà dans les mi- turque, avant d'inviter ses com- tuation. Or, tout ce qui nuit à la lieux européens à Bruxelles. Mais patriotes à « la prudence, au bon sécurité des biens et des per- attitude totalement conforme à sens et et au calme ». L'armée sonnes nuit au tourisme, une des la constitution turque, avec se pose déjà en arbitre. Les se- ressources principales du pays, et quelques précédents. En quelques maines à venir pourraient être aux affaires dont la prospérité guère et que l'opinion, malgré les quie. Une certaine presse attri- minutes, le gouvernement pour- chargées de surprises et d'incer- constitue le plus impor- promesses du pouvoir, ne voit rien bue à Paris la responsabilité de rait s'effondrer, le parti au pou- titudes. Ces perspectives peu ras- tant du bilan gouvernemental. venir. Que pourraient apporter de la stagnation du processus d'ad- voir cesser d'être légal – ses diri- surantes ne concernent pas seu- Les milieux d'affaires, les in- plus l'Europe de Bruxelles et l'euro hésion. Ce qui explique que M. geants ont déjà entamé le pro- lement la Turquie. Ce pays est vestisseurs étrangers et les ac- à la Turquie dans dix ou quinze Erdogan ait hésité jusqu'à la der- cessus de création d'une nouvelle une pièce maîtresse de la stabi- teurs du secteur touristique ans, lorsque l'adhésion sera en- nière à venir et à partici- formation, le Nouveau Parti, pour lité et de l'équilibre de la région. constituent jusqu'à présent le fin effective ? Ses partisans n'ont per en personne à la conférence le remplacer – et des dizaines Il joue un rôle positif comme in- principal soutien du gouvernement plus d'argument valable dans ce de Paris. On n'a pas hésité, dans d'hommes politiques se verraient termédiaire dans les négociations islamiste "modéré" d'Ankara. Le sens. En soutenant le parti isla- quelques milieux "pro-Américains" interdits d'exercer leur activité, entre la Syrie et Israël. L'instabi- resteraient-ils si le climat se dé- miste, Bruxelles s'est mis à dos à présenter l'Union pour la Médi- privés d'une partie de leurs droits lité turque est dangereuse. La pro- gradait, si les touristes se faisaient tous les opposants à l'islamisme, terranée comme une "machina- civiques. Tels sont le droit et les gression de l'islamisme que favo- moins nombreux et les investis- tous les promoteurs de la laïcité tion française" destinée à empê- traditions en Turquie. À la me- risent dans ce pays son gouver- sements moins prometteurs ? de l'État, et ils sont nombreux en cher l'adhésion de la Turquie à nace d'un coup d'État judiciaire nement actuel et, indirectement, Autre point d'incertitude, Turquie. Ils sont désormais euro- l'Union européenne. Ce qui est brandie à Bruxelles, répond celle l'"Europe" de Bruxelles qui le sou- l'état des négociations sur l'ad- sceptiques car anti-islamistes. évidemment faux. Mais on le dit d'un "coup d'État contre la Consti- tient, sous la pression des "grands hésion de la Turquie à l'Union eu- Étrange scénario ! et certains y croient. Les égards tution" évoquée par les partisans intérêts" économiques l'est aussi. ropéenne dont le gouvernement exceptionnels faits à M. Erdogan de la laïcité et les adversaires de Il serait regrettable que les faits actuel s'est fait le champion. À Humiliation sont destinés à dissiper ce senti- l'islamisme. divers, l'actualité "people" deve- l'enthousiasme des années pré- ment de malaise et à contrer le Le vaste coup de filet antina- nue une véritable gangrène et la cédentes, soutenu justement par En outre, une large partie de mouvement antifrançais en Tur- tionaliste lancé à Ankara, et l'ar- torpeur de l'été détournent l'opi- les milieux d'affaires et le puis- l'opinion considère comme une quie. Seront-ils suffisants ? Rien restation de nombreux militaires nion d'une vigilance qui s'impose sant secteur du tourisme, suc- humiliation le fait que les négo- n'est moins sûr. en retraite de haut rang dans la à cet égard comme l'aurait dit le cède aujourd'hui un désenchan- ciation traînent, que rien de po- Dans ce climat délétère, le capitale et plusieurs villes du regretté Pierre Pujo. tement croissant. D'autant plus sitif ne se dessine à l'horizon et plus dangereux pour le gouver- pays, ont été considérées comme que les négociations n'avancent que l'on puisse douter de la Tur- nement et pour la stabilité poli- une riposte du pouvoir, un aver- PASCAL NARI.

e pape Benoît XVI est arrivé ■ le 13 juillet à Sydney où se RELIGION Ldéroulent toute cette se- maine du 15 au 20 les Journées mondiales de la Jeunesse, cette Les JMJ avant les JO gigantesque rencontre interna- tionale dont l'initiative a été prise 500 000 personnes sont attendues à Sydney, où le pape Benoît XVI pour la première fois par Jean- Paul II en 1985. est arrivé dimanche 13 juillet.

Pauvreté liturgique Bien sûr, du fait même de leur du commun... Il est pourtant dif- vais augure disant qu'un pape caractère titanesque et festif, les ficile de mesurer le fruit des se- moins médiatique et plus "inté- Ces journées, qui regroupè- JMJ ne semblent pas avoir encore mences de grâces dans l'intimité rieur" que Jean-Paul II ne saurait rent 3 millions de participants à réussi à rechristianiser la planète des âmes au cours de ces heures pas continuer sur cette voie. À Manille en 1995, 1 million à Paris ni à remplir les églises... Le drame intenses. C'est pourquoi il sera in- Sydney, on attend déjà au moins en 1997, 2 millions à Rome en est qu'il y est beaucoup plus fait téressant de suivre le déroulement un demi-million de personnes « l'événement est plus grand 2000, sont en général une belle appel à l'enthousiasme qu'à la ré- de ces JMJ australiennes. (dont au moins 3 000 Français) que les Jeux olympiques de Syd- occasion de montrer à la face d'un flexion profonde et que donc, qui s'ajouteront aux 125 000 dé- ney en 2000 ». monde mercantile et hédoniste après cinq ou six jours passés à Une grande légués venus de tous les conti- Ce lundi 14 juillet, des cen- que la jeunesse ne peut pas se applaudir des propos pontificaux ferveur nents préparer l'événement. taines de pèlerins rassemblés sur nourrir seulement des discours de grande sagesse et d'audacieuse Pour le ministre de l'État de le port de Sydney ont assisté à dont l'abreuvent les politiciens et fermeté, ces jeunes gens et jeunes Il y a deux ans, à Cologne, Be- Nouvelle Galle du Sud, dont la ca- l'arrivée de la croix de 3,8 mètres les vedettes médiatiques. Elle at- filles, revenus dans leurs paroisses, noît XVI avait présidé pour la pitale est Sydney, « il s'agit du à l'ombre de laquelle vont se dé- tend, pour s'élever au-dessus retrouvant la plupart du temps un première fois cette grande ren- plus grand rassemblement humain rouler ces journées, notamment d'elle-même, une parole qui ne clergé lui-même "en recherche" contre. 1,2 million de participants cette année après les Jeux olym- l'habituelle veillée le samedi avec soit pas entièrement de ce monde et qui se complaît dans la pau- l'avaient accueilli avec joie et piques de Pékin ». On assure les jeunes et la grand-messe en et que seule l'Église a mission de vreté liturgique, risquent fort de dans une grande ferveur, faisant même que pour les Australiens, plein air le dimanche. lui apporter. ne garder qu'un beau souvenir hors ainsi mentir les oiseaux de mau- qui se préparent depuis cinq ans, M.F.

6 L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 VERS L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE ❚

■ roue du carrosse. Sa relation avec PARIS AU SOMMET ? BILAN EUROPÉEN les pays méditerranéens manque cruellement d'assises écono- Au Grand Palais le 13 juillet, le miques, d'autant que les ténors sommet pour la Méditerranée a Le rêve se heurte aux réalités européens, pour arracher quelque réuni quarante-trois États re- grâce, se présentent désormais présentés au plus au niveau, Succédant au processus de Barcelone, la Politique européenne de en quémandeurs, à l'image de Ni- ainsi que les institutions com- colas Sarkozy face au président munautaires et les organisations voisinage a suscité de nouvelles déceptions. Il est temps que l’Union libyen Mouammar Khadafi. L'in- régionales. Le colonel Kadhafi montre au monde méditerranéen l'importance qu'elle lui attache. constance de nos requêtes est la avait décliné l'invitation, dé- risée de certains États méditer- nonçant une initiative qui divi- e 30 avril 2008, le président comme à la crise économique, valeur ajoutée de la nouvelle po- ranéens, qui accentuent leur serait le monde arabe. L'ab- Nicolas Sarkozy prenait la pa- tantôt illustrée par une activité litique vis-à-vis de la défunte, si mainmise sur les attributs coer- sence du roi de Jordanie étant Lrole devant les étudiants de textile mise en charpie par la les pays riverains de la Méditer- citifs du pouvoir afin de répondre prévue de longue date, le seule l'Institut national des Sciences ap- concurrence chinoise, tantôt as- ranée n'obtenaient pas certains à l'attente sécuritaire des Euro- défection fut celle du souverain pliquées de Tunis pour dévoiler au sociée à l'envol des prix du pé- des avantages économiques pro- péens, dont les chancelleries dé- marocain ; Mohammed VI dépê- monde son grand dessein médi- trole. L'affaire des caricatures de mis ? Les eurocrates ont semé les plorent ensuite les fâcheux effets cha son frère le prince Moulay terranéen et prôner une nouvelle Mahomet et la recrudescence de germes d'une mésentente future. pour la garantie des droits de Rachid, sans doute pour signi- fois « l'unité de la Méditerranée, l'islamisme répandirent un peu de Ils ne voyaient en effet que la dé- l'homme... De même les pays voi- fier sa désapprobation de la l'amitié et la fraternité entre les piment dans la plaie béante. fense légitime des intérêts stra- sins doivent-ils soumettre leurs bienveillance manifestée à peuples » qui se partagent les frontières à la vigilance tatillonne l'égard de l'Algérie... dont le rives de la Mare nostrum. Le dia- que requiert la lutte antiterro- président s'est finalement dé- logue euro-méditerranéen, noué riste mondiale, au risque de sus- placé après moult tergiversa- lors de la conférence de Barce- citer le courroux des Européens tions. «Tous furent réunis au- lone en 1995, avait déjà fait de émus par les entraves ainsi im- tour d'une immense table, et ce souhait la clef de voûte de sa posées au libre-échange ! Nos par- par la grâce de l'ordre alphabé- politique. Or, plus personne n'ose tenaires méditerranéens ont la tique, les pays arabes ne recon- contester aujourd'hui l'infortune juste impression d'être moqués naissant pas Israël se sont re- de ce partenariat. avec cette politique de pile ou trouvés à une distance respec- Selon le président de la Ré- face : « Pile je gagne, face tu table du Premier ministre publique, cet échec est imputable perds !» Ehoud Olmert », relevait Le au paternalisme des Européens à Monde le 14 juillet. Selon l'égard des pays du Sud de la Mé- Le Sud abandonné France Infos, quelque 18 000 diterranée. Ses paroles repen- policiers, gendarmes et CRS tantes méritent d'être brièvement Ce n'est pas tout. Maints États étaient mobilisés... Un nouveau citées : « Barcelone est une er- méditerranéens ont interprété coup d'esbroufe orchestré par reur, parce que c'est la poursuite l'élargissement de l'Union à l'Est l'Élysée ? La courte vue des po- du dialogue Nord-Sud tel qu'il s'est Pour ressusciter le cadavre de tégiques de l'Union ; le versant comme une gifle, une forme d'in- liticiens républicains dépasse instauré après la décolonisation, Barcelone, il fut décidé d'adopter économique des relations médi- différence à leur égard ; ce sen- apparemment le strict horizon c'est-à-dire sur la base d'une re- une politique européenne de voi- terranéennes n'était dès lors qu'un timent amer est alimenté par un européen, tant mieux ! Gar- lation inégalitaire où l'un décide sinage (PEV) devant sceller l'inté- os à ronger. flot d'aides qui tend à se tarir len- dons-nous toutefois d'afficher et l'autre reçoit. » À la veille rêt mutuel de l'UE et de ses voi- Au lendemain d'un second tement. Si l'Union ne veut pas un trop grand optimisme... de son élection, Nicolas Sarkozy sins à vivre au sein d'un espace de élargissement à l'Est, l'Europe se transformer l'amertume en res- À Tanger, le 23 octobre 2007, le n'avait-il pas promis de bannir la stabilité et de sécurité. Ce pro- trouvait à la lisière d'un monde sentiment, il est temps qu'elle président de la République contrition de son mandat ? Ou- gramme conjoint visait, selon les appauvri et instable, des confins montre au monde méditerranéen avait invité les pays riverains de blions ces mots envolés et reve- mots de la Commission, à pro- de l'Europe orientale jusqu'au l'importance qu'elle lui attache. la Méditerranée à coopérer au nons à notre propos : la raison in- mouvoir une « bonne gouver- Proche-Orient, en passant par la Elle sait fort bien qu'une partie sein d'une nouvelle organisa- voquée pour rendre compte de nance » méditerranéenne fondée Moldavie et le Caucase du Sud. de son avenir dépend du Sud dont tion, s'attirant les foudres de l'érosion du partenariat est natu- sur des « valeurs et des intérêts Dans ce jeu politique inquiétant, la population est jeune, ambi- l'Allemagne. Au Conseil euro- rellement trop simple, trop ma- communs ». Mais qu'est-ce au la PEV devenait un instrument de tieuse et parfois avide de fran- péen de Bruxelles les 13 et 14 nichéenne même, pour être vrai- juste qu'une bonne gouvernance, choix pour combattre le terro- chir la mer. Les enjeux migratoires mars 2008, le chancelier alle- ment satisfaisante. sinon l'absence de gouvernement risme et la prolifération des armes jouent au même titre que les mand lui colla « une belle maître de son propre destin ? de destruction massive. Les pays questions agricoles, sécuritaires, claque », selon l'expression de L’échec Quelles sont aussi ces fameuses voisins furent priés de résoudre technologiques et hydriques. Son- Jean Quatremer. L'Union pour la de Barcelone valeurs communes, sinon le pacifiquement leurs différends ré- geons enfin aux ressources en hy- Méditerranée s'était substituée triomphe attendu des droits de gionaux et de coopérer dans le drocarbures détenues par les seuls l'Union méditerranéenne, in- Le sommet de Barcelone avait l'homme, dont l'appétit universel domaine de la justice. C'était États du Maghreb, quand le pro- cluant même dans sa dénomina- réuni l'Union européenne, ainsi interdit même de penser l'iden- mettre la charrue avant les bœufs. blème énergétique empoisonne tion officielle la mention du que dix États méditerranéens (le tité méditerranéenne ? L'Union aurait sans doute fait pré- notre vie quotidienne. Une poli- processus de Barcelone : l'UPM Liban, l'Autorité palestinienne, Is- Le flou de ces ambitions mas- valoir sa conception de la sécu- tique méditerranéenne digne de se place sans ambiguïté sous la raël, l'Égypte, la Jordanie, la Sy- quait un changement profond de rité internationale avec plus de ce nom suppose que l'on hiérar- houlette de l'UE. rie, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie la donne géopolitique : l'écho des bonheur en disposant de moyens chise nos priorités en déposant Que reste-t-il alors du projet et la Turquie). La Libye reçut un attentats du 11 septembre plaçait à la mesure de ses prétentions. nos œillères idéologiques au mu- porté par Henri Guaino ? Les statut d'observateur, puis, en no- d'abord la sécurité au cœur des Pour le moment, sa forfanterie sée des droits de l'homme. chefs d'États et de gouverne- vembre 2007, l'Albanie et la Mau- préoccupations européennes ; prête à sourire. Les États-Unis sont plus ha- ment se sont engagés à se ré- ritanie (pourtant éloignée de la l'Union devait tenir compte en- biles dans le maniement conju- unir deux fois par an, avec mer) accédèrent aussi au parte- suite de l'élargissement de ses Faiblesse gué de la novlangue démocratique l'ambition de travailler sur des nariat Euromed. Les signataires frontières à l'Est, en particulier diplomatique de l’UE et des grands intérêts ; ils occu- projets concrets : dépollution convinrent de tout mettre en dans l'attribution de ses subsides. pent déjà en partie la place lais- de la mer, développement des œuvre pour faciliter le processus Durant des années, le programme À celui qui souhaite apprécier sée vacante par les Français en axes de communication, pré- de paix israélo-palestinien, de MEDA avait versé des aides aux les fruits de la PEV, il suffit de Afrique du Nord. À demi conscient vention des catastrophes, pro- créer, à moyen terme, un marché pays du Sud afin de concourir à la jauger sa politique de sécurité en de ces faiblesses endémiques, Ni- motion de l'énergie solaire, de libre-échange méditerranéen prospérité méditerranéenne, mais Méditerranée. Les anciens foyers colas Sarkozy défend mordicus son création d'un espace euromédi- dans une perspective clairement pour quel profit ? Il ne fit que rem- d'incendie ne sont pas éteints, projet d'Union pour la Méditerra- terranéen de l'enseignement su- libérale, et de lutter sans merci plir le tonneau des Danaïdes. que ce soit au Liban ou dans les née, dotée d'une coprésidence et périeur, des sciences et de la contre l'immigration clandestine. territoires palestiniens. Le thème d'un secrétariat. Il s'agit de cul- recherche, partenariats entre- Quand vint l'heure de souffler Vers l’intégration ? des obstacles à la paix pourrait tiver des relations plus souples preneuriaux. Un programme les dix bougies du partenariat, de hélas se décliner à l'infini. L'UE, dans un moule plus égalitaire. Le dont le suivi incombera à une nombreux chefs d'État s'abstinrent La Politique européenne de en dépit de ses efforts, n'a jamais président de la République s'aper- coprésidence – symbole d'un ré- pour manifester leur colère. Cer- voisinage entendait bien dépasser réussi à cristalliser autour d'elle çoit-il que les deux termes de équlibrage des relations Nord- tains mécontents exigeaient des la simple coopération pour éta- le dialogue pour la résolution des l'équation s'excluent l'un l'autre ? Sud – assurée dans un premier compensations pour atténuer la blir une forme d'intégration éco- conflits ou des tensions, bien que Son discours de Tunis révèle com- temps par la France et l'Égypte, perte de recettes douanières ; nomique sur le modèle de l'espace la PEV eût précisément le désir bien sa vision de l'espace médi- ainsi qu'à un secrétariat pari- d'autres se plaignaient de l'ingé- européen. Ainsi les pays voisins de tisser des liens privilégiés et terranéen est subordonnée au bon taire dont le siège n'a pas en- rence européenne et réclamaient auraient-ils un jour le privilège particuliers entre l'Union et les plaisir de nos voisins. Elle est core été choisi. Les ministres de solides protections financières de participer aux “quatre libertés pays voisins. Dans une zone cru- moins gourmande aussi et plus des Affaires étrangères de l'UPM pour leurs PME balbutiantes. Au- de l'UE” que sont la libre circula- ciale et symbolique pour la sta- sensible au détail. Car seul l'aban- ont déjà pris rendez-vous pour cun des engagements de Barce- tion des personnes, des marchan- bilité du monde, l'Union, en plus don de ce que Maurras appelle les en discuter en novembre lone n'était tenu : le monde mé- dises, des capitaux et des services. de sa participation au “Quar- « nuées » pourrait sauver l'Union prochain... diterranéen restait en proie à Aux yeux de tous les spécialistes, tette”, aurait dû être au centre pour la Méditerranée d'une fin G.D. l'instabilité politique, avec le ren- un tel espoir est une douce chi- de la toile diplomatique. Elle ne piteuse. forcement d'un terrorisme diffus, mère. Quelle serait pourtant la fut et demeure que la cinquième NICOLAS HAINAUT

