La diligence de Sospel. PREFACE

En préfaçant ce livre où SOSPEL est à l'honneur, je ne puis m'empêcher de songer à tout ce passé où tant d'hommes et de femmes attachés à cette terre ont su non seulement préserver un riche patrimoine, mais également apporter par leur labeur et leur courage une note supplémen- taire, donnant ainsi à notre cité un style original.

Fidèle à sa vocation, l'association marcophile et cartophile rend ici témoignage des étapes fran- chies au fil des ans par différentes générations, permettant ainsi de rendre hommage à toutes cel- les et à tous ceux qui, dans cette ville, nous ont précédé, nous léguant tout un passé dont nous pouvons aujourd'hui encore être très fiers.

Puisse cet ouvrage obtenir le succès qu'il est en droit d'attendre, et que l'association, par ce biais, reçoive la consécration qu'elle mérite.

Hommage donc à vous pour cette réalisation réussie et acceptez de la population sospelloise que je représente, avec ses remerciements, ses très amicales et sincères félicitations.

Pierre GIANOTTI Conseiller Régional Provence Alpes Côte d'Azur Conseiller Général des Alpes-Maritimes Maire de Sospel

PRESENTATION

Grande est ma satisfaction et multiples sont mes contentements d'avoir a parrainer ce livre documentaire et historique sur Sospel et la Bévéra au début du siècle, à travers les cartes postales anciennes. Tout d'abord, parce que ayant été moi-même un précurseur de la cartophilie dans notre région, je n'ai jamais cessé de militer durant toutes ces années pour faire reconnaître l'intérêt iconographique et historique de ces cartes postales, notamment pour notre patrimoine régional et notre mémoire collective.

Je constate aujourd'hui que non seulement cet intérêt est reconnu par toutes les personnes concernées par l'histoire, mais plus encore que nos chères cartes postales ont fait naître des vocations de chercheurs et d'historiens et suscitent en conséquence des recherches et des publications: ainsi après des études générales sur la région entière, toutes les villes et même les villages de notre beau pays, font l'objet de parution à caractère historique avec un support documentaire cartophile. Ce travail important et minutieux est d'un intérêt majeur pour la connaissance de notre histoire locale et de nos racines. Le présent ouvrage est un exemple patent et très significatif de ce que je viens d'énoncer.

Ensuite, parce que ce livre a été réalisé collectivement par des personnes que je côtoîe depuis un certain nombre d'années et qui me sont donc familiers: les auteurs en premier lieu qui sont aussi des collectionneurs acharnés et qui par passion cartophile et amour de la région se sont transformés en chercheurs émérites et enquéteurs passionnés. Aussi, la concurrence ne résultant en réalité que d'une saine émulation s'efface devant ce type de démarche qui demande bien au contraire dans l'intérêt général la collaboration de tous. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas hésité un seul instant à leur ouvrir ma collection et à leur communiquer les magnifiques documents photographiques cartophiles réalisés par le Marquis de Monléon lui-même sur sa propriété de la Commenda et ses occupants.

L'Editeur ensuite, que je connais bien pour avoir déjà travaillé avec lui, fait partie de ces professionnels courageux et attachés à notre terroir, qui n'hésitent pas à investir et produire des livres essentiellement régionaux mais qui in fine présentent une valeur histoire générale. Enfin, parce que j'ai moi-même appris beaucoup de chose dans la lecture de ce livre et que par là même, j'ai pu reconstituer encore plus profondémment la vie de nos ancêtres paysans, agriculteurs, artisans ou commerçants et les coutumes de cette région de la Bévéra qui m'est si chère.

