Les mutuelles communautaires au Maroc Principales leçons des expériences menées à ce jour

Document préparé par : Adrien Renaud Mars 2006 Consultant – Economiste de la santé Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

AVERTISSEMENT ET REMERCIEMENTS ...... 2 CADRE DE L’ETUDE ...... 3 INTRODUCTION...... 4 1ERE PARTIE : LES MUTUELLES COMMUNAUTAIRES ACTUELLEMENT FONCTIONNELLES...... 5 1. LA MUTUELLE COMMUNAUTAIRE DE ...... 5

1.1. ETAT D’AVANCEMENT DE LA MUTUELLE ...... 5 1.1.1. Contexte ...... 5 1.1.2. Bilan financier ...... 6 1.1.3. Satisfaction des adhérents...... 6 1.2. PERSPECTIVES ...... 7 1.2.1. Atouts...... 7 1.2.2. Contraintes ...... 7 2. PROVINCE D’AZILAL : TABANT...... 8

2.1. ETAT D’AVANCEMENT DE LA MUTUELLE ...... 8 2.1.1. Contexte ...... 8 2.1.2. Bilan financier ...... 9 2.1.3. Satisfaction des adhérents...... 9 2.2. PERSPECTIVES ...... 10 2.2.1. Atouts...... 10 2.2.2. Contraintes ...... 12 3. PROVINCE DE : BAB TAZA, BNI DARKOUL ET ...... 12

3.1. ETAT D’AVANCEMENT DE LA MUTUELLE ...... 12 3.1.1. Contexte ...... 12 3.1.2. Bilan financier ...... 13 3.1.3. Satisfaction des adhérents...... 14 3.2. PERSPECTIVES ...... 14 3.2.1. Atouts...... 14 3.2.2. Contraintes ...... 15 2E PARTIE : LE MUTUELLES COMMUNAUTAIRES EN PROJET...... 16 1. PROVINCE D’AZILAL : AÏT M’HAMMED ET AÏT ABBAS...... 16

1.1. ETAT D’AVANCEMENT ...... 16 1.1.1. Contexte ...... 16 1.1.2. L’offre de santé ...... 17 1.1.3. Démarrage des activités de la mutuelle ...... 17 1.2. PERSPECTIVES ...... 18 1.2.1. Atouts...... 18 1.2.2. Contraintes ...... 18 2. PROVINCE D’EL HAOUZ : VALLEE DE L’OURIKA...... 19

2.1. ETAT D’AVANCEMENT ...... 19 2.1.1. Contexte ...... 19 2.1.2. Offre de soins...... 20 2.1.3. Démarrage des activités de la mutuelle ...... 20 2.1.4. Atouts...... 21 2.1.5. Contraintes ...... 22 3. PROVINCE D’EL HAJEB : SOUK SABT JAHJOUH...... 23

3.1. ETAT D’AVANCEMENT DE LA MISE EN PLACE DE LA MUTUELLE ...... 23 3.1.1. Contexte ...... 23 3.1.2. Offre de santé...... 23 3.1.3. Démarrage des activités de la mutuelle ...... 24 3.2. PERSPECTIVES ...... 24 3.2.1. Atouts...... 24 3.2.2. Contraintes ...... 25 CONCLUSION...... 26

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Avertissement et remerciements Les propos contenus dans ce document reflètent les opinions du consultant, et non une position officielle du bureau du Représentant de l’OMS au Maroc. Je tiens particulièrement à remercier les personnes qui m’ont accompagné lors des missions qui ont servi de base à ce document : Mme Samira Jabal et le Dr Ouanaïm de la Directions des Hôpitaux et des Soins Ambulatoire du Ministère de la Santé, et M. Ahmed Chahir du bureau du Représentant de l’OMS au Maroc.

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Cadre de l’étude Il est encore bien trop tôt, et les expériences de mutuelles sont encore bien trop peu développées pour que l’on dispose du recul nécessaire à une évaluation. Ce document, élaboré par un économiste de la santé dans le cadre d’une consultation avec l’OMS, se propose de rassembler les éléments factuels disponibles sur les expériences menées à ce jour afin d’en tirer les enseignements propices à la poursuite de la réflexion sur le sujet. Il a été élaboré à partir de différentes visites réalisées sur les sites où des mutuelles communautaires sont fonctionnelles ou à l’étude : • Bâb Taza, Bni Salah, Bni Darkoul dans la province de Chefchaouen, où une visite a été effectuée en mars 2006 ; • Zoumi dans la même province de Chefchaouen, où deux visites ont été effectuées en juin et juillet 2005 ; • Tabant, Aït M’hammed et Aït Abbas dans la province d’Azilal, où deux visites ont été effectuées en juillet 2005 et en février 2006 ; • Ourika dans la province d’El Haouz, où une visite a été effectuée en février 2006 ; • Souk Sabt Jahjouh dans la province d’El Hajeb, où une visite a été effectuée en février 2006. Figure 1 : Carte des sites présentés

Carte : A. Renaud

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Introduction Dans le contexte actuel d’intenses réflexions sur le financement de la santé au Maroc, et en particulier avec la mise en place de l’AMO et du RAMED, il est intéressant de se pencher sur tous les mécanismes de financement complémentaires ou alternatifs qui pourraient contribuer à la progression que le Maroc a entamée vers la couverture universelle. L’un des mécanismes utilisés à cette fin dans le monde est la micro-assurance, connue au Maroc sous le nom de mutuelles communautaires de santé. Une mutuelle est un groupe de personnes qui s’organise pour faire face, au moyen de leurs seules cotisations, à un risque qui les menace ainsi que leurs familles. Dans certaines régions, comme en Afrique de l’Ouest, ou encore en Asie du Sud, cet instrument est un mécanisme courant de prépaiement des frais de santé. Au Maroc, quelques expériences ont été mises en place depuis 2002. Ces expériences n’ont pas été initiées dans un cadre unifié, elles ne sont pas menées dans une démarche stratégique de réponse aux besoins des populations en matière de financement de la santé. Il s’agit de tentatives ponctuelles de répondre localement à un besoin qui a principalement trait au médicament. Cependant, les mutuelles communautaires pourraient être un élément de réponse à de nombreuses questions qui se posent dans le cadre de la mise en place de l’AMO et du RAMED. En effet, il est certain qu’au moins de manière temporaire, ces deux mécanismes, qui constituent une avancée indéniable pour le Maroc, n’arriveront toutefois pas, à eux seuls, à la couvrir la totalité de la population marocaine. Il y aura donc un besoin, non encore défini et étudié, de mécanismes alternatifs ou complémentaires. C’est dans ce cadre qu’il est intéressant d’étudier les résultats que les mutuelles communautaires ont pu apporter au Maroc.

Pour chacun des sites étudiés, un tableau de l’état d’avancement a été dressé, et les atouts et contraintes pour le développement de la mutuelle ont été pesés. Une synthèse des enseignements que l’on peut tirer de ces expériences pour le futur des mutuelles communautaires au Maroc est présentée en conclusion. La question que l’on cherchera à se poser pour chacun des sites est la suivante : à quels besoins répondent les mutuelles communautaires au Maroc ?

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1ère Partie : Les mutuelles communautaires actuellement fonctionnelles Des mutuelles communautaires sont fonctionnelles au Maroc dans deux sites situés dans la province de Chefchaouen (Zoumi et Bâb Taza, ce dernier site englobant, comme on va le voir, les sites de Bni Darkoul et Bni Salah), ainsi que dans un site situé dans la province d’Azilal (Tabant). 1. La mutuelle communautaire de Zoumi

1.1. Etat d’avancement de la mutuelle

1.1.1. Contexte La mutuelle communautaire de Zoumi est la première expérience de mutuelles au Maroc. Elle est née d'une demande de la délégation de la santé de la province de Chefchaouen, et d'un constat de l'UNICEF qui voulait lutter contre la mauvaise disponibilité du médicament et favoriser la prise en charge précoce des maladies. Cette mutuelle a vu le jour en 2002, après sensibilisation et évaluation des besoins par un comité local de 25 membres. Les modalités pratiques (cotisation et garantie) ont été fixées après observation pendant 6 mois de la consommation de soins de la population. Elles ont abouti aux modalités suivantes : • Cotisation de 150 DH par famille et par an. • Gratuité pour les adhérents des médicaments prescrits par le médecin du centre de santé, et du transfert vers un hôpital de référence. La première année, la mutuelle a rassemblé 1006 adhérents, ce qui était une belle performance. Ce chiffre a été atteint notamment grâce à une aide de la commune de 99.000 DH, qui a servi à payer les cotisations de 660 ménages pauvres. Cependant, dès l'année suivante, le nombre d'adhérents n'a cessé de décliner, comme le montre le graphique ci- dessous : Figure 2 : Evolution du nombre d'adhérents de la mutuelle

1200 1002 1000

800 667 600 411 335 400

200

0 2002 2003 2004 Juill. 2005

Source : Bureau de la mutuelle de Zoumi Cette baisse tendancielle s’explique par divers facteurs : confusion et changement d'équipe dus aux élections municipales, arrêt des actions de sensibilisation. Il faut noter que le chiffre

Mars 2006 5 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc donné pour 2005 n'est que provisoire, puisqu’il a été calculé à la moitié de l'année. Les responsables ajoutent que ces chiffres ne prennent pas en compte les personnes trop pauvres pour payer la cotisation, mais qui bénéficient tout de même des médicaments gratuits. Il reste que la couverture actuelle est très faible : 335 familles adhèrent, pour une commune qui compte 55200 habitants. De plus, elle est très inégale : Sur les 61 douars que compte la commune, nombreux sont ceux qui ne comptent qu'une ou deux familles adhérentes, et une vingtaine n'en compte aucune. Il apparaît que c'est surtout le centre de Zoumi et quelques douars limitrophes qui ont adhéré en masse. L'instance de décision de la mutuelle est l'Assemblée Générale (AG), à laquelle sont conviés tous les adhérents, ainsi que des observateurs extérieurs qui ne disposent pas du droit de vote. Les AG se tiennent, en temps normal, tous les deux ans. Il y a eu depuis les débuts de la mutuelle deux AG : l'une lors de la création, et l'autre après les élections municipales. Une troisième devrait se tenir au début de l'année 2006. Cette AG élit un bureau de 15 membres. Ce bureau se réunit au moins tous les trois mois. Il a reçu une formation en gestion. Ce sont ses membres qui assurent la gestion quotidienne de la mutuelle, principalement deux d'entre eux qui sont fonctionnaires de la commune. C'est en effet la commune qui héberge le local de l'association.