L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 7 ❚ VERS L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE

'hésitons pas à dire que la Méditerranée, dont Tino ■ À TRAVERS LES ÂGES NRossi chantait naguère les « îles d'or ensoleillées », est la mère de l'Europe. Qui ne se sou- Europe et Méditerranée vient de la toute jeune princesse phénicienne prénommée Europe C'est dans l'histoire des nations riveraines que s'inscrit jouant sur la plage de Sidon avec ses compagnes quand s'approcha une vraie politique méditerranéenne. d'elle un taureau blanc en quête de câlineries ? L'animal n'était vaincu Carthage entreprit de réa- hommes. Le temps des empires toyaient dans certaines universi- tyrannie des forces mercantiles autre que Zeus, le souverain des liser à nouveau l'unité du monde était révolu, en dépit du fabuleux tés. Certes il y eut Lépante en est une Europe en totale rupture dieux de l'Olympe, ayant usé de connu, recueillant l'héritage grec effort qu'allait tenter Charle- 1571 et Vienne en 1683, mais ces avec les leçons reçues de la Mé- son pouvoir de se métamorpho- et l'enrichissant du sens de l'ordre magne, l'élan civilisateur se per- magnifiques et salutaires élans diterranée. ser pour échapper à la jalousie et de la hiérarchie tant dans la pétuerait désormais dans des contre des menaces imminentes de son épouse Héra. Il ne lui fal- Le temps des nations lut pas longtemps pour enlever sur son dos la petite ingénue, qu'il Qui ne se souvient Alors, quelle politique médi- entraîna sur les eaux jusque dans de la jeune princesse terranéenne peut mener ce vague l'île de Crète. De leurs amours na- prénommée Europe ensemble fourre-tout ? Il y a fort quirent le juste et bon roi de jouant sur la plage à parier que cela restera une idée Crète Minos, le sage Rhadamante de Sidon ? en l'air. Que les États européens et le guerrier Sarpedon. riverains de la Méditerranée s'or- ganisent pour entretenir des re- Athènes en fleur lations politiques, militaires, éco- nomiques, culturelles entre eux On plonge ici aux origines de et avec les États de l'autre rive, la civilisation. Les rives orientales rien n'est plus naturel, mais qu'ils de "la mer au milieu des terres" agissent librement en tant qu'É- avaient déjà frémi de l'éclat des tats se faisant reconnaître comme grandes réalisations égyptiennes, tels ! Chacun d'eux a sa propre puis mésopotamiennes, et l'on expérience diplomatique. La avait vu s'établir de grands em- France avait une position privilé- pires en Asie Mineure. Mais ce fu- giée au Proche-Orient plus que rent les îles, Crète, Chypre, qui jamais explosif, il serait temps développèrent peu à peu un art qu'elle la réaffirme. Rappelons de vivre et de commercer, qui aussi que si pendant des siècles bientôt allait s'épanouir dans les la Méditerranée fut infestée de cités de la Grèce, notamment Barbaresques, ce fut le dernier Athènes où, sous un ciel favori- de nos rois de la branche aînée, sant la limpide pensée, les guer- Charles X, qui mit fin à cette riers, les marchands, les philo- ignoble situation en 1830 en pre- sophes, les artistes, les juristes, nant Alger. Après quoi l'Algérie qui les savants et les politiques su- n'avait jamais été une nation fut rent pour la première fois dans le créée de toutes pièces par la monde élever leur expérience et pensée que dans la langue et dans royaumes à taille humaine, ne furent jamais le fait de coali- France. Les liens qui en résultent leur pensée jusqu'à l'universel, l'État, assimilant des peuples tou- proches des réalités, loin des hé- tions destinées à perdurer. Le réa- sont ineffaçables, inscrits dans la enseignant aux hommes à tout ja- jours nouveaux notamment nos gémonies. Naquit la Chrétienté, lisme politique l'a emporté le plus nature des choses, et nos hommes mais le sens de la mesure, le raf- ancêtres celtes. la toute première Europe (que l'on souvent, notamment avec Fran- politiques n'ont nulle raison de finement du goût, la réflexion po- n'appelait pas encore ainsi), qui, çois Ier traitant avec les Turcs et rougir devant les bombements de litique. N'oublions pas la riche "Je suis Romain, en dépit des lourdeurs humaines, obtenant, par les Capitulations, torse des hommes du FLN. Par constatation de Maurras : « Au je suis Humain" sut imposer une référence su- que la France devînt la protec- ailleurs, il est instructif de consta- bel instant où elle n'a été qu'elle- prême respectant la liberté des trice des chrétiens d'Orient. ter que les pays où la décoloni- même l'Attique fut le genre Rome ouvrit la voie au chris- royaumes au temporel. sation s'est effectuée sans pro- humain. » S'y épanouissaient, tianisme qui, pendant longtemps Une "Europe" blèmes graves sont le Maroc et la « beauté, raison, vertu, tous les revigoré dans le sang des martyrs, Dieu et Allah fourre-tout Tunisie (où était mort saint Louis honneurs de l'homme ». vint réorienter, épurer et trans- en 1270). Des États ayant déjà cender l'héritage de civilisation Au VIIe siècle, surgit l'islam, À ce moment-là, la Chrétienté une histoire, et même une dy- dans le sens des finalités surna- progressant rapidement à l'est et était en train de disparaître, dé- nastie. Comme quoi les enraci- turelles de l'homme et des socié- au sud de la Méditerranée, puis chirée par un moine de la partie nements dans l'histoire restent et tés. Gagnant dès le Ier siècle le jusqu'en Espagne et même jus- de l'Europe (on commençait de resteront toujours à la base de Sud de la Gaule, le message du qu'à Poitiers où Charles Martel le l'appeler ainsi) qui avait été la toute réflexion géopolitique. Christ se répandit jusqu'en An- repoussa en 732. L'histoire de la moins romanisée, donc la plus fer- Autre leçon d'un survol de l'his- gleterre et même en Scandina- Méditerranée allait-elle être dé- mée à la latinité. Luther, dès toire méditerranéenne : pour jus- vie. En 313, l'Empire romain se sormais celle du "choc des civili- 1517, proclamant le primat de la tement empêcher que cette mer proclama chrétien : désormais le sations" (pour reprendre l'ex- raison individuelle, donc de l'im- devienne un lieu de choc des ci- phare de la civilisation, passant pression d'Huntington, tout aussi pression subjective, avait sup- vilisations, il est bon de rappeler des mains de la Rome des Césars stupide que la marxiste "lutte des primé tout point d'appui surnatu- qu'à chaque fois que le monde à celles de la Rome des Pontifes, classes"...) ? N'oublions pas les rel aux relations entre hommes chrétien a été fidèle à lui-même, allait briller au-delà des espaces relations qu'entretenait Charle- et entre États, et du même coup fier de sa foi, charitable avec au- et des temps. « Je suis Romain, magne avec le calife de Bagdad. déchaîné le tumulte intérieur trui, on a vu des musulmans re- je suis Humain », allait pouvoir Quant aux Croisades, menées sur de l'âme allemande, toujours chercher l'amitié des fidèles du dire Maurras. terre et sur mer, elles avaient prompte à s'enflammer pour l'im- Christ, voire adopter leur style de Saint Louis est vénéré Jusqu'alors, l'histoire de la Mé- seulement pour but de protéger précis, pour l'inachevé. vie, s'ouvrir même à la conver- jusque dans la Syrie diterranée et celle de l'Europe les Lieux saints, dont le tombeau Les nations étaient donc de- sion, mais quand les chrétiens se de l'actuel Bachar el-Assad... s'étaient confondues. La mer la- du Christ, non d'exterminer les venues les derniers remparts de sont montrés indignes de ce qu'ils tine avait donné la civilisation, musulmans. Ceux-ci d'ailleurs la civilisation, les communautés représentent, ou ont rougi de "Europe" ne désignait alors que les déserts asiatiques et les fo- n'ont jamais formé un bloc : en historiques de destin offrant à leurs traditions, les musulmans de vagues régions continentales rêts germaniques allaient dé- Palestine même, on vit des l'homme les moyens de persévé- ont cessé les respecter et ont derrière lesquelles régnait l'in- charger des hordes de barbares. adeptes d'Allah venir se mettre rer dans son être profond. Mais érigé leur religion en universa- connu... On naviguait intensé- La vision du monde en fut toute sous la protection des chrétiens quand la souveraineté volonta- lisme. Expérience à méditer dans ment : les Phéniciens partaient bouleversée : grâce aux évêques contre un islam fanatique à pré- riste et idéologisée des peuples les villes et dans les États, et qui des côtes orientales pour gagner qui savaient alors porter la Croix tentions universalistes. Et com- est venue se substituer à celle, risque d'être cuisante un jour pour l'autre côté de la mer, l'Afrique au devant des agresseurs, beau- ment ne pas évoquer l'impéris- historique et réaliste, des rois - une "Europe" reniant ses origines du Nord, l'Espagne..., les Grecs coup de ces nouveaux venus se sable souvenir laissé là-bas par toujours dans la voie révolution- chrétiennes... Que les nations se phocéens venaient fonder Mar- convertirent, Clovis en tête, mais saint Louis, vénéré des foules naire ouverte par Luther - l'Eu- ressaisissent, il y va de la paix seille, puis Alexandre le Grand, on assista à ce qu'Aymeric Chau- pour sa justice et sa charité ? Et rope fut mise à feu et à sang jus- dans le monde. vainqueur des Perses, réunit dans prade appelle le recul de la cela jusque dans la Syrie de l'ac- qu'aux atroces guerres de masses son vaste empire oriental tout « mondialité romaine » devant tuel Bachar el-Assad... du XXe siècle. Cette Europe qui MICHEL FROMENTOUX le monde connu. l'« universalisme chrétien » 1 - un Ajoutons qu'en Espagne, avant cherche à exorciser ses mauvais Ensuite, à l'Est, apparurent de universalisme au niveau des com- la Reconquista, des chrétiens, des souvenirs en s'unissant et qui ne 1 Aymeric Chauprade : GéopolItique. nouvelles puissances : Rome ayant munications supérieures entre les juifs, des musulmans se cô- parvient qu'à s'uniformiser sous la Éd. Ellipse.