Je les félicite donc tous pour le travail accompli et l'oeuvre réalisée, majeure pour la connaissance historique de Sospel et de sa région. Je ne doute pas un seul instant qu'elle connaitra un grand succès, non seulement auprès de la population locale, mais encore auprès de tous les amoureux de «notre pays». Charles MARTINI - DE - CHATEAUNEUF

La diligence -Sospel du transporteur Aquarone marque un arrêt au café-restaurant du col de Castillon. LA LIGNE DE TRAMWAYS MENTON -SOSPEL :

Il semble que l'idée d'une liaison, par le rail, entre le littoral mentonnais et la cuvette où se blottit la ville de Sospel, soit tout juste centenaire. En effet, si l'on étudie tous les projets de chemin de fer devant relier le Comté de au Piémont dans la deuxième moitié du XIXème siècle, l'axe Menton -Sospel n'apparaît nullement. A celà plusieurs raisons : d'abord Menton se dotait tout juste d'un port de commerce, ensuite cette cité était fraîchement issue de la Principauté de Monaco; mais surtout, le manque de place pour l'établisse- ment d'une gare à grand trafic était évident.

Plusieurs fois après 1880, cette hypothèse peut avoir été envisagée; notamment après la parution de la 3ème loi française concernant les chemins de fer d'intérêt local (11 Juin 1880). Cependant, aucun écrit ne vient confirmer cette hypothèse. Au contraire, le Conseil Municipal de Menton s'associe pleinement (29 Juin 1883) aux thèses du Syndicat des Chemins de fer des Alpes-Maritimes qui vient de se créer sous l'impulsion des notables niçois, ceci afin de protester contre le manque d'intérêt que porte la société P.L.M. aux trois lignes ferroviaires : de Nice à la frontière d'Italie par Sospel, de Nice à Puget-Théniers et de Draguignan à Cagnes par . D'autant qu'une fortune vient d'être investie pour transformer le chemin muletier du Col de Castillon en route carrossable et qu'en ces années 1880, elle vient juste d'être terminée.

Cependant, en cette fin du XIXème siècle, le tramway fait son chemin sur le littoral et tous ces projets (électriques ou à vapeur) donnent de l'espoir à tous les gros bourgs qui en sont éloignés. Finalement s'élabore dans les Alpes-Maritimes l'idée d'un réseau départe- mental de tramways, d'une longueur de 243 km à construire, qui relierait le bord de mer à l'intérieur du département tout en mettant en liaison directe les villes esseulées du haut-pays avec le chemin de fer P.L.M. ou, plus simplement, avec les grandes métropoles de la côte.

C'est ainsi que la Société des Tramways de Nice et du Littoral (T.N.L.) se voit chargée de tisser un réseau de tramways, prévu à son cahier des charges annexé au décret de concession de 1889, qui prévoit un délai de cinq ans pour effectuer tous les travaux d'éta- blissement nécessaires, ce délai devant expirer au 30 Septembre 1904.

Décret ministériel d'utilité publique : 10 Février 1906 Début des travaux : 2ème semestre 1908 Inauguration : 30 Mars 1912 Cessation d'activité : 20 Juin 1933

Sur le viaduc du Caramel, le tracteur électrique no. 13 des TNL, conduit une petite locomotive à vapeur de type 030T destinée à un chantier de la ligne de chemin de fer PLM Nice-sospel-Breil-Coni. LIGNE MENTON -SOSPEL :

Longueur 17 km 274 —Durée du trajet lh30

«Les touristes, qui sont venus sur le littoral avec l'intention d'en visiter toutes les curiosités, sont vraiment privilégiés si on les compare à leurs prédécesseurs qui, il n'y a pas encore beaucoup d'années, étaient dans l'impossibilité absolue de réaliser ce programme, par suite de l'insuffisance ou de la cherté des moyens de locomotion»... Ainsi s'exprimait le journaliste Ernest Mousset dans le préambule d'un article intitulé «La Riviera, paradis des touristes», paru dans le nl02 (23 Mars 1914) de la revue «Riviéra Illustrée». Et, sans con- teste, la plus curieuse promenade de la Côte d'Azur se trouvait être celle offerte par le tramway Menton -Sospel, admirable non seule- ment par ses sites, mais aussi par les difficultés d'un terrain montagneux vaincu par la hardiesse des hommes...

