Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 4, 2006 – Société Botanique de Franche-Comté

Répartition, état de conservation et écologie de la Linaigrette grêle ( gracile Holub.) dans les tourbières de la chaîne du Jura français

par Julien Guyonneau

J. Guyonneau, Conservatoire Botanique de Franche-Comté, Porte Rivotte, F-25000 Besançon

Résumé – Cet article fait le point sur la présence, en Franche-Comté, de la Linaigrette grêle, espèce embléma- tique des tourbières et menacée en France. Un bilan détaillé, comprenant une analyse des résultats des visites de terrain et des recherches bibliographiques, est présenté pour chaque population. L’autécologie et la socio- logie de l’espèce en Franche-Comté sont également abordées à l’aide de relevés phytosociologiques commen- tés. Enfin, des conclusions sont tirées concernant l’état de conservation des populations et les menaces qu’elles subissent. Des mesures de gestion conservatoires sont proposées.

Mot-clés : Eriophorum gracile, tourbière, autécologie, phytosociologie, conservation, Franche-Comté, Jura, Doubs.

a connaissance de la flore est tats des investigations réalisées en l’une des missions fondamentales 2005 sont présentés dans les lignes Ldes Conservatoires Botaniques suivantes. Nationaux, fixées par l’article 1 du décret n° 2004-696 du 8 juillet 2004 1– Données générales modifiant le code de l’environne- sur l’espèce ment. Le Conservatoire Botanique de Franche-Comté (C.B.F.C.), postulant 1.1– Nomenclature à cet agrément ministériel, doit donc remplir cette mission, notamment par – Systématique (classification la mise en œuvre d’inventaires flo- d’après l’Angiosperms Phylogeny ristiques et l’élaboration d’outils per- Group – APG II) : mettant de les exploiter (base de don- - Embranchement : Spermatophyta nées, systèmes d’information géo- - Classe : monocolpées graphique). Ces inventaires doivent - Ordre : Julien Guyonneau être réalisés de façon à remplir deux - Famille : longueur. À l’état végétatif, il se autres missions fondamentales des - Genre : Eriophorum confond avec le reste de la végéta- C.B.N. : la conservation des espèces – Synonymes nomenclaturaux : tion et ne se remarque que très dif- menacées et la diffusion de l’informa- Eriophorum polystachion subsp. ficilement. Il se distingue par une tion. Depuis peu, il est demandé d’y gracile (Koch ex Roth) Bonnier & inflorescence composée de trois à six ajouter la connaissance des habitats Layens 1894. épis développant des houppes coton- naturels et semi-naturels. – Synonymes taxinomiques : neuses assez courtes, dressées ou à Eriophorum coreanum Palla 1909, peine penchées (cf. cliché 1 H.T.). Afin de répondre à ces objectifs, le Eriophorum pallidum Nees 1834, Elles sont portées par des pédicel- C.B.F.C., soutenu financièrement par Eriophorum triquetrum Hoppe les trigones scabres et tomenteux. la Direction Régionale de l’Environ- 1800, Scirpus ardea T. Koyama Ces deux critères permettent de le nement et le Conseil Régional de 1958. différencier d’Eriophorum polysta- Franche-Comté, a engagé en 2004 – Nom vulgaire : Linaigrette grêle. chion, qui présente des pédicelles des travaux d’inventaires et d’éva- lisses, et d’Eriophorum latifolium, luation des stations d’une vingtaine 1.2– Traits distinctifs qui possède des épis scabres mais d’espèces considérées comme très glabres. Ces deux espèces se dis- menacées en France. Parmi celles- Eriophorum gracile produit des tinguent également pendant l’an- ci, figure une linaigrette embléma- souterrains allongés et des thèse par des écailles différentes (cf. tique des tourbières jurassiennes : feuilles étroites (un à quatre millimè- cliché 2 H.T.). Elles sont uninervées Eriophorum gracile Holub. Les résul- tres) et trigones sur leur plus grande chez Eriophorum latifolium, ce qui

