LE NOUVEL OBSERVATEUR

Guyane: face aux pilleurs d'or, Sarkozy endosse son costume de "chef des armées"

AP | 11.02.2008 | 20:54

C'est une "lutte sans merci" contre les pilleurs d'or -les orpailleurs clandestins- que a déclaré lundi au premier jour de sa visite en Guyane française, annonçant le renfort prochain d'un millier de militaires dans ce département d'outre-mer pour enrayer un fléau qui provoque de graves dégâts à l'environnement.

"Dès la semaine prochaine, une opération exceptionnelle de sécurisation du territoire de la Guyane va débuter", a annoncé le chef de l'Etat depuis le camp de base permanent du 3e Régiment étranger d'infanterie (REI) de la Légion étrangère, au sud de la Guyane française.

"La République va engager sur le territoire de la Guyane mille hommes dans cette opération", baptisée "Harpie", a-t-il précisé. Ces renforts viendront de métropole et des Antilles, et impliqueront des soldats et - pour la première fois- des membres du GIGN (groupement d'intervention de la gendarmerie nationale).

Une mission "dangereuse" qui durera "aussi longtemps qu'il le faudra", a promis le président.

Secteur aurifère, le sud de la Guyane est jalonné de centaines de sites d'orpaillage clandestin, qui provoquent de graves dommages à l'environnement du fait de l'utilisation de mercure pour agglomérer l'or. Cette substance, nocive, se retrouve dans la chaîne alimentaire par la pêche. "C'est pas normal que vous ne voyiez plus de poissons, et quand vous en voyez ils sont morts", s'est emporté Nicolas Sarkozy, endossant son costume de "chef des armées" et renouant avec ses accents de ministre de l'Intérieur. Les orpailleurs clandestins -les "garimpeiros"- viennent pour beaucoup du Brésil. Mardi, le chef de l'Etat doit rencontrer son homologue brésilien, Luis Inacio "Lula" da Silva.

"Nous ne devons pas nous contenter de simplement détruire des sites illégaux qui se reconstruiront quelques semaines plus tard. Nous devons destructurer durablement les réseaux d'approvisionnement des sites et s'attaquer aux commanditaires et à ceux qui blanchissent le produit de cette activité illégale", a-t-il expliqué, décrétant une "lutte sans merci" contre ces "bandits".

Alors que la Guyane subit une forte pression migratoire avec ses 1.200km de frontières, il a également annoncé que la police aux frontières du département disposerait d'un avion "de façon durable" pour reconduire les clandestins (on a recensé 10.000 reconduites à la frontière en 2007).

Enfin, il a justifié sa décision annoncée le 30 janvier de ne pas donner suite au projet d'exploitation d'une mine d'or par un groupe canadien sur la montagne de Kaw, en Guyane. "Si j'avais laissé faire ce projet, nous aurions porté atteinte de façon irrémédiable à un patrimoine naturel considéré comme unique", a-t-il défendu. "La montagne de Kaw, je ne pouvais pas la sacrifier", a-t-il dit, promettant de faire de la Guyane "un territoire exemplaire en matière écologique".

"C'est un enjeu universel car, ici, c'est la diversité du monde et c'est la réserve d'oxygène du monde", a-t-il conclu. "Nous n'avons pas le droit de faire d'erreur".

AP

LE MONDE

L'armée et le GIGN appelés en renfort

| 12.02.08 | 14h34 CAYENNE ENVOYÉ SPÉCIAL

Nicolas Sarkozy, en visite en Guyane du 11 au 12 février, a annoncé le déploiement de 1 000 hommes, dès la semaine du 17 février, pour "une opération exceptionnelle de sécurisation du territoire". "J'ai demandé aux armées de déployer des renforts venant de la métropole et des Antilles, ainsi que des moyens d'observation et de transport aérien", a déclaré le président de la République à Camopi, un village amérindien situé sur le bord de l'Oyapock, à la frontière avec le Brésil. "La gendarmerie nationale enverra, parallèlement, des renforts ainsi que des spécialistes du GIGN", a-t-il ajouté.

Nicolas Sarkozy a aussi annoncé une modification du code minier, du code des douanes et du code de procédure pénale pour renforcer l'arsenal juridique contre les clandestins.