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'Union pour la Méditerranée est lancée ! Loin ! Intéres- ■ PERSPECTIVES MONDIALES Lsons-nous aujourd'hui à la géopolitique de la zone. Deux lignes de fracture sont apparues Un carrefour stratégique pour ce grand projet du XXIe siècle. La plus évidente : une ligne Initiée par la France, lancée à Paris les 13 et 14 juillet, l'Union pour la Méditerranée pourrait horizontale qui suit l'axe médian de la mer Méditerranée et sépare passer dans les mains de l'Allemagne et de la Turquie... Revue des enjeux géopolitiques. les Européens et leur allié turc des peuples fils d'Abraham. L'autre ligne de fracture sépare les na- tions européennes sérieuses du Nord des nations européennes la- tines, plus chaleureuses, s'esti- mant les seules capables de com- prendre le Sud. Cette seconde fracture a été réduite immédia- tement par le chancelier prussien Merkel aux dépens des pays "pieds dans l'eau" que sont l'Espagne, la France et l'Italie.

Dessein allemand

L'Allemagne "fédérale" est par- tie prenante du projet fédéral eu- ropéen, bien plus impliquée que la France, surtout depuis que le deutschemark fut rebaptisé "euro". L'Union méditerranéenne réservée aux seuls riverains, qui enterrait le processus stérile de Barcelone, dessinait à ses yeux une ligne Maginot diplomatique la rejetant au nord-est de l'Eu- rope, dans quelque empire du intentions, déroule avec quelque naire riverain majeur si l'affaire tueuse de l'islam mais peu fata- bollah dans le cadre du chapitre Froid en tête à tête avec son al- bonheur une diplomatie mercan- progresse. Mille entreprises alle- liste, qui a l'ambition de percer "contre-terrorisme". Aucun chef lié le moins sûr – l'est-il de quel- tile active sur l'ancienne zone d'in- mandes travaillent en Turquie. dans le siècle, au même niveau d'État arabe n'est venu fêter son qu'un ? –, la Grande-Bretagne. Al- fluence ottomane et franco-bri- que ses concurrents asiatiques ou dixième anniversaire il y a trois bion était bien capable d'entrer tannique. Pas question donc de Dépolluer la mer occidentaux. On croise de plus en ans. Aucun bilan ne fut tiré à seule ensuite dans le schmilblick passer sous les fourches caudines plus souvent cette nouvelle gé- cette occasion pour ne vexer per- nautique sans prévenir, par le tru- des douanes françaises ou ita- La grande réconciliation eu- nération dans les nœuds de com- sonne ! Le cadavre est froid. chement de Gibraltar. Berlin n'au- liennes pour atteindre politique- roméditerranéenne réussira-t- munication de la planète, et les La prévention actuelle de cer- rait eu d'autre choix que de se re- ment la Méditerranée, deux pays elle ? Nul ne peut le prédire car rancœurs de leurs parents les aga- tains chefs de la rive sud à l'en- tourner vers son meilleur client, sans le sou, gouvernés par des les complications ne le cèderont cent. Avec eux, se feront de droit de l'UPM est fondée sur cette la Russie, et les pays de son gla- amateurs. Dès ce moment l'Union pas facilement aux effusions mé- grandes choses jusqu'à un jour même crainte qu'Israël n'instru- cis naturel. Cela limitait terri- méditerranéenne (des riverains) diatisées, et la rive sud est plus peut-être fédérer la nation arabe, mentalise la question du terro- blement ses ambitions diploma- rêvée par le cabinet élyséen était souvent dans les mains d'auto- au plan économique déjà ! Le dé- risme sans compenser un éven- tiques ; et bien que le grand morte ! Le projet reviendrait sous crates personnellement intéres- veloppement du Croissant vert tuel compromis israélo-arabe par client slave soit riche, il est d'ex- surveillance allemande ou péri- sés que de gouvernements sou- reste le meilleur antidote au fon- une libération réelle et définitive périence dangereux. rait. « Hégémonie douce » avait cieux de développer des politiques damentalisme musulman qui est des territoires occupés et le rè- Si la Méditerranée n'est plus dit Joschka Fischer, ministre vert communes, sauf à y trouver leur quand même le danger identifié glement de la question des réfu- vraiment le centre du monde, elle des Affaires étrangères du gou- bénéfice. L'Europe pèsera-t-elle le plus sérieux pour l'Europe, tant giés palestiniens. L'UPM pourrait reste une zone de bruit diploma- vernement Schröder, quand l'Al- assez pour forcer le développe- du moins que le furoncle israélo- ainsi achopper sur les mêmes blo- tique intense, à portée de voix lemagne décida, sans en référer ment ? Beaucoup en doutent, à palestinien n'aura pas été résorbé. cages que ceux du processus de de l'autre zone de décision pé- à quiconque, de submerger in- commencer par les États-Unis qui Les progrès spectaculaires des Barcelone, sauf à vouloir intégrer trolière, et le seul champ où l'on dustriellement les PECO après la jouent le rôle du gorille muet de émirats du Golfe persique en font les États-Unis dans l'affaire, les puisse manœuvrer une réconci- chute du Comecon 1. Hégémonie 800 livres dans le coin obscur de chaque jour la démonstration. seuls capables de faire (un peu) liation Nord-Sud d'envergure, en sans limites annoncées. la salle de conférences. Que pèsera la France dans plier l'État hébreu. S'ils y entrent, profitant d'une proximité géogra- En effet, si l'on passe en re- cette partie diplomatique ? Au- à leur tour les Russes forceront la phique et historique que l'on ne La clé de l’eau vue les pays de la rive sud, on tant que le poids de ses contri- porte, amenant par réaction les retrouve nulle part ailleurs. peut s'étonner du nombre de butions financières, c'est-à-dire pays du Caucase qui redoutent L'Allemagne fédérale, qui de- L'autre acteur de taille est la conflits latents qui les opposent : finalement peu, au-delà des ex- tout confinement au contact du puis le succès de sa réunification République turque, légataire uni- si les frontières de chacun de ces posés grandioses que nous avons géant russe. L'UPM se diluera alors veut renouer les fils du projet versel de l'Empire ottoman, cali- pays sont ouvertes sur l'hinter- l'habitude d'asséner à ceux que dans une sorte de machin à confé- moyen-oriental des régimes qui fat exclu. Sa position géogra- land diamétralement opposé à la nous déclarons nos amis. Les rences pour écologistes, géo- l'ont précédée, ne pouvait lais- phique est incontournable, ses at- mer, elles sont hyper contrôlées, autres débranchent l'oreillette. graphes, doyens d'université et ser une nouvelle union, concur- tentes, des exigences ! Pour une voire blindées. Tous ces gens stratèges en laboratoire d'idées. rente de celle où elle règne, lui première raison : elle détient la s'embrassent et se détestent. Ils Vers de nouveaux M. Sarkozy n'est aucun de ceux- tourner le dos. Troisième écono- clé de l'eau de Mésopotamie et le ne se mettront d'accord, non blocages ? là. Mais Nicolas Hulot, José Bové, mie terrestre, rattrapée par la fait savoir. Comme le disait le pré- entre eux mais chacun d'eux avec Jacques Chirac, Pascal Husting Chine certes mais toujours pre- sident Demirel à Hafez al-Assad nous, que pour consommer sub- L'Italie n'étant pas au mieux (Greenpeace) ou... Al Gore, si ! mier exportateur mondial, elle a qui dénonçait les barrages turcs ventions et crédits que le Nord de sa forme, il est à parier que Beaucoup de bruit pour rien qui terminé son expiation politique sur l'Euphrate : « La Turquie fait déploiera sur des projets com- le projet passera dans les mains n'ait été déjà vu. le jour où Helmut Kohl réussit à ce que bon lui semble de son eau muns. Parmi ceux-là, le seul à de l'Allemagne et de la Turquie si CATONEO ses conditions l'Anschluss de la comme les Arabes font ce qu'ils mon avis capable de fédérer les ces deux pays très liés depuis République démocratique alle- veulent de leur pétrole. » énergies est le projet de dépol- Guillaume II, « l'ami des 300 mil- * Un bon dossier UPM est accessible mande, sans la négocier non plus L'autre raison est qu'elle se lution de la mer, sachant qu'il lions de musulmans » (discours à la Documentation française sur In- avec les trois alliés occidentaux sent européenne et s'exclut d'elle- nous coûtera très cher et pour de Damas,1898), y trouvent eux ternet : http://www.ladocumenta- réticents. L'Allemagne était dé- même du camp moyen-oriental longtemps, car le niveau sani- un avantage économique. tionfrancaise.fr/dossiers/europe-me- sormais capable et en situation dominé par les Arabes et les com- taire des effluents nationaux de- Jusqu'à aujourd'hui le proces- diterranee/index.shtml de forcer l'événement à son seul pagnies pétrolières. La seule na- viendra par la suite un élément sus de Barcelone de 1995 est resté bénéfice. Le nain politique avait tion de la zone qu'elle estime à récurrent de "négociation". lettre morte malgré l'ouverture 1 PECO : Pays d'Europe centrale et rompu sa relégation de vaincu ti- son niveau de prestige est l'Iran. Doit-on dans ces conditions se de lignes de crédits de la BERD orientale. Désignation des pays libé- mide. Le chancelier Schröder en Leurs états-majors se connaissent réjouir du lancement de l'Union de Londres, parce qu'au lieu du rés du bloc soviétique en 1989 avant a remis une couche quand son d'ailleurs bien. La seule position pour la Méditerranée ? Incontes- développement économique l'Eu- qu'ils n'entrent dans l'OTAN et l'Union ambassadeur s'est dressé à l'ONU acceptable pour elle dans une tablement oui ! Pour une raison rope a priorisé la question mi- européenne. Ils coopéraient aupara- contre "son vainqueur" américain union méditerranéenne est la pa- au moins : arrive dans les pays gratoire qui l'obsède, mais aussi vant dans un marché commun com- sur l'affaire d'Irak. rité avec la France et l'Italie ; et arabes une nouvelle génération parce qu'il fut accaparé par Israël muniste appelé le Comecon. Le géant économique euro- avec l'Allemagne en arrière-garde, éduquée à l'occidentale, arrachée pour stigmatiser le combat asy- 2 BERD : Banque européenne pour la péen, qui parle assez peu de ses elle en deviendra vite le parte- au crassier idéologique, respec- métrique du Hamas et du Hez- Reconstruction et le Développement.

L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 9 ❚ HISTOIRE

■ RETOUR SUR UN OUVRAGE UNIVERSITAIRE (I) Les nationalistes et l'AF au début du XXe siècle