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leur donne une couleur brune homo- l’Italie, la Pologne, la Hongrie, la en montagne. MichaLet M.-E. (1864) gène et un aspect membraneux. Chez Roumanie, l’ex-Tchécoslovaquie, la est plus précis. Il cite les commu- la Linaigrette grêle, les écailles sont Lituanie, l’Estonie, la Bulgarie et l’ex- nes de Pleure, des Deux-Fays, de multinervées, ce qui leur confère Yougoslavie. Sellières et de Champvans près de une couleur plus ou moins verte et Dole. L’unique mention haut-saô- une apparence striée. Elles sont peu L’espèce est inscrite sur la liste rouge noise est le fait de R. Maire (1896), scarieuses. de Lituanie dans la catégorie vulné- à Corbenay, dans la zone sous-vos- rable (Lithuanian NRC, 2000) et dans gienne, d’après l’indication du bota- 1.3– Biologie et celle de Tchéquie dans la catégorie des niste Bertrand. Dans le Territoire de particularités du taxon espèces en danger critique d’extinc- Belfort, elle est donnée disséminée tion (hoLub J. et ProcházKa F., 2000). et présente dans les communes de – Nombre de chromosomes : 2n = 76 Delle et de Faverois à l’Étang Fourchu – Pollinisation : anémogame En France, il s’agit d’une espèce par HerbeLin L. (1927). – Type biologique : géophyte rhizo- également disséminée sur quatorze mateux départements. Dans le Jura suisse, 2.2– Données anciennes – Dissémination : anémochore la Linaigrette grêle est présente à (antérieures à 1984) la Combe des Amburnex et à la Le développement par Vraconne (Prost J.-F., 2000). D’après Les citations anciennes ne mention- permet à cette espèce de s’ancrer Danton Ph. et Baffray M. (1995), nent la Linaigrette grêle qu’en mon- dans des dépressions aquatiques qui cette espèce a fortement régressé en tagne, et particulièrement dans le peuvent, suivant le régime hydrauli- France, en particulier à basse alti- Bassin du Drugeon. Ainsi, J.-F. Prost que, être parcourues par un courant tude, du fait des atteintes portées l’a observée à Chaffois (25) à la superficiel plus ou moins vigoureux. aux zones humides. tourbière de la Censure en 1976, Les populations forment des agré- à Etival (39) au lac de la Fauge en gats plus ou moins denses dans les 1.5– Statut de protection 1974 et à Viry (39) à la tourbière dépressions favorables, où l’individu et de menace au sud du Rosay en 1978 (in taxa© ne peut pas être distingué des autres SBFC / CBFC). Eriophorum gracile espèces de cypéracées. L’espèce figure sur la liste des espè- est connu de J.-M. Royer dans les ces végétales protégées sur l’ensem- tourbières de la queue de l’étang Il est important de noter qu’il s’agit ble du territoire national (arrêté du de Frasne sur la commune de d’une espèce dite « à éclipses » capa- 20 janvier 1982, modifié par arrêté Bonnevaux (25), ainsi que dans la ble de ne pas fleurir certaines années. du 31 août 1995). tourbière du Grand Marais à Frasne, Elle devient alors totalement invisi- De plus, elle est inscrite sur la liste qui correspondrait plutôt au marais ble et indétectable dans la végétation provisoire des espèces à surveiller du des Levresses (courrier d’information graminoïde. Cela a été le cas en 2004 livre rouge de la flore menacée de de J.-M. Royer adressé à J.-F. Prost dans le Bassin du Drugeon. France (Roux J.-P. et al., 1995). en 1980 et giLLet f. et al, 1980). Elle est citée à Bulle (25) par giLLet f. et 1.4– Répartition générale 2– Statut du taxon et al (1980) et Prost J.-F. (1983), à la et menaces situation actuelle en tourbière des Quartiers. Dans une Franche-Comté ancienne fosse d’exploitation, la sta- La Linaigrette grêle possède une tion semble en grande partie détruite répartition circumboréale : Amérique 2.1– Données historiques en 1978 par la création d’un étang du Nord, Europe et Asie (Russie, (antérieures à 1964) (giLLet f. et al, 1980). Japon). Cependant, cette dernière ne s’étend pas au nord du cercle Les mentions anciennes concer- 2.3– Données récentes arctique. En Europe, la distribution nant ce taxon sont assez imprécises (postérieures à 1985) d’Eriophorum gracile est disper- et situées pour la plupart dans la sée entre la Fenno-Scandinavie, les plaine bressane. La plus ancienne Dans le département du Jura, pays baltes, l’Europe de l’Est et jus- est donnée dans le catalogue de Eriophorum gracile a été découvert qu’aux massifs des Pyrénées, des S. Guyetant datant de 1808. L’herbier à la tourbière du Châtelet à Fort-du- Alpes et des Apennins. Elle fréquente, de G. Rouy contient une planche de Plasne en 2003 par Ferrez Y. (2004). d’après EUNIS (2005), Käsermann Ch. Linaigrette grêle. Elle a été récol- Lors de la révision de l’inventaire (1999) et Danton Ph. et Baffray M. tée dans un pré tourbeux en Bresse ZNIEFF de 2000 par S. Delonglée, (1995), la Suède, la Finlande, la jurassienne, entre Sergenon et le Bois le taxon a été revu à Viry sur le site Norvège, le Danemark, les Pays- de Rye en 1854. Cette espèce est « Pelouse et tourbière du Rosay » Bas, le Luxembourg, la Belgique, le citée par Ch. Grenier (1869) dans (0000.0079). Deux localités nou- Royaume-Uni, l’Irlande, la France, les prés marécageux et tourbeux de velles, à la seigne des Barbouillons, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la plaine ; il ajoute qu’elle manque commune de Mignovillard (M. André,