Chronique d'un voyage par le tramway, Novembre 1913.

Après le départ de la place Saint-Roch, le tram- way emprunte la rue Partouneaux et observe deux arrêts : celui de la poste (actuelle Caisse d'Epargne) et celui de l'hôtel Leubner (actuelle Résidence du Majestic). Il traverse ensuite les jardins Biovès ins- tallés sur la voûte qui recouvre le lit du Careï, et passe devant le monument du rattachement de Menton à la . Le tramway emprunte alors la rive droite du Careï, qu'il va suivre durant deux kilo- mètres; au préalable, il a laissé sur sa droite (après l'arrêt du Café des Voyageurs) l'embranchement qui mène à la gare P.L.M. et s'est glissé sous le pont du chemin de fer. Quelques trois cents mètres plus loin, après avoir dépassé la gare provisoire des tram- ways (toujours en effervescence), il s'engage réso- lument dans l'étroite vallée du Careï.

Le rail suit alors le bas de la colline de l'Annon- LA COTE D'AZUR 34. bis MENTON - Place Saint-Roch ciade, au sommet de laquelle est situé le couvent du même nom, ainsi qu'un hôtel (altitude 200 mètres) auquel les clients peuvent accéder, depuis la vallée, grâce à un funiculaire. Il longe toujours le Careï sous une allée de platanes, laissant au pas- La Côte d'Azur artistique sage une vieille construction à trois étages, qui appartenait au Prince Honoré V de Monaco et qui joua, bien malgré elle, un rôle dans l'histoire de la Principauté de Monaco au début du XIXème siècle. Ce tracteur no. 13 des TNL, lourdement char- gé de sacs de ciment, monte aussi des wagons de rails pour les entrepreneurs de Sospel qui construisent la ligne PL M de Nice à Coni.

Quittant la route de Sospel, le tramway s'élève alors en site propre sur une rampe de 450m au déni- velé de 6,5%, progressant au milieu d'une verdure que rehaussent les coloris de genêts et de valéria- nes sauvages. Légèrement au nord-est se détache le village de Castellar qui couronne une colline où s'épanouit l'olivier. Le tramway retrouve alors le che- min de grande communication n22 pour emprun- ter avec lui les premières courbes de 25 à 30 m de rayon. Le prochain arrêt se situe au hameau de Monti (altitude 186 mètres), où sont implantées une voie de croisement et une de garage. Le village ainsi nommé et son église se dissimulent sous les bran- chages des citronniers et des oliviers. Seule la flè- che de l'église pointe vers le ciel.

C'est à partir de Monti que la ligne amorce une ascension avec 380 m de dénivelé sur un parcours de 6km500. A la sortie du hameau, le tramway emprunte un viaduc en béton armé de 75 m de lon- gueur et 24 m de hauteur. L'arche centrale, d'une ouverture de 36 m prise entre deux travées porteu- ses, est tout à fait remarquable. La voie progresse alors de nouveau en site propre dans une série de lacets appelés «lacets de Monti», sur une distance de 2km300 à travers des champs étagés, pris par l'homme sur la garrigue sauvage. La déclivité est importante puisqu'elle atteint 6,8 %, pratiquement sans interruption.

Le paysage nous apporte ici ses premiers émer- veillements. Dans le tramway, les habitués du par- cours sourient à la vue des belles dames en toilettes qui collent leurs visages poudrés aux vitres du véhi- cule afin de tout voir à l'extérieur. Rien ne leur échappe des sites environnant la voie. Les messieurs sont plus discrets. Il est vrai qu'il ne leur reste que le haut des fenêtres d'où ils peuvent entrevoir les hauts pics du Berceau et du Grammondo avec, en premier plan, la montagne de la Pena (981 m), sur- nommée le «petit Cervin» en raison de sa vague res- semblance avec le pic de Zermatt. L'arrière du tram- way laisse un horizon bordé par l'infini de la mer où' semble prendre naissance la vallée. Le tracé s'approche alors des bases de la pointe de la Siri- cocca (1065 m) et du pic de Garruche (1038 m), 3 -142. Ligne du Tram de Menton à Sospel (A.-m ) / / Les Mont! TRADITION RELIGIEUSE A MOULINET :