1.1.2. Bilan financier La mutuelle présente un bilan financier très positif, du moins pour l'année 2004. Cependant, des zones d'ombre subsistent : les comptes sont visiblement difficiles à obtenir pour les années précédentes, en raison du changement d’équipe qui est intervenu suite aux élections en 2004, et de la temporaire cessation des activités qui en a résulté. Tableau 1 : Comptes de la mutuelle communautaire de Zoumi, année 2004 Recettes Total 140.756 DH dont Cotisations des adhérents 77.750 DH Participation de la commune 63.006 DH Dépenses Total 83.700 DH dont Gasoil de l’ambulance 13.700 DH Réparation de l’ambulance du centre de santé 10.000 DH Médicaments (y.c. janvier 2005) 60.157 DH Solde + 57.056 DH Source : Trésorier de la mutuelle communautaire, Zoumi On le voit avec ces chiffres, la mutuelle est largement excédentaire. Sans la dépense exceptionnelle qu’a constitué la réparation de l’ambulance du centre de santé (celle-ci étant en panne, l’ambulance de l’association était réquisitionnée, ce qui gênait le fonctionnement de la mutuelle), la subvention de la commune aurait été inutile pour équilibrer les comptes, et les cotisations des adhérents auraient suffi. Il faut donc en conclure que la cotisation demandée aux adhérents pourrait être baissée, ou que la garantie proposée pourrait être élargie, ce qui aurait, de plus, l’avantage de séduire de nouveaux adhérents.

1.1.3. Satisfaction des adhérents Comme nous le verrons par la suite, il est difficile d’évaluer la satisfaction des adhérents des mutuelles marocaines, puisque le recul nécessaire manque encore. Cependant, le cas de Zoumi, deux facteurs peuvent permettre d’avancer certains éléments : • Une étude a été conduite par le Ministère de la santé à la fin de l’année 2003 ;

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• La mutuelle de Zoumi est plus ancienne que les autres mutuelles marocaines. Si l’évaluation de l’expérience de Zoumi concluait à un niveau de satisfaction élevé (79% se déclarant très satisfaits, 19% se déclarant peu satisfait et 2% se déclarant pas satisfait1), l’évolution ultérieure, notamment celle des adhésion, n’a malheureusement pas permis de confirmer cette tendance. En effet, l’adhésion aux mutuelles communautaires se faisant sur la base du volontariat, elle constitue, à terme, un bon indicateur de la satisfaction des adhérents. Or, en 3 ans, le nombre d’adhérents de la mutuelle de Zoumi a été divisé par 3.

1.2. Perspectives

1.2.1. Atouts L'expérience de mutuelle communautaire à Zoumi est la première expérience de mutuelle communautaire jamais menée au Maroc. Elle a donc joué le rôle d'expérience pilote. Les réussites, mais aussi les difficultés qu'elle a éprouvées, seront donc utilement utilisées, non seulement par l'UNICEF qui a décidé d'étendre l'expérience à 18 autres communes marocaines, mais aussi par les autres structures d'appui, dont l'OMS, qui désirent s'engager plus avant dans le domaine des mutuelles communautaires. D'autre part, la mutuelle a permis de changer la nature du dialogue entre les autorités et la population. Il est vrai qu'avant le projet, une grande méfiance semblait régner de la part des habitants envers l'administration, qu'elle soit provinciale ou nationale. De plus, il faut noter que la fréquentation du centre de santé, depuis la création de la mutuelle, a augmenté, le nombre d'actes pratiqués est en hausse : l’évaluation conduite en 2003 montrait par exemple que le taux global d’utilisation de la consultation médicale est passé de 0,17 à 0,26 contact par an entre 2001 et 2003. Il semble donc, même si le lien de causalité entre la mutuelle et l'augmentation de la couverture reste à prouver, qu'une meilleure utilisation des services de santé prévale depuis la création de la mutuelle.

1.2.2. Contraintes Le principal problème que semble rencontrer la mutuelle est celui de la baisse du nombre de ses adhérents : aujourd'hui, avec une moyenne de 6 personnes par foyer, environ 2000 personnes sont couvertes par la mutuelle, ce qui représente 3,5% de la population de la commune. La manière de remédier à ce problème serait de changer la manière dont est vue la sensibilisation par les responsables de l’association ; en effet, si une action de sensibilisation ponctuelle a été effectuée au cours de l'année 2004, la dernière campagne massive remonte à la création de la mutuelle. Malheureusement, une campagne de sensibilisation prévue pour le mois d'octobre et une autre pour le mois d'août ont été reportées au début de l'année 2006, après le renouvellement du bureau de l'association. Un autre problème semble se poser : les membres du bureau ne connaissent pas véritablement leurs adhérents. En effet, il leur est impossible, par exemple, de donner le nombre exact de personnes bénéficiant actuellement de la couverture maladie : bien qu'ils sachent le nombres de personnes cotisantes, ils ne tiennent pas un décompte du nombre de personnes inscrites sur la carte. Il est alors impossible, à l'heure actuelle, de connaître des indicateurs qui pourraient être utiles à l'amélioration de la qualité du service rendu par la mutuelle : qui sont les adhérents (sexe, âge), qui sont ceux qui utilisent leur carte de manière intensive, qui sont ceux qui ne l'utilisent pas, pour quels types de services cette carte est-elle utilisée, combien de

1 Chiffres issus d’un échantillon de 141 adhérents de la mutuelle.

Mars 2006 7 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc recours au service de la mutuelle y a-t-il en moyenne par adhérent… Un tel suivi de la prestation permettrait de mieux connaître les adhérents, leurs pratiques, leurs attentes, et de réfléchir aux manières d'améliorer l'efficience du service. Ce suivi est d'autant plus nécessaire qu'il est relativement simple à effectuer : le nombre des adhérents étant à l'heure actuelle relativement faible, et la garantie proposée étant relativement simple, la mise à jour des fichiers ne représente pas une charge de travail énorme. Le problème des systèmes d’information se pose, comme on le verra par la suite, dans les autres mutuelles marocaines, et devra être l’un des éléments centraux d’une éventuelle expérimentation à plus grande échelle des mutuelles communautaires, afin de permettre de dégager des éléments factuels solides et de dégager un modèle. Il faut également signaler le climat délétère qui semble régner entre les différents acteurs du secteur de la santé dans la commune, notamment lorsque les pharmaciens sont concernés. Les trois pharmaciens exerçant dans la commune se sont organisés pour assurer la fourniture des médicaments aux adhérents de la mutuelle à tour de rôle, chaque mois. Mais l'un d'entre eux estime que ce partenariat est faussé, et il accuse le médecin-chef de favoriser l'un de ses concurrents, en prescrivant des ordonnances plus fournies lorsque c'est le tour de garde de celui-ci. Après avoir porté deux plaintes contre le concurrent incriminé, il a décidé de quitter le partenariat avec la mutuelle. Ces accusations, si elles s'avèrent fondées, sont très graves en elles-mêmes. Mais même si elles sont infondées, elles ont déjà pour conséquence une forte perte de crédibilité des services de santé auprès de la population, et la mutuelle, qui nie le problème, en est fortement affectée : il n'est pas exclu que la baisse du nombre des adhérents soit en partie due à ce climat de suspicion entre les différents acteurs du secteur de la santé à Zoumi. 2. Province d’Azilal : Tabant

2.1. Etat d’avancement de la mutuelle

2.1.1. Contexte La mutuelle de Tabant a débuté ses activités depuis le mois d’avril 2005. Elle a été créée dans le cadre du programme des Besoins Essentiels de Développement (BED) mené par le Ministère de la Santé, qui se donne pour objectif d’améliorer l’état de santé des populations en améliorant la qualité de vie des populations, et donc en jouant sur les déterminants sociaux de la santé. Comme dans la province de Zoumi, la mutuelle est donc une initiative des autorités, et non une initiative des populations. La mutuelle a été lancée après la réunion d’une assemblée générale, où deux personnes par douar étaient représentées. Cette assemblée a élu un bureau de 13 personnes, auquel le médecin et le pharmacien étaient associés, sans en faire formellement partie. Des séances de sensibilisation ont été menées par les représentants à partir du mois d’octobre 2004 dans chaque douar. En janvier 2005, les cotisations ont commencé à être récoltées, et le service a commencé à fonctionner le 20 avril 2005. La cotisation est fixée à 200 DH par famille et par an. La garantie comprend, comme demandé par les autorités lors de la réunion où elles avaient incité les habitants de Tabant à se doter d’une mutuelle communautaire, les médicaments non fournis par le centre de santé ainsi que les transferts en ambulance jusqu’à l’hôpital de Chefchaouen. On peut dès à présent noter que, tout comme pour le cas de la mutuelle de Zoumi, le contenu de la garantie n’a pas fait l’objet d’une réelle participation communautaire. La mutuelle compte aujourd’hui 478 adhérents, ce qui représente environ un quart des ménages de la commune.