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comm. pers., 2006) et au pré de teau de Frasne et du val du Drugeon. ● Métapopulation de la Momont, commune de Houtaud. Une coupe des rejets de saules est tourbière des Quartiers, prévue à court terme. Bulle et Bannans (25) Dans le département du Doubs, l’espèce se rencontre uniquement ● Population de la tourbière Deux stations existent en périphé- dans le Bassin du Drugeon. Deux de la Loitière, Sainte- rie de la tourbière. La première était stations proches sont connues à la Colombe (25) connue par giLLet F. et al (1980) et tourbière des Quartiers à Bulle (25). par Prost J.-F. (1983) au nord de la L’une est indiquée par J.-F. Prost en La population d’Eriophorum gracile tourbière. En 1978, cette station a 1999 (Taxa© SBFC / CBFC) et l’autre du marais de la Loitière est consti- été en grande partie détruite par la par M. André en 2003 (M. André, tuée d’environ 800 tiges fertiles création d’un étang privé (giLLet f. 2003). D’autres stations sont décou- réparties sur une dizaine d’ares. Elle et al, 1980). Il subsiste aujourd’hui vertes par Y. Ferrez au marais de la se situe au pourtour d’une phragmi- moins d’une dizaine de tiges ferti- Loitière de Sainte Colombe (25) en taie et d’une tourbière alcaline de les dans une seule gouille de quel- 2002 (André M. et al., 2002), puis par l’Eriophoro - Caricetum lasiocarpae ques mètres carrés. Au bord de cette M. André au lieu-dit « La Seigne » (Volmar 1947) Passarge 1964. La gouille, quelques plantes se trou- sur cette même commune (André M. fermeture du milieu par la concur- vaient à l’intérieur d’une propriété et al., 2003). Aux Granges-Narboz, rence de Phragmites australis est une privée ceinturée par un grillage. La la Linaigrette est découverte à la menace sérieuse qui, à terme, peut seconde station a été découverte Grande Seigne en 2002 (André M. mettre en cause la pérennité de cette récemment au sud de la tourbière et al., 2002) ainsi qu’à Bannans à station par l’assombrissement et la par André M. (2003). Celle-ci est la tourbière de Champs Guidevaux. réduction de la surface du milieu plus importante que la première et ensuite, elle est revue à Frasne au favorable (cf. cliché 3 H.T.). La dyna- constituée d’un ensemble d’environ marais des Levresses, ainsi qu’à mique de la phragmitaie est suivie 200 épis. À proximité de cette sta- Chaffois à la tourbière de la Censure tion, à l’est de la tourbière et à l’est par un carré permanent mis en place (André M. et al., 2002). du drain qui la ceinture, se trouve par la Communauté de communes une dépression colonisée par une du val du Drugeon. Visité en 2005 2.4– État des populations dizaine de tiges fertiles. Sans bornage (guyonneau J., 2006), il montre une franc-comtoises précis, on peut admettre, d’après la légère augmentation de la densité de carte IGN, que cette petite popula- cette espèce sociale. Notons que la ● Population de la tourbière tion se trouve sur la commune de gestion par pâturage extensif est réa- de Champs Guidevaux, Bannans. La seule atteinte qui pèse lisée par la Communauté de com- Bannans (25) sur l’ensemble de la métapopulation munes du plateau de Frasne et du de la tourbière des Quartiers est due La population de Linaigrette grêle val du Drugeon. au fait que celle-ci est ceinturée en est estimée en 2005 à environ 1 800 sa périphérie d’un fossé large et pro- ● hampes fructifiées. La station s’étend Population de la tourbière fond. Il interdit le passage au cœur sur environ 50 ares. Le milieu est de la queue de l’étang de de la tourbière. Ce fossé joue le rôle constitué de marais de transition Frasne, Bonnevaux (25) d’un grand étang causant le réchauf- (Caricetum diandrae Jonaz 1932 fement de l’eau, l’abaissement de la em. Oberd. 1957) riches en espè- La Linaigrette grêle est connue à la nappe, le drainage de l’ensemble de ces, notamment prairiales (cf. relevé tourbière de la queue de l’étang de la tourbière et sa contamination par 150), révélant un stade assez évolué. Frasne depuis les travaux de GiLLet F. l’augmentation de la nappe en élé- Il occupe des dépressions humides et al. (1980). La population est esti- ments minéraux. en mosaïque avec des buttes de mée à environ 250 individus, répar- haut marais. Le tout constitue un tis dans une ancienne fosse d’ex- ● Métapopulation de la marais mixte où sont présentes plu- ploitation, soit une surface d’envi- tourbière de la Censure, sieurs espèces rares (Carex heleo- ron 35 ares. L’espèce occupe les Chaffois (25) nastes, Cinclidium stygium, Liparis dépressions les plus humides d’un loeselii, Drosera longifolia…). Ce complexe de gouilles et de buttes En 2005, la population de la Censure marais a fait l’objet de travaux de haut-marais bien enfriché par le constitue une des plus importantes de défrichement et de coupe des Pin à crochet. L’état de conservation stations visitées. En effet, le nombre ligneux en 1996 et en 1999 dans de la population est actuellement d’épis fertiles a été estimé à 10 000 et le cadre du programme Life/ACNAT favorable, mais l’atterrissement des la station occupe une surface d’envi- « Sauvegarde de la richesse biologi- dépressions, ainsi que la colonisa- ron 60 ares. La Linaigrette occupe ici que du Bassin du Drugeon », puis tion par le Pin à crochet, peuvent, à des dépressions du Caricetum dian- d’un gyrobroyage en 2003 par la terme, mettre en péril cet ensemble drae et la tourbière plate de l’Erio- Communauté de communes du pla- remarquable. phoro - Caricetum lasiocarpae. Il est

