Adrienne Lecouvreur : comédie-drame en cinq actes, en prose

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de

Scribe, Eugène (1791-1861). Adrienne Lecouvreur : comédie-drame en cinq actes, en prose. 1849.

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THÉATItBDE LA ItÉl'LHLIQLK.

lllllli:\\i; LECOUVREUR

COMÉDIE-DRAME EN CINQ ACTES, EN PROSE

Par Mil. SCRIBE de IMcadémie-Française et ERNEST LEGOCVÉ

Représentéepour la premièrefois, à , sur le Ihèàtrede la RÉPUBLIQUE, : le 14 avril 1849.

PRIX : t FRANC.

PARIS

BECK, LIBRAIRE, KîîEGÎT-LE-COEUR,12.

TRESSE, successeur de J.-N. BARBA, Palais-National.

1849

.Il, 7 9

46- -

ADRIENNE LECOUVREUR

COMÉDIE-DRAME EN CINQ ACTES, EN PROSE, v>\ K >Par^iMM. SCRIBE, de l'Académie française, et Ernest LEGOUVE 1 ) Ili 1 pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la RÉPUBLIQUE, le 14 Avril 1819.

PERSONNAGES. ACTEURS. ADRIENNELECOUVREUR,de la Comédie-Française. lUlleRACUEL. MAURICE,comte de Saxe MM.M.uLLART. LE PRINCEDE BOUILLON SAMSON. LA PRINCESSE,sa femme. MmeALLAN-DESPRÉAUX. L'ABBÉDE CHAZEUIL M. LEROUX. ATHÉNAIS,duchessed'Aumont MileDENAIN. MICHONNET,régisseurde la Comédie-Française M. REGNIER. LA MARQUISE MllesBERTIN. LA BARONNE FAVART. MADEMOISELLEJOUVENOT,sociétairede la Comédie-Française. BONVAL. MADEMOISELLEDANGEVILLE,sociétairedelaComédie-Française WORMS. M.QUINAULT,sociétairede la Comédie-Française. MM.CHÉRr. M. POISSON GOT. Seigneurset damesdela cour, acteurs et actricesde la Comédie-Française. La scène se passe, à Paris, au mois de mars 4730. Le premieracteur inscritau commencementde chaquescène,est placéau théâtre le premierà la gauche du spectateur,lesautres suiventdans le menteordre; quandil y a un changementdans les positions,il est indiquédansle courantde la scène.

ACTE PREMIER. Unboudoirélégantchezla princessede Bouillon.Une toilette à gauchedu spectateur; une table à droite et une consoledu mêmecôté, au fonddu théâtre. SCENE PREMIERE. vreur et mademoiselleDuclosdoivent ce soir jouer ensemble dans Bajazet, et aura une foule L'ABBÉ,appuyé sur la toilette, LAPRINCESSE, qu'il y assise en de la toilette, surun canapé. immense. face LAPRINCESSE. LAPRINCESSE,achevant de se coiffer. Après. Un instant, l'abbé. Placeriez-vous Quoi, l'abbé, pas une historiette. pas le moin- cette mouche à la joue. ou à de l'œil dre petit scandale?. l'angle L'ABBÉ. gauche? L'ABBÉ*, derrière le Hélas! non! passant canapé. LAPRINCESSE. Si madamela princesse ne m'en veut pas de ma franchise. le de lui Votreétat est perdu! Vous devez, d'obligation, j'aurai courage dire. que je ouvertement savoir toutes les nouvelles. C'est pour cela que me prononce contre le système des les dames vous le matin à leur toilette. mouches. reçoivent LA Donnez-moi la boite à mouches. Voyons, cher- PRINCESSE. toute une chez bien. je vois, à votre air mystérieux, que C'est révolution que vous tentez là. air vousen savez plus que vous ne dites. et avec votre timide et béat. je ne vous au- L'ABBÉ. rais jamais cru un lévite si audacieux. Des nouvelles insignifiantes. certainement! Vous apprendrais-je que mademoiselle Lccou- La princesse,l'abbé.

349 2 ADRIENNE LECOUVREUR,

L'ABBÉ. instruction. Monsieur de Bouillon, mon mari, Timide. timide. avec vous seule! quoique prince et grand seigneur, est un savant : LAPRINCESSE. il adore les arts et surtout les sciences. Il s'y était Ah bah!. Eh bien! vousdisiez donc?. Votre adonné sous le dernier règne. autre nouvelle. L'ABBÉ. L'ABBÉ. Par goût?.. Que la représentation de ce soir est d'autant LAPRINCESSE. mademoiselle et la plus piquante que Lecouvreur Non! pour faire sa cour au régent, dont il s'ef- Duclos sont en rivalité déclarée. Adrienne Lecou- forçait de devenir la copie exacte et fidèle, il s'est vreur a elle le tout tandis pour public entier, que appliqué, comme lui, à la chimie; il a , comme la Duclos est ouvertement protégée par certains lui, un laboratoire dans ses et même certaines appartements que grands seigneurs par grandes sais-je ? Il souffle et il cuit toute la journée ; il est dames. entre autres de Bouillon! par la princesse en correspondance réglée avec , dont il LA se mettant du PRINCESSE, rouge. se dit l'élève. Ce n'est plus le bourgeois gentil- Par moi? homme, c'est le gentilhomme bourgeois qui L'ABBÉ. un maître de Ce dont chacun et l'on commence prend philosophie. toujours pour s'étonne, ressembler au Et vous même, dans le monde, à en rire. régent. comprenez que, voulant pousser l'imitation aussi loin LAPRINCESSE,avec hauteur. que pos- sible, il n'avait garde d'oublier la galanterieee Et pourquoi, s'il vous plal),? son héros. Ce ne me contrariait pas exces- L'ABBÉ,avec embarras. qui sivement. Une femmea toujours plus de temps Pour des motifs que je ne puis ni ne dois vous à elle. quand son mari est occupé. Et porr dire. parce que ma délicatesse et mes scru- •que le mien, même infidèle,restât dans ma dé- pules. LAPRINCESSE. pendance, j'ai pardonné à la Duclos, qui nefc rien mes ordres et me tient au fait de Des scrupules. à vous! l'abbé ! Et vous disiez que par tout. Ma est à ce et vous qu'il n'y avait rien de nouveau. (Se levant.) protection prix, voyez Achevez donc!. Aussi bien ma toilette est que je tiens parole! L'ABBÉ. terminée. et je n'ai plus que dix minutes à vous donner. C'est admirable!. Mais qu'y gagnez-vous, L'ABBÉ. princesse? Eh bien! Madame. puisqu'il faut vous le dire, LAPRINCESSE. vous, petite-fillede Sobiesky et proche parente de Ceque j'y gagneP.. C'est que mon mari, crai- notre reine, vous avez pour rivale mademoiselle gnant d'être découvert, tremble devant la petite- Duclos, de la Comédie-Française. fillede Sobiesky dès qu'elle a un soupçon. et LAPRINCESSE. j'en ai quand je veux. Ceque j'y gagne? c'est En vérité! qu'autrefois il était très avare, et que maintenant L'ABBÉ. il ne me refuse rien ! Commencez-vous à com- C'est la nouvelle du jour. Tout le monde la prendre? connaît, excepté vous, et comme cela peut vous L'ABBÉ. donner un ridicule je me suis décidé, malgré Oui!. oui. c'est une infidélité d'une haute l'amitié me M. le de que porte prince Bouillon, portée et d'un grand rapport! votre mari, à vous avouer. LAPRINCESSE. LAPRINCESSE. Le monde peut donc me plaindre et gémir de le lui a donné une voiture et des Que prince ma position,je m'y résigne, et si vous n'avez, cher diamants! rien autre chose à L'ABBÉ. abbé, m'apprendre. C'est vrai! L'ABBÉ,timidement. LAPRINCESSE. Si, Madame!une nouvelle. Et une petite maison. LAPRINCESSE,souriant. L'ABBÉ. Encore une ! C'est vrai! L'ABBÉ,de mdme. LAPRINCESSE. Qui me regarde personnellement. et celle-là Hors les boulevards de Paris, à la Grange-Bate- je crois être sûr que vous ne vous en doutez pas. lière. C'est que. c'est que. L'ABBÉ,étonné. LAPRINCESSE,gaiement. ! Quoi, princesse, vous savez. C'est que vous m'aimez LAPRINCESSE. L'ABBÉ. Bien avant vous! bien avant tout le monde. Vous le saviez!. Est-il possible!. Et vous ne Écoutez-moi, mon gentil abbé, le tout pour votre m'en disiez rien t ACTE I, SCÈNE II. 3

LAPRINCESSE. gouverne et que j'ai connu quand il était évêque Je n'étais pas obligée de vous l'annoncer. de Fréjus, est membre,commemoi, de l'Académie L'ABBÉ,avec chaleur. des sciences. c'est aussi un savant et comme Eh bien! oui. C'est pour vous que je me suis tel, je lui avais dédié mon nouveau traité de chi- fait l'intime ami de votre mari! Pour vous, je suis mie. ce livre qui a étonné M. de Voltaire lui- de toutes ses parties! Pour vous, je vaisà l'Opéra même!.. Jamais, m'a-t-il dit, il n'avait lu d'ou- et chez la Duclos! Pour vous, je vais à l'Acadé- vrage écrit commecelui-là! ses propres paroles et mie des sciences! Pour vous enfin, j'écoute je le croisde bonne foi! M. de Bouillon dans ses dissertations sur la chi- LAPRINCESSE. mie, qui ne manquent jamais de m'endormir ! Moiaussi. mais le cardinal premier ministre. LAPRINCESSE. LEPRINCE. Pauvreabbé ! Nous L'ABBÉ. y voici. ( Aun valet qui entre portant un petit Bien! là ce coffret valet Cest mon meilleur moment!., je ne l'entends coffret.) posez (Le pose le coffret sur la table à droite et Le plus. et je rêve à vous!.. Mais, convenez-en sort.) cardinal comme hommed'État et comme chi- vous-même, un tel dévoûmentmérite quelque in- qui, connaît mes m'avait de demnité, miste, talents, prié passer quelque récompense. à son hôtel me confier une mission LA souriant. pour honora- PRINCESSE, ble. et terrible. l'on vous a souvent à vous autres Oui, donné, TOUS. abbés de boudoir, moins que cela! Mais, pour Qu'est-ce donc? dussiez-vous crier à ne peux rien l'ingratitude, je LEPRINCE. pour vous en ce moment. L'analyse et des ma- L'ABBÉ,vivement. scientifique judiciaire. tières renfermées dans ce coffret. dite de Ah! ne vous demande une égale poudre je pas passion succession, inventée sous le roi à à la mienne! c'est Car ce grand l'usage impossible!.. que j'é- des familles et dont la nièce du c'est une c'est un trop nombreuses, prouve pour vous, adoration, chevalier est commeson culte! d'Effiat, accusée, oncle, LAPRINCESSE. d'avoir voulu se servir. un Je l'abbé, et vous demandez LAPRINCESSE,faisant pas vers le coffret. comprends, pour En vérité! les frais du. vous mais, Impossible, dis-je. de même et silence! on vient. C'est mon mari et madame la ATHÉNAÏS, gaiement. Ah! duchesse d'Aumont. N'avez - vous pas aussi voyons! quêté de ce côté-là?. LEPRINCE,la retenant. L'ABBÉ. Gardez-vous-enbien ? si ce que l'on dit est La place était prise vrai, rien qu'une pincée de cette poudre dans une LAPRINCESSE. paire de gants ou dans une fleur, suffit pour pro- C'est de malheur. (A Ce jouer part.) pauvre duire d'abord un étourdissement vague, puis une abbé arrive tard. toujours trop exaltation au cerveau. et enfinun délireétrange.. qui conduit à la mort.c'est, du reste, ce qui sera démontré, car j'analyserai, j'expérimenterai et je SCENE II. ferai mon rapport. La princesseva au-devantd' Athénaïsà qui leprince LAPRINCESSE. donnait la main et les acteurs en redescendant Très bien! maiscette analyse scientifique m'ap- vous êtes le théâtresont dans l'ordre suivant: A THÉNAIS, prendra-t-elle, Monsieur, ce que devenu LA PRINCESSE, LE PRINCE, L'ABBÉ. hier toute la journée. LE bas à l'abbé. LAPRINCESSE,à Athénaïs. PRINCE, scène de affreuse. C'est vous,ma toute belle, quelle bonne fortune? Une jalousie de même. qui vous amène de si bon matin ? L'ABBÉ, LEPRINCE. Qui se prépare. LE de Un service que Madamela duchesse veut vous PRINCE, même. demander. Sois tranquille. (Haut d la princesse.) Ce que LAPRINCESSE. je faisais,Madame?., je surveillais moi-mêmeune Un plaisirde plus. Et comment avez-vous ren- surprise. que je vous réservais pour aujour- contré mon mari, que moi je n'ai pas aperçu d'hui. (Il lui présenteun écrin.) depuis avant-hier. LAPRINCESSE,vivement. ATHÉNAÏS. Qu'est-ce donc?.. Chez le cardinal de Fleury, mon oncle ! LEPRINCE,à l'abbé, à voix Lassé. LEPRINCE. Voilà comme on s'y prend! cela les étourdie Oui, vraiment!., le grand ministre qui nous les éblouit!., les empêche de voir. 4 ADRIENNE LECOUVREUR,

LAPRINCESSE,qui vient d'ouvrir l'écrin. tous les salons du grand monde se disputent ma- Des diamants superbes. demoiselleLecouvreur. LEPRINCE,tenant toujours l'abbé. L'ABBÉ. Et quant à l'analyse de cette poudre diaboli- Elle est à la mode! que. voici mon raisonnement.. vois-tu bien, LAPRINCESSE. l'abbé. Celatient lieu de tout. et commemadame de L'ABBÉ,à part avecun soupir. Noailles, que je ne peux souffrir, avait compté Encore une dissertation chimique!.. (Il écoute demainsur elle pour sa grande soirée,je me suis le prince qui lui parle bas et avec chaleur.) empressée,depuishuit jours, de l'inviter, et j'ai là LAPRINCESSE sa réponse. Regardezdonc, ma charmante, commece bra- ATHÉNAÏS,vivement. celet est distingué! Une lettre d'elle!.. Ah! donnez! que je voie ATHÉNAÏS. son écriture. Et monté d'une façon si remarquable. c'est LEPRINCE. exquis! Vous disiez vrai; c'est une passionréelle ! LAPRINCESSE. ATHÉNAÏS. Venez donc, l'abbé, venez admirer comme Je ne manque pas une de sesreprésentations. nous. maisje ne l'ai jamais vue de près. On assure L'ABBÉ. qu'elle apporte dans le choix de ses ajustements Moi!.. admirer!.. je ne peux pas, j'écoute. un goûtparticulierqui lui siedà merveille. puis LEPRINCE. des manières si nobles, si distinguées. Oui, je lui explique. et il ne comprendpas. LEPRINCE. maisje vais lui montrer. (Il fait quelquespas du Monsieurde Bourbon disait d'elle l'autre jour côté du meuble.) qu'il avait cru voir une reine au milieu de comé- L'ABBÉ,le retenant. diens. Nonpas. non pas. une poudre pareille, qu'il LAPRINCESSE. suffit de respirer. pour qu'à l'instant. j'aime Complimentauquel elle a répondu par une plai- mieux ne pas comprendre. Alleztoujours! santerie fort peu convenable. C'està celaque je (Leprince continueà parler bas à l'abbé. Tous faisaisallusiondans mon invitation. et voicisa les deux sont près de la table à droite ; pendant réponse. ce temps, Athènaiset la princesseont été s'asseoir LAPRINCESSE,lisant la lettre. sur le canapé à gauche,près de la toilette.) « Madamela princesse, si j'ai eu l'imprudence LAPRINCESSE,assise. « de dire devant M. d'Argental que l'avantage Et nous, très chère, pendant que cesMessieurs « des princesses de théâtre sur les véritables, parlent science, parlons du motifde votre visite « c'est que nous ne jouions la comédie que le et du service que vous attendezde moi. « soir, tandis qu'elles la jouaienttoute la journée, ATIIÉNAÏS,assise. « il a eu grand tort de vous répéter ce prétendu .levousconfierai,princesse, qu'il y a un ta- « bon mot et moi un plus grand encore de l'a- lent. que j'admire, que j'adore. celui de Ma- « voir dit, même en riant; vousme le prouvez, demoiselleAdrienne Lecouvreur. « Madame,par la franchise et la gracieuseté de LAPRINCESSE. « votre lettre. Elle est si digne, si charmante, elle Eh bien? « sent tellementsa véritable princesse, que je l'ai ATHKNAÏS. « gardéedevant moi sur mon bureau, pour placer Eh bien, est-il vrai (commeM. le prince s'en « la vérité à côté de la fable. J'avais juré de ne est vanté tout à l'heure chez mon onclele cardi- « plus aller réciter de vers dans le monde; ma nal) que MademoiselleLecouvreurvienne demain « santé est faible,et cela ajoute beaucoupà mes soir chezvous et y récite des vers P « fatiguesduthéâtre. Maisle moyen, à une pauvre LEPRINCE,s'avançant vers les deux dames. « fillecommemoi,de vous refuser? vousme croi- Nous l'avons invitée. « riez fière!.. Et si je le suis, Madame,c'est de (L'abbé a suivi le prince, et les acteurs sont « vous prouver à quel point j'ai l'honneur d'être dans l'ordre suivant: Athenaïs, sur le canapé, à « votre très humble et obéissante servante. gauche; l'abbé derrière le canapé, la princesse « ADRIENNE.» assise près d'Athénaïs, le prince deboutprès de sa femme.) ATIIÉNAÏS. LAPRINCESSE. Maisvoilàune lettre du meilleurgoût. et per- Oui, quoiqueje ne partage pas votre enthou- sonne de nous, je pense, n'en écrirait de mieux siasme, ma mignonne, et que mademoiselleDu- tournée. (Prenant la lettre.) puis-jela garder? clos, chacun le sait, me semblebien supérieure à Je ne m'étonne plus de la passion de ce pauvre sa rivale;mais c'est une fureur! un engouement! petit d'Argental. le fils! ACTE l, SCÈNE II. 5

L'ABBÉ. ATHÉNAÏS. Il en perd la tête! Est de retour à Paris! L'ABBÉ. LAPRINCESSE. Permettez? le bruit en a couru, mais cela n'est C'est un mal de famille. car le père, que vous de et pas! connaissez, avec sa perruque l'autre règne ATHÉNAÏS. sa de l'autre s'étant rendu chez figure monde, Cela est! le sais mon Flo- Adrienne lui ordonner de restituer je par petit-cousin, pour l'esprit restan l'avait dans de son a lui-même le lui de Belle-Isle, qui accompagné fils, y perdu peu qui son de Courlande. ce était même restait. expédition qui bien ATHÉNAÏS. inquiétant, bieneffrayant. (Vivement.)pour M. le duc mon mari. et C'est admirable! d'Aumont, pour moi, mais enfin il est à Paris ce matin. Je l'ai L'ABBÉ. depuis vu, et il revenait, m'a-t-il dit, avec son jeune Et l'histoire du coadjuteur? général. LEPRINCE. LAPRINCESSE. Il y a une histoire de coadjuteur? Qui, à ce qu'il paraît, n'avoue pas son retour. L'ABBÉ. L'ABBÉ. Qui, trouvant dans une mansarde, au chevet A cause de ses dettes. il en a tant ! Il doit d'une une dame pauvre malade, jeune charmante, seulement, à ma connaissance, soixante-dix mille, lui donna le bras descendre les six pour étages.. livres à un Suédois, le comte de Kalkreutz , qui, comme il à verse. la et, pleuvait força malgré l'année dernière déjà, aurait pu le faire arrêter, et elle à monter dans sa voiture et tra- épiscopale, qui y a renoncé, parce que où il n'y a rien. versa ainsi tout Paris, conduisant qui P.. made- LEPRINCE. moiselle Lecouvreur. Le roi perd ses droits! ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS. C'était elle! L'abbé ne l'aime pas et lui en veut parce que, L'ABBÉ. l'année dernière, il lui faisait dutort dans son état Delà, le bruit qu'il avait voulu l'enlever. Le de conquérant. jalousie de métier. saint homme était furieux et a juré de lancer sur L'ABBÉ. elle les foudres de l'église à la première occasion! C'est ce qui vous trompe, duchesse. Je l'aime aussi, qu'elle ne s'avise pas de mourir! beaucoup, car, avec lui, c'est chaque jour une ATHÉNAÏS. aventure nouvelle, un scandale nouveau, qui ra- Elle n'en a pas envie , je l'espère. (Se levant, jeunit mon répertoire. cela vous plaît, Mes- ainsi que la princesse.) Ainsi, à demain soir! je dames! m'invite. pour la voir, pour l'entendre. ATIlÉNAÏS. LAPRINCESSE. Fi, l'abbé! L'ABBÉ. Vousviendrez? nous allons, commevous, ado- rer mademoiselleLecouvreur. Vousaimez l'extraordinaire, et chez lui tout est ATHÉNAÏS. bizarre. D'abord, on l'appelle Arminius! comment se nommer Arminius? Adieu, chère princesse, je m'en vais. (Tout le peut-on LEPRINCE. monde la reconduit. Elle fait quelques pas pour C'est un nom saxon. tous les savants vous le sortir, s'arrête et revient'.) A propos, savez-vous la nouvelle? diront. LA PRINCESSE. L'ABBÉ Eh! mon Dieu non! je n'ai à moi que l'abbé, Et puis, un autre talisman, il a l'honneur d'être qui ne sait jamais rien ! bâtard, bâtard de roi. ATHÉNAÏS. LEPRINCE. Cejeune étranger au service de France, que C'est une chance de succès! l'hiver dernier toutes les dames se disputaient. L'ABBÉ. ce jeune fils du roi de Pologne et de la comtesse C'est à cela qu'il doit sa renommée naissante. de Kœnismarck. ATHÉNAÏS. Non mais à son à son audace! A LAPRINCESSE,avec émotion. pas, courage, treizemans,il se sous le prince Mauricede Saxe! battait à Malplaquet Eugène, à quatorze ans, sous Pierre-le-Grand, à Stralsund. c'est Florestan qui m'a raconté tout * Les acteurs en redescendantle théâtre se trou- cela. ventplacésdansl'ordre suivant: l'abbé, la princesse, L'ABBÉ. Athénaïs,le prince. Il a oublié,j'en suis sûr, son plus bel exploit,.. 6 ADRIENNE LECOUVREUR,

au siège de , il a enlevé, il n'avait pas douze MAURICE. ans. il a enlevé. Certainement! nommé par la diète, proclamé ATHÉNAÏS. par le peuple, j'ai en poche mon diplôme de sou- Une redoute! verain. Mais la Russie me défendait d'accepter, L'ABBÉ. sous peine du canon moscovite, et mon père, le Non, une jeune fille nommée Rosette. roi de Pologne, qui craint la guerre avec ses voi- ATHÉNAÏS,avec admiration. sins, m'ordonnait de refuser, sous peine de sa A douze ans! colère. L'ABBÉ. LAPRINCESSE. Et quand on commence ainsi, vous jugez. Eh bien! qu'avez-vous fait ? ATHÉNAÏS. MAURICE. Eh bien! vous le jugez très mal, car dans cette J'ai répondu à l'impératrice par un appel aux dernière expédition que l'on dit fabuleuse et où il armes de toute la noblesse courlandaise, et j'ai vient de se faire nommer duc de Courlande, l'hé- écrit à mon père qu'avant d'être élu souverain, j'é- ritière du trône des czars, la fillede l'impératrice, tais officierdu roi de France; que dans les armées une affection ne tendait avait conçu pour lui qui de Sa Majesté très chrétienne je n'avais pas appris moins le faire un de à rien - qu'à jour empereur à reculer, et que j'irais en avant. Russie. ATHÉNAÏS. LAPRINCESSE. A merveille! Et, sans doute, ébloui d'une conquête aussibril- L'ABBÉ. lante, Maurice aura tout employé. ATHÉNAïs. Il n'y avait rien à répliquer. Je l'aurais cru comme vous! Pas du tout, Flo- MAURICE. restan m'a raconté qu'il n'avait rien fait de ce Aussi, faute de bonnes raisons, mon père me pour réussir. au contraire, il a laissé voir mit au ban de l'empire, l'impératrice mit ma tête fallait et son le Menzicofî franchement à la princesse moscovite qu'il avait à prix, général, prince entra, sans déclaration de à au fond du cœur une passion parisienne. guerre, Mittau, pour m'enle- ver dans mon Il avait avec lui LAPRINCESSE,avec émotion. par surprise palais. En vérité! dix-huit cents Russes, et moi, pas un soldat! ATHÉNAÏS. L'ABBÉ,riant. bien se rendre ! Vous voyez donc bien qu'il ne faut Il fallut pas toujours MAURICE. croire les abbés. Adieu, princesse. UNDOMESTIQUE,annonçant. Non pas. Monsieur le comte Mauricede Saxe! LAPRINCESSE. ATHÉNAÏS. Vous avez osé vous défendre? MAURICE. Ah! il estditqueje ne m'en iraipasaujourd'hui.. A la Charles XII. Ah! comme je reste! m'écriais-je, le roi de Suède à Bender, en voyant luire autour de mon palais les torches et les fusils, ah! l'incendie et les balles! Cela me va !.. Je rassemblequelques SCÈNE III. gentilshommes français qui m'avaient accompa- le brave Florestan de Belle-Isle. LES MAURICE*, gné, PRÉCÉDENTS, ATHÉNAÏS,vivement. L'ABBÉ. Mon petit cousin. vous en êtes content, Mon- Salut au souverain de Courlande! sieur le comte? LEPRINCE. MAURICE. Salut au conquérant! Très content, duchesse, il se bat comme un ATHÉNAÏS. enragé. Aveclui, les gens de ma maison, mon se- Salut au futur empereur! crétaire, mon cuisinier, six hommes d'écurie. et MAURICE,gaiement. une marchande courlandaise se trou- Eh! mon Dieu duc sans jeune qui oui, Mesdames, duché, vait là. général sans armée, et empereur sans sujets, voilà ma L'ABBÉ. position! des il a une manière de LEPRINCE. Toujours femmes! faire la Les états de Courlande ne vous ont-ils donc guerre. MAURICE. pas choisi pour maître? Qui vous irait, n'est-ce pas, l'abbé? Nousétions * Les acteurs qui ont remonté le théâtre, le redes- en tout soixante! cendent dans l'ordre suivant: l'abbé, la princesse, LEPRINCE. Maurice,Athénaïs,le prince. Un contre vingt! ACTE 1, SCÈNE III. 7