Selon les statistiques officielles, 3 000 orpailleurs clandestins séviraient en Guyane. Les associations avancent des chiffres plus inquiétants, de l'ordre de 8 000 personnes. Cet orpaillage sauvage est à l'origine d'un désastre écologique dans la forêt amazonienne. Ces garimpeiros déversent dans les cours d'eau des boues résiduelles, du carburant et surtout du mercure, utilisé pour agglomérer les particules d'or. Ce métal se retrouve le long de la chaîne alimentaire jusqu'à l'homme. Selon des études de la Direction générale de la santé, plus de 70 % des enfants amérindiens Wayana du Haut-Maroni présenteraient des concentrations de métal supérieures aux normes de l'OMS, liées à la consommation de poissons du fleuve.

CAMPS PLUS DISCRETS

Le WWF, qui a organisé un survol de sites témoins, le 10 février, avec la députée Christiane Taubira (, app. PRG), estime à 500 le nombre de chantiers. "Les camps sont plus discrets et plus petits, estime Laurent Kelle, représentant du WWF en Guyane. On peut avoir l'impression que leur nombre diminue, mais en réalité, on assiste à un éparpillement." Pour Mme Taubira, "la situation ne peut que s'aggraver, l'or ayant atteint un niveau historique". La députée souhaite que l'on s'attaque en priorité aux filières d'approvisionnement des orpailleurs en matériel et carburant.

En 2007, la gendarmerie a mené 113 opérations "Anaconda" contre les orpailleurs clandestins. Elles ont permis la destruction de matériel pour une valeur de 23 millions d'euros, la saisie de 12 kg d'or et de 71 kg de mercure.

Lundi 11 février, M. Sarkozy a justifié son refus d'ouvrir une mine d'or à ciel ouvert, qui aurait été exploitée par la société canadienne Iamgold, sur le site de la montagne de Kaw, au sud-est de Cayenne : "Si nous avions laissé ce projet se faire, a-t-il déclaré, nous aurions porté atteinte, de façon irrémédiable, à un patrimoine naturel considéré comme unique."

Xavier Ternisien

L’EXPRESS

11/02/2008

Nicolas Sarkozy se met "au vert" en Guyane

Nicolas Sarkozy s'offre depuis lundi une parenthèse "verte" en Guyane, son premier déplacement outre-mer en tant que président. Il doit y rencontrer mardi son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.

En chute libre dans les sondages, contesté au sein-même de sa majorité à un mois des municipales, Nicolas Sarkozy s'est offert lundi en Guyane une parenthèse "verte" au coeur de la forêt amazonienne, loin du tumulte politique métropolitain.

Sitôt son Airbus posé à Cayenne, il s'est plongé dans l'"enfer vert" à Camopi, au sud du département, un village amérindien "du bout de la ", à la porte des 3,3 millions d'hectares du plus grand parc naturel "européen".

Pour son premier déplacement outre-mer de président, Nicolas Sarkozy a ouvert sa suite à sept membres du gouvernement mais pas à son porte-parole David Martinon, resté à Paris après le psychodrame électoral du week-end à Neuilly (Hauts-de-Seine).

A Camopi, le chef de l'Etat a refusé de répondre sur cette affaire aux journalistes qui pataugeaient avec lui dans la boue, reprenant à son compte le fameux "pas de commentaire" qui avait fait la notoriété de son porte-parole lors de son divorce avec Cécilia...

Loin de la jungle neuilléenne A plus de 7 000 km de la jungle électorale neuilléenne, le chef de l'Etat est resté concentré, au cœur de celle d'Amazonie, sur les questions d'environnement, de biodiversité et de développement durable.

Comme à chacun de ses séjours guyanais de ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a dénoncé les ravages environnementaux de l'orpaillage illégal, et annoncé le lancement la semaine prochaine d'une opération d'envergure contre les "garimpeiros", les chercheurs d'or brésiliens.

Le président a promis de mettre un coup de pied dans la fourmilière qui durerait "le temps qu'il faudra". "La terre de Guyane ne sera plus violée impunément", a-t-il lancé.