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2.1.2. Bilan financier Les comptes de la mutuelle de Tabant depuis sa création sont synthétisés dans le tableau ci- dessous. Tableau 2 : Comptes de la mutuelle de Tabant depuis avril 2005 Mois Avr. Mai Juin Juill. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Total Nb. de pers. ayant utilisé 17 60 74 79 66 21 22 33 41 413 la mutuelle Montant de médicaments 630 2263 2429 3168 2498,6 1122 875,9 1220 1276 15482,5 remboursés (DH) Montant des transferts 200 1140 1250 0 450 0 200 600 800 4640 remboursés (DH) Total des coûts de la 830 3403 3679 3168 2948,6 1122 1075,9 1820 2076 20122,5 mutuelle Source : Rapport annuel de la mutuelle de Tabant, décembre 2005 La mutuelle a donc permis de prépayer un peu plus de 20.000 DH, ce qui donne une consommation moyenne, en excluant le mois d’avril qui a été tronqué, de 2411 DH par mois. En extrapolant ce chiffre jusqu’au mois d’avril, on peut estimer que les coûts annuels de la mutuelle pour sa première année de fonctionnement seront d’environ 29.000 DH. La sécurité financière de la mutuelle est donc plus qu’assurée, puisque avec 478 cotisations à 200 DH, les recettes de la mutuelle se sont cette année élevées à 95.600 DH, soit plus de 3 fois le montant des dépenses estimées. Il faut cependant préciser que ces calculs sont des approximations, car il se peut qu’un changement de comportement intervienne chez les adhérents au printemps. D’autre part, les coûts exacts des transferts n’ont pu être mentionnés (ils sont probablement surestimés dans les calculs ci-dessus), et les frais divers (papiers, impression…) n’ont pas été pris en compte. Cependant, le rapport de 1 à 3 entre les dépenses et les recettes semble être vraisemblable.

2.1.3. Satisfaction des adhérents Il n’a pour l’instant bien entendu pas été procédé à une évaluation quantitative de la satisfaction des adhérents. Il est en effet encore trop tôt pour procéder à une telle étude, et une évaluation de la mutuelle est programmée pour la fin de l’année. Cependant, il est possible de se faire une idée de cette satisfaction d’après les entretiens menés avec le personnel de santé, ainsi qu’avec les responsables de la mutuelle. Tout d’abord, le taux d’utilisation de la carte n’est pas très élevé : compte tenu du mode de collecte des informations par la mutuelle, il n’est pas possible de recueillir le nombre de cartes non-utilisées, mais on peut estimer que parmi les 413 remboursements de médicaments, nombreux sont ceux qui concernent la même carte, voire la même personne. Enfin, les transferts vers l’hôpital d’Azilal n’ont pas été nombreux (moins de 25), alors qu’ils constituent le point le plus attractif de la mutuelle (un transfert en ambulance coûte en effet 250 DH, soit 50 DH de plus que le prix de la cotisation).

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Le sentiment général qui prédomine est l’inquiétude quant au renouvellement des adhésions après la première année d’exercice. En effet, les personnes ne bénéficiant pas de la mutuelle semblent considérer que leur cotisation a été perdue. Ceux qui ont bénéficié du remboursement des médicaments considèrent souvent que l’ordonnance remboursée n’était pas assez chère pour amortir le prix de la cotisation. De nombreux adhérents se sont présentés au centre de santé, ont reçu des médicaments gratuits, et aucune ordonnance (le centre de santé de Tabant est en effet particulièrement bien doté en médicaments), et considèrent donc leur cotisation comme inutile. Outre les problèmes de définition du panier de soins garanti par la mutuelle, ceci pose donc la question des attentes qu’avaient les adhérents en entrant dans la mutuelle : la déception relevée est certainement symptomatique d’une sensibilisation qui n’a pas bien su expliquer les fonctions d’une mutuelle communautaire. Une vaste campagne de sensibilisation avait été menée aux débuts de la mutuelle. Elle avait amené la quasi-totalité des adhérents. En effet, la sensibilisation est vue par les responsables de la mutuelle comme une action ponctuelle et non comme un processus continu à activer en permanence. Le personnel du centre de santé estime être le seul à mener une sensibilisation continue auprès des patients qui se présentent. Les responsables de la mutuelle, sur le conseil du personnel du centre de santé, comptent sur un mécanisme particulier pour attirer de nouveaux adhérents : ils proposent aux patients devant être transférés à l’hôpital provincial d’Azilal de payer leur transfert au prix de 250 DH, au lieu des 200 DH habituels. Pour ce surplus de 50 DH, ils obtiennent une carte d’adhérent à la mutuelle..

2.2. Perspectives

2.2.1. Atouts La mutuelle a bien démarré. En 10 mois d’exercice, elle a réussi à faire adhérer environ un quart de la population, et elle a réussi à roder des procédures qui lui permettent de fonctionner en routine. Elle pourra servir d’exemple aux mutuelles qui vont être crées sous peu dans la province. Elle a d’ailleurs déjà reçu la visite d’une équipe de la province de Chichaoua, où un programme de création de mutuelles communautaires est en cours. La mutuelle de Tabant bénéficie d’autre part de soutiens de la part de la commune, qui met à sa disposition l’une de ses fonctionnaires pour assurer la réception des adhérents, pour viser les ordonnances… Elle bénéficie également du soutien de la délégation provinciale de la santé, ainsi que de deux organismes internationaux : l’OMS et le FNUAP. Il faut ajouter à cela que la qualité des soins dispensés au centre de santé a grandement été améliorée au cours de l’année écoulée, avec une amélioration sensible des indicateurs de couverture et de fréquentation. La mutuelle n’est bien entendu pas la seule cause de cette amélioration, et les données sont beaucoup trop éparses pour permettre de définir quel rôle exact elle a pu y jouer. Cette amélioration est grandement due aux programmes BED et BAJ, à travers lesquels ont pu être réalisées la réfection du centre de santé et sa dotation remarquable en médicaments. Elle ne peut qu’avoir un effet positif sur l’état de santé des populations. C’est donc en gardant à l’esprit ces limites qu’il faut analyser les quelques indicateurs présentés dans le tableau ci-dessous.

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Tableau 3 : Indicateurs de couverture dans la circonscription sanitaire de Tabant (Valeurs provinciales entre parenthèses) Indicateur 2004 2005 Taux de variation Taux de couverture 28,4 68,0 +139% vaccinale (0-11 mois) (51,7) (51,0) (-1%) % accouchements en 2,6 7,9 +204% milieu surveillé (16,5) (18,2) (+10%) Taux de nouvelles 28,7 42,5 +48% consultations (71,5) (63,7) (-11%) (paramédical) Taux de nouvelles 9,9 26,0 +163% consultations (médical) (46,8) (41,4) (-12%) Source : délégation de la santé, province d’Azilal Même si la mutuelle n’est pas entièrement la seule cause de cette progression des indicateurs de santé, il faut noter que cette dernière est un indicateur d’une amélioration de la qualité des soins, telle qu’elle est perçue par la population, ce qui est un atout pour la mutuelle, puisque les patients hésiteront moins à aller consulter dans un centre de santé où les soins sont d’une qualité supérieure, et ils trouveront donc une utilité plus grande à l’adhésion à la mutuelle. Il faut cependant noter que la grande disponibilité en médicaments au centre de santé, principal déterminant de la qualité perçue des soins, est aussi un facteur limitant l’attractivité de l’adhésion à la mutuelle : il n’est pas rare qu’un adhérent ressorte d’une consultation sans ordonnance pour la pharmacie, puisque les médicaments nécessaires lui ont été fournis par le centre de santé. Un autre grand atout dont dispose la mutuelle est sa sécurité financière. On a vu que les cotisations récoltées au cours de l’année représentent environ le triple des dépenses auxquelles peut s’attendre la mutuelle compte tenu de la garantie proposée. Ceci n’est d’ailleurs certainement pas étranger au sentiment général qui prévaut parmi la population : l’adhésion à la mutuelle ne représente pas des avantages assez importants. Mais cela signifie avant tout que d’importantes marges de manœuvres existent pour l’extension de la garantie à d’autres soins. Une telle extension aurait le double mérite de renforcer l’attractivité de la mutuelle et donc le nombre des adhérents, tout en faisant accéder à une grande partie de la population à des soins auxquels elle n’a pas accès pour l’instant. Les responsables de la mutuelle, ainsi que les responsables de la délégation provinciale de la santé, étudient d’ailleurs la possibilité d’étendre la garantie à d’autres services. Ils sont en effet conscients du manque d’attractivité que présente à l’heure actuelle la garantie telle qu’en bénéficient les adhérents. Ils envisagent de couvrir certains soins hospitaliers, ou bien des examens permettant d’aider au diagnostic (radiologie, laboratoires d’analyses médicales…). Afin de mettre cette stratégie en œuvre, une option est envisagée par ces mêmes responsables : la création d’une fédération entre les associations des quatre communes2 de la province qui pourraient, à terme, disposer d’une mutuelle communautaire. Ceci pourrait permettre d’augmenter le nombre d’adhérents et donc de les faire bénéficier d’une garantie plus étendue. Ceci ne pourra cependant être envisagé qu’une fois que la mutuelle de Tabant

2 Comme on le verra plus bas, Aït Abbas, Aït Boualli et Aït M’hammed envisagent de se doter de mutuelles communautaires.

Mars 2006 11 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc sera arrivée à pleine maturité, et que les mutuelles des trois autres communes auront démarré leurs activités.