MAURICE. ATHÉNAÏS. Ne craignez rien, la différencediminuera bien- C'est admirable. Elle a amené toute une révolu- tôt. Les portes bien barricadées avec tous les tion dans la tragédie. elle y est simple et natu- meubles dorés du palais. je place mes gens aux relle, elle parle. LA fenêtres avec leurs mousquets et ma jeune mar- PRINCESSE. chande avec une chaudière. Le beau mérite! L'ABBÉ. ATHÉNAÏS,à Maurice. Je vous préviens que madame de Bouillon ne 'fous l'aviez enrégimentée aussi? MAURICE. partage pas mon enthousiasme, elle est passion- Sans doute. Un feu de mousqueterie dont tous née pour mademoiselle Duclos, dont la déclama- les coups portaient dans la masse des assiégeants tion emphatique n'est qu'un chant continuel. LA qui, après une perte de cent vingt hommes, se PRINCESSE. décidèrent enfin à l'assaut. c'est là que je les C'est la vraie tragédie. attendais; sous le pavillon de droite, le seul où L'ABBÉ. les l'escalade fût possible, j'avais placé moi-même Certainement! poètes disent tous: Je chan- deux barils de poudre, et au moment où troiscents te. Je chante. LE l'avaient envahi, hurlaient hourra PRINCE. Cosaques qui Arma virum et victoire. je fis sauter en l'air les vainqueurs que cano. LAPRINCESSE. avec une moitié du palais. ATHÉNAÏS. Qu'est-ce que c'est que cela? Et vous ? L'ABBÉ. MAURICE. C'est de l'Horace ou du Virgile. Deboutsur la brèche au milieu des décom- ATHÉNAÏS. Ah! vous devenez bres. appelant aux armes les citoyens de Mittau l'abbé, pédant! LAPRINCESSE. que l'explosion avait réveillés. Les cloches son- Donc la est naient de toutes parts, et Menzicoffeffrayése re- plus tragédie chantée. mieux cela tira en désordre sur son Ah! si vaut. corps principal. L'ABBÉ. j'avais pu les poursuivre, si j'avais eu deux ré- un seulement! C'est là ce C'est sans réplique. giments français. qui ATHÉNAÏS. rnc manque et ce que je viens chercher. LAPRINCESSE. Eh bien! moi, je m'en rapporte à Monsieur le comte? Tel est le but de votre voyage? MAURICE. LAPRINCESSE. Je ne demande Madame! Que le cardinal de m'ac- pas mieux,qu'il prononce? Oui, Fleury MAURICE. corde, à moi, ofticier du roi de France, quelques escadrons de houzards. le nombre ne me fait Moi, Mesdames!je serais un juge bien peu com- Un soldat ne sait se battre. rien, la qualité me suffit, et Arminius, mon pétent. qui que un par connaît à votre l'année prochaine, étranger qui peine langue. patron, j'espère, Mesdames, ATHÉNAÏS. vous recevoir et vous traiter dans la royale de- meure des ducs de Courlande. Laissez donc! on prétend que vous vous for- LAPRINCESSE. mez. que vous faites des progrès étonnants, vous étudiez nos bons auteurs. la En attendant, vous nous permettrez de vous que (A prin- faire les honneurs de notre hôtel. cesse.)Oui, vraiment, dans la dernière campagne, sous LE PRINCE. Florestan l'a surpris sa tente, récitant seul des vers de Racine ou de Corneille. Je l'invite demain à notre soirée. pour (Maurice LA riant. s'incline.) PRINCESSE, ATHÈNAÏS. C'est fabuleux. un cri. Vous me donnerez la main; je serai fière d'a- ATHÉNAÏS,poussant Ah! mon Dieu! deux et mon voir pour cavalier le vainqueur de Menzicoff. heures, mari, M.le duc d'Aumont m'attend aller à Ver- (Souriant.) Et puis l'on vous réserve ici un plai- qui pour sir de roi. sailles. MAURICE. LEPRINCE. heure? Je serai avecvous, duchesse. Depuis quelle ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS. Depuis midi. Vous entendrez mademoiselle Lecouvreur. LAPRINCESSE. La (Mouvement de Maurice.) connaissez-vous, Ce n'est pas trop. Monsieur le comte? ATHÉNAÏS. MAURICE,avecréserve. Venez-vousavec nous, l'abbé? Nousavons une Oui, un peu. lors de mondernier voyage. place à vous offrir. 8 ADRIENNE LECOUVREUR,

LEPRINCE,retenant l'abbé par la main. AIAUIIICE,vivellielit. Non!.. je le garde!.. j'ai à lui lire ce matin la Oui, princesse! moitié du dernier volume de mon traité. LAPRINCESSE. L'ABBÉ,bas à la princesse d'un air misérable. Quel aimable souvenir!.. j'accepte, Monsieur Vous l'entendez P.. le comte, j'accepte. LEPRINCE. MAURICE,avec embarras le lui présentant. Impossible de remettre. l'imprimeur attend. Vous êtes trop bonne!.. et je l'emmène dans mon cabinet! LAPRINCESSE,à voix haute et feignant de l'ad- ATHÉNAis. mirer. Pauvre abbé!.. Adieu, Messieurs! (A la prin- Il est charmant!.. L'essentiel, en ce moment, cesse.)Adieu, matoute belle, à demain! (Athénaïs quoique peut-être vous méritiez peu qu'on s'oc- sort par le fond, l'abbé et le prince par la porte cupe de vous. est de songer à vos intérêts. à droite.) vous dites que le cardinal-ministre. vous a mal accueilli. MAURICE. SCÈNE IV. Fort mal. LAPRINCESSE. PRINCESSE. MAURICE,LA Je verrai à faire changer ses dispositions. on LAPRINCESSE,après avoir attendu que toutes les vous accordera vos deux régiments. portes fussent refermées se rapprochant vive- MAURICE. ment de Maurice.) S'il était vrai!.. Enfin donc on vous revoit! Depuis deux mois, LAPRINCESSE. pas une seule ligne de vous; c'est par la du- J'irai à Versailles. et pour vous tenir au cou- chesse d'Aumont que j'ai appris votre retour et rant de ce que j'aurai fait,de ce que j'aurai appris. j'ai cru que je ne recevrais pas votre visite. MAURICE. MAURICE. Je viendrai ici. LAPRINCESSE. Ma a été pour vous, Princesse. ar- première Ici. non! la foule des et rivé cette nuit. curieux des impor- LAPRINCESSE. tuns, sans compter mon mari, ne melaisse pas un instant de liberté. Mais écoutez-moi: M. le Vous n'avez vu de la matinée personne en- core?.. prince de Bouillon a acheté pour la Duclos une MAURICE. petite maison charmante, délicieuse, près de la Que le secrétaire d'État au département de la Grange-Batelière. à deux pas de l'enceinte de Paris. c'est là seulement guerre. (Ayantl'air de chercher.) Le cardinal- j'en puis disposer. vous ministre. et le premiercommisqui tous, du reste, que je recevrai. m'ont assez mal acceuilli et m'ont donné peu MAURICE. Dans cette maison d'espoir! qui appartient. LAPRINCESSE. LAPRINCESSE. A mon mari. raison de chez c'est D'autres vous ont dédommagé! plus! lui, MAURICE. chez moi. Que voulez-vous dire? MAURICE,gaiement. En il a vous de LAPRINCESSE,qui depuis le commencementde la vérité, Princesse, n'y que pour telles combinaisons! scène a tenu les yeux fixés sur un bouquet que LAPRINCESSE. Maurice porte à la boutonnière de son habit. c'est assez ce sera Je ne m'imagine pas que ce soit le secrétaire Oui, ingénieux. Quand et c'est mademoiselle d'État ou le cardinal-ministre qui vous ait donné possible nécessaire, Duclos elle-même vous en en ce bouquet de roses. qui préviendra vous écri- moi! MAURICE,avec embarras. vant, jamais de C'est vrai!.. je n'y pensais vous voyez MAURICE, même. plus! Mais tout! ne craignez-vous pas?.. LAPRINCESSE. LAPRINCESSE. Rien !.. la Duclos m'est dévouée. son sort est De qui vous viennent ces fleurs? MAURICE,riant. dans mes mains. De qui?..eh ! mais, d'une petite bouquetière. MAURICE. fort jolie, ma foi. que j'ai rencontrée presque Je comprends. mais moi. (Apart.) Accepter aux portes de votre hôtel et qui m'a supplié si quand j'en aime une autre. non, mieux vaut vivement de le lui acheter. tout lui dire. (Haut.) Je ne sais, Princesse, LAPRINCESSE. commentvous remercier de votre générosité, de Que vous avez pensé à moi. votre dévoûment. ACTE I, SCENE VI. 9

LAPRINCESSE*. L'ABBÉ. En acceptant!.. Silence! on vient!.. Certainement! qu'est-ce? LAPRINCESSE. (Se retournant avec impatience.) Rien. c'est l'abbé. J'ai pensé que vous pourriez nous rendre ce service. MAURICE,salue respectueusement la Princesse et L'ABBÉ. à sort par le fond; part. C'est très difficile! Plus tard! plus tard! LAPRINCESSE. Voilàun mot que je n'admets pas! SCENE V. L'ABBÉ. Pour moi surtout. dans ce moment, n'ai LA PRINCESSE,qui est remontée avec Maurice qui, du pas de chance et ne suis pas heureux. jusqu'au fond théâtre, L'ABBÉ, se jetant , LAPRINCESSE. dans un fauteuil à droite. Le bonheur dépend souvent de bien jouer. L'ABBÉ. Les heureux sont les habiles. Soixante pages de chimie! (Il tire de sa poche L'ABBÉ. un flacon de sels à re- qu'il respire plusieurs Et si j'étais assez habile. pour découvrir ce prises.) secret. LAPRINCESSE,redescendant le théâtre en rêvant et LAPRINCESSE. en le regardant bouquet. Je pourrais peut-être, à mon tour. vous en Une bouquetière qui attache ses fleurs avec des confier un. auquel vous paraissiez tenir. cordons soieet or!.. Cet embarras. cettefroideur.. L'ABBÉ,avecjoie. sont de n'aime quelqu'un qui plus!.. cela peut 0 Ciel! est-il possible! arriver à tout le monde. mais si cette passion, LAPRINCESSE. lui a fait la filledu non qui dédaigner czar. était, Vous voyez donc bien que vous aviez tort de mais une autre !.. rivale! pas pour moi, pour une vous plaindre! Aide-toi, le Ciel t'aidera !. Ce une rivale Je préférée!. m'emporte!. non. n'est plus de moi. c'est de vous seul que tout non sans me mettre en avant, sans me com- dépend. Adieu. adieu!.. (Elle sort par la porte le promettre. je saurai ! (Elle redescend tou- à gauche.) jours le théâtre vers le fauteuil où l'abbé est assis et s'assied dans une chaise à cdté de lui.) L'ABBÉ,respirant un flacon. SCÈNE VI. Soixante pages de chimie! c'est au-dessus de L'ABBÉseul, puis LE PRINCE. mes forces! donne ma démission! renonce à je je L'ABBÉ. mon emploi d'ami de la maison.. la (Regardant bien entendu ? princesse.) Puisqu'il n'y a décidément ni avan- L'ai-je cement, ni indemnité à obtenir. Sors vainqueurd'un combatdontChimèneest le prix! LAPRINCESSE,à part. Maiscomment en sortir?.. Le comtede Saxe, qui Et pourquoi donc, l'abbé?. est la discrétion même, ne me confiera rien. Je L'ABBÉ. ne suis pas son ami. impossible de le trahir. A Que voulez-vous dire?.. qui donc m'adresser. pour épier. pour savoir. LAPRINCESSE,à demi-voix. et pour obtenir la récompense. Écoutez-moivite!.. Une amieà moi. une amie LEPRINCE. intime. Miracle! l'abbé qui réfléchit! L'ABBÉ. L'ABBÉ. La duchesse d'Aumont? Oui, sans doute. et sur un problème. qui LAPRINCESSE. n'est pas facile à résoudre !. Peut-être!. je ne nomme personne. désire, LEPRINCE. avec ardeur. avec enfin. commenous passion. Un problème!.. cela nous regarde, nous autres désirons, nous autres femmes. désire découvrir savants! un secret que l'on cache avec soin. L'ABBÉ, le regardant en riant. L'ABBÉ. Au fait. c'est vrai. cela le regarde. ça l'in- Lequel ? téresse. en un sens. LAPRINCESSE. LEPRINCE. beauté inconnue. Quelleest la mystérieuse. l'abbé. te Mauricede Saxe?.. Voyons, voyons. qu'est-ce qui qu'adore en ce moment caril tourmente? y en a une! l'abbé, qui savez tout. qui, Vous, L'ABBÉ,amenant le prince au bord du théâtre. par état, devez tout savoir. Il est impossible que Mauricede Saxe, qui est Maurice,la princesse,l'abbé, qui vient d'entrer si galant et si à la mode, n'ait pas au moins un par la porte, à droite. amour dans le cœur ? 10 ADVIENNE LECOUVREUR,

LE PMNCB)riant. L'ABBÉ. Volontiers. Mais cela fait notre Eh bien! cela te fait à toi, l'abbé? qu'est-ce que- à qu'est-ce que affaire?.. L'ABBÉ. LE PRINCE. • Celame fait. des raisons inutiles à que pour counaît le nom tu veux savoir. vous des raisons de la La Duclos que expliquer. personnelles, L'ABBÉ. haute tiendrais à savoir plus importances/je En vérité!.. est sa actuelle. la beauté ré- quelle passion LE PRINCE. gnante. L'autre au moment où dans sa LE avec bonhomie. soir, j'entrais PRINCE, commeon de Maurice de Saxe. la Je te saurai cela! loge parlait disait en riant. une L'ABBÉ.. Duclos je connais grande dame adore. Elle me Vous! qu'il s'est arrêtée en Mais tu bien si le lui de- LEPRINCE. voyant. sens que je mande. elle n'a rien à me refuser. Elle me le Moi!dès ce soir., dira en confidence. je te le dirai en secret. L'ABBÉ. L'ABBÉ. Allons donc.ce serait trop original.!.. Et c'est par vous-que je l'apprendrai. C'est LEPRINCE. impayable. LEPRINCE,riant. Veux-tu parier deux cents louis? Impayable? non pas. tu me paieras les deux L'ABBÉ. cents., louis du pari. Vivent les abbés! C'est cher! mais cela vaut ça. pour la rareté L'ABBÉ. du fait. (Au prince, qui vient de sonner.) Que Vivent les savants!.. Donnons-nous la main ! faites-vousdonc ? LEPRINCE. LEPRINCE,à un domestique qui parait. Et à la Comédie-Française! (Ils sortent ensemble Mes chevaux. (A l'abbé.venir ce soir en se donnant la main.) avec moi à la Comédie-Française?..la Lecouvreur et la Duclosjouent dans Bajazet. FIN DUPREMIERACTE.

ACTE DEUXIÈME. - Le théâtre représentele foyerde la Comédie-Française;h gauchedu spectateur,deuxportes par lesquelles on.pénètresur le théâtre : entre les deuxportes, ujMglaceavec des candélabres;au fond,une grandeche- minéesur laquelleest un bustede Molière,devantla cheminée,des fauteuils rangésen cercle; à droite, deux portes par lesquellesonva dansla salle: aux deuxangles du foyer,lesbustesdeRacineet de Corneilleplacés sur des-demi-coiounes; au fbnd,sur la muraille, et des deuxcôtésde la cheminée,-lesportraits de Baron, delà Champmesié,etc. Au leverdurideau, MademoiselleJOUVENOT,en costumede Zatime, dans Bajuzct, est devantla glace,à gauche, et met la dernière main à sa coiffure;plus loin,MademoiselleDANGEYILIE, dans le rôle des Folies amoureuses, est assiseet causeavecun jeune seigneur,gui e;;.\derrière elle appuyé sur son fautettil; aofond, deboutou assis devantla cheminée,plusieurs des acteursqùijouentdansBajazet ou tes Folies ameufewses..MiCHOMNETdUmilieudu théâtre, va etvient et répondà tout le monde;a droite du spectateur, et devantune table, QUINAULT,dansle costumedu vizirAconiat, etftismw, en costumede Crispin,jouantune partie d'échecs; d'autres acteurs et actrices se promènenten causantou en étudiantleurs rôles. .-

SCENE PREMIERE. MICHONNET. Adrienne et la Duclos jouant ensemble da-ns MADEMOISELLEJOUVENOT,MADEMOISELLE Bajazet pour la première fois ! plus de cinq mille DANGEVILLE,MICHONNET, QUINAULT, livres! -POISSON. POISSON. MADEMOISELLEJOUVENOT. Diable! „ Michonnet, avez-vous du rouge? MADEMOISELLEDANGEVILLE, MICHONNET. Michonnet! A quelle heure commencera la se- Oui, Mademoiselle,là, dans ce tiroir. conde pièce, lesFolies amoutêuses ! - POISSON.1 MICHONNET. Michonnet! A huit heures, Mademoiselle. MICHONNET,.- QUINAULT,jouant au tric-trao. Monsieur Poisson1 Michon net POISSON. MICHONNET. La recette est-elle belle ce soir? Monsieur Quinault. ACTE II, SCENE II. II

QUINAULT. MICHONNET. N'oubliezpas mon poignard. Ne craignez rien. je vous avertirai. je suis la MICHONNET. pendule du fuyer. Non. non. Michonnet!. toujours Michon- MADEMOISELLEJOUVENOT. ne retarde! net!.. Pas un instant de repos. et à qui la Pendule qui jamais faute?.. à moi, qui me suis mis sur le pied de MICHONNET. vrai!., le moindre dans le tout surveiller. jusqu'aux accessoires, et qui C'est manquement et un de ne dormirais pas tranquille si je n'avais remis répertoire bouleverse tout mon être, jour dans mon exis- moi-même à Hippolyle son épée et à Cléopâtre clôture est un jour de relâche son aspic. Distribuer tous les soirs des parures tence. en rubis ou des bourses pleines d'or. et quinze cents livres d'appointements. quelle ironie!.. Si au moins ils m'avaient nommé sociétaire!. cela SCÈNE II. ne rapporte mais on est de la pas grand'chose, MADEMOISELLE MADEMOISELLE Comédie-Française. On Michonnet, de la JOUVENOT, signe: DANGEVILLEet d'autres dames devant la Comédie-Française! Au lieu de cela : premier cheminée du sur le devant et c'est-à- fond; MICHONNET, confident tragique régisseur général. du LE PRINCEDE BOUIL- dire d'écouter les tirades et les ordres de théâtre; L'ABBÉ, obligé LONet venant de la salle tout le monde. plusieurs seigneurs et MADEMOISELLEJOUVENOT. entrant par la porte à droite; QUINAULT ET sur le à et re- Adrienne aura-t-elle ce soir ses diamants? POISSON, devant, droite, montant, après l'entrée des seigneurs, pour MADEMOISELLEDANGEVILLE. aller causer avec eux. Ceux que lui a donnés la reine? MICHONNET. MADEMOISELLEJOUVENOT. encore des viennent dans A ce dit! Allons, étrangers qui qu'elle nos dans nos coulisses. le MICHONNET. foyers, (L'abbé, prince et les seigneurs s'approchent des dames, Ces diamants-là lui ont fait bien des Ennemis! qui sont près de la cheminée, les saluant et cau- MADEMOISELLEJOUVENOT. sant avec elles. Reconnaissant et saluant.) Ah!.. Il n'y a pas de quoi!.. Il est si faciled'avoir des monsieur l'abbé de Chazeuil, monseigneur le diamants. prince de Bouillon! (Apart.) Quand je pense que MICHONNET,entre ses dents. f cet homme-là pourrait, d'un mot, me faire nom- A vous autres. mais à nous, qui n'avons que mer sociétaire. je ne peux pas m'empêcher de le nos appointements. ou à celles qui n'ont que regarder avec respect!.. Quellebassesse!.. moi, leur mérite. qui blâme ces dames et leurs parures!. (Le MADEMOISELLEJOUVENOT,avec fierté. prince, l'abbé, Quinault, Michonnet, descendent Qu'est-ce à dire?.. sur le devant du théâtre.) MICHONNET. L'ABBÉ,s'adressant à Quinault. Rien, Mademoiselle,rien !.. (A part.) Ah! si tu Bonsoir, vizir!.. On dit, monsieur Quinault, n'étais pas sociétaire! Si je n'avais pas besoin de que vous serez admirable dans Bajazet. toi pour le devenir. commeje te répondrais!., LEPRINCE. comme je t'aurais trouvé quelque chose de bien Ainsi que mademoiselle Duclos! piquant et de bien spirituel!.. MICHONNET. QUINAULT,d'un air important. Et Adrienne donc!.. sublime!.. Échec et mat. Vous n'êtes pas de force, mon QUINAULT. cher. Oui, ça a fini par la gagner!. (Souriant.) Ce POISSON. n'est pas sans peine ! car, sans me vanter, il n'y Quoi! monsieur Quinault! tu ne me tutoyés a pas dans le rôle de Roxane une seule intonation plus!.. que je ne lui aie donnée. MADEMOISELLEDANGEVILLE. MICHONNET,avec colère. C'est un manque d'égards. Par exempte! POISSON. QUINAULT,avechauteur. Que voulez-vous! depuis que mademoiselle Qu'est-ce que c'est? Quinault, sa sœur et notre camarade, a épousé le MICHONNET,s'arrétant. duc de Nevers. il se croit duc et pair par al- Rien. (A part.) Encore un qui est sociétaire. liance. Voyons, dis-le franchement, veux-tu que sanscela!. (Regardant par la porte à droite.) je t'appelle monseigneur? C'est Adrienne qui descend de sa loge. la voici. QUINAULT. L'ABBÉ. Il suffit. Commence-t-on?.. Oui, vraiment, elle étudie son rôle! 12 ADRIENNE LECOUVREUR,