Sécurité et développement durable Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), 10 tonnes d'or sont extraites chaque année illégalement en Guyane, contre à peine 3 dûment déclarées. Les activités des "garimpeiros", largement armés, alimentent également l'insécurité.

Outre ce volet sécuritaire, Nicolas Sarkozy a plaidé pour un développement durable de la Guyane, justifiant son récent refus d'autoriser un projet de mine d'or à ciel ouvert à Kaw (est).

"Si j'avais laissé ce projet se faire, nous aurions porté atteinte de façon irrémédiable à un patrimoine naturel considéré comme unique", a justifié le chef de l'Etat, "ici, nous devons démontrer que nous sommes capables de concilier (...) le développement du territoire et le respect de notre planète".

Son "non" au projet, qui prévoyait la création de 900 emplois directs et induits dans une région où le taux de chômage atteint près du triple (20,2%) de la moyenne hexagonale, a suscité la colère des acteurs économiques locaux.

Bientôt sur Mars? Au centre spatial de Kourou, Nicolas Sarkozy a plaidé en faveur d'une "stratégie spatiale raisonnée et cohérente" de l'Europe, passant notamment par une coopération accrue avec les Etats-Unis pour l'exploration de Mars.

"Il n'est pas question, je le dis pour la France et je le propose à nos partenaires européens, de réduire nos efforts ou nos ambitions dans le domaine de l'espace", a déclaré le président Sarkozy lors d'un discours prononcé depuis le salle de commandement Jupiter du centre spatial guyanais.

Mardi, le président ouvrira la page internationale de son séjour en accueillant en voisin son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, au bord du fleuve qui délimite la frontière entre les deux pays.

REUTERS

CAYENNE 12/02/2008

Nicolas Sarkozy s'est efforcé lundi soir d'apaiser la colère des milieux économiques guyanais, furieux de son véto sur un projet de mine d'or en Guyane française, le département le plus pauvre de France.

Dans un discours devant les représentants de ces milieux économiques, à Cayenne, le président de la République a promis l'élaboration d'un "schéma départemental d'orientation minière et d'aménagement" cette année - un schéma, a-t-il précisé, qui sera "réactualisé tous les ans".

"Ce schéma définira le cadre d'une exploitation de l'or respectueuse des richesses de la biodiversité", a poursuivi le chef de l'Etat. Il définira "des zones ouvertes à l'exploitation minière (...) et des zones interdites à l'exploitation minière" et l'Etat lancera des appels d'offre sur les zones ouvertes.

Nicolas Sarkozy a décidé fin janvier de ne pas donner suite au projet d'exploitation d'une mine d'or par le groupe canadien IamGold sur la montagne de Kaw, à Roura, dans un écosystème de forêt primaire très riche.

IamGold comptait extraire 34 tonnes d'or en sept ans sur ce site, en utilisant un procédé industriel à base de cyanure, avec 340 emplois annoncés pour l'exploitation.

Gelé à deux reprises, en 2006 et 2007, afin de mener des missions d'inspection, le projet a fédéré en Guyane de nombreux opposants, associations de préservation de l'environnement et d'habitants, partis et mouvements politiques, dont le Parti socialiste guyanais, majoritaire au Conseil régional, et Walwari, le mouvement de la députée Christiane Taubira (PRG).

Ce projet était en revanche soutenu localement par le Medef, la chambre de commerce, l'UMP, la mairie de Roura et l'association des maires de Guyane.

Le rejet de ce projet "n'a rien de politique", a assuré Sarkozy. "La seule chose qui m'a animé (...) c'est la conscience écologique qui nous pousse à considérer les bases du développement durable comme une exigence."

"La décision que j'ai prise n'a pas été facile à prendre (...) D'ailleurs si la décision avait été facile à prendre je me demande bien pourquoi personne ne l'a prise", a-t-il poursuivi. "Si c'était si facile, il ne fallait pas se gêner, à me laisser toujours le truc difficile ! Depuis le temps qu'on y réfléchit, il y a bien des gens qui avaient dû comprendre."

"CONSERVATOIRE ECOLOGIQUE"

Sarkozy a justifié sa décision par la nécessité de préserver la montagne de Kaw.