Ce texte de Maurras ne sera- L'an dernier s'est tenu à Paris un colloque vère (mais généralement à juste raison). Il etc. Il nous a semblé intéressant de suivre, pas actualisé après la Grande du Centre d'histoire de sur L'Ac- est une mine de renseignements sur l'his- sur quelques articles, le plan du livre et d'en Guerre. Il sera peu réédité par tion française – Culture, société, politique, toire de l'Action française, ses personnali- résumer, voire d'en discuter, les principales l'AF, comme si la page était tour- dont L'AF-2000 a déjà fait état. Les études tés (trop souvent méconnues des royalistes lignes. Aujourd'hui, la partie intitulée Au- née. Il faudra attendre les années ont été regroupées et complétées dans un eux-mêmes : qui se souvient de Frédéric De- tour de la notion maurrassienne d'héritage soixante pour que quelques mili- ouvrage publié récemment sous ce titre, qui lebecque ou de Jean Héritier, par exemple ?), et, plus particulièrement, le chapitre sur tants, souvent lecteurs de Pierre se trouve être passionnant et, parfois, sé- ses positions et ses implantations locales, les nationalistes à la naissance de l'AF. Debray (théoricien maurrassien des années cinquante-soixante- dix), reprennent les réflexions 'Action française est née de et à une inflexion sociologique, absolument rien, sinon, disent- de ce qui fait de l'État cette ins- avancées dans ce petit ouvrage l'affaire Dreyfus, a toujours qui contribuent à priver Barrès ils, le vrai remède. » Il me semble tance politique protectrice des que Maurras, d'ailleurs, n'a pas Laffirmé Maurras. Bertrand de son titre de "prince de la jeu- que cette récupération est aussi Français et de leurs communau- écrit seul (Frédéric Delebecque Joly le confirme dans son article nesse". » Maurras et ses amis sont une tentative de reformulation tés (familles, communes, pro- et Georges Larpent en sont les co- passionnant, Les ligues nationa- enclins à dénigrer ces nationa- d'un "sentiment national" parfois vinces…). Par ailleurs, si Maurras rédacteurs). En fait, Maurras listes et l'Action française : un lismes qui n'osent pas conclure ou outrancier parce que blessé (1871 et les siens reprennent les thé- considère que la boucherie de héritage subi et rejeté. Lorsque qui se trompent et, du coup, n'est pas si loin) que Maurras s'in- matiques des nationalistes, sou- 1914-1918 a changé la donne et, paraît L'Action Française, petite trompent leur public : « Pour Vau- quiète de voir livré à lui-même, vent avec un brin de démagogie, sans doute, que "le compte n'y est revue revendiquée nationaliste geois repris par Maurras, il existe avec le risque d'une dérive à la c'est aussi pour les attirer vers plus", parce que l'un des argu- qui titre « Réaction, d'abord », trois sortes de nationalismes, le fois populiste et plébiscitaire (on l'AF, en pensant récupérer les ments forts de sa réflexion poli- les seuls royalistes s'affirmant tels parlementaire, le plébiscitaire et dirait aujourd'hui, sans référence "meilleurs éléments", les plus tique (c'est-à-dire que la Répu- sont Charles Maurras et Frédéric le royaliste, deux mauvais et un à la famille de Napoléon, "bona- utiles à la conquête de l'État. blique est incapable de gagner, Amouretti, mais les autres ré- bon. À l'égard des deux premiers, partiste"), et celui d'un déchire- en définitive, la guerre étrangère) dacteurs sont potentiellement "ga- l'Action française alterne marques ment de l'unité française par la La prise du pouvoir est apparemment invalidé par la gnables", si l'on suit la logique de d'estime et sarcasmes, les seconds mainmise de groupes de pression IIIe République. En instaurant ce Maurras qui qualifie son nationa- l'emportant nettement... » sur l'État. Mais Bertrand Joly ne croit pas que Maurras nomme la « monar- lisme d'« intégral ». Comme si la que Maurras veuille prendre le chie de guerre », le vieux répu- monarchie ne pouvait en être que EN 1910 pouvoir, ne serait-ce que parce blicain patriote Georges Clemen- l'aboutissement logique, inéluc- qu'en reprenant le "style natio- ceau coupe l'herbe sous le pied table résultat de la réflexion sur naliste" (« la violence rhétorique des nationalistes d'AF et utilise le la conservation de la nation fran- et l'outrance, les avis abrupts et "moyen monarchique" pour assu- çaise. Par une stratégie fort ha- un manichéisme primaire, l'appel rer la "fin républicaine", straté- bile, Maurras convainc ses com- au sabre et les attaques ad ho- gie gagnante qui consolide la Ré- pagnons de la revue d'AF. C'est minem »), il en est contaminé par publique sur son flanc droit. Dé- pour eux qu'il rédigera Dictateur le défaut majeur de l'agitation : sormais, les républicains pourront et Roi et qu'il pensera quelques- « Par cette rhétorique de vaincu, se targuer de cette victoire de uns des arguments de son Enquête le nationalisme lègue aussi à son 1918 pour montrer la crédibilité sur la Monarchie qui, me semble- héritier tout le venin de son im- de la République et amadouer (ou t-il, s'adresse encore plus nette- Les nationalistes d’AF ont cultivé une identité propre. puissance. À l'Action française désarmer) les nationalistes... ment aux monarchistes tradi- comme dans les ligues, on attend tionnels, ne serait-ce que parce « Les plébiscitaires forment Contrairement aux partis na- Godot, l'ultime forfait de la ré- Nouvelle donne qu'elle est publiée, à dessein et le principal groupe d'irrécupé- tionalistes républicains, souvent publique parlementaire qui va ré- aussi par défaut, dans le quoti- rables et ne méritent donc guère chauvins et irréfléchis, Maurras veiller enfin le pays [...], avec Ainsi, la stratégie de Maurras dien monarchiste alors le plus re- de ménagements, qu'ils soient bo- cherche à donner une ligne de chez les uns et les autres le même et de l'AF doivent s'adapter à la présentatif, La Gazette de France. napartistes ou républicains. [...] conduite intellectuelle aux "na- écart entre une efficacité mé- nouvelle donne et la "nécessité Mais c'est à la république plébis- tionalistes conscients", ou plutôt diatique impressionnante et des nationaliste" apparaît moins pres- Relations ambiguës citaire de Déroulède que Maur- à ceux qu'il s'agit de "conscienti- résultats bien minces au total : sante, moins urgente : il faudra ras et ses amis réservent l'essen- ser". Sans doute faut-il voir, à tra- manifestations houleuses, édito- attendre la fin des années trente Ce que souligne avec force tiel de leurs coups. » La Ligue de vers cette dénonciation maurras- riaux vengeurs, déclarations pro- pour qu'elle retrouve un écho Bertrand Joly, c'est combien le la Patrie française en fera les sienne des « quatre États confé- vocatrices, rien de tout cela ne mais, là, dans une "notabilité édi- groupe initial de l'AF, motivé par frais, essuyant des critiques d'une dérés » (dénonciation souvent menace vraiment le régime et toriale" privée de tout mouvement Maurras qui va lui donner sa co- virulence rare, mais aussi d'une polémique et parfois fort déma- tout ce bruit cache mal une abs- politique puisque, si le quotidien loration monarchiste, a des rela- ironie cinglante. L'AF se voulait gogique et injuste, qui privera l'AF tention à peu près permanente : L'Action Française dispose d'un tions ambiguës avec les nationa- une sorte d'avant-garde intellec- d'une part des élites intellec- le seul fait que Maurras se de- fort lectorat, elle n'a plus de dé- listes, entre récupération et tuelle du nationalisme français, tuelles de ce pays) une forme de mande gravement si le coup de bouché militant, la Ligue d'AF et épuration, et comment cette stra- exclusive et intransigeante, qui refus de ce que l'on nomme au- force est possible prouve qu'il ne les Camelots du Roi étant dissous tégie, en fin de compte, ne don- se verra confortée dans ses rai- jourd'hui les "communautarismes". l'est pas et, dès lors, la littéra- et interdits depuis 1936. Ainsi, le nera pas tous les résultats es- sons par la déroute électorale des L’ambition de Maurras est de re- ture et la presse doivent jouer propos de Bertrand Joly me comptés. Sans doute à cause de nationalistes de l'année 1902. Dé- faire l'unité de l'État sans étouf- chez lui et les siens le même rôle semble moins crédible pour la pé- la nature même du nationalisme route qui « abandonne aussi [à fer les diversités, mais en écar- compensateur et cathartique que riode même de la rédaction de Si populiste de la fin XIXe siècle : l'AF] un espace à prendre dont tant les agrégats, les "noyaux durs" chez Barrès. » le coup de force est possible, vers l'Action française « en a sous-es- Maurras va savoir profiter. Dé- qui, de la faiblesse de l'État ré- Bertrand Joly reprend là un 1910, que pour la période posté- timé l'autonomie et la plasticité, barrassée de toute concurrence, publicain, cherchent, selon lui et vieux débat qui a maintes fois rieure à 1918. Par ailleurs, que la elle n'y a vu qu'une ébauche in- l'Action française peut mainte- les nationalistes, à tirer profit. agité l'AF elle-même... Contrai- possibilité du "coup de force" mo- forme et grossière, alors que ce nant prendre son véritable es- Cela permet de mieux com- rement à ce qu'il pense, le fa- narchique soit moins immédiate nationalisme non royaliste pos- sor », même si cela ne se traduit prendre en quoi le cardinal Ri- meux texte de Maurras Si le coup n'enlève rien à la nécessité de la sédait [...] son élan particulier », pas par un ralliement massif. chelieu est le modèle même de de force est possible (1910) n'est conclusion royale aux raisonne- ce qui explique que, quantitati- Maurras, au point que son buste pas un traité du renoncement ments nationalistes, et, une fois vement, elle ne pèsera jamais Quel héritage ? sera dans le bureau du doctri- mais une tentative de "penser la entièrement royaliste (à partir de grand-chose sur le plan électoral. naire royaliste, et que ce dernier prise du pouvoir". Le problème 1902), l'Action française ne se dé- Malgré cela, l'AF a "dépassé" Que reste-t-il de l'héritage ou écrira sous son patronage silen- n'est pas dans la volonté de Maur- jugera pas ; au contraire, elle ap- le nationalisme antidreyfusiste de l'influence des nationalistes cieux... Or, pour Maurras, il n'y a ras d'aboutir mais dans les condi- profondira constamment les rai- par son caractère beaucoup plus "d'avant l'AF" dans cette Action pas de Richelieu s'il n'y a pas de tions, dans l'absence d'un "appa- sons de son royalisme. Elle refu- intellectuel et son appel à la jeu- française encore en recherche au Louis XIII, de roi : pas de gou- reil d'AF" capable de mettre en sera, malgré les injonctions parfois nesse, dont les ligues se mé- début du XXe siècle ? Selon Joly, vernement et d'unité sans le "trait œuvre une stratégie, et dans un sympathiques qui pourront lui être fiaient, sans doute parce que leurs au-delà de « la plupart des d'union" du règne, dans le temps certain "confort intellectuel" qui faites, de renier ce qui va deve- dirigeants restaient perméables thèmes ou plutôt des haines et comme dans l'espace. L'extré- va endormir les velléités monar- nir, de plus en plus, son "identité" au jeu démocratique et parle- des ennemis du nationalisme » : misme de Maurras peut se com- chistes, avec cette fameuse for- au sein du paysage nationaliste mentaire. « L'Action française fait « Pour l'antisémitisme, l'antipar- prendre comme une forme de mule qui empêchera souvent d'al- français. au contraire confiance aux jeunes lementarisme, l'antimaçonnisme, "nationalisme d'urgence" devant ler plus loin, « Notre force est et cultive son implantation au la haine d'une république faible ce qu'il ressent, avec les consé- d'avoir raison », véritable certi- JEAN-PHILIPPE CHAUVIN Quartier latin : à bien des égards, qui affaiblit la France, la dénon- quences de l'affaire Dreyfus, tude qui deviendra l'alibi d'une le remplacement des ligues na- ciation d'un régime de bavards, comme une destruction des certaine paralysie pratique, mal- * L’Action française - Culture, Société, tionalistes par l'AF correspond de médiocres et de panamistes, "moyens de l'État" (en particulier gré la bonne volonté et le dé- politique. Éd. du Septentrion, Paris, aussi à une relève de génération Maurras et les siens n'inventeront militaires et politiques) et, donc, vouement des Camelots du Roi. 2008, 24 euros.