MICIIONNET. sûre du succès que quand je lui ai entendu dire : Toute seule! (Apart et regardant Quinault.) et C'est cela! c'est bien cela! sans Monsieur. c'est étonnant! MICHONNET,à moitié pleurant. Ah! Adrienne! vois-tu? ce trait-là. j'étouffe! L'ABBÉ,qui est passé près de Michonnet, à l'ex- trême droite du théâtre. SCÈNE III. Mais, monsieur Michonnet, dites-moi comment, MADEMOISELLEDANGEVILLE, MADEMOI- vous qui donnez de si bons conseils, vous êtes. SELLEJOUVENOT,près de la glace à gauche; MICHONNET. LE PRINCE, ADRIENNE,entrant par la porte Commentje suis si mauvais, n'est-ce pas, Mon- à droite et étudiant son rôle ; L'ABBÉ, MI- sieur l'abbé? je me le suis souvent demandé. Cela CHONNET,QUINAULT. tient, je crois, à ce que je ne suis pas sociétaire. L'ANNONCEUR. ADRIENNE,étudiant. Messieurs et le acte va Du sultanAmuratje reconnaisl'empire. Mesdames, premier Sortez! que le sérail soit désormaisfermé. commencer! QUINAULT,au Non, ce n'est pas cela! (Essayant une autre fond. Et ces dames, qui ne sont pas prêtes! manière.) ADRIENNE,traversant le théâtre et passantprèsde Sortez1 que le sérail soit désormaisfermé. la à Et tout rentre icidansl'ordreaccoutumé! glace gauche. que Je le suis. L'ABBÉ,qui s'approche d'elle. MADEMOISELLEDANGEVILLE,redescendant. Superbe! EL moi aussi, quoique je ne joue que dans la ADRIENNE. seconde pièce! Monsieur l'abbé de Chazeuil! QUINAULT. LEPRINCE. Maismademoiselle Duclos? Eblouissantt MICHONNET. MADEMOISELLEJOUVENOT. Il y a un quart d'heure que je suis entréiUns Vous voulez parler des diamants? sa loge, où elle écrivait. tout habillée. LEPRINCE. LEPRINCE*. Ceux de la reine! fort beaux en effet! Quand Ah! elle écrivait! Mademoiselle Lecouvreur voudra s'en défaire, je MADEMOISELLEDANGEVILLE. lui en ai déjà offert soixante mille livres! (Made- En costume! (A l'abbé, qui lui parle de près.) moiselle Jouvenot, Mademoiselle Dangeville re- Prenez donc garde, l'abbé , vous chiffonnez le montent vers la cheminée qui est au fond du mien! théâtre. A Adrienne.) Vous étudiez donc tou- MICHONNET. cherchez-vousencore? jours? que Il fallait que ce fût une épltre bien pressée! ADRIENNE. MADEMOISELLEDANGEVILLE,regardant le prince. La vérité. Ou qu'on attendit avec bien de l'impatience. L'ABBÉ,regardant Quinault. LEPRINCE. Mais vous avez eu des leçons des premiers Qu'est-ce que cela signifie?., maîtres. MADEMOISELLEJOUVENOT,à demi-voix au prince MICHONNET,.à Quinault, qui veut sortir. de Bouillon. Restez donc, monsieur Quinault, on ne com- Je vais vous le dire. La femmede chambre de mence pas encore. mademoiselleDuclos. L'ABBÉ,à Adrienne. LEPRINCE,souriant. Pourle rôle de Roxane, par exemple! Pénélope ? ADRIENNE. MADEMOISELLEJOUVENOT. Eh! mon Dieu, non, par malheur! (Apercevant Prétendait tout à l'heure, en montrant une Michonnet.)Je me trompe, j'allais être ingrate en lettre, qu'elle avait là un petit billet que Monsieur disant que je n'avais pas eu de maître. Il est un le prince paierait bien cher. homme de cœur, un ami sincère et difficile,dont LEPRINCE. les conseils m'ont toujours guidée, dont l'affection Moi!le payer! m'a toujours soutenue. (Passant près de Michon- MADEMOISELLEJOUVENOT. net, à qui elle tend la main.) Lui*! et je ne suis Ce qui donnerait à penser qu'il n'était pas pour * * Le prince, l'abbé, Michonnet,le princeremonte Adrienne,devant la glace, à gauche, made- à la cheminéeprès des dames, tous les autres ac- moiselleJouvenot,le prince, mademsiselleDangeville, teurs sontgroupésauprèsdela cheminéedu fond,ou l'abbé, Michonnet,les autres acteurset actrices,au se promènentdans le foyer. fond. ACTE TT, SCÈNE IV. 13 vous! Après cela, c'est une supposition. parce ADRIENNE. que chez nous, en fait d'infidélités. on suppose Sans doute. volontiers. on bavarde, on cause, on invente, MICHONNET. homme vient de mourir. et presque toujours cela se rencontre juste. Eh bien! ce pauvre POISSON,qui est assis près de la table, à droite. ADRIENNE. Le hasard !.. Ah ! tant pis! LEPRINCE,vivement et à part. MICHONNET. 0 ciet! je cours interroger Pénélope. (Bas à Oui, oui, tant pis! Mais pourtant il me laisse l'abbé.) Je vais, l'abbé , m'occuper de notre af- sur son héritage dix bonnes mille livres tournois. faire. ADRIENNE. L'ABBÉ. Tant mieux! A merveille,.. Où vousretrouverai-je? MICHONNET. LE PRINCE. Pas tant tant mieux!.. parce que moi, qui n'ai Ici. le troisième acte. après jamais eu tant d'argent, je ne sais qu'en faire, et L'ABBÉ. ça me tourmente. C'est convenu. ADRIENNE,souriant. MICHONNET. Tant pis, alors. Allons, mademoiselle Jouvenot, allons, mon- MICHONNET. sieur dames sortent la Quinault. (Ces par porte Pas tant. parce que ça m'a donné une idée à est celledu gauche qui théâtre.) qui ne me serait peut-être pas venue sans cela. QUINAULT,que Michonnetpresse toujours. celle de me marier. Me voici. me voici!.. (Rencontrant l'abbé à ADRIENNE. la porte à gauche.) Après vous, Monsieur l'abbé. Vous avez raison. un et si L'ABBÉ. (Avec soupir.) je le pouvais aussi. moi. votre excellence les deux Après turque ! (Tous MICHONNET,avecjoie. sortent la à par porte gauche.) Ce ne serait pas loin de ta pensée ? LEPRINCE, il part, et se dirigeant vers la porte ADRIENNE. à droite. N'avez-vous disent Je me suis défiéde cette Péné- pas remarqué qu'ils tous , toujours petite depuis quelque temps: Le talent d'Adrienne est ce nom-là, au devait lope. rien que théâtre, bien changé! malheur. sort la à porter (Il par porte droite.) MICHONNET,vivement. C'est vrai!.. il augmente! Jamais tu n'as joué Phèdre comme avant-hier. SCÈNE IV. ADRIENNE,avec animation et contentement. ADRIENNE,assise d gauche, MICHONNET. N'est-ce pas?.. Ce jour-là, je souffrais tant si malheureuse!.. On n'a MICHONNET,regardant Adrienne, qui s'est remise j'étais (Souriant.) pas à étudier son rôle à voix basse. tous les soirs ce bonheur-là! MICHONNET. Dire amitiépareillepourmoi, etvoilà qu'elle a une Et d'où cela venait-il ! cinq ans que j'hésite toujours à lui avouer. C'est ADRIENNE. tout simple. elle est sociétaire. et je ne le suis On !.. pas! elle le suis Etpuis au- parlait d'un combat!.,et pas de nouvelles est jeune,et je ne plus! blessé. tué tout ce jourd'hui me sembleun mauvais attendons peut-être!.. Ah! qu'il y a jour. dans le cœur de de de déses- à demain. Il est vrai que demain je serai encore crainte, douleur, tout tout souffert!.. tout moins jeune. D'ailleurs elle n'aime rien. quela poir, j'ai deviné, je puis surtout l'ai tragédie. (S'avançant en se donnant du cou- exprimer maintenant, la joie. je revu! hors lui. rage.) Allons!.. (Avec embarras et s'approchant MICHONNET, ô ciel!.. tu aimes d'Adrienne.) Tu étudies ton rôle? Qu'entends-je, quelqu'un. ADRIENNE. ADRIENNE. Oui. Commentvous le cacher à vous, mon meilleur MICHONNET,avec embarras. ami? A propos de rôle. et si ça ne te dérange pas. MICHONNET,cherchant à se remettre. moi qui depuis si longtemps. fais les confidents, Mais. commentcela est-il arrivé P j'aurais bien à mon tour.. quelque chose. ADRIENNE. ADRIENNE,avec intérêt. C'était à la sortie du bal de l'Opéra! de jeunes A me confier. officiers,dont un joyeux souper égarait sans doute MICHONNET. la raison, (lequel d'entre eux, sans cela eût osé Oui, vraiment!.. Tu te rappelles mon grand insulter une femme? voulaient m'empêcher de re- oncle, l'épicier de la rue Férou ? gagner ma voiture, lorsqu'un jeune homme que 14 ADRIENNE LECOUVREUR, je ne connaissais pas, s'écria: Messieurs, c'est ADRIENNE. mademoiselleLecouvreur. vous la laisserez pas- Me voir jouer Roxane! ser; et commemesquatre adversaires. (ils étaient MICHONNET,vivement. quatre) se mirent à rire de cet ordre, par un mou- Ah! mon Dieu! et dans quel état te voilà! Ce vement plus prompt que la parole et avec une trouble. cette émotion. tu ne pourras rien dé- force surnaturelle, mon étrange protecteur ren- tailler. rien calculer! verse de chaque côté et d'un seul coup, deux de ADRIENNE. ses ennemis, m'enlevant dans ses bras et me Qu'importe! puis MICHONNET. ma voiture, il me dépose sur les portant jusqu'à Ce c'est coussins, au moment où nos jeunes officiers qui qu'il importe?. qu'aujourd'hui, pour la fois, tu ce rôle avec la Duclos! s'étaient relevés, accouraient l'épée à la main: première joues ADRIENNE,sans l'écouter. Monsieur, vous me rendrez raison ?—Très volon- tiers!—Vous commencerez Soyez tranquille!.. par moi-par moi—par MICHONNET. moi-Lequel choisissez-vous?—Tous,répondit-il Je ne le suis pas! Il faut du calme et du en les chargeant à la fois. et au cri que je pous- sang- froid, même dans l'inspiration. La Duclos se sai : ne craignezrien, restez, Mademoiselle,me dit- pos- sèdera. elle profitera de ses tandis il, vous serez aux premièresloges; et nous, Mes- avantages. que toi. tu ne verras que lui. sieurs, allons enscène !-Que vous dirai-je? quoi- saisie de ne détacher mes ADRIENNE,avec passion. que frayeur, je pouvais C'est vrai!.. Et si dans de ce et si vous l'aviez braver la salle mon œil le dé- yeux spectacle. vu, couvre.. en se jouant la pointe de ces quatre épées dirigées avec contre sa c'était,le bn's et le d'un MICHONNET, désespoir. poitrine, regard Tu es Ne de ton rôle. héros. Loinde il les défiait! il les perdue!.. t'occupe que reculer, appelait! L'amour mais un beau une belle créa- semblaitentendre : passe, rôle, tion , un triompheéclatant, cela reste toujours! ParaissezNavarrois,Maureset Castillans, (D'un air suppliant.)Voyons! est-ce qu'il ne t'est Et tout ce quel'Espagnea produitdevaillants! pas possible de ne pas penser à lui? ADRIENNE. Maisaux cris de la foule, leguet arrivait de tous Hélas! non côtés. Nosadversaires,honteux de leur nombreet MICHONNET. redoutant les l'un flambeaux,disparaissaient après Pour ce soir du moins! Adrienne) monenfant, l'autre du de bataille. champ sois magnifique!je t'en supplie, sois magnifique^ Et le combatfinitfautede combattants! si ce n'est pas pour moi, eh bien ! que ce soit dans l'intérêt même de cette folle L'a- MICIIONNET,vivement. passion! Et tu l'as revu ? mour des hommes ne vit que d'amour-propre!.. et ADRIENNE. si la Duclos l'emportait sur toi. si tu n'étais pas belle !.. Dèsle lendemain!.. Pouvais-jel'empêcher de se la plus chez de venir s'informer de mes ADRIENNE,poussant un cri. présenter moi, Je le serai! nouvelles, surtout il m'eut avoué quand que lui, avec reconnaissance. officier, n'avait de de MICHONNET, étranger, simple fortune, Merci! titres, de nom même à attendre que de son cou- avec émotion et lui tendant la rage. Voilà ce qui le rendait si redoutable pour ADRIENNE, main. moi!.. Riche et puissant, peu m'importait; mais C'est plutôt à moi de vous remercier, mon ex- cellent ami!.. pauvre, mais malheureux, mais ne rêvant, comme moi, que l'amour et la gloire, comment lui ré- MICHONNET,à part. sister ? Dis plutôt: imbécilede Michonnet! (Prêt à s'en MICHONNET. all6r, revenant sur ses pas.) Il y a un endroit 0 Ciel! que tu négliges toujours: ADRIENNE. N'aurais-jetout tenté que pourunerivale!. Parti, depuis trois mois, pour chercher fortune Vois-tu, Adrienne. cette pauvre femme! ce qui avec le jeunecomte de Saxe, filsdu roi de Polo- excite encore plus son dépit, c'est que c'est jus- gne, son compatriote, il est revenu ce matin, et sa tement pour une rivaleque. tu sais. et alors. première visite a été pour moi; maisson général, elle éprouve. là. elle se dit. Je nepeffxpas mais le ministre, qui l'attendaient à Versailles, bien rendre l'expression. mais tu me ont abrégé encore le peu d'instants qu'il me don- comprends. nait; aussi, ce soir, il me l'a promis, il viendra ADRIENNE,déclamant. ici au théâtret.. N'aurais-jetout tenté que pour unerivale! MICHONNET. MtciioNNiiT,avecjoie, Il viendrai C'est cela! ACTE II, SCENE V. 15

ADRIENNE. vous.. J'ai aperçu une petite porte par laquelle Ne craignez rien!. Maisvous. ce que vous venait de passer une façon de gentilhomme. vouliez me dire. tout-à-l'heure. de vos idées Puisqu'il entrait, j'en pouvais faire autant. On de mariage? ne passe pas! Que demandez-vous?— Mademoi- MICHONNET,vivement. selle Lecouvreur. J'ai à lui parler. Elle m'at- Non, c'est inutile, ce n'est plus le moment. tend.. Je te laisse étudier. (Apart.) Allons, j'ai beau ADRIENNE. sortir de mon faire, je ne peux pas emploi de Imprudent!.. me compromettre! confident. Et l'héritage de mon oncle, et mes MAURICE. une Ne projets. (Essuyant larme.) pensons plus En quoi ? Parce qn'on n'est pas gentilhomme à rien. à rien au monde!.. (Il fait quelques pas de la chambre, on n'a pas le droit de vous admi- et revient pour sortir par la porte à gauche près rer de près. Il faut, à l'écart, dans un coin de d'Adrienne qui vient de traverser le théâtre et la salle, frémir ou sangloter, sans vous remercier repasse à droite.) Bois une gorgée d'eau en en- de ce cœur que vous avez fait battre ou de cette trant en scène, et surtout n'oublie pas. tu sais. tête que vous avez exaltée. Il aurait fallu atten- commetu as dit!.. ton. enfin (Il sort.) dre jusqu'à ce soir pour vous dire : Adrienne, je t'aime! ADRIENNE,mettant un doigt sur sa bouche. SCENE V. Silence! (Lui montrant son costume.) Roxane va vousentendre! Maisavant que je vousrenvoie, entrant la à droite et s'a- MAURICE, par porte dites-moibien vite, car à peine ce matin ai-je pu vançant au milieu du théâtre ; ADRIENNE, vous entrevoir. Avez-vous fait de bien belles étudiant et lui tournant le à droite, debout, actions?.. me rapportez-vous quelque beau trait dos. bien héroïque ? ADRIENNE,à droite, étudiant. MAURICE. Mesbrigues,mes complots. matrahisonfatale. tout tenté unerivale!. Ah! s'il n'avait tenu qu'à moi !.. N'aurais-je que pour ADRIENNE. Que unerivale!. pour Vous MAumcE,se tournant du côté des bustes et des êtes trop difficile!Votrejeune général, le comte de dont on dit tant de et portraits qu'il regarde. Saxe, bien, que voudrais bien est-il satisfait C'estbeau, le de la Comédie-Française. je voir, de vous, foyer Monsieur? beau de gloire et de souvenirs. Rien qu'en tra- versant ces corridors, où semblent errer MAURICE. longs Oh! le tant d'ombres illustres. on sent là comme un comte de Saxe est plus difficileencore moi. Maisenfin certain surtout quand on vient, comme que je ne l'ai pas quitté et j'ai respect, y été blessé! moi, pour la première fois. Aussi, je l'espère, ne même Adrienne. ADRIENNE. personne m'y connalt. pas Près de lui! le mystère est le dernier égard que je doive à madame de Bouillon. MAURICE. Très ADRIENNE,levant les yeux et l'apercevant. près. Maurice! ADRIENNE. MAURICE. C'est bien ! l'idée seule de vous savoir blessé Adrienne! me fait frémir, et cependant il me semble qu'en ADRIENNE. suivant les périls, vous suivez votre route; que les Vous! ici! chemins s'élèvent sont les vôtres!. Je vous MAURICE. qui ai déjà vu l'épée à la main, et quand je vous J'étais arrivé le premier, ou peu s'en faut, pour écoute, vous me racontez, en ne rien perdre de vous! quand riant, quel- ADRIENNE. qu'une de vos actions de guerre. ne vous mo- de mes devine en vous un Miséricorde! on vous aura pris pour un clerc de quez pas présages. je grand un héros! procureur! homme, MAURICE. MAURICE. Enfant! Soit! ceux-là s'y connaissent aussi bien que ADRIENNE. d'autres ; car, au nom seul d'Adrienne, ils treis- saillent et crient : Bravo! Maisla toile s'était le- Oh! je m'y connais! je vis au milieu des héros de tous les moi! Eh bien! vous avez dans vée, je ne voyais que le grand vizir et son confi- pays, dent. l'accent, dans le coup d'œil, je ne sais quoi qui ADRIENNE. sent son Rodrigueet son Nicodème. aussi, vous Patience 1 arriverez ! MAURICE. MAURICE. Je n'en ai pas quand je suis si près et si loin de Vouscroyez? i 0 ADRIENNE LECOUVREUR ,

ADRIENNE. MAURICE. Vousarriverez !.. je saurai bien t'y forcer. C'est vrai. mais, pardonnez-moi, ce n'est MAURICE. qu'une fable. Comment? ADRIENNE,d'un air de reproche. ADRIENNE. Une fable! vous ne voyezlà qu'une fable! Je le comte votre vous vanterai tant de Saxe, (Récitant.) dont toutes ces dames jeune compatriote, raffolent, Deuxpigeonss'aimaient. (Avecexpression.)d'a- qu'il faudra que vous l'égaliez, ne fût-ce que par [ mourtendre. jalousie! MAURICE. MAURICE,souriant. Commenous! Je n'ai pas idéeque je soisjamaisjaloux de lui ! ADRIENNE. ADRIENNE. L'un Présomptueux! mais avez-vousvu le ministre? d'eux,s'ennuyantaulogis, MAURICE. Fut assezfoupour entreprendre Unvoyageen lointain Pas encore, maisje vais lui écrire. pays! ADRIENNE. MAURICE. Oh! non, n'écrivez pas! Commemoi! MAURICE. ADRIENNE. Pourquoi? L'autrelui dit: faire? ADRIENNE. Qu'allez-vous Voulez-vousquittervotrefrère? Parce que, vous savez. l'orthographe. L'absenceest leplusgranddes maux! MAURICE. Nonpaspourvous,cruel! Eh bien? MAURICE. ADRIENNE. Est-ce qu'il y a cela? Eh bien! la premièrelettre de vous que j'ai re- ADRIENNE,continuant. elle çue était bien chaleureuse, bien tendre, et Hélas ! mais en même dirai-je,il pleut! m'a touchée profondément, temps Monfrèrea-t-il tout ce qu'ilveut, une elle m'a fait rire aux larmes orthographe Bonsouper, bongîteet le reste! d'une invention! MAURICE. MAURICE,vivement. Qu'importe? je ne veux pas être de l'Académie. Le reste! ah! après? après? ADRIENNE. ADRIENNE,souriant. Ce n'est pas cela qui vousen empêcherait.Mais Après? (Avec finesse.)Ah! cela vous intéresse vous savezbien que je me suis chargée de faire donc, Monsieur? et si je vous disais les malheurs de celui votre éducation, mon Sarmate, de vous polir qui s'éloigne. et plus encore, ingrat, les l'esprit. tourments de celui qui reste. MAURICE. (Vivement.) Et moi,je n'ai point oublié mespromesses! que Non,non ! de des scènesde Corneille! fois, là-bas, j'ai appris Voilànos et laisseà ADRIENNE,avec admiration. gensrejoints, je juger Decombiende ils leurs à Corneille? plaisirs payèrent peines! Vous pensiez Amants,heureuxamants,voulez-vous MAURICE. voyager! Quece soit auxrivesprochaines. mais à si Non pas à lui, vous, qui l'interprétez Soyez-vousl'unal'autrcun mondetoujoursbeau, bien! Toujoursdivers,toujoursnouveau, ADRIENNE. Tenez-vouslieude tout. comptezpour rienlereste. Et ce petit exemplairede La Fontaine , que je vous avais donné en partant? MAURICE. MAURICE. Ah! quand c'est vous qui lisez, quelle diffé- Il ne m'ajamaisquitté.. il était là, toujours là. rence! c'est bien mieux que La Fontaine! à telles enseignes qu'il m'a sauvé une balle dont ADRIENNE. il a gardé l'empreinte. voyez plutôt? Impie! ADRIENNE. MAURICE. Et vous l'avez lu ? A votre voix, mon cœur Couvre , mon intelli- MAURICE. gence s'élève, tout me devient facile! Ma foi, non! ADRIENNE,souriant. ADRIENNE. Tout!. même l'orthographe! Pas même la fable des deux pigeons, que je MAURICE. vous avais rccommartdée? Aquand ma première leçon? ACTE II, SCÈNE VII. 17