"L'Etat n'a aucune volonté de mettre la Guyane sous cloche pour en faire une sorte de vaste réserve naturelle", a-t-il cependant ajouté. "Je souhaite bien au contraire que cet épisode (...) nous permette de sortir d'une gestion au coup par coup et soit le point de départ d'une véritable politique minière et industrielle de long terme, assumée par tous."

Le chef de l'Etat a annoncé qu'il recevrait "les représentants du projet IamGold".

Dans la matinée, il avait annoncé un renforcement de la lutte contre les orpailleurs clandestins, une des plaies de la Guyane, avec la mobilisation d'un milliers de soldats et de gendarmes supplémentaires.

Pour faciliter la structuration d'une véritable filière aurifère en Guyane, Sarkozy a d'autre part annoncé l'augmentation et l'indexation sur le cours mondial de l'or de la redevance minière en Guyane "dès cette année".

"Le bénéfice en reviendra aux collectivités locales concernées", a-t-il précisé.

Une partie de cette redevance sera réservée au financement d'un "conservatoire écologique de la Guyane" dont le chef de l'Etat a souhaité la création.

Il a par ailleurs annoncé qu'il avait confié au président de Sanofi- Aventis, Jean-François Dehecq, une mission consistant à définir un projet de valorisation des ressources naturelles de Guyanne française.

"Ce projet se traduira par des investissements matériels concrets dans le domaine de la pharmacie mais aussi des biotechnologies pour les cosmétiques, la santé ou encore l'agronomie", a précisé Sarkozy, qui a assuré que "l'Etat assurera ses responsabilités" financières.

Il a également présenté les grandes lignes du futur projet de loi programme pour le développement de l'outre-mer, qui prévoit notamment la création de "zones franches globales" dans chaque département d'outre-mer. Seront concernés l'impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et la taxe foncière.

Enfin, il a promis que l'Etat, propriétaire de l'essentiel du foncier en Guyane, mènerait une politique d'attribution des terrains "lisible, équitable et rapide", avec généralisation de l'attribution gratuite de terrains aux collectivités locales qui en feront la demande pour réaliser des équipements publics.

Emmanuel Jarry

REUTERS

12/02/2008

Sommet Sarkozy-Lula sur l'Oyapock par Emmanuel Jarry

SAINT-GEORGES DE L'OYAPOCK, Guyane (Reuters) - Nicolas Sarkozy et Luiz Inacio Lula da Silva se sont retrouvés sur l'Oyapock, à la frontière entre le Brésil et la Guyane française, pour une réunion et un déjeuner de travail.

Le président brésilien a franchi en vedette, au milieu d'une flottille d'embarcations chargées de membres des forces de sécurité, le fleuve large à cet endroit de plusieurs centaines de mètres, qui constitue la frontière entre le Brésil et le plus pauvre des quatre départements d'outre-mer français (DOM)

Il a rejoint son homologue français à Saint-Georges-de-l'Oyapock, bourgade de 2.150 habitants dans la forêt amazonienne, où le prédécesseur de Nicolas Sarkozy, , avait déjà reçu le 25 novembre 1997, le président brésilien de l'époque, Fernando Henrique Cardoso.

Jacques Chirac et Fernando Henrique Cardoso avaient alors lancé le projet de construction d'un pont sur l'Oyapock financé à égalité par la France et le Brésil. Projet qui a fait l'objet d'un accord signé le 15 juillet 2005 mais n'a toujours pas connu un commencement de réalisation.

Selon l'Elysée, Nicolas Sarkozy compte parler de cette opération évaluée à 30 millions d'euros avec le président Lula, pour relancer ce projet.

Le président français, en costume cravate, a accueilli son homologue brésilien, en chemisette blanche et col ouvert, sur le débarcadère jouxtant la place de la petite mairie de Saint-Georges de l'Oyapock, décorée des drapeaux de la France, du Brésil et de l'Union européenne, face à la petite ville brésilienne d'Oiapoque. Sur le ponton se tenaient quatre gardes républicains en grande tenue venus de Paris.

Une petite foule, dont une forte proportion des Brésiliens, contenue par des barrières métalliques et un important dispositif policier a assisté à leurs retrouvailles. Les deux chefs d'Etat ont franchi l'espace entre le ponton et la mairie en serrant les mains des spectateurs.