2.2.2. Contraintes En plus du problème de manque d’attractivité de la garantie qui vient d’être présenté, trois problèmes principaux se posent à la mutuelle communautaire de Tabant : la disponibilité des médicaments au dépôt pharmaceutique, la sensibilisation, et l’existence, parmi la population, d’un courant « anti-mutuelle », auquel quelques membres de la commune ne sont pas étrangers. Des problèmes de rupture de stock de certains médicaments au dépôt pharmaceutique privé de Tabant, partenaire principal de la mutuelle, ont été rapportés. Ces problèmes sont très inquiétants, puisque avec le transfert en ambulance à l’hôpital d’Azilal, les médicaments fournis par le dépôt pharmaceutique sont l’unique garantie offerte par la mutuelle. Après investigation auprès du propriétaire du dépôt pharmaceutique, il s’est avéré que ces ruptures ne concernaient que des médicaments ne figurant pas sur la liste des médicaments que la mutuelle doit rembourser. Ceci trahit un important problème concernant l’application des conventions signées par la mutuelle : il est important pour éviter les risques de dérives, que les conventions soient appliquées à la lettre. Si ces dernières posent des difficultés, il est urgent de les rediscuter, et donc, dans ce cas, de définir une nouvelle liste de médicaments à laquelle toutes les parties prenantes doivent se tenir. Le problème de la sensibilisation est celui qui semble poser la menace la plus immédiate pour la mutuelle. En effet, dans deux mois, les cartes d’adhérents qui ont été délivrées au début de l’activité de la mutuelle arriveront à échéance, et il faudra donc convaincre les mutualistes de renouveler leur adhésion. Or il n’existe pour l’instant pas de réelle stratégie de sensibilisation, les relais dont dispose la mutuelle (deux personnes par douar) n’ont jamais été réunis, et aucune campagne de sensibilisation n’est pour l’instant programmée. La sensibilisation de la part de l’association se fait auprès des personnes venant au centre de santé, ce qui a pour effet pervers de ne recruter que des personnes ayant de forte chances de tomber malades, et donc de limiter la diversification des risques. Le personnel du centre de santé, qui a le sentiment d’être le seul acteur à faire des efforts pour la sensibilisation, craint que le taux de renouvellement des adhésions soit très faible. Le troisième problème est d’ordre politique. Il est ressorti des entretiens menés avec les responsables de la mutuelle, ainsi qu’avec les responsables du centre de santé, que les élus (deux parlementaires et les élus de la commune) ne sont pas très favorables à la mutuelle, car ils y voient une initiative dont les bénéfices politiques leur échappent. Il existe donc un courant anti-mutuelle dans la population, si bien que certaines localités entièrement acquises aux élus de la commune n’ont aucun adhérent à la mutuelle ! Ce problème politique pourrait être l’un des principaux obstacles à une sensibilisation de grande ampleur. 3. Province de Chefchaouen : Bâb Taza, Bni Darkoul et Bni Salah

3.1. Etat d’avancement de la mutuelle

3.1.1. Contexte L’idée d’une mutuelle communautaire sur les trois communes de Bâb Taza, Bni Darkoul et Bni Salah est née d’une visite organisée en décembre 2002 par les responsables de la province

Mars 2006 12 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc administrative de Chefchaouen sur le site de la mutuelle de Zoumi, dans le but de faire partager cette expérience pilote qui donnait, à l’époque, de bon résultats. Les mutuelles communautaires de ces trois communes s’inscrivent donc dans la continuité de l’expérience soutenue par l’UNICEF. L’expérience de Bâb Taza, Bni Darkoul et Bni Salah revêt d’emblée un caractère particulier, puisqu’elle est une fédération de trois associations qui mettent en commun leur ressource. On est donc d’emblée dans un niveau de complexité supérieur à celui des autres expériences marocaines. Les trois communes totalisent une population de près de 50.000 habitants, soit un peu moins de 8.000 ménages. 886 ménages adhèrent actuellement à la mutuelle. Ils sont répartis comme suit : Tableau 4 : Répartition des adhérents des mutuelles de Bâb Taza, Bni Darkoul et Bni Salah Commune Bâb Taza Bni Darkoul Bni Salah Total Nb. foyers 484 249 153 886 Bénéficiaires 4544 1888 1384 7816 Tx d’adhésion 11% 13% 11% 11% Source : Association de la mutuelle de Bâb Taza Pour ce qui est de l’offre de soins, la commune de Bâb Taza dispose d’un hôpital local et de deux pharmacies. Les communes de Bni Darkoul et Bni Salah disposent chacune d’un centre de santé, mais n’ont pas de pharmacie. Ils doivent parcourir en général 35 km pour accéder à la pharmacie la plus proche. Chacune des communes dispose d’une ambulance. Les paramètres techniques ont été fixés après une étude faite par le médecin-chef de l’hôpital local pendant 6 mois. A la demande des futures adhérents, la garantie mise en place dans les autres mutuelles marocaines, qui comprend les médicaments non-fournis par le centre de santé et les transferts en ambulance à l’hôpital de référence, a également inclus les médicaments pour le traitement de deux maladies chroniques, le diabète et de l’hypertension artérielle, moyennant une cotisation de 200 DH, et non 150 comme initialement prévu. Cette mutuelle communautaire est la seule au Maroc à rembourser ce type de soins.

3.1.2. Bilan financier Comme le montre le tableau ci-dessous, les mutuelles de Bâb Taza, Bni Darkoul et Bni Salah sont en large excédent financier.

Mars 2006 13 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

Tableau 5 : Bilan financier des trois de Bâb Taza, Bni Darkoul et Bni Salah3 Commune Bâb Taza Bni Darkoul Bni Salah Total Dépenses 17823 12964 11046 41833 Recettes 92767 47725 29325 169817 Solde 74944 34761 18279 127984 Rapport 5,2 3,7 2,7 4,1 dépenses/recettes Source : association de la mutuelle de Bâb Taza Les chiffres cités dans la ligne « bénéfice » sont la partie des cotisations qui n’a pas été utilisée, en part des dépenses. Par exemple, à Bâb Taza, pour un dirham dépensé, 3,2 dirhams sont restés dans les caisses de l’association. Ceci signifie que, au niveau de l’ensemble des trois communes, si la cotisation avait été trois fois moindre (ou la garantie proposée trois fois plus élevée), l’équilibre financier aurait été assuré. Après avoir constitué des réserves pendant cette première année d’exercice, il est donc temps pour cette mutuelle de passer à une échelle supérieure dans la définition de la garantie. La lecture de ce tableau permet également un autre commentaire : pour l’instant, les trois associations communales sont en excédent, mais si la garantie était améliorée, il se pourrait que certaines communes soient en déficit. Il est donc important de trouver des mécanismes de péréquation, ou de fusionner les comptes des trois associations, ce qui n’est pour l’instant pas fait.

3.1.3. Satisfaction des adhérents L’échéance de renouvellement des cotisations est imminente pour cette mutuelle, où la majorité des adhérents a pris sa carte en mars 2005. Elle va constituer le véritable test de la satisfaction des adhérents, qui ne renouvelleront leur adhésion que si ils s’estiment satisfaits du service qui leur a été délivrée au cours de l’année. Aucun autre indicateur fiable n’est disponible pour l’instant pour rendre compte de leur satisfaction. Au cours de l’année, plusieurs sorties de sensibilisation ont été effectuées, afin de toucher de nouveaux adhérents. Mais début mars 2006, aucun plan de sensibilisation n’était établi pour cette échéance particulière qu’est la fin de la première année d’exercice. Cependant, une réunion était prévue dans de brefs délais pour sa préparation. Les responsables de l’association sont conscients du manque de sensibilisation, et sont ouverts à différentes propositions. Ils vont par exemple étudier la possibilité d’utiliser des représentants de la mutuelle dans chaque localité, chargés d’une sensibilisation au quotidien, que viendraient compléter des campagnes ponctuelles.

3.2. Perspectives

3.2.1. Atouts Parmi les trois mutuelles fonctionnelles au Maroc, celle de Bâb Taza, Bni Salah et Bni Darkoul semble être la plus en passe de réussir à influer de manière réelle sur la protection financière des populations visées. En effet, l’équipe semble dynamique et motivée, et les

3 Les chiffres disponibles concernant les dépenses s’arrêtaient à la mi-février, il a donc été procédé à une extrapolation pour obtenir des chiffres comparables aux recettes, qui sont annuelles.

Mars 2006 14 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc services de santé sont disponibles, avec un médecin-chef de l’hôpital local attentif aux questions de systèmes d’information. D’autre part, la structure de cette mutuelle est en elle-même un atout. En effet, de par la taille de sa population-cible (50.000 habitants), cette fédération de trois mutuelles peut espérer atteindre la taille critique qui lui permettrait de proposer, à coût réduit, une garantie étendue. D’autre part, sa structure en trois entités fédérées permet, malgré cette taille importante de la population ciblée, de conserver une certaine proximité avec les adhérents qui est l’un des gages de succès d’une telle entreprise. Enfin, la mutuelle bénéficie du fort soutien de l’ASBI (Association des Services de Bases Intégrés), basée à Chefchaouen, et de la délégation provinciale du ministère de la santé. Elle est également épaulée par l’UNICEF, par la province de Chefchaouen et surtout par les communes dans lesquelles elle est implantée. En effet, ces dernières mettent à disposition du personnel (un chauffeur, quelques fonctionnaires qui passent une partie de leur temps à la mutuelle…), paient les factures d’au et d’électricité, l’entretien de l’ambulance... C’est l’une d’entre elles qui ont mis le local qu’utilise l’association à disposition (un ancien local des PTT). D’autre part, elles envisagent d’accorder une subvention de 5.000 DH à chacune des associations. Il convient de noter que ces investissements doivent être pris en compte dans le bilan de la mutuelle, car sans eux, la viabilité des mutuelles serait plus délicate.