ADRIENNE. LEPRINCE. Ce soir, après le spectacle, venez me cher- L'aventure la plus piquante pour nous deux. cher. voici mon entrée. L'ABBÉ,à part. MAURICE. Est-ce qu'il s'agit de sa femme? Adieu! LEPRINCE. ADRIENNE. Pour toi, d'abord. tu sais notre pari de tantôt, Vousallez dans la salle?.. (Vivement.) Vous ces deux cents louis. au sujet de comtede Saxe. m'écouterez. (Avec tendresse.) Tu me regar- L'ABBÉ,vivement. deras ? Le comte de Saxe. je viens de me rencontrer MAURICE. nez-à-nez avec lui. comme il sortait de ce Aux premières, à droite. foyer. il y vient donc ? ADRIENNE. LEPRINCE,vivement. Que je vous voie bien! que je vous adresse Preuve de plus!.. et j'aurais, parbleu, bien tous mes vers! je tâcherai d'être belle! oh ! oui, voulu le voir. je serai belle! (Elle sort par la première porte à L'ABBÉ. gauche.) Nous le trouverons au numéro trois des pre- MAURICE,sortant par la droite. mières loges. A ce soir! LEPRINCE. A merveille! il s'agissaitde découvrir sa passion régnante., L'ABBÉ. SCÈNE Vf. Oui, vraiment. MADEMOISELLEJOUVENOT,LE PRINCE DE LEPRINCE. BOUILLON,sortant par la seconde porte à Je n'ai pas été loin pour cela. (Montrant ma- gauche. demoiselleJouvenot.) Tout m'a si bien secondé LEPRINCE,avec agitation. qu'il ne te reste plus, mon cher, qu'à t'exécuter. Merci, Mademoiselle,merci, je n'oublierai ja- L'ABBÉ. mais le service que vous m'avez rendu !.. Sur le vu des preuves. MADEMOISELLEJOUVENOT,vivement. LE PRINCE. C'était donc vrai! C'est bien ainsi que je l'entends. lis d'abord LEPRINCE,avec humeur. et dis-moi ton avis sur ce billet d'invitation. Que trop !.. tiens. (Le lui donnant.) Il n'est pas long, mais MADEMOISELLEJOUVENOT,riant. clair et précis!.. Voyezle hasard! enchantée de vous avoir été L'ABBÉ,lisant. « Pour des agréable! motifs politiques que vous con- LEPRINCE. « naissez mieux que personne, on désire vous « entretenir ce soir à dix Ah! vous appelezcelaagréable!.. (Avec colère.) heures, dans le plus ri- « en Eh bien! oui!.. car je ne désirais qu'une occasion goureux tête-à-tête, ma petite maison de la « rue fait de rompre avec elle. Grange-Batelière, que j'ai dernièrement MADEMOISELLEJOUVENOT. « meubler! Amouret discrétion! — Signé Con- « stance! » Il fallaitdonc ledire!.. si j'avais su plus tôt que LE cela vous fît plaisir !.. PRINCE,avec colère. La de la LEPRINCE,avec impatience. signature perfideDuclos. Eh ! Mademoiselle! L'ABBÉ,avec étonnement. Constance! LEPRINCE,avec impatience. Eh oui! vraiment! le nom ne fait rien à la SCENE VII. chose!.. Je tiens ce billet de Pénélope, sa femme MADEMOISELLEJOUVENOT,va s'asseoir de- de chambre. vant la. cheminée du fond et se chauffe les L'ABBÉ. pieds, LE PRINCE,L'ABBÉ,entrant vivement Quivous l'a remis? la seconde à droite et se retournant par porte LE PRINCE. - avec agitation. Ouplutôt vendu à un taux d'autant plus exor- LEPRINCE,courant à lui. bitant. Ah! c'est toi, l'abbé!.. (S'efforçant de rire.) L'ABBÉ. Viens donc recevoir mes consolations. ou plutôt Qu'icices valeurs-là ne sont pas rares! me prodiguerles tien nes. LE PRINCE,qui pendant ce temps a remonté le L'ABBÉ. théâtre, parlant à un domestique. Comment cela ? Ce billet au numéro trois des premières, sans 18 ADRIENNE LECOUVREUR, dire do de quelle part. (Revenant près l'abbé '.) siasme. (On entend un bruit de Et mon cher grand bravos.) maintenant, abbé, j'ose compter sur Tiens, nous sommes toi !.. y déjà. MICHONNET,entrant L'ABBÉ. Eh! c'est Adrienne! Et oui, Entendez-vous, pourquoi?; toute la salle MademoiselleDuclos ne LE PRINCE. applaudit; sait déjà plus où elle en est. Pour te rendre témoin d'un éclat me que je LE PRINCE,applaudissant. dois à moi-même; je veux d'abord ce soir tout Bavo! cela commence. briser chez elle. MICHONNET. L'ABBÉ. Que dit-il ? C'est du plus mauvais goût pour un abbé et LE PRINCE,avec colère. un savant ! Bravo!.. bravo!..bravo, Adrienne! (Ils sortent LEPRINCE. par la porte à gauche.) Quand la science est trahie!.. MICHONNET,montrant le prince. L'ABBÉ. Jusqu'à celui-ci qu'elle a gagné et subjugué. La science doit savoir se taire!.. Le bruit est Une preuve pareille de tact et de goût. (A part.) permis au comte de Saxe. à un soldat, mais à Je ne l'en aurais pas cru capable. vous, presque parent de la reine. à vous, un hommemarié, ce serait un scandale. LKPRINCE. SCENE VIII. On saura toujours l'anecdote. parce qu'ici, au MICHONNET,seul, écoutant vers la gauche. Théâtre-Français. Tiens. (Montrant mademoi- Ah! nous voilà au monologue, et maintenant selle Jouvenot qui est à la cheminée.) Voilàdéjà quel silence! comme elle les tient tous enchaînés mademoiselleJouvenot qui n'a encore vu person- à sa parole. (Commes'il l'entendait.) Bien! bien ! ne, et qui peut-être a déjà trouvémoyen de le dire. passi vite, mon Adrienne! c'est cela! Ah! quel L'ABBÉ. accent, comme c'est vrai! Applaudissez donc, Prévenez-la. Racontez l'histoire à tout le imbéciles!.. (On applaudil.) C'est bien heureux!.. monde!.. Faites mieux encore?.. une vengeance divine!.. divine!.. (Avecjalousie.) Ah!elle l'a digne de vous. Les deux amants n'avaient-ils aperçu, c'est évident, il est dans la salle! et pen- pas résolu de passer cette soirée dans le plus ri- ser que c'est pour un autre qu'elle joue ainsi! goureux tête-à-tête, dans cette petite maison qui qu'elle le regarde en ce moment! qu'elle puise vous appartient? dans ses yeux tout ce génie!.. c'est horrible! (En- LEPRINCE. tendant un vers.) Comme c'est dit. c'est déli- Je le crois bien! louée et meublée à mes frais. cieux. je deviens fou, je ris, je pleure. Je L'ABBÉ. meurs de douleur et de joie! Oh Adrienne, en Raison de plus!.. je ferais comme chez moi. t'écoutant, j'oublie tout, même ma jalousie, mê- un souper galant, délicieux, oùj'inviterais ce soir me. (Cherchant autour delui.) Mêmeles acces- toute la Comédie-Française,toute ces dames. soires. où donc est la lettre de ZatimePje la te- LEPRINCE,secouant la tête. naislà tout-à-l'heure!.. est-ce que je l'aurais per- Un souper galant. délicieux. due? Pour la première fois depuis vingt ans, L'ABBÉ. il y aurait erreur ou omission par ma faute. C'est moi qui paie, j'ai perdu le pari. c'est qu'une lettre turque n'est pas commeune LEPRINCE,vivement. autre, cela ne se remet point par la petite poste. C'est juste ! (Il cherche dans la table à droite.) L'ABBÉ. Au lieu du une un tête-à-tête, surprise. coup IX. de tableau SCENE théâtre, mythologique. de LEPRINCE. MAURICE,entrant par la porte droite et se la à la Marset Vénus. dirigeant vers gauche, MICHONNET, L'ABBÉ. table à droite. au par. Ballet-comédie, MAURICE, fond. Surpris (S'interrompant.) Par saint Arminius mon maudit soit le vengeance en un acte ! Vous, de votre côté, al- patron, lez faire vos invitations. duché de Courlande! LEPRINCE. MICHONNET,cherchant toujours. du tien. Le secret Du- Ah! dans ce tiroir. Toi, plus grand avec la au clos. et nous aurons ce soir un succès d'enthou- MAURICE,toujours fond. Manquer à mon rendez-vous avec Adrienne. * * L'abbé,le prince. Michonnet,le prince,l'abbé. ACTE II, SCÈNE X. 19 jamais!.. et d'un autre côté, ce billet que la Du- je jouerais peut-être les amoureux. On est tou- clos vient de m'envoyer au nom de la princesse. jours jeune quand on est sociétaire. Je l'enten- comment m'a-t-elle découvert au fond de cette drais me dire : logeP.. et comment la faire attendre toute la nuit hors de son hôtel, dans cette petite maison où elle Écoutez,Bajazet,je sensqueje vousaime! ne vient que pour moi, pour mes intérêts, pour MADEMOISELLE sortant cette réponse du cardinal de Fleury, et puis im- JOUVENOT, vivement de la à possible de prévenir madame de Bouillon, tandis coulisse, gauche. Eh bien! qu'Adrienne, cette pauvre Adrienne, si je pou- Michonnet, ma lettre?.. ma lettre où en est-elle ? vais lui parler et lui dire. non pas tout. mais pour Roxane, MICHONNET. l'essentiel. (Il dirige ses pas vers la gauche.) Là. sur cette table. MICHONNET, à la table, à droite. Est-ce que Quinaut ne toujours vous l'a dit? Où allez-vous, Monsieur? pas MAURICE. MADEMOISELLEJOUVENOT. Eh! Il est si 1 Je voudrais parler à MademoiselleLecouvreur. non, vraiment!.. bon camarade à MICHONNET,à part. MAURICE,présentant MademoiselleJouvenot le Encore un ! et quel air agité! (Haut.) Impos- parchemin roulé. sible, Monsieur, elle est en scène. Voici, Mademoiselle. MAURICE. MADEMOISELLEJOUVENOT,lui faisant la révérence. Quand elle en sortira. Merci, Monsieur. (Le regardant en sortant.) MICHONNET. Voilàun officierqui est fort bien, mais très bien! Elle n'en sortira plus. MICHONNET. MAURICE,à part. Eh bien! votre entrée ? Nouveau contre-temps!.. (A Michonnet.) Et MADEMOISELLEJOUVENOT. veuillez me dire, Monsieur?. Ah! (Elle sort par la coulisse à gauche du MICHONNET. spectateur.) Pardon, Monsieur, d'autres devoirs. (Aperce- MAURICE,à part, la suivant des yeux. vant Quinault, qui vient de la droite et traverse Elle aura mes deux mots de la main môme de le théâtre.) Acomat, mon bon, je veux dire mon- Zatime. et saura que je ne peux la venir cher- sieur Quinault, voulez-vous remettre à Zatimesa cher ce soir. Mais demain!.. demain!.. ô mon lettre pour Roxane, sa lettre du quatrième acte. grand-duché de Courlande, vous ne valez pas ce QUINAULT,avecfierté. que vous me coûtez!.. Allons à la rue Grange- Moi!.. Je vous trouve plaisant !.. Pour qui me Batelière. (Il sort par la porte à droite.) prenez-vous? MICHONNET,regardant toujours par la gauche. MICHONNET. Zatime entre en scène. Bon! elle n'a pas la. Pardon!.. Veuillez dire seulement à mademoi- lettre.. Si! elle l'a.. ellela remet à Roxane.. Dieu! selle Jouvenot de ne pas entrer en scène sans quel effet!.. elle a tressailli. elle se soutient à prendre sa lettre, qui est là sur cette table. peine !.. et son émotion est telle, qu'en lisant le QUINAULT. billet, son rouge lui est tombé du visage. C'est C'est bon!.. c'est bon!.. on le lui dira. (Il entre admirable!. (Les applaudissements éclatent avec sur le théâtre, à gauche, pendant que Maurice force.) Oui, oui. frappez des mains. Bravo! redescend vers la droite.) bravo! c'est cela!.. sublime! admirable! MICHONNET,se levant de la table, enriant. Il n'est pas de bonne humeur, je comprends. Roxane va trop bien ! ah ! Duclos, qui entre en SCENE X. ce moment. (S'approchant de la gauche.) Oui, acteurs entrent vivement par les deux portes évertuo4oi, pauvre fille. pleure. crie!.. tu ai- (Les mes mieux chanter?.. chante !.. Tu de gauche et se rangent dans l'ordre suivant :) beau faire, LE tu es vaincue !.. MADEMOISELLEDANGEVILLE,POISSON, L'ABBÉ, QUINAULT,JOUVENOT. MAURICE,qui s'est assis à droite, près de la PRINCE, table, Les autres acteurs et vont etviennent le que Michonnet vient seigneurs prend parchemin d'y ainsi Michonnet. déroule avec Rien d'écrit! au fond, que placeret le curiosité.) DANGEVILLE. Ah! à mon secours les ruses de MADEMOISELLE palsambleu! Je ne sais ce ont ce ils guerre! (Il écrit mots au et route pas qu'ils soir; applau- quelques crayon dissent tous comme des fous. le remet sur la table.) parchemin, qu'il MADEMOISELLEJOUVENOT. toujours du côté du MICHONNET,regardant Ils se ma chère. ils se croient déjà à gauche. trompent, théâtre, aux Folies amoureuses. Adrienne reprend. elle parle à Bajazet, et sa voix est d'une douceur. Ah! si j'étais sociétaire, • L'abbé,Adrienne,le p.iince. 20 ADRIENNE LECOUVREUR,

L'ABBÉ,entrant. LEPRINCE,vivement. C'est superbe! Eh vous viendrez vous MADEMOISELLEDANGEVILLE. bien, seule; connaissez la petite maison. de la Duclos. C'est absurde !.. ADRIENNE. POISSON. Mavoisine!.. ce beau me fait rire. jardin. Ça LEPRINCE. QUINAULT. Dont le mur fait face au vôtre ! Voicila clé de Çamefait mal. la rue. MADEMOISELLEJOUVENOT. quelques pas seulement. ADRIENNE. Pauvre homme! C'est LEPRINCE. quelque chose. L'ABBÉ,vivement. Le fait est que jamais je n'ai rien entendu de Vous acceptez? plus beau. et je m'y connais! ADRIENNE. entrant avec agitation par la gauche, ADRIENNE, Je n'ai pas dit cela! à part. LEPRINCE. deux mois d'absence. ah! c'est bien Après Monsieur Michonnet sera aussi des nôtres. mal!.. Allons, du courage! MICHONNET. LEPRINCE. Comment donc, monsieur le prince, dès Et du Vous êtes des nôtres. que plaisir!. mon de demain sera fait. (A re- L'ABBÉ. spectacle part, Passer toute la soirée avec Je venais l'inviter. gardant Adrienne.) elle. ADRIENNE. ADRIENNE,à part. Moi! Oui! encore de !.. L'ABBÉ. je m'occuperai lui, l'ingrat ce sera là ma vengeance! Au joyeux souper où nous avons toute la Co- en dehors. toutes ces L'AVERTISSEUR, médie-Française. dames. Le acte commence. ADRIENNE. cinquième qui ADRIENNE. Impossible! adieu, Messieurs. sort la MADEMOISELLEJOUVENOT,qui est descendue Adieu, (Elle par à gauche.) gauche. MICHONNET. Par fierté? Messieurs. Mesdames. avec bonté. Allons, allons, ADRIENNE, MADEMOISELLE à l'abbé. Oh! non. mais n'ai le cœur à la DANGEVILLE, je pas joie. Un mot l'abbé. me L'ABBÉ. seulement, Pourrais-je, pour donner la amener ?. Raison de vous Un main, quelqu'un plus pour égayer. souper riant. charmant ! où nous vous offrironsce L'ABBÉ, qu'il y a de Le de Guéménée? mieux les dans les prince (Montrant acteurs.) arts, (Mon- MADEMOISELLEDANGEVILLE. trant le prince.) à la cour, (Se montrant lui- Du tout. même.) dans le clergé. et dans l'épée. Le jeune L'ABBÉ,de même. comte de Saxe est des nôtres ! c'est le héros de la Un autre ? fête! MADEMOISELLEDANGEVILLE. vivement. ADRIENNE, Fi donc! un tête-à-tête ! Pour qui me prenez- Lui que je désirais tant connaître ! vous?.. J'en amènerai deux. LEPRINCE. L'ABBÉ,riant. En vérité! A merveille!.. ADRIENNE. MADEMOISELLEJOUVENOT. Une demande à lui que j'avais présenter. un Et notre toilette pource soir. et nos voitures, lieutenant dont je voulais faire un capitaine. où seront-elles ? L'ABBÉ. L'ABBÉ. Nous vous plaçons à table à côté de lui. et On songera à tout. et de plus on vous pro- votre protégé est colonel. au dessert. met. ce qu'on ne vous a pasdit. une surprise, ADRIENNE. un secret. Ah! ce serait bien tentant. Maisla tragédie MESDEMOISELLESJOUVENOT,DANGEVILLEETTOUTES finira tard. je serai fatiguée. Je n'ai pas de ca- LESAUTRESACTRICES,accourant et entourant valier. l'abbé. L'ABBÉETLEPRINCE,présentant la main. Ah! qu'est-ce donc. qu'est-ce donc? En voici! L'ABBÉ. ADRIENNE. Je ne puis rien dire. vous verrez. vous sau- Je n'en veux pas! rez. ACTE III, SCÈNE II. 21

MICHONNET,criant. seigneurs et les actrices, qu'il sépare, et d'un ton tragique : Le cinquième acte! voilà l'idée seule d'une fête Qu'àces noblesseigneursle foyersoit fermé, qui bouleverse tout dans nos coulisses. on ne Et que tout rentre ici dans l'ordre accoutumé! s'y reconnaît plus. A votre réplique à vos (Lesseigneurs et les actrices se mettent à rire, et rôles. (Al'abbé et au prince.)Et vous, Messieurs, la toile tombe.) je suis obligé de vous exiler! (Il se pose entre les FINDUDEUXIÈMEACTE.

ACTE TROISIÈME. Un salonélégantdans la petite maisonde la rue Grange-Batelière;porte au fond, vers la gauche,et en pan coupé,une porte, versla droite,égalementen pan coupé; une croiséevitrée donnantsur un balcon; sur le premierplan,à gauche,un panneau secret, au secondplan, une table,sur laquelleest un flambeaua deux branchesavecdes bougiesallumées,sur le premierplan, à droite,une porte. SCENE PREMIERE. détours, plusieurs rues qui m'éloignaient de ce dérouté mes LAPRINCESSE,seule. quartier, et je pensais avoir espions, me sur ce boule- Louis XIV disait : J'ai failliattendre!.. et lorsqu'en retournant, j'aperçus, moi, vard deux hommes de man- de de Jean So- désert, enveloppés princesse Bouillon, petite-tille distance. voulez- J'attends réelle- teaux qui me suivaient à Que biesky. j'attends! (Souriant.) ne ment. ne me le dissimuler!.. La vous ? leur demandai-je. Ils répondirent que je peux pas la et courussent Duclosm'a fait dire son billet par fuite, quoiqu'ils bien, je pourtant que petit de les et de avait été remis au comte de Saxe lui-même dans n'eusse pas manqué poursuivre les sans la crainte de vous faire attendre, une loge où il était seul. (Réfléchissant.)Seul !.. assommer, est-ce bien vrai ? N'est-ce pas pour une autre princesse. qu'il LA souriant. manque à ce rendez-vous, où je suis venue, où PRINCESSE, me voici!.. On peut pardonner une infidélité, Je vous en remercie!.. Cette aventure se lie cela souvent ne dépend pas de nous; une impoli- peut-être à celle dont je voulais vous entretenir. tesse. jamais! Je n'ai pas été en ma vie une J'ai été aujourd'hui, comme je vous l'avais pro- seule fois impertinente sans y avoir tâché. et mis, à Versailles. Marie Leckzinska, notre nou- réussi. (Se levant avec impatience.) Onze heu- velle reine, et comme moi polonaise, n'a rien à res!.. Monsieur le comte, vous arriviez le pre- refuser à la petite-fille de Sobiesky; elle a vu, à mier l'année dernière; voilà une heure de retard ma prière, le cardinal de Fleury, elle lui a parlé qui me prouve que j'ai un an de plus! Malheur de l'affairede Courlande. à elle, malheur à vous de me l'avoir rappelé! Je MAURICE. venais ici avec empressement, avec impatience, 0 bonne et généreuse princesse! Eh bien?.. pour vous sauver, et vous me laissez le temps de LAPRINCESSE. réfléchirque je puis également vous perdre, que Eh bien, le cardinal aimerait mieux ne pas ac- votre fortune politique est entre mes mains. corder les deux régiments qu'on lui demande; c'est plus qu'ingrat, c'est maladroit. (Se levant il voudrait être agréable à la jeune reine, et en et marchant vers le fond.) ADons; même temps ne mécontenter ni l'Allemagne ni la Russie, que vous menacez, et avec qui nous sommesen paix. SCENE II. MAURICE,avec impatience. LA PRINCESSE,MAURICE,entrant par le fond. Son avis, alors? LAPRINCESSE,apercevant Maurice, qui vient LAPRINCESSE. d'entrer doucement derrière elle. Il n'en a pas, il n'en émet pas. et pour agir Ah!.. (Lui tendant la main.) Vous faites bien en votre faveur, sans rien faire, il vous permet d'arriver! seulement de lever ces deux régiments. à vos MAURICE. frais! Milleexcuses, princesse. MAURICE. LAPRINCESSE,d'un air gracieux. Cela me rassure. Pas de reproches! D'autres ne songeraient qu'à LAPRINCESSE. leur dignité blessée, moi je ne songe (Souriant.) Et moi pas!.. Avez-vousde l'argent? qu'au temps perdu sans vous voir. Il faut qu'à MAURICE. minuit je sois rentrée à l'hôtel. Non! MAURICE. LAPRINCESSE. Imaginez-vousqu'en quittant la Comédie-Fran- Comment, alors, paierez-vous vous deux régi- çaise, il me sembla être suivi. Je pris plusieurs ments ? 22 ADRIENNE LECOUVREUR,

MAURICE. LAPRINCESSE,avec affection. Mesrégiments français? Hélas! ni moi non plus! LAPRINCESSE. MAURICE. Oui. Et d'ailleurs, je n'accepterais pas. Il n'y a donc MAURICE,gaiement. qu'un moyen qui me convienne. Je ne les paierai pas! si ce n'est après la LA PRINCESSE. victoire! Et jusque-là, soyez tranquille, je les con- Lequel? nais!.. ils se feront tuer pour moi. à crédit! MAURICE. LAPRINCESSE. Laissantla Moscovie,la Suède et la police s'en- Très bien ! Une autre chose encore. est-il lacer mutuellement dans leurs intrigues aux- -vraique vous ayez des dettes? que vous deviez quellesje n'entends rien, je pars demain. soixante-dix mille livres au comte de Kalkreutz , LA PRINCESSE. un Suédois, qui, en vertu d'une lettre de change, Vous partez?.. peut vous faire appréhender au corps ? MAURICE. MAURICE. Ce n'était pas mon dessein, mais une partie de Pourquoi cette demande? mes recrues est déjà disséminée sur la frontière, LA PRINCESSE. et vos huissiers n'auront pas beau jeu contre mes Parce qu'un grand danger vous menace; l'am- houlans; c'est là que j'irai me réfugier! le brevet bassadeur russe a chargé Messieursde la police que vous m'avez obtenu, double les droits de mes de ne pas vous perdre de vue. sergents-recruteurs qui enrôlaient déjà sans per- MAURICE. mission, jugez maintenant, avec autorisation et Voilà donc pourquoi l'on m'a suivi ce soir. je privilége du roi!.. Nous allons lever en masse suis fâché alorsde n'avoir pas coupé les oreilles!.. toute la frontière. Je sais bien qu'à Versailles et LA PRINCESSE. ailleurs il y aura du bruit, des réclamations, l'or- A ces espions?.. Mais leurs oreilles, c'est leur dre de suspendre. Je vais toujours! Des notes place! des pères de famille peut-être! Fi donc!.. diplomatiques?.. j'intercepte. des courriers?.. je Mais ce n'est pas tout, l'ambassadeur moscovite les enrôle dans ma cavalerie, et lorsqu'enfin les veut également découvrir à tout prix ce monsieur chancelleries européennes seront en mesure d'é- de Kalkreutz qui doit être à Paris. changer des protocoles, la Courlande sera en- MAURICE. vahie, et les Tartares de Menzikoffdisperséspar Et pourquoi? les escadrons français, voilà mon plan. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. Pour lui acheter sa créance, se mettre en son Il n'a pas le sens commun. lieu et place, et vous fairejeter en prison. MAURICE. MAURICE. Permettez? s'il s'agissait de l'ordonnance d'une Une belle vengeance. fête ou d'un quadrille de bal, je demanderais vos LA PRINCESSE. conseils, mais dès qu'il s'agit de cavalerie et de Mieuxque cela, un coup de maître; car, vous manoeuvres, je prends tout sur moi, cela me re- prisonnier, la Courlande dont le souverain est en garde. gage,est livrée aux intrigues dela Russie, les con- LAPRINCESSE,s animant. jurés n'ont plus de chef, les troupes se disper- Non, à peine arrivé, vous ne quitterez pas Pa- sent. ris! C'est bien le moins que vous y restiez quel- MAURICE. ques jours encore, que votre présence et votre C'est ma foi vrai!.. que faire? affection me dédommagent enfin de ce quej'ai LA PRINCESSE. fait pour vous et des jours que je vous ai consa- J'y ai déjà pensé. J'ai obtenu de M. le lieute- crés. nant de police qui me doit sa place, que s'il dé- MAURICE. couvrait la demeure de M.de Kalkreutz, on m'en Princesse, entendons-nous? Je n'ai jamais été donnerait d'abord avis à moi, qui vous en pré- ingrat, et dans ce moment où je vous dois tant, viendrai. Alors, vous irez trouver M. de Kal- manquer de franchise, serait manquer de recon- kreutz. naissance; ce matin déjà, car moi je ne sais pas MAURICE. tromper. je voulais tout vous dire et vous Pour me battre avec lui. avouer. LA PRINCESSE. LA PRINCESSE. Non, mais pour prendre des arrangements. Le Quevous en aimez une autre! plus simplede tout, serait de le payer. MAURICE,vivement. MAURICE. Qui ne vous vaut pas, peut-être? Et comment? je n'ai pas soixante-dix mille LAPRINCESSE,en cherchant à se modérer. livres disponibles. Et quelle est-elle?.. (Avec explosion.) Quelle ACTE III, SCENE III. 23 est-elle?.. Répondez. car vous ne savez pas ce LAPRINCESSE. dont je suis capable. Le prince de Bouillon,j'en suis sûre. je l'ai MAURICE. vu, descendant de voiture! C'est justement pour cela que je ne veux pas MAURICE. vous la nommer. (D'un ton conciliant.) Maisau Qu'est-ce que cela signifie? , lieu d'emportement et de menaces, pourquoi ne - LAPRINCESSE. pas se parler de franche amitié, pourquoi surtout Je l'ignore. Mais il n'est pas seul, d'autres ne pas se dire loyalement la vérité? Jamaisje n'ai personnes l'accompagnent, que la nuit ne m'a vu de femmeplus aimable que vous, plus sédui- pas permis de distinguer. sante, plus irrésistible, et pourquoi? C'est que vos MAURICE. chaînes ne semblaient tressées que de fleurs,c'est Je les entends!.. elles montent cet escalier! que gracieuses et légères,elles retenaient un heu- LAPRINCESSE. reux et non pas un captif. c'est que toujours C'est fait de moi! prête à les briser, votre main coquette ne crai- MAURICE,remontant vers le fond. gnait pas d'en détacher parfois qnelques feuilles. Non, tant que je serai près de vous. LA PRINCESSE. LAPRINCESSE*. Maurice! Il ne s'agit pas de me défendre, mais d'empê- MAURICE. cher que je sois vue dans cette maison!.. Si le J'ai juré de tout dire. C'est sous l'empire d'un prince, si quelqu'un au monde se doute que j'y ai pareil traité, que le plaisir un jour nous a souri, mis.les pieds. je suis perdue de réputation! car ni vous mi moi, n'avions pris au sérieux un MAURICE. semblable sentiment, et nos liens volontaires C'est vrai! ont eu d'autant plus de durée que chacun de LAPRINCESSE. nous s'était réservé le droit de les rompre; le re- Ils viennent. (Montrant la porte à droite.) proche est donc injuste; où il n'y eut point de ser- Ah! de ce côté.. ment, il n'y a point de parjure. (Avecchaleur.) Il MAURICE. y en aurait, si je manquais à l'amitié et à la re- Où cela conduit-il? connaissance que je vous ai vouées. De ce côté- LAPRINCESSE,traversant le théâtre et s'élançant le là, j'en jure par l'honneur, je me crois engagé. dans cabinet à droite. Pour le reste, je suis libre. Aun petit boudoir! LA PRINCESSE. Pas de me trahir, perfide! MAURICE. SCENE III. Ah! prenez garde, princesse, je finis toujours L'ABBÉ,LE PRINCE,entrant par le fond; MAU- par conquérir les libertés que l'on me conteste. RICE. LA PRINCESSE. LEPRINCE,apercevant la porte à droite qui vient C'est ce que nous verrons, et dussé-je vous de se fermer. perdre vouset celle que vousme préférez; dussé- Ah! l'on vous y prend, mon cher. je pour la connaître, tout sacrifier. MAURICE,avec trouble. MAURICE. Vousici, Messieurs?.. ce bruit dans Écoutez donc. la cour. LEPRINCE,riant. LAPRINCESSE. J'ai vu la dame, je l'ai vue! Un bruit de voiture! MAURICE. MAURICE. C'est une plaisanterie, sans doute ! Est-ce que vous attendez quelqu'un ? LEPRINCE. - LAPRINCESSE. Non, parbleu!.. la robe blanche flottante. qui Eh! non, vraiment. MademoiselleDuclos qui, disparaissait. Voicidonc la Saxe aux prises avec seule, peut venir ici, ne s'en aviserait pas, sa- la France. chant que nous devions nous y trouver. MAURICE. MAURICE,à la princesse,qui s'approche de la Qu'est-ce que cela signifie? croisée, à droite. L'ABBÉ. Voyezdonc. par la fenêtre du jardin, vous qui Que nous sommesau fait, mon cher comte. connaissez cette maison. LEPRINCE,gaiement. LAPRINCESSEredescendant vivement. Et que cela ne se passera pas à huis clos, il 0 Ciel! c'est mon mari! nous faut de l'éclat et du scandale. (Frappant sur MAURICE. l'épaule de l'abbé.) Nous ne sommespas des ab- Que dites-vous? bés pour rien. n'est-il pas vrai? * Maurice',la princesse. La princesse,Maurice. 24 ADRIENNE LECOUVREUR,