Après les honneurs militaires rendus par des unités de la légion étrangère en képi blanc et les hymnes nationaux joués par 20 musiciens de la Musique principale de l'armée de terre venus spécialement de métropole - l'hymne brésilien a été repris par la foule et l'hymne français applaudi - , les chefs d'Etat ont tenu leur réunion de travail dans le petit Hôtel de ville.

Un des objectifs du sommet, dit-on côté français, est de renforcer les relations entre la Guyane française et son grand voisin, notamment avec les Etats de l'Amapa et du Para.

La France souhaite en outre la coopération du Brésil pour lutter contre l'immigration clandestine, l'orpaillage clandestin - une des plaies de la Guyane française - et les activités illégales de pêcheurs brésiliens dans les eaux guyanaises.

Nicolas Sarkozy a annoncé lundi, lors d'une visite à Camopi, village amérindien sur la frontière brésilienne, la mobilisation d'un millier de militaires et de gendarmes supplémentaires en Guyane pour lutter contre les chercheurs d'or clandestin, dont beaucoup viennent du Brésil ou l'utilisent comme base arrière.

"PARTENARIAT STRATEGIQUE"

L'autre objectif du sommet de Saint-Georges de l'Oyapock et de donner un contenu concret au partenariat franco-brésilien resté jusqu'ici au stade "déclaratoire", dit-on à l'Elysée.

"L'objectif, à cette occasion, n'est pas de signer des contrats ni de faire des déclarations fracassantes mais de poser des jalons clairs, avec des plans d'action, un calendrier, qui permettront de passer d'un partenariat déclaratoire à un partenariat véritablement stratégique, aussi bien dans le domaine bilatéral que dans le domaine international", explique-t-on de même source.

En matière bilatérale, la France est disposée à répondre aux besoins du Brésil en matière d'infrastructure, d'énergie, de défense, de transferts de technologie, fait valoir l'Elysée.

Le Brésil, leader mondial dans les biocarburants, entend notamment relancer sa filière nucléaire civile.

En matière de coopération internationale, la France soutient la candidature du Brésil à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'Onu et propose son intégration dans un G8 élargi à 13 membres.

"Nous voulons faire du Brésil une priorité dans une région, l'Amérique latine, qui n'a jamais été une priorité de la France", souligne l'entourage de Nicolas Sarkozy. "C'est un point d'appui pour nous, pour véritablement rendre à nos relations avec ce continent l'importance qu'elles doivent avoir."

Les deux chefs d'Etat pourraient aussi évoquer la question des otages détenus par les rebelles colombiens des Farc, dont la ressortissante franco-colombienne Ingrid Betancourt.

RFI

Sarkozy déclare la guerre aux orpailleurs clandestins par Frédéric Farine

Article publié le 12/02/2008

A Camopi, Nicolas Sarkozy a annoncé une opération inédite pour lutter contre l'orpaillage clandestin qui pollue les rivières de Guyane depuis quinze ans. Le président de la République compte mobiliser un millier d'hommes. Le GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) est sur place depuis une quinzaine de jours. Mais la montée du cours de l'or complique le combat de la France.

Alain est infirmier depuis six ans à Camopi, village isolé au sud-est de la Guyane à la frontière du Brésil. « Depuis 2 ans, les opérations de destruction des sites aurifères illicites ont augmenté », reconnait-il en attendant l'arrivée du président de la République dans cette commune amérindienne isolée à la frontière du Brésil « mais l'orpaillage clandestin se poursuit. A 20 minutes de pirogue, rive brésilienne, il y a un village où transitent des tracteurs, des moteurs, des quads, du carburant, tout le matériel d'orpaillage en partance pour la Guyane. Les policiers brésiliens sont plutôt passifs », regrette-t-il.

«Il n'y a pas de réelle volonté des Brésiliens de lutter contre cet orpaillage illégal. Ce n'est pas chez eux et la seule des frontières où ils n'ont pas d'emmerdes, c'est celle de 700 km avec la France», nous confie un haut-gradé de l'armée pendant le discours du président de la République.