3.2.2. Contraintes Malgré cet optimisme, certains problèmes restent à régler. Le premier d’entre eux semble être la formalisation des relations entre les différents acteurs. En effet, aucune convention n’a pour l’instant été signée avec les communes, avec les pharmaciens… Ceci a permis une grande liberté dans les premiers temps de la mutuelle, mais pourrait poser problème avec son développement futur. D’autre part, les relations entre les associations communales et l’association fédérale ne semblent pas être bien clarifiées. Du moins, il semblerait que les statuts ne soient pas appliqués à la lettre. Par exemple, ces derniers prévoient que les ressources des trois associations sont regroupées en un seul compte, ce qui n’est pas le cas. La circulation de l’information, par exemple pour l’élaboration des comptes annuels, ne semble pas non plus être très fluide. Une autre contrainte réside dans l’absence de pharmacie à Bni Darkoul et Bni Salah. Pour la première de ces deux communes, le problème va être réglé, avec l’installation prochaine d’un pharmacien. Par contre, pour l’instant, aucun pharmacien n’a prévu de s’installer à Bni Salah. Ceci pose un problème, car cela augmente grandement le coût des médicaments : si une personne doit venir de Bni Salah à Bâb Taza pour chercher des médicaments, le prix du transport et de la nourriture sur place lui coûtent environ 100DH, soit la moitié de la cotisation familiale ! Il serait donc judicieux de créer un dépôt pharmaceutique dans cette commune, ce qui nécessite l’autorisation du gouverneur. L’un des pharmaciens de la commune est d’ores et déjà prêt à en assurer le fonctionnement. Le problème principal réside dans les excédents trop importants dégagés par la mutuelle. En effet, ceux-ci sont le symptôme d’une garantie mal calculée, qui n’offre pas assez en échange de la cotisation des adhérents. Ceci pourrait, à long terme, se ressentir fortement sur le taux d’adhésion. Il est donc urgent d’élaborer une stratégie afin de définir quels sont les soins qui peuvent être remboursés en plus du panier de soins actuel. Ceci doit se faire de manière participative, car c’est en prenant le plus possible en compte les préférences des adhérents que l’on pourra élaborer une garantie à laquelle ils adhèrent facilement.

Mars 2006 15 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

2e partie : le mutuelles communautaires en projet Plusieurs mutuelles communautaires sont actuellement en projet sur plusieurs sites au Maroc. Nous présenterons les cas qui ont été visités, c'est-à-dire les sites de Aït M’hammed et Aït Abbas dans la province d’Azilal, d’Ourika dans la province d’El Haouz, et de Souk Sabt Jahjouh dans 1. Province d’Azilal : Aït M’hammed et Aït Abbas

1.1. Etat d’avancement

1.1.1. Contexte La mise en place de mutuelles communautaires dans les communes de Aït M’hammed, Aït Abbas et Aït Boualli est envisagée dans le cadre du programme des Besoins Essentiels de Développement (BED). C’est en effet grâce à ce programme qu’un diagnostic communautaire a été réalisé au cours de l’été 2005 dans ces trois communes. Les résultats de ce diagnostic ne sont pas encore validés, mais ils ont été présentés pour deux des trois communes. Un plan d’action devrait être élaboré au mois de mars au cours d’un atelier qui permettra de valider les actions prioritaires à mener dans ces communes. Dans chacune des deux communes qui nous intéressent ici (Aït M’hammed et Aït Abbas), une association a été créée pour piloter à la fois le programme BED et la mutuelle communautaire. Ces associations n’ont pour l’instant pas de réelle activité, les deux programmes n’ayant réellement démarré dans aucune des deux communes. Les deux communes présentent des caractéristiques différentes en termes de population. La commune de Aït M’hammed compte environ 22.000 habitants répartis en 3200 ménages, ce qui représente plus du double de la population de Aït Abbas (environ 10.000 habitants répartis en 1500 ménages) La commune de Aït M’hammed présente également la particularité d’être très étendue. La dispersion de l’habitat qui en résulte entraîne, comme on va le voir, de nombreux problèmes en matière d’accès aux structures de soins, et pourra être problématique lorsqu’il s’agira d’effectuer des campagnes de sensibilisation. On peut également noter des différences notoires dans l’équipement des ménages. Comme le montre le tableau ci-dessous, bien que les chiffres soient largement inférieurs à la moyenne des communes rurales de la province d’Azilal, la commune de Aït Abbas est moins favorisés que la commune de Aït M’hammed.

Mars 2006 16 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

Tableau 6 : Equipement des logements des communes de Aït Abbas et Aït M’hammed

Commune Cuisine W.C Bain Eau Potable Electricité

Aït Abbas 27,0% 5,8% 3,2% 0,1% 6,3% Aït 50,8% 11,6% 5,2% 9,6% 9,4% M’hammed Moyenne rurale 71,7% 24,2% 34,5% 16,4% 35,3% Province d’Azilal Source : Recensement Général de la Population, 2004. L’extrême dénuement des habitants de la commune d’Aït Abbas laisse prédire de grandes difficultés de mise en place d’une mutuelle, si le diagnostic participatif concluait à la faisabilité du projet.

1.1.2. L’offre de santé Les résultats du diagnostic participatif devraient apporter de précieuses informations quant à la faisabilité des projets de mutuelles communautaires, certains aspects de ce diagnostic ayant été spécialement conçus à cet effet. On peut cependant d’ores et déjà donner quelques éléments de réponse. Tout d’abord, concernant l’offre de santé, les deux sites ne se situent pas sur le même plan. Aït M’hammed dispose d’un centre de santé équipé d’une salle d’accouchement, et un pharmacien est installé dans la commune. En ce qui concerne Aït Abbas, le centre de santé n’a pour l’instant pas de médecin (mais un médecin récemment nommé devrait arriver sous peu). L’élément le plus préoccupant concernant cette commune est l’absence de pharmacie : si il n’existe pas de lieu où acheter les médicaments, l’adhésion à une mutuelle communautaire sur le modèle de celles qui se sont mises en place à Zoumi et Tabant s’avérera très peu attractive, puisqu’elle reposera sur les seuls transferts à l’hôpital d’Azilal. Enfin, aucune des deux communes ne dispose d’une ambulance : celle de Aït M’hammed est en panne, et Aït Abbas n’a pas encore réussi à en obtenir une des partenaires au développement.

1.1.3. Démarrage des activités de la mutuelle Aucun calendrier n’est pour l’instant fixé pour le démarrage des activités de la mutuelle dans les deux communes de Aït M’hammed et Aït Abbas. Tout dépend des résultats du diagnostic participatif, qui ont été présentés tout récemment aux populations, et qui seront validés lors d’un atelier qui sera organisé au mois d’avril 2006. On peut d’ores et déjà avancer, à la lumière des éléments qui ont viennent d’être présentés, qu’une mutuelle dans la commune de Aït Abbas risque d’être difficile à rendre viable, en particulier à cause de la nature de la population, qui est particulièrement pauvre, et de l’absence d’une offre de santé suffisante. Ceci montre donc que les mutuelles communautaires ne sont pas opportunes partout, et qu’il peut y avoir des cas où d’autres interventions doivent avoir lieu en priorité : la cible des mutuelles communautaires n’est en effet pas la partie de la population la plus démunie, mais plutôt la population vulnérable.

Mars 2006 17 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

1.2. Perspectives

1.2.1. Atouts L’un des principaux atouts pour la mise en place de mutuelles communautaires dans ces deux communes est l’existence d’expériences préalables dont elles peuvent s’inspirer. Tout d’abord l’expérience de Zoumi, qui a maintenant 4 ans, mais surtout l’expérience de la commune voisine de Tabant, où une mutuelle a été mise en place depuis le mois d’avril 2005. Les responsables de cette mutuelle, mais aussi les organismes chargés de son encadrement, pourront utiliser cette expérience afin d’éviter les choix ayant pu, par le passé, entraîner des dysfonctionnements. Par exemple, comme on l’a vu plus haut, il s’avère à Tabant que la garantie proposée aux populations ne correspond pas exactement à leurs besoins, les populations couvertes estimant que les bénéfices d’une adhésion sont trop peu importants au regard du prix demandé. Il pourrait donc, fort de cette expérience, être envisagé de proposer d’emblée une autre forme de garantie aux populations, qui inclurait, par exemple, les transferts entre le douar d’origine et le centre de santé, ou bien les consultations d’urgence à l’hôpital provincial d’Azilal. La commune de Aït M’hammed, avec une population de plus de 20.000 habitants, pourrait, si un taux de couverture important était atteint, bénéficier assez rapidement des avantages que représente pour une mutuelle des effectifs importants : baisse des coûts, prévisions plus précises, marges de sécurité moins importantes… C’est cependant une opportunité dont ne bénéficie pas la commune de Aït Abbas, avec ses 10.000 habitants. Cependant, il est envisageable, au moins pour certains risques plus rares et plus chers, d’assurer en commun les adhérents de plusieurs mutuelles, afin d’augmenter le partage des risques. Ceci est d’autant plus envisageable qu’une autre mutuelle, dans la commune de Aït Boualli, est susceptible d’être mise en place. L’association pour le BED et la mutuelle communautaire de Aït M’hammed bénéficiera du soutien de la commune, qui versera à l’association 20.000 DH par an pour payer les cotisations des ménages les plus pauvres. De plus, dans le cadre de l’INDH, l’association recevra une subvention exceptionnelle de 50.000 DH, qui pourrait, par exemple, servir de caisse de sécurité à la mutuelle. Par contre, l’association de Aït Abbas n’a pas obtenu, pour l’instant, de soutien de la part de sa commune.