MAURICE,au prince, avecimpatience. LEPRINCE. Eh! Monsieur,j'aurais cru, au contraire, que N'est-ce pas?.. Ah! ah! m'enlever la Duclos. c'était pour vousqu'il fallaitéviter le bruit. Mais de mon consentement. un service d'ami!.. puisque vous le voulez, puisque vous savez tout. L'ABBÉ. LEPRINCE,riant. Et vous ne refuserez pas, en nouveaux alliés, Tout. et de plus nous avons les preuves. de vous donner la main. MAURICE,froidement et mettant son chapeau. MAURICE. Monsieur le prince, je suis à vos ordres..) Mon- Non, parbleu! voici la mienne. sieur l'abbé consentira, je l'espère ( le costume LEPRINCE,déclamant. n'y fait rien), à nous servir de témoin, et comme Soyonsamis, Cinna,c'est moi qui t'en convie. il y a, je crois, un jardin, nous pouvons y des- L'ABBÉ,riant. cendre. Et si, pour ratifier le traité, il vous faut un no- LEPRINCE,riant. taire, je vais chercher celui de la Comédie-Fran- A cette heure?.. çaise! et d'autres témoins encore! sort le MAURICE. (Il par Il est l'heure de se battre. et fond. toujours pourvu MAURICE*, étonné. que nous en finissions promptement. cela doit Que dit-il? vous convenir. LEPRINCE,riant. L'ABBÉ*. qui a remonté le théâtre, redescendprès Vous ne vous doutez pas de la brillante compa- de Maurice. gnie qui vous attend dans mapetite maison. ou Voilà où est votre erreur. Nous ne tenons pas à plutôt dans la vôtre. car, ce soir, vous êtes le en finir, au contraire, nous voulons que cela maître, le héros de la fête; à vous les honneurs! dure : MAURICE,avec embarras. Amour fidèle, C'en est trop, prince! Flammeéternelle! LEPRINCE. Commedit l'air de Rameau! Et par un héroïsme Sans compter une nouvelle surprise que nous qui surpasse toutes les magnanimités d'opéra, vous préparons, une jeune dame, charmante, qui M. le prince vous abandonne votre conquête! désirerait ardemment vous connaître, et l'abbé, MAURICE. qui est maître des cérémonies, est allé lui donner Qu'est-ce à dire ? la main pour vous la présenter avant le souper! L'ABBÉ. MAURICE,avec embarras. A la condition le que traité de paix sera signé C'est moi qui vous prierai de me conduire vers à à l'éclat des ici, souper, flambeaux! elle. (Apart, regardant à droite.) Pourvu que LE PRINCE. d'ici là je puisse délivrer ma captive et la sous- Au bruit des verres et du Champagne. traire à tous les regards. (Il s'approche de la croi- MAURICE. sée à droite, qui est restée ouverte, et regarde Est-ce de l'on moi, Messieurs,que veut rire ? dans lejardin.) L'ABBÉ. Vousl'avez dit! LEPRINCE. SCÈNE IV. Mon seul but étant de prouver à la Duclos. la main MAURICE. L'ABBÉ,donnant à ADRIENNE, et en- La Duclos. trant par le fond; LE PRINCE,allant au-de- LEPRINCE,montrant la porte à droite. vant d'elle ; MAURICE,regardant par la croi- Queje ne tiens plus à ses charmes. sée, qui est au secondplan à droite. L'ABBÉ. LEPRINCE,à Adrienne. Et que si laFrance et la Saxe se battaient pour Arrivez donc! M. le comte de Saxe est là qui elle. vous attend avec impatience. LEPRINCE. L'ABBÉ. Et pour sa vertu. Eh! mais, ma toute belle, vous tremblez? L'ABBÉ. ADRIENNE. Ce serait là une d'Allemand M. le querelle que d'un homme illustre ne se Ah! ah! ah! Celaest vrai. la présence prince pardonnerait jamais. moi. LE riant aussi. m'émeut toujours malgré PRINCE, de Maurice est Ah ! ah ! ah! c'est n'est-il vrai ?.. Et LEPRINCE,s'approche qui toujours drôle, pas du balcon et lui dit. loin de rire. comme nous. vous avez un air près MademoiselleLecouvreur. étonné. retourne MAURICE. MAURICE,à ce nom se vivement. Oh! ciel: d'abord. Mais,maintenant, celameparaît Oui, ADRIENNE,levant les yeux et regardant Maurice, en effet si original. poussant un cri. * Le prince,l'abbé, Maurice. Ah! (Le prince a passé près de la fendtre à ACTE III, SCÈNE V. 25

droite qui était ouverte et qu'il referme; l'abbé cape et l'épée, et peut-être n'a-t-il pas besoin de est remonté au fond à gauche, vers la table sur moi pour faire son chemin. laquelle il place son chapeau et ses gants. Les MAURICE. acteurs sont dans l'ordre suivant : l'abbé, Ah! quel qu'il soit, votre protection doit tou- Adrienne, Maurice, le prince.) jours lui porter bonheur! MAUBICE,à part. ADRIENNE. C'est elle! Je verrai alors. je prendrai des informations, ADRIENNE,le regardant. et s'il mérite réellement l'intérêt qu'on lui porte.. Le comte de Saxe. ce héros. ce n'est pas! LEPRINCE. possible. (Elle s'avance vers lui.) Vous aurez le temps de parler de lui à table. MAURICE,à voix basse et lui saisissant la main. nous vous mettrons à côté l'un de l'autre. (Re- Tais-toi? montant le théâtre et revenant se placer entre cri de et le ADRIENNE,poussant un joie portant lai Adrienneet l'abbé*.) L'abbé, toi, grand ordon- main à son cœur. nateur, veille au souper. C'est lui! L'ABBÉ. LEPRINCE,qui a refermé la fenêtreet qui revient Les fruits et les bouquets, cela me regarde. (Il se placer entre eux. sort par la porte du fond à gauche.) Eh! mais qu'avez-vous donc. LEPRINCE. ADRIENNE. Moije me charge d'un soin plus important. je crains Une surprise. bien naturelle., monsieur le que quelque fugitive ne veille nous échap- comte que je croyais n'avoir jamais rencontré per. avant le souper. m'était connu. mais beaucoup. (Le regardant ADRIENNE,gaiement. avecexpression.) Beaucoup! Ce n'est pas moi, je vous le jure! L'ABBÉ,gaiement. LEPRINCE,souriant. De vue!.. Pour plus de sécurité. je vais moi-mêmedon- ADRIENNE,vivement. ner la consigne, fermer toutes lesportes et nul ne Non! je lui avais même parlé ! sortira avant lejour! (Il sort, comme l'abbé, par LEPRINCE. la porte du pan coupé à gauche.) Oùdonc? MAURICE,à part, regardant la porte à droite. MAURICE,vivement. 0 ciel! que devenir! Au bal de l'Opéra!.. LEPRINCE,riant. Un déguisement. SCENE V. ADRIENNE. Monsieurle Comteles aime, les déguisements! ADRIENNE,MAURICE. je ne le croyaispas! ADRIENNE,les regardant sortir, puis portant la MAURICE. mainà son front. J'avais peut-être des raisons!.. et si je vous en Ah! j'en doute encore!.. vous le comte de faisaisjuge, Mademoiselle. Saxe! Parlez?., parlez?.. que je sois bien sûre L'ABBÉ. que c'est lui qui m'aimeet que pourtant c'est tou- Cela se trouve bien, Adrienne a aussi une de- jours toi! mande à vous adresser. MAURICE. MAURICE. Mon Adrienne! Amoi! ADRIENNE,avec explosion. LEPRINCE. Maurice! mon héros, mon Dieu, vous que j'a- C'est là seulementce qui l'a décidéeà veniravec vais deviné. nous! une pétition à vous présenter en faveur MAURICE,lui faisant signe de se taire. d'un petit lieutenant. Silence!.. (A part, regardant à droite.) Ah! L'ABBÉ. quel dommageque l'autre soit là. (A demi-voix.) Dont elle veut faire un capitaine! Ce mystère qui cachait notre bonheur est plus MAURICE,avec émotion. que jamais nécessaire. En vérité!.. vous, Mademoiselle,vous vou- ADRIENNE,vivement. liez. Ne craignez rien! mon amour est si grand, que ADRIENNE. l'orgueil lui-même n'y peut rien ajouter. Ne par- Oui. mais je n'ose plus. lait-on pas d'une entreprise nouvelle? de Mosco- MAURICE. vites que vous vouliez battre? d'un duché de Et pourquoi?.. Courlandeque vous vouliezconquérir à vous tout ADRIENNE. * Pauvre officier. je croyais qu'il n'avait que la L'abbé,le prince,Adrienne,Maurice. 26 ADRIENNE LECOUVREUR, seul? Bien, Maurice, bien ! je comprends qu'au mais c'est la consigne, une fois entré, on ne sort * milieu des grands intérêts qui s'agitent, auprès plus. des graves conseillers ou des vieux ministresqu'il MICHONNET. un et vous fautgagner, l'amour d'une pauvrefillecomme J'espérais cependant pour instant, par moi faire du votre protection. puisse vous tort. L'ABBÉ. * vivement. MAURICE, Moi,je ne m'occupe que des bouquets pour les Non, non, jamais! dames. c'est M. le prince qui est gouverneur de ADRIENNE. la place, il a fermé lui-même toutes les portes de me son Je me tairai, je tairai. (Montrant cœur.) 1$citadelle. et il en garde les clés! là mon ivresse et ma ne Je renfermerai fierté; je ! MICHONNET. me vanterai pas de votre amour et de votre gloire; 3 C'est pour affaireurgente. pourmonrépertoire. j je ne vous admirerai que tout haut, comme tout ADRIENNE. le monde! ils célébreront vos exploits, mais vous Pauvre homme! il ne rêve qu'à cela, même la nuit. meles raconterez, à moi! ils diront vos titres, vos en- MICHONNET. grandeurs, et vous me direz vos peines! Ces Une fait mon de nemis font naître les ces haines indisposition changer spectacle que succès, ja- demain, et je voudrais courir chez Mademoiselle louses aux héros, commeà nous qui s'attaquent Duclos avant qu'elle ne fût couchée. autres artistes, vous me confiereztout; je vous ses à vous dirai: marchez au L'ABBÉ,arrangeant bouquets gauche, près consolerai, je Courage, dela table. butqui vous attend! Donnezà laFrance une gloire Ah bah! qu'elle vous rendra! donnez-leur à tous vosta- MICHONNET. lents et votre génie, je ne te demande, moi, que Lui demander si elle pourrait me jouer demain ton amour! Cléopâtre. - - - MAURICE,la pressant contre son cœur. L'ABBÉ,demême. 0 ma protectrice! ô mon bon ange. (Regardant N'est-ce que cela? autour de Défends-moi MAURICE,à part. lui.) toujours! 0 Ciel! ADRIENNE. L'ABBÉ. Oui, toujours, et aujourd'hui même, désoléede Vous n'avezpas besoinde vous déranger, Made- ne pouvoir passer cette soirée avec vous, c'est moiselle Duclossoupe avec nous. encore à vous que je pensais.C'esten votre faveur MICHONNET. que je voulaissolliciter ce comte de Saxeque l'on Vraiment! je reste, alors. disait si aimable. L'ABBÉ. Oui, Monsieur, coquette par C'est la reine de la demandez à venais ici avec le dessein de le soirée, M. le amour, je charmer, comte de Saxe? de le séduire. c'était là, c'est encore monprojet! MICHONNET,le regardant avecsurprise etrespect. y réussirai-je? MAURICE. Il serait possible! quoi! c'est là M. le comte de Saxe. lui-même? Enchanteresse! commentvousrésister! maisce Michonnetau comte de sans le vous vou- ADRIENNE,présentant comte. Saxe, que, connaître, Monsieur Michonnet! notre liez séduire. régisseur-général ADRIENNE,souriant. et mon meilleurami. de Maurice C'est vrai! Et même dans les plus grandspérils, MICHONNET,passant près C'est si ne me voyez, Monsieur, combien vous êtes heureux! Monsieur, je trompe, que j'ai eu le de voir ce soir au de la vous étiez le seul hommepour qui je vous aurais plaisir foyer Comédie- trahi. Française. ( AAdrienne.)Je crois même. c'est MAURICE. singulier. qu'il te demandait. Et vous la seule ne trahirai ADRIENNE,vivement. que je jamais! Il ne ADRIENNE. s'agit pas de moi, mais de Cléopâtre et de MademoiselleDuclos. J'y comptebien. Je crois à la foi des héros! MICHONNET. Silence, on vient. C'est vrai,et dès quevousm'assurezqu'elleest ici. L'ABBÉ,quittant la table à gauche et venant se entre SCENE VI. placer Adrienneet Michonnet,et tournant des rubans autour d'un une corbeillede et sortant bouquet**. L'ABBÉ,portant fleurs Noussommeschez elle. dans sa petite maison, avec Michonnet la du coupé à par porte pan où elle avait, pour ce soir, donné rendez-vous à gauche, ADRIENNE,MAURICE. M.le comte. L'ABBÉ,tenant une corbeille de fleurs qu'il va * placer sur la table à gauche et s'adressant à L'abbé, à la table, au fond, Adrienne,Michon- Michonnettout en faisant des bouquets. net, Maurice. J'en suis fâché pour vous,moncher Michonnet, Adrienne,l'abbé, Micohnuet,Maurice. ACTE III, SCENE VIII. 27

ADRIENNE. MICHONNET,à part, au fond du théâtre. Que dites-vous? Celui-ci. voulant le taire. MAURICE, faire L'ABBÉ,retournant à la table du fond, à gauche. Monsieur l'abbé! Ce dont vous pouvez vous assurer. L'ABBÉ,toujours arrangeant des bouquets. ADRIENNE. En tête à tête. Je le sais, et je commetslà une Moi! indiscrétion, car nous ne devions rien dire avant (L'abbévient de se rasseoir devant la table du souper, maisici, entre amis, je puis vousraconter fond, à gauche. Adrienne s'élancevers la porte à l'anecdote. droite; Maurice, qui s'est placé devant elle, la MAURICE. prend par la main et la ramène au bord du Et moi,je ne le souffriraipas! théâtre.) terminant un bouquet. MAURICE. L'ABBÉ, Un mot! Vous avez raison, M. le comte la sait mieux c'est à lui de vous la dire. MICHONNET,qui est reste à droite, près de la que moi, du cabinet. MAURICE,furieux. porte Monsieur! Je vais toujours m'assurer de mon répertoire. (Il entre doucementdans àdroite L'ABBÉ. l'appartement pendant que Mauriceet Adrienneredescendent le Je la gâterais, tandis que le héros lui-mêmede théâtre.) l'aventure. (A Adrienne.)Oserai-jeoffrir cebou- quet à Melpomène? Ah! mon Dieu! queHeexpres- sion dans ses traits! quelle expression tragique! SCENE VII. regardez donc vous-même, Monsieur le comte! L'ABBÉ, près de la table, à ses bouquets; (L'abbéretourne vers la tabledu fond, à gauche'.) ADRIENNE,MAURICE,sur le devant du théâ- MICHONNET,avec effroi. tre et tournant le dos à l'abbé. Adrienne, qu'as-tu donc? MAURICE,rapidement et à voix basse. ADRIENNE,s'efforçant de sourire. Une intrigue politiqueque ni l'abbé ni le prince Moi? rien, vous le voyez. désoléed'avoir in- lui-même ne peuvent connaître m'a amené ici terrompu l'aventure que Monsieurle comte nous cette nuit. (Geste d'incrédulité d'Adrienne.) promettait. mon avenir en dépend ! MAURICE,passant près d'Adrienne". ADRIENNE,d'un air de mépris. Et qui ne mérite point votre attention, Made- Et MademoiselleDuclos. moiselle, rien n'est plus faux. MAURICE,de même. L'ABBÉ,redescendant près d'Adrienne. Elle n'est pas ici!.. et ce n'est pas elle que Permettez. je ne dis pas que l'histoire soit j'aime. Je le jure sur l'honneur!., me crois-tu? neuve, mais elle est vraie. ADRIENNElève les yeux, le regarde, et, après MAURICE. un instant, lui dit : Et moije vous atteste. Oui! L'ABBÉ. MAURICE,lui serrant la main avecjoie. Vous en êtes convenu tout à l'heure devant C'est bien. Il faut plus encore. il faut empê- moi. (Faisant un pas pour sortir.) et devant cher l'abbé d'entrer dans cette chambre ou d'en- M. le prince, qui va nous la redire. trevoir la personne qui s'y trouve, pendant que me le comman- MAURICE. moi. (l'honneur et la loyauté nul s'en C'est inutile ! dent) je vais tenter, sans que aperçoive, L'ABBÉ. de protéger sa sortie, dussé-je gagner ou étran- gler le concierge et faire sauter ses verroux! C'estjuste. ce pauvre prince, c'est assez d'une ADRIENNE. fois. et si le de mes vous témoignage yeux suf- Allez! je veillerai. fit. MAURICE,avec transport. ADRIENNE. Merci, Adrienne!.. merci! (Il sort le vu ?.. par Vous avez fond.) L'ABBÉ,se rapprochant de la tableà gauche. Au moment où nous entrions dans cet apparte- ment, MademoiselleDucloss'enfuir. danscelui- SCENE VIII. ci. à (Montrant la porte droite.) où elle est en- L'ABBÉ,toujours à table, à gauche; ADRIENNE, core. seule sur le devant du théatre, à droite, puis MICHONNET. * L'abbé,Adrienne,Michonnet,Maurice. ADRIENNE. L'abbé,Adrienne,Maurice,Michonnet, Sur l'honneur! a-t-il dit. sur l'honneur! 28 ADRIENNE LECOUVREUR,

Mauricene pourrait pas manquerà un pareil ser- personne mystérieuse en baissant toujours la ment. j'ai dû le croire!.. sinon. ce ne serait voix « si vous me donnez les moyens de sortir pluslui. « à l'instant de cette maison sans être vue, vous MICHONNET,qui vient de sortir de la porte à « pouvez compter sur ma protection, et votre for- droite, s'avance sur la pointe du pied; il dit « tune est faite. » Je lui ai répondu alors que je tout bas: n'étais pas ambitieux, et que si je pouvais seule- Adrienne. Adrienne. si tu savais quelle ment être nommésociétaire. Moi, sociétaire! aventure. L'ABBÉETADRIENNE,avecimpatience. ADRIENNE,avec distraction. Eh bien ? Qu'est-ce donc ? MICHONNET. MICHONNET,à voix basse. Eh bien! me voilà!.. que faut-il faire? Cen'est pas la Duclos! L'ABBÉ,passant devant Michonnetet s'avançant ADRIENNE,à part, avec joie. vers la porte*. Il me l'avait dit! Savoird'abord quelle est cette dame. MICHONNET,à voix haute et riant. ADRIENNE,seplaçant devant la porte. Ce n'est pas la Duclos! Monsieurl'abbé, y pensez-vous? L'ABBÉ,se levant de la table et s'avançant vive- L'ABBÉ. ment. Elle était ici avec le comte de Saxe, je vous Comment,ce n'est pas elle ? l'atteste. MICHONNET,allant au-devant de luit. ADRIENNE. Silence!.. c'est un secret. Raison de plus pour la respecter! une pareille L'ABBÉ. indiscrétion serait manquer à toutes les conve- Qu'importe!.. nousne sommesque trois. etje nances. et vous, un hommedu monde!.. un ne comptepas! je suis muet. abbé !.. MICHONNET. L'ABBÉ. C'est ce que chacun dit toujours dans le co- C'est que vous ne savez pas. je ne peux pas mité, et cependant tout finit par se savoir. vous dire l'intérêt que j'ai à connaître cette per- L'ABBÉ,vivement. sonne. c'est pour moid'une importance!.. Ce n'est pas la Duclos!.. et le comte de Saxe ADRIENNE,à part. qui nous a avoué lui-mêmeque c'était elle. Qui Mauricedisait vrai. est-ce donc, alors. qui donc?.. L'ABBÉ,à part. MICHONNET. La princesse compte sur moi, je le lui ai pro- Je n'en sais rien. mais ce n'est pas elle.. je mis, et à tout prix. (Il fait un pas vers la porte.) le jure. ADRIENNE. L'ABBÉ. Non, Monsieurl'abbé, vous n'entrerez pas. Vousl'avez vue? L'ABBÉ,d'un air suppliant. MICHONNET. Par hasard. et sans levouloir. Du tout ! ADRIENNE. ADRIENNE,vivement. C'estbien! Non, Monsieurl'abbé , j'en appelleraiplutôt à MICHONNET. Monsieurle prince lui-même,au maître de la mai- Obscuritécomplète. commesi la rampe et le son, qui ne permettra pas que chez lui. lustre eussent été baissés; maisj'avais, en en- L'ABBÉ,vivement. trant, rencontré une manche et une robe de Vousavez raison!.. je vais tout dire au prince femme, et persuadé, (Al'abbé.)puisque vous me qui sera enchanté! quel bonheur! quel hasard l'aviez dit, que c'était la Duclos. j'ai abordésur- pour lui ! la Duclosest innocente! complètement le-champ la question, et j'ai demandé, à tâtons, innocente. il ne s'y attendait pas. ni nous non si, pour aider le répertoire,elle consentait à jouer plus. (Il sort par le fond. Adriennel'accompagne demainCléopâtre.Lamainqueje tenais a tressailli, jusqu'à la porte et le suit encore des yeux pen- et une voix qui m'est inconnue s'est écrié avec dant que Michonnet, qui était resté à gauche, fierté: « Pour qui me prenez-vous? » Pour Ma- traverse le théâtre en secouant la tête et va se demoiselleDuclos, ai-je répodu. A quoi on a ré- placer à droite.) pliqué à voixbasse: « Je suis chez elle, il est « vrai, pour des intérêts que je ne puis dire. » L'ABBÉ. SCÈNEIX. Est-il possible! ADRIENNE,MICHONNET. MICHONNET. ADRIENNE,redescendantle théâtre. « Mais, qui que vous soyez, » a continué la Il s'éloigne! * * L'abbé,Michonnet,Adrienne. Michonnet,l'abbé,Adrienne. ACTE m, SCENE X. 29

MICHONNET. jardin sans être vue!.. comment? je ne saurais Que veux-tu faire ? vous le dire, car je ne connais pas cette maison. ADRIENNE. LAPRINCESSE. Délivrer cette personne quelle qu'elle soit. et Rassurez-vous! (Se dirigeant vers la gauche la sauver! pendant qu'Adrienne va écouter à la porte du MICHONNET. fond ; elle dit à part*.) Grâce à ce panneau se- Pour moi!.. cret. (Elle cherche dans la muraille le panneau ADRIENNE. qui s'ouvre sous sa main.) Le voici!.. (Revenant Non! pour un autre. à qui je l'ai promis! vers Adrienne qui dans ce moment redescend le MICHONNET. théâtre.) Mais vous à qui je dois un pareil ser- Encore lui!.. toujours lui ! pourquoi te mêler vice. qui êtes-vous? de pareilles affaires? ADRIENNE. ADRIENNE. Qu'importe. partez. Je le veux! LAPRINCESSE. MICHONNET. Je ne puis distinguer vos traits. Unefaut pas, nous autres comédiens, nousjouer ADRIENNE. aux grands seigneurs et aux grandes dames, ça Ni moi les vôtres. nous porte malheur. LAPRINCESSE. ADRIENNE. Maiscette voix ne m'est pas inconnue je l'ai Je le veux! entendue plus d'une fois. oui, oui. pourquoi MIGHONNET,d'un air resigné. vous dérober à ma reconnaissance.. duchesse de C'est différent. puis-je au moins t'aider, t'être Mirepoix. c'est vous? bon à quelque chose. ADRIENNE. ADRIENNE. Non !.. Maishâtez-vous de fuir les dangers qui Non. il l'a dit : personne ne doit la voir. vous menacent. LAPRINCESSE. (Eteignant les deux bougiesqui sont sur la table.) Vous les connaissez pas même moi! donc? MICHONNET,étonné. ADRIENNE. Qu'importe, vous dis-je ? à ma discré- Eh bien. eh bien. commentveux-tu ainsi t'y croyez8 reconnaître. tion et ne craignez rien. ADRIENNE. LAPRINCESSE. Maisces ces Soyez tranquille! Voyez seulement au dehors dangers. secrets, qui vous les a confiés? si personne ne vient nous surprendre. ADRIENNE. MICHONNET,avec colère. me dit tout. C'est absurde!.. (Se radoucissant.) J'y vais. Quelqu'un qui LAPRINCESSE,à j'y vais. (Il sort en fermantla porte du fond.) part. 0 ciel! (Haut à Adrienne.) Qui donc a donné à Mauricele droit de tout vous dire? ADRIENNE,lui prenant la main. X. SCENE Et qui vous a donné à vous-même le droit de ADRIENNE,puis LA PRINCESSE. l'appeller Maurice, le droit de m'interroger. de ADRiHNNE,se dirigeant vers la porte à droite. trembler. de frémir. car votre main tremble! Allons!.. (Elle frappe à la porte.) On ne me vous l'aimez! répond pas. ouvrez. ouvrez, Madame. au nom LAPRINCESSE. de Mauricede Saxe. (La porte s'ouvre.) Je savais De toutes les forces de mon âme! bien que rien ne résisterait à ce talisman. ADRIENNE. LAPRINCESSE,ouvrant la porte. Et moi aussi ! LAPRINCESSE. Que me veut-on? ADRIENNE. Ah! vous êtes celle que je cherche! ADRIENNE. Vous sauver!.. vous donner les moyens de sor- tir d'ici. Qui êtes-vousdonc? LAPRINCESSE. LAPRINCESSE,avec fierté. Plus à sûr! Toutes les portes sont fermées. que vous, coup ADRIENNE. ADRIENNE. me le J'ai là une clé. celle du jardin sur la rue. Qui prouvera? LAPRINCESSE. LAPRINCESSE,vivement. 0 bonheur!.. donnez? donnez ? Je vous perdrai! ADRIENNE. * Mais,par exemple. il faut descendre jusqu'au La princesse,Adrienne. 30 ADRIENNE LECOUVREUR,