Ce mardi en rencontrant Lula à Saint-Georges-de-l'Oyapock, Nicolas Sarkozy devrait poser le problème. Le 30 novembre dernier, un avion brésilien s'est posé à Camopi pour une opération conjointe avec la France. Les policiers fédéraux brésiliens ont détruit des constructions illégales juste en face de Camopi, à Villa Brasil, sur la rive brésilienne, encore un village où beaucoup se sont enrichis du commerce lié à l'or illicite.

A Camopi, la rivière du même nom dévoile une couleur caramel, plus loin il y a la Sikini et son marron boueux ou encore l'Alikéné de couleur beige. Toutes ces couleurs attestent d'activités aurifères en amont. Nombre de rivières guyanaises ne sont plus que particules en suspension. « Les poissons y meurent », a reconnu Nicolas Sarkozy avant d'ajouter devant les habitants de Camopi « l'Etat n'a pas toujours été irréprochable à votre égard ». En Guyane, en décembre, un sondage a révélé que 75% des interrogés considéraient que la lutte de l'Etat contre l'orpaillage clandestin n'était pas satisfaisante.

« Il ne suffit pas de courir après les hommes dans la forêt »

« Les orpailleurs sont très organisés, ils creusent des layons (sentiers) dans la forêt pour éviter le barrage des gendarmes sur la Sikini, puis des pirogues les attendent plus loin », indique René Monerville, piroguier amérindien de Camopi. Aux grands maux les grands remèdes. « A partir de la semaine prochaine, la République va engager 1 000 hommes en Guyane dans une opération qui utilisera des matériels faisant appel à des technologies jamais utilisées sur le territoire français. Elle durera aussi longtemps qu'il le faudra », a annoncé Nicolas Sarkozy.

« Plus de 500 renforts en hommes », selon un proche du président. Une petite dizaine de policiers du GIGN sont présents pour l'action et la formation depuis deux semaines. Selon le général Carpentier, commandant des forces armées « nous devons bénéficier du renfort de deux compagnies soit entre 300 et 400 hommes ». Un Airbus de l'armée est arrivé avec les premiers renforts vendredi 8 février. Deux autres avions sont attendus le 14 et le 16. Les forces de l'ordre bénéficieront pour l'opération d'un Transall et de deux hélicoptères Puma de plus. L'hélicoptère EC145 de la gendarmerie promis par le ministre de l'Intérieur Sarkozy pour Noël 2003 est arrivé fin novembre 2007.

« Cette mobilisation de 1000 hommes est pour une durée indéterminée. On attend de voir avant de juger de son efficacité », a commenté la députée divers-gauche, Chantal Berthelot. Christiane Taubira, l'autre députée Guyane se dit perplexe : « Ce président n'arrive pas à comprendre que ces activités clandestines ont des raisons d'abord économiques et sociales. Ces garimpeiros viennent des Etats pauvres du Brésil. Ils ont aussi envahi le Surinam, le Guyana et le sud du Venezuela. Il ne suffit pas de courir après les hommes dans la forêt amazonienne. Surtout qu'en l'annonçant si pompeusement une semaine avant, on leur permet de se camoufler. On ne pourra pas régler ce problème sans véritable coopération entre la France et le Brésil. Car la hausse du cours de l'or réduit le risque pour l'orpailleur ».

« De grosses opérations en forêt repoussent des illégaux vers le littoral et cela risque d'y augmenter la délinquance. C'est une donnée à prendre en compte », analyse Georges Patient, le maire de Mana (ouest guyanais).

« Nous devons nous attaquer aux commanditaires », a aussi indiqué Nicolas Sarkozy. Un GIR (Groupe d'intervention régional) a été créé en Guyane en octobre 2006 pour remonter les filières de financement de l'orpaillage illicite : « Cela fait un an qu'on nous annonce des mises en examen », glose Christiane Taubira. «Dans les 6 mois à venir, il y a des notables guyanais qui vivent de la logistique de l'orpaillage illicite qui pourraient tomber », assure une source proche du dossier. Fin 2006, selon un document de l'ONF (Office national des forêts) non rendu public, 5 122,8 hectares avaient déjà été exploités illégalement en Guyane.