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à noter que 15 ares environ, au nord Tableau I : relevés phytosociologiques de l’alliance du Caricion lasiocarpae de la station, sont assez enfrichés par le Saule à oreillettes. La tourbière a Eriophoro- fait l’objet d’un gyrobroyage en 1997 Caricetum Caricetum diandrae lasiocarpae rostratae Sphagno- triquetrae Caricetum dans le cadre du programme Life/ Meesetum Eriophoreto- ACNAT « Sauvegarde de la richesse Relevé 6 75 55 67 48 106 39 11 115 150 82 9 biologique du Bassin du Drugeon », Recouvrement H 30 80 80 90 85 90 60 90 90 75 95 30 puis d’un défrichement en 2004 par Recouvrement M 20 60 90 1 30 30 20 10 20 100 70 50 la Communauté de communes de pH 6.6 7.1 7.2 7.0 6.8 6.5 6.5 - 6.5 - 7.2 4.5 Frasne et du val du Drugeon. Conductivité 198 400 435 560 145 133 160 - 290 - 229 20 Profondeur d’eau libre en m 0 0 0 0.1 0.5 0.1 0.3 0.3 0.05 - 0.15 0.5 • Synusie herbacée ● Métapopulation de la Eriophorum gracile 1 1 1 1 2 1 2 1 2 2 1 2 V tourbière de la Grande Scheuchzerietalia palustris Seigne, Granges-Narboz et Nordh. 1936 Menyanthes trifoliata 2 3 3 5 4 4 5 5 4 3 5 4 V Houtaud (25) Carex diandra 3 . . . 2 1 3 2 1 4 2 1 IV Eriophorum polystachion . 1 1 2 . 1 + + 1 1 . 1 IV La grande tourbière de Pontarlier Potentilla palustris 1 . . . . 1 1 + . 2 3 1 III abrite la plus importante station de Carex rostrata 3 . . 1 . . 2 . 2 . . 1 III Linaigrette grêle. Elle est estimée Carex lasiocarpa . . 4 . 5 . . 3 . . . . II à presque 15 000 hampes fertiles Carex limosa . 2 . . . 4 ...... I . au total et se répartit selon trois Drosera longifolia 1 ...... I Trichophorum alpinum 1 ...... I pôles distincts occupant 85 ares. Carex heleonastes ...... 1 . . . . . I Celui d’Houtaud a été découvert Rhynchospora alba ...... + I cette année. L’espèce fréquente des Caricetalia davallianae Braun- dépressions humides et des tourbiè- Blanq. 1949 Carex viridula subsp. . 2 5 1 . 1 1 1 2 . . . III res plates dans les anciennes fosses brachyrrhyncha var. elatior d’exploitation. Hormis la menace Carex davalliana ...... + . . . I potentielle de l’atterrissement du Parnassia palustris . + ...... I Primula farinosa subsp. milieu, aucune atteinte ne semble . + ...... I farinosa compromettre l’avenir de la popula- Dactylorhiza incarnata ...... + 1 1 . . II tion. La tourbière de la Grande Seigne Epipactis palustris . 1 ...... 1 . . I a fait l’objet de travaux de coupe des Dactylorhiza traunsteineri . . 1 ...... I ligneux en 1996 et en 2001 dans le subsp. traunsteineri Scheuchzerio palustris- cadre du programme Life/ACNAT Caricetea fuscae Tüxen 1937 « sauvegarde de la richesse biolo- Carex panicea . 2 1 2 1 + 2 . 2 2 . . IV gique du Bassin du Drugeon ». Un Equisetum palustre . . . . . 1 . . . 1 1 . II gyrobroyage est prévu début 2006 Pedicularis palustris . 1 . . 1 . 1 . . 2 . . II par la Communauté de communes Salix repens subsp. repens ...... 1 2 . . I du plateau de Frasne et du val du Carex nigra ...... 3 + 1 . II Drosera rotundifolia ...... 1 I Drugeon. Epilobium palustre ...... 1 . 1 . I Ranunculus flammula . . . . . r ...... I ● Population du marais du Phragmiti australis- pré de Momont, Houtaud Magnocaricetea elatae Klika in Klika & V. Novák 1941 (25) Equisetum fluviatile + . 1 1 1 1 1 1 1 2 2 + V Thysselinum palustre . . 1 1 1 . . + 1 . . . III Cette nouvelle localité, découverte Carex elata . . . . 1 . . . 1 . . . I en 2006, est cantonnée dans une Phragmites australis . 1 1 2 ...... II ancienne « mare à grenouille » qui Typha latifolia ...... 1 . I Molinio caeruleae-Juncetea est aujourd’hui colonisée par un acutiflori Braun-Blanq. 1950 radeau à Carex rostrata et Calliergon Molinia caerulea subsp. . + ...... + + . + II giganteum sur quelque mètres carrés. caerulea Elle compte une vingtaine de hampes Valeriana dioica ...... + 1 + + . II Caltha palustris ...... + 1 1 . II florales. Dans un contexte de cari- Cirsium rivulare ...... r + . I çaie à Carex elata et C. appropin- Cirsium palustre ...... r . . I quata en développement, la péren- Succisa pratensis ...... 1 . . I nité de la station n’est pas assurée Swertia perennis . + ...... I à long terme.