ADRIENNE,avec hauteur. SCÈNE XII. Et moi. je vous protège! LAPRINCESSE. MICHONNET,ADRIENNE. Ah! c'en est saurai sont vos trop!.. je quels MICHONNET,entrant sur la pointe du pied la traits. par du à gauche. ADRIENNE. porte pan coupé Hé bien! cette dame, tu l'as donc sauvée. Je demasquerai les vôtres. LE en dehors. ADRIENNE. PRINCE, Eh! oui. Palsembleu! nous connaîtrons la vérité!.. MICHONNET. LAPRINCESSE,à part. Alors tout à 0 ciel!.. la voixde mon mari. et partir quand c'est elle qui l'heure traversait le avec le comte de Saxe. ma rivale est en mon pouvoir, quand je vais la jardin connaître. ADRIENNE. ADRIENNE. Vous en êtes sûr? Restez. restez. donc!.. voicides flambeaux! MICHONNET. LAPRINCESSE. Comment?.. En passant devant le massif où elle a même Eh bien ! oui. je resterai. non, non. je ne j'étais, laissé tomber un bracelet que voici. le s'élance le à gauche puis! (Elle par panneau le et disparaît pendant 'qu'Adrienne ADRIENNE,prenant. quelle referme Donnez Et a remonté le théâtre et ouvre la porte du fond. ?.. le comte de Saxe. MICHONNET. Le prince et l'abbé entrent avec desflambeaux, Il est avec elle! tandis quedeux valets restent au fond en dehors parti avecdes ADRIENNE. également flambeaux.) Avecelle ! ADRIENNE,au prince. Venez!.. venez!.. (Reyardant autour d'elle et MICHONNET. ne ne voyant plus personne.) Grand Dieu! Ainsi, rassure-toi?..que ça t'inquiète plus. il veille sur elle ! ADRIENNE,tombant sur lefauteuil qui est près de SCENE XI. la table à gauche. Ah ! tout est fini! ADRIENNE,LE PRINCE,L'ABBÉ. LEPRINCE. Tu es donc sûr, l'abbé, que ce n'est pas la Du- clos?.. SCENE XIII. L'ABBÉ. Je l'atteste. MIcllONNET,ADRIENNE,LE PRINCE,L'ABBÉ LEPRINCE. ETLES DEUXDAMESsortentde l'appartement Quel bonheur! à droite. L'ABBÉ,montrant la porte à droite. LEPRINCE, Entrons de ce côté, et pendant que ces dames Personne! en bas ne se doutent de rien. (Ils entrentdans LESDEUXDAMESETL'ABBÉ. l'appartement à droite au moment ou l'on voit à Personne! la porte du fond paraître les têtes de mesdemoi- LEPRINCE,s'avançant. selles Dangevilleet Jouvenot.) C'est égal. ce n'était pas la Duclos et je TOUTESDEUX,s'avançant sur la pointedu pied. triomphe!.. (Se retournant.) La main aux dames Suivons-les! et à souper! (Il offre une main à mademoiselle ADRIENNE,à part, avec douleur. Jouvenot, l'autre à mademoiselle Dangeville, Sur l'honneur, avait-ildit, sur l'honneur! Non, tandis que l'abbé présente la sienne à Adrienne je ne puis me persuader encore qu'il m'ait trom- qui toujours assise et absorbée dans sa douleur, pée. ne le voit, ni ne l'écoute. — La toile tombe.)

FIN DU TROISIÈMEACTE, ACTE IV, SCÈNE II. 31

ACTE QUATRIÈME. Un salon de réceptiontrès élégantchezla princessede Bouillon,porte au fond,deuxportes latérales.

SCENE PREMIERE. idée?. dans quel but?. Question à laquelle il m'a été impossible de répondre, attendu que tu MICHONNET,s'inclinant vers la porte à gauche, ne m'as pas fait part de tes intentions. Il s'est dont il sort. mis alors à écrire un bon sur la caisse des fer- Merci, mon prince, Merci! Rentrez donc, je miers-généraux. en prononçant cette phrase, vous prie! c'est trop d'honneur ! (Redescendantle qui était convenable: Dites à mademoiselle Le- théâtre.) Un prince de Bouillon! un descendant couvreur que je neregarde cet écrin que comme de Godefroy de Bouillon, me reconduire jusqu'à un dépôt. Puis il a ajouté, avec un sourire qui la porte de son cabinet. moi, régisseur! Que se- m'a paru moins bien : Dépôt qu'elle pourra rait-ce donc si j'étais. Ah ça! voici ma commis- quand elle le voudra, venir me redemander elle- sion faite, et avec quelque succès, j'ose le dire!.. même!.. Je puis m'en aller. (Regardant la pendule du ADRIENNE,avecimpatience. salon.) Trois heures!. la répétition sera finie, et Enfin, ces soixante millelivres. sans moi! C'est la première fois que j'y aurai MICHONNET. manqué. Je me dérange!.. C'est du désordre! Je les ai là. mais Adrienne me l'avait demandé comme un ADRIENNE. service! Elle tenait tant ! elle était d'une telle y Ah! je Mais si vous saviez tout. ce fusse elle aurait respire. impatience, qu'avant que je parti que ces deux heures d'attente m'ont fait souffrir ! voulu que je fussede retour. déjà Vous n'auriez pas été aussi longtemps. car la UN VALET,entrant par la porte du fond, avec et il me reste encore d'autres et journée avance, Adrienne, lui montrant Michonnet. démarches à faire. Oui, Mademoiselle,il est encore ici. MICHONNET. MICHONNET. Oui, dix mille livres de plus, qu'il te faut. Tu Que c'est elle! disais-je? me l'avais dit, et les voici! ADRIENNE. 0 Ciel! SCENE II. MICHONNET. MICHONNET,ADRIENNE. J'ai commencé par aller te les chercher. Voilà ADRIENNE. ce qui m'a retenu.. Je t'en demande pardon. Que devenez-vous donc ?.. Qui peut vous rete- ADRIENNE. nir. Depuisplus de deux heuresje vous attends, Vous. me les chercher!.. et où donc? et je craignais qu'il ne fût survenu quelque acci- MICHONNET. dent, quelque obstacle. Chezle notaire de la succession de mon oncle, MICHONNET. l'épicier de la rue Férou. Aucun! tout s'est passé comme tu le désirais. ADRIENNE. A ton nom seul toutes les portes se sont ouvertes! Cet héritage! votre seul bien. tout ce que car il faut rendre justice à ces grands seigneurs, vous possédez!.. Je ne puis accepter un tel sa- ils aiment les artistes, ils nous aiment!. Mon crifice. prince, lui ai-je dit, vous avez souvent daigné ré- MICHONNET. péter à mademoiselleLecouvreur, que vous lui Et pourquoi donc ? donneriez, quand elle le voudrait, soixante mille ADRIENNE. livres, des diamants qu'elle tient de la libéralité Je ma mais non — puis exposer fortune, celle de la reine. C'est vrai, je ne m'en dédis pas. d'un ami! - Eh bien ! elle m'envoie vers vous, en secret, MICHONNET. sur votre comptant bienveillance, pour lui rendre L'exposerP. en quoi?. Explique-moi d'a- ce service, et sur votre discrétion pour n'en par- bord. ler à personne. Tu vois. c'était assez bien ADRIENNE. tourné. Je ne le puis!.!e ne puis vous rien dire! ADRIENNE,avec impatience. MICHONNET. Très bien. et après! Rien ?. Je ne t'en demande pas davantage!. MICHONNET. Prends. je le veux. Tout cela t'appartient ! Après?. Il a paru étonné. et m'a demandé ADRIENNE. pourquoi se défaire de ces diamants. dans quelle Nous discuterons cela plus tard, gardez-les.. 32 ADRIENNE LECOUVREUR,

Il faudrait, à l'instant même, porter cette somme L'ABBÉ. rue Saint-Honoré, à l'hôtel de l'ambassadeur. Que l'ambassadeur de Russie a rachetée par- MICHONNET. dessous main, afin de vaincre par huissier et de L'ambassadeur moscovite? faire prisonnier, sans combats, le général qu'il ADRIENNE. redoutait. Oui! à lui-même!.. La lui remettre en paie- MICHONNET,étonné. ment d'une lettre de change de soixante-dixmille Ce n'est pas possible! livres, souscriteà M. le comte de Kalkreutz. L'ABBÉ,riant toujours. MICHONNET,étonné. Je vous l'atteste! et le plus curieux. c'est que Comment? cette lettre de change était d'abord entre les ADRIENNE.avec impatience. mains d'un comte de Kalkreutz. Le comte de Kalkreutz. un Suédois. MICHONNET,vivement. MICHONNET,avec douceur. Un Suédois! Je ne comprends pas. L'ABBÉ. ADRIENNE. Vous le connaissez? Vous n'avez pas besoin de comprendre. Si- MICHONNET,aveccolère ét regardant Adrienne. lence! c'est l'abbé ! Oui. certes. L'ABBÉ. Et il paraît que c'est une maîtresse du comte de Saxe, une grande dame!.. SCENE III. ADRIENNE,vivement. Une dame!.. MICHONNET,L'ABBÉ, ADRIENNE. grande L'ABBÉ. entrant le L'ABBÉ, par fond. Que par malheur je ne connais pas encore, Que vois-je? mademoiselle Lecouvreur chez mais que j'espère bien découvrir. qui, dans un M. le de prince Bouillon!.. Est-ce que cela nous transport de jalousie, a dénoncé ce fait à l'ambas- annoncerait un contre-ordre?.. Est-ce qu'on ne sadeurtartare; de sorte qu'en ce moment le héros vous verrait pas ce soir?.. saxon, sans sceptre et sans armée, gémit sous les ADRIENNE. verroux, attendant que la politique ou l'amour Si, vraiment ! plus que jamais je doistenir ma vienne le délivrer. Voilà l'aventure primitive,je parole à M. le prince, et je viendrai. vous la donne. je vous la livre. permis à vous L'ABBÉ. de l'embellir et de l'orner. Je vais la confier Je respire! car je connais des dames qui se font aux méditationsde M. de Bouillon. un savant une fête de vous voir et de vous enten- grande qui aime à traiter ces sujets-là. (Il sort par la porte malheur il bien vous dre; par pourra manquer à gauche; Michonnetremonte après lui lethéâtre, un de vos de vos enthousiastes, fanatiques. le suit des yeux quelques instants, puis redescend MICHONNET. à droite.) Qui donc? L'ABBÉ. Ce comte de Saxe! pauvre SCÈNE IV. ADRIENNE,à part. Qu'entends-je ? ADRIENNE,MICHONNET. L'ABBÉ. MICHONNET,à Adriennequi, silencieuse, baisse Il lui arrive l'aventure la plus piquante e t la les yeux. plus originale. Mon état est d'apprendre les Ce que je viens d'entendre est donc vrai. le nouvelles et de les répandre, et je tiens celle-ci comte de Saxeest celui que tu aimes? de bonne source. Imaginez-vousqu'il ne s'agis- ADRIENNE,à voix basse. sait de rien moins, pour lui, que de partir cette Oui. semaine pour conquérir la Courlande, et de là, MICHONNET. devenir grand duc. roi, que sais-je ? (Riant.) Et Et que tu veux délivrer? vous ne devineriezjamais qui lui enlève sa cou- ADRIENNE,de même. ronne? qui l'arrête au milieu de sa conquête ? Oui. MICHONNET. MICHONNET. Non! Au prix de ta fortune? L'ABBÉ,riant toujours. ADRIENNE,avec passion. Une lettre de change de soixante-dix mille Au prix de tout mon sang! livres. MICHONNET. MICHONNET,étonné. Maistu n'as donc pas entendu qu'il ne t'aimait Commentdites-vous? pas, qu'il en aimait uneautre ? ACTE IV, SCÈNE VI. 33

ADRIENNE. 0 mon vieux Corneille! viens a mon aide! Je le sais! viens soutenir mon courage, viens remplir mon MICHONNET. cœur deces élans généreux, de ces sublimes sen- Et tu oses me l'avouer. et tu n'en rougis pas. timents que tu as tant de fois placés dans ma ADRIENNE. bouche. Prouve-leur à tous, que nous, les inter- Ah ! vous ne pouvez pas comprendre, vous; prètes de ton génie, nous pouvons gagner au soi. qu'on aime sans le vouloir et malgré contact de tes nobles pensées. autre chose que MICHONNET,vivement. de les bien traduire! Ce que tu as dit, je leferai! Si! (A Michonnet.) Allez! Courezle délivrer! Jevous ADRIENNE. attendrai chez moi. (Elle sort par le fond.) Cherchant à le cacher à tous et à soi-même. est en rougissant de honte, de cette honte qui encore de l'amour ! SCENE V. MICHONNET,avec passion. MICHONNET,seul, allant reprendre son chapeau Si! si! le pardon, Adrienne, je comprends!.. qu'il avait posé dans la premièrescène sur l'un c'est moi suis un insensé de t'avoir parlé ainsi. qui des fauteuils à gauche. Maisqu'espères-tu? Ah! elle n'a de ADRIENNE. que trop raison compter sur suis encore insensé Car Rien!.. de le sauver!.. Et moi, qui plus qu'elle. (Avec amour.) Que elle donne sa fortune un ne nous a-t-on tout-à-l'heure d'une après tout, pour amant, puis, pas parlé c'est tout Mais la mienne un d'une dame ? simple!.. moi, pour rivale, grande rival!.. MICHONNET. (Soupirant.) Enfin, elle le veut, cela lui fait alors à moi aussi. ce Celle au bracelet sans doute, celle qu'il te pré- plaisir. Mais, qu'elle ne trouverait pas dans le grand Corneille lui-mê- fère et pour laquelle il t'a trahie. la main à son cœur. me, ce qui est le sublime de l'absurde, c'est que ADRIENNE,portant souffre C'est vrai! mais ne me le dites c'est com- je de sa peine. à elle! c'est que je suis pas, tenté de lui en me si vous me là d'un fer froidet et vouloir. à lui. de ce qu'il ne frappiez aigu, l'aime et serais furieux s'il l'aimait ce n'est votre intention. pas, je ! (Aper- pas cevant la sort de à MICHONNET,vivement et avecbonté. princesse qui l'appartement Dieu! une belle dame!.. la maîtresse Oh! non! tu ne le croire. droite.) de non, peux la saus ADRIENNE. maison, doute. (La saluant sans que la princesse le voie.) Elle ne me voit et Cetterivale, je veux la connaître. (Avecéner- pas, je puis sortir, je crois, sans cela la Al- gie.) Je la connaîtrai ! pour lui dire : C'est par que dérange. lons remplir mon et notre vous fut prisonnier, c'est par moi qu'il a re- message, porter argent qu'il à la Russie. (II sort le couvré la liberté, mêmecelle de vousvoir, de vous par fond.) aimer, de me trahir encore. Jugez vous-même, Madame, qui de nous aimait le mieux. MICHONNET. SCENE VI. Et lui? ADRIENNE,avec mépris. LA PRINCESSE,seule et rêvant, puis L'ABBÉ, Lui!.. il m'a trompée, j'y renonce à jamais! sortant de la porte à gauche. MICHONNET,avecjoie. LAPRINCESSE,à part et réoant. Bien cela!.. Maisalors, réponds-moi, pourquoi QueMaurice coure la rejoindre, je l'en défie, et tout sacrifierà un ingrat? quant à briser mes chaînes, il doit voir à présent ADRIENNE. que celan'est pas sifacile.. La seulechosequi m'in- Pourquoi ? vous mele demandez! La vengeance quiète, c'est ce bracelet,donné hier par mon mari m'est-elledonc interdite et nem'est-ilpaspermisde et perdu dans ma fuite. à quelmoment?.. sans lachoisir? N'avez-vouspas entendu tout-à-l'heure doute en montant dans ce carrosse de louage lui en ce moment qu'ilqu s'agissaitn pour de combat- qu'il m'a falluprendre! Après tout! personne ne de un tre, de vaincre, gagner duché. peut-être sait que ce bracelet m'appartient. quelques dia- une couronne. Et songez donc, ami, songez s'il mants de moins, cela regarde M. deBouiUon. me la devait!.. s'il la tenait de ma main! Roi, par L'essentiel, l'important pour moi, c'est de con- a la tendresse de celle qu'il abandonnée et tra- naître cette femmequi exerce sur lui un tel em- hie!.. Roi, par le dévouement de la pauvre comé- pire. Celle à qui il confietout. Et quand je dienne!.. Ah! il aura beau faire, il ne pourra pense quej'ai tenu ce secret, mieux encore! celte A m'oublier! défaut de son amour, sa gloiremême rivale entre mes mains. et que tout m'est échap- et sa puissance lui parleront de moi! comprenez- pé, grâce à mon mari, dont le flambeauest venu vous à présent ma vengeance? tout embrouiller. La science n'en fait jamais Combléde mesbienfaits,je veuxl'en aconhler! d'autres. avec ses lumières.., Aussi je lui en 34 ADRIENNE LECOUVREUR,

veux, et vienne l'occasion, (Apercevantl'abbé et à la duchessede Mirepoix; j'ai couru ce matin lui d'un air gracieux.)Eh! c'est vous, l'abbé. faire une visite d'amitié! une voix aigre et poin- L'ABBÉ,sortant de la porte à gauche.. tue qui fait mal aux nerfs ! Je suis passée chez Vous, Madame!déjà superbe, éblouissante. madamede Sancerre, madame de Beauveau, ma- LA PRINCESSE. dame de Vaudemont, pour m'informer de leurs J'ai voulu de bonne heure me tenir prête à re- nouvelles, empressementdont elles ont été vive- cevoir tout mon monde. et en attendant, je rê- ment touchées, sans compterque jamaisje ne les vais. avais écoutées avec autant d'attention! Quelles L'ABBÉ. futilités! quel bavardage! quel ennui!.. j'ai tout Non pas à moi. j'en suis sûr. subi! courage héroïque dépensé en pure perte! LA PRINCESSE. ce n'était pas cela! et pourtant c'est la voix de Peut-être!., à des projets de vengeance. pro- quelqu'un que je rencontre souvent. habituel- jets dans lesquels je ne vous ai pas défendu de lement. dans ma société intime! m'aider. au contraire! L'ABBÉ,vivement. L'ABBÉ,vivement. Attendez! avez-vous vu la duchesse d'Au- Eh bien! Madame!.. vous me voyez furieux, mont ? je ne sais rien encore! LAPRINCESSE,vivement. LAPRINCESSE,souriant. Non, vraiment! et pourquoi? En vérité!.. vous me rassuréz!.. je comptais si L'ABBÉ. bien sur vos talents et votre habileté. que je Une inspiration ?.. une idée! commençaisà m'effrayerde la récompense pro- LAPRINCESSE,vivement. mise.., mais, grâce au ciel!.. et à vous. En effet!.. l'intérêt que, malgré elle, elle pa- L'ABBÉ,vivement. raissait prendre hier au comte de Saxe! tous ces Ah! ne me parlez pas ainsi. car vous me dés- détails intimes qu'elle savait sur son compte. espérez! un instant j'ai cru connaîtrela personne, et qu'elle était censée tenir de Florestan de Belle- tout me prouvait que c'était la Duclos. Isle. LAPRINCESSE. L'ABBÉ,riant. La Duclos! Son cousin. L'ABBÉ. LAPRINCESSE. Est-ce vous aux Votre mari lui-même convaincu. il que croyez cousins? paraissait L'ABBÉ. me l'avait dit et démontré. Du tout. on ne les LA PRINCESSE. prend généralement que commeun contre Raison de plus pour ne pas le croire!.. Eh manteau, l'orage. bien! moi, je suis plus heureuse ou plus habile vu cette beauté que vous, j'ai mystérieuse!.. par SCÈNE VII. un hasard singulier, je me suis trouvée, il y a quelques jours. la semaine dernière, avec elle. LESPRÉCÉDENTS,UNDOMESTIQUE. à la campagne. dans une allée sombre. très LEDOMESTIQUE,annonçant. sombre. Madamela duchessed'Aumont! L'ABBÉ. En vérité1 LAPRINCESSE,bas à l'abbé. LAPRINCESSE. C'est le destin qui nous l'envoie* ! (Allant au devant C'est ma Et sans ses traits. lui ai d'elle.) vous, toute belle!.. pouvoirdistinguer je comme vous êtes aimable de nous venir entendu mots. une de si prononcer quelques phrase bonne heure. l'abbé et moi nous de retenue. celle-ci: « Ne craignez rien. parlions que j'ai vous!.. nous allions en dire du mal!.. « Votresecret m'a été confiépar quelqu'un qui peut-être « » ATHÉNAÏS,souriant. me dit tout. C'est à coup sûr fort insigni- Vrai! fiant; maisle singulier, le voici: c'est que l'ac- L'ABBÉ,bas à la princesse. cent, le son de la voix, me sont parfaitement Est-ce la même voix? connus! plus je me le rappelle et plus il me LAPRINCESSE,bas. semble que mainte foisje l'ai entendue retentir à On ne peut pas juger sur un mot. faites-la mon oreille 1 parler. j'étudierai. , L'ABBÉ. L'ABBÉ,quittant la princesse et passant de l'autre Vous croyez? côté à droite près d'Athénaïs '*. LAPRINCESSE. Madame la duchesse tenait tant à entendre A n'en pouvoir douter!.. en quels lieux?., mademoiselleLecouvreur. c'est ce que je ne puis dire! J'avais dabordpensé - L'abbé,la princesse,Athénaïs. L'abbé,la princesse. , , La princesse,Athénaïs,l'abbé. ACTE IV, SCENE VIII. 35

ATHÉNAÏS. LAPRINCESSE,bas à l'abbé. Oh! oui. Elle élude la question. de même. L'ABBÉ. L'ABBÉ, C'est un talent. un talent. C'est elle ! ATHÉNAÏS. LA PRINCESSE,allant au devant de la marquise, la baronne et Fort ! de des dames qui entrent par la L'ABBÉ. porte du fond. Bonjour, mes très chères ! Tandis que celui de la Duclos. ATHÉNAÏS. Nul. LAPRINCESSE,à part. SCÈNE VIII. Il parait que nous n'en obtiendrons pas une Pendant que les dames entrent par le fond, plu- phrase entière. (Haut.) Je commence à être de sieurs seigneurs sortent de l'appartement à votre avis, duchesse. Pour bien apprécier le droite, avec LE PRINCE, LAMARQUISE,LA charme de mademoiselleLecouvreur et le naturel PRINCESSE,LA BARONNE, L'ABBÉ,ATHÉ- de sa diction, il faut avoir essayé soi-même quel- NAÏS. Les autres damesqui sont entrées par la que lignes en scène. tenez, nous devons la se- porte du fond vont s'asseoir sur des fauteuils maine prochaine dire des proverbes chez M. le placés à gauche, les seigneurs qui sont entrés duc de Noailles. je joue un rôle. avec le prince se tiennent debout devant elles. ATHÉNAÏS. LEPRINCE,à droite. Vous devez bien jouer la comédie, princesse? Oui, Messieurs, la nouvelle est authentique. les LAPRINCESSE. (Saluant dames.) et je puis vous attester qu'à l'heure Moi! non. tout m'embarrasse. Je répétais là où je vous parle il est libre, complètement tout à l'heure avec l'abbé, quandvous êtes venue. libre. ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS,placée à l'extrême droite. Vous déranger? Et qui donc ? L'ABBÉ,vivement. LEPRINCE. Pas le moins du monde. Le comte de Saxe! ATHÉNAÏS. LAPRINCESSE,à part. Continuez. je ne dis plus un mot! Maurice! ô ciel! L'ABBÉ,à part. LAMARQUISE. A merveille! Ah ! vous savez aussi la nouvelle! c'est très LAPRINCESSE désagréable. je croyais être seule! LABARONNE. Gardez-vous-en bien! Je suis sûre, au con- En effet, le bruit courait ce matin le de vous entendre, ma toute que futur traire, gagner à belle, souverain de Courlande était retenu car le difficile, c'est le naturel, c'est de parler prisonnier pour une sommetrès considérable. ce n'est donc simplement, comme on parle. J'ai, dans ma pre- vrai ? une la pas mière scène , par exemple, phrase, plus LA à MARQUISE. simplequ'on puisse réciter, et je n'en puis venir Eh! mon Dieu! si. bout. ATHÉNAÏS. ATHÉNAÏS. Alors comment est-il libre ? Vous? LA LAPRINCESSE. BARONNE,gaiement. Un roman. un et commeil « enlèvement, lui en Ne craignez rien. Votre secret m'a été confié arrive une aventure. » me dit tout toujours, par quelqu'un qui LAMARQUISE. ATHÉNAÏS. La du monde. et la facile. plus simple plus bour- C'est bien on a ses dettes! LAPRINCESSE. geoise. payé LABARONNE. Oui-dà! eh bien! je voudrais vous l'entendre Oui-dà, marquise! et vous ne trouvez pas cela prononcer à vous-même! une aventure extraordinaire? ATHÉNAÏS. LAPRINCESSE. A moi! Si, vraiment, mais ces dettes, qui les a payées? LAPRINCESSE. LAMARQUISE. Comment la diriez-vous ? Demandez à Monsieur le prince, car pour moi, ATHÉNAïs,riant. l'histoire s'arrête là. on ne m'a rien dit de plus. Je ne la dirais pas. (Elle les quille et passe à la LETRINCE,gravement. gauche du théâtre.) Et noi, Mesdames. o0 ADRIENNE LECOUVREUR,