1.2.2. Contraintes Le principal problème à Aït M’hammed concerne la relation de la population avec l’offre de santé, et tout particulièrement avec le médecin du centre de santé. En effet, celle-ci n’est pas du tout acceptée, les patients se plaignent généralement de l’accueil qui leur est fait. Ils se plaignent également d’une sous-utilisation du stock de médicaments gratuits, et d’une forte tendance à prescrire beaucoup de médicaments à acheter à la pharmacie, tenue par son époux. Cette impression est d’ailleurs confirmée par le fait qu’il a fallu, l’année dernière, brûler deux chargements de médicaments du centre de santé, parce qu’ils étaient périmés. Un autre problème se pose dans la commune de Aït M’hammed : le découpage sanitaire a placé le centre de santé de cette commune de 20.000 habitants (autant que dans le chef-lieu de la province) dans la circonscription d’Azilal. Or, le chef lieu de cette circonscription (le centre de santé d’Azilal) n’a en aucune façon les moyens d’assurer la supervision des activités des autres centres de la circonscription. Or, il est en théorie chargé d’assurer une la transmission entre la délégation provinciale et les petits centres de santé. Ce découpage entraîne une sous- information de tous les acteurs impliqués dans la mutuelle communautaire : celle-ci ne fait

Mars 2006 18 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc l’objet d’aucune division des tâches, et personne, dans les centres de santé, ne sait vraiment qui en sera responsable. On peut également prévoir des difficultés liées à l’étendue et la dispersion des habitants sur le territoire. En effet, une grande partie de la population (environ 7000 personnes, soit un tiers) se trouve plus proche du centre de santé et de l’hôpital d’Azilal que du centre de santé et de la pharmacie de Aït M’hammed. Cela posera un problème, car cette partie de la population ne sera pas du tout intéressée par une garantie ne couvrant que les médicaments délivrés par la pharmacie de Aït M’hammed et les transferts entre le centre de santé de Aït M’hammed et l’hôpital provincial. La situation pour la commune de Aït Abbas est très différente. La principale difficulté a déjà été signalée : la commune de Aït Abbas ne dispose d’aucun dépôt pharmaceutique. Son centre de santé accueillera bientôt un médecin, mais il ne dispose pour l’instant pas d’une ambulance. Une association d’Azilal a pourtant essayé d’en obtenir une par la JICA (coopération japonaise), mais des problèmes d’ordre politique ont bloqué cette initiative. Il n’y a donc, à l’heure actuelle, aucune incitation pour la population de Aït Abbas à adhérer à une mutuelle du type de celle qui existe déjà à Tabant. Un autre problème se pose pour cette commune : son territoire est divisé en deux par une montagne, et toute une partie de la population utilise le centre de santé de Aït M’hammed plutôt que celui de Aït Abbas. 2. Province d’El Haouz : vallée de l’Ourika

2.1. Etat d’avancement Le projet de mutuelle communautaire dans 7 communes de la province d’El Haouz est étroitement lié au projet de construction d’une maison d’accueil pour les femmes enceintes (Dar al Oumouma) à Ourika. C’est pourquoi il sera mis l’accent sur le projet Dar al Oumouma avant de décrire le projet de mutuelle communautaire.

2.1.1. Contexte Ce projet, soutenu par l’UNICEF et le FNUAP, part du constat de l’importante mortalité maternelle à laquelle est confronté le Maroc, en particulier dans les zones rurales enclavées. Nombre de femmes y accouchent en effet à domicile, et se trouvent donc loin des soins adéquats en cas de complication. Le projet Dar al Oumouma consiste donc en la construction de maisons d’accueil pour les femmes dont la grossesse touche à sa fin, et qui viennent attendre pendant quelques jours à quelques pas du centre de santé où elles peuvent accoucher en toute sécurité, avec un personnel qualifié et avec la possibilité d’être transférées par ambulance vers une structure de référence si leur état l’exige. Le séjour dans la maison maternelle est gratuit, nourriture comprise. Dans la province d’El Haouz, il a été décidé en décembre 2004 de construire une maison maternelle attenante au Centre de Santé de la commune d’Ourika. Cette maison a une capacité de 12 lits, et 2 animatrices y sont employées à plein temps. En plus des chambres, les femmes disposent d’une cuisine, d’un salon et de sanitaires communs. La maison dessert également 6 communes limitrophes d’Ourika : • Oukaïmeden, • Sti Fadma, • Tazazouzt,

Mars 2006 19 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

• Oughmat, • Sidi Riad, • Ikar Ferwan. En un mois, la maison a accueilli 16 femmes, mais l’objectif fixé pour le projet est de 800 femmes par ans. La maison est gérée par une association dont le bureau comprend des représentants de chacune des 7 communes. Cette association est dirigée par le Président de l’une des communes (Sidi Riad), qui est aussi président de la fédération des associations de la province, et est également en charge de la mutuelle communautaire.

2.1.2. Offre de soins En effet, les deux projets sont considérés par tous les acteurs comme indissociables, ce qui a eu pour conséquence de nombreux retards pour la mutuelle, qui a du attendre que les différents problèmes rencontrés par la maison maternelle soient résolus pour commencer ses activités. La mutuelle couvre les mêmes communes que la maison maternelle, et ses activités ont également débuté en janvier 2006. L’offre de santé dans les 7 communes est la suivante : Tableau 7 : Offre de santé publique dans les 7 communes couvertes par la mutuelle communautaire de la vallée de l’Ourika Nb. de Nombre Commune Ambulance Pharmacies médecins d’infirmiers Oukaïmeden 1 1 non non Sti Fadma 1, sans 1 3 2 chauffeur Tazazouzt 1 1 non 1 dépôt Oughmat 1, avec 1 3 2 chauffeur Sidi Riad 1, avec 3 3 1 chauffeur Ikar Ferwan 1, avec 1 1 1 dépôt chauffeur Ourika 5 + 2 sages- 2, avec un 1 4 femmes chauffeur Source : Centre de santé Ourika La population totale de ces 7 communes est de 113.000 habitants, ce qui correspond à environ 17.000 ménages. Cette grande taille est l’un des atouts qui pourraient permettre à la mutuelle communautaire d’offrir une garantie intéressante à la population. Cette population est cependant très pauvre (la province d’El Haouz compte parmi les plus pauvres du pays), et une forte part se trouve dans une zone enclavée.

2.1.3. Démarrage des activités de la mutuelle Les paramètres techniques ont été fixés après une étude de la prescription en médicament de chaque centre de santé qui a conclu que le prix moyen d’une ordonnance est de 35/40 DH, et que la population consomme en moyenne 150 DH par ménage et par an en médicaments, ce dernier chiffre ayant par conséquent été retenu comme montant de la cotisation. L’adhésion

Mars 2006 20 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc est familiale (elle comprend, en plus des descendants, les éventuels ascendants à la charge de l’adhérent). En plus du remboursement des médicaments prescrits mais non fournis gratuitement par le centre de santé (médicaments essentiels figurant sur une liste prédéfinie), l’adhésion à la mutuelle donne droit au transfert gratuit en ambulance vers une structure de référence. Pour éviter les abus, le nombre de consultation (et donc d’ordonnances) auquel chaque adhérent a droit a été limité à 10. Les procédures qui serviront à la mutuelle ont, semble-t-il, été fixées au niveau de la province. Cependant, au cours des entretiens menés avec eux, il est apparu que les responsables des services de santé, mais aussi ceux de la commune et de l’association gérant la maison maternelle et la mutuelle, ne les connaissaient pas : le coordinateur de la commune en charge de la mutuelle semble n’avoir appris qu’avec notre visite la fonction qui lui avait été attribuée. Cette ignorance des procédures est inquiétante alors que la mutuelle a officiellement débuté ses activités depuis un mois. Elle pourrait être due aux particularités de la commune d’Ourika, où, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres communes, c’est au niveau de Dar al Oumouma qu’est localisée la mutuelle. Les responsables de l’association ne semblaient pourtant pas mieux connaître les procédures que ceux de la commune. Le démarrage des activités de la mutuelle a été fortement retardé par les aléas subis par le projet Dar al Oumouma. En effet, ce dernier a fait face à des problèmes avec l’entrepreneur de travaux publics chargé de la construction du bâtiment. C’est pourquoi, initié en 2004, le projet de maison maternelle n’a vu le jour qu’en 2006, où il a pu être inauguré par la princesse Lalla Meriem, après un changement radical dans la composition du bureau de l’association. Tous les acteurs lient de manière fonctionnelle le projet Dar al Oumouma à la mutuelle communautaire : c’est la même association qui gère les deux projets, la même autorité de tutelle (la province) est en charge de la supervision, et le même organisme (l’UNICEF) appuie les deux projets. C’est pourquoi, bien qu’aucune raison technique ne le justifie, et que les éléments nécessaires étaient réunis depuis longtemps, la mutuelle communautaire n’a officiellement démarré ses activités qu’en janvier 2006. Il faut préciser que ce démarrage n’est pour l’instant pas réellement effectif : seulement 58 ménages sont à l’heure actuelle inscrits à la mutuelle (ils avaient adhéré lors d’une première campagne de sensibilisation menée en avril 2005), et aucun d’entre eux n’a encore fait usage des services de santé depuis son adhésion. Ces 58 ménages sont tous issus de la même commune. Tout le travail de sensibilisation nécessaire au démarrage réel de l’activité de la mutuelle reste à entreprendre.