10 L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 PORTRAIT ❚

l peut sembler paradoxal qu'un pays aussi égalitaire que la ■ LES SOUVERAINS EUROPÉENS - IV ISuède, longtemps présenté comme le paradis de la social-dé- mocratie, ait pu s'accommoder Le roi Charles XVI-Gustave de Suède d'une monarchie à son sommet. La popularité que rien ne dément Depuis 1946, il entretient, par sa présence même, l'indispensable sentiment jamais du roi Charles XVI-Gustave prouve bien que, par-delà les ex- de la continuité historique, à la tête d’une monarchie européenne rassurante et prospère. périences politiques que se per- mettent les peuples, une famille le monde. Il est en outre, fidèle fini mais participe avec toujours royale, même si elle est tenue de aux enthousiasmes de sa jeunesse, beaucoup d'élégance aux grands rester neutre, entretient par sa membre principal honoraire de événements de la cour. présence même dans une nation l'Association des Guides et Scouts Comme toutes les nations l'indispensable sentiment de la de Suède et, depuis 1977, prési- d'Europe incarnées d'âge en âge continuité historique, tandis dent d'honneur de la Fondation dans une dynastie, la Suède en- qu'elle humanise la notion d'État. du scoutisme mondial. Par toutes tretient avec l'Union européenne L'actuelle Maison de Suède, si ces activités il ne cesse de s'atti- des rapports d'autant plus sains elle plonge ses racines jusqu'aux rer la sympathie des Suédois, for- qu'ils ne sont en rien idéologiques. grandes heures de la dynastie des tement marquée dès son Examinant d'abord leurs intérêts, Vasa qui se libérèrent de la do- mariage en 1976 avec Silvia les Suédois sont longtemps restés mination danoise et qui s'éteigni- Sommerlath, fille d'un homme en dehors de la construction eu- rent avec la célèbre et savante d'affaires allemand, interprète ropéenne. Leur position géopoli- reine Christine abdiquant en 1654 diplômée, née en 1943 à Heidel- tique, coincée entre les blocs de pour embrasser la foi catholique, berg, qu'il avait rencontrée alors l'Est et de l'Ouest, les invitait à descend directement d'un Fran- qu'elle était chef du protocole des la prudence. Ils ne se décidèrent çais quelque peu atypique. Jeux olympiques. D'une belle in- donc qu'après la chute du rideau En effet les guerres de la Ré- telligence et d'une grande dis- de fer, mais ils restent réticents, volution puis de l'Empire ayant tinction elle contribue depuis lors voire sceptiques en matière d'ad- été fatales aux derniers rois plus à raffermir l'image de la monar- hésion à la monnaie unique. Une ou moins rattachés aux Vasa, le chie, dont tous les observateurs monarchie se montrera toujours vieux Charles XIII, lui-même suc- s'accordent pour dire que plus de plus souple dans ses relations, sa- cesseur de son petit-neveu, se 80 % des Suédois souhaitent son chant attendre le moment op- trouva en quête d'un héritier : la maintien dans l'avenir. portun pour agir. Diète (parlement) suédoise eut alors l'idée de le choisir dans l'en- Prudence tourage de l'empereur Napoléon qui semblait devoir dominer l'Eu- Du mariage de Charles-Gus- rope pour longtemps. L'élu fut tave et de Sylvia sont nés trois ainsi le général Jean-Baptiste Ber- enfants. Depuis le 1er janvier nadotte, prince de Pontecorvo, 1980, la loi de succession précise ex-"sergent Belle-Jambe", époux que l'aîné est l'héritier quel que de Désirée Clary – un ancien soit son sexe. C'est donc le cas de amour de Napoléon et de bien lui succéda son fils Gustave VI- beaucoup les pouvoirs du roi. Le la princesse héritière Victoria, du- d'autres ! Ce fils d'un père juriste Adolphe, déjà septuagénaire, et jeune Charles-Gustave allait très chesse de Vestrogothie, née le et d'une mère paysanne né à Pau le petit Charles-Gustave, orphe- vite devoir l'appliquer puisque la 14 juillet 1977, qui depuis son en- en 1764 n'en avait pas moins été lin de son père mort en avion mort de son grand-père le 15 sep- fance, par ses solides études de un farouche révolutionnaire, que quand il avait un an, devint prince tembre 1973 le porta sur le trône l'école communale aux grandes l'Empereur considérait comme un héritier. Petit dernier après quatre à vingt-sept ans. Quel est alors le universités dans le monde, puis rival encombrant. sœurs aînées, il reçut de sa mère rôle de Charles XVI-Gustave de- par ses voyages, par ses obliga- La princesse Victoria de Suède la princesse Sibylle une éducation puis la promulgation des nouvelles tions de représentation, par ses Elle est l’héritière du trône L'éducation stricte et soignée. D'une classe lois fondamentales le 1er janvier relations avec les autres princes depuis la modification d'un roi spéciale pour lui au Palais royal, 1975 ? Pratiquement aucun rôle héritiers des couronnes d'Europe, de la loi de succession en 1980. il alla dans un collège privé près politique : il n'est plus que « le se prépare à jouer très dignement Invité à venir s'installer à la de Stockholm, où il excella en his- symbole de l'unité de la nation », son rôle au service de la Suède. Le roi Charles XVI-Gustave est cour de Stockholm en 1810, Jean- toire et en sciences naturelles. il ne désigne plus le Premier mi- Ses compatriotes sont sensibles assurément la figure qui répond Baptiste se révéla un autre Louveteau à neuf ans, puis scout, nistre, ne préside plus le Conseil au charme de celle qui est deve- le mieux au tableau dressé dans homme et se fit adopter par il mit au premier rang de ses ac- de gouvernement, ne signe plus nue leur meilleure ambassadrice Le Monde du 6 juin dernier des Charles XIII, auquel il succéda à tivités de prince héritier la par- les décrets. Il ouvre toutefois et dont chacun attend le grand monarchies européennes aujour- sa mort en 1818, devenant ticipation à des camps scouts. chaque année la session parle- jour où elle se mariera avec, c'est d'hui : rassurantes et prospères. Charles XIV-Jean, roi de Suède et Après une formation militaire dans mentaire, et doit être tenu in- la loi, l'accord du roi et du gou- Et notre confrère de se deman- de Norvège, nettement conser- la marine, il s'inscrivit à l'univer- formé des affaires en cours dans vernement. der pourquoi ces familles restent vateur mais de plus en plus aimé sité d'Uppsala, la plus prestigieuse les ministères, il préside le Conseil Deuxième enfant du ménage encore si populaires, avant d'es- et respecté de ses sujets jusqu'à de Scandinavie. consultatif des Affaires étran- royal, le prince Charles-Philippe- quisser une réponse : « Sans sa mort en 1844, à quatre-vingts Dès lors plus rien ne lui fut gères, reçoit en audience les am- Edmund, duc de Värmland, né le doute parce que ces monarques ans. Le roi actuel incarne donc la étranger des institutions, des bassadeurs lui présentant leurs 13 mai 1979, fut l'héritier jusqu'au servent de repères à des sujets sixième génération de descen- rouages de l'économie, des af- lettres de créance, remet chaque 1er janvier 1980 où furent chan- inquiets. Ils sont là parce qu'ils dants de ce Français. faires judiciaires, de l'adminis- année le Prix Nobel à Stockholm... gées les lois de succession. Ce sont là, ni plus ni moins. » Ajou- Charles-Gustave naquit à Haga tration, de l'Église luthérienne, prince sportif a suivi aussi des tons que ce presque rien est en le 30 avril 1946, fils du prince et même de la presse. Un stage 80 % des Suédois études artistiques fait tout et que la France aurait Gustave-Adolphe, duc de Väster- au ministère des Affaires étran- Troisième enfant royal, le prin- tort de vouloir encore longtemps botten, et de Sibylle de Saxe-Co- gères, complété par de nombreux Avec sa devise Pour la Suède cesse Madeleine, duchesse de Häl- s'en passer. bourg-Gotha. Régnait alors depuis séjours dans les ambassades sué- avec le temps, le roi est reconnu singland et Gästrikland, née le 1907 son arrière-grand-père Gus- doises à travers le monde, affina dans le monde comme une auto- 10 juin 1982, n'a pas de rôle dé- MICHEL FROMENTOUX tave V, qui avait réussi à tenir son sa formation. rité dans le domaine de l'envi- pays à l'écart des deux guerres ronnement. Il participe chaque mondiales et dont l'influence ar- "Pour la Suède année à la Semaine de l'eau. Il a TARIF DES ABONNEMENTS bitrale et régulatrice avait en- avec le temps" même fait éteindre pendant une (paraît les 1er et 3e jeudis de chaque mois) tretenu une remarquable stabi- heure les lumières de trois de ses 1. Premier abonnement 5. Abonnement de soutien lité ministérielle, tandis que son Pendant ce temps son grand- châteaux pour marquer son en- France (un an) ...... 76 s (un an)...... 150 s autorité en matière diplomatique père, grand lettré et archéologue gagement dans la lutte contre le 2. Premier abonnement 6. Étudiants, ecclésiastiques, l'avait amené à dénouer divers chevronné, qui épousa successi- réchauffement de la terre. Le pa- Étranger (un an) ...... 85 s chômeurs (un an) ...... 45 s 3. Abonnement ordinaire (un an) . 125 s 7. Outre-mer (un an)...... 135 s conflits internationaux. Il était vement Marguerite d'Angleterre trimoine culturel lui est aussi très 4. Abonnement de six mois ...... 70 s 8. Étranger (un an) ...... 150 s l'oncle de la princesse Martha qui et Louise Mountbatten, gagnait la cher ; grâce à lui les châteaux épousa Olav V de Norvège, et de vénération des Suédois qui, pa- royaux, les collections et les parcs BULLETIN D’ABONNEMENT la princesse Astrid, décédée en raît-il, aimaient curieusement dire sont ouverts au public. N'est-ce Nom ...... Prénom ...... 1935 dans un accident de voiture qu'ils l'éliraient volontiers prési- pas une mission royale que de Adresse ...... auprès de son époux le roi Léo- dent si la république était à l'ordre veiller à sauvegarder "le séjour Code postal ...... Ville ...... pold III de Belgique. du jour... En mars 1972, com- qu'ont bâti les aïeux" ? Tél...... Courriel ...... Quand ce passionné de tennis mença à se mettre en place une Toujours très au courant de Entourez le numéro correspondant à votre abonnement et de tous les sports mourut en nouvelle constitution remplaçant l'actualité diplomatique et éco- Bulletin à retourner à L’Action Française 2000 1950 à quatre-vingt-douze ans, celle de 1809 et réduisant de nomique il voyage beaucoup dans 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – C.C.P. Paris 1 248 85 A

L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 11 ❚ CULTURE

e petit livre de Renaud Ca- mus intitulé La Grande Dé- ■ RENAUD CAMUS Lculturation ne se veut pas un énième procès de la "démocrati- sation culturelle", c'est-à-dire une La démocratie contre la culture critique à la vue des résultats de trente années de politiques cul- Selon l’auteur de La Grande Déculturation, il ne peut pas y avoir de "culture de masse", turelles. Plus radical, il diagnos- tique le déclin de la grande cul- pour la bonne et simple raison que la culture ne peut appartenir qu'à une minorité. ture française en contestant les principes mêmes de ladite "dé- entrer en classe de sixième, ou mais est-ce si évident que cela ?). ne lit pas, par ce qu'il ne fré- liées, on préférerait encore sa- mocratisation culturelle" puisque, disons de quatrième, pour comp- Elle insiste sur le fait qu'il existe quente pas, ce à quoi il refuse crifier la culture, par horreur de selon lui, il ne saurait y avoir de ter large, dans un bon lycée au des temps qui sont hors de la cul- de perdre son temps, ce temps l'hérédité. Or c'est à peu près ce culture sans hiérarchie ni dis- milieu du siècle dernier. De ture et présente l'homme cultivé que la culture rend précieux. Un qui est arrivé. Le principe héré- tinction : l'idéal de la "culture même, du point de vue des mé- comme un homme qui se cultive homme cultivé n'a donc pas de ditaire que suppose l'existence pour tous" serait donc une apo- dias, des radios comme France sans cesse. L'homme cultivé n'a temps à perdre et sait toujours de cette même classe n'est pas rie, voire une contradiction dans Culture ou des chaînes comme jamais trop de temps, il n'en a ce qu'il a faire tandis que l'in- compatible avec le régime d'« hy- les termes qui expliquerait la dis- Arte en sont amenées à aban- culte, au final, ne peut ni ne sait perdémocratie » (terme utilisé parition contemporaine de la "cul- donner la culture pour devenir surmonter son ennui. par Renaud Camus inspiré sans ture cultivée" spécifiquement "généralistes". Notre époque se- doute du sociologue Gilles Lipo- française. Il ne peut donc pas y rait celle d'un grand nivellement Hérédité vetsky) dans lequel nous vivons. avoir de "culture de masse" pour par le bas dans le cadre duquel La démocratie étant pour ainsi la bonne et simple raison que la il devient tout simplement im- Or, c'est bel et bien la dispa- dire sortie de son lit, elle s'in- culture ne peut appartenir qu'à possible de hiérarchiser les dif- rition de la classe cultivée qui ex- filtre dans les familles et dans une minorité. férentes formes de manifestation plique la crise que nous traver- l'éducation qu'elle remodèle au de la culture humaine. sons aujourd'hui. Pour qu'il y ait nom de l'égalité. Mais au lieu Culture pour tous ? "culture", il faut qu'il existe une d'amener les masses au niveau de Préciosité du temps classe cultivée, des "héritiers" qui la défunte classe cultivée, elle Selon Renaud Camus, la crise soient aussi des donateurs. Pen- transforme ces mêmes "héritiers" de la culture française naît de la Car le problème est bien là : dant des siècles, on a estimé que en incultes qui n'ont rien à lé- conjonction de deux phénomènes si tout est devenu culturel, de la c'est sur l'hérédité que pouvait guer. C'est cela cette grande historiquement datés. D'une part, poésie épique à la BD, des toiles s'appuyer la transmission d'un « déculturation » patiemment la revendication d'un idéal égali- de Turner aux dessins d'enfants, quelconque patrimoine ou d'un décrite et analysée par Renaud taire suivant lequel la culture des symphonies de Mozart au rap même jamais assez pour tout ce "capital culturel", une hérédité Camus qui explique qu'il n'y ait n'appartiendrait pas à une classe de NTM, on ne voit guère au nom qu'il a à connaître, à apprendre, elle-même néanmoins renouve- maintenant plus de lecteurs pour sociale (la classe bourgeoise) ; il de quoi on en viendrait à décré- à comprendre et à aimer. L'in- lée dans ses périphéries. Que de la presse ou pour les livres parce s'agit par conséquent de faire en- ter que telle culture est supé- telligible, par son énormité, est façon générale, et avec toutes que les gens ne savent plus lire, trer "dans" la culture tous ceux rieure à telle autre. À force de incommensurable à son intelli- les exceptions individuelles qu'on que les musées soient visités par qui ne sont pas des "héritiers" (sui- vouloir reconnaître la pluralité gence. L'existant, par son im- voudra, au premier rang des- des masses qui traversent des vant l'expression de Pierre Bour- des pratiques culturelles, on dé- mensité, est sans rapport avec sa quelles celles du génie, il faille salles sans prendre le temps de dieu). D'autre part, l'apparition valorise la "grande" culture. soif de connaissance et les pos- deux ou trois générations pour réellement regarder les œuvres, d'une société pluriculturelle pour La définition que donne Re- sibilités de sa mémoire. L'ai- faire un individu tout à fait ac- ou bien encore qu'il y ait besoin laquelle la culture spécifiquement naud Camus de la culture est très mable, par son infinitude, ou- compli culturellement, voilà bien, de "médiateurs culturels" dans de "française" est devenue une cul- vague même si elle donne beau- trepasse de toute part son amour. quoique c'ait été la conviction hauts lieux d'exposition des ture parmi d'autres et non plus coup à penser. Nommée « claire À tout moment il doit faire des tranquille de presque tous les œuvres de l'esprit là où la cul- l'essence d'une réalité nationale. conscience de la préciosité du choix, renoncer à des chemins, à siècles avant les nôtres et de la ture et elle seule devrait servir Dans les deux cas, il s'agit de dé- temps », elle indique quelles sont des livres, à des études, à des plupart des civilisations, le genre de médiation. truire un privilège, ce qui abou- les obligations de l'homme de cul- admirations et à des distractions. d'opinions qui ne sauraient en au- GAËL FONS tit à la destruction même de la ture mais ne précise aucunement Et ce qu'il est, autant que parce cune façon être reçues parmi culture puisque, selon l'auteur, la en quoi consiste "sa" culture (évi- qu'il lit, par ce qu'il entend et par nous. S'il s'était avéré qu'hérédité * Renaud Camus : La Grande Décul- culture « est » ce privilège. Ainsi, demment française pour l'auteur, ce qu'il étudie, il l'est par ce qu'il et culture fussent étroitement turation. Fayard, 151 p., 15 euros. face à l'opposition entre démo- cratie et culture, la solution trou- vée fut de procéder à sa dissolu- tion dans le "tout culturel" en re- lativisant sa valeur. ■ THÉÂTRE : TOC TOC DE LAURENT BAFFIE La conséquence la plus évi- dente de cette déchéance est la baisse générale du niveau et des À toqué, toqué et demi exigences qui concerne l'École, mais aussi toutes les instances Les patients souffrant de troubles obsessionnels compulsifs dites "culturelles". L'exemple le plus probant, au point qu'on se bousculent dans le cabinet du docteur Stern... pourra le juger caricatural, est celui du baccalauréat. À certaines lle aura tenu l'affiche deux phrase, le chauffeur de taxi, fou fait donc connaissance et cha- époques, c’était un diplôme qu'ob- ans, cette comédie de bou- d'arithmétique, qui compte in- cun évoque son "mal". Pour pas- tenaient 2, 5 ou 10 % d'une classe Elevard, écrite et mise en cessamment heures, minutes et ser le temps d'attente, on en- d'âge. On connaît l'idéal affiché scène par Laurent Baffie ; deux secondes, celle qui se croit vic- tame aussi une partie de Mono- de mener à son obtention 80 % ans de rire à gorge déployée pour time de miasmes et de microbes poly où l'on s'arrache avec fougue de la population scolaire. On sait un bon contingent de Parisiens, et devenue fanatique de l'alcool la "rue de la Paix", et les "gares", blesses, de ses manques, qu'il que cet idéal, hélas, n'est pas loin mais aussi de provinciaux, dé- à 90 degrés et du savon de Mar- tandis que la place Pigale est fu- vaut mieux se tourner vers le d'être atteint. On sait aussi que barqués par cars entiers pour s'es- seille ; on ne sait qui déraille le rieusement refusée par la bigote prochain et cesser de se regar- le baccalauréat s'est transformé baudir sans retenue. Et ce, dans plus. Tout ce petit monde se re- sur le retour, interprétée par der le nombril – posture évan- radicalement. Il ne paraît pas exa- le noble théatre du Palais Royal, trouve dans le salon d'attente Claire Maurier : un excellent gélique ou presque – mais le che- géré de supposer qu'entre le bac- surchargé d'ors, où le regard peut d'un ponte psychiatre, absent, in- moment de la pièce, en vérité. min ouvert n'est pas suivi, on re- calauréat qu'obtenaient 10 % d'une glisser, avec bonheur, par les fe- visible, pour cause de retard vient au galop à la grosse classe d'âge et celui qui est oc- nêtres depuis les jardins du Pa- d'avion, nous dit-on... Nos six Bouffonnerie bouffonnerie, très efficace il est troyé à 80 % d'une autre classe lais jusqu'au Conseil d'État : choc "malades" y rencontrent un cu- vrai. Tout s'arrangera sur la fin ; d'âge, ou de la même classe d'âge entre la beauté classique du lieu rieux spécimen de patient inter- Mais le psychiatre tarde tou- le psychiatre révélera la super- à une autre époque, le rapport et la comédie franchouillarde qui prété avec maëstria par Bernard jours à paraître : osmose ou cherie qui se voulait thérapie, et de proportion, quant à la signifi- y trouve asile. Dheran, affligé, le pôvre, d'une contagion, l'un se met, fugitive- les patients repartiront, dans cation véritable du diplôme, quant logorrhée intempestive et, la plu- ment, à prendre le tic de l'autre ; l'euphorie, vers leurs petites exis- au degré de maturité impliqué Chez le psychiatre part du temps, salace. Connais- qu'une amourette s'ébauche, et tences, croyant s'être libérées pour ses titulaires, quant à leur sant l'abattage de l'auteur, on l'on frôle la guérison, semble-t- de leurs tics et tocs. L'avenir dira connaissance de la langue, quant Un travers de notre époque y n'est pas autrement surpris ; on il ? Mais non, tout repart comme si, tout requinqués qu'ils soient, à leur capacité argumentative et est brillamment épinglé : l'auto- sait qu'il tape fort et que 90 % avant. Cependant, à ce moment ils resteront néanmoins toqués. de raisonnement logique, est à auscultation qui fait partout flo- de ses coups tombent au-dessous précis de la pièce, on pouvait peu près de dix à un, disons de rès. Et voici, sur scène, celui qui de la ceinture. penser que Baffie laisse entendre MONIQUE BEAUMONT cinq à un pour mettre toutes les ne veut en aucun cas marcher sur Voici nos six "patients" em- que l'attention aux autres, au- chances de notre côté. La plupart les raies du parquet, la demoi- barqués dans un huis-clos qui n'a jourd'hui appelée "empathie", PS : Diable, mais c'est moi, mainte- des titulaires du baccalauréat selle qui répète deux fois chaque pas grand chose de sartrien. On conduit à l'acceptation de ses fai- nant, qui ai chipé un toc... d'aujourd'hui n'auraient jamais pu