TOUTLEMONDE. LEPRINCE, redescendant en donnant la main à Eli bien? Adrienne *. LE de même. PRINCE, Combien je vous remercie, Mademoiselle de Je n'ai en savoir ce qui prouve pu davantage. l'honneur que vous voulez bien nous faire, à bien. Madamede Bouillon et à moi! L'ABBÉ. ATHÉNAÏS,à la princesse. n'est le saurais. ne le Que cela pas ! je Or, je Daignez, princesse, me nommer à Mademoi- cela n'est sais pas, donc pas! selle. Il a si longtemps que je l'admire de loin, LA y MARQUISE. que je suisbien aise de le lui dire de près! Cela le tiens d'une amieintime du comte est, je LAPRINCESSE,présentant la duchesse. de Saxe. Madamela duchessed'Aumont, Mademoiselle. LEPRINCE. (La princesse fait passer Adrienne près d*Athé- le tiens de Florestan a vu Moi,je lui-même, qui naïs, dela marquise et de la baronne, qui l'en- à telles a été de sa Maurice, enseignes qu'il part tourent; le prince et l'abbé se rapprochent d'elles. défier le comte de Kalkreutz. Michonnetest toujours presque seul à l'extrême nom de Athénaïs un mouve- (Au Florestan, fait droite, pendant que la princessedescendà gauche ment que la princesseremarque.) au bord de la scèneet devant les dames sont L'ABBÉ. qui assises.) Celui qui a livré sa créance à l'ambassadeur ADRIENNE. moscovite? LEPRINCE. En vérité, Mesdames,je suis confuse de tant d'honneur! Précisément. ATHÉNAÏS. MICHONNET,à part. Action déloyale, indigne d'un gentilhomme! Ce n'est que justice! je vous demandesi elle ne LEPRINCE. figurepas aussibien qu'elles toutesdans un salon! Et dontle comtede Saxelui a demandé raison. ADRIENNE. ils ont dû se battre. Vousavez LAPRINCESSE. voulu, vous et les noblesdames qui m'accueillir. Et sait-on l'issue du combat? daignent LA LEPRINCE. PRINCESSE,frappée du son de voixet écoutant. 0 ciel! Pas encore! mais ce pauvre Maurice qui devait nous venir ce soir. ADRIENNE. ATnÉNAÏS. Donner à l'humble artiste l'occasion d'étudier Ne craignez rien.. il viendra! ce ton exquis, ces manières élégantes que vous LAPRINCESSE,l'observant avec jalousie. seules possédez. Vouscroyez, Madame? LAPRINCESSE,de même. Qu'entends-je?. cette voix. ADRIENNE. Aussi je vais bien regarder. pour tâcher de SCENE IX. copier fidèlement. certaine de réussir, pour peu que je soisressemblante. LESPRÉCÉDENTS,UN DOMESTIQUE. LA PRINCESSE. Plus je l'entends, plus il me semble. Non, LE annonçant. DOMETIQUE, non, ce n'est pas possible, c'est un rêve!.. ce MademoiselleLecouvreur et monsieur Michon- n'est pas à mon oreille, c'est dans mon imagina- net, de la Comédie-Française! tion seule retentit et vibre encore ce son de L'ABBÉ. que voix me (Athénaïs et les Ah! enfin ! le monde va au devant d'A- qui poursuit toujours. (Tout autres dames se sont emparées d'Adrienne, la drienne.) asseoir d'elles et causent avec elle à sur font auprès LAMARQUISE,qui est restée avec la baronne voix basse le et les autres le devant du à droite. pendant que prince théâtre, seigneurs entourent son fauteuil. Souriant avec Il paraît que nous aurons ce soir la tragédie. LABARONNE. * Et la comédie. Les acteurs sont dansl'ordre suivant: les sei- les dames à LAMARQUISE, gneursau fond du théâtre, placées gauche,qui s'étaient levéesà l'entréed'Adrienne, Le prince l'aime beaucoup. se rasseyent; devantelles, l'ahbé, puis le prince, LABARONNE. Adrienne, la princesse, Athénaïs,la marquise, la Et la princesse, donc! baronne,Michonnet. 37 ACTE IV, SCENE IX.

ironie *.) Quelle idée. en effetque cette rivale LABARONNEETLAMARQUISE,passant derrière le qu'il me préfère soit une femmede théâtre. une fauteuil d'Adrienne. comédienne. et pourquoi non?.. N'ont-elles Ah! mon Dieu*! point un charme, un prestige qui n'appartient ADRIENNE,revenant à elle. qu'à elles, le talent et la gloire qui enivrent et Ce n'est rien. l'éclat des lumières. la cha- ajoutent à la beauté. (Regardant Adrienneque leur du salon. (A la princesse qui lui fait respi- i tousles seigneurs entourent.) Dans ce moment rer le flacon.) Merci, Madame, que de bontés, encore ne sont-ils pas là tous à l'admirer, à l'a- (Rencontrant sesyeux.) Quel regard! dorer!.. Pourquoi n'aurait-il pas fait commeeux ? UNDOMESTIQUE,annonçant. Ah! ce doute est insupportable. et je veux à M.le comte de Saxe. (Tout le mondepousseun tout prix confirmer ou détruire mes soupçons. cri de surprise ; les dames quittent le fauteuil (Se retournant vers le prince qui vient de quit- d'Adrienne et vont au devant du comte.) ter le fauteuil d'Adrienne et qui s'approche ADRIENNE,faisant un geste dejoie. d'elle.) Eh bien! ne commençons-nouspas **. Ah! (Elle veut s'élancer vers lui, Michonnetla LEPRINCE. retient par la main; la princesseet Advienneres- un moment les l'une sur Il nous faut attendre le comte de Saxe, puis- tent yeux fixés l'autre.) à voix basse. qu'on assure qu'il viendra. MICHONNET, Prends garde!.. la joie trahit encore plus que LA du côté d'Adrienne. PRINCESSE,regardant la douleur.(Lesseigneurset les damesqui étaient Je crois que vous nous flattez d'un vain es- allés au devant de Maurice redescendent avec poir, il ne viendra pas. (Apart.) Ellea tressailli. lui **.) elle écoute. LEPRINCE,à Maurice. LEPRINCE. Que nous disait donc l'abbé, que vous étiez vous le faitcroire?.. vous l'a blessé? Qui qui dit, puis- L'ABBÉ. est libre. libre les mains de l'amour. qu'il par réclame. LA à Permettez, je PRINCESSE,part, observant Adrienne. MAURICE. Elle tressaille encore! serait-ce elle qui l'au- Bah! depuis CharlesXII, la Suède ne sait plus rait délivré? (Haut.) Je n'ai pas voulu tout-à- se battre. l'heure troubler vos espérances, ni attrister ces LEPRINCE,riant. dames, mais vous savez qu'il s'est battu. Ainsi, ce comte de Kalkreutz. ADRIENNE,à part. MAURICE. Battu! Désarmé à la seconde passe. (Le prince, l'abbé LAPRINCESSE,à part. et Athénais remontent le théâtre et vont causer avec les autres dames et Maurice se Elle se Et seigneurs. rapproche. (Haut.) l'abbé, qui sait trouve sur le devant de la scène de la m'a le près prin- tout, dit. que comleétait blessédangereu- et lui dit à demi-voix sans la sement. cesse, regarder.) Vous disiez vrai, princesse, en disant que vous L'ABBÉ,étonné. me ramèneriez. Moi! LAPRINCESSE,avec joie. LA PRINCESSE,bas à l'abbé. 0 ciel ! Taisez-vous! un cri et courant MAURICE,de même. (Poussant près Je voulais d'Adrienne vient de tomber évanouie dans un partir sans vous voir, mais après le qui service vous venez de me service fauteuil.) MademoiselleLecouvreurse trouve mal! que rendre, que, du reste, je n'accepte pas. je. MICHONNET,se précipitant vers elle. ADRIENNE,à droite et à quelquespas d'eux, les Adrienne! suivant des yeux. Il lui parlebas!.. si c'était cette grande dame. si c'était elle !.. Les dames,assises à gauche, la princesse,sur * le devant du théâtre, à gauche; les seigneurs,au Lesacteurs sont dansl'ordre suivant: le prince, du fond se rapprochent canapé où viennent de Athénais,l'abbé, la princesse,près d'Adrienneet lui s'asseoir Athénais,Adrienne,la marquise,sur un faisant respirer un flacon que l'abbé vient de lui la fauteuil, plus loin ; baronne,Michonnetdebout, donner.Adrienneest assise sur un fauteuil à l'ex- à gauche; le prince, et l'abbé debout devant trême droite du théâtre; prèsd'elle, à si gauche, Adrienne avec qui ils causent. Michonnet. * '* Adrienneselève en signed'assentimentet passe Lesacteurssontdansl'ordresuivant,encommen- à gaucheprès deMichonnet.Lesacteurssontplacés çantpar la gauchedu spectateur: Un groupede sei- dansl'ordre suivant: Athénais,le prince, l'abbé, la gneurset: de dames, Athénais,l'abbé, le prince, la princesse, la marquise, la baronne, Adrienne, Mi- princesse,Maurice,la marquise,la baronne;an peu chonnet. plus lOin, Adrienne,Michonnct. 38 ADRIENNE LECOUVREUR,

LAPRINCESSE,continuant à causer avec Maurice. Mais,j'y songe. (Se retournant vers Adrienne.) Que voulez-vousdire? MademoiselleLecouvreur pourrait peut-être nous MAURICE,toujours bas à la princesse. éclaircir sur ce mystère. Il faut absolument que je vous parle. ADRIENNE. LAPRINCESSE,de même. Moi,Madame! Cesoir, quand tout le monde sera parti. LAPRINCESSE. MAURICE,de même. Sans doute!.. on assure dans le monde que Soit! (La princesse remonte le théâtre à gau- l'objet de cet amour est une personne de théâtre. che du spectateur; Maurice se retourne et aper- L'ABBÉ. çoit à droite Adrienne, il la salue profondément.) Laissez donc. MademoiselleLecouvreur! ADRIENNE. (Il fait quelques pas pour aller près d'elle: C'est étrange! on assurait au théâtre que cette en ce moment le prince qui avait remonté le maîtresse en titre était une grande dame. théâtre, le redescend et prend Maurice par des- L'ABBÉ,regardant Athénaïs. sous le bras au moment où il s'approchait d'A- Je le croirais plutôt! drienne.) LAPRINCESSE. LEPRINCE. Machronique parlait mêmed'une certaine ren- A propos de la Suède, mon cher comte, j'ai à contre nocturne. vous demander. ADRIENNE. (Il s'éloigne avec lui en causant et en re- Et la mienne d'une visitedans une petite mai- montant le théâtre, ils disparaissent tous deux son. quelques moments dans d'autres salons. Pen- ATHÉNAÏS. Mais c'est très dant ce temps, la marquise et la baronne se intéressant! sont rapprochées d'Adrienne, et pendant les LAPRINCESSE. On disait la comédienne avait été sur- mouvements de la scène précédente, Michonnet que y prise par une rivale jalouse. qui était à l'extrême droite, a remonté le théâ- est resté au est ADRIENNE. tre, quelque temps fond, puis On affirmait la en redescendu à l'extrême en que grande dame avait été gauche; ce moment, chassée un mari indiscret. les acteurs sont dans l'ordre * par rangés suivant : ATHÉNAÏS. L'ABBÉ,à la princesse à demi- voix. Quevous semblez bien instruites toutes deux!.. Je vous demanderai maintenant, princesse, L'ABBÉ. vous m'accusiez pourquoi tout-à-l'heure, ainsi Plus que moi,j'en conviens! de. ATHÉNAÏS. LA à voix haute. PRINCESSE, Maispour nous mettre à même de prononcer, Pourquoi?.. parce que vous n'êtes jamaisau qui nous donnera des preuves? fait des choses. (Se retournant en riant vers les LAPRINCESSE. deux dames qui sont à sa gauche.) Imaginez- La mienne est un bouquet que la belle a laissé Mesdames. vous, aux mains de son vainqueur. bouquet de roses, (L'abbé quitte la droite de la princesse près attaché par un ruban soie et or ! de laquelle il est placé, remonte le théâtre, et ADRIENNE,à part. va seposer entre les deux dames commepour Monbouquet! se justifier près d'elles. Les acteurs se trou- ATHÉNAÏS,à Adrienne. vent alors dans l'ordre suivant **: Et votre preuve, à vous. Mademoiselle?.. ADRIENNE. LAPRINCESSE,continuant saphrase. La mienne?.. la c'est la Imaginez-vousque le pauvre abbé court vaine- mienne, que grande dame a laissé tomber en dans le ment depuis hier à la découverte d'un secret! Une s'enfuyant jar- belle inconnue qu'adore le comte de Saxe. din. ATHÉNAÏS. « sa de verre. Michonnet,à gaucheà l'écart; quelques dames, CommeCendrillon, pantoufle assises sur le second plan, et quelquesseigneurs, ADRIENNE. deboutderrière leurs fauteuilset causantavecelles. Non, maisun bracelet de diamants. Sur le premier plan et sur le devant du théâtre, LAPRINCESSE,à part. commeformant dans le salon un groupeparticu- Mon bracelet! lier, Athénaïs,l'abbé,la princesse, la marquise, la L'ABBÉ. baronne, Adrienne. Un conte des Milleet une nuits!, Athénaïs,la princesse,la marquise,l'abbé, laba- ADRIENNE. ronne,Adrienne,un peu éloignés à droite. Non, vraiment, une réalité!.. car ce bracelet ACTE IV, SCENE IX. 39 on me l'a apporté. on me l'a laissé. (Le mon- (Les dames et seigneurs se sont placés à droite trant.)Le voici! devant les deux rangées de fauteuilsqui gar- L'ABBÉ,prenant le bracelet, et le montrant à la nissent ce côté du salon.) entre marquise et à la baronne lesquelles, il MAURICE,qui a redescendu le théâtre. est placé. Quoi, Mademoiselle. vous daigneriez. Superbe! voyez donc, Mesdames. ADRIENNE, sur le froidement. LAPRINCESSE,jette un regard bracelet et Oui, Monsieurle comte! dit froidement. LAPRINCESSE,d'un air gracieux. Admirable!.. c'est travaillé avecun art! Quel bonheur!., asseyons-nous, Mesdames. la main le mais le (Elle avance pour prendre, (A Maurice.)Monsieur le comte, auprès de moi*.. est prince, qui depuis quelques instant rentré ADRIENNE,à part. dans le salon avec Maurice, s'est approché Les voir là, sous mes yeux, tous les deux en- du groupe, se place entre la princesse et la semble. comme pour me braver!.. Mon Dieu, marquise. La princesse s'éloigne et se rap- donnez-moi la force de me contraindre. LE proche d'Athénaïs qui venait aussi pour re- PRINCE. Que nous direz-vous? garder le bracelet*.) LEPRINCE. ATHÉNAÏS. Le Songe de Pauline. Qu'est-ce donc? qu'admirez-vousainsi ? LAMARQUISE. L'ABBÉ. Hermione. Cebracelet!.. LABARONNE. LEPRINCE. Ou Camilledes Horaces. Celui de ma femme! LAPRINCESSE,avecironie. avecun TOUS, accent différent. Ou plutôt le monologue d'Ariane abandonnée. Sa femme! ADRIENNE,à part, se contenant à peine. LE remontant le théâtre et montrant à PRINCE, Ah! c'en est trop! tout le mondele bracelet avec un air de satis. ATHÉNAÏS,qui est assise à la droite de la prin- faction. cesse,s'écrie- Il est de bon n'est-ce goût, pas?. Non, non! Phèdre, que vous avez si bien jouée ADRIENNEd part. avant-hier. C'était elle!.. ADRIENNE,vivement. le désordre cet incident Phèdre soit. (Pendant produit par TOUS. Athénaïs, la princesse, le prince et les autres Écoutons. dames ont remonté le théâtre. Adrienne qui (l'out le monde est rangé à droite comme il est était à l'extrême traverse la scène droite, dit plushaut. Michonnet,assis à gauche, a tiré et va avec agitation, se placer à gauche près plusieurs brochuresde sa poche; il prend celle de Michonnet.) de Phèdre, et s'apprête à souffler. Adrienne est LAPRINCESSEau milieu du théâtre et mettant à seule debout au milieu du théâtre.) son bras son bracelet que son mari vient de lui ADRIENNE,récitant avec une agitation et une rendre. fièvretoujours croissante, les yeux fixés sur la Eh bien ! maintenant que Monsieur le comte princesse, qui se penche plusieurs fois sur l'é- de Saxe est décidément des nôtres, si mademoi- paule de Maurice et lui parle bas avec affecta- selle Lecouvreur était assezbonne pour nous dire tion. quelques vers. Juste ciel!.. qu'ai-je fait aujourd'hui? ADRIENNE,hors d'elle. Monépouxvaparaître, et sonfilsaveclui. Des vers!. moi!.. en ce moment! (Les da- Je verraile témoindema flammeadultère étaient à se lèvent et se di- mes qui assises gauche Observerde quelfrontj'ose abordersonpère! rigent versla droite du salon. A part.) Ah! c'est Le cœurgros de soupirsqu'iln'a pointécoutés, trop d'impudence. (Regardant Maurice.) MICHONNET,à gauche près d'elle. L'œilhumidedepleurspar l'ingratrebutés, Calme-toi et étudie!.. il y a dans le monde de Penses-tuque, sensiblea l'honneurde Thésée, plus grands comédiensque nous! Les acteurs sontdansl'ordre suivant: Michonnet et seuls * Adrienne, à 'gauche; les dames,assises à Lesacteurssontdansl'ordresuivant: Michonnet, droite sur les deux rangées de fauteuils ; derrière à Vextrêmegauche,Athénaïs,laprincesse,le prince, elles, debout, l'abbé, le prince et les autres sei- la marquise,l'abbé,labaronne,Adrienne;Mauriceest gneurs. Sur les deux premiers fauteuils à droite resté au fond du théâtre, sur le secondplan, cau- et presquefaisant face au spectateur, la princesse sant avecles groupesde dam!!'et deseigneurs. et le comtede Saxe. 40 ADRIENNE LECOUVREUR,

Il lui cachel'ardeur dontje suis embrasée? LEPRINCE,à Adrienne. Laissera-t-iltrahir et sonpèreet sonroi? Quelqueenviequenous ayons de vousretenir. Pourra-t-il contenirl'horreurqu'il à pourmoi? nous n'osons insister. (Remontant le théâtre et (Regardant Maurice,qui vient de ramasser l'éven- parlant à des domestiques qui sont au fond.) La tail quela princesseavait laissé tomber, et qui voilure de mademoiselleLecouvreur. le lui remet d'un air galant.) Il se tairait en vain! je sais ses perfidies, (Pendant le temps où le prince remonte le OEnone!. et ne suis pointde ces femmeshardies. théâtre, la princessefait quelques pas à droite, (Hors d'elle-même et s'avançant vers la et Maurice se rapproche d'Adrienne qui est à princesse. dansle crimeunehonteuse droite.) Qui,goûtant paix, ADRIENNE,à demi-voix. Ontsu se faireun front quine rougitjamais!.. a continué à s'avancer vers la Suivez-moi. (Elle princesse, MAURICE,de même. quelle désigne du doig.t,et reste quelque temps dans cette attitude, pendant que les dames et Impossible ce soir! Vous saurez pourquoi?.. seigneurs, qui ont suivi tous ses mouvements, Mais. se lèvent commeeffrayésde cette scène.) ADRIENNE. LAPRINCESSE,avec calme. Il suffit. Bravo! bravo! admirable! TOUS. (En ce moment le prince qui a redescendu le Admirable! théâtre, offre sa main à Adrienne. Elle re- MICHONNET,bas à Adrienne. monte avec lui vers la porte du fond. Les Malheureuse!.. qu'as-tu fait?.. hommes groupés à gauche de la porte et les ADRIENNE. femmes debout à droite, la saluent. Adrienne Je me suis vengée! jette sur Maurice un dernier regard de repro- LAPRINCESSE,hors d'elle-même. che et de douleur, et s'éloigne pendant que la tel affront!.. le lui Un je ferai payer cher!.. princesse la regarde sortir d'un œil menaçant. au la ADRIENNE, prince, qui félicite. La toile tombe.) Déjà souffranteet fatiguée,je vous demanderai la permission de me retirer. LAPRINCESSE,bas à Maurice, qui fait un pas FINDUQUATRIÈMEACTE. vers Adrienne. Restez!

ACTE CSNQMËME. L'appartementd'Adrienne; à gauche, une cheminée,près de la cheminée, un fauteuil, puis une table, porte au fond; deuxporteslatérales; fauteuils,au fond,et à droite. SCENE PREMIERE. ADRIENNE. à la du à une Depuisque vous êtes là. je suis mieux! MICHONNET, porte fond, parlant MICHONNET. femme de chambre, puis ADRIENNE,sortant Et moi aussi!.. t'avoir reconduite, suis de la porte à gauche. Après je passéau théâtre, d'où je viens ! MICHONNET. ADRIENNE. est Oui,je sais que sa porte fermée et qu'il est Le spectacle est-il terminé? onze heures! Maissi elle n'est pas encore désha- MICHONNET. c'est Michon- billée. vous lui direz que moi, Nousen avons encore pour une heure. net!. ADRIENNE. à lui. ADRIENNE,l'apercevant et courant Tant mieux!.. Je suis si souffrante que je vou- Ah!.. je vous attendais!.. lais faire dire au théâtre qu'il me sera impossible MICHONNET,à la femmede chambre qui se retire. de jouer demain. Vous voyez bien! MICHONNET. ADRIENNE. Je vais y passer. J'arrangerai cela et je vien- Je souffraistant ! drai te rendre réponse. MICHONNET. ADRIENNE. Et moi donc!.. Je ne pouvaispas rentrer sans Quede peines je vous donne !.. savoir comment tu te trouvais. je n'aurais pu MICHONNET. durmir. Allonsdonc!.. moi, qui demeure dans ta niai- ACTE V, SCENE 11. :> 41 son, ne me voilà-t-il pas bien malade' ce n'est ADRIENNE,redescendant le théâtre et allant se pas cela qui m'inquiète! jeter dans un fauteuil à droite. ADRIENNE. Cela ne vaut-il pas mieux que de mourir ici de le Qu'est-ce donc?.. jalousie et de désespoir. car, je sens, j'en MICHONNET. mourrai! MICHONNET. La scène de ce soir. chez cette grande dame! Non! non! par malheur tu t'abuses encore!. crois-tu son mari, tout le monde donc, qu'excepté c'est une fièvre qui ne vous quitte pas, une dou- n'ait pas compris l'allusion. à commencer par leur de tous les instants. on souffre. on elle. aiguë est bien malheureux. maison n'en meurt pas!.. ADRIENNE. Tu voisbien que j'existe encore! Je l'espère bien! Je l'ai blessée à mort, n'est-ce ADRIENNE,le regardant avec étonnement. pasP. Quelle joie! c'est le seul moment de bon- Vous! heur que j'aie éprouvé après tant de souffrance! MICHONNET. il A chaque mot de ces derniers vers. me sem- Ah! cela t'étonne, n'est-ce pas?.. Tu ne peux blait lui enfoncer un poignard dans le cœur! Et croire que sous cette épaisseenveloppeil y ait un lu terreur sur puis, avez-vous la tous les visages? cœur qui souffrecomme le tien. qui aime. qui Avez-vous entendu ce silence PL'avez-vous vue saigne commele tien. elle-même, en dépit de son audace, pâlir sous mes ADRIENNE. regards. Ah! j'avais marqué d'une tache ineffa- Quoi! ces tourments, vous les avez éprouvés? çable: MICHONNET. Cefront ne qui rougitjamais! Oui. autrefois. il y a bien longtemps. MICHONNET. Crois-moi, on s'habitue à tout. même à être Voilàjustement ce qui m'effraie!.. C'était trop malheureux! bien. c'était trop fort !. Ces grandes dames, si ADRIENNE. belles et si gracieuses avec leurs guirlandes de Ah! cette force que je ne vous soupçonnais fleurs et leurs robes de gaze, c'est vindicatif. pas. ce courage que j'admire en vous !. je l'i- c'est méchant. tout leur est permis. et elles miterai !. je l'égalerai, si je le puis. Je triom- osent tout! celle-là surtout. à qui justement pherai d'une passion insensée dont maintenant je hier je proposais de jouer le rôle de Cléopâtre. rougis! elle a toutes les qualités de l'emploi: elle ne recu- MICHONNET,avec joie. lera devant aucun moyen. pour se venger d'un Dis-tuvrai ? affront ou se débarrasser d'une rivale. ADRIENNE. ADRIENNE. Vousvoyez bien que je parle de lui sans haine et sans Eh! que m'importe?. Quel mal peut-elle me colère. que le souvenir de ses outrages me laisse calme et faire désormais qui égale les tourments renfermés tranquille. que son nom même ne m'émeut dans cette pensée. dansce mot: Aimée!.. elle est plus!.. (Adrienne traverse le théâtre et va se du à aimée!.. Cette blessure faite par moi, il la guérit placer près fauteuil gauche, entre la cheminée et la table. La du s'ou- par ses paroles d'amour!.. Ces larmes, si elle en porte fond répand, il les essuie sous ses baisers!.. Et mainte- vre. ) nant même.maintenantque moncœur se brise. elle est heureuse. elle est près de lui. Vous ne SCENE II. savez donc pas que je l'ai supplié, à voix basse, de me suivre, tandis qu'elle lui ordonnait de ne ADRIENNE, LA FEMME DE CHAMBRE,MI- pas la quitter!.. CHONNET. DECHAMBRE. MICHONNET. LAFEMME Eh bien!.. Un coffretqu'on apporte pour Madame. ADRIENNE. ADRIENNE. Il est resté!.. resté avec elle!.. Ah! c'en est Qui l'a apporté ? je n'y résiste plus! (Faisant un LAFEMMEDECHAMBRE. trop! pas pour Un sortir et remontant le théâtre.) domestiquesans livrée, qui a dit seulement: De la de M.le comte MICHONNET. part de Saxe. ADRIENNE,poussant un cri. Où vas-tu? De lui!.. le des mains de la ADRIENNE. (Prenant coffret femme de chambre.) Laissez- nous. laissez- Me les jeter entre eux. frapper. et après. nous. (La femme de chambre sort et Adrienne fassede voudra! qu'on moi ce qu'on pose le coffretsur la table et s'assied toute trem- MICHONNET. blante.) Ah! mon Dieu!.. que peut-il me vouloir? Y penses-tu ? ma main tremble. et je ne puis ouvrir. 42 ADRIENNE LECOUVREUR,