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Tableau I (suite) ● Population de la tourbière des Levresses, Frasne (25) Autres espèces Galium palustre subsp...... 1 + 1 . II palustre Une centaine de hampes fleuries Cardamine pratensis subsp...... 1 . . . I constitue cette petite population en pratensis 2005. Elle occupe les dépressions Eleocharis palustris subsp. . . . 2 ...... I palustris humides d’une ancienne fosse d’ex- Silene flos-cuculi ...... + . I ploitation. La principale dépression Angelica sylvestris ...... + . + . I se transforme en chenal d’écoule- Epilobium hirsutum ...... 1 . I ment pendant les hautes eaux. Elle Filipendula ulmaria subsp...... + . . I ulmaria est, de ce fait, préservée de l’atterris- Juncus articulatus subsp. sement, ce qui n’est pas le cas pour . + ...... 1 + . . II articulatus les petites dépressions avoisinan- Salix pentandra ...... 1 . . I tes. Cette station est intégrée dans la Potentilla erecta . + ...... 1 . . . I Betula alba ...... 1 . . I Réserve naturelle régionale des tour- Pyrola rotundifolia subsp. bières de Frasne, dont le gestionnaire ...... 1 . . I rotundifolia est la Communauté de communes Frangula dodonei ...... + . . I du plateau de Frasne et du val du Carex viridula subsp. . 1 ...... I viridula Drugeon. Elle a déjà bénéficié d’un Salix aurita ...... + . . . I gyrobroyage des ligneux en 2003. Salix caprea ...... + . . . . I Vaccinium oxycoccos . . . . . + ...... I ● Population de la tourbière • Synusie hydrophytique du lac de la Fauge, Étival Utricularietea intermedio- minoris Pietsch ex Krausch 1968 (39) Utricularia minor 1 . . . 1 1 1 . . . . 4 III Utricularia stygia . . . . 3 4 4 . . . . . II La visite de la station a permis de • Synusie muscinale dénombrer 21 tiges fertiles, qui se Caricion lasiocarpae Vanden situent à l’exutoire du lac dans une Berghen in Lebrun, Noirfalise, Heinemann & Vanden Berghen cariçaie à Carex elata. Comme dans 1949 l’ensemble du pourtour du lac, la Cinclidium stygium . . . . . 1 . . . 3 . . I station est dégradée par un piétine- Sphagnum contortum . . . . . 1 2 . . . . . I ment important, occasionné par les Meesia triquetra 2 ...... I Tomentypnum nitens ...... r . I pêcheurs. Les milieux tourbeux sont Scheuchzerietalia palustris particulièrement sensibles au piéti- Nordh. 1936 nement. Une autre menace poten- Scorpidium scorpioides . 1 1 . + 2 ...... II tielle pesant sur la station est la fer- Drepanocladus vernicosus . 2 . + . . 2 . . . . . II Scheuchzerio palustris- meture du milieu, qui pourrait se pro- Caricetea fuscae Tüxen 1937 duire avec un éventuel abaissement Calliergon giganteum 3 . 1 . + + 2 2 2 5 4 . IV du niveau du lac ou avec la diminu- Bryum pseudotriquetrum . + . + + . 1 1 1 + 1 . IV tion du débit à l’exutoire. Réduite, la subsp. pseudotriquetrum Campylium stellatum subsp. station est considérée comme étant 1 4 2 . + . . . 1 . . . III stellatum dans un état de conservation défa- Drepanocladus revolvens . + 5 . . . . . 1 . . . II vorable. Aneura pinguis . + + ...... I Fissidens adianthoides . + ...... I ● Population de la tourbière Oxycocco palustris- Sphagnetea magellanici Braun- Sous-le-Rosay, du lac de Blanq. et Tüxen 1943 Viry (39) Aulacomnium palustre . + ...... 1 . . I Sphagnum recurvum subsp...... 1 I angustifolium Découverte par J.-F. Prost en 1978, la Drepanocladus exannulatus ...... 4 I station était estimée à moins d’une Autres espèces dizaine de tiges fleuries. La Linaigrette Plagiomnium elatum . . . + ...... + . I grêle avait également été revue par Calliergonella cuspidata ...... 1 I S. Delonglée en 1999 lors de la révi- Climacium dendroides ...... r . I • Synusie arbustive sion de l’inventaire ZNIEFF. Nous Salix aurita ...... 2 . . . I n’avons pas revu cette espèce en 2005 et les milieux présents semblaient trop alcalins pour convenir à l’espèce (Caricion davallianae). Les prospec-