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epuis L'Odyssée, l'aventu- lande libre. Preuve que certains rier, serait-ce malgré lui, in- ■ DES LIVRES POUR L’ÉTÉ écrivains ne se bornent pas à rê- Dcarne le héros romanesque ver d'aventures. par excellence, celui dont les pé- régrinations et les mésaventures Aventure sous diverses facettes Archéologie distraient le lecteur et lui offrent dépaysement et frissons par pro- Enquêtes policières riches en rebondissements et fouilles Des grands auteurs populaires curation. François Vidocq l'avait des débuts du siècle dernier, Eli- bien compris lorsque, évincé de archéologiques mouvementées... zabeth Peters a appris tous les la police judiciaire en 1826, il pu- trucs, toutes les astuces, ce qui blia des Mémoires fortement fan- le jeu intellectuel et vieillissent l'intimité d'amis réunis chaque di- l'air dépourvue d'intérêt. Pourtant, a donné naissance à une série tasmés, puis des romans inspirés un peu plus mal. La différence manche sur les bords de Seine et il se laisse tenter. Et s'en mord les drôle, palpitante, documentée et d'affaires qu'il avait élucidées. s'avère plus flagrante encore avec qui cachent de vilains secrets ; doigts. Car le yacht en question riche en suspense mettant en Cette plongée dans les bas-fonds les feuilletonistes américains ano- Le Charretier de la Providence, s'avère minuscule, les conditions scène un couple d'égyptologues de la pègre, cette glorification du nymes des aventures de Nat Pin- quand les péniches, le long des climatiques désastreuses, et Da- britanniques géniaux et farfelus, héros qui élimine les truands don- kerton ou de Miss Boston, “la pre- canaux champenois, étaient trac- vies obsédé par un projet fumeux encombrés d'un fils précocement nèrent à la bonne société un goût mière femme détective” ; vio- tées par des chevaux ; Le Fou de de relevés des bancs de sable le doué, et confrontés, au fil des vo- immodéré pour ce nouveau genre lence, sadisme, sexe tiennent Bergerac et Maigret pris pour le long des côtes allemandes. Mais lumes à des voleurs, des assas- de littérature. déjà, vers 1900, une place dans tueur en série qui désole la Dor- bientôt, le jeune diplomate s'in- sins, des escrocs, des espions, leurs histoires à peu près impen- dogne ; Maigret à Vichy, où les terroge : que cachent ces îles per- aussi bien qu'aux représentants Anthologie du polar sable en Europe. demoiselles comme il faut ne sont dues au cœur de chenaux inex- d'une civilisation perdue. Débuté Cette anthologie s'avère donc pas ce qu'elles paraissent ; Mai- tricables ? Davies a-t-il raison lors- en 1888, avec l'improbable coup C'est à bon droit que Francis pleine de surprises et même de de foudre du beau, tonitruant et Lacassin entame par des extraits quelques joyaux oubliés qui mé- misogyne Radcliffe Emerson pour des souvenirs du bagnard policier ritent d'être redécouverts. Amelia Peabody, vieille fille au son volume Premières Enquêtes, caractère bien trempé armée aperçu de la naissance du polar Simenon, Balzac d'une redoutable ombrelle, le en France et dans le monde an- du XXe siècle cycle se prolonge au-delà de la glo-saxon. Si Voltaire et Beau- Première Guerre mondiale, qui en marchais, en offrant des exemples Dans les années vingt, Georges assombrira l'atmosphère aupara- de mystères résolus par l'esprit de Simenon avait tiré les leçons de vant plus légère. déduction, se révèlent précur- ces maîtres et usait, sous divers Cependant, les traductions ne seurs, il faut attendre Edgar Poe pseudonymes, des ficelles du mé- suivant pas l'ordre chronologique, pour que l'investigation policière tier, sans grand succès. La noto- La Pyramide oubliée ramène le soutienne toute l'intrigue d'un ré- riété lui vint grâce au commis- lecteur en 1913, alors que les cit. Les Français emboîtent le pas saire Jules Maigret, antihéros au Emerson entament une campagne et font preuve d'une étonnante physique banal, englué dans la de fouilles peu intéressante sur modernité. Le Petit Vieux des Ba- tranquillité d'un mariage heureux, un site aux environs de Gizeh. tignolles d'Émile Gaboriau, ou 56 que son goût pour la bonne chère Rien, en principe, propre à en- rue des Filles-Dieu, de Catulle et les vins de pays enrobait avant courager des desseins criminels. Mendès, n'ont pas pris une ride, l'âge. La force de Maigret tenait gret se fâche, près de Fontaine- qu'il prétend y découvrir la mise Aussi, lorsque, une fois de plus, quoique situés dans le Paris de dans cette devise simenonienne : bleau, en se penchant, retraité, en place d'un plan d'invasion de la famille se trouve en but aux 1880, et pas davantage L'Autobus « comprendre, et ne pas juger ». sur la noyade d'une jeune fille l'Angleterre ? A-t-il vraiment failli menées malveillantes d'un mys- évanoui de Léon Groc, publié en Confronté à des crimes ordinaires riche. Et, surtout, le remarquable être assassiné pour l'empêcher de térieux ennemi, elle pense avoir 1912. S'y trouve déjà cette pein- commis par des gens sans enver- Monsieur Gallet décédé, où poursuivre ses recherches hydro- dérangé l'habile faussaire qui a ture de mœurs, de milieux dont gure, le commissaire promenait l'étrange mort d'un voyageur de graphiques ? Et dans ce cas, qui usurpé l'identité de son neveu, Simenon plus tard se fera une spé- sa bonhomie, masque d'une re- commerce à Sancerre révèle au est le propriétaire de la Medusa, David, pour écouler de préten- cialité et qui, plus que le récit, doutable intelligence et d'un sens commissaire les pires faux-sem- instigateur du guet-apens dans le- dues antiquités. Mais si, pour une d'ailleurs excellent, ou le style, aigu de la psychologie, dans leurs blants de sa carrière. Cette quel la Dulcibella aurait pu som- fois, le flair des archéologues était impeccable, conserve à ces textes petits mondes, en déchiffrait les France-là, c'était hier ; elle doit brer corps et biens ? Désormais pris en défaut ? Les catastrophes tout leur intérêt. Jules Verne, codes et les pauvres énigmes, apparaître aux moins de trente persuadés que le sort de leur pa- se succèdent, mettant en danger conscient des potentialités du trouvait des coupables qui inspi- ans aussi lointaine que celle d'Eu- trie tient à la réussite de leurs in- la profonde unité du clan Emer- genre, s'y essaiera, en y ajoutant raient pitié. Cela durerait qua- génie Grandet et du Père Goriot... vestigations, les deux garçons ne son, et fournissent au lecteur son le dépaysement cher à son public, rante ans, de sorte que Maigret, reculeront devant aucun risque quota d'émotions, de rires et de dans Un drame en Livonie. quadragénaire en 1930, n'avait Aux sources pour percer le mystère. réflexion, à travers des person- Le parallèle avec le dévelop- pas atteint la retraite en 1970, de l’espionnage En publiant ce roman devenu nages récurrents devenus fami- pement du roman policier en An- bien que le monde et la société un classique, Childers entendait liers et chers. Incontestable et gleterre et aux États-Unis est ré- eussent considérablement bougé L'aventure peut commencer alarmer l'opinion britannique à durable réussite ! vélateur. Conan Doyle, qui s'ins- et que Simenon en eût tenu n'importe où et sous les plus propos de l'insuffisance des dé- ANNE BERNET pire du personnage créé par le compte. Cette finesse d'observa- calmes auspices. Erskine Childers fenses côtières. Il fut entendu. Français Henry Cauvain dans Maxi- tion et d'analyse de la société le démontra en 1903 avec L'É- Paradoxalement, à l'époque, * Collectif : Premières Enquêtes. Om- milien Heller pour forger Sher- française l'élevèrent au rang d'un nigme des sables, texte fondateur l'écrivain, Irlandais engagé dans nibus, 928 p., 24 euros. lock Holmes, ou la baronne Orczy, Balzac du XXe siècle dont les ré- du roman d'espionnage moderne. la cause de l'indépendance, ne * Georges Simenon : Maigret à la cam- auteur du Petit Vieux dans le coin, éditions n'ont jamais cessé. Lorsque, à la fin d'un été lon- s'en préoccupait plus, sinon pour pagne. Omnibus, 832 p., 20 euros. comme Chesterton avec son Père En voici une supplémentaire, donien morose, Carruthers, em- trouver le moyen de les contour- * Erskine Childers : L'Énigme des Brown, ou Hornung, dont le hé- Maigret à la campagne, qui eût ployé du Foreign Office, reçoit ner afin de fournir des armes à sables. Phébus-Libretto, 322 p., ros, Raffles gentleman cambrio- été plus justement intitulée Mai- une lettre d'un camarade perdu la future IRA. Organisateur des 10,50 euros. leur, est l'aîné d'Arsène Lupin, pré- gret en province réunissant six ro- de vue lui proposant de le re- services de renseignement du Sinn * Elizabeth Peters : La Pyramide ou- fèrent axer leur récit autour d'in- mans : La Guinguette à deux sous, joindre en Frise pour une croisière Fein, Childers tomba victime de bliée. Le Livre de poche, 542 p., dices à déchiffrer ; ils privilégient qui introduit le commissaire dans sur le yacht Dulcibella, l'offre a la guerre civile qui désola l'Ir- 6,95 euros.

BARBARA CLEVERLY Lindsay. Des visiteurs qui ne pourraient vée, de gré ou de force, par le trop sé- une dangereuse maîtresse de la magie Le Poignard afghan plus mal tomber alors que l'on attend à duisant prince afghan. Tous les ingré- noire... Dépassé par les événements, vic- Gor Khatri l'escorte envoyée par le roi dients propres à donner un bon roman time d'un envoûtement qui risque de le Le Livre de poche - 352 p. - 6,50 euros d'Afghanistan afin d'emmener à Kaboul d'aventures sur fond d'épopée coloniale tuer, confronté à des milieux, des pra- Pour veiller sur la frontière indo-af- son nouveau médecin, Grace Hollbrook. sont réunis ici. Qui s'en plaindrait ? tiques, des croyances dont il n'imaginait ghane, l'un des derniers endroits sen- L'exercice diplomatique, à hauts risques, même pas l'existence, Tewp va devoir sur- sibles de l'Empire britannique en 1922, tourne mal quand, après le dîner officiel, PHILIPPE CAVALIER vivre, déjouer un sombre complot contre il y a le fort de Gor Khatri et son com- l'on retrouve un haut officier afghan em- Les Ogres du Gange Edward VIII, neutraliser Keller, et mettre mandant, le major Lindsay, très conscient poisonné. Tragique intoxication alimen- un terme aux agissements d'un couple de Le Livre de poche - 568 p. - 7,50 euros de ses responsabilités. Lesquelles vont se taire, comme le soutient le docteur Holl- sulfureux aristocrates roumains qui se trouver singulièrement compliquées par brook, ou meurtre, comme le prétend le Lorsque le lieutenant David Tewp, jeune livre, sous couvert d'activités caritatives, l'arrivée d'officiels chargés de missions second du défunt, le bel Iskander Khan recrue du MI6 britannique, est muté à à un trafic d'enfants, voire à bien pire en- contradictoires et par celle de l'insuppor- qui exerce une déplorable attraction sur Calcutta en 1936, il s'attend à rester can- core... Dans la veine des grands romans table Lily Coblenz, richissime héritière Miss Coblenz ? Dans ce cas, le casus belli tonné à des fonctions administratives. anglo-saxons, Philippe Cavalier livre ici le américaine en quête d'émotions fortes, est inévitable... Sandilands dispose de Aussi est-il fort désemparé de se voir premier tome d'une saga très réussie sur flanquée, en guise de garde du corps, du peu de temps pour résoudre l'énigme, confier la surveillance d'une journaliste al- fond historique pimenté de sorcellerie et commissaire Sandilands, de Scotland empêcher un conflit armé avec les Pach- lemande. Mais la belle Ostara Keller n'est de fantastique. Yard, ancien camarade de combat de tounes, et retrouver Lily Coblenz, enle- pas qu'une espionne nazie : elle est aussi A.B.