MICHONNET,à part. SCENE III. Et elle croit ne l'aime !.. qu'elle plus ADRIENNE,MAURICE,se précipitant parla porte ADRIENNE,vivement. du fond, MICHONNET. Voyons! voyons! (Poussant un cri de dou- leur.) Ahî MAURICE,à la cantonade et commeparlant à la de chambre veut le retenir. MICHONNET,vivement. femme qui Elle sera vous à doncP.. y pour moi, dis-je? (Courant Qu'est-ce Adrienne.) Adrienne!.. ADRIENNE. ADRIENNE,se jetant involontairement dans ses En ouvrant ce coffret. j'ai éprouvé une sen- bras. sation douloureuse. un souffle glacialqui par- Maurice!.. (Voulant se dégager de ses bras.) courait mes sens. c'était commeun présage du Ah! qu'ai-je fait?.. laissez-moi! laissez-moi? coupqui m'attendait. MAURICE. viens tomber à tes viens im- MICHONNET. Non, je pieds! je plorer monpardon! si je ne t'ai pas suivie quand Que contient donc cette botte? tu me l'ordonnais. c'est que j'étais retenu parle ADRIENNE. devoir, par l'honneur. par un bienfait dont le m'accablait. le du moins! et à la Je le poids je croyais je Mon bouquet! (Le prenant main.) ne voulais laisser finir cette sans reconnais. celui tenais à la main lors pas journée qu'hier je dire à la Je ne votre de son arrivée! demandé lui. donné moi princesse: puis accepter or, par par car ne vous aime car ne vous ai comme un d'amour. il le dédai- je pas, je jamais gage pouvait car mon cœur est à une autre. Mais l'oublier, le jeter à l'écart !.. mais me le aimée, juge gner, de ma surprise!.. aux premiers mots que je lui renvoyer. exprès!.. mais joindre l'affront au adresse. en m'écriant : « Je sais tout! je sais mépris. « tout !.. » tremblante. éperdue. elle, qui ne MICHONNET. tremblejamais. tombe à mes pieds et avec des Cela ne vient pas de lui !.. c'est cette rivale qui larmes feintes ou véritables m'avoue que l'amour l'aura forcé! et la jalousie l'ont égarée, qu'elle seule est la cause de ma elle ose me l'avouer. à ADRIENNE,se levant avecindignation. captivité!.. moi qui pensais lui devoir ma délivrance. Devait-il obéir? et tout esclave qu'il est, ne de- ADRIENNE. vait-il révolter pas se à l'idée seule d'insulter celle 0 ciel !.. a aimée! sur le qu'il (Retombant fauteuil près de MAURICE,continuant avec chaleur. la cheminée en tenant à la main le bouquet de Amoi! honteux et de ses bien- en qui, désespéré fleurs qu'elle regarde quelque temps silence.) faits, venais seulement quelques jours Fleursd'un hiersi flé- implorer jour, éclalantes, aujourd'hui pour m'acquitter, dussé-je jouer mon sang et ma vous aurez duré encore tries, qui plus longtemps vie!.. et j'étais libre. libre de la mépriser, de la que ses promesses! Pauvresfleurs, reçues par lui haïr. de l'abandonner! libre de courir vers toi avec tant d'ivresse et de vous ne joie, pouviezplus et de me réfugier à tes pieds!.. ma protectrice, rester sur ce cœur où il vous avait et placées mon bon voici (Tombant à ses ge- dont une autre m'a bannie! Exiléeset ange. m'y dédaignées noux.) Ne me repoussepas! commemoi, je cherche en vain sur vos feuillesla trace des baisers celui-ci ADRIENNE. qu'il y imprimait!.. que Faut-il croire? soit le dernier vous celuid'un te que recevrez, adieu MAURICE. éternel ! (Elle porte avec force le bouquet à ses et lèvres.) Oui. oui. il me semble que c'est celui Par le ciel. l'honneur, je t'ai dit la vérité. de la mort! et maintenant. qu'il ne reste plus quelque difficilequ'elle soit à expliquer. car, rien de vous, ni de mon amour. (Elle jette le renversé du haut de mes espérances, arrêté, jeté bouquetdans la cheminée.) dans un cachot, j'ignore encore quelle main m'a délivréet beau chercher, je ne puisdécouvrir MICHONNET. j'ai par qui me sont rendus ma liberté, mon épée, et Adrienne!.. Adrienne!.. un glorieuxavenir peut-être, le sais-tu? peux-tu m'aider à le deviner? se levant et sur le marbre ADRIENNE, s'appuyant ADRIENNE,baissant les de la cheminée. yeux. Je ne sais!.. je pe puis dire. Ne craignez rien! (Portant la main à son cœur.) MICHONNLT,qui pendant la tirade précédente a Celava mieux! (Regardant du côte de la chemi- remonté le théâtre yasse vivemententre eue, née.) Je suis forte maintenant. je n'y pense deux. plus!.. Que c'est elle!., elle-même. ACTE V, SCÈNE IV. 43

ADRIENNE,vivement. MATTRICE,l'aidant à s'asseoir sur le canapé. Taisez-vous! taisez-vous! Tu chancelles! ADRIENNE. MICHONNET,avec chaleur. En un trouble une douleur C'est elle a engagé pour vous, sa fortune, effet, étrange, qui sourde et inconnue s'est de moi. ses diamants, tout ce qu'elle avait. et plus en- emparée depuis core!.. quelques moments. depuis celui où j'ai porté à ADRIENNE. mes lèvres ce bouquet. MAURICE. Ce n'est pas vrai! MICHONNET,de même, avec force. Lequel? ADRIENNE. C'est vrai !.. et s'il faut en donner des preuves, le un de apprenez qu'elle a emprunté. emprunté à quel- Ingrate! je prenais pour adieu départ, et c'était un de retour! qu'un. (Se reprenànt) que je ne connais pas, message MAURICE. mais vous pouvezm'en croire, moi!.. qui ne veux veux-tu dire? que son repos. son bonheur. moi qui l'aime Que ADRIENNE. comme un père. (Vivement.)Oh! oui. comme Cesfleurs. toi dans ce un père. envoyées par coffret. ADRIENNE,vivement. MAURICE,passant près de la table *. Moi! ne t'ai rien ce où Vous pleurez? je envoyé. bouquet, MICHONNET. est-il ? ADRIENNE. De contentement, d'émotion. adieu. tu sais qu'on m'attend au théâtre, et j'y dois être Brûlé! je croyais que tu nous avais tous deux avant la fin du spectacle. adieu. adieu. repoussés et dédaignés. il était commemoi, il ne vivre! se vers du pouvaitplus (Il précipite la porte fond.) MAURICE,avec tendresse. Adrienne! mais ta main tremble. tu souffres beaucoup. SCÈNE IV. ADRIENNE. Non, non, plus maintenant. (Montrant son ADRIENNE,MAURICE. cœur.) Ladouleur n'est pluslà. (Portant lamain à sa téte.) Mais)à C'est c'est bizarre.. MAURICE. singulier, mille divers et devant c'était toi. objets fantastiques passant Ainsi, Adrienne, moi. se succèdent confusément et sans ordre. montrant de la main ADRIENNE, Michennet, qui Où étions-nous? te vient de sortir. (A Maurice.) qu'est-ce que je disais? je ne sais Il me semble mon Et lui, mon meilleur ami, lui m'est venu en plus. que qui imagination s'égare. et ma raison, aide. mais ne de cela. tu as ac- que que je parlons plus cherche à retenir, va m'abandonner. (Vivement.) cepté. Je ne le veux en la MAURICE. pas. perdant, je perdrais ; mon bonheur. Oh! non. non. ne le veux c'est ton tu je A une condition. qu'à tour ne re- lui et rien de moi! l'avenir pas! pour d'abord, pour Maurice, puis pour fuseras J'ignore qui m'est ce soir. On vient et la salle est si sur le de ba- d'ouvrir, déjà réservé, j'ignore je dois, champ Je conçois leur curiosité et leur ou la couronne ducale pleine! impa- taille, gagner perdre que on leur si la les états deCourlande m'ont maisvain- tience; promet depuis longtemps ; décernée; du Corneille!.. Oh! oui, de avec toi le duché Psyché grand depuis queur, je jure partager que longtemps. depuis les premiers jours où je vis tu m'aides à conquérir, de tedonner le nom que Maurice. On ne voulait remonter tu m'aides à immortaliser! pas l'ouvrage. C'est trop vieux, disait-on. mais,moi,j'y tenais., ADRIENNE. j'avais une idée. Maurice ne m'a pas encore Ta femme! moi! dit: Je vous aime! ni moi non plus. je n'ose MAURICE. pas.. et il y a là certains vers que je serais si heu- reine cœur et de commander Toi! par le digne reuse de lui adresser, à lui, devant tout le monde mon à tous! Qui a grandi intelligence? toi. Qui a sans que personne s'en doute. épuré mes sentiments? toi. Qui a soufflédans MAURICE. des dont tu mon sein le génie grands hommes, es Monamie, ma bien-aimée, reviens à toi. l'interprète Putoi! toujours toi !.. Mais,ô ciel! tu ADRIENNE. pâlis! Tais-toidonc. il faut que j'entre en scène. ADRIENNE. Oh! quelle nombreuse, quelle brillante assemblée! Ne crains rien. tant de bonheur succédant à tant de désespoiraura épuisé mes forces. * Maurice,Adrienne. 44 ADRIENNE LECOUVREUR,

Commetous ces regards tournés vers moi suivent (Poursuivant Maurice, qui recule d'effroi.) chacun de mes mouvements!.. Ils sont bons, de Valui jurer la foi quetu m'avaisjurée, m'aimer ainsi. Ah! il est dans sa loge.,, c'est Lesdieux,lesjustes dieux. n'auront pas oublié lui. il me sourit. (Murmurant entre ses lèvres.) Quelesmêmessermentsavecmoi t'ont lié. Bonjour, Maurice. A toi, Psyché, voici ta ré- Porte. porteauxautels. uncœurquim'abandonne.. plique. Va, cours,maiscrainsencor. (Poussant un cri et reconnaissant Maurice.) Ah! Ne les détournezpas ces yeux qui medéchirent, Maurice!.. (Elle se jette dans ses bras.) Ces yeuxtendres,cesyeuxperçants,maisamoureux; MAURICE. Quisemblentpartager le troublequ'ilsm'inspirent. MonDieu. venez à mon aide!.. et de se- Hélas! ils sont pas plus dangereux, cours!. pas un ami. (ApercevantMichonnet.) Plusje meplaisà m'attachersur eux! Ah! je me trompais!.. en voici un ! Par quelordredu ciel, queje ne puis comprendre, Vousdis-je plusque je ne dois? Moi,de quilapudeurdevraitdu moinsattendre Quel'amour m'expliquâtle troubleoùje vousvois; SCENE V. Vous ainsi soupirez,Seigneur, queje soupire; MAURICE,ADRIENNE,MICHONNET. Vossens, commeles miens,paraissentinterdits. entrant vivement. C'est à moide m'entaire, à vousde mele dire, MICHONNET, Et cependantc'est moiqui vousle dis! Ce qu'on m'a dit est-il vrai ? Adrienne en dan- ger! MAURICE,lui prenant la main. MAURICE. Adrienne se meurt! Adrienne! Adrienne! elle ne mevoit plus. MICHONNET,approchant le fauteuil de droite, ne m'entend plus. MonDieu, l'effroime glace. qu'il place au milieu du théâtre, et sur lequel que faire?.. (Il agile la sonnette qui est sur la Maurice Adrienne à moitié la de dépose évanouie.) table; paraît femme chambre.) Votre mal- Non. non. elle encore!.. tout tresse est en courez!.. des secours!. respire espoir danger. n'est pas perdu. Moi,je ne la quitte (La de chambre plus. femme MAURICE,s'approchant de l'autre cdtédu canapé. sort.) Ma présence et mes soins lui rendront peut- Elle ouvre les yeux! être le calme. (Prenant la main d'Adrienne.) ADRIENNE. de Écoute-moi, grâce! Ah! quelles souffrances!.. Qui donc est près ADRIENNE,avec égarement. de moiP.. (Avecjoie.) Maurice! (Se retournant Regarde. regarde donc!.. Qui entre dans sa et voyant Michonnet.) Et vous aussi!.. dès que s'assied Je loge? qui près de lui?.. la reconnais, je souffrais, vous deviez être là. Ce n'est plus cache son quoiqu'elle visage! c'est elle!.. il lui ma tête, c'est ma poitrine, qui est brûlante. j'ai parle! (Avecdésespoir.) Maurice!., il ne me re- là comme un brasier. comme un feu dévorant Maurice!.. garde plus!.. qui me consume. MAURICE. MICHONNET,s'adressant à Maurice. Il est de toi. près Mais tout me prouve. ne voyez-vous pas sans ADRIENNE, l'écouter. comme moi les traces du poison. d'un poison Ah! voilà leurs yeux qui se rencontrent, leurs actif et terrible. mains qui se pressent! voilà qu'elle lui dit : Res- MAURICE. tez!.. Et moi, il m'oublie! il me repousse. il ne Quoi!.. tu pourrais soupçonner. voit pas que je me meurs! MICHONNET,avec fureur. MAURICE. Je soupçonne tout le monde. et cette rivale. Adrienne!.. par pitié! cette grande dame!.. ADRIENNE,avec fureur. MAURICE,poussant un cri d'effroi. De la pitié ! Tais-toi!.. tais-toi!.. MAURICE. ADRIENNE. Ah! le mal redouble. Vous m'aimez Mavoix n'a-t-elle donc plus de pouvoir sur ton qui tant, cœur? sauvez-moi, secourez-moi. Je ne veux pas mou- ADRIENNE. rir!. Tantôt j'eusse imploré la mort comme un maisà Que me voulez-vous? bienfait. j'étais si malheureuse. présent MAURICE. je ne veux pas mourir. Il m'aime!.. il m'a nom- tu m'écoutesun seul instant! tu me mée sa femme! Que que MICHONNET,étonné. regardes, moi. Maurice! Sa femme! ADRIENNE,le regardant avecégarement. ADRIENNE. Maurice!.. non. il est près d'elle. il m'ou- Mon Dieu! exaucez-moi!., mon Dieu! laissez- blie!.. Va-t-en! va-t-en! moi vivre. quelques jours encore. quelques ACTE V, SCÈNE V. 45 jours près de lui. Je suis si jeune, et la vie s'ou- plus de vos ardentes émotions!.. Et vous, longues vrait pour moi si bette! études d'un art que j'aimais tant, rien ne restera MAURICE. de vous après moi. (Avecdouleur.) Rienne nous survit à nous autres. rien le souvenir. Ah! c'est affreux! que (Aceux qui l'entourent.) Le vôtre, n'est-ce pas? ADRIENNE. Adieu, Maurice. adieu, mes deux amisl. La vie!. la vie!. Vains efforts!. vaine MICHONNET,avec et tombant à ses pieds. prière!. mesjours sont comptés!. je sens les désespoir forces et l'existence qui m'échappent!.. (A Mau- Morte. morte!. rice.) Ne me quitte pas. bientôt mes yeux ne te verront plus. bientôt ma main ne pourra plus MAURICE. presser la tienne!.. 0 noble et généreuse nUe! si jamais MAURICE. quelque gloire s'attache à mesjours, c'est à toi que j'en Adrienne!.. Adrienne!.. ferai hommage, et toujours unis, même après la ADRIENNE. mort, le nom de Maurice de Saxe ne se séparera 0 triomphes du théâtre! mon Rimais de celui d'Adrienne ! cœur^tiC^altra .•

FIN.

LAGNY.- IMPRIMERIEDEGlROITXETVlALAT.

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LesdeuxAnes. 50ConstantlaGirouette. 4"EnCarnaYItI. 50. OscarXXVIII. 60 Foliquet,coiffeuriîe Dames.5oL'AmourdanstouslesQuar- BaletBastringue. 50UneChaineAnglaise.. 60 L'Anneaud'Argent. 40 60UnBouillond'onzeheures. 40UnPetit3elaMobile. 60 ftacettecoaireoupoint. 50Madametiers. Bugolin. 50CourdeBiberack. 50Hisoirederire. So Don 40 60D'Aranda. 60LesÏOsousdePé,inettO- Pasqnale. ausi- PetitPoucet. 60 Le dela Paroine. 50So MademoiselleDéjazet Camoëns. Partie à trois. Serpent 60 EscadronVolant, 5°Une- Femmequisejettepar- 5 AçénorleDangereux. Touboulicle Grnel. 4°Le4ansquenet. So la fenêtre. 60L'Avenirdansle Passé. 50 Hermance. 60 Avocatpédicure. SoRogerBontemps. 50 LesCanuts. 5oAgnèsUne Bernau.Voix. |° 68TroisPaysan.. 5oL'EtédelaSaint-Martin. 50 EntreCielel Terre. 4°AmoursdeM.Denis. ChasseanxJobards. 50Jeannela Folle. » » Lu Fille de Figaro. fio Porths. So™MademoiselleGrabutot. 5oLessuitesd'unFeud'Artifice50 Métieret Quenouille. 50(,aPêcheauxBeaux-Pères.60Pèred'occasion. 500 Amitiéln. ou les trois AngéliqueetMédor. 5o Croquignole. So 60 Loïsa. 60LeRévolteTrois:6medesMarmolMet*..Mart. So4°HenrietteetChariot. 50LaEpoques.c'estleVol. 60 Jocrisseenfamille. 4°Un Souper. 50LechevalierdeSaint-Remy.60LaPropriétéPouleauxOEnfsd'Or. 60 L'autrePartduDiable. 50L'HommepremieretlaMode. 60MalheureuxcommeunNègre.5oElevésensemble. 50 LaChasseauxBellesFilles.'6o UneConfidence. 60UnVœudejeunesFilles. 5oL'HôtelleriedeGenève. 60 LaSalled Aimes. 40LeMénétrier. Secourscontrel'Iueendie. 50AbaslaFamilleoulesBan- - UneFemmecompromise.- 60L'Almanacbdés25,000adres- Chapeaugris. 50 Patineau. 50 ses. 60SansDot. SoDaniel.quets. I * MadameRoland. 60UneHistoiredeVeleurs. 50 LaSyrèneduLuxembourg.50 L'EsclaveauCamoënj. 60LesMorsontdesoreilles. 60 SommeSanguin. SoContrebandiersJacques duouJura.les LesRéparations. 50L'EnseignementMutuel. 60LaFilleobéissante. 50Leage deNannette. 50 Mariageclu GamindeParis. SeLaCharbonnière. 60O'néa. SoTitineà la Cour. 5o VeilledmMariage, 40LeCodedesFemmes. 50LaCroiséedeBerthe. 50LebarondeGastel-Sarrazin.So Paris bloqué. 60OmdemandedesProfesseurs.50LaFilleuleàNicot. 5oMadameMarneffW. 60 UnMénageParisien. 1 »LePotanxRoses. 50LesCharpentiers. 50UnGendreaux So LaBenbeunière.- SeLaGrandeet les Petites Mademoiselle'Faribole. 5oMadameveuveLarifla.JBpinards. So Adrien. - 50 Bourses. 50UnCheveuBlond. 5oLaReined'Yvetot. 50 Pierrelemillionnaire. 60L'EnfantdelaMaison. 5oLaRecberchedel'Inconnu. 60LesManchettesd'unVilain. 60 GarloetCarlin. 60Hiched'Amour. 60LesImpressionsdeménage. LeDue,auxMauviettes. So LeMoyenlepinsair. SoLaComtessedeMoranges. 60L'Himmeaux160millions. 60LesFillesduDocteur. 60, LePapillonJauneetBien. 5o L'Amazone. SoPierrotPosthume. 50UnTurcprisdansuneporte.50 PolkaenProvince. 50LaGloireet le Ppt-mi-Fem.5 La Déesse. 60 LesGrenouilles. 50 UneSéparation. 40LesPommesdeterremalades.60UneExistencedécolorée. So LeroiBagobert. 60LeMarchanddeMarrons. 60EUe. oùla Mort! 50CequimanqueauxGrisettes.So FrèreGalfatre. 60VUce vientd'paraître.jSoDidierl'honnêtehomme. 60LesViveursdelaMaison-d'Or.60 Nicais^àParis. 40La qui 60L'Enfantdequelqu'un. 60UnTroupierdanslesConfi- LeTroubadour-Omnibus.50Nuage Ciel.ine SoLesChroniquesbretonnes. 50 tures. 60 UnMystère. 60L'EauetleFeu. SoHaydéeouleSecret. 1 »MaTabatière,oucoimhenton Le Billetdefaire-part. 60 50L'Artad ne pasdonner arrive.. 50 Tulcinella. Beaugaillard.Mardigras. 4° d'Etrennes. SoGraciOso,ou laPèreembar- Fiorina. LeRetourduConscrit. 4°LePuff. rassant. 60 La Sainte-Cécile. 6o LeMariperdu. 68LaTireusedeC*rtM. 1&)» E, H. 50 Follette. 5o60 LaNuitdeNoël. 1 » Trompe-la-Balle. 50 DeuxFillesk marier. LeDieuxGariHomde1l'Olympe.Stmt-MMttK.605oChristopheleGordier. So Vendredi. 50 Enseigeneur. 60 Geneviève. 60 LaRosedeProvins. SoUnLeGibierduRoi. 50 Ala BelleEtoile 40MademoisellemaFemme. 50LesBarricadesde Breda-Street,ou unAnge VuAngetutélaire. 50Maldupays. 5034Francs! 1848. Aodécbn. 50 Un deHhe*të. 60Mortcivilement.. 50LaFilleduMatelot. 60ÀdrienneLeceuvreur. 1 » Wallace. So6oVeuvedequinzeans. SoLésdeuxPommades.on -in 'm L'ÉcolierJour dOxford. Garde-Malade- 5oLaFemmeblasée. 5004o 4oFruitdéfendu. 4°LesFilleàdelaLiberé. 50 L'OiseauParisà tousduBoc*:e.lesDiables. 4°6. UnCœurdeGrand'Mère. SojHerculeBelhcmme. 60 UneAverse. SoNouvelleClarisse. 60DonQuichptte. 5o Madamede Gérigny. 60PlaceVentadour. 60L'académiciendePontoise. So LeFiacreetleParapluie. SoNicolasPoulet. SoAh! Enfin! So Moraleenaction* 50RochetLur. 50LaMarquised'Aubray. 60 LibertéLibertas. SoLaProtégée,Ln,le savoir. 60LeGentilhommecampagnard.So L'Ile duPrineaToutou. UneFilleTerrible. 50LesPeureux. 40 MimiPinson. 5oLaPlanèteà Paris. 50LeChevalierdeBeauvcisin. L'Article170. 50L'Hommeqnisecbercbe. 50LeGentUtommede1847 60 LesdeuxViveurs. 60MaîtreJean,oulaComédieà LaRueQuincampoix. 60 LesdeuxPierrots. So la Cour. 6GIL'AngedemaTante. 5o50, SeigneurBasBroussailles. 50 Reine. 1 Platon. Sn UnPoissend'Avxil, 501UneNetouchezannéepas.àà Paris.la » LeClub So DeuxTambouri. Amouret Biberon. seLeLaClubRépubliquedeschazeegie.Suris.de 50

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