C'est vers l'an 1500 que les habitants de Moulinet commencèrent à édi- fier une église visant à les sécuriser, tant sur le plan corporel que spirituel. Un décret du duc Charles de Savoie en date du 25 Octobre 1538, relatif à la séparation de Sospel et de Moulinet, les autorisa à en achever la cons- truction. Le saint titulaire de cette chapelle était Saint Bernard de Menthon, archidiacre d'Aoste, qui triompha du Démon sur le mont Jove.

Jusqu'en 1702, date à laquelle l'église de Moulinet fut élevée au rang paroissial, la vie religieuse était assurée par les prêtres sospellois de Saint- Rulf. Ensuite, un prêtre permanent fut désigné par l'évêque de Vintimille pour prendre en charge le millier d'âmes (sans compter les enfants) qui for- maient la population active du bourg. Dans son étude de la vie religieuse (1837), le chanoine Etienne Galléan cite pour la paroisse de Moulinet le curé Antoine Ceughéli, nommé à la fin de l'année 1816, soit deux ans après la restauration sarde; ce dernier était secondé par un enfant du pays, Louis Moschetti, qui sera ordonné prêtre en 1835. Toujours au XIXème siècle, deux autres prêtres vivaient à Moulinet : Marc Raibaut et Ignace Moschetti; il semble qu'ils s'occupaient plus particulièrement du sanctuaire de la Menour.

Une parenthèse pour signaler une petite chapelle rurale dédiée à Saint- Roch (qui protégeait de la peste), qui fut détruite en 1944 lors des bombar- dements. La statue elle-même put être récupérée, et trouva place dans Pégase paroissiale. Après de longues années, cette statue vient d'être ins- tallée dans un petit oratoire élevé à l'emplacement de l'ancienne chapelle.

- MOULINET (Aîl. àbo m.). La Fête de la Saint-Bernard. \\ ^iMQULINET (Alpes-Maritimes) — Retour du Pèlerinage de N.-D. de la Meno 1 -

Quelle origine pour le nom de la Menour ? L'on trouve «Castrum amenonis» dans l'acte de reconnaissance du 8 juin 1448, «Castro de Amello- ne» dans le texte d'une transaction intervenue entre Sospel et Moulinet le 29 janvier 1548 ou bien encore «Puetum de l'Amenone» ou «Piech de l'Amenour». Certains pensent que «la Menour» viendrait du bas latin «Minora» pour cette chapelle mineure par rapport aux cinq églises majeures existant au Moyen -Age à Sospel et une à Moulinet.

NOTRE DAME DE LA MENOUR :

Lieu de pélerinage autrefois très fréquenté, Notre-Dame de la Menour avait une réputation religieuse dépassant largement le cadre local. Sa fête principale est le 8 Septembre.

D'après la légende, la peuplade des Viberis, qui occupait toute la vallée de la Bévéra, avait installé un campement sur des pâturages remarquables, qui allaient donner naissance à un hameau édifié près d'un moulin à eau (en latin molinium, puis en italien molinetto : Moulinet). Afin de se prémunir contre toute incursion guerrière, les Viberis auraient fortifié un éperon rocheux, en surplomb des gorges de la Bévéra; ce castrum aurait été ensuite remplacé par un temple romain. Mais ceci n'est qu'une hypothèse. Ce qui est sûr en revan- che, c'est qu'après la période romaine, la population a construit un oratoire en souvenir de la résistance de leurs ancêtres devant les envahisseurs; puis une «capella», précédée depuis Moulinet par quinze petits oratoires, y fut édifiée et placée sous la protection de la Vierge Miséricorde.

Ce sont les chanoines de l'Ordre de Saint-Rulf, présents à Sospel et à Moulinet, qui officièrent à la Menour jusque vers 1700.