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» DANS LA PRESSE trick Manchette et A.D.G., allé- ■ LE RETOUR D’A.D.G. guée par Sébastien Lapaque dans On relève quelques allusions à Le Figaro du 6 juin 2008 2 (éga- Maurras dans la presse de lement cybervisible). juillet. Le 3, Le Nouvel Obser- Papiers gommés, fâchés, froissés vateur évoquait un recueil si- Débat volatile gné Violaine Vanoyeke et Phi- Répondant à Sébastien Lapaque, Libération s’insurge contre et vaine querelle lippe Engerer : Leurs derniers mots... avant leur dernier la tentative de “réhabilitation” d’un écrivain jugé trop maurrassien... Sans pénétrer « de profundis » souffle (éd. Grancher). Tout en dans ce débat volatile de l'œuf jugeant le maître de l'AF e revoilà, notre regretté Ha- sont des Papous nains »). Les (« inconciliable aux hémor- « idéologiquement aveugle » dégé (A.D.G. avec trois considérations plus politiques ne roïdes », dixit encore le Grand (sic), Jérôme Garcin se dit Lpoints pour ce frère Franc et sont pas absentes non plus. Entre Môme) et de la poule (au Pot, ému par les paroles du Marté- si peu maçon). Les éditions Le Di- « l'étapant Lang », Pasqua, « ce seule qui vaille, plantée d'une gal. « Agnostique et sourd de- lettante viennent de publier – sergent Garcia de l'immigration » pointe d'ail, chantait le roi Henri), puis toujours, il s'éteint, à 84 après J'ai déjà donné, dans lequel et Chirac et ses « initiatives mo- on dira, sans avoir l'air de jouer ans, en murmurant : "Pour la l'avocat tourangeau, Pascal Del- tardes [qui] vous montent au nez la mouche du coche (aux fins première fois, j'entends quel- croix, l'ancien para royco, en- pire qu'à Dijon », c'est mieux fonds du bush australien, d'aucuns qu'un venir", à la manière de quêtait sur la disparition pour qu'aux Guignols de l'info et su- traduisent cette expression bien Bach, qui s'endormit en se ré- cause de mort de son vieil ami perbement irrévérencieux. française par la bouse du cow), jouissant d'"entendre enfin la "Machin", gratte-papier dans une que tout ça n'est que vaine que- vraie musique". » Le 10 juillet, feuille de choux locale – une sé- Effets relle (où comment Jean Genêt l'hebdomadaire a récidivé à rie de chroniques parues dans le de Manche(ttes) s'érige en arbite et siffle la fin de l'occasion d'un long article Libre Journal de la France cour- partie) et que faux amis ou frères consacré au café de Flore : toise du non moins regretté Serge Mais au lieu de profiter de la ennemis, Manchette et A.D.G. doi- « C'est à Charles Maurras que de Beketch. vue ainsi offerte par notre hôte vent bien se poiler là-haut en re- l'on doit [...] le plus ancien té- berrichon (qu'elle était verve ma gardant ces vains crouler à flots. moignage littéraire sur cette Irrévérence vallée), certains tristes subven- Quoi qu'il en soit, on se féli- honnête maison... » Le même Certains tristes subventionnés tionnés essayant de voler de leur citera de cette seconde phé- jour, interrogeant Renaud Ca- Cela fait toujours chaud au nous assénant des stupidités propre aisselle, viennent assom- nixéenne renaissance littéraire mus pour Le Point, Élisabeth cœur et au corps de revoir un du style « les dérives brir le paysage en nous assénant d'un auteur qui a déplu et déplaît Lévy évoque Maurras pour qui vieux pote (touche-z-y pas et res- maurrassiennes et lepénistes des stupidités du style « les dé- encore aux contre-réactionnaires « la religion était [en autres !] pect pour ce frère si peu odieux) de A.D.G. »... rives maurrassiennes et lepénistes de tous poils ! Et c'est ainsi, le moyen de maintenir un cer- ressuscité éditorial d'entre les de A.D.G. » (on ne voit pas quel vous en conviendrez, que A.D.G. tain ordre social ». Elle se de- macchabées, nous décoincer les tiens), comme il la prénomme. est le rapport) ou encore « les est grand. mande si son interlocuteur as- zygomatiques. C'est vrai qu'on se On y apprend, entre autres ento- prises de position racistes, anti- ARISTIDE LEUCATE signerait la même mission à la marre franchement entre bons mologies ethnographiques, qu'à sémites et xénophobes » de ce [email protected] culture (voir p 12). Ce à quoi mots (du type, « les Alliés – ainsi l'instar du cochon (« Allah est dernier. Auteur de ce médiocre celui-ci répond, avec un cer- qu'on dit des fous ») et délires grand », en vérité, nous redit ce florilège éculé ? Doug Headline * A.D.G. : Papiers gommés. Le Dilet- tain humour : « Oh, la barbe pré-eschatologiques sur la genèse saint Paul Solognote), tout est bon « éditeur, cinéaste, fils de Jean- tante, 315 pages, 30 avril 2008, 25 s. avec Maurras ! Maurras vous- d'une Terre qui, selon le père Ha- dans le crocodile occit par les Pa- Patrick Manchette » (sic), plumi- même !» Cela vaut déjà dégé, « est plate » comme un car- poux (sans "s" car nés sous X, tif rugissant dans Libération du 4 1 Manchette victime du révisionnisme mieux que la crispation relet. On y retrouve même des « comme les autres choux et hi- juillet 1 (disponible sur Internet). littéraire. Libération, 4 juillet 2008. habituelle. accents antipodiques sur « la Nou- boux ») Toulambis (lesquels, L'objet du délire ? Une « ami- 2 Et c’est ainsi qu’Alain est grand. Le velle » (Calédonie, pour les béo- « pour ceux qui l'ignoreraient […] tié paradoxale » entre Jean-Pa- Figaro, 6 juin 2008.

’est en février 1883 à Ra- pallo en Italie, au bord de ■ LES GRANDS TEXTES POLITIQUES Ccette Méditerranée à la- quelle il vient de se convertir après avoir rompu avec Wagner Le dernier homme de Nietzsche et la musique allemande, que Frédéric Nietzsche, compose en une dizaine de jours seulement Un passage tiré de la plus célèbre des œuvres du philosophe la première partie de la plus cé- allemand : Ainsi parlait Zarathoustra lèbre de toutes ses œuvres : Ainsi parlait Zarathoustra. Le prologue Malheur, voici venir le temps ver du péché : on marche avec conciliera bientôt – sinon ça de ce livre aux accents plus poé- où l’homme ne donnera plus nais- précaution. Fou donc celui qui abîme l’estomac. tiques que philosophiques, qui sance à nulle étoile ! Malheur, trébuche encore sur des pierres On a son petit plaisir pour le imite le style du prophétisme bi- voici venir le temps le temps de ou des humains. jour et son petit plaisir pour la blique, raconte le « déclin » de l’homme le plus méprisable, Un peu de poison par-ci par- nuit : mais l’on révère la santé. Friedrich Nietzsche Zarathoustra ou Zoroastre. qui ne peut plus se mépriser là : cela donne des rêves « Nous avons inventé le 1844-1900 Nietzsche fait descendre le ré- lui-même. agréables. Et beaucoup de poi- bonheur », disent les derniers formateur de la religion iranienne Voyez, je vous montre le der- son, pour finir : cela donne une hommes et ils clignent des yeux. son Meilleur des Mondes. Plus ré- antique de sa montagne, comme nier homme. mort agréable. cemment, Francis Fukuyama, un le soleil couchant décline après « Qu’est-ce que l’amour ? On travaille encore car le tra- Impossible de ne pas recon- des premiers penseurs à avoir midi, pour enseigner aux hommes Qu’est-ce que la création ? vail est un divertissement. Mais naître nos contemporains dans proposé une interprétation glo- la propre doctrine du philosophe Qu’est le désir ? Qu’est une on prend soin que le divertisse- ce portrait au vitriol. Impossible bale du monde d’après la chute allemand : la mort de Dieu, la étoile ?» – Voilà ce que demande ment ne soit pas trop fatigant. par conséquent de dénier à ce du mur de Berlin, intitulera de crise générale de la culture qui le dernier homme et il cligne On ne devient plus ni riche, passage un caractère prophé- façon très significative son prin- en résulte (le nihilisme) et le re- de l’œil. ni pauvre, l’un et l’autre sont tique, quoi que l’on pense par cipal essai : La Fin de l’Histoire mède que représenterait l’avè- La terre alors sera devenue trop pénibles. Qui veut encore ailleurs des limites, voire des pé- et le dernier homme (1992). La nement du surhomme. Un pas- petite et le dernier homme y gouverner ? Qui veut encore rils, de la pensée nietzschéenne. référence au Zarathoustra de sage en particulier doit retenir sautillera qui rend toute chose obéir, l’un et l’autre sont trop Maurras formule d’ailleurs des Nietzsche est explicite et elle ne notre attention. Il s’agit de la petite. Son espèce est indes- pénibles. prédictions assez similaires dans s’arrête pas au seul titre dans un parabole du « dernier homme » tructible, comme le puceron des Point de berger et un trou- L’Avenir de l’Intelligence, du ouvrage où la démocratie libé- par laquelle Zarathoustra veut bois ; le dernier homme, c’est peau. Chacun veut la même moins en ce qui concerne le lien rale est à la fois décrite comme mettre en garde son auditoire lui qui vivra le plus longtemps. chose : chacun sera pareil, celui entre la modernité démocratique le système le plus satisfaisant ap- contre la conséquence ultime du « Nous avons inventé le bon- qui sentira les choses autrement, et la perte des plus hautes fa- pelé à supplanter toutes les idéo- nihilisme, à savoir l’apparition heur », disent les derniers hu- ira volontairement à l’asile cultés de l’humanité. Aldous Hux- logies et comme une triste d’une humanité médiocre, à la mains et ils clignent des yeux. d’aliénés. ley pour sa part reprendra à son conclusion de l’histoire humaine fois nombriliste et moutonnière, Ils ont quitté les contrées où « Jadis tout le monde était compte les idées d’uniformisa- qui voit la sécurité physique et étrangère à la haute culture il est dur de vivre : car l’on a fou », disent les plus finauds et tion, de bonheur obligatoire, la satisfaction matérielle deve- comme à la grande politique, em- besoin de chaleur. On aime en- ils clignent des yeux. d’intériorisation de la contrainte nir les seules ambitions d’une hu- pêtrée dans les illusions du pro- core le voisin et l’on se frotte à On est malin et l’on sait tout (le dissident se rend de lui-même manité qui aurait sacrifié la qua- grès et du bonheur (héritage des lui, car l’on a besoin de chaleur. ce qui s’est passé : ainsi on n’en à l’asile d’aliénés), de refus de lité à la quantité. Lumières), méprisant le passé et Devenir malade et éprouver finit pas de se moquer. On se la souffrance (avec l’usage des sacralisant le confort matériel... de la méfiance leur paraît rele- querelle encore mais on se ré- drogues qui l’accompagne), dans STÉPHANE BLANCHONNET

14 L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 L’AF EN MOUVEMENT ❚

■ BANQUET ROYALISTE ET CAMELOT À VOS PLUMES !