2.1.4. Atouts Le projet de mutuelle communautaire dans 7 communes de la province d’El Haouz dispose de nombreux atouts. En premier lieu, avec une population-cible de 110.000 habitants, il pourrait atteindre, à son plein développement, une taille critique lui permettant d’envisager rapidement l’extension de la garantie proposée, par exemple au remboursement des examens complémentaires (radiologie, laboratoires d’analyses…), des maladies chroniques, ou des frais d’hospitalisation. D’autre part, la mutuelle communautaire dispose maintenant de deux expériences documentées (Zoumi et Tabant) pour anticiper les obstacles principaux. Cette connaissance des expériences précédentes est enrichie par le dynamisme de la province, qui n’hésite pas à afficher des objectifs ambitieux (30% de couverture d’ici la fin de l’année). Ce dynamisme a

Mars 2006 21 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc déjà abouti à des idées innovantes, comme celle d’un carnet de santé qui pourrait être fourni aux adhérents afin de mieux les suivre. De plus, la coopération des principaux partenaires privés de la mutuelle que sont les pharmaciens semble bien se passer : ceux-ci négocient à travers un syndicat et on donné des gages de bonne volonté. La confiance semble être établie, et les pharmaciens semblent voir dans la mutuelle une perspective de revenus supplémentaires, puisqu’ils sont en train de s’arranger pour récupérer, en vue du démarrage de la mutuelle, un dépôt de médicaments tenu par un pharmacien extérieur à la province, qui n’a par conséquent pas l’autorisation de participer à la mutuelle. De plus, l’existence d’une réalisation concrète de l’association, la maison maternelle, peut contribuer à l’affirmation de la crédibilité de la mutuelle, bien qu’il n’existe aucun avantage technique à ce que les deux projets soient gérés par la même association, hormis le fait qu’une patiente devant être transférée à Marrakech, si elle est adhérente, le sera gratuitement (ce qui serait de toutes façons le cas si la mutuelle avait été mise en place indépendamment de la maison maternelle). Enfin, la mutuelle est appuyée par les autorités provinciales, qui supervisent l’ensemble du processus à travers la Division de l’Action Sociale. Celle-ci, en plus d’un appui technique important, subventionne les activités de l’association (c’est à dire à la fois la maison maternelle et la mutuelle communautaire) à auteur de 100.000 DH par an. L’association reçoit également l’appui des 7 communes qu’elle couvre à auteur de 20.000 DH par commune et par an. C’est donc une subvention totale annuelle de 240.000 DH par an que reçoit l’association. Si l’on retire de cette somme les 110.000 DH de coût prévisionnel de fonctionnement de Dar al Oumouma, on obtient une subvention totale à la mutuelle de 130.000 DH par an, ce qui doit, d’après les autorités provinciales, servir à payer du personnel permanent. Il faut également noter que la mutuelle reçoit l’appui de l’UNICEF, qui a fourni le matériel (carnets à souche, ordonnanciers…) et l’expérience que lui ont procuré l’expérience précédente menée à Zoumi, dans la province de Chefchaouen.

2.1.5. Contraintes Pour atteindre cet objectif, l’association doit mettre en place une sensibilisation d’autant plus profonde et rapide qu’elle devra faire oublier le déficit de confiance qui ne manquera pas de se manifester suite aux retards accumulés : une campagne de sensibilisation annonçant l’arrivée imminente des deux projets avait en effet menée en janvier 2005. Or, les responsables de la mutuelle rencontrés dans la commune d’Ourika n’avaient, début février, encore connaissance d’aucun plan d’action. Par contre, le responsable de la province assure qu’un plan d’action avait été élaboré : il vise, par pragmatisme, à chercher à atteindre d’abord les populations proches des formations sanitaires. Trois animateurs par commune doivent mener cette sensibilisation, prévue pour le mois de mars 2006. La manière dont est envisagée la sensibilisation soulève plusieurs questions. Tout d’abord, la méthode qui consiste à chercher à atteindre en priorité les personnes habitant à proximité des centres de santé pourrait s’avérer un facteur d’inéquité au sein des communes : alors qu’il a été montré dans une précédente étude (Adrien Renaud, Le Programme des Besoins Essentiels de Développement et les mutuelles communautaires, opportunités et défis, étude réalisée pour l’OMS), que dans le cas d’Azilal, la distance ne pouvait pas expliquer les taux d’adhésion à elle seule, on sait que les personnes vivant loin du centre des communes sont les plus

Mars 2006 22 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc défavorisées. Cette inéquité pourrait entraîner des mécontentements et donc jouer sur la crédibilité, et par conséquent sur le taux d’adhésion, de la mutuelle. La seconde question soulevée par la manière dont la sensibilisation est envisagée par la commune concerne la coordination avec l’équipe de la mutuelle. Il est fortement inquiétant qu’un document aussi important que le plan d’action de la sensibilisation pour la mutuelle communautaire n’ait fait l’objet d’aucune consultation de la population. Il l’est encore plus que certains acteurs parmi les plus directement concernés par la sensibilisation (les responsables de la commune et de l’association rencontrés à Ourika) n’aient été ni informés ni impliqués dans son élaboration. Plus généralement, le problème évoqué ci-dessus s’inscrit dans un problème plus large : le défaut de participation communautaire dans la mutuelle. Cette dernière n’a en effet fait l’objet d’aucune étude des besoins de la population, qui aurait pu permettre d’ajuster la garantie aux préoccupations principales des futurs adhérents. L’association qui gère la mutuelle est principalement l’émanation du remaniement opéré en septembre 2005. Ses membres ont été choisis par les autorités en tant que représentants du tissu associatifs, plus qu’ils n’ont été désignés par les adhérents. Enfin, le soutien et le relais avec les différentes localités n’est pas assuré : contrairement à ce qui s’était passé notamment dans l’expérience d’Azilal, il n’y a pas de relais désignés par l’association pour véhiculer l’information sur la mutuelle. C’est pourtant par une présence de proximité avec les habitants que l’on peut espérer mener une sensibilisation continue apte à faire percevoir à des populations qui ne connaissent pas encore le principe de la gestion des risques les avantages de l’assurance. 3. Province d’El Hajeb : Souk Sabt Jahjouh

3.1. Etat d’avancement de la mise en place de la mutuelle

3.1.1. Contexte La commune de Souk Sabt Jahjouh est une petite commune de moins de 8000 habitants, qui vivent tous principalement de l’agriculture. La région, contrairement aux autres sites où sont implantés des mutuelles communautaires au Maroc, n’est pas particulièrement enclavée. L’association qui a été choisie pour gérer la mutuelle communautaire est une association ancienne, connue dans la région pour son dynamisme. Elle a diverses activités, parmi lesquelles l’organisation de cours d’informatique, la tenue d’une petite bibliothèque à l’intérieur de ses locaux, l’organisation d’évènements culturels… La mise en place d’une mutuelle communautaire dans cette commune a été initiée par un appel des autorités locales. Elle se situe dans le contexte d’un projet intégré au niveau de la province d’El Hajeb, qui se place dans le cadre de l’INDH et du programme BED, piloté par la province administrative. Ce projet comporte notamment la mise sur pied d’équipes mobiles, la formation d’accoucheuses professionnelles…

3.1.2. Offre de santé La commune de Souk Sabt Jahjouh dispose d’un centre de santé employant un médecin et 4 autres personnes, dont 3 pour la maison d’accouchement. Le centre de santé est fréquenté par environ 40 malades par jour. Un pharmacien est installé dans la commune, et ses relations semblent être bonnes avec l’équipe du projet.

Mars 2006 23 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

Le principal problème semble concerner la qualité de l’accueil au centre de santé, de nombreuses personnes se faisant l’écho de dysfonctionnements, et d’horaires d’ouverture du centre très peu étendues.

3.1.3. Démarrage des activités de la mutuelle La mutuelle de El Hajeb n’a pas encore démarré ses activités, et en était, au moment de notre visite, à la fixation des paramètres techniques (panier de soins garanti et montant de la cotisation). Ces derniers seront déterminés grâce à plusieurs éléments : • Une enquête auprès des populations, réalisée les 4 et 6 janvier 2006 ; • Un travail du médecin du centre de santé, sur la base de ses registres.. L’enquête auprès des populations a concerné 402 ménages, soit un peu moins du quart de la population, au moyen d’entretiens semi-structurés, concernant les pratiques des habitants en matière de demande de santé (nombre de visites annuelles chez le médecin, chez le pharmacien…) ainsi que la manière dont était envisagée une éventuelle adhésion à la future mutuelle. Sur les 402 ménages consultés, 267, soit les deux tiers, se sont dit prêts à adhérer à la mutuelle, 28% se disant prêts à payer 100 DH, 10% 150 DH et 51,7% acceptant de payer 200 DH. Les personnes interrogées ont fait part, pour la plupart, de leur souhait de voir les médicaments pour les maladies chroniques inclus dans la garantie. L’association semble cependant considérer que cette demande est irréalisable, et qu’il est préférable de sensibiliser les populations aux limites que doit respecter la garantie afin que la mutuelle soit viable. Le médecin du centre de santé a pour sa part abouti à un montant de 300 DH pour la même garantie, en se fondant sur son registre des consultations curatives et sur les protocoles qu’il applique généralement. Le démarrage des activités de la mutuelle est prévu pour le mois de juillet. C’est en effet le temps qu’il reste avant de pouvoir fixer les paramètres, mener de véritables campagnes de sensibilisation, désigner des responsables dans chaque localité… De plus, le mois de juillet est particulièrement propice à la collecte des cotisations, les ménages ayant terminé les récoltes et disposant généralement d’un peu de trésorerie ; d’est d’ailleurs les populations elles-mêmes qui, au cours de la consultation, ont désigné cette date. La mutuelle bénéficie de nombreux soutiens, qui lui seront certainement fort utiles pour la suite des évènements. Elle entretient tout d’abord de très bonnes relations avec la commune. Le président de l’association y travaille d’ailleurs comme ingénieur. Mais les relations avec la province administrative sont également très bonnes, et ceci est renforcé par le fait que l’ancien président de l’association y est responsable de l’INDH. L’association bénéficie également de soutiens à des échelons divers, avec notamment l’OMS et le ministère de la santé qui s’y intéressent dans le cadre du programme BED. Enfin, elle a noué des liens avec deux associations de Saint-Etienne, en France, qui ont déjà acheminé du matériel, notamment des livres pour la bibliothèque.