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tions doivent cependant être poursui- Tableau II : relevé phytosociologique Tableau III : relevés de l’alliance du Rhynchosporion phytosociologiques de l’alliance du vies pour confirmer cette absence. et relevant du Scorpido-Caricetum Magnocaricion elatae et relevant limosae Koch 1926 du Caricetum elatae Koch 1926 ● Population de la tourbière du Châtelet, Fort-du-Plasne Relevé 13 Relevé 1 87 (39) Recouvrement H (%) 80 Recouvrement H 70 40 Recouvrement M (%) 60 Recouvrement M 80 5 L’espèce n’a pas été revue en 2005, pH 6.95 pH 6.7 6.6 ni en 2004. En 2003, Y. Ferrez avait Conductivité 156 Conductivité 314 105 Profondeur d’eau libre en m 0 Profondeur d’eau libre en m 0.05 0.3 estimé l’effectif de la population • Synusie herbacée • Synusie herbacée entre 10 et 100 hampes. Pourtant, Eriophorum gracile 1 Eriophorum gracile 1 1 V la station, qui était assez enfrichée Rhynchosporion albae Koch 1926 Magnocaricion elatae W.Koch en 2003, a été gyrobroyée par le Carex limosa 4 1926 Parc naturel régional du Haut-Jura Menyanthes trifoliata 3 Carex elata 2 4 V Carex appropinquata 1 1 V en 2004. Scheuchzerietalia palustris Nordh. 1936 Carex viridula subsp. brachyrrhyncha Magnocaricetalia elatae 1 var. elatior Pignatti 1954 3– Autécologie et Trichophorum alpinum + Equisetum fluviatile 1 . III sociologie de l’espèce Scheuchzerio palustris-Caricetea fuscae Lysimachia vulgaris . + III Tüxen 1937 en Franche-Comté Scheuchzerio palustris- Carex panicea 2 Caricetea fuscae Tüxen 1937 Salix repens subsp. repens 1 Menyanthes trifoliata 3 3 V En France, d’après Danton Ph. et Phragmiti australis-Magnocaricetea Carex panicea + 1 V Baffray M. (1995), l’espèce affec- elatae Klika in Klika & V. Novák 1941 Salix repens subsp. repens + 1 V tionne les tourbières de 100 à 2 000 Carex elata 1 Carex rostrata 2 . III Equisetum fluviatile 1 Carex diandra 1 . III mètres d’altitude. Dans la région Utricularietea intermedio-minoris Equisetum palustre 1 . III parisienne (Bournérias M. et al. Pietsch ex Krausch 1968 Potentilla palustris 1 . III 2001), la Linaigrette grêle est donnée Utricularia minor 1 Carex limosa . 1 III comme étant caractéristique des cla- • Synusie muscinale Carex viridula subsp. . + III diaies et des phragmitaies pionniè- Scheuchzerietalia palustris Nordh. 1936 brachyrrhyncha var. elatior Scorpidium scorpioides 5 Dactylorhiza fistulosa . + III res relevant du Caricion lasiocarpae, Scheuchzerio palustris-Caricetea fuscae Molinio caeruleae-Juncetea ainsi que des tourbières alcalines Tüxen 1937 acutiflori Braun-Blanq. 1950 du Caricion davallianae. En Suisse, Calliergon giganteum 1 Valeriana dioica . + III d’après Käsermann (1999), l’espèce Autres espèces est caractéristique du Caricetum Thelypteris palustris . + III • Synusie muscinale lasiocarpae Koch 1926 et s’intro- Caricion lasiocarpae Vanden duit dans le Caricetum diandrae. En bières plates issues de la régénération Berghen in Lebrun, Noirfalise, Franche-Comté, Eriophorum gracile d’anciennes fosses d’exploitation ; il Heinemann & Vanden Berghen 1949 est caractéristique des tourbières de présente ici une forme pionnière et Cinclidium stygium . 5 III transition neutro-alcalines (Caricion peu typique. Cette association est Scheuchzerio palustris- lasiocarpae). Il possède son optimum caractérisée par une minéralisation Caricetea fuscae Tüxen 1937 dans les associations de l’Eriophoro - et une alcalinité plus élevée que les Calliergon giganteum 1 1 V Caricetum lasiocarpae et de l’Erio- autres associations de l’alliance. Les phoreto alpini - Meesetum trique- valeurs mesurées montrent en effet trae (Paul et Lutz 1941) Oberd. 1957 des valeurs de pH allant de 7,06 eux aussi la particularité d’être peu (GiLLet F. et al., 1980). L’écologie à 7,12 et de conductivité allant de évolués et donc mal caractérisés. Il des populations franc-comtoises 400 à 560 µs/cm. La végétation est s’agit d’une association de marais de de l’espèce est donc plus proche alors caractérisée par la présence de transition mésotrophe neutro-alcalin, de celle de Suisse que de celles du Menyanthes trifoliata, Eriophorum déterminée par la présence d’espèces Bassin Parisien. En effet, comme le polystachion, Carex viridula subsp. prairiales (Molinia caerulea, Valeriana montre le tableau I, Eriophorum gra- brachyrrhyncha var. elatior et Carex dioica, Caltha palustris) et domi- cile a été relevé comme caractéristi- panicea. La végétation muscinale née par l’ensemble caractéristique : que du Caricion lasiocarpae. Il s’in- est en général assez recouvrante et Carex diandra, Menyanthes trifoliata, troduit dans plusieurs associations dominée par Campylium stellatum, Equisetum fluviatile, puis d’autres laî- et de façon privilégiée dans l’Erio- accompagné de Scorpidium scor- ches : Carex rostrata, C. lasiocarpa, phoro - Caricetum lasiocarpae et le pioides, Drepanocladus revolvens C. limosa. Deux variantes ont été Caricetum diandrae. et Aneura pinguis. individualisées :

L’Eriophoro - Caricetum lasiocarpae Les groupements rencontrés, relevant – une variante à utriculaires (U. minor correspond à la végétation des tour- du Caricetum diandrae, présentent et U. stygia) correspond à la forme

60 Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 4, 2006 – Société Botanique de Franche-Comté