Retroussons les manches ! Avec les beaux jours, L'Ac- tion Française 2000 se pare Samedi 28 juin s’est tenu le dernier banquet de l'Action française de d'une "nouvelle toilette". L'évolution est discrète – nous l'année, [...] dans un cadre très agréable, salle au sous-sol sous des ne voulions pas déboussoler voûtes.Très bonne ambiance où alternaient des chants et plusieurs nos lecteurs – et d'autres pour- discours. [...] L'Action française doit se montrer dans la rue, occuper ront suivre. Elle reflète timi- le terrain, affirmer une présence royaliste et se battre pour notre dement les efforts que nous cause, celle du roi. Vive la France et vive le Roi ! avons entrepris – avec les moyens modestes qui sont les CÉCILE nôtres, et sans compter nos heures ! – pour accroître peu à e dernier banquet "Royaliste à Orléans au son des cornemuses Saxons), au coude à coude avec grés aux abords de Boston. Il dé- peu la qualité du journal, que et Camelot" eut lieu le sa- des compagnons de Robert la "Maison du Roi" et les Suisses... nonça le funeste traité de Paris nous souhaitons rendre plus in- Lmedi 28 juin pour clôturer Bruce... Les Irlandais vinrent Il parla ensuite des 400 ans abandonnant le Canada et salua formatif et plus réactif... tout l'année. Il se déroula dans une nombreux en France, fuyant les de Québec, des alliances avec les la présence en ce moment du en réaffirmant son identité à ambiance festive de tradition prince Jean dans cette lointaine la fois nationaliste et roya- française accompagnée de rires Nouvelle France. liste. En notre for intérieur, et de chants. Avec une trentaine Jean-Philippe Chauvin rappela Il insista sur l'esprit des Ca- nous nous remémorons cet de convives où tous les âges le rôle de l'AF en 1968 melots, dignes successeurs de éloge de Proust : « Quand je étaient représentés. Ceux-ci pro- et sa participation tous ces hommes, mousquetaires lis L'Action Française, je fitèrent de l'occasion pour échan- à la riposte. des temps nouveaux, rappelant prends une cure d'altitude ger des idées et former des pro- à chacun son devoir vis-à-vis des mentale. » Il nous indique un jets pour la rentrée. anciens qui nous regardent de la- cap, que nous nous fixons en Frédéric Winkler intervint haut. Il donna la parole à Jean- toute humilité. énergiquement pour rappeler les Philippe Chauvin qui rappela briè- Nous sollicitons à nouveau raisons de militer, pour vivre de- vement le rôle de l'AF en 1968 et vos critiques : que vous soyez bout, sortir de l'esprit de bou- sa participation dans la riposte déçu ou enthousiasmé, écri- tique et travailler dans l'union, tout en critiquant les fondements vez-nous pour nous faire part pour le roi ; cela seul importe. du régime gaullien. de vos réactions. Vous nous ai- Il signala brièvement par un cour- Le banquet se termina avec derez à appréhender les at- rier du Prince les encouragements les résolutions à venir, la volonté tentes d'un lectorat dont l'élar- de celui-ci pour l'organisation des de diffuser les idées dans la rue gissement est une nécessité vi- banquets et la commémoration par la vente du journal et la dé- tale, en dépit des vicissitudes du mois de mars en souvenir finition des actions à entre- de la presse. Nous vous encou- d'Henri IV. persécutions de la couronne Ha- Amérindiens, de la reconnais- prendre... Retroussons les rageons à prendre la plume, La réaction irlandaise contre novrienne usurpatrice. La victoire sance de ceux-ci comme sujets manches ! ou bien à saisir votre souris l'Europe mercantile permit à Fré- de Fontenoy fut obtenue grâce du roi de France par un édit de pour discuter en ligne avec des déric d'évoquer "l'Auld alliance" aux Irlandais, au cri de « Cuimh- Richelieu, de la vie dure des Vive les Camelots du Roi... Ce rédacteurs du journal, qui sont historique écossaise, six siècles nigi ar Luimneach agus ar feall "Compagnies franches de la Ma- sont des gens qui s'foutent... nombreux à arpenter le d'alliance entre frères français et na Sasanach » (Souvenez vous de rine" vivant avec les tribus et ter- forum Vive le Roy écossais, l'entrée de Jeanne d'Arc Limerick et de la perfidie des rassant les Britanniques à - 40 de- VAILLANT (http://forum.royaliste.org/). Grâce aux contributions de Jean-Philippe Chauvin, la sor- tie d'un nouveau numéro de REPRISE DES PERMANENCES L'AF donne régulièrement pré- NOUS AVONS texte à des discussions. La BESOIN dernière livraison a manifeste- DE VOTRE AIDE ment séduit Mlle Pad – que débats et discussions le nous avons le plaisir de comp- ter parmi nos jeunes collabo- vendredi 5 septembre rateurs : « C'est à ce jour le meilleur numéro de L'Action Française 2000 que j'ai pu à partir lire !» C'est un commentaire qui nous a beaucoup touchés, de 18 h 30 même si nous nous garderons Participez d'exagérer la portée des ap- à la souscription ! probations qu'ils a suscitées. dans nos locaux D'ailleurs, d'autres n'ont pas VOIR PAGE 3 caché leur scepticisme – tel Franc qui juge le journal « in- sipide » - ; hélas, ils se mon- trent généralement moins pro- lixes : c'est pour nous particu- lièrement frustrant ! Les attentes des uns ne sont pas forcément celles des autres, mais l'avis des "râleurs" nous importe autant – sinon plus ! – que celui des lecteurs les plus satisfaits. Nous guetterons vos lettres ! ■

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PROCHAIN NUMÉRO de L’Action Française 2000 : jeudi 31 juillet 2008

L’Action Française 2000 n° 2752 – du 17 au 30 juillet 2008 15 ❚ ÉCONOMIE

ongtemps relégués au rang des questions d'intendance, ■ BUDGET Lla dette et les déficits pu- blics constituent aujourd'hui un enjeu stratégique pour tout gou- L'impossible équation des déficits vernement. En témoigne le ré- cent Livre blanc sur la défense L'endettement de l'État réduit cruellement les marges de manœuvre politiques. qui, sous couvert de modernisa- tion, est en réalité un vaste plan Nicolas Sarkozy semble être pris au piège et a échoué sur la question fiscale. de rigueur appliqué sans ména- gement à notre outil militaire. tat. Mais, en lieu et place de lement la volonté de tous les gou- hérente du système fiscal n’a été Ainsi, les marges de manœuvre l'amélioration promise, c'est plu- vernements de droite depuis 2002 proposée. Tout au contraire, la financières semblent plus que ja- tôt une violente dégradation qui de baisser les impôts. multiplication des exonérations mais peser sur les choix politiques. déferle actuellement sur les et des abattements a créé quan- comptes publics. Alors que cer- Clientélisme tité de niches et favorisé les stra- Impossible tains entrevoyaient, il y a quatre tégies personnelles. Les faits par- stabilisation ans, un retour à l'équilibre bud- Ce qui pouvait apparaître jus- lent d’eux-mêmes : la baisse gétaire pour la période 2008- tifié dans son principe – réduire désordonnée des impôts n’a pas Alors que Nicolas Sakorzy se 2009, le ministre du Budget, Éric les prélèvements fiscaux afin de eu d’effet marquant sur la re- voulait être le président de la vo- Woerth, a peiné à expliquer, le favoriser l'investissement, l'em- lance de l’économie et met en lonté, il apparaît plutôt comme 9 juillet, devant la commission ploi et la consommation – se ré- danger les déjà fragiles finances celui du renoncement et des éco- des deux assemblées, comment vèle être un échec total dans son de l’État. nomies à la petite semaine. Est- il comptait s'y prendre pour réa- Les faibles marges de manœuvre application. En effet, la plupart il entièrement fautif ? Pour sa dé- liser son objectif de réduction de financières pèsent plus que jamais de ces baisses ont été accordées Politique charge, il doit composer avec une 10 milliards du déficit public d'ici sur les choix politiques. en vertu d'un clientélisme des malheureuse dette publique vieille de vingt 2009. Les nouvelles perspectives plus opaque : bouclier fiscal, al- ans et qui a, selon l'INSEE, atteint sont telles que plus personne les recettes de l'État, reste lar- légements de charge pour les bas Cette politique malheureuse au premier trimestre 2008 une n'ose parler d'une stabilisation gement inexploré et est mani- salaires et sur les heures supplé- nous rappelle que les finances pu- somme équivalente à 65,3 % du avant 2012. festement tout aussi accidenté. mentaires pour les entreprises, bliques ne peuvent se penser que PIB, proportion qui place la En effet, depuis une décennie, réforme laborieuse de l’impôt sur sur le long terme et en tenant France parmi les pays occiden- Esclave de la dette les rentrées fiscales ne cessent le revenu… Il s’agit également compte des cycles économiques. taux les plus endettés. De plus, de diminuer et compliquent sin- d’une multitude de dispositifs Ainsi, le gouvernement socialiste la crise financière provoque une Pourquoi notre pays est-il tou- gulièrement l'équation budgétaire. sectoriels coûteux et dont l’im- de Lionel Jospin n’a pas profité, augmentation de la charge de la jours esclave de sa dette ? L'at- Pour la seule année 2008, il est pact macro-économique reste à à la fin des années 90, d’une crois- dette qui devrait s'alourdir de 2 tention s'est focalisée sur les dif- attendu 3 et 5 milliards d'euros démontrer. Il en est ainsi pour le sance exceptionnelle qui a généré milliards d'euros pour l'ensemble férentes mesures du gouverne- de moins value de recettes fis- projet concernant la TVA à taux une plus value fiscale historique de cette année. ment Fillon visant à réduire les cales (1,5 à 3 milliards pour l'im- réduit pour la restauration qui re- pour réduire les déficits. Mais, Pourtant, depuis son passage dépenses, comme la réforme des pôt sur les sociétés et 1,5 à 2 pour présenterait une ponction sup- gouverner sur le temps long à Bercy en 2005, Sakorzy n'a eu régimes spéciaux de retraite ou l'impôt sur le revenu). À l'origine plémentaire de 2 à 3 milliards sur terme, la démocratie d’opinion de cesse de répéter que l'un de la réduction des effectifs de la de ce manque à gagner, on re- les recettes de l’État s’il était en est bien incapable. ses objectifs prioritaires est l’as- fonction publique. Mais l'autre trouve pour partie la médiocre mis en œuvre. Au total, de Chi- sainissement des finances de l'É- versant du problème, c'est-à-dire conjoncture actuelle, mais éga- rac à Sarkozy aucune réforme co- PATRICE MALLET

ette année-là, la quarante- deuxième de son règne, ■ CETTE ANNÉE-LÀ CLouis XV, quarante-sept ans, se trouvait face à une situation fort complexe. Depuis déjà un an 1757 : Anarchie parlementaire la guerre menée contre l'Angle- terre et contre la Prusse, dite guerre de Sept ans, en dépit d'un Le 5 janvier, vers cinq heures de l'après-midi, un inconnu bouscule les gardes du château commencement victorieux en de Versailles et se rue sur Louis XV, lui assénant un coup de couteau... Méditerranée, entretenait dans le royaume une mauvaise agita- pauvreté... Le 5 janvier 1757, pro- mais on apprit peu à peu qu'an- pêle-mêle les Anglais, les jésuites, cès : ce sont les propos de ces tion des esprits. fitant de la grande liberté dont cien apprenti serrurier, puis la- les jansénistes, les parlemen- messieurs qu'il nomme, qui ont Le conflit avec les parlements jouissaient les visiteurs du châ- quais ou coursier chez divers taires, voire le clergé. Dans leur bouleversé sa tête... » (cité par s'était aggravé d'autant plus qu'il teau de Versailles, un inconnu dé- conseillers du Parlement, il avait colère et leur désespoir, beau- Georges Bordonove). avait fallu leur demander d'enre- ambulait depuis le matin dans la coup réclamaient le renvoi de la « Le danger que le roi avait gistrer le prolongement d'impôts cour, faisant mine d'attendre la marquise de Pompadour. couru, dit Jacques Bainville, eut temporaires pour soutenir l'effort sortie du roi comme pour lui re- du moins pour effet d'inspirer la des armées. Les querelles reli- mettre une sollicitation écrite. Une clémence crainte d'un bouleversement en gieuses autour de la bulle Unige- Vers cinq heures de l'après-midi, impossible France. Il y eut de grandes ma- nitus resurgissaient en même quand on approcha le carrosse nifestations de loyalisme. Les dé- temps et le courant janséniste ap- royal, l'homme bouscula les gardes Damiens écrivit une lettre au missions furent reprises. Mais si puyé par bon nombre de parle- et se rua sur le roi, lui assénant roi pour réclamer sa clémence. l'ordre ne fut pas troublé, le mentaires et de "philosophes" en- un coup de couteau, avant de s'im- N'eût été l'effervescence qui, des désordre moral persista. » tretenait un anticléricalisme mi- mobiliser comme terrorisé de son salons, pouvait gagner la rue, En fait Louis XV ne se faisait litant. L'opinion publique, ce propre geste. Louis XV aurait seulement de- plus aucune illusion. Il ne céda « monstre » en train de naître mandé que son agresseur fût em- point sur le cas de Mme de Pom- (pour reprendre l'expression de Un avertissement ? prisonné. Il était naturellement padour, mais il renvoya le garde Bernard Faÿ), semblait se déta- porté à l'indulgence, lui qui avait, des Sceaux, Machault d'Arnouville, cher du clergé et du roi lui-même, « Je suis blessé, dit Louis XV à son mariage, gracié deux cents et le rival de celui-ci, le comte lequel n'avait pas auprès de lui, dont le côté saignait. C'est ce co- condamnés. Mais il ne put cette d'Argenson chargé de la police. comme jadis Louis XIII, un Riche- quin ! Qu'on l'arrête et qu'on ne fois arrêter le cours de la justice Gagné par le désenchantement, lieu pour répondre par une ga- le tue pas ! » En fait, la lame du Louis XV et de ses procédés d'alors parti- inquiet pour son salut éternel, le zette aux calomnies colportées. couteau avait été entravée par culièrement cruels. Le procès s'ou- roi eut beaucoup de mal à trou- Néanmoins, le pouvoir, fin 1756, l'épaisseur des chauds habits d'hi- entendu dans la bouche de ces vrit le 26 janvier : Damiens, qui ver des ministres à la hauteur de s'était montré ferme : un lit de ver et la blessure était légère. derniers des propos nettement ne put s'empêcher d'insulter ses la situation. Il attendit jusqu'en justice avait contraint les parle- Pendant que le chirugien sondait meurtriers à l'égard du roi. De là anciens maîtres siégeant au tri- 1771 pour, avec le chancelier mentaires à voter les impôts, un la plaie et qu'un prêtre était ap- à se croire lui-même investi d'une bunal, ne pouvait qu'être con- Maupeou, mettre un terme à autre lit de justice avait réglé la pelé, l'homme, emmené dans la mission de "justice" il n'y avait damné, pour crime de lèse-ma- l'anarchie parlementaire par une question du refus des sacrements salle des gardes, déclara s'appe- plus qu'un pas. jesté, à la mort sur le bûcher, réforme qui devait sauver la mo- aux mourants soupçonnés de jan- ler Robert-François Damiens et Cependant la nouvelle se ré- après écartèlement de son corps narchie bourbonienne, mais que sénisme. Du coup, cent cinquante être né en 1715 à La Thieuloye, pandit très vite dans Paris et jeta par quatre forts chevaux. Tout Louis XVI ne crut pas devoir main- parlementaires s'étaient mis en près d'Arras. Selon ses dires il ne la consternation. Le petit peuple triste, Louis XV dit peu après : tenir (voir L'AF 2000 du 17 jan- grève, se posant ainsi, eux les pri- voulait pas tuer le roi, seulement versait des larmes sincères et « Sans ces conseillers et ces pré- vier 2008). vilégiés, comme les défenseurs du lui donner un avertissement. On priait dans les églises, mais la ru- sidents, je n'aurais pas été frappé peuple que l'on condamnait à la ne lui trouva pas de complices, meur se mit bien vite à accuser par ce monsieur... Lisez le pro- MICHEL FROMENTOUX

Édité par PRIEP S.A. au capital de 59 880 euros – 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – Imprimerie RPN – 93150 Le Blanc-Mesnil Numéro de commission paritaire 0410I86761 – Directeur de la publication : M.-G. Pujo