3.2. Perspectives

3.2.1. Atouts La future mutuelle communautaire de Souk Sabt Jahjouh ne manque pas d’atouts à faire valoir, à commencer par le dynamisme de l’association qui en aura la charge. En effet, ses membres sont très motivés, attentifs à tous les conseils, et disposés à se former. Ils ont par

Mars 2006 24 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc exemple proposé d’organiser une visite d’autres sites où des mutuelles ont déjà été mises en place, et sont en train de chercher les meilleures formules possibles de sensibilisation. Le second atout réside dans la relative accessibilité des populations. Contrairement à ce qui se passe dans les autres sites où des mutuelles communautaires ont été mises en place, il n’existe pas de réel problème d’enclavement, et hormis quelques localités qui ont besoin de la construction d’une route, tous ont un accès facile aux infrastructures de santé.

3.2.2. Contraintes Malgré ces atouts, quelques contraintes subsistent, qu’il sera nécessaire de lever avant ou pendant la mise en place de la mutuelle. Tout d’abord, la garantie n’a, comme dans tous les autres sites du Maroc, pas fait l’objet d’une véritable consultation. Les populations ont été consultées, mais sur le prix qu’elles étaient prêtes à payer. Ceci risque d’aboutir, comme c’est le cas à Tabant, à une garantie mal calculée qui ne satisfait pas véritablement les attentes des adhérents. D’autre part, la qualité des informations sur laquelle l’évaluation du prix à proposer est douteuse. En effet, la consultation s’est faite au moment des semis, ce qui a eu pour conséquence l’absence, lors des discussions, d’une partie des chefs de famille. Quant à l’évaluation menée par le médecin, sur la base de ses registres de consultation, elle pose également problème : ces registres sont en effet tenus de manière discontinue, et ne sont donc pas représentatifs du profil épidémiologique de la population de la commune. On le voit, un problème d’information se pose, et devrait trouver une solution avec la mise en commun de toutes les informations disponibles, et notamment en impliquant de manière plus active les pharmaciens, qui disposent de nombreuses données inutilisées. Par exemple, on sait que le prix moyen d’une ordonnance est de 50 à 70 DH, mais cette information n’est pour l’instant pas prise en compte dans la fixation de la garantie. Une autre source de problèmes potentiels concerne la vision qu’ont les membres de l’association de l’activité, essentielle pour la mutuelle, de la sensibilisation. En effet, les responsables considèrent qu’actuellement, la sensibilisation est faite, et qu’ils disposent de 267 adhérents potentiels. Or, ces 267 adhérents ne savent pas encore le prix qu’on va leur proposer, et ne sont qu’un échantillon de la population. Il faut donc que les membres de l’association se mettent d’accord sur une véritable stratégie de sensibilisation, qui leur permettra d’effectuer : • Des campagnes ponctuelles, indispensables avant le démarrage de la mutuelle et au moment du renouvellement des adhésions ; • Une sensibilisation continue, avec des représentants de la mutuelle dans chaque localité de la commune, qui ont pour mission de parler de la mutuelle autant que possible, et de faire remonter vers l’association les suggestions. Enfin, le problème le plus important semble concerner la qualité de l’offre de soin. En effet, la qualité de l’accueil au centre de santé est l’objet de nombreuses plaintes, notamment pour ce qui est du temps d’attente. Cette mauvaise qualité de l’accueil peut être un poids important pour l’adhésion à la mutuelle. Un dernier problème pourrait surgir : la petite taille de la commune limite fortement celle de la population-cible, et la mutuelle pourrait ne pas atteindre la taille critique qui lui permettrait de proposer une garantie étendue à un prix attractif. Ce problème poussera la mutuelle de Jahjouh, une fois ses activités démarrées et d’autres mutuelles créées dans la région, à chercher à créer des fédérations avec d’autres associations.

Mars 2006 25 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc

Conclusion Après avoir présenté ces quelques expériences de mutuelles communautaires au Maroc, il est possible de tirer certains enseignement qui peuvent être utiles pour la suite qui sera donnée à ce mécanisme de financement des soins de santé. On peut tout d’abord constater qu’il existe un défaut dans la définition de ce que l’on attend des mutuelles communautaires. Le caractère largement improvisé, ou plutôt faiblement coordonné, des expériences qui ont été mises en place dans le pays y est pour beaucoup. On ressent par exemple cette faiblesse dans la définition de la fonction des mutuelles dans la déception qui est ressentie par les adhérents des diverses communes quant au bénéfice qu’ils retirent de leur adhésion. En effet, beaucoup estiment qu’ils n’ont « pas bénéficié assez » (comme cela a notamment été décrit pour l’expérience de Tabant), et que leur carte d’adhérent a été « inutile ». On se rend donc compte qu’ils avaient compris qu’ils allaient recevoir des soins gratuits d’une valeur supérieure au montant de leur cotisation. Parmi les causes de cette mauvaise compréhension figurent certainement une sensibilisation qui n’a pas su faire passer le message de partage des risques de la mutuelle communautaire, qui prend elle-même ses racines dans l’incertitude des décideurs quant à ce qu’ils attendent de cet outil. On peut également voir un symptôme de cette incertitude dans le choix des sites où sont implantées des mutuelles : certaines d’entre elles sont ou seront en effet situées dans des zones très difficiles (par exemple Zoumi, ou Aït Abbas, si il est décidé de mettre en place une mutuelle dans cette dernière localité), avec des problèmes relatifs à l’enclavement et à l’accessibilité physique au système de soins, alors que d’autres, comme Bâb Taza ou la future mutuelle de Souk Sabt Jahjouh, sont situées dans des zones facilitant grandement les contacts avec le système de santé. Ceci conduit à admettre la nécessité d’une définition claire de ce que doivent apporter les mutuelles au financement des soins de santé. Cette définition doit porter sur : • La nature du mécanisme choisi : opte-t-on pour un mécanisme de solidarité, où chacun adhère pour le bien de la communauté, ou pur un mécanisme d’assurance, où chacun adhère puisque tel est son intérêt ? • Les prestations couvertes : les mutuelles se bornent-elles à faciliter l’accès au médicament ou doivent-elles se fixer des objectifs plus ambitieux ? • La cible : quelles sont les populations pour lesquelles une mutuelle est un outil adéquat de financement ? Certaines de ces questions, et notamment la dernière d’entre elles, nécessitent des compléments d’informations. En effet, la cible et la garantie exactes des mutuelles ne peuvent être définies que si les outils de la Couverture Médicale de Base (CMB) le sont également, ce qui n’est pour l’instant pas le cas pour le Régime d’Assistance Médicale (RAMED), qui doit prendre en charge les soins délivrés aux plus démunis. On le voit, une réflexion intégrée sur le financement de la santé doit être menée dans ce cadre. Une fois la question de la définition de la cible et de la fonction des mutuelles communautaires réglées, il sera plus facile d’élaborer des procédures communes aux mutuelles qui pourraient être créées. Ces procédures communes sont une nécessité, afin de régler divers problèmes d’ordre pratique. Tout d’abord, il serait intéressant d’harmoniser les procédures afin d’avoir une approche plus systématique qui permettrait d’améliorer l’efficacité des structures créées : au lieu de tâtonner et de réinventer des mécanismes ayant déjà fait leur preuve ailleurs (comme par exemple l’utilisation de personnes-relais dans les diverses localités de la commune), ou de faire fausse route en instaurant des mécanismes

Mars 2006 26 Organisation Mondiale de la Santé – Bureau du Représentant au Maroc Les principales expériences de mutuelles communautaires au Maroc dangereux (comme c’est par exemple le cas à Tabant avec la quasi-exonération de cotisation pour les personnes adhérant en payant leur transfert à l’hôpital d’Azilal), les mutuelles créées pourraient suivre un guide s’inspirant des succès et des problèmes rencontrés par leurs prédécesseurs. Ces guides devraient bien entendu s’attacher à laisser toute la liberté nécessaire à une prise de décision de type communautaire. C’est en effet avec une prise de décision par la communauté elle-même qu’il est possible de répondre au mieux aux aspirations de la population, ce qui peut entraîner des particularismes locaux importants. Il faut donc trouver un modèle respectant l’équilibre entre l’application de procédure ayant fait leurs preuves et l’adaptation aux particularités de chaque site. La participation communautaire, éclairée par des guides conçus pour la rendre plus efficace, et non pour la diriger, est la meilleure garantie d’atteindre cet équilibre. Afin d’élaborer les guides qui pourraient orienter la création de nouvelles mutuelles communautaires, et de définir un « modèle » marocain de mutuelles communautaires, il est nécessaire de dégager des données qui permettront de construire ce dernier sur des bases solides. Il serait donc intéressant de mener, sur plusieurs sites pilotes, un projet de recherche- action qui aura pour mission, en plus d’améliorer l’accès aux soins des populations, de dégager les informations concernant : • L’impact du programme, ce qui suppose une étude préalable de l’état de santé et des dépenses de santé des populations ciblées avant et après le programme ; • La satisfaction des personnes prenant part à la mutuelle, ce qui implique un suivi particulier, et permettrait de dégager des informations pour améliorer les taux d’adhésion ; • L’activité, c'est-à-dire la fréquence avec laquelle les adhérents recourent aux services de la mutuelle, les principales raisons de leur recours… • Le processus, c'est-à-dire la participation communautaire, la révision éventuelle des différents paramètres (cotisation et garantie essentiellement…). On le voit à travers ce panorama, les mutuelles présentent une grande opportunité pour le Maroc, mais c’est à travers une mobilisation de tous les acteurs du secteur du financement de la santé que les conditions pour que cette opportunité porte ses fruits seront remplies, à travers un travail de réflexion et d’expérimentation qui doit, si l’option des mutuelles communautaires est choisie, démarrer au plus vite.

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