pionnière de l’association (cf. 600 cliché 4 H.T.). Les hélophytes se Eriophoro - Caricetum lasiocarpae réduisent à leur plus simple ensem- Granges-Narboz et Sainte-Colombe 67 ble caractéristique et se juxtaposent 500 aux gouilles à utriculaires relevant du Sphagno - Utricularietum ochroleu- 55 cae (Schumacher 1937) Oberd. 1957. 400 75 La profondeur de l’eau est un facteur essentiel ; elle varie de 10 à 50 cen- µs/cm 1 timètres. Certaines gouilles sont le 300 siège de circulations superficielles 115 pendant les hautes eaux ; 200 6 82 – une seconde forme plus évoluée 39 13 montre une richesse spécifique aug- 48 106 mentée d’espèces des prairies humi- 100 87 des et un recouvrement muscinal Sphagno - Caricetum rostratae accru. L’eau est ici moins profonde Bonnevaux 9 que précédemment (5 à 15 centimè- 0 4 5 6 7 8 tres) et son niveau varie davantage ; pH Les deux formes présentent une synu- Figure 1 : diagramme des mesures hydrochimiques réalisées dans l’eau de sie de bryophytes composée de façon la nappe constante par Calliergon giganteum et Bryum pseudotriquetrum. Ces deux remarquable par le recouvrement En conclusion, Eriophorum gracile espèces traduisent par ailleurs le stade important de Scorpidium scorpioi- est, en Franche-Comté, une espèce pionnier de l’association. des et de Carex limosa. trouvant son optimum de vitalité dans le Caricion lasiocarpae. Elle parti- Durant la prospection de terrain et Enfin, à Etival et à Bulle, la Linaigrette cipe alors à la composition floristique notamment à Bonnevaux, Eriophorum grêle a été observée dans une magno- de quatre associations, dont l’Erio- gracile a été observé dans d’autres cariçaie à Carex elata. À Etival, la sta- phoro - Caricetum lasiocarpae et le associations du Caricion lasiocarpae, tion se situe dans le chenal de l’exu- Caricetum diandrae de manière élec- telles que l’Eriophoreto - Meesetum toire du lac de la Fauge. Le courant tive, et en particulier dans des formes triquetrae (radeau tremblant neutro- ne permet pas l’installation d’une pionnières. Les espèces de haute fré- cline caractérisé par Trichophorum végétation de tourbière, mais favo- quence accompagnant la Linaigrette alpinum et Meesia triquetra) et rise une végétation d’hélophytes des grêle sont Menyanthes trifoliata, Carex le Sphagno - Caricetum rostratae Phragmiti australis - Magnocaricetea diandra, Eriophorum polystachion, Steffen 1931 (radeau tremblant de elatae dominée par Carex elata. Carex panicea, Equisetum fluviatile transition avec le haut-marais carac- Quelques éléments appartenant et Calliergon giganteum. Les condi- térisé par Carex rostrata, Sphagnum aux bas-marais sont toutefois repré- tions écologiques induisant la pré- recurvum subsp. angustifolium et sentés (cf. tableau III) : Menyanthes sence de la Linaigrette grêle dans les Drepanocladus exannulatus). Les trifoliata, Carex limosa, Carex pani- tourbières de transition sont la pré- valeurs écologiques mesurées sont cea, Salix repens et Cinclidium sty- sence de dépressions aquatiques par- faibles pour l’Eriophoro - Meesetum gium. Ils confèrent à ce groupement courues par un courant tout ou partie triquetrae (pH : 6,6 et conductivité une certaine affinité avec les tour- de l’année. La qualité de l’eau de la de 198 µs/cm) et sont très faibles bières neutro-alcalines. Les condi- nappe (cf. figure 1) est en moyenne pour le Sphagno - Caricetum rostra- tions écologiques montrent en effet neutro-alcaline, pauvre en calcaire tae, qui constitue une exception pour un pH neutrocline (6,6 et 6,7) et et peu à moyennement minéralisée : l’écologie d’Eriophorum gracile (pH : une conductivité moyennement le pH mesuré est compris entre 6,5 4,5 et conductivité de 20 µs/cm). faible (105 à 314 µs/cm). La station et 7,2 et la conductivité entre 100 et de Bulle, représentée par le relevé 450 µs/cm. Enfin, il est très impor- À Bonnevaux également, une popula- n° 87, montre davantage de simili- tant de noter qu’a priori seule la sta- tion vigoureuse a été remarquée dans tude avec le Caricion lasiocarpae tion du lac de la Fauge semble occu- une gouille du Scorpidio - Caricetum par la présence de Carex diandra, per un milieu apparemment primaire. limosae Osvald 1923 (groupement Carex rostrata et Potentilla palustris, Les stations du Bassin du Drugeon de gouille neutro-alcaline appar- alors que la végétation muscinale participent toutes à des végétations tenant au Rhynchosporion albae, est presque absente. secondaires issues de la régénéra- cf. tableau II). Cette association est

61 Répartition, état de conservation et écologie de la Linaigrette grêle (Eriophorum gracile Holub.) dans les tourbières de la chaîne du Jura français

Tableau IV : évolution de la connaissance d’Eriophorum Menaces État de gracile en Franche-Comté Menaces actives 1964 1984 2005 2006 potentielles conservation Avant Avant Avant Avant en 2005 inédites Stations Situation atterrissement, Bannans - - x x - favorable enfrichement Bonnevaux - x - x - atterrissement enfrichement favorable assèchement, eutrophisation : Bulle - x x x - atterrissement favorable fonctionnement Doubs d’étang Chaffois - x x x - atterrissement enfrichement favorable Granges-Narboz - - x x - atterrissement favorable Frasne - x x x - drainage atterrissement favorable Houtaud - - - x + atterrisement favorable Sainte-Colombe - - x x - enfrichement favorable Mignovillard - - - x + eutrophisation moyennement Étival - x - x - liée aux activités piétinement favorable de pêche atterrissement, Fort-du-Plasne - - x ? - à revoir enfrichement atterrissement, Viry - x x ? - défavorable Jura enfrichement Pleure x - - - - disparu Fays x - - - - disparu Champvans x - - - - disparu Sellières x - - - - disparu Sergenon x - - - - disparu Haute-Saône Corbenay x - - - - disparu Territoire Delle x - - - - disparu de Belfort Faverois x - - - - disparu tion d’anciennes fosses d’exploita- ne sont connues que depuis une ● Responsabilité et conservation du tion de tourbe. trentaine d’années, grâce aux tra- taxon en Franche-Comté vaux de GiLLet F. et al. (1980) et aux En France, Eriophorum gracile semble 4– Bilan investigations de J.-F. Prost dans les présenter des effectifs en diminution. années 1970. L’aire de répartition Sa présence n’est notée que dans qua- Le tableau IV présente l’évolution de la Linaigrette grêle est centrée sur torze départements français et elle a de la connaissance de l’espèce en le bassin du Drugeon (cf. figure 2). disparu dans vingt-cinq autres. Le Franche-Comté d’avant 1965 à nos L’espèce y présente un état de conser- Doubs et le Jura abritent des popu- jours, ainsi que l’état de conserva- vation favorable. Au contraire, les lations importantes. La responsabilité tion actuelle des populations et les trois stations haut-jurassiennes, dont de la Franche-Comté pour la conser- menaces pesant sur elles. D’après deux n’ont pas été revues en 2005, vation de cette plante est donc forte. les données historiques, cette espèce ont un statut précaire. était considérée comme fréquente Le statut de cette espèce est jugé vul- en plaine. De ce fait, peu d’auteurs ● Principales menaces constatées : nérable en Franche-Comté. Les sta- mentionnent la localisation exacte – eutrophisation et assèchement dus tions sont localisées ; elles présen- des stations et l’écologie précise de au fonctionnement d’étang ; tent un effectif important dans le l’espèce. D’une manière générale, – enfrichement (cf. cliché n° 3) ; Bassin du Drugeon, mais leur état de l’espèce a régressé en plaine, en – atterrissement ; conservation est défavorable dans le France (Danton Ph. et Baffray M., – piétinement. département du Jura. 1995), en Suisse (Käsermann ch., 1999) et également en Franche- ● Principales menaces potentielles : ● Plan d’action, mesures conser- Comté, comme l’illustre le tableau – atterrissement ; vatoires IV La connaissance de cette espèce – fermeture du milieu ; Un plan d’action doit être envisagé en Franche-Comté est donc récente. – drainage. pour cette espèce. Il doit permettre En effet, les stations de montagne de conserver la plante sur les sites où

62 Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 4, 2006 – Société Botanique de Franche-Comté

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elle est encore présente. Les mesures – mettre en place une protection Grenier ch., 1869. Flore de la chaîne de gestion doivent protéger les sites réglementaire des stations juras- jurassique. Mémoires de la société d’émulation du Doubs, 3e série, tome X. de toute modification des conditions siennes ; Besançon, Imp. Dodivers, 1864-1869, hydrologiques et prévoir la renatu- – suivre les populations, la colonisa- 1001 p. ration éventuelle de ces conditions. tion par les ligneux ou le Phragmite, Elles doivent également maintenir le et l’atterrissement du milieu ; GuYetAnt s., 1808. Catalogue des plantes milieu ouvert en le préservant de la – améliorer la connaissance concer- à fleurs visibles, qui croissent dans les montagnes du Jura et dans les plaines colonisation par les espèces ligneu- nant la dynamique des populations, qui s’étendent depuis ces montagnes ses. L’évolution par atterrissement la colonisation végétative et la bio- jusqu’à la Saône. Besançon. Non des anciennes fosses d’exploitation logie de la reproduction ; paginé. doit être surveillée. – envisager la création de dépressions humides sur certains sites en état GuYonneAu J., 2006. Suivis botaniques et cartographie floristique du site ● Mesures conservatoires urgentes de conservation défavorable. Natura 2000 Bassin du Drugeon. – étudier le fonctionnement hydro- Conservatoire Botanique de Franche- logique des stations, notamment Comté, Société Botanique de Franche- l’action des drains, afin d’y réta- Comté, Communauté de communes blir des conditions plus favorables du plateau de Frasne et du Val du à l’espèce. Envisager la suppression Bibliographie Drugeon, 56 p. des réseaux de drainage ; herBelin l., 1927. Nouvelle flore du – lutter contre la colonisation des André M., 2004. Notes floristiques. Bull. Territoire de Belfort. Belfort, p. 209- ligneux par gyrobroyage ; Soc. d’Hist. Nat. du Pays de Montbéliard, 264. – réduire l’impact de la fréquentation p.123-126. holuB J. et ProcházkA F., 2000. Red List of par les pêcheurs sur le pourtour du vascular of the Czech Republic. lac de la Fauge. André M., Ferrez Y. et Morcrette Ph., 2003. Mise en place et premiers résultats Preslia, Praha. du suivi de la flore dans le Bassin ● käserMAnn c., 1999. Fiches pratiques Mesures conservatoires de fond du Drugeon (Doubs). Les nouvelles – informer systématiquement les pro- pour la conservation – Plantes à fleurs archives de la flore jurassienne, Soc. et fougères – Eriophorum gracile Roth., priétaires ; Bot. de Franche-Comté, p. 13-29.

63 Répartition, état de conservation et écologie de la Linaigrette grêle (Eriophorum gracile Holub.) dans les tourbières de la chaîne du Jura français

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64 Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 4, 2006 – Société Botanique de Franche-Comté

Répartition, état de conservation et écologie d’Eriophorum gracile Holub. dans les tourbières de la chaîne du Jura français. Julien Guyonneau.

Cliché 1 : pédicelles des épis d’Eriophorum gracile

Cliché 3 : fermeture du milieu par la colonisation de Phragmites austra- lis sur la station d’Eriophorum gracile de la Loitière à Sainte-Colombe Julien Guyonneau Julien Guyonneau

Cliché 2 : épis en anthèse d’Eriophorum gracile Julien Guyonneau Julien Guyonneau

Cliché 4 : Eriophorum gracile dans un Caricetum diandrae pionnier

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